focus n°4 - journal trimestriel de la vignette

9
EDITORIAL Les anniversaires ne sont pas toujours des commémorations : pour les dix ans de la Vignette, le coup d’envoi de la saison professionnelle est donné par Sergio Boris, metteur en scène argentin qui présente pour la première fois son travail en Europe. Lieu de découvertes théâtrales, nous souhaitons créer un dialogue capable de se poursuivre dans le temps. Les créations de deux artistes fidèles – Marie Lamachère et Philippe Quesne – sont ainsi mises à l’honneur, avec les projections d’Arlequin, valet de deux maîtres mis en scène par Giorgio Strehler et La Tempête (la Burza) mis en scène par Krzysztof Warlikowski. SOMMAIRE p2 - p3 : Viejo, solo y puto de Sergio Boris p4 - p5 : Le théâtre argentin par Laurent Berger p6 - p9 : Têtes Mortes Marie Lamachère - cie // interstices p10 - p13 : Swamp Club Philippe Quesne - Vivarium studio p14 : Nouveautés p15 - p16 : Informations pratiques JOURNAL TRIMESTRIEL - NOV. - DÉC. 2013 Swamp Club - Philippe Quesne - Vivarium Studio 10 & 11 décembre 2013 © dessin Ludovic Debeurme

Upload: theatre-la-vignette

Post on 29-Mar-2016

225 views

Category:

Documents


2 download

DESCRIPTION

Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

TRANSCRIPT

Page 1: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

EDITORIALLes anniversaires ne sont pas toujours des commémorations : pour les dix ans de la Vignette, le coup d’envoi de la saison professionnelle est donné par Sergio Boris, metteur en scène argentin qui présente pour la première fois son travail en Europe. Lieu de découvertes théâtrales, nous souhaitons créer un dialogue capable de se poursuivre dans le temps. Les créations de deux artistes fidèles – Marie Lamachère et Philippe Quesne – sont ainsi mises à l’honneur, avec les projections d’Arlequin, valet de deux maîtres mis en scène par Giorgio Strehler et La Tempête (la Burza) mis en scène par Krzysztof Warlikowski.

sOmmAIREp2 - p3 : Viejo, solo y puto de Sergio Borisp4 - p5 : Le théâtre argentin par Laurent Berger p6 - p9 : Têtes mortes Marie Lamachère - cie // intersticesp10 - p13 : swamp Club Philippe Quesne - Vivarium studiop14 : Nouveautésp15 - p16 : Informations pratiques

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

Swamp club - Philippe Quesne - Vivarium Studio 10 & 11 décembre 2013

© dessin Ludovic debeurme

Page 2: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013PAGE 2 PAGE 3JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

VIEjO, sOLO y puTO pORTRAIT - sERgIO bORIs

AVEc ViEJo, SoLo y PuTo, SErGio BoriS fouLE cE TErriToirE nocTAMBuLE d’AMourS inJEcTABLES, d’hiSToirES inTErdiTES, dE dESTinS croiSéS ET dE déSoLATion. Paula Buente, Llegas, 2011

Après plus de dix ans d’études en Pharmacie et Biochimie, daniel, tout juste diplômé, arrive à la pharmacie située dans la banlieue sud de Buenos Aires, tenue par son père et son frère Evaristo. Ce soir-là, le père joue au poker avec ses amis et semble vouloir renoncer définitivement à son commerce. Mais Daniel arrive à temps pour faire valoir le poids de l’entreprise. La nuit qui s’annonce ne sera pas comme les autres pour claudio, l’agent de publicité médicale, Evaristo et quelques travestis venus fêter le diplôme de daniel. En attendant d’aller danser au « Magique », la boîte tropicale du coin, on débouche des bouteilles, on réclame des médicaments, au risque d’éveiller les passions...

SErGio BoriS EST coMédiEn, METTEur En ScènE ET

drAMATurGE.

En tant que comédien, il a joué dans de nombreuses pièces comme Le pain de la folie, mise en scène par Luciano Suardi, un ennemi du peuple, mise en scène par Sergio renán, Le pêché qui ne peut pas être nommé et La pêche, mise en scène par ricardo Bartís.

En tant qu’acteur, il a joué au cinéma dans -entre autres- : Jean et Eva de Paula de Luque, L’étreinte brisée de daniel Burman, diable de nicanor Loretti, Marginal de Luis Zemrowski, frères de sang de daniel de la Vega, Pendant ce temps de diego Lerman, on a tous un plan de Anne Pitterbarg, Whisky romeo Zulú de Enrique Piñeiro et Seulement pour aujourd’hui de Ariel rotter.

À la télévision, il a joué notamment dans L’acte de Bartís-Glusman et dans 2 pour un mensonge, mini-série de l’incaatv, une co-création avec nicanor Loretti.En tant que metteur en scène, il monte La Bohème au Sportif Théâtral et au

centre culturel de la coopération, en 2001. il dirige au Théâtre Général San Martin et à l’espace Callejón en 2004, Le goût de la défaite. Puis, en 2010, il monte Le perpétuel secours, avant de mettre en scène en 2011, sa pièce Viejo, solo y puto.

Sergio Boris présente ses pièces dans de nombreux festivals internationaux. Ainsi, sa pièce Le pêché qui ne peut pas être nommé se joue à Madrid, cádiz, Montréal, Porto-alegre, Berlin, Avignon, Bruxelles, au Théâtre de Bobigny à Paris, ainsi qu’à Buenos Aires. La Bohème et Le goût de la défaite sont représentées quant à elles à Quito, Manta, Guayaquil, San Martín des Andes, Londrina, curitiba et Buenos Aires. Avec La pêche, Sergio Boris se produit à Avignon, Halle, Torino, Berlin, Anvers, Girona et Buenos Aires.

cet artiste argentin talentueux fut couronné par de nombreux prix: il obtient ainsi le prix du meilleur acteur pour sa performance dans le film L’étreinte brisée, lors du festival argentin de ciné de Tandil. Le festival international de Buenos Aires lui remet, lors de sa troisième édition, le premier prix de dramaturgie pour sa pièce Le

Goût de la défaite.

