forte hausse du prix du gaz naturel au cours de …
TRANSCRIPT
YANNICK RASMUSSEN
FORTE HAUSSE DU PRIX DU GAZ NATUREL AUCOURS DE L'HIVER 2000-2001 ET ÉLASTICITÉ-PRIX ASYMÉTRIQUE DE LA DEMANDE DE GAZ
NATUREL AU QUÉBEC
Mémoire présentéà la Faculté des études supérieures de l'Université Lavaldans le cadre du programme de maîtrise en économique
pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)
FACULTE DES SCIENCES SOCIALESUNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2006
© Yannick Rasmussen, 2006
Résumé
Dans ce mémoire, j'explique l'impact de la forte hausse du prix du gaz naturel en 2000-
2001 sur la demande au Québec. Je vérifie empiriquement que l'élasticité-prix de la demande est
asymétrique. Cette propriété est prévue par le modèle théorique de choix en incertitude de Dixit
et Pindyck et celui de Kahneman et Tversky. J'analyse les consommations mensuelles de
l'ensemble des usagers de SCGM pour la période de mars 1999 à mars 2003 à l'aide d'un modèle
de demande avec retard de type Koyck estimé sur des données en panel en incluant des effets
fixes et en permettant au coefficient des augmentations de prix de différer de celui des baisses de
prix.
Avant-propos
Cette étude a reçu l'appui de la Société en Commandite Gaz Métro (SCGM) et du Groupe
de Recherche en Économie de l'Environnement et des Ressource Naturelles du département
d'économique de l'Université Laval (G.R.E.E.N.). Cet appui fut assuré principalement par
Vincent Pouliot et Richard Tessier de chez SCGM qui m'ont été d'une aide précieuse tout au
long de l'exercice ainsi que par mes directeurs de mémoire Jean-Thomas Bernard et Patrick
Gonzalez dont la disponibilité fut remarquable. L'espace me manque pour remercier tous ceux
qui m'ont aidé jusqu'ici, mais je ne peux manquer de saluer ceux qui ont vécu avec moi, et de
plus près, la brève aventure de la maîtrise à l'Université Laval. Sur ce, salut Amé, Dave, Fred,
Mo et Dun, merci pour cette belle année.
Ce mémoire parle de choix et particulièrement de ceux faits en situation d'incertitude. Il
souligne, entre autres choses, la complexité de ceux-ci bien que l'objectif soit ici clairement
défini. Les nombreuses décisions que nous devrons prendre à la suite de cette maîtrise (pour ceux
qui la finiront) se feront souvent dans un cadre tout autre qui, cela va sans dire, échappe aux
modèles économiques présents. Je le regrette, mais sa lecture ne vous sera donc pas d'un grand
secours. Je ne peux que vous souhaiter bonne chance.
« ...le but que l'on poursuit est toujours voilé. Une jeune fille qui a envie de se marier a envie
d'une chose qui lui est tout à fait inconnue. Le jeune homme qui court après la gloire n'a aucune
idée de ce qu'est la gloire. Ce qui donne un sens à notre conduite nous est toujours totalement
inconnu. »
L insoutenable légèreté de l'être
Milan Kundera
À mes parents,pour qui la complétion de cetravail a semblé si important
IV
Table des matières
Page1. Introduction 0
2. Historique de l'offre, de la demande et du prix 3
3. Modélisation du choix des consommateurs 7
3.1. Choix d'énergie, consommation et psychologie 7
3.2. Évolution du prix 9
3.3. Modèle de base d'évolution du prix d'une ressource non renouvelable 10
3.4. Processus aléatoire et investissement 123.4.1. Exemple 20
3.5. Prospect theory 22
3.5.1. Exemple 26
3.6. Théorie et pratique 28
4. Modèle de demande 30
4.1. Données : sources et unités 30
4.2. Définitions 31
4.3. Spécification du modèle 33
4.4. Estimations 41
4.5. Résultats 45
5. Conclusion w 48
1. Introduction
Lors de l'hiver 2000-2001, le prix du gaz naturel en Amérique du Nord a atteint un
sommet historique à la suite d'une forte augmentation de la demande. Cette hausse de demande
peut être expliquée principalement par la déréglementation du prix de l'électricité dans le sud-
ouest américain incitant fortement la génération d'électricité à partir du gaz naturel et par un hiver
particulièrement froid entraînant une consommation élevée pour la chauffe. Au Québec, le prix
de la ressource a augmenté de 155% en 10 mois entre mars 2000 et janvier 2001 (voir le
graphique 1). Ce mémoire tente de décrire la réponse des consommateurs face à un tel choc de
prix.
Graphique 1
Prix réel du gaz naturel au Québec
35 i
30-
25 -
20-
<u 15 -
10 -
5
Prix du gaz naturel
p. Si' t 9
Date
À la section 2, nous décrivons brièvement le contexte du gaz naturel en Amérique du
Nord, nous survolons la situation particulière de l'offre ainsi que l'évolution de la demande.
A la section 3, nous tentons de décrire le comportement théorique des agents consommant
une source d'énergie dont le prix est incertain. Nous présentons d'abord un modèle d'évolution
stochastique des prix relativement simple, un Mouvement Géométrique Brownien (MGB), ce
choix étant justifié par la situation étudiée (l'extension à des types plus complexes est directe et
n'influence pas la direction de nos résultats). Nous en déduisons les principales implications
quand au comportement attendu des consommateurs en adaptant d'une part le modèle de choix en
incertitude de Dixit et Pindyck (1994), que l'on peut caractériser de modèle de choix rationnel, et
d'autre part le modèle de rationalité bornée de Kahneman et Tversky. Les deux modèles
suggèrent la présence d'élasticité-prix asymétrique de la demande de gaz naturel.
Par la suite, nous tentons de vérifier empiriquement ces résultats théoriques. Ceci est fait à
la section 4 par une analyse des déterminants de la demande de gaz naturel pour les différents
secteurs d'activité et régions du Québec pour lesquels nous utilisons des données mensuelles
couvrant la période de mars 1999 à mars 2003. Nous voulons principalement observer la réponse
de la demande à des changements de prix mais sommes conscient que l'estimation de ce
paramètre est sensible à la spécification choisie de la demande en tant que fonction du revenu, de
la température et des prix des différentes sources d'énergie substituts. Nous cherchons la présence
d'effets asymétriques dans la réponse de la demande aux variations de prix.
À cette fin nous adaptons un modèle commun de demande d'énergie avec retard de type
Koyck pour l'ensemble des usagers de la Société en Commandite Gaz Métro (SCGM) en tenant
compte de l'hétérogénéité des différents sous-groupes de consommateurs. Afin d'évaluer
l'ampleur de l'asymétrie des variations de demande liées aux variations de prix du gaz naturel,
nous permettons aux coefficients de différer selon qu'ils pondèrent une augmentation ou une
diminution du prix.
2. Historique de l'offre, de la demande et duprix
Au Canada les réserves connues de gaz naturel se trouvent principalement dans le bassin
sédimentaire de l'Ouest canadien (BSOC). Ce bassin s'étend sur la presque totalité du territoire
de l'Alberta, couvre une grande partie de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan ainsi
qu'une petite partie du Manitoba et du Territoire du Nord-Ouest. De plus, on retrouve des
réserves de gaz naturel en Ontario et au large de la Nouvelle-Ecosse.
Le fait saillant des années 80, en ce qui concerne le gaz naturel au Canada, fut la
déréglementation du prix en 1985. De 1985 à 1987, les prix du gaz naturel ont chuté de 40%'.
Ensuite, les prix sont demeurés relativement bas jusqu'à la fin des années 90. Durant cette
période la production est passée de 74,9 109m3 en 1986 à 170,3 109m3 en 1999, la capacité
d'exportation a quadruplé, en 2000 le gaz naturel produit au Canada répondait à 25% des besoins
en gaz naturel de l'Amérique du Nord et à 15% de la demande des États-Unis.
De leur côté, les réserves établies ont diminué légèrement depuis 1985. Les réserves
totales connues au Canada sont passées de 1 940 109m3 en 1986, à 1 800 109m3 en 1995, à 1 606
1 Lorsqu'il n'est pas indiqué autrement, les statistiques présentées dans ce premier chapitre proviennent de l'Officenational de l'énergie du Canada (2000).
109m3 à la fin de 1999. À la fin de 1999, le BSOC renfermait 1517 109m3, la zone au large de la
Nouvelle-Ecosse en comptait 85 109m3 et l'Ontario 13 109m3. Grâce aux réserves excédentaires
disponibles au lendemain de la déréglementation et à des programmes continus de forage
exploratoire et de développement, il fut possible de doubler la production tout en maintenant un
niveau relativement stable de réserves connues. Par contre, on remarque une accélération dans la
vitesse avec laquelle ces réserves diminuent désormais.
La déréglementation a concordé avec l'intégration du marché nord-américain. Il est par
conséquent intéressant de regarder l'évolution des stocks et de l'offre de gaz naturel aux États-
Unis. Bien que le Canada n'importe pas de gaz naturel des États-Unis, l'état du marché américain
affecte les prix au Canada. En effet, depuis 1990, la bourse de New York (NYMEX) permet la
négociation de contrats à terme sur le gaz naturel ce qui a entraîné une convergence des prix en
Amérique du Nord.
Contrairement au Canada, on trouve aux États-Unis plusieurs grands bassins, notamment
dans la région du golfe du Mexique où l'on en retrouve près d'une demi-douzaine. Une grande
partie de ces bassins se situe au large. Ainsi, la production de gaz naturel est intimement liée aux
travaux de forage en mer qui dépendent à leur tour de la production de pétrole. C'est pour cette
raison que la capacité de l'offre à répondre à la demande à court terme aux États-Unis est moins
souple. En effet, lorsque le prix du pétrole était bas en 1997-1998, les travaux de forage ont
diminué et par conséquent la production de gaz naturel, ce qui a eu un impact direct sur la
production américaine totale. Aujourd'hui, pendant que les ressources mondiales connues de gaz
naturel augmentent continuellement, l'Amérique du Nord ne semble tout simplement pas pouvoir
répondre à la demande intérieure grandissante induite principalement par la génération
d'électricité à partir du gaz naturel aux États-Unis. L'épuisement de la ressource en Amérique du
Nord ne fait plus de doute.
Pour ce qui est de la demande de gaz naturel, elle s'est accrue au cours des années 90 tout
comme la demande d'énergie en général. La source d'énergie principale en Amérique du Nord est
le pétrole qui répond à 29% de la demande totale d'énergie. Le gaz naturel vient au second rang
et compte pour 24% de la demande totale d'énergie.
Au cours des dernières années, la croissance de la demande d'électricité a été supérieure à
la croissance totale d'énergie à cause de l'utilisation plus répandue d'appareils électriques,
notamment les équipements informatiques, et ce dans tous les secteurs d'activité. Pour ce qui est
du gaz naturel, il est essentiellement utilisé pour des fins de chauffage d'immeubles résidentiels
et commerciaux, comme charge d'alimentation pour l'industrie pétrochimique, pour produire de
la vapeur à des fins industrielles. Aux États-Unis, le gaz naturel est de plus en plus substitué au
charbon pour produire de l'électricité et ce afin de lutter contre la pollution atmosphérique
produite par le charbon. Les prix élevés atteints lors de l'hiver 2000-2001 sont en grande part
attribuables à la déréglementation des prix de l'électricité dans le sud-ouest américain.
