foire sous-régionale des semences paysannes · sanne qui est une variété issue de la sélection...

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page 1 Foire sous-régionale des semences paysannes DJIMINI, SENEGAL, 2009 Editorial Il existe au Sénégal et partout en Afrique de l’Ouest un patrimoine semencier local riche d’une grande diversité de varié- tés paysannes. Elles sont des atouts pour des agricultures diversifiées grâce à leur capacité d’adaptation, leur rusticité, mais aussi parce qu’elles véhiculent d’importan- tes valeurs culturelles et nutritionnelles. Les paysans qui travaillent à leur reconnaissan- ce sont porteurs d’innovations dans le domaine et ces expériences méritent d’être partagées, valorisées et diffusées. Aujourd’hui l’autonomie semencière des paysans est mise à mal par un nouveau cadre législatif qui favorise la promotion de semences de variétés dites améliorées, hybrides, voire OGM. Ces variétés sont pri- vatisées et leurs semences ne peuvent pas être reproduites ni échangées. Elles néces- sitent l’utilisation de paquets technolo- giques d’une agriculture non durable (engrais chimiques, pesticides, monocultu- res intensives) et constituent une menace pour la souveraineté alimentaire. La deuxième édition de la foire des semences paysannes de Djimini a permis de renforcer les acquis de l’édition 2007. Des délégations de 8 pays d’Afrique de l’Ouest (Niger, Mali, Togo, Bénin, Gambie, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Sénégal) et de France se sont retrouvées pour y participer. Divers espaces ont été organisés : espaces d’échanges de semences paysan- nes locales et de savoirs, et espaces de débats et d’information sur les sujets d’ac- tualité. Cette année, le riz, culture majeure dans la sous-région, a été au centre des dis- cussions. Un cinéma rural a été ouvert et plusieurs stands ont été consacrés à l’infor- mation sur les produits locaux dans la consommation et pour partager les valeurs culinaires et culturelles. Enfin, un espace “ferme et terroir” a permis des échanges pratiques sur les techniques agroécolo- giques. ASPSP / BEDE D u 26 février au 10 mars 2009, une caravane constituée de paysans venus d’Afrique (Sénégal, Mali, Togo, Niger, Bénin, Gambie, Guinée Bissau) et de France a sillonné sur 600 kms une partie du Sénégal de Thiès à Djimini (Région de Kolda, département de Vélingara et Communauté rurale de Saré coly Sallé), en passant par Khoungueul. Tout au long de cette caravane, nous avons échangé des pratiques et des expériences sur les questions de l’autosuffisance alimentaire, de la production de semences paysannes et de la reloca- lisation de la consommation locale. Très conscients des risques de privatisation de la semence et de la terre, de la pollution engendrée par l’agriculture chimique, nous pensons que seules des solutions agroécologiques constituent une alternative pour une agriculture saine et durable qui sauvegardera la biodiversité et nos savoir-faire. La foire des semences de Djimini a permis aux différents acteurs d’échanger semences et expé- riences. Il est urgent de penser à la formation et à l’installation de nombreux jeunes agriculteurs afri- cains pour combattre la faim et éviter le drame de l’immigration. Cette foire d’échanges a été une occasion pour les participants de marquer leur opposition à la cul- ture des agrocarburants. Nous devons construire ensemble un réseau de semences africaines parce qu’une autre agriculture est possible. Communiqué de presse. Les participants de la caravane et de la foire Affirmer une agriculture paysanne diversifiée ›› SOMMAIRE P.2 Visions de la semence paysanne P.3 Modes de production de la semence paysanne P.4 Une caravane pour l’autonomie semencière P.5 Des céréales locales pour l’Afrique P.6 Privatisation des semences et droits des paysans P.7 Enjeux du foncier et des agrocarburants P.8 L’après-foire et quelques recettes agroécologiques Participation libre (coût impression 200 FCfa) Slogan sur le site de la foire RECOMMANDATIONS DES PAYSANNES ET PAYSANS PARTICIPANT À LA CARAVANE ET À LA FOIRE DES SEMENCES PAYSANNES, AU SÉNÉGAL EN MARS 2009 Susciter une prise de conscience de la perte des variétés et de leur importance pour une agriculture paysanne locale. Rechercher et collecter les variétés paysannes, les expé- rimenter et les multiplier en agroécologie. Créer et alimenter des maisons ou greniers de semences pour permettre des lieux d’échanges et de diffusion. Mettre l’accent sur la formation aux techniques de sélec- tion, conservation et production de semences paysannes. Travailler également sur la diver sité animale, les plantes médicinales, arboricoles (pépinières et reboisement) et sauvages. Renforcer le rôle de la femme comme gardienne de la semence par la formation et l’accès au foncier. Renforcer et multiplier des fermes d'expérimentations de biodiversité. Affirmer que les semences paysannes doivent être pro- duites en agroécologie. Se mobiliser sur les questions de droits des paysans face aux législations mais sans déséquilibre avec la pro- duction de semences paysannes. Faciliter et organiser l'information pour qu’elle circule entre les organisations et à la base. Encourager la mise en réseau en privilégiant avant tout le maillage au niveau local dans chaque pays.

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Foire sous-régionale dessemences paysannes

DDJJIIMMIINNII,, SSEENNEEGGAALL,, 22000099

EditorialIl existe au Sénégal et partout en

Afrique de l’Ouest un patrimoine semencierlocal riche d’une grande diversité de varié-tés paysannes. Elles sont des atouts pourdes agricultures diversifiées grâce à leurcapacité d’adaptation, leur rusticité, maisaussi parce qu’elles véhiculent d’importan-tes valeurs culturelles et nutritionnelles. Lespaysans qui travaillent à leur reconnaissan-ce sont porteurs d’innovations dans ledomaine et ces expériences méritent d’êtrepartagées, valorisées et diffusées.Aujourd’hui l’autonomie semencière despaysans est mise à mal par un nouveaucadre législatif qui favorise la promotion desemences de variétés dites améliorées,hybrides, voire OGM. Ces variétés sont pri-vatisées et leurs semences ne peuvent pasêtre reproduites ni échangées. Elles néces-sitent l’utilisation de paquets technolo-giques d’une agriculture non durable(engrais chimiques, pesticides, monocultu-res intensives) et constituent une menacepour la souveraineté alimentaire.

La deuxième édition de la foire dessemences paysannes de Djimini a permis derenforcer les acquis de l’édition 2007. Desdélégations de 8 pays d’Afrique de l’Ouest(Niger, Mali, Togo, Bénin, Gambie, GuinéeBissau, Guinée Conakry, Sénégal) et deFrance se sont retrouvées pour y participer.

Divers espaces ont été organisés :espaces d’échanges de semences paysan-nes locales et de savoirs, et espaces dedébats et d’information sur les sujets d’ac-tualité. Cette année, le riz, culture majeuredans la sous-région, a été au centre des dis-cussions. Un cinéma rural a été ouvert etplusieurs stands ont été consacrés à l’infor-mation sur les produits locaux dans laconsommation et pour partager les valeursculinaires et culturelles. Enfin, un espace“ferme et terroir” a permis des échangespratiques sur les techniques agroécolo-giques.ASPSP / BEDE

Du 26 février au 10 mars 2009, unecaravane constituée de paysans venusd’Afrique (Sénégal, Mali, Togo, Niger,Bénin, Gambie, Guinée Bissau) et deFrance a sillonné sur 600 kms une

partie du Sénégal de Thiès à Djimini (Région deKolda, département de Vélingara et Communautérurale de Saré coly Sallé), en passant parKhoungueul.

Tout au long de cette caravane, nous avonséchangé des pratiques et des expériences sur lesquestions de l’autosuffisance alimentaire, de laproduction de semences paysannes et de la reloca-lisation de la consommation locale.

Très conscients des risques de privatisation dela semence et de la terre, de la pollution engendréepar l’agriculture chimique, nous pensons que seules

des solutions agroécologiques constituent unealternative pour une agriculture saine et durablequi sauvegardera la biodiversité et nos savoir-faire.

La foire des semences de Djimini a permis auxdifférents acteurs d’échanger semences et expé-riences. Il est urgent de penser à la formation et àl’installation de nombreux jeunes agriculteurs afri-cains pour combattre la faim et éviter le drame del’immigration.

Cette foire d’échanges a été une occasion pourles participants de marquer leur opposition à la cul-ture des agrocarburants.

Nous devons construire ensemble un réseau desemences africaines parce qu’une autre agricultureest possible. Communiqué de presse.Les participants de la caravane et de la foire

Affirmer une agriculture paysanne diversifiée

›› SOMMAIRE

P.2 Visions de la semence paysanne

P.3 Modes de production de la semencepaysanne

P.4 Une caravane pour l’autonomie semencière

P.5 Des céréales locales pour l’Afrique

P.6 Privatisation des semences et droits des paysans

P.7 Enjeux du foncier et des agrocarburants

P.8 L’après-foire et quelques recettes agroécologiques

Participation libre (coût impression 200 FCfa)

Slogan sur le site de la foire

RECOMMANDATIONS DES PAYSANNES ETPAYSANS PARTICIPANT À LA CARAVANE ETÀ LA FOIRE DES SEMENCES PAYSANNES,AU SÉNÉGAL EN MARS 2009

Susciter une prise de conscience de la perte des variétéset de leur importance pour une agriculture paysanne locale.