Viejo, solo y puto a quant elle obtenu le prix de la meilleure mise en scène, de la meilleure scénographie et du meilleur comédien.

sEs mIsEs EN sCèNE× La Bohème, montée au Sportif Théâtral et au centre culturel de la coopération en 2001× Le goût de la défaite, montée au Théâtre Général San Martin et à L’espace Callejón en 2004× Le perpétuel secours, montée à La porte rouge en 2010× Viejo, solo y puto, montée en 2011

MiSE En ScènE dEsERgIO bORIs(BuEnoS-AirES / ArGEnTinE)

jEu. 14 NOV.20H30VEN. 15 NOV.19H15 spectacle en espagnol surtitré en français

duréE : 1h

× AVEc : PATricio ArAMBuru, MArcELo fErrAri, dArío GuErSEnZVAiG, fEdErico LiSS, dAVid ruBinSTEin

× ScénoGrAPhiE ET coSTuMES : GABriELA A.fErnándEZ, ASSiSTéE dE ESTEfAníA BonESSA× LuMièrE : MATíAS SEndón× Son : fErnAndo Tur× MAQuiLLAGE : GABry roMEro× ASSiSTAnTS À LA MiSE En ScènE : JorGE Eiro ET Adrián SiLVEr

× ProducTion - JorGE Eiro ET dAVid ruBinSTEin× PhoToGrAPhiE - BrEndA BiAnco× diffuSion - LiGnE dirEcTE / JudiTh MArTin (WWW.LiGnEdirEcTE.nET) × SPEcTAcLE créé En 2011, BuEnoS AirES, ArGEnTinE

× LA TournéE frAnçAiSE 2013/2014 dE ViEJo, SoLo y PuTo BénéficiE du Sou-TiEn dE L’officE nATionAL dE diffuSion ArTiSTiQuE (ondA) Pour LE SurTiTrAGE ET LES VoyAGES inTErnATionAux.

© Brenda Bianco © dr

METTEur En ScènE dE VIEjO, sOLO y puTO

Page 3: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013PAGE 4 PAGE 5JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

LE THéâTRE ARgENTIN uN THéâTRE RICHE ET fRAgILE

Au sortir de la dictature militaire en 1983, le théâtre argentin se déploie à partir d’un héritage complexe, mêlant influences réalistes et brechtiennes, néo-avant-gardes des années soixante, en particulier autour de l’institut di Tella (d’où nous viennent des artistes comme Alfredo Arias ou Marilú Marini), et théâtre de l’absurde. Parmi cet héritage, certains auteurs référents ont constitué une sorte d’avant-garde idéologique et esthétique qui va servir de socle pour les générations futures, en particulier Griselda Gambaro, ricardo Monti ou Eduardo Pavlovsky. ces auteurs, fouillant le même contexte social et politique que leurs contemporains, ont essayé d’atteindre le réel à travers une rupture beaucoup plus profonde que leurs prédécesseurs avec les fondements du réalisme. Leur objectif étant, on peut le croire, de déchiffrer les perversions de la réalité, en effectuant une critique du quotidien et en touchant les limites du délire, de la cruauté et de l’absurde que cette réalité contient. La génération suivante, celle des années quatre-vingt-dix, ne se construit pas véritablement en continuité avec ces modèles historiques. Elle est issue de la « génération disparue », celle des années de la dictature, et considère des auteurs comme Pavlovsky ou Gambaro plus comme des grands-parents que comme des pères. cette génération qui a accompagné l’émergence du théâtre argentin contemporain se compose d’auteurs comme Javier daulte, rafael Spregelburg, Alejandro Tantanian, entre autres, et part à la conquête de la diversité. Les antagonismes structurant le théâtre des années soixante et soixante-dix ont disparu et se met en place une liberté esthétique qui doit rendre compte de la réalité argentine et de ses multiples origines. Buenos Aires en quelques années entre de nouveau en phase avec le reste du monde et la diversité apparaît aussi bien sur le terrain de la poétique, de l’esthétique scénique que sur celui de la politique de production et de la constitution

des publics. Le modèle stanislavskien, profondément réapproprié reste la base du travail de l’acteur, mais des courants apparaissent, qui se croisent et s’hybrident. des maîtres, comme ricardo Bartís ou Juan carlos Gené, forment plusieurs générations d’acteurs ou de dramaturges qui eux-mêmes prennent rapidement leur indépendance et font le dynamisme et la richesse de la scène théâtrale de Buenos Aires qui commence à s’exporter. Le Festival international de Buenos Aires, créé en 1998 est le symbole de cette nouvelle dimension du théâtre argentin. une grande partie des artistes de théâtre actuels est consciente de cette liberté qui lui ouvre le chemin aussi bien de la

tradition que de la recherche de voies inédites à partir des influences les plus diverses comme le répertoire, argentin mais plus souvent international, ou les arts connexes comme les arts plastiques, la vidéo ou le cinéma. Au point que ce théâtre constitue aujourd’hui un authentique labyrinthe dont il est difficile de démêler les fils et qui fait de cette hétérogénéité des styles et des formes sa richesse. néanmoins son existence reste fragile. Après le printemps politique des années quatre-vingt, les grands outils subventionnés, comme le théâtre San-Martín, sont victime de la pauvreté des politiques culturelles, et le théâtre indépendant continue à survivre dans

une économie précaire qui freine son développement. Même le théâtre commercial troisième acteur de la scène contemporaine subit cette précarisation renforcée par la crise économique de 2001. Sa vitalité qui pour l’instant ne faiblit pas est une sorte de miracle et est due principalement à l’engagement viscéral des artistes de théâtre qui, en dépit des circonstances, font vivre des théâtres dans des anciens ateliers, dans des espaces informels et exigus. des artistes qui travaillent pour le cinéma et pour la télévision, ou pour le théâtre commercial, et défendent la nécessité d’un espace de création d’une liberté absolue malgré les contraintes toujours plus grandes. La faim du théâtre invente

un modèle pour se jouer de la pauvreté où il doit exister. Sergio Boris est enfant de ce théâtre. Acteur de cinéma et de théâtre, élève de ricardo Bartís, sa dramaturgie semble s’émanciper des modèles antérieurs ou, en tout cas, les renouveler pour offrir un regard radicalement contemporain sur la réalité crue de l’Argentine d’aujourd’hui qui ne cesse d’alimenter son théâtre.

par Laurent berger Maître de conférences en Arts du Spectacleuniversité Paul-Valéry Montpellier 3

© Viejo, solo y puto de Sergio Boris © El rey Lear de Emilio García Wehbi

© fauna de romina Paula © festival international de Buenos Aires - fiBA

Page 4: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013PAGE 6 PAGE 7JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

TêTEs mORTEs ExTRAIT / L’éCRITuRE Du géNéRIquE : sAmuEL bECkETT

TêTES MorTES EST un rEcuEiL dE cinQ courTS TExTES non-ThéâTrAux. cES TExTES SonT unE MiSE En QuESTion rAdicALE dES noTionS ET dES

LiEnS SuJETS/AcTES/PAroLES. L’écriTurE EST ProducTion dE ryThMES, dE nuAncES d’énErGiES. ELLE ouVrE À unE PrAxéoLoGiE dE LA PréSEncE ET

dE L’ABSEncE PLuS Qu’À unE TyPoLoGiE du SuJET. chAQuE AcTEur dE LA TrouPE S’EMPArE d’un TExTE Pour un SoLo.