L'augmentation drastique des prix de l'électricité en Californie qui a résulté de cette
déréglementation a entraîné une augmentation marquée de la production d'électricité à partir de
centrales au gaz naturel.
À court terme, la demande de gaz naturel au Canada dépend de la température puisqu'il
est essentiellement utilisé à des fins de chauffage. La demande présente donc un caractère
saisonnier. L'extraction se fait de façon continue tout au long de l'année et des réserves
excédentaires sont entreposées durant l'été pour pallier à la forte demande hivernale. Cette
caractéristique de la demande de gaz naturel entraîne une très grande volatilité de son prix lequel
dépend de la capacité disponible d'entreposage.
L'évolution du prix à court terme est directement liée à la quantité de ressources
disponibles dans les différents postes d'entreposage en Amérique du Nord. Ces postes sont
concentrés près des différents centres de distribution et d'exploitation. La quantité de ressource
utilisable (working gas) contenue dans ces postes représente le stock disponible en surplus de
l'extraction quotidienne. Ainsi, lorsque la quantité contenue dans ces postes diminue de façon
alarmante pendant l'hiver ou que les stocks semblent être insuffisants pendant l'été pour combler
la prochaine période de forte demande, le seul moyen de contrôler les sorties de gaz est
d'augmenter les prix.
La tendance à la hausse du prix du gaz naturel depuis le choc de 2000-2001 peut être
expliquée principalement par une augmentation de la demande coïncidant avec un resserrement
de l'offre tel que perçu dans le niveau des réserves au Canada et aux États-Unis. Pour palier à
l'insuffisance de la production nord-américaine, la ressource se faisant de plus en plus difficile à
découvrir et à extraire, plusieurs solutions sont envisagées et commencent à être appliquées.
L'exploitation de nouveaux sites tels l'Alaska 's North Slope et la Vallée de Mackenzie est
présentement étudiée. Selon l'Energy Information Administration (EIA), l'Alaska 's North Slope
détient des ressources découvertes équivalentes à 991 109m3 de gaz naturel et quelques 453 109m3
encore à être découverts. Par contre, tout projet de construction d'un pipeline reliant l'Alaska au
reste des États-Unis ne débuterait pas avant 2006 pour être complété en 2013 au plus tôt. À
moyen terme (horizon d'environ cinq ans) la solution préférée semble être l'importation de gaz
naturel liquéfié (GNL). Le Cambridge Energy Research Associates (CERA) prévoit que les États-
Unis deviendront le plus grand importateur de GNL devant le Japon au tournant de la prochaine
décennie et que l'importation de GNL pourrait combler de 25% à 30% de la demande totale de
gaz naturel en 2020. Par contre, à court terme les importations de GNL n'étaient que de 14 109m3
en 2003. Ainsi il est fort probable que la tendance des prix à la hausse se poursuivra au cours des
prochaines années et avec elle la volatilité et le risque de pointes.
3. Modélisation du choix des consommateurs
La grande volatilité qui caractérise désormais les prix de l'énergie affecte les décisions
des consommateurs. Les investissements dans de nouveaux équipements comme dans des
mesures d'efficacité énergétique sont, du moins en partie, irrécupérables. Il n'est donc pas
possible pour les consommateurs de constamment réajuster leurs décisions afin de s'adapter aux
fluctuations du marché. Les décisions doivent plutôt être prises en fonction de l'incertitude que
présente le marché.
3.1. Choix d'énergie, consommation et psychologie
Les différents consommateurs d'énergie du Québec font face à des choix complexes tant
au niveau du type d'équipement, de la source d'énergie, de l'intensité de l'utilisation que des
investissements dans des mesures d'efficacité énergétique. Ainsi, les différents usagers de
SCGM, actuels comme potentiels, font des choix de consommation d'énergie en plusieurs étapes
qui sont fortement liées entre elles. Le choix d'un équipement de chauffage ou de production
implique généralement un choix de source d'énergie (bien que certains équipements soient de
type biénergie). De plus, l'intensité de l'utilisation influencera et sera influencée par ce choix.
Finalement, les mesures d'efficacité énergétiques entreprises influenceront l'intensité de
l'utilisation et influenceront, à leur tour, les choix d'équipement.
Les consommateurs d'énergie au Québec ont le choix entre trois principales sources soit
l'électricité, le gaz naturel et le mazout (pétrole) qui nécessitent l'installation préalable
d équipements spécifiques. Les prix de l'électricité étant fixés à des niveaux très bas sont très peu
volatiles, les prix du mazout et du gaz naturel sont, quand à eux, très volatiles et ce
particulièrement depuis quelques années. Ainsi, lors du choix d'investissement dans de nouveaux
équipements ou dans des mesures d'efficacité énergétique, les consommateurs doivent prendre en
compte le risque lié aux variations de prix de l'énergie consommée ainsi que celui lié au prix des
énergies alternatives. Prenant en compte l'incertitude et le caractère ponctuel de certaines hausses
de prix, il est attendu que les consommateurs patienteront davantage avant de faire certains
investissements irrécupérables. Ainsi, le seuil critique du prix au-delà duquel le consommateur
entreprendra certains investissements sera plus élevé que lorsque ces caractéristiques sont
ignorées. Il est possible que ce seuil critique ait été atteint pour plusieurs usagers de SCGM lors
de la forte montée du prix du gaz naturel survenu au cours de l'hiver 2000-2001. Les
investissements alors déployés impliqueraient une diminution permanente du niveau de
consommation et ainsi une réponse asymétrique de la demande lors d'éventuelles baisses de prix.
De plus, de nombreuses expériences sur les choix des individus en incertitude ont
confirmé l'incapacité de la théorie normative du choix rationnel à expliquer les choix réels des
individus, pour une revue de plusieurs études empiriques voir Camerer (2000). Les phénomènes
psychologiques pouvant être associés à la rationalité bornée tels la dépendance à la référence
ainsi que de Y aversion au risque et aux pertes suggèrent qu'on doit s'attendre à une réponse plus
importante de la demande face aux hausses de prix que face aux baisses et ce même en l'absence
d'investissements irrécupérables.
Dans les deux prochaines sous-sections nous décrivons mathématiquement le phénomène
sur le comportement attendu de la clientèle à partir d'un modèle de choix d'investissement en
situation d'incertitude grandement inspiré de Dixit et Pindyck (1994). À la section 3.5 nous
présentons rapidement la prospect theory de Kahneman et Tversky (1979, 1992) qui illustre les
causes psychologiques et cognitives des déterminants de choix dans des situations d'incertitude
ou de certitude. À la section 4, nous tentons d'évaluer ces phénomènes à travers des élasticités-
prix asymétriques en se basant sur des données de consommation des usagers de SCGM.
3.2. Évolution du prix
Idéalement, le prix d'une ressource naturelle devrait être expliqué structurellement par les
interactions entre l'offre et la demande puisque ce sont ces interactions qui dictent véritablement
les prix. Par contre, comme le note Pindyck (1999 : p. 1-2), les modèles structurels ne sont pas
très bien adaptés aux prévisions à long terme puisqu'il est très difficile de prévoir les variables
explicatives de l'offre et de la demande (capacité d'investissement et de production, niveau des
inventaires, déterminants de la demande, etc.). De plus, les mouvements à court terme sur des
périodes d'un mois ou deux sont liés en grande partie aux changements dans l'offre et la demande
d'inventaires ce qui complique la modélisation structurelle. Les prix futurs des sources d'énergie
sont donc souvent modélisés par des processus stochastiques suivant un rythme de croissance fixe
représentant l'épuisement de la ressource et/ou l'évolution technologique.
Plusieurs processus stochastiques sont utilisés pour modéliser l'évolution du prix d'une
ressource, le plus courant étant le mouvement brownien avec tendance qui est l'équivalent, en
temps continu, d'une marche aléatoire avec tendance. Pour leur part, Perron (1989) et Pindyck
(1999) recourent à des modèles faisant appel à des processus de type retour à la moyenne
communément nommés Ornstein-Uhlenbeck, de telles modélisations étant cohérentes avec le
mouvement du prix d'une ressource produite et vendue sur des marchés compétitifs tel qu'il
évolue autour du coût moyen de long terme.
10
Pindyck (1999) démontre comment un modèle à variations stochastiques dans le niveau et
la pente de la tendance de type retour à la moyenne est cohérent avec le modèle de base
d'épuisement des ressources. Il utilise un processus qui présente ces caractéristiques pour décrire
le prix du pétrole, du charbon et du gaz naturel aux États-Unis sur une période historique de 127
ans. Il conclut que les prix de ces sources d'énergie présentent une vitesse de retour à la moyenne
très lente et qu'ainsi, pour plusieurs applications, l'utilisation d'un MGB n'est pas mauvaise.
« Thèse numbers suggest that for irréversible investment décisions for which energy prices are
the key stochastic state variables, the GBM assumption is unlikely to lead to large errors in
optimal investment rule » (Pindyck, 1999 : p.25). Notre échantillon couvrant une très courte
période, il est approprié de décrire l'évolution des prix comme un MGB. Dans le but de définir la
tendance de ce MGB nous nous basons sur le modèle de Hotelling d'évolution d'une ressource
non renouvelable.
3.3. Modèle de base d'évolution du prix d'une ressource non renouvelable
Afin de décrire l'évolution théoriquement attendue du prix du gaz naturel nous partons du
modèle de base de Hotelling d'évolution du prix d'une ressource épuisable produite dans un
marché compétitif avec des coûts d'extraction constants, c, un prix, P, au temps, t, et un taux
d'escompte, p. La trajectoire du prix est alors donnée par la règle de Hotelling :
dPldt = p(P-c).
Ainsi le niveau du prix est donné par :
P,=(P-c)oe"+c.
Nous supposons une demande iso élastique de forme :
11
ce qui implique un rythme de production :
Comme la production cumulative de la ressource doit être égale aux réserves existantes
Pour obtenir une solution analytique nous posons l'élasticité de la demande n = 1
logpc (P-c)0
(1)v >
Les pentes de la trajectoire des prix et du logarithme des prix sont données par
dPt rce1*, . > et (2)
t/logP, pc
dt (e^^-Vce-** +c
Ainsi, non seulement les prix mais aussi leur évolution dans le temps sont fonction du taux
d'intérêt, du coût d'extraction, des réserves connues et des paramètres de la demande. Un choc de
demande à la hausse, comme celui connu en 2000-2001 pour le gaz naturel, représenté par une
augmentation de A, entraînera une augmentation du prix mais aussi une augmentation de la pente
12
des trajectoires du prix2. Le choc de demande de 2000-2001 coïncide avec une certaine
contraction de l'offre perceptible dans les niveaux de réserves connues. Cette contraction de
l'offre fait bien plus qu'amplifier la hausse des prix de 2000-2001; elle laisse aussi présager que
la période des prix stables est terminée, qu'ils auront désormais une tendance à la hausse induite
par l'épuisement de le ressource.
