fonds peut constituer un objectif très stimulant dans la...

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Dossier DANS toutes les bibliothèques de prêt se pose tôt ou tard le problème du rangement des livres sur les rayonnages, lorsque les mètres carrés disponibles ont été occupés au maximum, que les ta- blettes des rayons sont pleines et les rangements « tampons », pla- cards et arrières salles, complets. Chaque bibliothécaire sait bien que, pour faire de la place, il faut éliminer, désherber commeon dit maintenant. Mais, pour faire de la place,il est aussi d'autres moyens : les livres restant dehors plus long- temps, leurs places sont occupées par d'autres ouvrages. On voit par que la question de la place disponible en rayon dans une bibliothèque touche à toute la bibliothéconomie : on peut aussi penser que, plus les livres sont prêtés, plus ils s'usent et donc li- bèrent de la place ; mais c'est compter sans la nécessité de re- nouvellement du fonds, ce qui amène à considérerl'utilisation du budget d'acquisition. Enfin, quand bien même la pratique du « dés- herbage » libérerait toute la place souhaitable, elle n'indiquerait pas pour autant la répartition idéale du fonds entre les différents genres et catégories d'intérêt, car nous sa- vons bien que l'élimination natu- relle - celle liée à l'étatphysique du document - est fonction du degré de sollicitation d'une classe ou d'un genre par le public. Si donc l'élimination la plus impor- tante se fait pour les ouvrages les plus appréciés, il convient de remplacer plus largement: mais commentet jusqu'à quel point ? Fonds de bibliothèque ou fonds de commerce ? Ce sont là quelques-unes des questions qui peuvent amener à une politique de gestion quantita- tive des fonds, politique qui, à notre sens, peut largement s'inspi- rer des objectifs et des stratégies commerciales. Une entreprise de distribution gère un stock d'arti- cles sur un certain nombre de m2 ; la performance, pour elle, est de dégager le plus de profits, c'est-à-direde rentabiliser ses ca- pacités de stockage en assurant une rotation des articlesoptimale : un article en rayon doit être vendu dans les plus courts délais, de façon à laisser sa place à un autre article qui sera vendu aussi vite, etc. Pour une entreprise de distri- bution, le chiffre d'affaires est di- rectement fonction de la rotation du stock. Par ailleurs, une rotationélevée du fonds peut constituer un objectif très stimulant dansla gestiond'une bibliothèque. Qui dit rotation éle- vée, dit nombreux livres en prêt et donc place largement disponible sur les rayons qui peuvent être bien alimentés en nouveautés et présentent ainsi une offre plus vaste au public sur un linéaire de rayonnages constant. Il y a vérita- blement là une optimisation de l'utilisation de l'espace disponible, mais un tel résultat n'est pas si facile à obtenir. On nous concédera que la pre- mière mission d'une bibliothèque de prêt est de réaliser le maximum de prêts à partir de son fonds et donc que ce fonds doit répondre au mieux à la demandedu public. Le degré de satisfactionde cette demande est mesurable par l'im- portance du nombre de prêts ef- fectués par la bibliothèque. Les statistiquesde prêt en constituent le principal indicateur et on pour- rait dire des lecteurs des biblio- thèques, peu portés à la protesta- tion organisée, qu'à la manièredes ressortissants de certains états to- talitaires « ils votent avec leurs pieds » :pieds qu'ils ne remettent pas dans une bibliothèque où ils ne trouvent pas ce qui les inté- resse. L'analyse des statistiques de prêt devrait être effectuée commme une étude de l'attente implicite des usagers, et c'est seu- lement à partir d'un tel travail que le bibliothécaire peut espérer dis- poser d'un fonds qui réponde aux besoins de son public. Prescription ou distribution ? La gestion d'une bibliothèque im- plique la collecte d'un certain nombre de données d'activité. Pour orienter une politique d'ac- quisition, les plus utiles sont, bien évidemment, celles qui concer- nent les prêts, les fonds, les capa- cités de stockage et le budget. Ces données, habituellement considé- rées comme de simples indica- teurs d'activité, peuvent aussi faire l'objet d'une exploitation dynami- que visant à adapter l'offre aux besoins, à savoir les fonds de la bibliothèque à la demande du public. Nous sommes conscients qu'en écrivant cela nous touchons à un point sensible à la fois dans le domainede la bibliothéconomieet dans celui de la psychologie du bibliothécaire,psychologie qui est bien aussi complexe, quoique

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Dossier

François Larbre, Emmanuel Doucet

Bibliothèque municipale de Saint-Etienne

LA GESTION DES FONDS EST-ELLE

UNE SCIENCE EXACTE ?