Rechercher et collecter les variétés paysannes, les expé-rimenter et les multiplier en agroécologie.

Créer et alimenter des maisons ou greniers de semencespour permettre des lieux d’échanges et de diffusion.

Mettre l’accent sur la formation aux techniques de sélec-tion, conservation et production de semences paysannes.

Travailler également sur la diver sité animale, les plantesmédicinales, arboricoles (pépinières et reboisement) etsauvages.

Renforcer le rôle de la femme comme gardienne de lasemence par la formation et l’accès au foncier.

Renforcer et multiplier des fermes d'expérimentationsde biodiversité.

Affirmer que les semences paysannes doivent être pro-duites en agroécologie.

Se mobiliser sur les questions de droits des paysansface aux législations mais sans déséquilibre avec la pro-duction de semences paysannes.

Faciliter et organiser l'information pour qu’elle circuleentre les organisations et à la base.

Encourager la mise en réseau en privilégiant avant toutle maillage au niveau local dans chaque pays.

FOIRE SOUS-RÉGIONALE DES SEMENCES PAYSANNES. DJIMINI, SÉNÉGAL, 2009

LES OBJECTIFS ET LES RÈGLES DESFOIRES AUX SEMENCES PAYSANNESDE DJIMINI

Les foires aux semences paysannes ont pour but de per-mettre aux paysans de présenter leurs cultures et leursvariétés et elles offrent ainsi des opportunités :

• d’échanger des connaissances et des expériences sur lesvariétés anciennes et nouvelles cultivées par les agricul-teurs ;• d’échanger des semences ou d’organiser des échangesde semences pour le futur ;• d’instaurer un climat de confiance entre les agriculteursen favorisant une concurrence saine et productive ;• de permettre aux organisations d’agriculteurs de montrerleurs compétences ;• de créer des liens commerciaux équitables ;• de promouvoir l’interaction sociale.

Les échanges sont régis par l’éthique et les normes locales

L’emprunteur doit restituer une fois et demie ou deux foisla quantité de semences empruntée.

Les semences sont échangées. Elles ne sont pas remisescontre paiement en espèces. Si les semences ne sont pasrestituées dans l’année, après la récolte, le taux d’intérêtest multiplié par deux.

Le prêteur garantit la qualité des semences et se fie à la“certification par le voisinage”. Si les semences sont demauvaise qualité, si elles contiennent des poussières iner-tes, des corps étrangers et des glumes, il doit les nettoyeravant la transaction.

La foire permet de repérer les agriculteurs qui maintiennentune grande diversité génétique, ont de bonnes connaissan-ces dans ce domaine et sont une source d’information pourles autres. Ces paysans peuvent se faire une idée de ladiversité des variétés de plantes cultivées dans leur com-munauté dans cette foire où sont présentées des semencessèches. On peut aussi repérer les zones riches en biodiver-sité, identifier et localiser ses gardiens et comprendre leursmotivations à maintenir cette grande diversité. Cela sert debase pour un inventaire des ressources semencières.Demba Ba, secrétaire général de l’ASPSP

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›› VISIONS DE LASEMENCE PAYSANNE

Notre association estnée en 2003 commemouvement derecherche alternati-ve citoyenne aux

OGM et contre l’utilisation abu-sive de pesticides. L’associationde producteurs de semences estla résultante de la volonté d’uniret de croiser les itinéraires deneuf leaders paysans originairesdes différentes régions duSénégal.

Le domaine sur lequell’ASPSP se concentre est la biodi-versité agricole activementgérée par les agriculteurs avecleurs connaissances etleurs savoir-faire.

Les activités del’ASPSP sont la produc-tion, la multiplication etla sélection sur la basede variétés localeset/ou d’origine paysan-ne.

Notre certificat,c’est la confiance qui est bâtieentre les paysans ou les commu-nautés qui s’échangent lessemences. Les semences sontleur identité.

La semence paysanne estconsidérée dans notre approchecomme patrimoine cultureltransmissible. D’où sa place pri-vilégiée dans les rites d’initiation:traditions associées à l’espèce,usages cérémoniels et rituels del’espèce, connaissances liées àune espèce, bien réparties entredifférents secteurs de la com-munauté et transmises de géné-ration en génération.

Le moyen que nous nous don-nons pour parvenir à notreobjectif est l’établissement d’unréseau semencier à caractèresocial, semi formel, entre les dif-férentes organisations qui com-posent l’ASPSP.

L’ASPSP s’appuie sur la réali-té de systèmes locaux d’échan-ges de semences et de variétésdans et entre les communautés.

La stratégie et l’approchesont centrées autour de l’autono-mie semencière et l’objectif estde rendre autonomes et indé-pendants les membres del’ASPSP en matière de semences.

L’ASPSP voudrait assumer uncertain leadership semencier enrendant disponibles des semen-ces de qualité.

Pourquoi est-il important d’a-voir des semences de qualité ?

les semences de qualitésont capitales pour obtenir debonnes récoltes ;

les semences de qualitéproduisent plus, les plantes sontplus saines et plus lourdes, et ontdavantage de racines ;

les semences de qualité ontune germination et une croissan-ce uniformes ;

les plantes saines se déve-loppent plus rapidement aprèsrepiquage.

C’est pourquoi des actions deformation sont organisées. Ellesportent essentiellement sur laqualité, le suivi, le stockage et lagestion des semences ainsi quesur la promotion de la conserva-tion in situ pour une meilleureutilisation des semences paysan-nes et une plus grande sensibili-sation.

L’association sénégalaise desproducteurs de semences pay-sannes regroupe des produc-teurs associés et des “agricul-

teurs nodaux”. Sonmodèle d’échanges n’estpas marchand et s’appro-che plus du don et de laréciprocité sociale ethumaine.

La recherche menéeest adaptative, décentra-lisée autour des fédéra-tions membres locali-

sées dans les principales zonesagroécologiques du Sénégal.

Dans une zone écologique, lesagriculteurs cultivent dans diver-ses conditions, divers micro-milieux (par exemple champ,rizière, jardin potager, champ deculture intercalaire, verger). Larecherche est aussi participativeet l’ASPSP souhaite favoriser uncontexte institutionnel flexiblede dialogue entre la recherchescientifique formelle et les inno-vations paysannes. Lamine Biaye, président de l’ASPSP

La véritable nature d’unesemence paysanneLorsqu’on parle de ‘semence paysanne’ il faut distinguer deuxchoses : la semence paysanne issue d’une variété locale etrenouvelée comme un patrimoine collectif ; et la semence pay-sanne qui est une variété issue de la sélection dans une stationde recherche et reproduite dans les champs de paysans.Pourquoi ?

D’une part parce qu’il y a une différence de nature. Aujourd’huiles sélections de la recherche poussent de plus en plus versl’obtention d’hybrides, de lignées pures ou même d’OGM. Ilexiste beaucoup de biotechnologies dans les sélections actuel-les, que ce soit la transgénèse, le sauvetage d’embryon, lafusion de protoplastes ou encore la mutagénèse qui sont tou-tes des techniques de laboratoire. Les variétés issues de cestechnologies ne sont pas toujours qualifiées de “génétique-ment modifiées”, mais elles ne sont ni “naturelles” ni à la por-tée du paysan.

D’autre part, parce qu’elles n’ont pas le même statut juridique.La recherche publique n’a plus les moyens de soutenir des pro-grammes autonomes et les sélections se font en partenariatavec le secteur privé. Et sur chaque variété sortie d’un labora-toire privé, il y a un droit de propriété intellectuelle (brevet,certificat d’obtention ou droit de marque) qui limite les droitsdes paysans à ressemer leur récolte sans verser de royalties.Et le risque aujourd’hui est qu’on confonde ces semences devariétés de la recherche que les paysans semenciers multi-plient comme le voudrait le système officiel et qu’on les appel-le “semences paysannes” sous prétexte qu’elles ont été multi-pliées dans les champs de paysans, alors qu’elles sont d’unenature différente et ont un statut différent de celui dessemences paysannes qui sont elles issues de variétés localeset de la sélection paysanne avec un statut de droit collectif. Bob Brac de la Perrière, coordinateur de BEDE

“Notre certificat, c’est laconfiance qui est bâtie entre lespaysans ou les communautés quis’échangent les semences. Les semences sont leur identité.”

L’ASPSP : une vision et une identité pratique

Exposition de semences par UCT de la région centre

FOIRE SOUS-RÉGIONALE DES SEMENCES PAYSANNES. DJIMINI, SÉNÉGAL, 2009 page 3

Dans le cadre de l’agriculture traditionnel-le, les opérations culturales sont accom-pagnées par des rites d’inauguration:fêtes de prédication, chasse sacrée, liba-tions à l’esprit des ancêtres. “Ngam jam,

o yas jam” -pluie dans la paix, semailles dans la paix-est la première parole du paysan sérère puisquedans sa pensée, la semence est un don de dieu quicontient les forces vivesde l’univers.

Les modes de produc-tion de la semence pay-sanne évoluent avec lesdifférents systèmes cul-turaux.

En agriculture tradi-tionnelle, science, tech-nique et religion fontcorps et apparaissentdans une relation entre lesacré et le profane, entrece que nous voyons (le phénotype) et ce que nous nevoyons pas (exemple : on introduit dans les semen-ces une peau de porc-épic pour attirer les forcessubtiles).

