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FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE INTRODUCTION Le blanchiment gras (BG) 1 du chocolat est un défaut d'aspect provoqué par le développement d'un voile blanchâtre sur sa surface. Il apparaît à la suite d'un mauvais stockage du chocolat ou des produits qui en sont recouverts. Ce voile se déve- loppe, par exemple, quand du chocolat est laissé pendant plusieurs semaines à une température mal contrôlée (fluctuations) ou trop élevée (ambiante). Ce défaut physique est souvent asso- cié à une plus grande dureté du chocolat. Il pro- voque aussi une sensation de goût cireux en sur- face, liée directement au développement du blan- chiment sur la surface (le contact de la langue avec la surface rappelle celui avec une surface hydrophobe (paraffine, bougie). Une perte d'arô- me du chocolat et un changement polymor- phique (passage en forme VI, cf. ci-dessous) du beurre de cacao sont fréquemment associés au développement du BG (Kleinert, 1961, Jewell, 1972, Adenier et al., 1975; Adenier et al., 1993). Nous allons successivement examiner dans ce chapitre, la structure du chocolat, les modalités de développement du blanchiment gras en rela- tion avec les changements de composition des différentes phases grasses et les moyens de sa prévention. Le blanchiment est superficiel et la diffusion de la lumière est le facteur qui le met en évidence. C'est en effet la diffusion de la lumière sur les cristaux formés en surface du chocolat qui indique sa présence. Ces cristaux peuvent être observés avec un microscope en lumière visible, ou mieux, avec un microscope électronique, après un traitement approprié de l'échantillon (Adenier et al., 1975). Les cristaux peuvent être isolés dans le cas d'un léger blanchiment ou for- mer une véritable forêt de petits cristaux de 10 ou 20 microns de haut en surface du chocolat quand celui-ci est sévère (figures 1, 2, 3, repro- duites de Adenier et al.,1975). COMPOSITION DU CHOCOLAT Le chocolat noir, qui est composé de sucre, de cacao et de beurre de cacao, a une composition 55 Le blanchiment du chocolat : mécanisme et prévention Christophe LOISEL, Groupe Danone, Centre Jean Thèves, 91 Athis-Mons. Hervé ADENIER, Henri CHAVERON, Génie Biologique, Université de Technologie de Compiègne, BP 529, 60206 Compiègne. Gérard KELLER et Michel OLLIVON, CNRS, URA 1218, Physico-Chimie des Systèmes Polyphasés, 5, rue J.-B. Clément, 92296 Châtenay-Malabry, 1 Abréviations : Acide gras (AG); blanchiment gras (BG); beurre de cacao (BC): triglycérides (TG); TG monoinsaturés (SUS); TG trisaturés (SSS); TG polyinsaturés (SLS+SOO) petites distances (PD); grandes distances (GD); Microcalorimétrie Différentielle (MCD) ; Diffraction des Rayons X (DRX); strates d'épaisseur correspondant à deux ou trois longueurs de chaînes d'acides gras (2L) ou (3L); Résonance Magnétique Nucléaire (RMN). Figure 1 : Surface du chocolat au tout début du blanchi- ment. Quelques cristaux sont visibles par endroits (Adenier et al.,1975).

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FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE

INTRODUCTION

Le blanchiment gras (BG)1 du chocolat est undéfaut d'aspect provoqué par le développementd'un voile blanchâtre sur sa surface. Il apparaît àla suite d'un mauvais stockage du chocolat ou desproduits qui en sont recouverts. Ce voile se déve-loppe, par exemple, quand du chocolat est laissépendant plusieurs semaines à une températuremal contrôlée (fluctuations) ou trop élevée(ambiante). Ce défaut physique est souvent asso-cié à une plus grande dureté du chocolat. Il pro-voque aussi une sensation de goût cireux en sur-face, liée directement au développement du blan-chiment sur la surface (le contact de la langueavec la surface rappelle celui avec une surface

hydrophobe (paraffine, bougie). Une perte d'arô-me du chocolat et un changement polymor-phique (passage en forme VI, cf. ci-dessous) dubeurre de cacao sont fréquemment associés audéveloppement du BG (Kleinert, 1961, Jewell,1972, Adenier et al., 1975; Adenier et al., 1993).

Nous allons successivement examiner dans cechapitre, la structure du chocolat, les modalitésde développement du blanchiment gras en rela-tion avec les changements de composition desdifférentes phases grasses et les moyens de saprévention.

Le blanchiment est superficiel et la diffusion dela lumière est le facteur qui le met en évidence.C'est en effet la diffusion de la lumière sur lescristaux formés en surface du chocolat quiindique sa présence. Ces cristaux peuvent êtreobservés avec un microscope en lumière visible,ou mieux, avec un microscope électronique,après un traitement approprié de l'échantillon(Adenier et al., 1975). Les cristaux peuvent êtreisolés dans le cas d'un léger blanchiment ou for-mer une véritable forêt de petits cristaux de 10ou 20 microns de haut en surface du chocolatquand celui-ci est sévère (figures 1, 2, 3, repro-duites de Adenier et al.,1975).