DANS toutes les bibliothèquesde prêt se pose tôt ou tard le

problème du rangement des livressur les rayonnages, lorsque lesmètres carrés disponibles ont étéoccupés au maximum, que les ta-blettes des rayons sont pleines etles rangements « tampons », pla-cards et arrières salles, complets.Chaque bibliothécaire sait bienque, pour faire de la place, il fautéliminer, désherber comme on ditmaintenant. Mais, pour faire de laplace, il est aussi d'autres moyens :les livres restant dehors plus long-temps, leurs places sont occupéespar d'autres ouvrages.On voit par là que la question dela place disponible en rayon dansune bibliothèque touche à toute labibliothéconomie : on peut aussipenser que, plus les livres sontprêtés, plus ils s'usent et donc li-bèrent de la place ; mais c'estcompter sans la nécessité de re-nouvellement du fonds, ce quiamène à considérer l'utilisation dubudget d'acquisition. Enfin, quandbien même la pratique du « dés-herbage » libérerait toute la placesouhaitable, elle n'indiquerait paspour autant la répartition idéale dufonds entre les différents genres etcatégories d'intérêt, car nous sa-vons bien que l'élimination natu-relle - celle liée à l'état physiquedu document - est fonction dudegré de sollicitation d'une classeou d'un genre par le public. Sidonc l'élimination la plus impor-tante se fait pour les ouvrages lesplus appréciés, il convient deremplacer plus largement: maiscomment et jusqu'à quel point ?

Fonds de bibliothèque

ou fonds de commerce ?

Ce sont là quelques-unes desquestions qui peuvent amener àune politique de gestion quantita-tive des fonds, politique qui, ànotre sens, peut largement s'inspi-rer des objectifs et des stratégiescommerciales. Une entreprise dedistribution gère un stock d'arti-cles sur un certain nombre de m2 ;la performance, pour elle, est dedégager le plus de profits,c'est-à-dire de rentabiliser ses ca-pacités de stockage en assurantune rotation des articles optimale :un article en rayon doit être vendudans les plus courts délais, defaçon à laisser sa place à un autrearticle qui sera vendu aussi vite,etc. Pour une entreprise de distri-bution, le chiffre d'affaires est di-rectement fonction de la rotationdu stock.

Par ailleurs, une rotation élevée dufonds peut constituer un objectiftrès stimulant dans la gestion d'unebibliothèque. Qui dit rotation éle-vée, dit nombreux livres en prêt etdonc place largement disponiblesur les rayons qui peuvent êtrebien alimentés en nouveautés etprésentent ainsi une offre plusvaste au public sur un linéaire derayonnages constant. Il y a vérita-blement là une optimisation del'utilisation de l'espace disponible,mais un tel résultat n'est pas sifacile à obtenir.On nous concédera que la pre-mière mission d'une bibliothèquede prêt est de réaliser le maximumde prêts à partir de son fonds etdonc que ce fonds doit répondreau mieux à la demande du public.Le degré de satisfaction de cettedemande est mesurable par l'im-portance du nombre de prêts ef-fectués par la bibliothèque. Lesstatistiques de prêt en constituentle principal indicateur et on pour-rait dire des lecteurs des biblio-thèques, peu portés à la protesta-tion organisée, qu'à la manière desressortissants de certains états to-talitaires « ils votent avec leurspieds » : pieds qu'ils ne remettentpas dans une bibliothèque où ilsne trouvent pas ce qui les inté-resse. L'analyse des statistiques deprêt devrait être effectuéecommme une étude de l'attenteimplicite des usagers, et c'est seu-lement à partir d'un tel travail quele bibliothécaire peut espérer dis-poser d'un fonds qui réponde auxbesoins de son public.