Il serait alors impossible et incompréhensiblepour un paysan de cette culture de considérer lasemence comme une simple matière, c’est à direselon la conception de la science actuelle occidenta-le : une sorte d’arrangement de molécules orga-niques gouvernées par une super molécule appeléeADN.

L’éthique, la morale et le respect de la vie sont aucœur de la production des semences, dans la mesu-re où la plante est un don du ciel, et c’est ce don quila fait vivre.

Dans l’agriculture traditionnelle, le mode de pro-duction de la semence repose sur la sélection mas-sale annuellement répétée dans un contexte ou l’é-change de pollen entre plantes sauvages apparen-tées, telles que les graminées, avec les plantes culti-vées est relativement maîtrisé. Ici la biodiversité estle fondement de la vie.

Les paysans des origines savaient gérer lesrisques de la dégénérescence des formes cultivées,c’est à dire leur retour vers des formes proches del’état sauvage, puisque la pureté des variétés homo-gènes sans diversité est très vulnérable aux parasi-tes.

Si la sélection est bien menée, la souche bien éta-blie, les risques sont minimes.

A la récolte, le riz par exemple, est attaché enbottillons par-dessus le foyer, pour bénéficier de lachaleur de la fumée, ce qui lui assure une bonne con-servation contre les insectes et les maladies. C’estaprès seulement que la semence est prélevée etconservée dans un endroit approprié (canaris her-métiquement fermés, fûts, etc.) en attendant lesprochaines récoltes, ou alors elle fait l’objet d’un

échange entre voisins,amis et parents, qui vontla ressemer dans leurschamps.

Les rendements obte-nus avec ces semencesn’étaient pas spectaculai-res, mais dépassaient lesrésultats médiocres debeaucoup de semencesaméliorées actuelles,avec une grande capacitépour s’adapter à des

situations de stress extrême.Cette foire nous donne l’occasion d’échanger nos

expériences donc de nous enrichir mutuellementdans ce domaine.

Nous pouvons dire, Dieu merci, que ces connais-sances ne sont pas totalement perdues dans les villa-ges, elles résistent dans la mémoire des temps dequelques-uns , et dans la pratique de beaucoup. Maisla connaissance intégrale issue de ces systèmesdevient de plus en plus rare. Nous avons beaucoup àapprendre de ces savoirs anciens.

Il ne s’agit pas de retourner à la lettre aux ancienssystèmes traditionnels pour répondre à nos besoinscar au Sénégal, de toute façon, ces systèmes ont étéprofondément déstructurés depuis le pacte colonialen passant par les différentes interventions des gou-vernements socialistes et libéraux. Mais il s’agit d’être inspirés, d’avoir une capacité d’imaginationcréatrice, avec les chercheurs qui le voudront bien,pour développer d’autres alternatives.

Mes premières observations liées aux semenceslocales ont commencé à partir des années 1990. LeGADEC, notre ONG, s’inscrivant dans la gestion et laréhabilitation des terroirs villageois, avait démarré laconstruction de micro-barrages dans différentesvallées de la zone du Sénégal oriental et de la hauteCasamance. Ces ouvrages permettent non seule-ment de contribuer à la réalimentation de la nappe,mais également de créer les conditions les plus favo-rables au développement des cultures maraîchèreset rizicoles, et ainsi de faire face aux dures condi-tions des différentes années de sécheresse.

Nous avions, avec l’Isra/Gadec, entrepris unerecherche collaboratrice en introduisant des varié-tés améliorées pour valoriser des ouvrages etcontribuer ainsi à l’amélioration de la riziculture debas-fond. J’ai constaté, à la suite des expériences fai-tes en milieu réel avec des protocoles simplifiés, quenos variétés, soit disant améliorées, s’adaptaient dif-ficilement aux dures conditions du milieu. Par contre,les femmes, avec une bonne maîtrise du calendriercultural, arrivaient à faire de bonnes récoltes avecleurs variétés traditionnelles.

J’avais demandé en 1998 à mes amis chercheurssi nous pouvions, tout en continuant à introduire lesvariétés améliorées, collecter en particulier le maté-riel végétal traditionnel dans les zones à bonne plu-viométrie et permettre aux femmes de les échangerà travers des banques de semences dans les villagesou le GADEC avait construit des micro- barrages.

A titre d’exemple, j’ai toujours en mémoire (car jesillonnais des semaines durant les mauvaises pistesde la brousse, pour collecter le matériel végétal devillage en village) le nom de quelques variétés :Samba Diadié, Binta Damadé, Thiamoyel, Diounanang,Kalburon, Abdoulaye Mano, Balinghor, Copé, BanakruGudomp, Sira Ding, etc.

Nous avons pu évaluer l’effet du compost, dufumier du Sesbania rostrata (un engrais vert, obtenuavec les groupements de Nianga, région de Kolda) encomparant le développement et la production desvariétés locales et améliorées. Cette utilisation dufumier, du compost et de la sesbania, plante fixatri-ce d’azote, doit être encouragée dans la riziculture.C’était une forte recommandation issue de nosessais.

Nous avons présenté nos travaux lors d’un ateliersur les résultats de la recherche sur le thème :“Riziculture dans les Régions de Basse et MoyenneCasamance du Sénégal oriental et de hauteCasamance” à Tambacounda en mars 1998.

Je me rappelle que pour caractériser la variétéBinta Damadé lors des restitutions villageoises, lesfemmes disaient que cette variété se comportecomme une belle femme, à la floraison, elle embau-me l’atmosphère des rizières de son parfum exquis.

Nous n’avons pas de solutions techniques simpli-ficatrices, comme les marchands d’engrais quirecommandent les doses de NPK et ce que nousavons à faire exige de l’imagination et de la créativi-té, ainsi qu’un travail massif d’expérimentation. Il n’ya pas de solution toute prête qui propose de faire ducompost partout, car chaque parcelle, chaque fermeest une individualité agricole.

Les praticiens que nous sommes pensons que l’a-grobiologie ou l’agroécologie (qu’importent les nuan-ces), participe à la vie par la mission accomplie par lepaysan. Abdoulaye Sarr, président du Gadec et président duPrabioc (Extrait de sa présentation à le foire de Djimini2009)

Quels modes de production pour la semencepaysanne ?

›› MODES DEPRODUCTION DE LASEMENCE PAYSANNE

“Il ne s’agit pas de retourner àla lettre aux anciens systèmestraditionnels, il s’agit d’êtreinspirés, d’avoir une capacitéd’imagination créatrice, avec leschercheurs qui le voudront bien,pour développer d’autresalternatives.”

Récolte de riz à Kabiline

Récolte de riz à Koungheul Socé

Les deux jours d’é-changes à Thiès ontpermis de consacrerune journée à laquestion de la pro-

duction de semences paysannesd’oignon violet de Galmi. Cettevariété a servi d’exemple tout aulong de l’échange, pour expliquerles mises en application deslégislations sur les semences etla propriété intellectuelle et leursincidences sur l’autonomie pay-sanne.

Après l’ouverture officielle, lacaravane a quitté Thiès en direc-tion de Koungheul. La journée acommencé par une visite des jar-dins de case des femmes. Cetour des jardins a permis deconstater l’importante tâcheaccomplie par les femmes deKoungheul Socé et d’échangersur les pratiques culturales. Desconseils ont pu être donnés pourréduire les efforts d’arrosagenotamment en paillant le sol ouencore en confectionnant desplanches adéquates. Les ques-tions de la diversitédans les jardins et del’autonomie en semen-ces potagères ont étésoulevées. La déléga-tion a par ailleurs saluéle courage des femmeset leur volonté d’entre-tenir ces jolis jardins.

S’en est suivie la pré-sentation de l’UCEM(Union des ComitésEcologiques de la Valléede Mininké) qui est une organisa-tion membre de l’ASPSP.

Dans le souci de régler lemanque de nourriture pendantl’hivernage, l’UCEM a mobilisé enréserve 33 tonnes de céréalespour la période de soudure, cequi constitue une évolution posi-tive dans la vie de l’association.

L’UCEM a entrepris un travaild’identification des variétés loca-les pour les conserver et les mul-tiplier mais elle note des difficul-tés notamment à cause de l’in-troduction de variétés amélio-rées et de la promotion desengrais inorganiques.

L’UCEM est cependant trèsconsciente de la problématiquede l’autonomie semencière.Trouver une solution aux problè-mes de production de semencesà Koungheul Socé peut permettrede réduire le déficit chroniquesemencier qui implique unrecours fréquent aux semencesdu marché. Quant aux greniers,ils doivent reprendre leur placedans la société car leur dispari-tion entraîne une perte en savoirsanciens et en semences locales.

Dans l’après midi, des discus-sions ont eu lieu autour de l’expo-sition de semences de variétéslocales préparée par les paysansde la zone. Les paysans et pay-sannes ont présenté leurs varié-tés locales (mil, sorgho, riz,

gombo, aubergine). L’échange aété renforcé par la présentationdes variétés de gombo, sorghoet riz apportées par OmerAgoligan du Béninet qui ontconnu un grand succès auprèsdes paysannes. Les jardiniersfrançais ont proposé quelquessemences de potagères pourque les femmes les expérimen-tent et puissent diversifier leursjardins.