× bINg - LuN 25 NOV. 19H15 PAr LAuréLiE riffAuLT - duréE : 30 Min.

« Tout su tout blanc corps nu blanc un mètre jambes collées comme cousues. Lumière chaleur sol blanc un mètre carré jamais vu. Murs blancs un mètre sur deux plafond blanc un mètre carré jamais vu. Corps nu blanc fixe seuls les yeux à peine. Traces fouillis gris pâle presque blanc sur blanc. Mains pendues ouvertes creux face pieds blancs talons joints angle droit. Lumière chaleur faces blanches rayonnantes. Corps nu blanc fixe hop fixe ailleurs. »

× ImAgINATION mORTE ImAgINEz - LuN 25 NOV. ApRès bINg PAr AnToinE STErnE - duréE : 30 Min. « nulle part trace de vie, dites-vous, pah, la belle affaire, imagination pas morte, si, bon, imagination morte imaginez. Îles, eaux, azur, verdure, fixez, pff, muscade, une éternité, taisez. Jusqu’à toute blanche dans la blancheur la rotonde. Pas d’en-trée, entrez, mesurez. diamètre 80 centimètres, même distance du sol au sommet de la voûte. Deux diamètres à angle droit AB CD partagent en demi-cercles ACB BdA le sol blanc. Par terre deux corps blancs, chacun dans son demi-cercle. »

× sANs - mAR. 26 NOV. 19H15 PAr MichAëL hALLouin - duréE : 1h

« Ruine vrai refuge enfin vers lequel d’aussi loin par tant de faux. Lointains sans fin terre ciel confondus pas un bruit rien qui bouge. Face grise deux bleu pâle petit corps coeur battant seul debout. Éteint ouvert quatre pans à la renverse vrai refuge sans issue. ruines répandues confondues avec sable gris cendre vrai refuge. cube tout lumière blancheur rase faces sans trace aucun souvenir. Jamais ne fut qu’air gris sans temps chimère lumière qui passe. Gris cendre ciel reflet de la terre reflet du ciel. Jamais ne fut que cet inchangeant rêve l’heure qui passe. »

× D’uN OuVRAgE AbANDONNé - mER. 27 NOV. 19H15 PAr dAMiEn VALEro - duréE : 1h

« debout au petit matin ce jour-là, j’étais jeune alors, dans un état, et dehors, ma mère pendue à la fenêtre en chemise de nuit pleurant et gesticulant. Beau matin frais, clair trop tôt comme si souvent, mais alors dans un état, très violent. Le ciel allait bientôt foncer et la pluie tomber et tomber toujours, toute la journée, jusqu’au soir. Puis de nouveau bleu et soleil une seconde, puis nuit. Sentant tout ça, combien violent et la journée que ça allait être, je fis halte et demi-tour. »

iL fAuT réPudiEr LES inTErPréTATionS dE BEcKETT

Qui PASSEnT À TrAVErS LA MondAniTé « nihiLiSTE » du

cLochArd MéTAPhySiQuE. cE donT BEcKETT nouS PArLE EST BEAucouP PLuS PEnSé QuE cE

déSESPoir dE SALon.

Très proche de Pascal, Beckett se propose de soustraire la figure de l’humanité à tout ce qui la divertit, de façon à pouvoir examiner l’articulation intime de ses fonctions. Le dispositif fictionnel du dénuement est d’abord un opérateur de présentation, progressivement épuré, des « personnages ». il est aussi, dans la chair de la prose, un processus tout à fait flagrant qui va, entre les premiers écrits de Beckett et ses derniers, vers une sorte de brisure qui soumet la prose à un poème caché. Et il est enfin un resserrement de la métaphorique autour d’un stock fini de termes, dont la combinaison et la récurrence organisent à la fin l’ensemble de la pensée. […]Beckett, dans le médium de sa prose, traite des problèmes, et son œuvre n’est aucunement l’expression d’une métaphysique spontanée. Quand ces problèmes s’avèrent pris dans un dispositif de prose qui ne permet pas, ou plus, de les résoudre, Beckett déplace, transforme, voire détruit, ce dispositif et les fictions qui lui correspondent.c’est sans aucun doute ce qui se passe à la fin des années cinquante, après les Textes pour rien. on peut prendre comment c’est, livre finalement peu connu, comme repère d’une mutation majeure dans la façon dont Beckett fictionne sa pensée. Ce texte rompt avec le face-à-face du cogito suppliciant et de la neutralité du noir-gris de l’être. il tente de s’appuyer sur des catégories tout à fait différentes, qui sont celles du « ce-qui-se-passe », présente depuis le début mais ici remaniée, et celle surtout de l’altérité, de la rencontre, de la figure de l’Autre, qui fissure et déplace

l’enfermement solipsiste.Pour rester adéquat aux catégories de pensée, le montage littéraire va lui aussi subir des transformations profondes. La forme canonique des fictions du « premier » Beckett alterne, nous l’avons vu, des trajets, ou errances, et des fixités, ou monologues contraints. Elle va progressivement être remplacée par ce que j’aimerais appeler le poème figural des postures du sujet. La prose ne va plus pouvoir soutenir ses fonctions « romanesques » usuelles, description et narration, même réduites à leur os (le noir gris qui ne décrit que l’être, la pure errance qui ne raconte qu’elle-même). c’est cette déposition des fonctions fictives de la prose qui m’amène à parler de poème. Et l’enjeu de cette poétique ne sera plus, quant au sujet, la question de son identité, telle que le monologue de L’innommable voulait en supplicier l’effort. il s’agira plutôt des occurrences du sujet, de ses positions possibles, du dénombrement de ses figures. Plutôt que dans l’intarissable et vaine réflexion fictive de soi, le sujet va être pointé dans la variété de ses dispositions face à des rencontres, face au « ce-qui-se-passe », à tout ce qui supplémente l’être dans la surprise instantanée d’un Autre.