COMPOSITION DU CHOCOLAT Le chocolat noir, qui est composé de sucre, decacao et de beurre de cacao, a une composition

55

Le blanchiment du chocolat :mécanisme et préventionChristophe LOISEL, Groupe Danone, Centre Jean Thèves, 91 Athis-Mons.Hervé ADENIER, Henri CHAVERON, Génie Biologique, Université de Technologie de Compiègne, BP 529, 60206 Compiègne.Gérard KELLER et Michel OLLIVON, CNRS, URA 1218, Physico-Chimie des SystèmesPolyphasés, 5, rue J.-B. Clément, 92296 Châtenay-Malabry,

1 Abréviations : Acide gras (AG); blanchiment gras (BG); beurre de cacao (BC): triglycérides (TG); TG monoinsaturés (SUS);TG trisaturés (SSS); TG polyinsaturés (SLS+SOO) petites distances (PD); grandes distances (GD); MicrocalorimétrieDifférentielle (MCD) ; Diffraction des Rayons X (DRX); strates d'épaisseur correspondant à deux ou trois longueurs de chaînesd'acides gras (2L) ou (3L); Résonance Magnétique Nucléaire (RMN).

Figure 1 : Surface du chocolat au tout début du blanchi-ment. Quelques cristaux sont visibles par endroits (Adenieret al.,1975).

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relativement variable selon ses applications. Lechocolat de la figure 4 correspond à une formule“standard”, dans laquelle le beurre de cacaoreprésente plus de 30 % de la masse.

Le beurre de cacao (BC) est composé en majori-té de triacylglycérols (97 %) dont 83 % sontmonoinsaturés. Les triacylglycérols, communé-ment appelés triglycérides, sont les tri-esters desacides gras et du glycérol. Ces triglycérides (TG)sont formés presque exclusivement à partir detrois acides gras : deux acides saturés, l'acide pal-mitique, (acide gras en C16, 24-29%, noté P) etl'acide stéarique (acide gras en C18, 32-37 %,noté S) et un acide monoinsaturé, l'acideoléique (C18:1, 31-37%, noté O) (J. Pontillon,1992). La presque totalité de l'acide oléique(87 %) et de l'acide linoléique (2-5 % du beur-re, noté L) est estérifiée en position centrale duglycérol (position 2). Il en résulte que trois TGmonoinsaturés, POP, POS et SOS, composent àeux seuls 75 à 80 % du BC. A coté de cette

famille de TG monoinsaturés (notés SUS), le BCcontient environ 3% de TG trisaturés (notésSSS) et environ 14 % de TG polyinsaturés (notésSLS+SOO pour montrer que cette fraction ras-semble en fait des diinsaturés de deux types dif-férents, soit ils contiennent deux chaînesoléiques O, ex POO, soit une chaîne linoléique Lex SLS). La composition triglycéridique uniquedu beurre de cacao en fait une matière grasse,aux propriétés physiques se rapprochant decelles d'un corps pur et difficilement imitable pardes mélanges de triglycérides d'origine naturelle,même après leur fractionnement physique.

STRUCTURE DU CHOCOLAT La structure du chocolat, qui est schématiséefigure 5, correspond à celle d'une émulsioninverse (à phase grasse continue), partiellementsolide et partiellement liquide ; à savoir qu'ellecontient des parties solides et des partiesliquides. Les parties solides sont les cristaux desucre et les particules de cacao qui sont compo-sés de protéines, d'amidon, de sucres, de sub-stances aromatiques, etc.. Ces particules ont desdistributions de taille autour d'une taille moyen-ne de quelques dizaines de microns. Ces parti-cules baignent dans un milieu continu grasconstitué par les triglycérides. Selon la tempéra-ture, ce continuum hydrophobe est liquide, par-tiellement solide ou entièrement solidifié.

Aux températures supérieures à 40 °C, le choco-lat est fondu et l'ensemble du beurre de cacao està l'état liquide. Les particules solides, cristaux desucre et cacao, baignent dans un milieu liquide.Le système pourrait être considéré comme une

Figure 2 : Photographie de la surface d'une tablette de cho-colat noir fortement blanchie obtenue par microscopie élec-tronique (G = x 650) (Adenier et al.,1975).

Figure 3 : Surface d'un chocolat non-blanchi à l'emplace-ment initialement recouvert par une feuille de papier d'alu-minium (partie droite) et blanchi aux endroits non-recou-verts (gauche) (Adenier et al.,1975).

Composition du chocolat et du BC

Sucre40-50 %

AG1,6 %

TG97 %

MG-DG1,4 %

SSS3 %

SUS83 %

POS37 %

SOS27 %

POP17 %

SOO3 %

SLS3 %

POO3 %

SUU+SLS14 %

Beurre de cacao30-40 %

Cacao20 %

100 %

100 %

Figure 4 : Compositions du chocolat et du beurre de cacao.