Prescription ou distribution ?

La gestion d'une bibliothèque im-plique la collecte d'un certainnombre de données d'activité.Pour orienter une politique d'ac-quisition, les plus utiles sont, bienévidemment, celles qui concer-nent les prêts, les fonds, les capa-cités de stockage et le budget. Cesdonnées, habituellement considé-rées comme de simples indica-teurs d'activité, peuvent aussi fairel'objet d'une exploitation dynami-que visant à adapter l'offre auxbesoins, à savoir les fonds de labibliothèque à la demande dupublic.Nous sommes conscients qu'enécrivant cela nous touchons à unpoint sensible à la fois dans le domaine de la bibliothéconomie etdans celui de la psychologie dubibliothécaire, psychologie qui estbien aussi complexe, quoique

moins étudiée, que celle du lec-teur. Le fondement de toute politi-que d'acquisition repose sur laréponse à un choix plus culturel ouéthique que bibliothéconomique :le bibliothécaire doit-il orienterson fonds en fonction de la de-mande du public ou orienter lademande du public en fonction deson fonds ? Est-il un prescripteurou un distributeur ? Un maître ouun commerçant ?Il n'est que de regarder autour desoi pour constater que nous nous

. situons le plus souvent dans unelogique de prescription: lorsquenous limitons le prêt d'un typed'ouvrage, les bandes dessinéespar exemple, ou encore les nou-veautés, par souci d'éviter quecertains rayons très prisés nesoient vidés par quelques lecteursboulimiques, que faisons-nous si-non chercher à faire coïncider lademande du public avec l'offre denotre, fonds ? A cet égard, raressont les règlements de prêt où nese décèle pas une volonté deprescription qui s'ajoute aux sim-ples impératifs d'une bonne maî-trise de la circulation des docu-ments.Prescrition ou service, ce choix esten deçà de nos pratiques biblio-théconomiques et les conditionne.La volonté d'offrir au public unedocumentation de qualité sembleexiger de se rallier à la premièreattitude, et on qualifie souvent dedémagogique ou de facile la posi-tion qui consiste à suivre la de-mande du public. Quelle que soitla position adoptée, elle ne peutêtre assumée de façon cohérentesans une approche de gestionquantitative1 : personne ne sou-tiendra sérieusement qu'acquérirdes ouvrages sans se référer àceux qui sont déjà dans le fonds,à leur état physique, à leur âge,sans avoir une connaissance chif-frée de la répartition du fondsselon différentes catégories d'inté-

1. Parler de gestion quantitative peutsembler pléonastique, mais quand on utilise« gérer » dans le sens d'organiser, laprécision s'impose.

rêt, sans considérer la demandedu public, ne témoigne de riend'autre que de l'incompétence del'acheteur.

La collecte des données

Transformer les données d'activitéen paramètres utilisables pour unegestion des fonds suppose un cer-tain nombre de précautions. Lapremière d'entre elles a trait,comme dans tout processus demesure, au choix et à l'homogé-néité des unités utilisées. Pour lesstatistiques de prêt, l'unité est ha-bituellement le prêt annuel ; pourle suivi du fonds, le volume ou letitre peuvent servir d'unité. La ca-pacité de stockage est à mesurerde préférence en volumes pourdes raisons d'homogénéité - eton remarquera en passant que laconversion des mètres linéairesen nombre de volumes doit sefaire sur la base de 38 livres aumètre, et non pas 40, pour desfonds de lecture publique pouradultes. L'âge d'un fonds est cal-culé en années ou en nombres deprêts, selon que l'on s'intéresse àl'état d'obsolescence des informa-tions ou à l'état physique du fonds.Un budget d'acquisition peut êtretraduit en pouvoir d'achat d'unnombre de livres, calculé à partirdu prix moyen des documentsachetés selon les principaux gen-res. Souvent on se retranche der-rière la difficulté de collecte deces données pour se satisfaired'une gestion approximative : c'estune attitude indéfendable quandces données sont de plus en plussouvent obtenues à partir de sys-tèmes de gestion intégrés etquand, de toute façon, elles nesont jamais très difficiles à collec-ter par sondages.La principale difficulté réside dansla détermination du cadre de ven-tilation de ces données. Celui-cidoit bien naturellement s'appuyersur le plan de classification utilisé,mais, dans un but d'exploitation, ilconvient d'opérer des regroupe-ments : par types de documents oupar nature des contenus. Ainsi,pour suivre l'évolution du rapportdes romans et des documentaires,