3.4. Processus aléatoire et investissement
Les paramètres structurels régissant l'équilibre entre l'offre et la demande étant très
difficiles à prévoir et même à évaluer, nous supposons que le prix de la ressource est perçu
comme un MGB ayant une tendance à la hausse par les consommateurs afin de guider leurs choix
d'investissements. Ainsi, pour tenter de prédire l'impact des hausses de prix futurs et de
l'incertitude caractérisant ceux-ci sur les choix d'investissements des consommateurs nous
rnodélisons l'évolution du prix, P, dans le temps, f,comme suit :
dP = aPdt + oPdz
où
et
E(dz) = 0, Var(dz) = E[(dz)2 \=dt.
2 II est important de rappeler la corrélation des différentes sources d'énergie. Les fluctuations du prix du mazout ontun impact sur la demande de gaz naturel. Ainsi, une augmentation du prix du mazout se traduira en une augmentationde la demande de gaz naturel soit en une augmentation de A dans le présent modèle.
13
l;t est une variable aléatoire de distribution normale, de moyenne nulle, ayant un écart type de 1.
a et a sont des constantes représentant respectivement le taux de croissance du prix dans le temps
et l'ampleur de l'incertitude.
Pour la suite, nous suivons grandement la méthode de Dixit et Pindyck (1994). Le choix
d'investissement du client est l'option d'investir dans des mesures d'économies de consommation
d'une source d'énergie dont la valeur, F, est fonction du prix de cette dernière, P. Il est optimal
d'investir dans de telles mesures lorsque le bénéfice qu'entraîne l'investissement, Q.(P), est
supérieur au flux de profit espéré de continuer les opérations sans investissement, n{P),
additionné à la valeur de l'option à la période suivante, E [ F ( P ' ) | P J , OÙ P' représente le
prix de la période suivante. Ce choix, bien entendu, se répète et doit être évalué à chaque période
en fonction de l'évolution des différents paramètres affectant les paiements et profits futurs
espérés. L'équation de Bellman représentant ce problème s'écrit alors comme suit :
/'(/') = maxL(/'U(/J) + y ' -E[F(P')|P]|
Dans le cas qui nous intéresse nous pouvons poser l'hypothèse que Q(P) est croissant et
monotone en P, c'est-à-dire que l'investissement dans des mesures d'économie rapporte
davantage lorsque le prix de la ressource est plus élevé, tandis que K(P) est monotone
décroissant en P comme l'augmentation du prix de la ressource se traduit en une augmentation
des coûts et ainsi, toutes autres choses étant égales par ailleurs, en une diminution de profits. Il
sera optimal d'investir lorsque :
7v{P) + (1 + PylE[F(P')P]-Q(P) < 0,
14
ce qui se produira lorsque P atteindra un certain niveau que nous nommons P*. Il sera alors
optimal d'investir pour les valeurs de P > P* et il sera optimal de ne pas investir tant que P < P*.
Pour un consommateur d'énergie le flux de profit est généralement fonction, en plus du
prix de l'énergie, de l'utilisation qui en est faite, u, un choix qui doit se faire à chaque période t :
G(P,t) = max{?r(P,u,t)At + (1 + pAty'v[G(P',t +
Cette formulation tient explicitement compte de l'aspect discret/continu des choix de
consommation d'énergie. En multipliant les deux côtés de l'équation par (\ +pAt) et en
réarrangeant nous pouvons réécrire l'équation comme suit :
pàtG(P, t) = maxWP, u, t)At(l + pAt) + E[G(P', t + At)- G(P, f )]}u
pAt G(P, t) = max{^(P, u, t)At(\ + pAt) + E[AG]}.
«
En divisant par At nous obtenons :
pG(P,t) = max{7r(P,u,t)(l + pAt) + — E[AG]1.
" l At )
II ne nous reste qu'à prendre la limite où At tend vers 0 pour obtenir le problème d'optimisation
en temps continu auquel fait face le consommateur en question :
pG(P,t) = maxL(P,u,t) + ̂ -E[dGi. (3)
" l dt ]
Sous cette forme l'équation de Bellman représente une condition d'équilibre. Ainsi, le
consommateur sera prêt à conserver un actif (la propriété sur un flux de revenu) dont la valeur
présente est G(P,t) s'il peut en tirer le taux d'escompte attendu, p, lorsque l'actif est géré de
manière optimale (ce que représente la maximisation par rapport à M). Ainsi, le côté droit de
l'équation peut être vu comme la somme des revenus immédiats (dividendes), n;(P,u,t), et de
15
l'appréciation en capital, —E[JG]. Le choix du consommateur se fera donc entre cet actif et le
paiement de l'investissement3.
Afin de bien représenter ce choix dans le cadre d'un prix du gaz naturel incertain nous
adaptons ici le modèle de base d'investissement de Mcdonald et Siegel (1986). L'objectif est de
déterminer à quel point P il est optimal pour un client de payer un investissement irrécupérable /
en retour d'un projet de valeur, V, étant donné que Vévolue selon un MGB. /représente le coût
d'un investissement soit dans de nouveaux équipements opérant à une autre source d'énergie,
dans de nouveaux équipements plus efficaces opérant à la même source d'énergie ou dans des
mesures d'économie d'énergie tel le calfeutrage des fenêtres ou autres. La fonction à maximiser
est alors :
F(V, t) = max E[(V, - iy** J.
t représente la période où l'investissement est fait et / le coût de l'investissement.
Nous supposons que le prix du gaz naturel varie selon un MGB et que la valeur du projet
Vy est directement liée tel que V suit un MGB4 :
dV = aVdt + aVdz. (4)
Lorsqu'il n'est pas optimal d'investir, le retour espéré nécessaire à la conservation de l'option
d'investir est le taux d'escompte, comme nous l'avons vu à l'équation (3), ce qui implique :
3 II est bon de noter que dans le cas d'un investissement dans des mesures d'économie d'énergie, le paiement del'investissement, Q(P), est en soit une variable aléatoire fonction du prix de la source d'énergie en question.4 La valeur du projet est modélisée comme un MGB lorsque nous faisons l'hypothèse que seul le prix l'influence.Comme le projet vise essentiellement une diminution de la consommation de l'énergie, nous nous permettons cettehypothèse.
16
pFdt = E[dF] (5)
Par le Lemme de Ito (voir annexe A) :
dF „ . 1 d2F—dV + -dV 2 dV2
dF = -
en remplaçant dVpar (4) nous obtenons :
dF_ J_ 2 yid'FdV 2° dV2
En remplaçant E[dF] par (5) et en divisant par dt nous obtenons l'équation de Bellman suivante
dF 1 7^d2F „= 0 (6)< 7 r v
dV 2 dV2
Cette équation différentielle doit être satisfaite par F(V), de plus F(V) doit satisfaire les conditions
suivantes :
F(0) = 0 ( ? )
dV ( 9)
La condition (7) est une propriété du processus stochastique (4), si V atteint 0 elle y reste.
v représente la valeur à partir de laquelle il est optimal d'investir. La condition (8) ne fait que
déterminer le gain net d'investir au moment optimal, soit V - /. La condition (9) est une
condition d'arbitrage, si dF(V) I dV > 1 il est optimal d'attendre avant d'investir, inversement si
17
dF(V) I dV <\ l'investissement aurait pu être fait auparavant, la condition (9) représente la limite
où la réalisation de l'investissement est optimale dans le temps.
Pour trouver F(V) il faut résoudre l'équation (6) sujette aux conditions (7), (8) et (9). Nous
postulons une équation de la forme :
= KVfil.
Nous substituons (10) dans (8) et (9) et posons a- ju- S pour obtenir
£ / ,
(10)
(11)
IS (12)
où
2p(13)
Les équations (10), (11), (12) et (13) donnent la solution de la règle d'investissement optimale, S
le retour du projet sous forme de dividendes (l'énergie économisée), a le retour dû à l'espérance
d'appréciation dans le prix et ju le retour total du projet. L'équation (11) rend explicite le fait que
pour des choix irréversibles faits en situation d'incertitude la règle usuelle de choix
d'investissement se basant sur la valeur nette actualisée uniquement entraîne un résultat erroné et
que ces deux caractéristiques impliquent plutôt une valeur de projet actualisée supérieure au coût
de l'investissement.
18
Ici a représente la tendance que suit le processus aléatoire dans le temps. En ce qui nous
concerne, il s'agit d'une tendance à la hausse représentant l'évolution du prix d'une ressource
non renouvelable. Comme vu à la section 2.2, le prix d'une telle ressource devrait théoriquement
présenter un rythme de croissance déterminé par l'épuisement de la ressource. Pour obtenir un
modèle structurel d'évolution du prix on remplace «par (2) :
dP rcer
— , £_
dt e rcR0/A(14)
et rpar Pt, tel que décrit par (1), multiplié par la consommation évitée que nous posons égale à 1
afin de simplifier, ainsi :
ce
ew_x
1/équation (4) devient :
dP = - rcercR^/A - 1
c + -cé
rcRal A - 1dt + a \c + - ce'
rcR0/Adz. (15)
La solution optimale au problème d'investissement représente désormais un niveau de
prix limite noté P égal à V. Cette solution ne fait pas intervenir directement a ou ju mais
seulement la différence entre les deux ju - a = S. Ainsi, les variables importantes seront : S qui
représente la différence entre le flux des économies attendues par l'investissement dans le projet
et l'espérance d'augmentation des prix futurs, a qui représente la variabilité dans la valeur de
l'investissement liée au prix, p le taux d'escompte et / le coût de l'investissement.
Selon le modèle développé dans la présente section, les décisions d'investissement
peuvent être données par les équations (11) et (13). D'après ces équations nous pouvons déduire
19
qu'une augmentation des taux d'intérêts, p, ou une augmentation du coût de l'investissement, /,
nécessiteront une plus grande valeur du projet (ici un prix plus élevé P ) pour que celui-ci soit
entrepris. Le choc de prix que nous étudions est, comme nous l'avons vu plus haut à la section 1,
caractérisé par une augmentation du prix, Pt, une hausse de la variance du prix a et une hausse
possible de la tendance du prix a. La hausse du prix et de son rythme de croissance peut être
expliquée par un choc de demande à partir d'un modèle simple d'exploitation d'une ressource
non renouvelable (voir section 2.2). Nous décrivons ici plus en en détail la réponse attendue à un
choc de demande extérieure se traduisant par une forte hausse de prix sur les décisions
d'investissement.
Nous savons que l'équation (15) dicte l'évolution du prix et que les équations (11) et (13)
régissent le prix limite P*. C'est la première partie, soit la dynamique du prix, qui nous intéresse
ici et surtout son impact sur les choix d'investissement. Nous considérons donc les paramètres
des équations (11) et (13) comme fixes à l'exception de ^qui diffère d'un type d'investissement à
l'autre. De plus, à défaut de disposer d'informations pertinentes sur les paramètres de l'équation
structurelle (15), nous nous référerons à l'équation (4) toujours en tenant compte du fait que la
valeur du projet est directement liée au prix du gaz naturel. Le prix du gaz naturel est toujours
modélisé comme un MGB :
(16)
Le choc de prix est caractérisé d'abord par une augmentation du prix, Pt, cette augmentation a un
impact à la hausse sur l'évolution du prix :
— = adt + adzP
20
=>±E{dP] = adt. (17)"t
L'équation (17) indique qu'une augmentation du prix au temps t entraîne une augmentation
espérée du rythme d'évolution du prix. De plus, le choc de prix dû à une augmentation de la
demande (paramètre A) entraîne une augmentation de la tendance a comme le montre l'équation
(14).