— Alain Badiou, L’écriture du générique : Samuel Beckett, dans conditions, Paris, éditions du Seuil 1992, p. 332-345.

dE sAmuEL bECkETTMiSE En Voix mARIE LAmACHèRECOmpAgNIE // INTERsTICEs ET THéâTRE DE LA VALsE

—× AVEc : MichAëL hALLouin, LAuréLiE riffAuLT, AnToinE STErnE, dAMiEn VALEro

× ESPAcE : MAriE LAMAchèrE AVEc LA coLLABorATion dE GiLBErT GuiLLAuMond × LuMièrE ET réGiE GénérALE : GiLBErT GuiLLAuMond × conSTrucTion : GiLBErT GuiLLAuMond

× édiTionS dE MinuiT

× ProducTion ET co-réALiSATion : // inTErSTicES ET LE ThéâTrE dE LA VALSE× AccuEiLS En réSidEncE ET coProduc-TionS : LA hALLE Aux GrAinS, ScènE nATionALE dE BLoiS, ESPAcE MALrAux, ScènE nATionAL dE chAMBéry ET dE LA SAVoiE, ScènES croiSéES dE LoZèrE ET LE LycéE chAPTAL dE MEndE, LE ViALA (LiEu dE LA coMPAGniE hiVEr nu), LA PrATiQuE (LiEu dE LA coMPAGniE céciLE LoyEr), rAMdAM (LiEu dE réSidEncE Pour ArTiSTES À SAinTE-foy-LèS-Lyon). × AVEc L’AidE dE LA drAc LAnGuEdoc-rouSSiLLon (coMPAGniE conVEnTionnéE). × AVEc LE SouTiEn dE LA drAc cEnTrE (AidE À LA réSidEncE 2012), dE LA ré-Gion LAnGuEdoc-rouSSiLLon ET dE LA réGion cEnTrE, dES déPArTEMEnTS dE L’hérAuLT ET du LoirET, dE L’AGGLoMé-rATion dE MonTPELLiEr, dE LA ViLLE dE MonTPELLiEr ET dE LA ViLLE d’orLéAnS. × rEMErciEMEnTS À L’ArTdA, Au 108-MAiSon dE BourGoGnE À orLéAnS, Au cdn dES 13 VEnTS ET À LEurS ATE-LiErS dE conSTrucTion.

dE ALAIN bADIOu dans CONDITIONs - EDITIONs Du sEuIL —

© Sellig nossam

© Thomas Laisné

Page 5: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

N.C : C’est en ce sens que beckett est devenu un allié ?

m.L : oui, Beckett est venu inquiéter les présupposés qui irriguaient notre travail. dans la méthodologie qu’on se proposait, par exemple sur le Woyzeck1, l’action était toujours première, alors que la parole ne pouvait pas véritablement créer de rupture. Elle était en elle-même agissante, mais toujours prise dans la situation. La longue discussion philosophique de Woyzeck avec son capitaine m’apparaît comme une bataille, une lutte à laquelle on assiste dans la pensée, un combat où les mots se font armes. L’air de rien c’est un présupposé qui pose l’action comme première. Avec Beckett c’est complètement autre chose. Le travail sur En attendant Godot le rend évident : la parole joue à casser les références, elle ne décrit rien, ne valide pas du contenu. Entre ce qui est dit, ce qui est vu, ce qui est perçu par tout un chacun, quelque chose se trouble. de même entre ce qui agit et ce qui est dit, il y a un perpétuel décalage et la langue joue de cet écart vis-à-vis des croyances. c’est ce qui est très drôle et très intéressant. En un certain sens, dans Woyzeck, les personnages « croient » à ce qu’ils disent. Chez Beckett, cette construction « classique » du personnage ne peut s’emprunter si franchement. on doit en permanence creuser l’écart que le langage crée avec la situation ou avec les actions qui ont lieu.

N.C : C’est ainsi que vous avez questionné et déplacé les notions de « personnage » ou de « sujet ». mais, plus précisément, qu’est-ce qui dans la matière des Têtes mortes et, bien sûr, dans la manière de les travailler, peut donner lieu à ce déplacement ?

m.L : Les cinq textes des Têtes Mortes sont, dans leur matière même, encore plus radicaux que celui d’En attendant Godot. À l’intérieur même des proses on perçoit un sujet dans la phrase, mais il reste insaisissable car il n’existe pas tout le temps en tant que « je », visible ou lisible. L’énonciation dans le texte littéraire doit passer au niveau de la voix, une énonciation qui

semble s’incarner, mais qui ne doit pas le faire pleinement pour que le texte continue d’agir. Pour l’acteur, il s’agit de comprendre ce qui crée la perception d’un texte et donc travailler sur les marqueurs de subjectivité. ce peut être un adverbe comme « enfin » dans un texte qui est absolument dénué de « je », puisque « enfin » marque une perception du temps, ou une attente, etc. il signale l’intrusion d’un avis dans le texte. Mais ces marqueurs sont plutôt l’exception que la règle : c’est intéressant car du point de vue du jeu on doit défaire l’impression que cette marque est une donne et que le sujet colle au langage.

N.C : Pour finir quels sont les enjeux, pour le théâtre et peut-être même de façon plus générale pour nos existences, de ce questionnement ?

m.L : il me paraît important, en ce moment, de se réarmer intellectuellement et théâtralement pour penser quelque chose du sujet selon des lignes qui ne sont pas celles qui nous sont servies en permanence. À savoir celles de l’identification ou de l’identité. c’est comme si la question du sujet s’était réduite à un point fermé dans nos imaginaires, en tout cas c’est comme cela que je l’éprouve. J’avais besoin de me débattre avec cette sensation de clôture, de fermeture de la pensée : en restreignant la question du sujet à la question de l’identité on aplatit complètement la question de l’Autre. Beckett, sur ce point, est assez redoutable parce qu’il pointe les constructions de langage et défait les points d’adhésion identitaire. Pour le théâtre il me semble que cela reste une opération valable et qu’il faut poser, à nouveau, plus clairement.

—1 La pièce Woyzeck de Georg Büchner a été créée par la compagnie // interstices en 2010 et a tourné pendant 3 ans.