seuls deux nombres sont utiles ; enrevanche, pour s'intéresser au de-venir d'une classe, ou sous-classe,documentaire, il faut traiter àl'identique toutes les classes ousous-classes d'importance intel-lectuelle comparable. De manièregénérale, on peut considérer quepour réaliser un suivi précis d'unfonds, il faut le diviser en unecinquantaine de genres ou de ca-tégories (cf. annexe III : « Compa-raison de l'utilisation de deux ven-tilations différentes »).

L'exploitation des données

A partir des données objectivessur la nature d'un fonds et sondegré de sollicitation par le pu-blic, on peut essayer de faire évo-luer ce fonds pour qu'il répondeau mieux aux attentes des lecteursde la bibliothèque. On peut alorspoursuivre deux objectifs diffé-rents.

Objectif de fonds et objectifde répartition

Le premier, qu'on pourrait appeler« objectif de fonds », permettra dedéfinir l'état numérique du fondsqui doit être affecté à la bibliothè-que. Le second, qu'on appellera« objectif de répartition », indi-quera comment l'effectif du fondsdoit être ventilé selon le nombrede genres ou de catégories d'inté-rêt retenues.Une approche simpliste de la no-tion d'objectif de fonds amèneraità dire qu'il doit coïncider avec lacapacité de rangement de la bi-bliothèque. Tout aussi sommaire-ment, on pourrait croire efficacede chercher à faire coïncider larépartition avec celle 'des prêts.Les limites d'une position aussischématique sont aisées à perce-voir : d'une part, l'objectif de fonds,compte tenu des documents quisont en permanence en prêt, atoutes raisons d'excéder la capa-cité de rangement et, d'autre part,si les acquisitions et l'équilibre desgenres étaient strictement propor-tionnels aux statistiques de prêts,il y aurait rapidement laminagedes catégories d'intérêt les moinsdemandées et hypertrophie desgenres dits « grand public ». Cephénomène, qui réduit l'offre ducôté où elle est déjà peu impor-tante, aboutirait à la disparition decertains genres ou classes et affai-blirait ainsi le potentiel attractif dela bibliothèque.Il n'est pas nécessaire d'insistersur les effets négatifs d'une théorie

aussi rudimentaire. Cette théorie atoutefois le mérite de reposer surl'exploitation de données objecti-ves et, si elle est mauvaise dansses résultats, c'est parce que laréutilisation à l'identique des sta-tistiques de prêt reporte et ampli-fie sur le fonds les variations qu'el-les reflètent. Si l'on souhaite doncutiliser les données quantitativesde fonctionnement pour l'orienta-tion d'un fonds, il convient de lesmoduler de telle façon que tousles types de public trouvent unchoix suffisant dans tous les do-maines susceptibles de les inté-resser.

Un minimum de choix

Tous les bibliothécaires saventque même sur les sujets les plusdifficiles concernant le public leplus étroit, le fonds a besoin d'êtrerenouvelé pour intégrer les nou-veautés de l'édition et surtout re-nouveler l'offre aux lecteurs. Eneffet, le lecteur amateur d'un sujetqui ne serait représenté dans labibliothèque que par 10 titres lesaura bientôt lus et se détournerade la bibliothèque. En revanche,celui qui utilise une classe large-ment dotée, de 1 000 titres parexemple, sera assuré à chacun deses passages de trouver un choixsuffisant, même si cette classeattire un public important. L'objec-tif de la modulation, ou pondéra-tion, des données d'activité utili-sées pour orienter les acquisitions,est donc de ménager à chaqueusager de la bibliothèque un mi-nimum de choix, sans pour autanthypertrophier des classes à faiblepublic aux dépens exclusifs desclasses à grand public.