3.4.1. Exemple
Selon les caractéristiques intrinsèques du MGB utilisé, l'augmentation de Pt contribue à
rapprocher le niveau de P de P* tandis qu'une augmentation de a augmente le rythme de
croissance espéré de P et ainsi P sera (en espérance) atteint plus rapidement.
Nous posons arbitrairement à titre d'exemple p = 0,04, ô= 0,04 et cr = O,85. Le prix Pt
nous est donné à chaque période. Il nous reste à estimer a qui en l'absence des paramètres
structurels nous est inconnu. Dans sa version la plus simple (en l'absence de coûts d'exploitation
et d'incertitude) la règle d'Hotelling nous dit que le prix de la ressource doit croître au taux
d'intérêt, nous posons donc a = 0,046. Ceci suppose des économies de 8 pour cent dues à
l'efficacité supérieure liée à l'investissement (ju = 0,08). D'après cet exemple et l'équation (13),
Px = 1,65, ce qui implique d'après l'équation (11) que P* = 2,53. Le moment auquel P* sera
atteint dépendra de Pt et de a. Comme nous l'avons vu plus haut, un choc de demande se traduit
en une augmentation de Pt et de a et ces augmentations affectent le niveau de P d'après
l'équation (16). Ainsi, l'augmentation de Pt de 12,62 à 32,13 cents par mètre cube en 10 mois
5 L'écart type mensuel est de 0,23 ce qui équivaut à une variance de 0,05, annuellement 12*0,05 = 0,6 donc un écart-type de 0,8.6 Bien entendu cette règle est une abstraction de la réalité et elle n'est utilisée ici qu'à titre d'exemple. Pour unmodèle plus complet tenant explicitement compte des coûts et de l'incertitude voir Pindyck (1980).
21
entre mars 2000 et janvier 2001 aurait entraîné, selon nos hypothèses, l'entreprise du projet pour
tous les investissements dont le coût variaient entre 4,99 et 12,69 cents par mètre cube de gaz
naturel. Les diminutions de volumes de gaz naturel entraînées par les investissement
irrécupérables ainsi entrepris ne seraient pas récupérées par la diminution presque symétrique
trois mois plus tard faisant passer le prix de 32,74 à 15,50 cents entre les mois d'avril 2001 à
mars 2002.
D'après un tel exemple il est évident que la théorie de choix d'investissements en
incertitude telle que décrite par Dixit et Pindyck (1994) prédit une réaction face aux prix
croissante dans le niveau d'augmentation de ces derniers et ce non seulement au niveau du choix
continu (M) de consommation mais aussi au niveau des choix discrets d'investissement dans des
mesures d'économie. Une augmentation importante du prix fera franchir plusieurs niveaux
critiques, P*, ce qui entraînera des investissements dans des mesures d'économie pour un grand
nombre de clients. Plusieurs de ces mesures d'économies telles l'isolation des bâtiments et l'achat
de systèmes de chauffage à haute efficacité énergétique nécessitent des investissements
irrécupérables qui impliquent une diminution permanente de la consommation. Une diminution
de prix subséquente ramenant le niveau du prix au point de départ n'entraînera pas un retour au
niveau de consommation précédant la hausse de prix.
Lors du choc de prix du gaz naturel de 2000-2001, le prix de la ressource ayant atteint des
sommets historiques, il y a fort à parier que plusieurs seuils d'investissement critiques, P*, aient
été franchis et qu'ainsi la baisse du prix des mois suivants n'aie pas résulté en une augmentation
symétrique aux baisses des volumes de consommation. La section suivante décrit une autre cause
possible à ce phénomène d'asymétrie de l'élasticité-prix.
22
3.5. Prospect theory
Une autre caractéristique des choix en incertitude qui mérite qu'on s'y attarde est
l'incapacité de la théorie économique du choix rationnel, théorie de l'espérance d'utilité, à
prédire les choix des individus faits en situation d'incertitude. Cette théorie normative des choix
échoue souvent à être une théorie satisfaisante d'un point de vue descriptif du comportement
individuel. La théorie de l'espérance d'utilité décrit les choix des individus en terme d'utilité
espérée pondérée par la probabilité de réalisation des différentes possibilités. Ainsi, selon cette
théorie de rationalité qui est souvent appliquée directement en tant que théorie explicative,
l'individu doit maximiser son espérance d'utilité totale lorsqu'il fait face à une loterie présentant
deux issus possibles (p + q = 1). L'espérance d'utilité de l'individu s'écrit :
E(U) = pU{yv + x) + qU(w + y).
Où:
p : probabilité que l'événement résultant en un gain (négatif ou positif) de x se produise
q : probabilité que l'événement résultant en un gain (négatif ou positif) dey se produise
w : la richesse avant le résultat de la loterie
U : le niveau d'utilité fonction de la richesse totale
Principalement, cette théorie, qui découle des axiomes de choix en incertitude de Von Neumann
et Morgenstern, présente une fonction d'utilité espérée linéaire en probabilités qui est définie sur
les états finaux de richesse.
L'écart entre la théorie normative du choix rationnel et la capacité descriptive de cette
dernière est associé par Richard Thaler (1980) à ce que nomme Herbert Simons (1957, p. 198) la
rationalité bornée : « The capacity of the human mind for formulating and solving complex
23
problems is very small compared with the size of the problem whose solution is required for
objectivity rational behaviour in the real world - or even for a reasonable approximation to such
objective rationality ». L'incapacité de la théorie de l'espérance d'utilité à prédire ou expliquer
les choix en incertitude fut la cause de l'éclosion de nombreux modèles alternatifs dont Starmer
(2000) fait la revue. La prospect iheory développée par Amos Tversky et Daniel Kahneman
(Kahneman & Tversky, 1979; Tversky & Kahneman, 1986) qui fut généralisée à n'importe quel
nombre d'options (Tversky & Kahneman, 1992) est sans doute la plus reconnue.
Les caractéristiques clés de la prospect theory incorporant des éléments de la psychologie
des choix qui nous intéressent particulièrement sont :
1. Une fonction de valeur (remplaçant la fonction d'utilité) définie sur les gains et les
pertes décrite à partir d'un point de référence;
2. Une fonction de valeur concave pour les gains, convexe pour les pertes ayant une
pente plus forte pour les pertes que pour les gains.
La première caractéristique tient explicitement compte du fait que les résultats d'un processus
aléatoire plutôt que d'être présentés en terme d'états de richesse tel que le veut la théorie de
l'utilité espérée sont perçus et présentés concrètement en termes de gains et de pertes par les
individus. La formulation en terme d'états de richesse semble effectivement non réaliste d'un
point de vue psychologique puisque les gens ne se représentent pas formellement les choix sur
des enjeux relativement petits en terme d'états totaux de richesse mais bien en terme de gains, de
pertes et de résultats neutres (Kahneman & Tversky, 2000) ce qui est central à la prospect theory.
Comme dans le cadre de la théorie de l'utilité espérée, les individus ne sont pas vus comme
évaluant les éventualités en terme monétaire mais bien en terme de valeur subjective de ces
éventualités, la fonction de valeur décrit ce fait dans le cadre de la prospect theory tout comme la
24
fonction d'utilité dans la théorie de l'utilité espérée. Pour ce qui est de la deuxième
caractéristique Kahneman & Tversky (2000) notent : « Introspection as well as psychophysical
measurements suggests that subjective value is a concave function of the size of a gain. The same
generalization applies to losses as well ». Cette caractéristique nous dit que non seulement les
gens sont généralement nsquophobes lorsque des gains sont en cause mais aussi qu'ils sont
risquophiles lorsqu'il s'agit de pertes7. Une seconde caractéristique importante souvent observée
est que les gens ne semblent pas mettre la même valeur à une perte qu'à un gain équivalent, ils
refuseront généralement une loterie où ils ont 50% de chance de gagner un montant x et 50% de
chance de perdre ce même montant x, cette caractéristique est nommée l'aversion aux pertes.
Mises ensemble ces particularités psychologiques générales des individus forment la base de la
prospect theory& et impliquent une fonction de valeur, v, d'une forme similaire à la fonction
représentée par le graphique 2 (fonction de valeur d'un consommateur hypothétique) qui possède
les deux caractéristiques énumérées plus haut. L'évaluation des différentes options est faite à
l'aide de cette fonction de valeur qui remplace la fonction d'utilité. Lorsque, p + q = 1,
l'évaluation des options en incertitude se fait selon F tel que :
V(x, p; y, q) = v(y) + n(p)[v{x) - v(y)]
Où:
K : une fonction de poids subjectifs des probabilités
7 Si la concavité de la fonction de valeur subjective qui implique l'aversion au risque est facilement acceptable dansle cas des gains, la convexité de la fonction de valeur impliquant une attraction au risque dans le cas des pertes estinoins évidente d'emblée. Ainsi, plusieurs études se sont penchées à la démontrer, Kahneman & Tversky (2000) endressent une courte liste incluant Fishburn & Kochenberger (1979); Hershey & Schoemaker (1980); Payne,Laughhunn & Crum (1980); Slovic, Fischoff, & Lichtenstein (1982); Eraker & Sox (1981); Fischoff (1983); Tversky(1977); Tversky & Kahneman (1981).8 La "prospect theory" présente une autre caractéristique particulière qui consiste en une pondération subjective desprobabilités qui n'est pas nécessairement linéaire en probabilité et qui est généralement plus faible pour l'ensembledes probabilités sauf pour les probabilités relativement faibles. Ceci peut expliquer les dépenses élevées enjeux de
25
v : une fonction ayant la forme suivante (voir graphique 2) :
Graphique 2
Fonction de valeur hypothétique
20 -i
10.7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 /0 1
- Valeur
-30-
-40 J
Gains
Cette fonction en forme de « S » est la fonction de valeur fondamentale de la prospect theory.
L'écart entre la théorie et la pratique, intrinsèque à la théorie de l'utilité espérée est, du
moins en partie, comblée par la théorie positive (descriptive) de Kahneman et Tversky qui permet
d'expliquer de nombreuses divergences systématiques entre la théorie normative du choix
rationnel et les choix réellement observés. Colin F. Camerer (2000) s'est penché sur la question
de trouver des exemples tangibles de régularité dans des réalités naturelles qui sont des anomalies
pour la théorie économique du choix rationnel en incertitude, la théorie de l'utilité espérée, mais
hasards et en assurances. Nous n'insistons pas explicitement sur cette composante comme elle n'est pas essentielle ànotre sujet.
26
qui peuvent être expliqués par les caractéristiques de la prospect theory telle que décrite plus
haut. Une régularité qui nous intéresse particulièrement est celle de l'élasticité-prix asymétrique
pour les biens de consommation qui peut être expliquée par l'aversion à la perte (pente de la
fonction de valeur subjective plus forte pour les pertes que pour les gains). Les consommateurs
averses aux pertes détestent les augmentations de prix plus qu'ils n'apprécient les baisses et vont
ainsi réduire davantage leur consommation lors de hausses de prix plus qu'ils ne vont
l'augmenter lors de baisses équivalentes. Ainsi, l'aversion à la perte impliquerait des élasticités-
prix plus élevées lors de hausses de prix que lors de baisses. Cette hypothèse fut confirmée par
Putler (1992) ainsi que par Hardie, Johnson & Fader (1993) sur des données empiriques de biens
de consommation tels les œufs et le jus d'orange.