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013PAGE 8 PAGE 9JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

ENTRETIEN - mARIE LAmACHèRE - // CIE INTERsTICEs

Noëmie Charrié: Avant d’entrer dans le vif de votre dernier spectacle, pouvez-vous nous dire comment se déroule concrètement le travail de création ? Il y a-t-il des temps qui précédent et nourrissent la représentation ? Différentes étapes ?

marie Lamachère : oui, le travail autour de Beckett a débuté en mai 2012 et nous a permis de traverser différents types de formes : une pièce pour grande salle jouant des artifices du théâtre avec En attendant Godot; quelque chose de plus radical et d’expérimental avec les Têtes Mortes ; et il y aura pour le printemps prochain la création de deux pièces courtes, à jouer “ex situ”, en appartement par exemple. nous sommes sur des durées plutôt longues d’expérimentation, de recherche et de création, mais avec des protocoles de travail qui changent en fonction de la nature de l’œuvre. chaque création a donc son propre processus : le choix, soit du texte, soit d’une question, oriente radicalement la manière de répéter. Pour la création des Têtes Mortes, il y a eu un temps de recherche des outils de travail : comment travailler le dire, la voix, etc. Ensuite, comment inventer une sorte de training lié à la voix et au rythme ? Comment inventer des outils pour analyser cela ? nous nous sommes appuyés aussi bien sur des textes pour essayer de préciser des concepts, que sur des exercices inventés pour tenter d’approcher concrètement le travail sur le dire.

N.C : Vous indiquez par ailleurs combien ce travail sur le dire a renouvelé votre pensée du théâtre. pouvez-vous revenir sur les principes qui sous-tendent cette dernière ? que faut-il entendre par « dramaturgie de l’acteur » et « poïétique de l’acteur » ?

m.L : interstices oeuvre aujourd’hui presque comme une troupe permanente. À la base du travail de la compagnie – même si j’accorde une énorme importance au texte – il

y a une réflexion sur l’acteur et sur l’ensemble qu’ils forment à plusieurs, une recherche sur l’acteur menée avec les acteurs. Lorsque je parle de « dramaturgie de l’acteur », je m’appuie sur des sources très connues, notamment sur Grotowski. il distingue trois axes de travail importants pour comprendre quelque chose du théâtre et pour essayer d’inventer, tout simplement. il y a d’une part la notion de conteur, d’autre part la notion de jeu, et enfin la notion de rituel au sens de partition codifiée d’actions qui peuvent être répétées. ce sont des axes qui irriguent depuis longtemps notre théâtre. Le cycle de travail qu’on a effectué à partir de Walter Benjamin a longuement creusé le sillon du conteur. Sur Beckett nous avons voulu creuser le sillon du jeu au sens ludique. Par poïétique, en revanche, il faut entendre la conscience agissante dans la création. L’acteur doit être conscient de ce qui rend possible un acte d’art. Est-ce que c’est une situation ? Des mobiles ? Des questions ? On essaye de rendre conscient, avec les acteurs, ce qui crée un peu d’art du côté du théâtre. Je souhaite que l’on soit dans une démarche consciente comme peuvent l’être les auteurs quand ils s’engagent dans un geste d’écriture. Je souhaite que ce geste soit aussi celui des acteurs en tant qu’ensemble et pas seulement du côté du metteur en scène, souvent perçu comme traducteur du texte ou démiurge omniscient. Je voulais enfin me saisir de textes écrits en français, puisque cela fait longtemps que je travaille sur des textes traduits, notamment de l’allemand. Avec Beckett, j’avais envie de toucher à autre chose dans le rapport au langage, de déplacer quelque chose dans l’approche que l’on avait de la parole. une approche liée au travail que a l’on longtemps mené sur l’action : comme dit Meyerhold, d’abord l’action, ensuite le texte. Je voulais réinterroger cela, ne pas tomber dans des automatismes.

propos recueillis parNoëmie Charrié—

©deniseoliverfierro

bIOgRApHIEMarie Lamachère a travaillé comme actrice, dramaturge ou metteuse en scène sur des textes et poèmes de heiner Müller, francine Landrain, Patrick Kermann, royds fuentes-imbert, Alain Béhar, raymond roussel, fédor dostoïevski, Arthur rimbaud, rainer Maria rilke, Walter Benjamin, Luigi Pirandello, Georg Büchner, Samuel Beckett ... Elle creuse une poïétique et une dramaturgie du jeu théâtral qui doivent autant à la danse, à la littérature, à la philosophie, qu’au théâtre. Elle mène avec la compagnie // interstices, qu’elle dirige, une réflexion sur l’organisation de la production théâtrale. Elle a réalisé sa première mise en scène en 2003 : Paysage sous surveillance de heiner Müller. Elle a travaillé ensuite pendant quatre ans, à partir des écrits philosophiques de Walter Benjamin en collaboration avec le poète et metteur en scène canadien royds fuentes-imbert, pour la réalisation des faux Bals (chant de la tête arrachée / Barbe-Bleue, l’opéra de l’homme amer). En 2008, elle a présenté une adaptation de La douce de dostoïevski, sous le titre Bal perdu, une danse macabre. En 2010 et 2011, en étroite collaboration avec le collège d’acteurs du Théâtre de la Valse, elle a consacré deux ans à la réalisation de plusieurs formes adaptées des fragments de Woyzeck de Georg Büchner. depuis 2012, elle met en scène et conçoit les scénographies des différentes propositions sur les textes de Beckett (En attendant Godot, et Têtes Mortes, ainsi que quelques pièces courtes) et sur les Têtes-vives, performances dérivées des questions soulevées par ce long chantier.