la solution de Mac Clellan

A.W. Mac Clellan2, alors bibliothé-caire à Tottenham (banlieue deLondres), a mis au point, dans lesannées 60, un système très dyna-mique de gestion des stocks quiintègre toutes les données defonctionnement d'une bibliothè-

2. A.W. MAC CLELLAN, The Logistics of apublic library bookstock, London,Association of assistant librarians, 1978.

que dans de nombreuses formulesindiquant les objectifs à atteindreen fonction des paramètres re-cueillis. Sur le sujet qui nous inté-resse plus particulièrement

- l'objectif de fonds et l'objectifde répartition -, l'idée à retenirde Mac Clellan est, à notre avis,celle d'utiliser les propriétés desracines carrées comme facteursde pondération des classes impor-tantes et de soutien des « petites »classes.Sa démarche est simple. Il consi-dère que, pour une classe donnée,l'objectif de fonds est déterminépar la place disponible sur lesrayons et le nombre d'ouvragessimultanément en prêt dans cetteclasse et dans toutes les autresclasses. L'originalité de la formulede Mac Clellan consiste dans l'uti-lisation des racines carrées à laplace des valeurs entières desdonnées traitées (cf. l'encadré:« L'objectif de stock selon MacClellan »). On peut expliciter cette

démarche à partir de l'exempledécrit dans le tableau ci-contre :« Illustration du rôle pondérateurde la racine carrée ».Si on décidait de façon simpliste,comme on l'évoquait plus haut, dedévelopper le fonds proportion-nellement aux prêts, on s'aperce-vrait que la classe C1, peu prêtée,ne devrait représenter que 4,4 %du fonds, alors que la classe C6 enreprésenterait 40 %, soit 9 fois plusque C1. Donc, la classe C1 seraitcondamnée au sous-développe-ment, tandis que C5 offrirait unimmense choix à son public.Si, au lieu d'être ventilé propor-tionnellement aux valeurs entièresdes prêts, le fonds l'était propor-tionnellement aux racines carréesde ces valeurs, on voit tout de suite.que C1 représenterait alors 10 %du fonds total, quand C5 n'en offri-rait plus que 30 %. On constate, enrevanche, que ce mode de réparti-tion fait peu varier les classesmoyennes. Le recours aux racinescarrées des valeurs entières appa-raît donc avoir un réel rôle pondé-rateur si le seul objectif poursuiviest d'équilibrer le fonds propor-tionnellement aux prêts.Toutefois, l'approche de Mac Clel-lan, plus complexe, ne prend passeulement en compte les prêts

comme unique donnée d'activité,mais retient en outre l'utilisation dela place disponible, car il consi-dère, à juste titre, que la ventila-tion du fonds doit aussi être fonc-tion de son effectif et, partant, dela capacité de stockage de la bi-bliothèque.

limites des formulesde Mac Clellan

Pour aussi intéressantes qu'ellessoient, les formules de Mac Clel-lan ont, à nos yeux, l'inconvénientde reposer sur des données peufaciles à collecter et de postuler unéquilibrage des variations saison-nières que nos propres expérien-ces n'ont jamais pu vérifier. On aremarqué que, pour déterminerles objectifs quantitatifs, Mac Clel-lan n'utilise pas les statistiques deprêt telles qu'elles sont comptabi-lisées communément: dans lesouci de permettre une meilleureutilisation de l'espace, il ne prenden considération que la compo-sante des prêts (component),c'est-à-dire le nombre le plusélevé de documents prêtés simul-tanément, qui ait pu être comptédans la catégorie concernée aucours de l'année précédente. Ils'agit donc d'un comptage réel etnon d'une moyenne des livressortis qu'on obtiendrait en divisantle nombre annuel de prêts par ladurée moyenne des prêts.Dans le souci de tendre à uneutilisation optimale de la placedisponible pour assurer au publicune offre maximale, Mac Clellan,ayant constaté que des catégoriesd'intérêt différentes enregistrentleur maximum de prêts à desmoments différents, considèreque ces variations saisonnièress'équilibrent. Cela suppose que le