L'apport de la prospect theory, dont le pouvoir explicatif supérieur à celui de la théorie de
l'utilité espérée fut démontré à de nombreuses occasions, nous pousse donc à nous attendre à une
élasticité-prix asymétrique dans les choix de consommation de gaz naturel des individus et ce
même en l'absence d'investissements irrécupérables.
3.5.1. Exemple
Si nous prenons la fonction de valeur du consommateur hypothétique représentée plus
haut au graphique 2, il est possible d'attribuer une valeur à chacune des variations mensuelles du
prix du gaz naturel. Ainsi, la forte augmentation de ce prix et la diminution presque symétrique
qui suivit entre 2000 et 2002 peuvent être réécrites en termes de valeurs perçues de pertes ou de
gains par le consommateur hypothétique. En posant comme hypothèses qu'il ait consommé 1
mètre cube de gaz naturel au mois de mai 2000, qu'il augmente ou diminue sa consommation
proportionnellement à la valeur subjective qu'il accorde au prix du gaz naturel (0,01 mètre cube
de consommation par unité de valeur), et que son point de référence soit le prix payé à la période
27
précédente, il nous est possible d'évaluer la consommation de ce consommateur hypothétique à
chaque période. Le tableau 1 représente cette situation.
Tableau 1
Augmentations et diminutions de prix en terme de valeur et variations de consommation
Date Prix dugaz naturel(cents/m3)
Variations
(cents/m3)
Pertes
(cents)
Gains
(cents)
Valeur Consommation
(m3)
Mai-00Juin-00
Juil-00
Août-00
Sept-00
Oct-00
Nov-00
Déc-00
01-janv
Ol-févr
01-mars
01-avr
01-mai
01-juin
01-juil
01-août
01-sept
01-oct
01-nov
01-déc
02-janv
02-févr
02-mars
15.38319.665
20.233
17.467
20.385
24.856
21.597
26.599
32.131
32.131
30.464
32.737
29.592
23.492
19.513
18.831
16.975
16.975
16.482
17.429
16.558
15.118
15.497
0.0004.282
0.568
-2.766
2.918
4.471
-3.259
5.002
5.532
0.000
-1.667
2.273
-3.145
-6.100
-3.979
-0.682
-1.856
0.000
-0.493
0.947
-0.871
-1.440
0.379
0.0004.282
0.556
0.000
2.860
4.306
0.000
4.758
5.141
0.000
0.000
2.075
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.000
0.892
0.000
0.000
0.357
0.0000.000
0.000
2.688
0.000
0.000
3.071
0.000
0.000
0.000
1.511
0.000
2.825
5.532
3.655
0.633
1.730
0.000
0.463
0.000
0.812
1.349
0.000
0.000-20.693
-7.458
8.198
-16.911
-20.751
8.762
-21.812
-22.674
0.000
6.147
-14.404
8.405
11.760
9.559
3.978
6.576
0.000
3.401
-9.445
4.506
5.808
-5.978
1.0000.979
0.972
0.980
0.963
0.942
0.951
0.929
0.907
0.907
0.913
0.898
0.907
0.919
0.928
0.932
0.939
0.939
0.942
0.933
0.937
0.943
0.937
Bien qu'entre le mois de mai 2000 et le mois de mars 2002 le prix du gaz naturel soit
passé de 15,38 à 32,74 pour redescendre à 15,50 cents par mètre cube, ce qui implique
pratiquement autant de gains que de pertes pour le consommateur hypothétique en termes
monétaires, nous constatons que la valeur donnée à ces pertes est plus importante que celle
donnée aux gains. Ainsi, le consommateur hypothétique aurait réduit sa consommation lors des
hausses de prix plus qu'il ne l'aurait augmenté lors des baisses équivalentes. Toutes autres choses
étant égales par ailleurs, sa consommation au mois de mars 2002 serait 6,3% plus faible que celle
enregistrée en mai 2000 bien que le prix de la ressource soit sensiblement le même.
3.6. Théorie et pratique
Dans ce troisième chapitre nous nous sommes intéressé aux fondements théoriques des
choix d'investissement et de consommation en incertitude. Nous avons décrit les choix des
consommateurs qui peuvent être attendus lors de fortes variations du prix de celle-ci. Nous avons
utilisé particulièrement deux modèles soit le modèle d'investissement en incertitude de Dixit et
Pindyck (sections 3.3 et 3.4) ainsi que le modèle de Kahneman et Tversky (section 3.5) afin de
souligner la possibilité d'élasticité-prix asymétrique de la demande. Le premier repose sur la
théorie du choix rationnel où les profits espérés sont maximisés et pourrait être particulièrement
adapté à la situation des entreprises tandis que le second modèle, incorporant des aspects de la
psychologie des choix, semble particulièrement adapté aux individus. Par contre, il n'est pas
exclu et il est même fort probable que les deux modèles se recoupent et amplifient le phénomène
attendu d'élasicité-prix asymétrique. Comme nous l'avons vu plus haut, le modèle de Dixit et
Pindyck repose d'une part sur la prémisse d'une optimisation continue du choix de
consommation avec les équipements en place et d'autre part sur celle de l'optimisation discrète
d'investissements en incertitude, il est possible de croire que cette ou ces étape(s) d'optimisation
soi(en)t parfois soumise(s) au biais psychologique souligné par le modèle de Kahneman et
Tversky.
29
Dans ce qui suit, nous tentons de vérifier la présence d'une asymétrie de l'élasticité prix
telle que prévue par les deux modèles théoriques présentés plus haut sans pourtant essayer de
discerner la ou les causes précise(s). Ceci est fait à partir de données empiriques sur la
consommation de gaz naturel des usagers de SCGM sur une période couvrant la forte hausse de
prix de cette ressource lors de l'hiver 2000-2001.
30
4. Modèle de demande
Les deux modèles théoriques de choix en incertitude présentés plus haut (chapitre 3) ont
ceci en commun qu'ils prévoient une demande de gaz naturel présentant une élasticitérprix
asymétrique. Nous tentons, dans ce qui suit, de vérifier la présence d'une telle asymétrie
empiriquement. Ceci est accompli à l'aide de données de consommation des usagers du service
de distribution de gaz naturel de SCGM.
4.1. Données : sources et unités
• Quantité consommée : SCGM, statistiques internes : Quantité de gaz naturel distribuée
corrigée en fonction de la pression (Mètres cubes)
• Prix du gaz naturel : SCGM, statistiques publiques : Prix de la fourniture du gaz
naturel, prix du gaz de réseau soit le prix offert à tous les clients de SCGM dont la
variance est réduite par rapport aux prix en tête de puit grâce à des instruments
financiers9 (Cents par mètre cube)
'' Les clients de SCGM sont libres d'acheter directement leur gaz naturel, par contre, 70% des clients résidentiels,commerciaux, industriels et institutionnels utilisent le service offert par SCGM. Comme il n'existe aucune donnéefiable sur les contrats particuliers des clients en achat direct, le prix du gaz de réseau représente la meilleureapproximation possible.
31
• Degrés-jours : Environnement Canada, traitement de Météo Média et SCGM (Degrés-
jours en base 13°C)
• Prix du mazout: Statistique Canada, v735161 - Tableau 326-0009 : Prix de détail
moyens, essence et mazout, par ville; Montréal, Québec; Mazout de chauffage
domestique (Cents par litre)
• Économie : Bureau de la statistique du Québec : PIB ensemble des industries province
du Québec au prix de 1997, données désaisonnalisées10. (Dollars)
• Indice des prix à la consommation : Statistique Canada, v736152 - Tableau 326-0001 :
Indice des prix à la consommation, le contenu du panier de 2001; Québec; Ensemble
(Indice, 1992=100)
4.2. Définitions
Qu : Logarithme de la quantité de gaz naturel livrée aux usagers du groupe i au
mois/
Qu-n '• Logarithme de la quantité de gaz naturel livrée aux usagers du groupe i au
mois t-Yl
Yt : Logarithme du PIB réel québécois au mois t
DJu : Logarithme des degrés-jours de chauffage pour le groupe i au mois t
PMt : Logarithme du prix réel du mazout de chauffage au mois t
PCUTt_x : Logarithme des diminutions de prix du gaz naturel au mois M
10 Nous utilisons cette donnée à la fois par soucis de simplicité d'utilisation du modèle sur une base continuellecomme il s'agit d'une donnée unique, qu'elle est publiée mensuellement par un organisme reconnu et fiable, que lesrésultats obtenus avec celle-ci sont satisfaisants et que la donnée brute (non désaisonnalisée) n'est pas disponible.
32
PUPt_x : Logarithme des augmentations de prix du gaz naturel au mois t-\
Les données disponibles sont sur une base mensuelle couvrant la période d'octobre 1993 à
mars 2003. Cet échantillon se divise, d'après nous, en deux périodes distinctes : la période
précédant l'augmentation des prix du gaz naturel qui s'étend du début de l'échantillon au mois de
mars 1999 et la période suivant cette date qui s'étend jusqu'à la fin de notre échantillon.
La première période est caractérisée par des prix relativement bas et peu volatiles. La
seconde période est marquée par de très fortes hausses et une volatilité accrue. C'est cette
seconde période qui nous intéresse particulièrement. Cette période présente une forte hausse du
prix atteignant un sommet historique au cours de l'hiver 2000-2001 suivie d'une chute importante
de ce dernier et d'une remontée par la suite. Ce phénomène fut spécifique au gaz naturel, les prix
de l'électricité étant demeurés stables durant la période et les prix du mazout ayant connu une
hausse précédemment. Ainsi, la période de hausse et de forte volatilité des prix regroupe des
caractéristiques très intéressantes qui nous permettront d'étudier l'impact des prix sur la demande
de gaz naturel dans des situations extrêmes (voir le graphique 3).
Il sera particulièrement intéressant de vérifier si une analyse des données de
consommation peut confirmer les résultats théoriques développés plus haut. Les données
disponibles ne nous permettent pas d'utiliser une approche économétrique explicitant les deux
étapes de consommation présentes au niveau de la consommation d'énergie, le phénomène
d'investissement dans des mesures d'économie d'énergie et de substitution de source d'énergie
tout comme le biais psychologique prévu par la rationalité bornée seront plutôt vérifiés par
l'asymétrie de l'impact du prix sur la demande.