METTEurE En ScènE, drAMATurGE, dirEcTricE ArTiSTiQuE dE LA coMPAGniE // inTErSTicES

pERfORmANCEs AuTOuR DE TêTEs mORTEs (P. 6)

× TêTEs-VIVEs III : conception et réalisation : Michaël hallouin, Marie Lamachère, Laurélie riffault, damien Valero - du 12 au 15 nov. à la Bibliothèque Universitaire de l’UM2 : Exposition “C’est à quel sujet ?” - le 12 nov. entre 10h à 14h et 15h30 à 16h30 à la Bibliothèque universitaire de l’uM2: Performance dans le cadre de l’exposition.Aux // interstices, entre théâtre et exposition, nous proposons une méditation ludique sur la notion de Sujet. Parcours subjectif et parcellaire, l’ambition de cette exposition est de cheminer entre art et sciences sur le fil de l’abstraction et avec humour…

× TêTEs-VIVEs I : conception et réalisation : Marie Lamachère, Laurélie riffault, damien Valero - le 18 nov. : performance sur le campus de l’Université Paul Valéry à 13h15 et 15h15- le 19 nov. : performance sur le campus de l’Université Paul Valéry à 11h et 13h

× TêTEs-VIVEs I bIs : conception et réalisation : Marie Lamachère, Antoine Sterne, damien Valero - le 18 nov. : performance sur le campus de l’université Paul Valéry (Hall Bât. D) à 12h15 et 14h15- le 19 nov. : performance sur le campus de l’Université Paul Valéry (Préau Amphi A) à 12h et 14h

Page 6: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

Parfaitement réglé, habilement maîtrisé, le théâtre du Vivarium Studio suit avec un esprit de logique les remous d’un esprit inquiet. ce décalage entre une forme de pensée structurée,articulant de manière concrète et perceptive à la fois le rapport de cause à effet, et un informe de pensée possible, donne toute la puissance de ce théâtre, qui on l’aura compris, réanime le spectateur dans un autre monde, comme s’il se réveillait d’une plus ou moins longue anesthésie et qu’il pouvait suivre les actions sans toutefois bien les comprendre.Mais que l’on s’entende bien, les spectacles de Vivarium Studio, de La démangeaison des ailes, qui prend pour thème l’envol, à L’Effet de Serge, faux one man show insolite, en passant par d’après nature, sorte d’équivalent forestier au combats aquatiques du bateau des écologistes de Greenpeace, n’entendent pas offrir de réponses. ce qui paraît « jouable» en revanche, et c’est l’aspect le plus optimiste de ce travail, c’est la capacité à activer unautre monde en développant pourtant des actions simples avec des objets courants mais employés à d’autres fins que celles communément admises. Le monde de l’enfance n’est pas très loin quand Serge crée ses « effets ». dans l’espace confiné de son appartement,l’aventure s’imagine avec des phares

de voiture, des boîtes en carton, trois cierges magiques qui scintillent et un peu de musique et pourtant ce sont des signaux de détresse qui nous apparaissent dans les hurlements des vagues.Le théâtre de Philippe Quesne a ceci de fascinant qu’il « tient debout ». Précisément à l’inverse de quelqu’un dont on dit « qu’il ne tient plus debout », ses spectacles sont étrangement du côté du vivant. c’est toute son originalité, sa force et sa tension. Tout concourt ici à mettre en valeur ce qui ne saurait être maîtrisé, produisant ainsi, passés le rire et l’amusement, une sensation de malaise, et de questionnement.L’étonnement éprouvé s’explique certainement parce qu’au théâtre nous sommes habitués à regarder du côté des morts. on dit cela d’ailleurs : « se glisser dans la peau du personnage ».Rien à craindre donc dans ces représentations avec date limite de péremption marquée par la fin de la représentation. Alors quand Philippe Quesne parvient à perturber notre vision, en travaillant le réalisme des présences scéniques, par le jeu des comédiens de Vivarium Studio, la présence animale, ou celle des éléments de la nature, notre perception se troublecar le vivant semble alors grouiller et nous inquiète. Ces acteurs-là débordent de la scène morte, ils s’accommodent de l’espace, avec le détachement et la concentration de celui qui est saisi dans son univers intime. ils sont comme des extra-terrestres ou des fantômes quel’on observerait dans une grotte et leur naturel apparaît singulièrement étrange.étrange et inquiétant, on y revient car le travail de Philippe Quesne, malgré - pourrait-on dire mais surtout grâce à cette aisance dans les mouvements et les enchaînements successifs, relève avant tout de préoccupations liées à notre organisation sociale, voire à notre capacité d’être des humains. il convient d’ajouter aux spectacles précédemment cités que la première ébauche théâtrale de Philippe Quesne s’inspirait de l’ouvrage La Vie des termites deMaeterlinck. Les termites ne sont pas des insectes innocents, ils peuvent détruire tout un édifice.

La perfection, l’efficacité de leur organisation oblige à réfléchir. Ils vivent dans un monde des ténèbres car ils ne sont pas dotés de la vue et pourtant cela ne semble pas limiter les effets néfastes de leurs actions. dans le spectacle d’après nature, les acteurs miment à plusieurs reprises un tableau du peintre flamand Brueghel intitulé La Parabole des aveugles, qui fait référence à la parabole du christ adressée aux Pharisiens : « Si un aveugle guide unaveugle, tous les deux tomberont dans un trou ». dans le tableau six personnages aveugles se tiennent par l’épaule et sont tous entraînés dans la chute par celle de leur guide. ils ont les yeux levés au ciel, en signe d’appel au secours à Dieu. En mimant les aveugles de Brueghel et en reconstituant une sorte de vivarium de notre espèce humaine, Philippe Quesne pose, avec une parfaite efficacité dramatique, la même question « où irons-nous sinous suivons à tâtons un guide incapable ? ».

— Aude Lavigne (2008)

bIOgRApHIEAprès une formation en arts plastiques et une dizaine d’années comme scénographe de théâtre et d’expositions, Philippe Quesne fonde la compagnie Vivarium Studio en 2003, réunissant un groupe de travail composé d’acteurs, de plasticiens, de musiciens, et d’un chien. il conçoit et met en scène des spectacles qui cherchent à développer une dramaturgie contemporaine à partir de dispositifs scéniques qui sont autant d’ateliers de travail, des « espaces vivarium » pour étudier des microcosmes humains. Les spectacles du répertoire (La démangeaison des ailes, 2004 ; des Expériences, 2004 ; d’après nature, 2006 ; L’Effet de Serge, 2007 ; La Mélancolie des dragons, 2008 ; Big Bang, 2010 ; et Anamorphosis, 2013) ont été présentés dans de très nombreux pays, et font l’objet de coproductions internationales depuis 2007. Parallèlement, il conçoit des perfomances et interventions dans l’espace public ou dans des sites naturels, et expose ses installations dans le cadre d’expositions. il a également publié quatre livrets : Actions en milieu naturel (2005), Petites réflexions sur la présence de la nature en milieu urbain (2006), Thinking about the end of the World in costumes by the sea (2009), Bivouac (2011). Au Printemps 2013, il crée Swamp club, pièce marque les dix ans de sa compagnie.