rangement dans la bibliothèquesoit très flexible et qu'il n'y ait pasd'emplacements pré-affectés auxcatégories ; au contraire, chaquecatégorie ne doit occuper, à unmoment donné, que la place né-cessaire au rangement des volu-mes effectivement présents. Oncomprend pourquoi, selon MacClellan, l'objectif de fonds dépendétroitement des paramètres d'acti-vité et ne peut absolument pas êtrefixé a priori.Nous croyons voir là, dans un re-latif irréalisme, la principale diffi-

culté de mise en oeuvre de laméthode de Mac Clellan, qui tou-tefois ne doit pas être réduite à laseule formule que nous avons étu-diée et mérite d'être considéréedans l'ensemble de sa démarchecomme un modèle de rigueur bi-bliothéconomique, une espèce derecherche de la mathesis univer-salis en bibliothéconomie.

Quels objectifs ?

Déterminer l'effectif optimal d'unfonds relève plus, pour nous,d'une réflexion bibliothéconomi-que sur des données précises,que de l'application d'une formuleaussi souple soit-elle. En effet, tousles paramètres de fonctionnementutilisables dans la recherche decet objectif sont susceptibles devarier en fonction d'orientations etde pratiques adoptées par le bi-bliothécaire (cf. annexe I : « Ana-lyse du fonds et du fonctionne-ment »).

Le paramétrage du fonds

La capacité de stockage de labibliothèque est bien évidemmentune donnée incontournable, si tou-tefois elle a été arrêtée enconnaissance de cause :c'est-à-dire qu'elle est fonction dela densité d'implantation desrayonnages, de leur hauteur, de la

décision de privilégier le confortde l'utilisateur ou bien le volumede documentation qui lui est offert.Une fois fixée la capacité, ilconvient de prendre en compte lenombre des livres en prêt, puis-qu'il n'est pas nécessaire de leurménager un emplacement vide.Comme on l'a dit plus haut, lamoyenne des livres sortis est facileà obtenir avec le quotient du vo-lume annuel des prêts par la duréemoyenne des prêts : le chiffre ob-tenu est la moyenne des livressortis pour une durée de prêtmoyenne, à la différence de laformule de Mac Clellan, qui neprend en compte qu'un maximum.Les moyennes souffrent toujoursdes écarts, mais, en additionnantla capacité de stockage et cettemoyenne des livres sortis, on ob-tient l'effectif de ce fonds souhai-table pour assurer en tous tempsune offre maximale. Ce n'est ce-pendant pas simple, car l'objectifde fonds dépend aussi du budgetd'acquisition dont on dispose et, sicelui-ci est insuffisant, du choixque l'on a fait entre avoir beau-coup de livres souvent obsolèteset dans un état médiocre, ou moinsde livres plus frais et en bon état.Une fois fixé l'objectif d'effectif dufonds, il reste à en assurer la répar-tition selon les différents genres etclasses.

La formule Dousset-Larbre

La formule de répartition d'unfonds que nous proposons n'estpas à appliquer les yeux fermés ;elle suppose au contraire une ré-flexion préalable du bibliothé-caire3. Elle permet de définir larépartition quantitative d'un fonds

3. Cette formule de répartition, certainementperfectible, est, en l'état, déjà efficiente. Lesauteurs seraient très intéressés de suivre sonapplication dans un autre établissement quele leur et seraient disposés à dispenserl'ensemble de leur expérience en matièrede gestion de stocks aux personnes quisouhaiteraient mettre en oeuvre uneapproche quantitative des activitésd acquisition et d'organisation des fonds. Ilva sans dire qu'ils sont aussi très curieux detoutes les données déjà collectées avec cesouci.