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dispersion de ces particules solides dans le liqui-de, toutefois il est utile de rappeler que cet étatn'est pas atteint spontanément du fait desnatures différentes des deux milieux. Les cris-taux de sucre et la partie non grasse du cacaosont de comportements plutôt hydrophiles, alorsque le BC est essentiellement hydrophobe. Lespremiers ne sont donc naturellement pas“mouillés” par le second, et la présence d'un ten-sioactif, tel que la lécithine, est nécessaire. Lesmolécules amphiphiles de phospholipides quicomposent la lécithine vont tapisser les parti-cules solides et favoriser ainsi le contact entre lesdeux milieux, en particulier lors de l'opérationde conchage. Un calcul approché de la surfacespécifique des agrégats d'un chocolat a montréque la quantité de lécithine apportée naturelle-ment par le BC était suffisante pour recouvrird'une couche monomoléculaire l'ensemble desparticules présentes (dans un chocolat contenant32% de BC à 0.1 % de lécithine, il y a environ4.10–7 mole de lécithine/g de chocolat et laquantité nécessaire calculée est de environ3.10–7 mole de lécithine/g de chocolat) (Loisel,1996). La lécithine ajoutée par les fabricants dechocolat vient en excès, et constitue probable-ment une phase distincte.

Le refroidissement du chocolat provoque la cris-tallisation du BC. Comme cela est constaté pourla cristallisation d'autres matières grasses, descristaux vont se développer vraisemblablementdepuis les interfaces des agrégats et au détrimentde la phase liquide. La croissance des cristaux vaamener leur enchevêtrement et leur interpéné-tration jusqu'à ce que, par un mécanisme de

percolation les agrégats se retrouvent bloqués lesuns par les autres donnant ainsi sa dureté auchocolat (Lavigne, 1995). La figure 5 montreschématiquement comment ce développementde cristaux enchevêtrés amène à la solidificationdu chocolat.

L'organisation à l'intérieur de ces cristaux estrévélée par la diffraction des rayons X pratiquéesoit sur des échantillons de chocolat désucré soitsur le BC lui-même (Adenier et al., 1975; Willeet Lutton, 1966) Cette technique a permis demontrer que les molécules de TG s'y organisenten strates (couches planes) d'épaisseur variable,bicouches d'acides gras (notées 2L) ou tri-couches (3L) suivant le type de cristal formé(figures 5 et 6).

La structure du chocolat peut à certains égardsêtre comparée à celle d'un béton. Le béton estcomposé de sable et de graviers, liés dans unmortier, qui est lui-même obtenu par le mélan-ge du ciment poudre avec de l'eau. Ici, il n'y apas d'eau, mais l'analogie est possible : il y a des

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20 mµ

2 cm

2 nm

TABLETTE

GRANULATS

CRISTAUX

MOLECULES

Structure du chocolat

2L 3L

Figure 5 : Structure du chocolat.

2 nmα β′$ ββ

2 Å

Hex. O ⊥ T//

2L 2L 2L 3L

end view

6 a

6 b

RX

Ech.θ

Relation de Bragg2d.sin θ = nλ

Figure 6 : a) Différentes possibilités d'arrangements longi-tudinal (bas) et latéral (milieu) des chaînes d'acides gras destriglycérides. b) Diffraction des rayons X. La diffraction d'unfaisceau de rayons X (RX) par les plans cristallins d'unéchantillon (Ech.) fournit sur un détecteur approprié unesérie de pics de diffraction.

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particules de cacao et de sucre emprisonnéesdans un continuum quasiment solide de beurrede cacao, comme dans le béton la phase conti-nue est le ciment.

COMPORTEMENT THERMIQUEDES MATIÈRES GRASSES ETPOLYMORPHISMELe comportement thermique des matièresgrasses et leur polymorphisme sont étudiés res-pectivement par les techniques deMicrocalorimétrie Différentielle (MCD) (para-mètres thermodynamiques : températures,enthalpies, ...)(figure 7) et de Diffraction desRayons X (DRX) (paramètres structuraux :mailles cristallines distances interplanaires)(figures 6b et 8). Les enregistrements obtenus parMCD, montrent que à l'inverse de la plupart desmatières grasses qui présentent plusieurs pics defusion assez étalés, le beurre de cacao a, en appa-rence, un pic de fusion franche. Ce comporte-ment thermique, qui résulte de sa compositionunique, lui confère des propriétés rhéologiquestrès différentes de celles, par exemple, de lamatière grasse de lait anhydre où des milliers detriglycérides très différents les uns des autressont présents et cristallisent dans des variétéscristallines différentes.