Le lendemain, la discussion acommencé par la présentationdu groupe de veille dont fait par-tie l’UCEM. Ce groupe s’est mobi-lisé lors de l’implantation d’unmagasin d’intrants à Koungheulville, en informant les autoritéset les populations sur les risquesliés à l’introduction de semencesnotamment hybrides et OGM et àla promotion de produits chi-miques. Le groupe de veille a ainsiréussi à faire pression jusqu’à ceque le magasin finisse par fer-mer et a mis en place un pland’action pour développer l’alter-native des semences paysannes.

L’après-midi, un échange pra-tique a eu lieu sur les techniquesde fertilisation des sols, la prépa-ration de traitements naturels àbase de neem mais aussi de ricin,piment et tabac. Les membresde la caravane ont égalementtémoigné de leurs expériencesde production de semences depotagères comme l’oignon, lacarotte, la tomate et la salade.

Après cette séance, le groupes’est retrouvé avec les représen-tants de l’UCEM pour approfon-dir les échanges et discuter desstratégies à mettre en placepour les paysans de la zone.

Le coordinateur de l’UCEM asoumis à la délégation lesréflexions et les pistes d’actionsémises par les paysans del’UCEM :

aménager un site de produc-tion de semences paysannes ;

appuyer la formation des pay-sans dans la production desemences ;

organiser des “lumas” (mar-chés) des semences paysannesavant l’hivernage ;

créer une maison de la semen-ce de variétés locales ;

permettre à l’UCEM de partici-per à des échanges sur les thè-mes des semences paysannes.

La séance a ensuite étéouverte aux commentaires, cri-tiques et conseils des paysansamis visiteurs.

Tout le monde a été heureuxde la motivation affirmée pour laproduction locale de grainespour les céréales mais aussi pourles jardins. La question qui sepose alors est celle du lieu deproduction et des acteurs de cetravail. Certains pensent que lepérimètre déjà aménagé pour-rait convenir, d’autres soulignentles difficultés liées à sa réhabili-tation mais aussi à sa distance duvillage et conseillent plutôt defaire l’expérimentation et la pro-duction de graines dans un ouplusieurs jardins de case. Il estclair que les femmes sont actri-ces de la graine mais il fautveiller à ne pas surcharger leurstâches dans un quotidien déjàtrès occupé. L’importance d’unemobilisation des hommes et sur-tout de la jeunesse a été souli-gnée notamment pour la confec-tion de compost et les arrosages.

La formation estégalement un aspect clépour atteindre cetobjectif de productionde graines. Il a étérecommandé de formerdes formateurs pourtransmettre leursconnaissances pratiquesen production desemences en agroécolo-gie.

L’UCEM peut pourcela se retourner vers l’ASPSPqui a des personnes ressourcesen mesure de remplir cette mis-sion.

Pour amplifier son messagesur les semences paysannes, enplus de la couverture radio desdeux jours, une partie de la délé-gation est allée à la radio“Koungheul FM” pour participer àune émission d’une heure.

Les échanges se sont clôtu-rés par une soirée folkloriqueavec les masques du village, uneprojection vidéo de l’expériencedes festivals de biodiversité enInde et enfin par des danses. Anne Berson, chargée de mission àBEDE

FOIRE SOUS-RÉGIONALE DES SEMENCES PAYSANNES. DJIMINI, SÉNÉGAL, 2009page 4

Organisations ayant participé àla caravane

L’Association des Producteurs des semences paysan-nes du Sénégal (ASPSP - Sénégal)

Synergie paysanne (SYNPA - Bénin)

La Ferme école centre de développement agricole etartisanal (FD2A - Togo)

Plate forme paysanne (Niger)

Coordination Nationale des Organisations Paysannes(CNOP - Mali - membre du ROPPA)

Union des coopératives agricoles de Kayes (URCAK -Mali)

National Farmers Plateforme of Gambia (NFPG, FITA,ACPI - Gambie - membre du ROPPA)

Plate forme Nationale (QNCOPA - Guinée Bissau -membre du ROPPA)

Réseau Semences Paysannes (RSP - France)

Biodiversité Echange et Diffusion d’Expériences(BEDE -France)

“ Les paysannes et paysans de lazone ont présenté leurs variétéslocales. L’échange a été renforcépar la présentation des variétésde gombo, sorgho, et rizapportées par Omer du Bénin etqui ont connu un grand succèsauprès des paysannes.”

›› UNE CARAVANEPOUR L'AUTONOMIESEMENCIERE

Caravane des semences paysannes :étape à Koungheul

Avant la foire régionale des semences paysannes, l’ASPSP a invitéune délégation de plusieurs paysans d’Afrique et de France à unetournée d’échanges de savoirs et de pratiques innovantes sur lessemences paysannes avec des jardinières, jardiniers et paysansentre Thiès et Koungheul et Djimini au Sénégal.

Présentation des variétés et échange à Koungheul Socé

DVD “En route vers l’autonomie ensemences en Afrique de l’Ouest”Pour vous procurer le DVD, merci decontacter l’ASPSP ou BEDE. Voircontacts en page 8.

FOIRE SOUS-RÉGIONALE DES SEMENCES PAYSANNES. DJIMINI, SÉNÉGAL, 2009 page 5

“Quel riz pourl’Afrique ?”A mon avis,c e r t a i n e -ment pas le

NERICA ! Mais c’est aux paysans et auxconsommateurs africains dedécider. De mon point de vue, leriz traditionnel africain a punourrir les populations africainesdepuis des millénaires et il n’y apas de raison qu’il ne puisse pascontinuer à nourrir l’Afrique.

Il existe plusieurs sortes devariétés locales traditionnellesde riz qu’on appelle “riz africain”,du nom scientifque “Oryza gla-berrima”. Il a été domestiqué parles paysans africains depuis plusde 3000 ans. Le riz asiatique,“Oryza sativa” est entré sur lecontinent il y 500 ans et les pay-sans l’ont intégré à leur riz afri-cain, c’est donc aussi devenu unevariété locale. Il a aussi sa place.

lI existe aussi en Afrique desvariétés locales améliorées. Maisla question est de savoir par quielles ont été sélectionnées? Lapremière réponse qui vient sou-vent à l’esprit, c’est de dire : parla recherche agronomique. Maisn’oublions pas qu’il existe aussil’amélioration par la recherchepaysanne qu’on ne doit pas négli-ger.

Nous avons constaté que lespolitiques qui se sont succédéesà la tête de nos Etats et desMinistères chargés del’agriculture dans nospays n’ont pas fait lapromotion du riz afri-cain traditionnel ; ilsn’ont pas fait la promo-tion de la culture du riztout simplement. Unexemple pour étayerces propos : le niveaud’autosuffisance en rizen Afrique au Sud duSahara a connu unebaisse considérable, ilest passé de 112% en 1961 à61% en 2006. Pourquoi?C’est à cause des politiquesadoptées par nos pays qui ontfavorisé l’importation de riz.

Qu’est-ce que le Nerica?“New Rice for Africa”, le

nouveau riz pour l’Afrique. Ila été mis au point par uneinstitution internationale,l’ADRAO qui s’appelle main-tenant le “Centre africainpour le riz”. Nerica est uncroisement entre deuxespèces : le riz africain(Oryza glaberrima) et le rizasiatique (Oryza sativa). Leriz africain est choisi pourses qualités d’adaptation etde résistance aux condi-tions locales, le riz asiatiquel’est pour son rendement.Cependant le croisementproduit des plantes qui sontstériles. Il a fallu passer pardes techniques de labora-toire, des biotechnologiesappelées sauvetage d’em-bryons, pour parvenir à cesnouvelles variétés de riz. Il existe plusieurs dizainesde variétés de Nerica, avecdes numéros différents etadaptés à plusieurs milieux :plateau, bas-fonds ou irrigué.

Le riz traditionnel local estadapté à nos conditions de cultu-re, à nos conditions climatiqueset à la sécheresse ; qu’il y ait oupas de pluies, certains de ces riztraditionnels poussent. De plus,

ce riz traditionnel est moins exi-geant en intrants. Pour moi, c’estce riz-là qui permet d’atteindre lasouveraineté alimentaire. Avecce riz, les paysans peuvent pro-duire ce qu’ils mangent et man-ger ce qu’ils produisent. Malgréla publicité faite au Nerica, mal-gré l’imposition faite à nos gou-vernements de le cultiver, en

commençant par la Guinée, despaysans l’ont refusé. Après plu-sieurs années d’essais, une étudefaite en 2003 sur 1700 exploita-tions agricoles dans 79 villagesde Guinée, montre que les pay-sans préfèrent leur riz tradition-nel au Nerica (Publication deGRAIN, janvier 2009). Il n’y a pasde meilleure preuve que cela.Cela montre que le riz tradition-nel peut, avec les autres céréaleslocales, nourrir l'Afrique.