33
Graphique 3
•3.S
s
iO
* • — - •
•c
100 i
90
70 -
60
50
40 -
30-
20-
10
Prix réel des sources d'énergie
—•— Prix du gaz naturel
- * - Prix du mazout no.2
-•— Indice du prix de l'électricité
O\ ON OON ON ON O\ON ON ON ON
en fl
1 '3I !
o S o S o oS. -8 é i P. -èïï -° g .a, s -a
Date
cp8 a s s s
4.3. Spécification du modèle
Les études antérieures recoupe plusieurs modèles de demande d'énergie. Le choix d'une
forme spécifique dépend tant des données disponibles que du niveau d'agrégation recherché ou
de la région étudiée. Les études répertoriées avant les années 80 présentent surtout des modèles
de demande à un niveau agrégé, voir Bohi (1984) pour une revue de ces modèles de demande
énergétique. Depuis Hanemann (1984) et Dubin et Mcfadden (1984), qui adaptèrent les méthodes
de choix discret/continu à la consommation d'énergie, les modèles structurels de choix en deux
étapes sont de plus en plus populaires. L'utilisation de tels modèles permet de tenir compte
34
explicitement des deux étapes de consommation : le choix d'un équipement et son utilisation. Par
contre, ces modèles requièrent des données microéconomiques poussées sur les différents
consommateurs, ainsi ils sont utilisés pour estimer la demande de groupes spécifiques de la
clientèle. Au Québec, Bernard, Bolduc et Bélanger (2000) utilisent des données
microéconomiques afin d'estimer un modèle de demande d'électricité pour le secteur résidentiel
inspiré du modèle de Dubin et Mcfadden (1984). Au niveau agrégé les modèles de type translog
tentent, pour leur part, d'expliquer la consommation d'énergie en terme de parts de marché et
s'appuient ainsi sur des fondements tirés de la théorie microéconomique. L'absence de données
précises sur l'utilisation et les équipements ou sur la consommation des autres types d'énergie
ainsi que le but de notre étude, soit d'estimer l'impact des fortes hausses de prix sur la demande
totale de gaz naturel au Québec, militent en faveur d'un modèle non structurel. Ces modèles sont
parfois nommés modèles ad hoc afin de souligner leurs fondements théoriques limités. Ils
présentent généralement la demande d'un type d'énergie comme une fonction des variables qui
peuvent avoir une influence sur cette demande. Dahl (1993) fait une revue des différents modèles
utilisés afin de calculer les élasticités de la demande d'énergie. Les formes fonctionnelles les plus
utilisées sont la forme linéaire et la forme log-linéaire.
Comme il a été noté plus haut, la demande d'énergie présente la particularité d'être
conjointement déterminée en deux étapes de consommation. Afin de consommer une source
d'énergie particulière (électricité, gaz naturel, mazout), il faut disposer d'un équipement
permettant son emploi. Une fois cet équipement en place, la demande réagit au prix et autres
variables socioéconomiques pertinentes. Toutefois la présence même de cet équipement dépend
initialement de l'intensité de la demande pour cette source particulière d'énergie. Le prix de
l'énergie affecte donc la quantité demandée tant directement qu'indirectement en déterminant les
décisions d'investissement qui permettront une capacité de consommation accrue ou réduite, dans
35
l'avenir, de cette forme d'énergie. De telles interactions peuvent être représentées à l'aide du
modèle structurel suivant :
Tl=g(P,,Y.Z).
Où
Qt : La quantité demandée de l'énergie pouvant être consommée à l'aide de
l'équipement de type i;
7) : Le taux d'utilisation de l'équipement de type i;
Kt : Le stock de capital de l'équipement de type i;
P, : Le prix de l'énergie consommée grâce à l'équipement de type i (Pj, où y diffère
de i, représente le prix d'une énergie substitut);
/?, : Le prix de l'équipement de type i;
Y : Le revenu;
S et Z : Respectivement des vecteurs de variables socioéconomiques et de
caractéristiques de l'équipement de type i.
Pour notre étude, nous avons vu que les données disponibles ne nous permettent pas d'estimer un
tel modèle, ainsi la quantité consommée est directement modélisée comme une fonction des
variables influençant le taux d'utilisation et le choix du type d'équipement :
Q = k(PtiPj,S,Z). y }
L'estimation d'un modèle de demande est problématique lorsque la quantité et le prix
observés résultent d'un équilibre de marché entre l'offre et la demande. La variable explicative
36
(le prix) est alors simultanément déterminée avec la variable dépendante (la quantité). Cependant,
l'offre de gaz naturel au Québec provient d'un seul distributeur réglementé. Le prix total d'une
unité de gaz naturel livrée varie selon le prix de la fourniture de gaz naturel et le prix des
différents services de transport, compression, équilibrage et distribution. Comme le prix du gaz
naturel est exogène au Québec et que les tarifs de distribution sont fixés par la Régie de l'Énergie,
le problème de simultanéité ne se pose pas et un modèle simple de demande est justifié.
Afin de définir le modèle économétrique utilisé, les variables autres que le prix,
susceptibles d'influencer significativement la demande de gaz naturel au Québec, doivent être
considérées. D'abord, il y a le prix des sources substituts d'énergie avec lesquelles le gaz naturel
est en compétition soit le mazout et l'électricité. Ensuite, les degrés-jours11 de chauffage, le
niveau d'activité économique ainsi que le prix du gaz naturel12 affectent directement la demande.
Nous utilisons le prix du gaz naturel retardé d'une période puisque les clients sont facturés
mensuellement et réagissent donc au prix lorsque facturé et ainsi au prix du mois précédent.
Les choix discrets d'investissement en matière de consommation d'énergie ne se limitent
pas au choix de l'appareil consommant le type d'énergie en question. Comme nous l'avons vu
aux sections 3.3 et 3.4, les choix d'investissement dans des mesures d'économie d'énergie
peuvent aussi affecter directement la consommation. Ces investissements dans des mesures
d'économie d'énergie sont souvent irrécupérables. Ainsi, le phénomène de réversibilité
imparfaite de l'impact des prix fut analysé en profondeur à partir de données agrégées de
différents pays par Dargay (1992), Gately (1992, 1993), Walker et Wirl (1993), Dargay et Gately
(1994, 1995, 2002), Gately et Streifel (1997), Haas et Schipper (1998) et Gately et Huntington
" Le nombre de degrés-jours de chauffage équivaut au nombre de degré Celsius sous les 13 degrés pour la moyennede la journée. Ainsi, une journée ayant 10 degrés Celsius de moyenne équivaut à 3 degrés-jours.12 Nous prenons le prix du gaz naturel retardé d'une période en faisant l'hypothèse très réaliste que les clients nesuivent pas l'évolution du prix sur le marché au jour le jour mais le constate lorsqu'il leur est facturé. Les clientsétant facturés mensuellement pour le mois précédent réagissent donc au prix du mois précédent.
37
(2002). Une forte hausse des prix dépassant certains seuils entraînera des investissements dans
des appareils plus efficaces, utilisant une autre source d'énergie ou dans des mesures d'économie.
Lorsque le prix redescend par la suite, il est compréhensible que ces nouvelles installations ne
soient pas abandonnées comme elles comportent d'importants coûts irrécupérables. Un
consommateur investissant dans de nouveaux équipements plus efficaces ne sera pas en mesure
de s'en départir lorsque le prix baisse puisque la demande pour ce type d'équipement diminuera
avec le prix de l'énergie. De plus, plusieurs mesures prises telles l'isolation et le calfeutrage sont
de nature purement irrécupérables. Ainsi, les réponses de la demande face à des augmentations et
à des diminutions de prix peuvent potentiellement être différentes et ce particulièrement lors de
chocs de prix à la hausse poussant les prix à des niveaux justifiant les investissements dans des
mesures d'économie.
Une asymétrie de la réponse de la demande face aux hausses et baisses de prix peut aussi
être liée à un biais psychologique que l'on nomme la rationalité bornée. Les consommateurs se
représentent généralement les hausses et baisses de prix en termes de pertes et de gains et sont
averses au risque et à la perte. Dans ce cadre les consommateurs préfèrent les situations moins
risquées aux situations plus risquées de même espérance mathématique de gains ou de pertes. De
plus, ils apposeront une valeur négative plus grande à une perte comparativement à un gain
équivalent en termes absolus. Ainsi, non seulement les hausses de prix entraîneront des
investissements dans des mesures d'économie d'énergie afin de réduire le risque lié à la volatilité
accrue des prix mais elles entraîneront aussi une diminution de la consommation continue
supérieure à l'augmentation induite par une baisse de prix symétrique.
Afin de tenir compte de la possible asymétrie de l'élasticité-prix de la demande prévue par
les modèles théoriques nous utilisons une décomposition simple du logarithme du prix du gaz
3 S
naturel soit la série cumulative des augmentations de prix et la série cumulative des baisses de
prix13 (voir graphique 4) :
P,=PX + Pup, + Peut,
Pt : Le prix du gaz naturel au mois /
Pl : Le du prix au mois 1 soit avril 1999
Pcutt : Le des diminutions cumulatives du prix du gaz naturel au mois t
Pupt : Augmentations cumulatives du prix du gaz naturel au mois t
11 Gately et Huntington (2002) font la distinction entre la série des remontées de prix (augmentations sousmaximales) et la série des augmentations maximales historiquement. Cette distinction nous semble davantageappropriée pour les études ayant recours à des données annuelles, les données mensuelles risquant de présenterplusieurs sommets historiques consécutifs sans laisser de temps d'adaptation.
39
Graphique 4
Décomposition du prix réel
en
u
• Baisses de prix
- Augmentations de prix
- Prix du gaz naturel
CT\ O\ ON OOS O\ O\ O
I I I I !a.9*
Date
Plusieurs spécifications peuvent être utilisées pour estimer l'équation (18). Il est bon de
rappeler une conclusion importante des articles de Dahl (1991, 1993, 1994), soit que les
élasticités prix estimées sont dépendantes de la spécification choisie. Ainsi, la spécification
retenue est fort simple et très intuitive. Les données utilisées sont de type panel, c'est-à-dire
qu'elles présentent une dimension temporelle et une dimension de coupe transversale.
Le modèle de demande général peut s'écrire comme suit :
+a'Z,+£/,, . (19)
f,
Où
X;t : Le vecteur des variables indépendantes d'intérêt du modèle du groupe i au mois
/? : Le vecteur des coefficients à estimer;
40
a : Le vecteur des coefficients d'effets individuels;
Z, : Le vecteur des variables d'effet individuel;
Un : Un terme d'erreur de moyenne nulle.
Les différentes variables qui influencent la consommation sont contenues dans le vecteur Xu dont
le vecteur des coefficients est /? tandis que l'hétérogénéité entre les différents clients est
représentée par le vecteur des variables d'effet individuel Z, dont le vecteur des coefficients est a :
4
î
,a=\a0 ... a.
Où:
T : 1, 2 , . . . , T, T = 49, fait référence à la période temporelle;
/ : 1, 2 , . . . , N, N- 126, fait référence aux unités de la coupe transversale;
K : 5, fait référence aux variables indépendantes.
La période temporelle est de fréquence mensuelle et s'étend d'avril 1999 à avril 2003. La coupe
transversale représente, pour sa part, les usagers de SCGM divisés par usage (résidentiel,
commercial, industriel, institutionnel, transport), niveau de consommation annuel (0 à 9 999 m3,
10 000 à 74 999 m3, 75 000 m3 et plus) et région (Montréal, Trois-Rivières, Québec, Sherbrooke,
Roberval, Val d'Or, Rouyn-Noranda).
La fonction spécifique choisie, à être estimée afin d'expliquer la consommation de gaz
naturel, est la suivante :
Qu - Px + PiQu-n + P3DJU +PJ.+ frPM, + P6PUPt_, + fi.PCUT^ + 7l. + Uit, (20)
où :
41
Y-, : Un facteur spécifique à chaque groupe de client représentant l'hétérogénéité
entre les différents groupes;
Uu : Un terme d'erreur;
/?[,..., fa : Les coefficients à être estimés.