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013PAGE 10

swAmp CLub

« regarder évoluer les personnages des spectacles de Philippe Quesne, c’est prendre le pouls de l’humain. c’est aussi plonger dans de surprenants tableaux vivants, où le temps de l’action a été fortement ralenti pour mieux laisser s’épanouir d’invisibles présences. Àl’occasion de ses dix ans, la troupe de Vivarium Studio réactive plus que jamais l’idée de la communauté d’artistes, ouvrant ses portes à des danseurs, acteurs et plasticiens rencontrés au hasard des tournées ainsi qu’à une formation de musique chambre recrutée localement.Pour sa nouvelle création, Philippe Quesne fait le choix de la fable et imagine un centre d’art et de résidence d’artistes, le Swamp club. Au centre d’un marécage peuplé de créatures etautres feu-follets, ce lieu de méditation et de création vit paisiblement à l’écart de la vitesse du monde, jusqu’ au jour où son directeur apprend que le centre est menacé par un projet urbain qui le vouerait à la destruction. Swamp club parle de la responsabilité qui nousrevient de rester autonome et de la capacité de résistance que cela implique. Passant de la mélancolie à la révolte, les protagonistes de Philippe Quesne s’interrogent sur la part derésignation que porte la patience, à une époque où l’attente et la passivité sont érigées en mot d’ordre.

À partir de ce conte imaginé comme un livret d’opéra, Swamp club laisse résonner les accents de chostakovitch et de Schubert, pour nous proposer un espace et un temps de résistance. Puisant aussi bien dans le militantisme culturel contemporain que dans lesunivers de super-héros, s’inspirant de figures européennes mythiques comme celle de robin des Bois, le spectacle drolatique de Vivarium Studio nous montre une certaine façon de fairede l’art, de produire des pièces et de vivre ensemble. dans une scénographie à la fois fantastique et réaliste, où l’univers du bestiaire côtoie celui de la politique, la petite communauté utopique d’artistes organise sa propre défense. une résistance portée par lesélans lyriques d’un quatuor à cordes et par la pluralité des langages convoqués sur scène, ridant la surface inerte d’un étang incertain. »

—marion siéfert pour le programme

du festival d’Avignon 2013

concEPTion, MiSE En ScènE ET ScénoGrAPhiE : pHILIppE quEsNE VIVARIum sTuDIO

mAR. 10 DéC.20H30mER. 11 DéC.19H15

duréE : EnV. 1h40

× coLLABorATion ArTiSTiQuE : yVAn cLédAT, cyriL GoMEZ-MAThiEu× ASSiSTAnAT À LA MiSE En ScènE : MAriE urBAn× coSTuMES : corinE PETiTPiErrE

× AVEc : iSABELLE AnGoTTi, SnæBJörn BrynJArSSon, yVAn cLédAT, cyriL GoMEZ-MAThiEu, oLA MAciEJEWSKA, éMiLiEn TESSiEr, GAëTAn Vourc’h ET un QuATuor À cordES

× ProducTion ViVAriuM STudio // coProduc-Tion WiEnEr fESTWochEn ; forEiGn AffAirS - BErLinEr fESTSPiELE ; fESTiVAL d’AViGnon ; LA MénAGEriE dE VErrE (PAriS) ; KAAiThEA-TEr (BruxELLES) ; LA fiLATurE, ScènE nATionALE dE MuLhouSE ; inTErnATionALES SOMMERFESTIVAL – HAMBOURG ; FESTIVAL ThEATErforMEn hAnoVrE / BrAunSchWEiG ; LA BâTIE – FESTIVAL DE GEnèVE ; THÉâTRE DE GEnnEViLLiErS, cEnTrE drAMATiQuE nATio-nAL dE créATion conTEMPorAinE ; LE foruM / ScènE conVEnTionnéE dE BLAnc-MESniL (frAncE) ; fESTiVAL d’AuToMnE À PAriS // coréALiSATion ThéâTrE dE GEnnEViLLiErS, cEnTrE drAMATiQuE nATionAL dE créATion conTEMPorAinE ; fESTiVAL d’AuToMnE À PAriS // AVEc LE SouTiEn du cEnTrE cho-réGrAPhiQuE nATionAL dE MonTPELLiEr LAnGuEdoc rouSSiLLon (frAncE) ET dE EMPAC – REnSSELAER POLyTECHnIC InSTITUTE, ET ThE JAffE fund for ExPEriMEnTAL MEdiA And ThE PErforMinG ArTS (éTATS-uniS) // LA coMPAGniE EST conVEnTionnéE PAr LA drAc ÎLE-dE-frAncE, MiniSTèrE dE LA cuLTurE ET dE LA coMMunicATion, ET PAr LE conSEiL réGionAL ÎLE-dE-frAncE Au TiTrE dE LA PEr-MAnEncE ArTiSTiQuE ET cuLTurELLE // AVEc LE SouTiEn dE L’AdAMi // SPEcTAcLE créé LE 4 Juin 2013 Aux WiEnEr fESTWochEn

cE SPEcTAcLE EST PréSEnTé AVEc LE SouTiEn dE L’ondA officE nATionAL dE diffuSion ArTiSTiQuE

© Martin Argyroglo

PAGE 11JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

pORTRAIT - pHILIppE quEsNE - VIVARIum sTuDIO

Le Théâtre de Vivarium studio

© Victor Tonelli

Page 7: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013PAGE 12 PAGE 13JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

EN ImAgEs - LEs 10 ANs DE VIVARIum sTuDIO

LA concEPTion dE chAQuE ProJET coMMEncE AVEc LE TiTrE du SPEcTAcLE Qui dEViEnT noTrEchAMP dE rEchErchES ET d’ExPériMEnTATionS. L’écriTurE S’éLABorE EnSuiTE Au courS dES

réPéTiTionS ET LE diSPoSiTif ScénoGrAPhiQuE En fAiT PArTiE inTéGrAnTE : un MicrocoSME Qui PLAcELE SPEcTATEur En PoSiTion d’oBSErVATEur ET dAnS LEQuEL J’AiME À PLonGEr unE PETiTE

COMMUnAUTÉ D’HUMAInS. [...] philippe quesne (oct.2012)

La mélancolie des Dragons (2008) © Martin Argyroglo

Anamorphosis (2013) ©dr

La démangeaison des ailes (2003) ©dr

Effet de serge (2007) © Pierre Grosbois

big bang (2010) © Martin Argyroglo

swamp Club (2013) © Martin Argyroglo

Des Expériences (2004) ©dr

D’après nature (2006) © Pierre Grosbois

dessin © Ludovic debeurme

Page 8: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013PAGE 14 PAGE 15JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