Par ailleurs, le riz traditionnelest intégré au système de vie dechez nous. Sa production est liéeau marché local. Quand le paysanproduit du riz, il va ensuite levendre sur le marché local, ce quin’est pas le cas avec le Nerica.Nos gouvernements sont entrain de donner les terres despaysans aux instituts de recher-che et aux entrepreneurs pourqu’ils fassent des essais sur le rizNerica. De nombreux exemplesmontrent qu’avec le Nerica onest en train de pousser lesAfricains vers l’agrobusiness.Pendant que l’on fait la promo-tion de ce riz dont les semencesne viennent pas des pays, et quel’on donne toutes les facilités auxentreprises pour développer leNerica, on ne fait rien pour le rizlocal, le riz pluvial qui existe biendans différents systèmes de cul-ture traditionnels.

Tout cet agrobusiness déve-loppé autour du Nerica permet

de mettre en place unsystème de semencesqui répondra auxbesoins de l’agrobusi-ness, et non pas desproducteurs africainsqui sont les plus nom-breux.

Quel riz pourl’Afrique? C’est le riztraditionnel car c’estavec ce riz que nousallons atteindre notresouveraineté alimentai-re et c’est avec ce riz

que nous allons valoriser lessavoirs endogènes. Pour nourrirl’Afrique, il faut que nous ayonsune approche holistique commele paysan africain a toujours eu,en associant la diversité biolo-gique à la diversité culturelle. Jeanne Zoundjéhikpon, GRAIN /Jinukun / Copagen, Bénin.

“CONSOMMER LOCAL” : UN NOUVEAU SLOGAN POUR LAFOIRE DES SEMENCES PAYSANNES

Souvent dans les rencontres, alors que l’on parle d’agricul-ture paysanne et de souveraineté alimentaire, ce sont desproduits industriels, le plus souvent importés qui sontconsommés : pain au blé d’Europe, margarine, lait en pou-dre et café au lait au petit déjeuner, riz parfumé asiatique etbouillon cube, boisson soda sucrée au déjeuner, macaronisau dîner. En plus d’une qualité nutritionnelle moindre, desemballages plastiques qui polluent la terre, la consomma-tion de ces produits ne donne aucun revenu aux paysansdes endroits où se déroulent ces rencontres. La foire était l’occasion de mettre les actes en accord avecle discours et un travail a été fait avec les femmes du villa-ge pour qu’elles puissent préparer les repas avec les pro-duits locaux en limitant au maximum l’utilisation de pro-duits industriels ou d’importation tels que les cubes debouillon ou l’huile de soja. Ainsi, le matin, les participantspouvaient apprécier la bouillie à base de mil local et lesrepas du midi étaient préparés à base du fonio apporté parles participantes maliennes et du riz de Casamance. Lescondiments étaient les soumbala locaux et l’huile de sésa-me apportée également par des participants.Les stands ne manquaient pas de mettre en avant la diver-sité culinaire avec des démonstrations de transformationdes céréales locales. Ainsi le stand de Meckhé pouvait offrirdifférentes préparations à base de niébé comme le coucousde niébé, le Ngalar de niébé ou encore des préparation àbase de maïs comme le café de maïs et même des croquet-tes de manioc. Les femmes de la région de Thiès(Popenguine) ont fait déguster des gâteaux de maïs. Unautre groupe de la région Mampatim a fait de nombreusesdémonstrations de plats à base de manioc, notamment le sipopulaire atiéké ou des yaourts à base de manioc. Les fem-mes proposaient également à la vente des farines prêtes àl’emploi et de nombreuses autres préparations comme deslégumes en bocaux.L’AAJAC COLUFIFA offrait une large gamme de produits àbase de sésame transformé localement: huile, pâte à tarti-ner, savon, crèmes...Enfin les femmes transformatrices de l‘AssociationMalienne pour la Sécurité et la Souveraineté Alimentaires(AMASSA) du Mali accompagnaient des producteurs met-tant ainsi en avant une chaîne de production et de transfor-mation intégrée : de la fourche à la fourchette. Les femmesexposaient toute une gamme de produits : fonio précuit,duga, croquettes de sésame, gâteaux de jujubes, prépara-tion pour les bouillies, fruits séchés...Pour continuer d’informer les participants, un atelier spon-tané sur les céréales locales a été animé par Madieng Seck,représentant de Slowfood au Sénégal. La biodiversité, les semences paysannes et l’agriculturepaysanne ne pourront perdurer que si elles sont mises envaleur et les produits qui en sont issus, transformés, com-mercialisés et consommés localement.Anne Berson, chargée de mission à BEDE

“ Pendant que l’on fait lapromotion de ce riz dont lessemences ne viennent pas despays, et que l’on donne toutes lesfacilités aux entreprises pourdévelopper le Nerica, on ne faitrien pour le riz local, le riz pluvialqui existe bien dans différentssystèmes de culturetraditionnels.”

›› DES CEREALES LOCALESPOUR L'AFRIQUE

Quel riz pour l’Afrique ?

Récolte de riz à Baline

Plats locaux au stand de DjiminiDiffusion de l’affiche

FOIRE SOUS-RÉGIONALE DES SEMENCES PAYSANNES. DJIMINI, SÉNÉGAL, 2009page 6

“Imaginez une porte.On place deux ver-rous mais on ne lesferme pas. C’est lasituation actuelle

des législations sur les semencesen Afrique de l’Ouest qui sontdans une phase transitoire. Leslois sont votées maiselles ne sont pas encoreappliquées. Elles ont misun verrou avec le catalo-gue sous-régional et unautre verrou avec lesdroits de propriété surles variétés. Aujourd’hui,les verrous sont posésmais les paysans ne lesvoient pas car ils ne sontpas fermés. Bientôt, àl’aide des verrous, oncontrôlera et on ne lais-sera entrer et sortir quequelques catégories, jusqu’aujour où la porte sera fermée enpermanence". C’est avec cetteimage qu’ont été illustrés les effetsde la privatisation des semencessur les variétés paysannes.

Le premier verrou : le catalo-gue, un système de certificationqui élimine les variétés paysan-nes.

Mis en place en mai 2008, lecatalogue ouest-africain desespèces et des variétés végéta-les, le COAFEV, enregistre toutesles variétés qui ont le droit d’êtreproduites, commercialisées ouéchangées sur le territoire cons-titué par les dix-sept paysd’Afrique de l’Ouest et Centralemembres de l’Union économiqueet monétaire ouest africaine(UEMOA), de la Communautééconomique des Etats d’Afriquede l’Ouest (CEDEAO) et duComité permanent inter-Etats delutte contre la sécheresse auSahel (CILSS).

Le catalogue liste les variétésinscrites dans les cataloguesnationaux mais aussi les variétésles plus utilisées. Ceci est valablepour une période transitoire de 5ans, après quoi seules les varié-tés inscrites dans les cataloguesnationaux pourront être inscritesdans le COAFEV.

Ainsi chacun des 17 pays doitmettre en place un cataloguenational. Si le catalogue peut êtreune bonne chose pour identifierles variétés industrielles qui sontcommercialisées, les critèresd’inscription excluent les varié-tés paysannes. Ainsi, pour qu’une

variété puisse être inscrite, elledoit répondre aux tests DHS(Distinction, Homogénéité,Stabilité) et la DHS et sa ValeurAgronomique et Technologique(VAT) doivent être reconnues.

Les variétés populations tra-ditionnelles ne peuvent pasrépondre à ces critères car lasélection paysanne cherche àgarder suffisamment d’hétéro-généité dans la population pourlui donner des facultés adaptati-ves d’une campagne sur l’autre.De plus, le coût de l’inscription,de plusieurs centaines demilliers de francs CFA, démoti-vera plus d’un producteur.

La compilation de ce catalo-gue a été réalisée par la FAO etfinancée par le ministère de l’a-griculture français. Cette législa-tion est le “copié-collé” de lalégislation européenne tantdécriée par les organisationspaysannes d’Europe, et vise àexclure les variétés paysannesdu marché et même à les interdi-re.

Le deuxième verrou : la pro-priété intellectuelle, qui crée unmonopole sur la multiplicationdes semences.

Depuis 2006, les seize étatsmembres de l’Organisation afri-caine de la propriété intellectuel-

le (OAPI), en ajoutant l’annexe Xqui n’est qu’une copie conformede l’UPOV 91 (Union internationa-le des Obtentions Végétales)appliquée en Europe, autorisentles droits de propriété intellec-tuelle sur les plantes, le droitd’obtention végétale. C’est un

droit exclusif, interdi-sant la multiplication dela variété par un tiers,que ce soit une firme ouun producteur. Le systè-me se met en place, et laphase transitoire doit seterminer en décembre2009 moment où lesdemandes d’obtentionseront enregistrées etétudiées.

En mai 2008, 17demandes d’obtentionsvégétales ont été dépo-

sées dont de nombreux coton-niers et des variétés de potagè-res comme l’oignon violet deGalmi, la pastèque de Kaolack, ouencore le piment jaune duBurkina. Ces demandes sur lespotagères ont été déposées parla firme privée TROPICASEM SA.Si l’entreprise semencièreobtient ce droit, la production etla vente des semences de cesvariétés ne seront plus libres, etle droit de l’agriculteur de repro-duire sa semence sera limité.Des royalties pourraient être exi-gées pour pouvoir ressemer larécolte.