Cette spécification diffère des modèles usuels afin de tenir compte explicitement de
l'asymétrie de la réponse des clients face au prix du gaz naturel. Les variables de prix sont
ajustées afin de tenir compte de l'inflation. Seule l'influence du prix du mazout comme forme
d'énergie substitut est prise en compte puisque le prix de l'électricité est demeuré constant au
Québec au cours de la période. La variable degrés-jours tient compte de l'influence de la
température sur la demande d'énergie au Québec comme le gaz naturel y est grandement utilisé
pour la chauffe. Une variable représentant l'activité économique et la variable dépendante
retardée sont finalement ajoutées. La variable représentant l'activité économique a pour but de
tenir compte de l'influence du niveau de production et indirectement du niveau de revenu sur la
consommation de gaz naturel. La variable dépendante retardée rend explicite le fait que la
consommation d'une forme particulière d'énergie à un moment donné est en partie contrainte aux
équipements en place (voir annexe B).
4.4. Estimations
Afin d'estimer l'équation (20) se basant sur des données de type coupe transversale/série
temporelle (panel) le choix entre l'inclusion $ effets fixes ou à!effets aléatoires pour le traitement
de l'hétérogénéité entre les types de clients se pose. Nous partons du modèle général décrit par
l'équation (19) vu plus haut :
Qit=P'Xu+a'Zi+Uit.
42
Un modèle estimé avec effets fixes équivaut à poser une constante différente pour chaque client,
dans ce cas a, est un vecteur de paramètres spécifiques à chaque client :
Où or, est égal à a'Z,. Lorsque l'effet spécifique n'est pas corrélé avec les variables explicatives du
modèle il est possible de reformuler le modèle de la façon suivante :
Qu =P'XU +E[a'Zl]+[a'Zl-B[a'Zll+Ua
Qit=/3'Xu+a + ei+Uu.
Où e, est un élément aléatoire, spécifique à chaque client, de moyenne nulle. Cette approche est
nommée effets aléatoires et permet, contrairement à l'approche avec effets fixes, d'inclure des
caractéristiques fixes dans le temps et d'inférer leur impact. De tels impacts sont captés par la
constante dans un modèle à effets fixes. De plus, l'utilisation d'un modèle à effets fixes nécessite
l'emploi de plusieurs degrés de liberté. Par contre, l'utilisation d'un modèle à effets aléatoires
risque de produire des estimateurs biaises si or, est corrélé avec les variables explicatives du
modèle. Afin de départager entre les deux options nous effectuons le test de Hausman.
Les résultats du test de Hausman (voir annexe C) nous permettent de rejeter l'hypothèse de
différence non systématique entre les estimés avec effet fixes et ceux avec effets aléatoires (l'effet
spécifique à chaque client et les variables explicatives du modèle sont significativement
corrélées) ce qui nous incite à présenter les résultats de régressions avec effets fixes dont les
estimateurs ne devraient pas être biaises. Le modèle est estimé par la méthode des moindres
carrés généralisés, les variances sont corrigées en utilisant la méthode Huber/White/Sandwich
afin de produire des estimations robustes à l'hétéroscédasticité et à l'autocorrélation des erreurs.
Les estimations et tests furent effectués à l'aide du logiciel Stata 7.0.
L'équation (19) à être estimée peut s'écrire comme suit pour simplifier :
43
Où Xit est le vecteur des variables indépendantes du modèle du groupe / au mois t et /? le vecteur
des coefficients à estimer :
" et - fi.
Sous forme matricielle le modèle s'écrit:
Où
Qu
QlT
QNT
—
NTX\
AT...
XNT
... x*
x ir
• • • xNT NTXK
fil
PK
+
KX\
lTi
0
0
0
lTJ
0
... 0
... 0
. . . lTi
TX\
NTXNYN
+
NX\
UlT
...
uNT NTXl
t • 1 2 71-
T : 44, fait référence à la période temporelle;
i : 1,2, ...,7V;
N : 126, fait référence aux unités de la coupe transversale; et
K : 7, fait référence aux variables indépendantes.
44
L'estimation de ce type de modèle règle de nombreux problèmes rencontrés par l'analyse
de séries chronologiques ou de coupes transversales. Plusieurs raisons expliquent ce fait et plus
particulièrement deux pour ce qui est de notre étude.
Le premier avantage à faire une analyse de type panel est le nombre accru d'observations.
Effectivement, dans ce type d'analyse chaque donnée, pour un groupe spécifique à une période
donnée, représente une observation (NT observations) débutant au groupe 1 à la période 1, ensuite
le groupe 1 à la période 2, jusqu'au groupe 126 à la dernière période examinée.
Le second avantage est que ce type d'analyse permet de capter les variations qui émergent
dans le temps et dans l'espace simultanément, contrairement à une série chronologique ou à une
coupe transversale qui se concentre uniquement sur l'une de ces dimensions.
C'est pour ces avantages que nous optons pour une analyse de type panel. Effectivement,
le premier avantage nous permet d'analyser de manière isolée la période de choc qui est
relativement courte. Il aurait été impossible d'y arriver sans avoir recours à cette méthode ce qui
est crucial pour notre étude. De plus, comme les clients de SCGM sont très hétérogènes il est
important d'en tenir compte explicitement, ce qui n'aurait pu être accompli par une simple
analyse en série chronologique.
Pour ce qui est des résultats de l'estimation de l'équation (20) nous pouvons
théoriquement nous attendre à :
• Un coefficient de la variable dépendante retardée (Qt-n) qui soit entre 0 et 1, 0 </?2 < 1, 1
- /?2 représentant la vitesse d'ajustement aux changements dans les paramètres de la
demande. Si /?2 - 0, les ajustements sont instantanés, si/?2 s'approche de 1 les ajustements
se font très lentement.
• Un coefficient des degrés-jours (DJ) qui soit supérieur à 0, /?3 > 0, la réponse de la
demande à un changement dans les degrés-jours.
45
• Un coefficient du revenu (Y) qui soit supérieur à 0, /?4 > 0, la réponse de la demande à un
changement de revenu (PIB).
• Un coefficient du prix du mazout (PM) qui soit supérieur à 0, /?5 > 0, la réponse de la
demande à un changement de prix de la source d'énergie substitut (le mazout no.2).
• Un coefficient du prix du gaz naturel inférieur à 0 lors des hausses de prix, /?6 < 0, la
réponse de la demande à une augmentation du prix du gaz naturel. Un coefficient du prix
du gaz naturel supérieur à 0 lors des baisses de prix, fa > 0, la réponse de la demande à
une diminution du prix du gaz naturel; il est à noter que PCUT > 0. Normalement, nous
nous attendons à ce que | /?Ô| > | fa\. Ce qui veut dire, que nous croyons que la demande
diminuera davantage lors d'une augmentation de prix qu'elle augmentera lors d'une
diminution de prix équivalente.
4.5. Résultats
Les résultats obtenus vont dans le sens prédit par la théorie, le signe des variables est celui
attendu et toutes les variables sont statistiquement significatives à un niveau de confiance de 95%
à l'exception de la variable du PIB qui l'est à un niveau, tout de même, supérieur à 90%.
L'élasticité-prix mesurée pour les hausses de prix est de -0,172 et celle pour les baisses est de
0,077. L'exécution d'un test de Wald confirme que ces deux coefficients estimés sont
statistiquement différents en termes absolus à un niveau de confiance de 95% (statistique F(l,
4771) = 69,30). Les coefficients du prix du gaz naturel inférieurs à celui du pétrole s'explique,
pour sa part, par le fait que ce prix est un prix total tandis que le prix du gaz naturel n'est que
celui de la fourniture qui représente une fraction du prix total. La part du prix de la fourniture sur
le prix total varie considérablement pour les différentes classes tarifaires mais elle est presque
46
entièrement responsable de la variation du prix total pour tous ces clients (le prix des autres
services est très stable). Les résultats de l'estimation des coefficients de l'équation 20 sont
présentés au tableau 2.
Tableau 2
Résultats de l'estimation de la régression linéaire en panel avec effets fixes et écarts-typesrobustes
Coefficients Écart- Intervalle de confianceVariables estimés type Statistique t P-value à 95%
Demande
Demande t-12 0.691 0.026 26.729 0.000 [0.641 à 0.742]Baisses de prix du gaznaturel 0.077 0.009 8.947 0.000 [0.060 à 0.094]Hausses de prix du gaz
naturel -0.172 0.014 -12.566 0.000 [-0.198 à-0.145]
Degrés-jours 0.140 0.012 11.957 0.000 [0.117 à 0.163]
Production 0.878 0.463 1.897 0.058 [-0.029 à 1.785]
Prix du mazout 0.292 0.029 10.072 0.000 [0.235 à 0.349]
Constante -8.512 5.704 -1.492 0.136 [-19.694 à 2.669]
Les estimations des coefficients autres que ceux du prix du gaz naturel sont réalistes à l'exception
de celui de l'activité économique (production) qui semble élevé à 0,878. Cependant, nous
sommes conscient que cette variable n'est pas une bonne approximation du revenu pour plusieurs
groupes d'usagers et qu'il s'agit d'une donnée désaisonnalisée alors que les consommations ne le
sont pas. Le bas niveau de significativité statistique (P-value = 0,058) confirme d'ailleurs que
cette variable présente un faible pouvoir explicatif. Le coefficient de la variable degrés-jours et
celui du prix du mazout sont significatifs à un niveau supérieur à 99,9% tout comme ceux des
variables représentant les baisses et hausses de prix du gaz naturel. La constante n'est pas
statistiquement significative à un niveau de confiance de 95% (P-value = 0,136).
47
Ainsi, le modèle semble relativement bien spécifié et les résultats confirment les
prévisions faites par les modèles théoriques de choix en incertitude développés à la section 3
comme représentatifs, du moins en partie, de la réalité en présentant une élasticité-prix de la
demande de gaz naturel clairement asymétrique.
5. Conclusion
La forte hausse du prix du gaz naturel qui eu lieu lors de l'hiver 2000-2001 coïncida avec
une baisse significative de la demande des usagers de SCGM au Québec. Cet événement étant
sans précédent, le distributeur gazier ne possédait pas de connaissances tant théoriques
qu'empiriques au niveau de l'impact de telles hausses de prix sur la demande. Ce mémoire s'est
attardé à combler ces lacunes en définissant un cadre théorique de choix en incertitude et en
testant les résultats attendus à partir de données empiriques. Les modèles théoriques de choix en
incertitude explorés prévoient une réponse asymétrique de la demande entre les hausses et baisses
de prix du gaz naturel. Ainsi un modèle de demande permettant aux élasticités-prix de différer
pour les hausses et les baisses de prix fut estimé.
Nous trouvons une élasticité-prix de -0,172 lors de hausses de prix et de 0,077 lors de
baisses, toutes deux sont statistiquement significatives et statistiquement différentes l'une de
l'autre en termes absolus à un niveau de confiance de 95%. Ces résultats appuient la théorie en
suggérant la possibilité d'investissements irrécupérables dans des mesures d'économie d'énergie
et/ou un biais psychologique pouvant être associé à la rationalité bornée des usagers.
Ce mémoire constitue donc, selon nous, une base fiable afin de comprendre l'impact du
prix et des autres variables d'intérêt sur la demande de SCGM comme elle est la première étude
du genre effectuée sur les données de consommation de gaz naturel au Québec à notre
49
connaissance. L'inclusion du vent en tant que variable climatique additionnelle et le raffinement
de; la variable représentant l'activité économique constituent, selon nous, les pistes les plus
intéressantes afin d'améliorer cette première tentative de modèle global de demande des usagers
de SCGM. De plus, il pourrait être intéressant d'avoir accès à des données contenant de
l'information au sujet des choix d'équipement qui pourraient possiblement permettre de discerner
l'asymétrie de l'élasticité-prix induite par les choix d'équipement (Dixit et Pindyck) de celle
induite par la rationalité bornée des consommateurs (Kahneman et Tversky). Ceci pourrait être
accompli à l'aide d'un modèle de choix de type discret-continu à la Dubin et McFadden.