Tous les triglycérides ont des points de fusion quidépendent en particulier de la longueur deschaînes d'acides gras qui sont fixées sur le glycé-rol, de la présence d'insaturations de leurnombre et de leur type, cis ou trans, dans chacu-ne des chaînes et des traitements thermiquessubis par le produit avant sa cristallisation.L'influence de ces traitements thermiques est

déterminante car chacun de ces triglycérides,comme la plupart des lipides, est sujet à un poly-morphisme. Le polymorphisme correspond à lapossibilité pour une substance de cristalliser sousdifférentes variétés cristallines. Par exemple, legraphite et le diamant correspondent à deuxvariétés polymorphiques du carbone.L'existence même du polymorphisme des lipidesrésulte en particulier des différentes possibilitésd'arrangement des chaînes hydrocarbonéesentres elles. La figure 6a montre quelques unesdes possibilités d'arrangements latéral et longitu-dinal des chaînes (Small, 1986; Larsson, 1986;Hagemann, 1988; Ollivon et Perron, 1992; deMan et al., 1992).

Le polymorphisme des TG est de type monotro-pique car les variétés qui cristallisent au refroidis-sement sont celles qui ont le temps de cristalliserdans les conditions opératoires. Il s'agit d'unproblème de vitesse de cristallisation des diffé-rentes variétés. Plus une variété cristallise rapi-dement, moins elle est dense, moins son pointde fusion est élevé et moins elle est stable. Cecomportement peut être expliqué schématique-ment en disant que la « viscosité » du milieuempêche la mise en équilibre rapide du systèmeet l'on obtient généralement au refroidissementune variété cristalline métastable. Cette dernièren'évolue que très lentement vers un état stablesi le TG est pur. Cependant, cette évolution estplus rapide dans le cas des matières grasses natu-relles car la présence fréquente d'une fractionliquide favorise cette transition.

FORM VI

Tpeak = 33,6–35,2 °C

FORM V

Tpeak = 31,7–33,4 °C

FORM IV

Tpeak = 25,7–26,3 °C

°C– 20 0 20 40

Figure 7 : Courbes d'Analyse Thermique obtenues parMicrocalorimétrie Différentielle (MCD) pour différentesvariétés polymorphiques du BC.

1 2 3 4Angle (deg)

0

10

Inte

nsity

(cps

. 103

)

10 12 14

V

VI

IV

Figure 8 : Diagrammes de diffraction des rayons X desvariétés IV, V et VI du beurre de cacao. Les grandes dis-tances sont déduites des pics de diffraction observés auxpetits angles et réciproquement.

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La DRX qui enregistre l'intensité diffractée parun échantillon en fonction de l'angle d'inciden-ce du faisceau (I = f(�)) par rapport aux plansd'organisation des molécules ou des atomes,permet d'identifier les variétés cristallines grâceà la présence de deux groupes de raies qui sontcomme les signatures de l'existence de telle outelle variété (figure 6b et 8). Aux grands angles,une série de pics de diffraction, à laquelle cor-respond une série de petites distances (PD), reflètel'organisation latérale des chaînes d'AG dansune unité de répétition que l'on nomme sous-cellule (ex: T//, Hex) (figure 6a). Aux petitsangles, une autre série de pics de diffractionreprésentative de l'empilement longitudinal desmolécules (ex: 2L, 3L) et de l'existence degrandes distances (GD), est observée2. Ces deuxséries de raies permettent de caractériser chacu-ne des variétés cristallines formées. Pour lescorps purs, ces raies sont généralement claire-ment séparées.

Le polymorphisme du BC a fait l'objet de nom-breuses études (cf. Loisel et al., 1998b) et la plu-part des auteurs s'accordent pour reconnaîtrel'existence de six variétés cristallines, notées de Ià VI dans l'ordre de leur stabilité croissante(Wille et Lutton, 1966; Chapman et al., 1971;Adenier et al., 1975; Lovegren et al., 1976). Letableau 1 résume ces observations. Chacune dessix variétés cristallines du beurre de cacao et destransitions entre ces variétés vient d'être exami-né récemment par DRX couplée à la MCD enutilisant la résolution que permet l'utilisation durayonnement synchrotron (Loisel et al., 1998b).L'existence de nouvelles phases a pu être miseen évidence et corrélée à des analyses rhéolo-giques pratiquées pendant la cristallisation duchocolat (Loisel et al., 1997a et 1998a). Leurdescription qui sort du cadre de cet exposé, nesera pas reprise ici. Néanmoins, un des princi-paux résultats obtenus et pouvant avoir desconséquences pratiques concerne la confirma-tion obtenue par ces méthodes de l'existenceaux températures voisines de l'ambiante de troisphases distinctes dans le BC. Deux phases cris-tallines correspondant en majorité aux TGmonoinsaturés et aux trisaturés coexistent avecun liquide composé de TG monoinsaturés dis-sous dans les TG polyinsaturés.