Les paysans européens pré-sents à la foire ont témoigné queles mêmes cadres législatifs quiexistent chez eux depuis plu-sieurs décennies ont réduitconsidérablement les droits despaysans sur leurs semences etmettent dans l’illégalité et lesvariétés paysannes et les savoirspaysans associés. Mais les pay-sans de la foire ont affirmé qu’ilsne se laisseront pas faire et qu’ilscontinueront de cultiver et d’é-changer leurs propres semencespaysannes. Bob Brac de la Perrière,Coordinateur de BEDE

Menace sur l’oignon violet deGalmi à la faveur des nouveauxaccords de l’OAPILes nouveaux accords de l’OAPI favorisent labiopiraterie des variétés paysannes.

En avril 2009, la Coordination Nationale de la Plate-forme Paysanne du Niger et les organisations membresde la Coalition pour la Protection du PatrimoineGénétique Africain (COPAGEN) Niger, ont lancé une cam-pagne pour dénoncer la demande d’un droit d’obtentionvégétale pour la variété d’oignon ‘violet de Galmi ‘par lafirme privée Tropicasem (filiale de la société semencièrefrançaise Technisem), auprès de l’Organisation Africainede la Propriété Intellectuelle (OAPI).

Extraits de la déclarationConsidérant que la variété dite ‘’Violet de Galmi’’

détient son nom de la localité où elle a été domestiquée(Galmi est un village de la Commune du Département deRégion de la République du Niger), c’est seulement, auvu de ses qualités, que cette variété a par la suite com-mencé à être cultivée dans les pays de la sous-région ;

Considérant que les communautés locales nigérien-nes (les paysans), à l’instar des autres paysans dumonde, ont des droits collectifs sur les plantes tradi-tionnelles cultivées, qu’ils ont domestiquées et/ou amé-liorées, et qui deviennent leur patrimoine génétique ;…/…

Considérant la souveraineté reconnue à chaque Etat,par la Convention sur la Diversité Biologique, pour laprotection et la sauvegarde de sa diversité biologique ;

Soucieux du respect des droits sociaux, économiqueset culturels des communautés nigériennes ;

nous, membres de la COPAGEN-Niger…/…

• Considérons l’action de Tropicasem et de sescomplices comme un vol, une confiscation des efforts deplus d’un siècle des communautés d’agriculteurs nigé-riens de Galmi, ainsi qu’une violation des droits de cescommunautés locales. Elle constitue un immensemépris pour les agriculteurs africains et les paysansnigériens en particulier. Nous comptons la combattrecomme tels ;

• Interpellons le Gouvernement nigérien, et luidemandons de prendre toutes les dispositions pour for-muler le recours contre la demande de Tropicasemauprès de l’OAPI, avant la fin du délai réglementaire quiéchoit en août 2009 ; sans préjudice de poursuites judi-ciaires contre cette société ;

• Appelons toutes les organisations paysannes,toutes les organisations de la société civile et toutes lespersonnes ressources, soucieuses du respect des droitshumains, de la dignité humaine, de justice, et de l’ave-nir de l’agriculture paysanne, à unir leurs forces poursoutenir et apporter assistance aux communautés nigé-riennes, pour faire échec à la tricherie de Tropicasem etde l’OAPI.Copagen, Niger

DON DE SEMENCES DE MAÏS :LE CADEAU EMPOISONNÉ

Un sac de maïs a été apporté par un des par-ticipants à la foire de Djimini. Ce sont dessemences de la société américaineDelkab/Monsanto qui ont été distribuées lorsde la campagne agricole précédente aux pay-sans de la région de Vélingara. L'agriculteurn'a pas confiance : est-ce contaminé par desOGM puisque les Etats-Unis sont les premiersproducteurs de maïs OGM dans le monde ?Oui, c'est bien possible, mais comment le véri-fier ? Tout est écrit en anglais sur le sac ! Avecl'aide des uns et des autres, on essaie dedécoder ce qui se cache dans ce sac de semen-ces. En premier, le nom de la variété, CRN3549. Elleest bien répertoriée comme une variété hybri-de. Hybride veut dire que ses qualités neseront pas reproduites l’année suivante, ce qui

obligera les producteurs à demander qu'onleur fasse cadeau de semences l'année d’a-près, sinon ils seront dépendants du prix ducommerçant. Hybride veut dire aussi qu'il fau-dra apporter de nombreux sacs d'engrais pouravoir une bonne production, sinon cela ne pro-duira même pas comme une variété locale.Voilà des dépenses supplémentaires en per-spective. Ensuite, on traduit ce qu'il y a écrit derrière :“Danger : semences traitées avec des substan-ces chimiques. Avertissement : ne pas utiliserpour l'alimentation humaine ou animale, ousous forme d’huile”. Les semences sont-ellesempoisonnées ? En période de soudure, quellegarantie a-t-on que personne ne voudra les uti-liser dans sa marmite ? A moins que tous lesvillageois lisent l'anglais couramment.Ils pourront ainsi s'instruire en lisant plus loinsur le sac : “C'est une violation de la loi d'utili-ser ces semences sans l'obtention d'une licen-ce de Monsanto”. Comment peut-on interdire à

un paysan d'utiliser des semences ? Cessemences sont la propriété exclusive du ven-deur avec les droits de propriété intellectuelle,une législation sur les variétés des pays indus-triels qui est en cours d'application en Afrique.Et, concernant le risque de contamination parrapport aux OGM, quelque chose est-il écrit ?Oui. On traduit texto : “Monsanto ne garantitpas cette semence comme exempte de toutetrace de traits phénotypiques et/ou génoty-piques qui pourraient s'y trouver de façon nonintentionnelle.” En clair : ces semences peu-vent être contaminées par des OGM. Et pours'assurer qu'elles sont indemnes, il faut fairefaire des analyses dans des laboratoires spé-cialisés à l'étranger, pour la bagatelle de100.000 FCFA. Cela fait cher le cadeau empoi-sonné !Bob Brac de la Perrière, coordinateur de BEDE

“ Les variétés populationstraditionnelles ne peuvent pasrépondre à ces critères car lasélection paysanne cherche àgarder suffisammentd’hétérogénéité dans lapopulation pour lui donner desfacultés adaptatives d’unecampagne sur l’autre.”

›› PRIVATISATIONDES SEMENCES ETDROITS DESPAYSANS

Les nouveaux verrous législatifs sur les semences

Sac de maïs Delkab/Monsanto

FOIRE SOUS-RÉGIONALE DES SEMENCES PAYSANNES. DJIMINI, SÉNÉGAL, 2009 page 7

La tendance confir-mée d’un pétrolede plus en pluscher, combinée àl ’ i m p o r t a n c e

accrue du débat sur le change-ment climatique et donc surles émissions de CO2, susciteun vif intérêt pour les filièresagroéthanol et agrodiesel.Ainsi, les pays de l’Afrique del’Ouest qui importent la quasi-totalité de leur consommationd’hydrocarbures ont décidé depromouvoir la production loca-le de “biodiesel” et d’éthanol àpartir de produits agricolesnationaux dont la canne àsucre, le tournesol et des plan-tes comme le jatropha.

Une étude pilotée parActionAid Sénégal sur lesrisques potentiels et les avan-tages de la production d’agro-carburants sur les petits pro-ducteurs donne une premièreesquisse du développementde ces cultures au Sénégal.

La promotion des agrocar-burants a été mise en avantpar les opportunités offertespar le Sénégal : des conditionsclimatiques propices à la pro-duction de biomasse ; desdisponibilités en eau et en ter-res arables, dans les régionshumides (Sénégal oriental,Ferlo, Basse et moyenneCasamance et Niayes), et aussiune expérience dans la pro-duction de substances fer-mentescibles (mélasse produi-te par la Compagnie SucrièreSénégalaise - CSS).

Des essais de productionde biodiesel à partir duJatropha curcas ont déjà étéentrepris par le PROGEDEdans les régions deTambacounda et de Kolda,

Les résultats attendusdu programme national desbiocarburants au Sénégal

Production de 1 190 000 000litres d’huile brute de Jatrophacurcas, soit 1 134 000 000 lit-res d’huile raffinée utilisablecomme biodiesel du Jatrophacurcas et d’autres espèces.

Production d’éthanol à partirde cultures comme la canne àsucre.

Production de “bioélectricité”à partir de centrales qui fonc-tionnent à l’huile brute dejatropha.

Réduction de la pauvreté etde la disparité entre le monderural et le monde urbain.

Les principaux acteursde la nouvelle filière

Le Projet de Gestion Durabledes Energies Renouvelables etde Substitution (PROGEDE).

Le programme National d’agrocarburant piloté parl’Institut Sénégalais de RecherchesAgricoles (ISRA).

Le programme bioéthanolde la Compagnie SucrièreSénégalaise (CSS).

Le programme de tournesolde la Société de Développementdes Fibres Textiles (SODEFI-TEX).

Des investisseurs étrangersse cachant sous d’autres struc-tures locales et agissant dansla confidentialité : Agro Africa,Trans Danubia, Afrique Energieet Développement, et AfricanNational Oil Corporation.

Les plantationsen cours couvrent10.000 ha en 2008et on prévoit en2009 5000 ha parrégion à raison de 5communautés rura-les par région.