total selon le nombre de classesque l'on a retenu comme sous-en-sembles signifiants. Elle s'appli-que sur un ensemble et dessous-ensembles homogènes dansleur division. Ainsi, elle permet defixer l'objectif de ventilation d'unensemble F en un certain nombrede sous-ensembles Fl à Fn, maiselle n'est plus efficiente si l'on veutventiler cet ensemble F à la foisentre des sous-ensembles Fl à Fnet entre des sous-ensembles dessous-ensembles : plus pratique-ment, elle donne l'objectif de ven-tilation d'un fonds documentaireentre les 000, les 100, les 200, etc.,mais elle ne peut donner, dans lamême opération, la ventilation en-tre les 000, les 100, les 120, les 130,les 180, les 200, les 300, etc. Pouravoir la ventilation d'une classe enses sous-classes, il faudra consi-dérer la classe comme un tout,dont les sous-classes sont les par-ties. On peut encore découper unfonds en autant de catégoriesqu'on le désire et, à ce moment-là,toutes ces catégories seront venti-lées à l'intérieur du tout. Ce sontdes notions élémentaires de ma-thématique qu'il n'est pas inutilede rappeler.Cette formule combine l'effectiftotal du fonds à répartir (F) avec lenombre modulé des prêts annuels(P) de la classe à laquelle on s'in-téresse et la somme des prêtsannuels (R) de toutes les classesselon lesquels le fonds est dé-coupé. L'emprunt à Mac Clellansubsiste dans la modulation dunombre de prêts annuel par unexposant. La formule s'écrit ainsi :

Nous avons appliqué cette formuleà l'orientation de l'évolution de nosfonds selon nos différentes caté-gories d'intérêt ; nous pouvons af-firmer que ses résultats sont parfai-tement exploitables comme objec-tifs de répartition. Ce n'est nulle-ment une formule magique oumystérieuse, si l'on comprend queson efficience réside dans la mo-dulation de P par son exposant x

(cf. annexe II : « Données et objec-tifs du fonds documentaire de labibliothèque centrale »). Véri-fions-le :

Dynamique d'une gestion

par objectif

Cette formule n'est nullement fi-gée et ne fixe en aucun cas unobjectif pour l'éternité. Aucontraire, l'objectif de ventilationpeut varier chaque année en fonc-

tion de la variation des prêts. Ilpeut également varier si l'on amodifié l'effectif du fonds de labibliothèque. Comme cette for-mule vise à orienter la répartitiondu fonds par rapport à la demandedu public, elle répercutera néces-sairement sur les objectifs sondegré de satisfaction.Cette formule, dont l'applicationest tout à fait simple, fixe un ob-jectif de répartition du fonds,c'est-à-dire que, pour chaquegenre ou classe, elle donne, outreune valeur absolue, un pourcen-tage de l'ensemble. Comme noussavons bien qu'il est rare de pou-voir corriger les orientations d'unfonds sur un seul exercice budgé-taire, ce pourcentage de réparti-tion a l'avantage de pouvoir êtreutilisé pour répartir le budgetd'acquisition d'une année : encorefaut-il s'être assuré préalablementque le prix moyen des documentsacquis est voisin dans toutes lesclasses ; si ce n'est pas le cas, il ya une péréquation à établir en tra-duisant le budget en capacitéd'acquisitions de titres par classe.

Du quantitatif au qualitatif

Nous nous sommes souvent en-tendu dire que nos préoccupa-tions de gestion, dont nous ne li-vrons ici qu'un petit aperçu, nerépondaient en rien au souci des

bibliothécaires, qui se posentavant tout le problème de la qua-lité des ouvrages qu'ils proposentà leurs lecteurs.L'opposition du qualitatif et duquantitatif est des plus fallacieu-ses. Notre intention n'est certai-nement pas de faire disparaître lelibre arbitre du bibliothécairelorsqu'il choisit les titres de sesacquisitions. Notre but est plutôtd'exploiter un outil d'aide à lagestion qui permet de déterminerle nombre de titres qu'il est souhai-table d'acheter dans telle ou tellecatégorie et évite ainsi aussi bienles excès que les oublis au mo-ment de la préparation des com-mandes. Lorsque l'on sait, dès ledébut de l'année, qu'il ne faudrapas acquérir plus de x titres dansune catégorie, on ne peut pluss'autoriser des erreurs d'acquisi-tions et le souci qualitatif doit êtrepoussé encore plus loin.Si, à notre avis, l'oposition entre lequantitatif et le qualitatif est, dansce domaine, uniquement rhétori-que, elle est en revanche trèsréelle entre la rigueur et l'improvi-sation et nous ne pensons pas quel'on puisse prétendre développerun fonds de qualité sans avoirpréalablement mis en oeuvre unegestion rigoureuse des quantitésde documents sur lesquelles noustravaillons.