La cristallisation du BC du chocolat est obtenueà la suite de l'opération dite de tempérage quiconsiste à obtenir le plus rapidement possible ausein de la masse de chocolat, la formation d'unequantité suffisante de germes des variétés cristal-lines stables (V) à l'aide d'un cycle de tempéra-ture approprié qui implique le passage par desvariétés instables (I à IV). En fin de tempérageces germes représentent de l'ordre de 1% de lamasse du BC (Adenier et al., 1984). Il est àremarquer que cette opération n'est pas absolu-ment spécifique au BC, le passage par des varié-tés instables obtenues lors d'un refroidissementrapide de la matière grasse et leur transforma-tion en variétés stables par un réchauffage adap-té est un procédé couramment utilisé dans l'in-dustrie du beurre ou de la margarine pour cris-talliser rapidement ces produits par passage autravers d'échangeurs à surface raclée. Sur unplan pratique pour le chocolat, au niveau indus-triel, l'objectif est d'obtenir la variété V dont lepoint de fusion est d'environ 33/34 °C car c'estcelle qui permet une libération optimale del'arôme en bouche. Elle n'est pas trop dure et neprésente pas les inconvénients de la variété VI.La présence de environ 1% de ces germes detype V suffit à entraîner une cristallisation de lamasse du BC en forme V dans le tunnel de froid.Il a été montré par DRX que lorsque la quantitéde germes formés était trop faible, son effet d'en-traînement était insuffisant pour provoquer lacristallisation de l'ensemble du BC en forme V ilen résultait la formation d'un mélange des varié-tés IV et V (Loisel et al., 1995). Cependant, lavariété IV éventuellement formée, moins stable,se transforme progressivement, en présence dela variété V plus stable, en cette dernière aprèsquelques heures.

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Tableau I : Caractéristiques principales (température defusion, arrangement longitudinal des chaînes, épaisseurdes strates et type d'arrangement latéral) des différentesvariétés polymorphiques du beurre de cacao.

Variété I II III IV V VI

T(°C) 17 23 25 27 34 36

Arran. 2L 2L 2L 2L 3L 3L

d (Å) 54.5 49 49 45 64 64

Type sub α α β′ β′ β β

2 Le fait que les petites distances soient mesurées aux grands angles résulte de la loi de bragg : 2d sin � =n� qui relie lesdistances entre plans à l'angle sous lequel sont observés ces réflexions, � est la longueur d'onde d'observation et n un entier,n� peut être considéré comme une constante.

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La caractérisation des trois variétés les plusstables du beurre de cacao est assez aisée parMCD, leurs points de fusion étant relativementdifférents (figure 7). En DRX, ces différences sontencore plus marquées au niveau de leurs petitesdistances (lesquelles traduisent des arrangementsde chaîne légèrement différents) (figure 8).

FACTEURS FAVORISANT LEBLANCHIMENT GRAS (BG)La relation entre le polymorphisme du beurre decacao et le développement du BG est complexe.Tout comme l'évolution polymorphique du BC,le blanchiment gras se développe au cours dutemps. Il se produit de manière d'autant plusintense ou d'autant plus rapidement que la tem-pérature est élevée. Il est observé sur des pro-duits ou sur la couverture de produits dont le BCa fréquemment évolué vers la variété VI.Toutefois, on observe des chocolats dont le BCest sous forme VI, qui ne sont pas blanchis. Il seproduit d'autant plus que le chocolat est maltempéré. En revanche un obstacle physique l'in-hibe : la présence d'une feuille d'aluminium à lasurface d'un chocolat qui vient d'être coulé évitele blanchiment à cet endroit (Adenier et al.,1975)(figure 3).

Il est favorisé par la proximité de certainesmatières grasses, en particulier celle des four-rages gras. A cet égard, il est particulièrementvisible sur le chocolat qui recouvre les noisettesd'une plaque de ce type de confiserie.L'ensemble du chocolat de la plaque ayant subi

les mêmes traitements thermiques pendant lafabrication et le stockage, il était intéressant dedéterminer pourquoi le BG se concentrait sur lechocolat recouvrant les noisettes. La composi-tion en TG des intérieurs gras étant supposéejouer un rôle dans le développement du BG, lamigration des matières grasses d'articles compo-sites (chocolat fourré avec un praliné dont laphase grasse est entièrement liquide à tempéra-ture ambiante) a été étudiée pour en com-prendre le mécanisme. La présence d'une phaseliquide triglycéridique favoriserait le BG toutcomme elle favorise l'évolution polymorphique.Au temps 0, puis après un certain temps deconservation sous azote la couverture et le prali-né ont été analysés afin de voir quelles étaientles migrations respectives des différentesmatières grasses.

L'analyse chromatographique (phase gazeuse etcouche mince) révèle une migration croisée desTG des deux types de matière grasse (figure 9).Celle que l'on trouve à l'intérieur du fourrage,composée essentiellement de TG polyinsaturés,migre de l'intérieur vers la couverture ; unemigration moins importante se produit dans ladirection inverse. Le résultat final de cettemigration croisée est un assèchement des prali-nés qui deviennent sableux et un ramollisse-ment des couvertures. En effet, une partie del'huile du praliné migre vers la couvertureentraînant un appauvrissement de la teneur enhuile du praliné et un enrichissement en huiledu chocolat. La migration de l'huile contribue àaugmenter la proportion des TG monoinsaturésdu BC dissoute à diminuer la fraction solide.Cette fraction diffuse en sens inverse de la pre-mière vers le praliné entraînant l'apparition deTG à haut point de fusion dans ce dernier(Adenier et al., 1993).