L’étude souligneque l’affectationdes terres arablespour la production industrielled’agrocarburants sous injonc-tion des hautes autorités dupays est perçue comme unemenace sur les populationslocales et les zones de produc-tion par la conversion desforêts en plantation et lesrisques d’expropriation desautochtones. Elle révèle aussila non implication des organi-sations paysannes dans laconception et l’exécution duprogramme de biocarburantainsi que l’absence d’étuded’impact socioenvironnemen-tal du programme de Jatrophaà grande échelle. Le fait queles données sur la rentabilitééconomique de la productionindustrielle du Jatropha (coûtde revient d’un litre de "biodie-sel" issu du Jatropha) ne sontpas encore disponibles ainsique la non maîtrise de la filièreet des enjeux des agrocarbu-rants par les populations sontdes obstacles à l’acceptationsociale de ce programme.

Sur le plan juridique etinstitutionnel, malgré la créa-tion d’un Ministère desBiocarburants et des EnergiesRenouvelables, il n’existe pas

encore de cadre réglementantformellement la production, latransformation et la commer-cialisation des agrocarburants.Toutefois la création de ceministère constitue un faitnotable à souligner, pouvantservir de cadre institutionnelde coordination des activitésdans le cadre de l’élaborationet la mise en œuvre de la poli-tique nationale sur les agrocar-burants.

Il paraît délicat de consac-rer autant de terres arablespour une culture dont la filière(de la production à la transfor-mation) n’est pas maitrisée etdans un pays où l’insécurité ali-mentaire des ménages estencore présente.

“Bio”, “Agro” ou “Necro”carburants ?

Les carburants à basede produits agricolessont souvent appelés“biocarburants” par leurspromoteurs, faisant ainsiréférence à leur impactpromu comme positif surl’environnement et à latraduction du termeanglophone “biofuel”.

Mais suite à plusieursanalyses, on s’accorde àdire qu’il faut surveillerson langage en donnantplutôt le terme d’agrocar-burant qui plus justementfait référence à une baseagricole. D'autres irontjusqu'à qualifier ces plan-tes destinées à produirede l'énergie de "nécrocar-burants" parce qu'ellesmettent en danger la sou-veraineté alimentaire descommunautés rurales.

Fatou Mbaye, ActionAid(Extrait de son intervention à laJournée de lancement de la cara-vane à Thiès)

LES AGROCARBURANTS EXACERBENT LAQUESTION FONCIÈREUn atelier sur le foncier en Afrique a été animé par Jean-FrançoisFaye de PRABIOC membre de l’ASPSP (PRABIOC : PRAticiens BIOConseil, association sénégalaise) - Compte rendu de débat.

Au Sénégal, la loi sur le domaine national donne le pouvoir sur lefoncier aux conseils ruraux, mais ce que l’état donne de la maindroite, elle le retire de la main gauche. Il fait signer aux PCR(Président du Conseil Rural) des attributions de terres par milliersd’hectares à l’agrobusiness. Par exemple, la zone de Kolda est trèsconvoitée à cause des potentialités en terre et en eau à exploiter.Plusieurs milliers d'hectares ont failli être attribués à un investis-seur norvégien, AgroAfrica SA. Les enjeux principaux sont l’appro-priation de la terre et de l’eau. Pour les paysans, est-ce que la sécu-rité c’est de produire du carburant ou de l’éthanol pour lesEuropéens alors qu’on parlait de famine dans le pays tout récem-ment ou est-ce que la priorité c’est de produire pour nourrir le peu-ple ? Cet atelier a suscité de vives réactions de la part des participants dela sous-région et chaque pays a pu témoigner sur le sujet.

Pour Bocar Badji, du Sénégal, le choix est à faire entre “cultiver pourse nourrir ou le faire pour avoir du carburant à vendre sur le marchémondial au nom de la mondialisation.”

Selon Wolimata Thiao, du Sénégal, du Rassemblement des femmesde Popenguine, on assiste à un recul de l’exercice de la décentrali-sation et on est en train de transformer les paysannes en ouvrièresagricoles. “Les terrains, la terre ne nous appartiennent pas, lemonde continue son évolution, nous l’avons emprunté à nos petitsenfants. Si nous n’avons plus accès à nos terres que feront les géné-rations futures ?” Elle dit ses inquiétudes sur la production desagrocarburants puisque le Jatropha servait autrefois à clôturer, àsoigner les plaies, contre la constipation, mais maintenant “si tucultives ces agrocarburants qu’est ce que tu vas donner à manger àta famille ?”

Pour Francisca Diouf, du Sénégal, animatrice dans une radio com-munautaire et membre de l’Entente de Boukiling qui lutte poursécuriser l’alimentation pendant la soudure et l’endettement, c’esttout récemment qu’elle a été informée sur les agrocarburants, c’estpourquoi dans l’émission qu’elle anime, elle compte sensibiliser les

paysans sur les risques de la culture des agrocarburants quiva augmenter l’insécurité alimentaire dans les familles.

Pour Abdoulaye Diakité, du Mali, “Mon pays est concerné. Cesont les multinationales qui font miroiter aux pauvres dumonde entier les avantages des agrocarburants pour s’acca-parer nos terres fertiles. Nous devons barrer la route aux mul-tinationales !”

Pour Omer, de Synergie paysanne du Bénin, les terres sontaccaparées par les plus riches qui sont appuyés par des pro-grammes comme celui du Millenium. “Je viens de comprendrequ’ils veulent encore nous faire produire la matière premièrepour faire tourner les machines dans leur pays et nous servir àmanger des OGM.”

Diakaridia Diarra, de la CNOP du Mali, soulève les contraintes tech-niques et économiques de la culture du jatropha. La récolte desgraines de Jatropha se fait pendant l’hivernage alors que les pay-sans sont très occupés par leurs cultures vivrières. Les paysans deKoulikoro sont actuellement confrontés avec ça sur 15-20 ha avecdes rendements de 1,2 tonne/ha et la vente du kilo est de 50FCFA, -cela ne présente aucun intérêt pour l’agriculture familiale.

Boureima Amadou, de la plateforme du Niger, annonce qu’ils sonten train de faire une étude avec la coopération suisse sur le foncierconvoité. Ils vont mobiliser et informer leurs populations sur lesdégâts que peuvent causer les agrocarburants.

Pour Alonso Faty, du ROPPA de Guinée Bissau, les gens doivent faireattention à cette culture d’agrocarburant. A travers les tournées enEurope, tous les investisseurs qu’ils ont rencontrés ont proposé desprojets sur les agrocarburants.

Pour Abdoulaye Yacine Hanne de la région de Podor au Sénégal, surles 240 000 ha de mise en valeur le long du fleuve, 18000 ha sontdéjà réservés aux agrocarburants. On ne connait ni le rendement àl’hectare, ni les coûts. Les fédérations faîtières ont une granderesponsabilité. “J’ai aussi appris qu’il y avait deux sortes de jotro-pha, une que les animaux peuvent manger sans danger, une autrequi est dangereuse. Nous qui sommes des éleveurs nous ne pou-vons pas prendre ce risque.”

Abdoulaye Sarr, paysan en agriculture biologique de Probioc,Tambacounda, conclut qu’”on semble nous tromper. Les colons l’ontfait avec les cultures de rente.” Il demande pourquoi nous ne vou-lons pas changer. Il constate que se sont les terres fertiles qui sontperdues pour les cultures d’agrocarburants et que les investisseursont plus de moyens et bénéficient d’une agriculture subventionnée.“Aujourd’hui nous consommons l’huile de soja importée et nonl’huile d’arachide que nous produisons qui elle est vendue ailleurs,car l’Etat a besoin de devises. Avec les agrocarburants nous ris-quons d’entrer dans le même système.”

Les agrocarburants au Sénégal : focus sur les zones humides et la sécuritéalimentaire

›› ENJEUX DUFONCIER ET DESAGROCARBURANTS

“ Pour les paysans, est-ce que lasécurité c’est de produire ducarburant ou de l’éthanol pour lesEuropéens alors qu’on parlait defamine dans le pays toutrécemment ou est-ce que lapriorité c’est de produire pournourrir le peuple ?”

Plantation de jatropha

Intervention de Franscisca Diouf retransmise en direct à la radio

Recette de la bouse de cornePrésentée par Anne-Marie Lavaysse, paysanne en biodynamie enLanguedoc-Roussillon (France)

Cette méthode permetde régénérer la viedans le sol et d’aug-menter sa fertilité. Ellene doit absolument pasêtre utilisée avec desengrais ou des pro-duits chimiques. Ellene remplace pas l’ap-port en compost orga-nique, qui reste néces-saire, mais elle peutpermettre de le dimi-nuer.Cette méthode a étémise au point parRudolphe Steiner, lepère de la biodynamie. Anne-Marie l’utilise surses terres en France etpense que les paysans

africains peuvent l’adapter chez eux. Déjà lors d’un échange au Malielle avait expliqué cette méthode et un participant à la foire qui l’aexpérimentée a constaté et témoigné de son impact positif sur sesparcelles.Le procédé est simple. Le paysan ou la paysanne doit chercher des cornes de vaches ayantdéjà eu au moins un petit, preuve de leur fertilité. Les cornes doi-vent êtres vidées de leur contenu ce qui est possible en les faisantbouillir.Ensuite les cornes doivent êtres remplies de bouse de vache fraîcheégalement issue d’une vache ayant eu au moins un petit.A l’aide d’un bâton, il faut remplir les cornes avec le maximum debouse en tassant bien. Il faut ensuite faire un trou dans le sol, à 20cm de la surface et poser les cornes bien à plat pour que l’eau nepénètre pas. Il faut faire cette opération en fin de journée, le soir.Anne-Marie conseille de faire cette action 15 jours avant l’hivernage.Il ne faut pas oublier de marquer l’endroit avec un bâton pour pou-voir venir déterrer les cornes en fin d’hivernage. A ce moment-là, il faut vider le contenu de la corne et mettre la pou-dre noire ainsi obtenue dans un pot en terre de type canari et le gar-der dans la chambre.La 2ème phase de préparation consiste à utiliser deux grosses poi-gnées de cette poudre noire dans 60 litres d’eau. Il faut ensuitedynamiser pendant une heure c’est-à-dire tourner l’eau dans à l’ai-de d’un bâton dans un sens, créer un vortex, laisser tourbillonner etreprendre dans le sens inverse. Cette action est à répéter pendant 1heure.Quand la préparation est dynamisée, il suffit de prendre du bran-chage ou un balai pour répandre des gouttes sur les terres choisies.Il n’est pas nécessaire de mettre une grande quantité sur le sol.La quantité de 60 litres correspond à une surface de 0,5 à 1 hectareenviron. L’opération d’application est à faire en soirée égalementquand la lumière du soleil est moins forte.