50
Bibliographie
1. Bernard, J-T, D. Bolduc et D. Bélanger (1996), Québec Residential Electricity Demand:
A Microeconometric Approach, The Canadian Journal of Economies, 29 (1), 92-113.
2. Berndt, E. R., et G. C. Watkins (1977), Demand for Natural Gas : Residential and
Commercial Markets in Ontario and British Columbia, The Canadian Journal of
Economies, 10(1), 97-111.
3. Bushnell, J. B., et E. T. Mansur (2003), Consumption Under Noisy Price Signais: A Study
of Electricity Retail Rate Deregulation in San Diego, Program on Workable Energy
Régulation (POWER), PWP-082, 1-37.
4. Camerer, C. F., (1989), An Expérimental Test of Several Generalized Utility Théories.
Journal ofRiskand Uncertainty, 2 (1), 61-104.
5. Camerer, C. F., (2000), Prospect Theory in the Wild: Evidence from the Field, dans
Daniel Kahneman and Amos Tversky Ed., Cambridge University Press.
6. Bohi, D. R., et M. B. Zimmerman (1984), An Update on Econometric Studies of Energy
Demand Behavior, Annual Reviews Energy, 9, 105-154.
7. Dahl, C. (1992), Energy and Energy Product Demand Elasticities for the Developing
World : A Survey of the Econometric Evidence, Working Paper 92-14, Colorado School
of Mines, Golden, Colorado.
51
8. Dahl, C. (1993), A Survey of Oil Demand Elasticities for Developing Countries, OPEC
Review, XVII (4), 399-419.
9. Dahl, C. (1994), A Survey of Energy Demand Elasticities for the Developing World, The
Journal of Energy and Development, 18, 1-47.
10. Darguay, J. M. (1992), The Irréversible Effects of High Oil Priées: Empirical Evidence
for the Demand for Motor Fuels in France, Germany, and the UK, Energy Demand:
Evidence and Expectations, éd. D. Hawdon, London: Académie Press, 165-182.
11. Darguay, J. M., et D. Gately (1994), Oil Demand in the Industrialized Countries, The
Energy Journal, Spécial Issue, The Changing World Petroleum Market, éd. H. Frank, 39-
67.
12. Darguay, J. M., et D. Gately (1995), The Imperfect Price-Reversibility of Non-
Transportation Oil Demand in the OECD, Energy Economies, 17 (1), 59-71.
13. Dixit, A. K., et R. S. Pindyck (1994), Investment under Uncertainty, Princeton University
Press.
14. Dubin, J.A. et D. L. McFadden (1984), An Econometric Analysis of Residential Electric
Appliance Holdings and Consumption, Econometrica, 52 (2), 345-362.
15. Fatai, K., L. Oxley et F. G. Scrimgeour (2003), Modeling and Forecasting the Demand for
Electricity in New Zealand: A Comparison of Alternative Approaches, The Energy
Journal, 24 (1), 75-102.
16. Garcia-Cerrutti, L. M., (2000), Estimating Elasticities of Residential Energy Demand
from Panel County Data Using Dynamic Random Variables Models with Heteroskedastic
and Correlated Error Terms, Resource and Energy Economies, 22, 355-366.
17. Gately, D., (1992), Imperfect Price-Reversibility of U.S. Gasoline Demand: Asymmetric
Responses to Price Increases and Déclines, The Energy Journal, 13 (4), 179-207.
52
18. Gately, D., (1993), The Imperfect Price-Reversibility of World Oil Demand, The Energy
Journal, 14(4), 163-182.
19. Gately, D., et S. S. Streifel (1997), The Demand for Oil Products in Developing
Countries, World Bank Discussion Paper No. 359.
20. Gately, D., et H. G. Huntington (2002), The Asymmetric Effects of Changes in Price and
Income on Energy and Oil Demand, The Energy Journal, 23(1), 19-55.
21. Haas, R., et L. Schipper (1998), Residential Energy Demand in OECD-Countries and the
Rôle of Irréversible Efficiency Improvements, Energy Economies, 20 (4), 421-442.
22. Hanemann, M.W. (1984), Discrete/Continuous Models of Consumer Demand,
Econometrica, 52 (3), 541-562.
23. Hardie, B.G.S., E. J. Johnson et P.S. Fader (1993), Modeling Loss Aversion and
Référence Dependence Effects on Brand Choice, Marketing Science, 12, 378-394.
24. Judson, R. A., R. Schmalensee et T.M. Stoker (1999), Economie Development and the
Structure of the Demand for Commercial Energy, The Energy Journal, 20 (2), 29-57.
25. Kahneman, D., et A. Tversky (1979), Prospect Theory : An analysis of décision under
risk, Econometrica, 47, 263-291.
26. Kahneman, D., et A. Tversky Éd. (2000), Choices, Values, and Frames, Cambridge
University Press.
27. MacAvoy, P. W., et N. V. Moshkin (2000), The New Trend in the Long-Term Price of
Natural Gas, Resource and Energy Economies, 22, 315-338.
28. Mcdonald, R., et D. Siegel (1984), The Value of Waiting to Invest, Quarterly Journal of
Economies, 101, 707-728.
29. Office national de l'énergie (2000), Le marché du gaz naturel au Canada : Dynamique et
prix, Évaluation du marché de l'énergie, 1-65.
53
30. Pindyck, R. S., (1999), The Long-Run Evolution of Energy Priées, The Energy Journal,
20 (2), 1-27.
31.Putler, D., (1992), Incoporating Référence Prize Effects into a Theory of Consumer
Choice, Marketing Science, 11, 287-309.
32. Siegel, D. R., J. L. Smith et J. L. Paddock (1987), Valuing Offshore Oil Properties with
Option Pricing Models, Midland Corporate Finance Journal, 5, 22-30.
33. Simon, H., (1957), Models ofMan, New York: Wiley.
34. Starmer, C, (2000), Developments in Non-Expected Utility Theory: The Hunt for a
Descriptive Theory of Choice under Risk, Journal of Economie Literature, 38 (2), 332-
382.
35. Thaler, R., (1980), Toward a Positive Theory of Consumer Choice, Journal of Economie
Behavior and Organization, 39, 36-90.
36. Tversky, A., et D. Kahneman (1986), Rational Choice and the Framing of Décisions,
Journal of Business, 59, 251-278.
37. Tversky, A., et D. Kahneman (1992), Advances in Prospect Theory : Cumulative
Représentation of Uncertainty, Journal of Risk and Uncertainty, 5, 297-323.
38. Walker, I.O., et F. Wirl (1993), Irréversible Price-Induced Efficiency Improvements:
Theory and Empirical Application to Road Transportation, The Energy Journal, 14 (4),
183-205.
39. Yi, F., Dynamic Energy-demand Models: a comparison, Energy Economies, 22, 285-297.
54
Annexe A
Nous supposons F(V,t) au moins deux fois différentiable en V et une fois en t.
Où V suit un MGB tel que :
dV = a(V,t)dt + a(V,t)dz.
Où
dz = et 4dt,
st est de moyenne nulle et d'écart type unitaire et ainsi dz est une variable aléatoire d'espérance
E(dz) = 0 et de variance V(dz) = E[(JZ)2J.
La différentielle totale de F en calcul différentiel usuel est :
._ dF ... 8F ,dF = — d V + dt
ÔV dV
II en est ainsi puisque généralement les termes d'ordres plus élevés tendent vers 0 à la limite. Si
nous incluons ces termes d'ordre plus élevés la différentielle totale est :._ dF ... 8F J i a 2 F / j m 2 l ô 3 F 3dF = —dV + — dt +{dVy + f
dV ôV 2dV + dt +j{dVy +
dV ôV 2ôV2 3 ÔV2
En élevant au carré dV nous obtenons :
(dVf =a\V,t){dtf+2a(V,t)(j{V,t){dt)V2 +a\V,t)dt.
55
Tandis que l'expansion de (dVf ne présente que des termes incluant dt portés à une puissance
supérieure à 1. Tous les termes portés à une puissance supérieure à 1 convergent vers 0 plus
rapidement que dt lorsque ce dernier tend vers 0 à la limite. Ainsi,
,_ dF _,„ dF , 1 d2F . ,_,.2dF = — dV + — dt + T(AV) ,
dV dt 2dV2
ce qui représente un terme supplémentaire comparativement à la différentielle totale usuelle.
56
Annexe B
En plus des variables exogènes, le coût élevé des équipements de production et leur coût
de mise en place nécessitent l'inclusion de la variable dépendante retardée. Ainsi, la
consommation désirée au temps /, représentée par Q*, définit par l'équation (18) n'est pas la
même que la consommation réelle au temps t, représentée par Qt. Ceci exprime l'idée que les
ajustements de la demande ne sont que partiels. La consommation réelle Qt peut être décrite
comme une combinaison linéaire de la consommation de la période précédente et de la
consommation désirée, où d représente le paramètre d'ajustement :
=> a = « ( Ô M . &*)•
Où:
Q<d<\.
Ceci implique l'inclusion de la variable dépendante retardée en tant que variable indépendante du
modèle. Une telle approche est connue sous le nom de modèle avec retard de type Koyck.
Parallèlement, lorsque les variables explicatives ont une influence non définie à travers le
temps, il est possible de faire l'hypothèse d'un modèle à retards infiniment distribués dont le poids
des variables d'influence retardées diminue géométriquement. Un tel model prend la forme
suivante :
57
Y, =S + /30*X, + /?, *X,.X + ... + &, *X,_a> +et
r=0
Où:
Wi : ji\ IP — Poids normalisé
P :ZW( = Effet retardé total soit le multiplicateur de long terme d'un changement de Xt.
Une diminution géométrique de l'effet de la variable explicative retardée implique :
Où:
Ainsi,
(=0
Si l'on retarde cette équation d'une période nous obtenons :
+AX,_2 +... + rXt_J +
Si nous soustrayons la dernière équation de la précédente nous obtenons
Y, - XYt_x = ô(l -Â) + P(l - Â)Xt +e,~ /le,.,
Ce que l'on peut réécrire comme :
Dans le contexte d'une série temporelle à variable explicative simple le terme d'erreur Yt est une
moyenne mobile MA(1). Le modèle statistique formulé par la dernière équation présente trois
58
paramètres inconnus So, Si et A. Le multiplicateur de l'impact de court terme d'un changement
dans le paramètre explicatif est mesuré par ô\ = /?*(1 - A) et le multiplicateur d'impact de long
terme est mesuré par fi = S\ I (1 - A).
Annexe C
Résultats du test de Hausman
DemandeDemande t-12Baisses de prix duHausses de prix duDegrés-joursProduction
Prix du mazout
Coefficients
gaz naturelgaz naturel
EffetsFixes
0.6910.077
-0.1710.1400.8780.292
Effetsaléatoires
0.9780.054
-0.1800.0082.631
0.282
Différence
-0.2810.0220.0080.132
-1.753
0.009
60