Cette expérience confirme, d'une part, qu'il y aun échange de matière grasse entre la couvertu-re et le fourrage, et, d'autre part, que les TGpolyinsaturés et la phase de TG liquide jouent unrôle dans la formation du blanchiment gras ensurface, puisqu’au niveau du chocolat ce sontessentiellement cette quantité de liquide et sanature qui changent dans le cas de couvertured'intérieurs gras.

ANALYSE DU BLANCHIMENT GRASL'analyse des petits cristaux du blanchiment grasprélevés sous l'objectif d'une loupe binoculaire à

Chromatographie

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t=0

t=120j

Couche mincePhase gazeuse

/N2

Figure 9 : Les migration croisées des fractions liquides desmatières grasses entrainent progressivement les change-ments de composition des phases solides avec lesquelleselles étaient en équilibre.

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grandissement variable (en prenant garde de nepas prélever la couche du dessous) a montré queceux-ci étaient à peu près composés des mêmesTG que le BC (figure 10). Une telle analyse pour-rait aisément être critiquée car le risque de pol-lution du BG par la couche sous-jacente de BCau moment du prélèvement est évident. Ce n'estpas le cas, car entre-temps la migration des TGde l'intérieur gras vers le chocolat a changé com-plètement sa composition. La composition descristaux est effectivement celle du beurre decacao, mais est très différente de la compositionde la couche sous-jacente (Adenier et al., 1993).

Comment expliquer que la phase qui cristalliseici possède la composition du beurre de cacao,tout au moins une composition très riche enmonoinsaturés, alors que celle de la phase sous-jacente d'où elle est supposée extraite (elle nepeut venir d'ailleurs) est différente ? Quel estdonc le mécanisme de séparation de phase quiprovoque une recristallisation en surface?L'analyse du pseudo-diagramme de phase TGmonoinsaturés+trisaturés/TG polyinsaturés peuten fournir une explication satisfaisante.

DIAGRAMME DE PHASE Le fractionnement du BC a permis d'obtenirdeux fractions contenant respectivement d'unepart les TG monoinsaturés et trisaturés (les TGmonoinsaturés sont très largement majoritairesdans cette fraction) et d'autre part l'ensembledes TG polyinsaturés. L'étude par MCD des com-portements thermiques des différents mélangesobtenus à partir de ces fractions a conduit à l'ob-tention d'un diagramme de phase voisin de celuiprésenté figure 11 (Adenier et al., 1993). En fait,le diagramme simplifié et schématique représen-té ici, et obtenu à partir des mesures deRésonance Magnétique Nucléaire, suffit pour

expliquer les phénomènes. Un tel diagrammereprésente la variation des intervalles de fusiondes mélanges pseudo-binaires. Les limites hauteset basses appelées généralement liquidus et soli-dus servent à déterminer la composition et lesproportions des phases en présence à toute tem-pérature. Par exemple, le mélange correspon-dant à la composition triglycéridique du BC estformé à 22 °C de deux phases, une liquide(25 %) et une solide (75%), dont les composi-tions (> 90 % de monoinsaturés et environ 60 %de polyinsaturés) sont données respectivementpar l'intersection de la droite horizontale ACavec le liquidus (C) et le solidus (A).

En fait, au fur et à mesure du chauffage du BC,la composition des phases en équilibre change etdécrit ces lieux géométriques. La composition duliquide qui est majoritairement composée de TGpolyinsaturés à basse température s'enrichit pro-gressivement en TG monoinsaturés à plus hautetempérature. Elle atteint par exemple 33 % à28 °C (Adenier et al., 1993). Entre 22 et 28 °C,l'élévation la température a conduit a augmen-ter la proportion de liquide et celle de triglycé-rides mono-insaturés dissoute dans ce liquide.Au refroidissement le mécanisme inverse se pro-duit. En imaginant qu'au gré des variations detempérature, cette phase liquide puisse atteindrela surface, elle serait susceptible d'y déposer pen-dant son refroidissement les TG monoinsaturésqu'elle a préalablement dissous pendant sonchauffage. Ce mécanisme explique en particulierque la composition de la phase déposée puisseêtre différente de celle sous-jacente.

En résumé, quand la température du chocolatfluctue, le liquide dissout au chauffage des frac-tions mono-insaturées et quand la température

����

Chromatography

2mg

Figure 10 : Analyse du blanchiment gras prélevé sous l'ob-jectif d'une loupe binoculaire stéréoscopique.