Les produits de traitements naturelssimples issus du NeemExtrait de la présentation de Assane Diop

Le neem est très présent dans les villages d’Afrique de l’Ouest.Azadirachta indica est une plante utilisée depuis plus de 5000 ansen Inde pour les traitements naturels en agriculture mais aussi pourla santé. Il a été introduit dans les pays d’Afrique il y à 100 ans, auSénégal il y a 50 ans. Actif sur 200 insectes comme les pucerons, lestermites... le neem ne tue pas directement mais empêche le déve-loppement et la croissance de ces insectes et les éloigne. La décoc-tion est très amère. On peut utiliser les feuilles et les graines.

Préparation avec les feuillesPour 1 kg de feuilles --› 5 litres d’eauPiler les feuilles dans un mortier (utiliser le mortier uniquementpour ces préparations)Mélanger, bien agiter et laisser macérer pendant une nuitFiltrer à l’aide d’un torchonMélanger la préparation avec du savon ordinaire : 5 grammes desavon pour 5 litres d’eau. Le savon permet à la préparation de colleraux feuilles des plantes sur lesquelles on l’applique.

Préparation avec les grainesLes graines doivent être récoltées mûres, elles doivent être misesau soleil au moins pendant 4 heures. Il faut ensuite les placer dansun endroit à l’ombre, sec et aéré, pendant 2 jours. Après cela onpeut facilement les conserver dans des contenants qui ne gardentpas l’humidité comme des sacs en tissus, en papier, des canaris...

Etape 1 : Faire une solution concentréePrendre 500 grammes de graines séchées (3 grandes poignées), lesbroyer légèrement et ajouter 1 litre d’eau. Fermer hermétiquement et laisser macérer toute la nuit. Filtrer pourobtenir la solution concentrée.Etape 2 : Diluer pour appliquer au champDiluer la solution concentrée dans 10 litres d’eau avec 5 grammes desavon ordinaire.Appliquer les préparations avec un pulvérisateur, un balai ou dubranchage, appliquer sur les plantes sur le dessus et le dessous desfeuilles.

Recommandations- Attention ne pas jeter les préparations de neem dans les rivières carcela peut nuire aux poissons.- Il faut arrêter de traiter les légumes au moins 4 jours avant de les récol-ter car sinon ils auront de l’amertume.- S’il y a de grandes attaques il faut traiter tous les 2 jours, sinon, à titrepréventif, on doit traiter une fois par semai-ne.- Pour lutter contre les termites, il ne fautpas faire la solution avec le savon mais fairela même préparation sans savon et arroserdirectement avec.- Quand la solution est prête il faut l’utiliserdirectement et ne pas la conserver. Il fautfaire ces traitements le soir après l’arrosage.- Pour que la solution soit plus forte, onpeut laisser les feuilles macérer pendant 6jours mais il faut mélanger chaque jour lapréparation.

FOIRE SOUS-RÉGIONALE DES SEMENCES PAYSANNES. DJIMINI, SÉNÉGAL, 2009page 8

L’après foire de Djimni 2009,ce n’est pas seulementdes paysans informés,des semences échangées,des variétés retrouvées,

des femmes et des hommes encoura-gés dans leur projet d’agriculture pay-sanne, c’est aussi une communauté quis’organise.

La population villageoise a décidéde vendre les saquettes qui ont servipour délimiter le site et fabriquer lesstands. Les fonds des ventes servirontà finir de clôturer l’école où les enfantset les femmes s’adonnent au jardinage

agroécologique d’une part pour ali-menter la cantine et d’autre part pourvendre au marché. C’est également unlieu de formation pour les enfants. Onpeut y illustrer beaucoup de matières,de la biologie à la géométrie, en pas-sant par la physique.

Les femmes ont également formu-lé le souhait d’être formées à la trans-formation des céréales locales. C’estlors de la visite de stands de la foirequ’elles ont vu le potentiel. En atten-dant qu’elles soient appuyées, une par-tie de la vente des saquettes servira àindemniser un formateur de la zone

pour initier l’expérience. L'intégralité de la foire a été

retransmise à la radio avec des traduc-tions en langues locales qui ont permisun large auditoire. La présence de lapresse a également permis de donnerun écho régional à l’événement.

La campagne de réaction à la priva-tisation des semences avec commefer de lance l’oignon violet de Galmi aété lancée, pilotée par la COPAGENNIGER.

Des paysans sénégalais ont expri-mé leurs doutes sur l’expansion descultures de riz Nerica.

D’autres sont rentrés chez eux etont immédiatement semé les grainesde connaissances acquises. Certainssélectionnent pour la première foisleurs semences d’oignon, d’autresencore collectent les savoirs anciensde leur région ou expérimentent desvariétés échangées lors de la foire.

Toutes ces mobilisations, ces initia-tives individuelles et collectives sontautant de graines semées par la foireet par la caravane, qui vont toutes dansle sens de la diversité et de la souve-raineté alimentaires. Anne Berson, chargée de mission à BEDE

›› L'APRES FOIREET QUELQUESRECETTESAGROECOLOGIQUES L’après foire...

Quelques recettes agroécologiques

Ce journal a été réalisé par l’ASPSP et BEDE en collaboration avec le Centre Mamou.Pour plus d'informations : › L’ASPSP : Association Sénégalaise des Producteurs de Semences Paysannes - BP 32881 Thies SENEGAL [email protected] /

[email protected] / (00221) 33 951 00 46 / 77 517 25 25› BEDE : Biodiversité Echange et Diffusion d’Expériences - Montpellier France - www.bede-asso.org / [email protected]› Centre Mamou : Kaolack BP 257 - [email protected] / (00221) 77544 76 33

Avec le soutien financier du Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et de MISEREOR.Remerciements à ceux qui ont soutenu la foire et la caravane : ASW, Action Aid, Copagen, Enda Pronat, le FIDA, Fondation Un Monde par Tous, Grain, M. Herbst et ses amis, Misereor, Radi, Traverse

Des réseaux de paysans et desalliances internationales

L’ASPSP est une association qui tisseentre ses membres un réseau de pay-sans, qui ont la même volonté de défen-dre le patrimoine des semences paysan-nes. Les leaders d’organisations prove-nant de zones géographiques différentesont fait le même constat : les semencesaméliorées ne sont pas meilleures et lesOGM brevetés ne sont que le prolonge-ment des variétés hybrides qu’on nepeut ressemer. L’ASPSP révèle un dyna-misme interne qui éclot tous les deux ansau moment de la foire de Djimini en2007, puis 2009. A cette occasion l’asso-ciation sénégalaise ouvre son expérien-ce aux paysans participants des pays voi-sins, et leur suggère de se mettre enréseau pour permettre l’échange directd’expériences et de semences. La com-préhension est immédiate, la mobilisa-tion rapide, le transfert ne se fait pasattendre ; dès le retour au village les nou-velles connaissances seront expérimen-tées et les variétés semées.

L’ASPSP cherche à construire desalliances plurielles. Naturellement avecles organisations compagnes de route deses membres comme le réseau PRABIOC(Praticien Bio Conseil) qui défend unmode d’agriculture agroécologique à tra-vers des fermes qui diffusent dans desterroirs villageois. Les acteurs de l’ASPSPsont aussi en lien avec la COPAGEN(Coalition pour la Protection duPatrimoine Génétique Africain) qui seretrouve dans plusieurs pays d’Afriquede l’Ouest pour résister à l’introductiondes OGM et défendre les droits des com-munautés. Dans une volonté de faireremonter les préoccupations des pay-sans face aux enjeux liés aux semencescomme celles des législations, d’autresprises de contact ont lieu avec des orga-nisations faîtières comme le CNCR(Conseil National de Concertation et deCoopération des Ruraux) membre auniveau sous-régional du ROPPA (Réseaudes Organisations Paysannes et desProducteurs Agricoles d’Afrique del’Ouest). C’est aussi avec les réseauxeuropéens que se multiplient les échan-ges et notamment en France avec leRéseau Semences Paysannes (RSP),association créée sur des bases similai-res pour la recherche de systèmessemenciers paysans autonomes.ASPSP / BEDE