0 20 40 60 80 100

Polyinsat. TG (%)

0

8

16

24

32

40

Tem

péra

ture

(°C

) liquide

solid

liquid

+

solide

SSS+SUS SUU+SLS

CB Composition

SFC at 28 °C

SFC at 22 °C

GLC

+ N

MR

25%

33%

liquidus

solidus

A CB

A' B' C'

Figure 11 : Le diagramme de phase TG monoinsaturés-polyinsaturés présenté est une représentation schématiquedu pseudo-diagramme binaire SSS+SUS/ SUU+SLS.

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redescend, ces fractions mono-insaturées solubi-lisées dans le liquide, sont susceptibles de recris-talliser. Elles le feront, non pas uniquement enforme V mais aussi en forme VI, qui est la varié-té la plus stable. Le mécanisme du passage de laforme V à la forme VI pourrait être simplementun mécanisme associé à celui du blanchimentgras, sans être nécessairement "le" mécanismedu blanchiment gras (Adenier et al., 1993).

Le mécanisme de l'augmentation de la quantitéde liquide explique aussi le changement de ladureté du chocolat quand on change sa tempé-rature.

Pourquoi et comment le liquide dépose-t-il sescristaux en surface ? Le moteur de la migrationest-il la “capillarité” (les matières grasses monte-raient dans les pores laissés entre les cristaux etles particules) ou la dilatation du liquide plusimportante que celle du solide qui l'entoure? Laporosité du chocolat a été étudiée récemmentafin de déterminer lequel des deux mécanismesétait responsable du BG.

POROSITÉ AU MERCURE ET PERMÉABILITÉ AU GAZDes chocolats contenant des quantités variablesde BC et ayant été soumis à des tempérages cor-respondant à des chocolats sur-, bien- ou sous-tempérés (c'est à dire contenant trop, la bonnequantité ou pas assez de germes de forme V)(Adenier et al., 1984) ont été soumis à des expé-riences de porosité au mercure (Loisel et al.,1997b). Avec cette technique, des échantillonscylindriques de volumes connus précisémentsont maintenus dans un bain de mercure auquelon applique progressivement des pressions crois-santes. L'enregistrement de la variation du volu-me apparent de l'échantillon en fonction de lapression appliquée (figure 12) montre la pénétra-tion du mercure dans d'éventuelles cavités duchocolat, une fois déduite la compressibiliténaturelle du matériau. Des expériences complé-mentaires de radiographie aux rayons X rensei-gnent sur la nature de ces cavités et permettentde soustraire le petit volume d'air emprisonnéau moment de la cristallisation du chocolat.

Les informations recueillies ont montré que,après soustraction de l'air emprisonné, le choco-lat contenait des cavités dont le volume totalpeut varier entre 1 et 4 % de son propre volumeselon qu'il était bien- ou sur-tempéré. La quan-tité de BC influe aussi sur cette porosité apparente

puisque quand le chocolat est maigre (29,5 % deBC) les cavités représentaient 2% environ (figu-re 12). Le sur-tempérage (i.e. trop de germes à unmoment donné) conduit par l'intermédiaire dela limite d'écoulement et de la viscosité du pro-duit à un mauvais moulage du chocolat et génè-re beaucoup de vide. Le sous-tempérage a peud'effet volumique, mais peut conduire à un pro-duit moins résistant au BG.

Au moment de la percolation, quand les cristauxde TG se développent suffisamment pour se blo-quer les uns les autres et pour donner ses dimen-sions extérieures au chocolat, la solidification duBC est loin d'être terminée. Durant son refroi-dissement, le BC continue de cristalliser et doncde se contracter au sein d'une matrice dont lesdimensions ne changent plus (à noter qu'il va secontracter également du fait de son évolutionvers des variétés plus stables). Des cavités se for-ment ainsi à l'intérieur de la structure.

Des mesures de perméabilité au gaz qui ont sou-mis une couche mince de chocolat à un diffé-rentiel de pression de 11 bar (10 bars contre levide) (figure 13) ont montré que ces cavitésn'étaient pas directement connectées entre elles.Les pores s'ils existent prés de la surface ne com-muniquent pas au point de laisser passer des gaz(Loisel, 1997b). Chacun de ces amas de cristauxliant les particules peut contenir la fraction liqui-de du BC en équilibre avec ces cristaux. La pres-sion nécessaire pour déloger ce liquide de cha-cun de ces amas peut être faible, mais leursomme (sur une distance de 1 mm, il peut yavoir des dizaines ou des centaines de ceux-ci)était supérieure à 11 bars dans le cas de cetteexpérience. Ceci est cohérent avec les résultatsdes études de porosité au mercure ayant montréqu'il était nécessaire d'atteindre une pression dequelques dizaines de bar pour assurer la péné-tration de ce dernier sur une profondeur compa-rable et que cette pénétration dépendait dutemps (Loisel et al., 1997b) (figure 13).

La présence de ces cavités dans le chocolat risquedonc de jouer un rôle dans le développement duBG. Cependant on ne peut pas encore direaujourd'hui s'il s'agit d'une montée par capilla-rité, par dilatation ou d'un mécanisme mixte. Ilse pourrait par exemple que les poches de videqui se forment près de la surface ne soient pasétanches dans le temps. Elles pourraient se rem-plir d'air, dont la dilatation à la faveur de varia-tions de température constituerait le moteur dela migration du liquide, expliquant ainsi le dépôtsuperficiel. Cependant un mécanisme d'efflores-

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cence tel que celui qui constaté (en particulierpour les cristaux des hydrates) pourrait aussiêtre invoqué.

REMÈDES ACTUELLEMENTPROPOSÉS CONTRE LEBLANCHIMENT GRAS

Compte-tenu des observations présentées ci-des-sus, il semble qu'il n’y ait pas de recette-miracle.Concernant les additifs “anti-blanchiment” dis-ponibles sur le marché, nous n'avons pas àl'heure actuelle les moyens d'expliquer leuréventuel fonctionnement.

Le bon sens en ce qui concerne la maîtrise du BGconsiste à dire qu'il faut absolument, pour évitertous les inconvénients associés aux fluctuationsde température, amener le BC du chocolat dansun état le plus stable possible, sans aller jusqu'àfabriquer la forme VI, qui est plus difficile àfondre et qui ne libère plus les arômes enbouche, tout au moins en l'absence de variationde composition bu BC. Il faut donc essayerd'amener le chocolat dans une variété V, en opti-

misant l'opération de tempérage, de façon à aug-menter au maximum son point de fusion et àdonner une certaine résistance au beurre decacao et au chocolat. Il a été montré que plus lateneur en germes cristallins stables était impor-tante plus le chocolat résistait au BG. (Adenier etal, 1984; Loisel et al., 1995).

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1 10 100 1000

Pression (bar)

0

20

40

60

80

100

120

140

160

Var

iatio

n de

vol

ume

(mm

3 )

WT 31.9%

WT 29.5%

UT 31.9%

OT 31.9%

Figure 12 : Porosité au mercure. Variations du volume apparent d'échantillons de chocolat d'environ 2800 mm3 baignés dansun bain de mercure sous l'effet de la pression appliquée(Loisel et al., 1997b). Les chocolat étudiés sont bien- (WT), sous (UT)ou sur-tempérés (OT) et contiennent la proportion de BC indiquée (29.5 ou 31.9 %).

10 atm

vide

joints

Grille

Chocolat

Figure 13 : Schéma du dispositif utilisé pour mesurer la per-méabilité au gaz. La plaque mince de chocolat (trait noir),maintenue sur une grille par un joint assurant l'étanchéitéen périphérie, est soumise à une pression continuelle de 10bars. Une jauge détecte une éventuelle rupture partielle duvide appliqué en début d'expérience par une pompe à palet-te (Loisel et al., 1997b).

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Les remèdes concernant la migration desmatières grasses provenant de l'intérieur et peu-vant amplifier le blanchiment gras sont de deuxtypes. La mise en place d'écrans faisant obstacleà la diffusion pourrait réduire cette dernière sansaltérer le goût des produits. Ces barrières inter-médiaires pourraient être disposées en couchemince entre le chocolat et les autres matièresgrasses. Le mélange du BC à d'autres matièresgrasses en déplacant le diagramme de phase versdes domaines où les équilibres solide/liquide neprovoquent plus le blanchiment gras, constituela seconde approche. La présence de matièregrasse de lait anhydre améliore la résistance duchocolat au BG. Il semble que cette matière gras-se, contrairement à l'huile de noisette, déplace lediagramme de phase dans une (“bonne”) direc-tion où cette recristallisation des triglycérides estempêchée. Toutefois, en l'absence d'études sys-tématiques permettant de déterminer les carac-téristiques des mélanges qui ralentissent ou inhi-bent le BG et de comprendre leur mode d'actionexact, il est toujours nécessaire de procéder parla technique essai/erreur et de trouver les solu-tions techniques au cas par cas.

CONCLUSION

Le blanchiment gras du chocolat est essentielle-ment un défaut d'ordre physique, lié à la migra-tion en surface et à la recristallisation des trigly-cérides et principalement certains monoinsatu-rés du BC. Une transition vers une variété poly-morphique plus stable, en particulier V vers VI,accompagne fréquemment le développement duBG. Ces deux transformations aussi néfastesl'une que l'autre pour la qualité organoleptiquedu produit, sont favorisées par la présence d'unephase liquide dans le chocolat. La mise en évi-dence récente de cavités dans la structure duchocolat et d'une relation entre leur volumetotal et le degré de tempérage, étaye l'hypothèsede la migration de cette phase liquide vers la sur-face par l'intermédiaire de pores, mais ne suffitpas pour expliquer certains aspects du mécanis-me de développement du blanchiment.

Remerciements

Une partie des travaux présentés ci-dessus a étéobtenue dans le cadre de la thèse de C.L., qui aété financée dans le cadre d'une bourse CIFREpar l'ANRT et Danone, Branche Biscuits.

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