NOuVEAuTé : LEs pROjECTIONs CALENDRIER & INfOs pRATIquEs

§ Lun. 4 noV. - 19h15

— ARLEquIN, VALET DE DEux mAITREsde goldonimise en scène de giorgio strehler

Tenant durant presque quarante ans l’affiche du Piccolo Teatro de Milan, cette pièce de Goldoni fut une façon pour le maestro de rendre au public italien un répertoire dont la censure fasciste lui interdisait la fréquentation. Avec le personnage d’Arlequin, qui “renaît semblable et différent” à chaque spectacle, c’est l’identité de l’homme et le mythe de la vie qui sont explorés

§ Lun. 2 déc. - 19h15

— LA TEmpETE (LA buRzA)de william shakespeare mise en scène de krzysztof warlikowski

issu de La Tempête de Shakespeare, ce spectacle a vivement questionné la réalité de la société polonaise ainsi que ses changements. Marquant les débuts d’un théâtre audacieux, la mise en scène se saisit de sujets tabous, notamment lorsqu’elle relie l’œuvre de Shakespeare à la question de l’Holocauste. Elle engage de façon incisive une réflexion sur l’abandon, la faute et les pardons factices.

§ Lun. 10 féV. - 19h15

— VOyAgE D’HIVER Au sTADE OLympIquEd’après Hypérion d’Hölderlin mise en scène de klaus michael grüber

Adapté du grand roman d’hölderlin hypérion, il donna lieu durant les années 70 à un spectacle mémorable au sein de l’ancien stade olympique nazi de Berlin. dans cette représentation hors les murs, c’est l’histoire de l’Allemagne, aussi bien passée que présente, qui est questionnée à travers la figure d’une jeunesse éperdument romantique. Tentation nihiliste, colère et volonté de vivre apparaissent ainsi sans artifice, comme les prémisses d’une interrogation politique essentielle.

§ Lun. 7 AVriL - 19h15

— CATHERINEd’après Les clôches de bâle d’Aragonmise en scène d’Antoine Vitez

filmée en 1976 par Paul Seban, cette adaptation des cloches de Bâle d’Aragon est une captation rare. Elle montre un spectacle fondateur qui a considérablement influencé l’art de la mise en scène, en privilégiant le procédé du montage contre celui de l’adaptation dramatique. La forme du théâtre-récit renouvelle la lecture de ce roman initiatique (dans lequel la figure de Catherine introduit un conflit entre désir et déterminisme, présent et passé, monde bourgeois et monde ouvrier), en faisant jouer ou lire des fragments du récit au cours d’un repas entre acteurs.

• bILLETTERIE • • La billetterie est ouverte •Le soir des représentations 1 h avant le début du spectacle. (hors vacances universitaires)En semaine, du lundi au jeudi de 14h à 18h - bâtiment h bureau 101

• modes de règlement • CB, espèces, Chèque (à l’ordre de l’agent comptable de l’université Paul Valéry)

• quand réserver ? • Le plus tôt possible à l’ouverture de la saison avant que les spectacles ne soient complets !

• Où et comment réserver ? •Sur place, par téléphone 04 67 14 55 98 ou par mail [email protected]

• Où et comment acheter une place ? •Sur place ou sur le site internet du théâtre : www.theatrelavignette.fr

• TARIfs géNéRAux •plein tarif 14 €Tarif réduit* 10 €Tarif super réduit** 5 €Open / concerts – tarif unique 5 €Lehrstück ! / projections – tarif unique 2 €

* tarif réduit : étudiants, moins de 25 ans, personnel uPV, demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minimas sociaux, abonné d’un des 6 théâtres* de l’agglomération, de la Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau, groupes de + 10 personnes** tarif super réduit : Lycéens, scolaires, partenaires : nous contacter

• ENCARTEz-VOus ! •

Avec le Laissez-Passer Vignette, venez voir tous les spectacles pour 2 € la représentation !Accédez gratuitement aux projections, aux concerts et aux spectacles Lehrstück ! Pièces d’apprentissage.Désormais, vous pouvez planifier vos soirées à l’avance, en réservant dès l’ouverture de saison, sur place à la billetterie ou sur notre billetterie en ligne !

• CARTE LAIssEz pAssER • Le Laissez-Passer Vignette évolue !

§ Laissez-passer Vignette 30€ + 2€ par spectacle

§ Laissez-passer upV* 20€ + 2€ par spectacle

§ Laissez-passer étudiant 10€ + 2€ par spectacle

§ Laissez-passer musique** 10 €

* tarif réduit : personnel uPV, moins de 25 ans, demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minimas sociaux, sur présentation d’un justificatif

**Avec le Laissez-Passer Musique, accédez gratuitement à tous les concerts et bénéficiez d’un tarif réduit pour les spectacles de théâtre !

• Comment s’abonner ? •• Venez remplir un formulaire à la billetterie, réglez sur place par cB, espèces ou chèque.• ou rendez-vous sur notre billetterie en ligne, achetez votre Laissez-Passer, et récupérez-le le soir du premier spectacle auquel vous assistez.

Pour LA PrEMièrE foiS, nouS VouS ProPoSonS d’ASSiSTEr Aux ProJEcTionS dES MiSES En ScènE Qui onT MArQué, QuESTionné ET rEnouVELé LE ThéâTrE dE noTrE SiècLE.

— NOVEmbRE —

pROjECTION : ARLEquIN, VALET DE DEux mAITREsdE GoLdoniMiSE En ScènE : gIORgIO sTREHLER § Lun. 4 noV. 19h15

jOuRNéE D’éTuDEs§ JEu. 7 noV. VIEjO, sOLO y puTOMiSE En ScènE : sERgIO bORIs (BuEnoS-AirES / ArGEnTinE)§ JEu. 14 noV. 20h30 - VEn. 15 noV. 19h15

TêTEs-VIVEs (P. 9)PErforMAncES AuTour dE TêTEs mORTEs § du 12 noV. Au 15 noV. à la BU de l’univeristé Montpellier 2§ du 18 noV. Au 19 noV sur le campus de l’université Paul Valéry Montpellier 3

CONCERT DE L’ONm§ Lun. 18 noV. 19h15

TêTEs mORTEsdE SAMuEL BEcKETTMiSE En Voix : mARIE LAmACHèREcoMPAGniE // inTErSTicES§ Lun 25 noV. 19h15 - MAr 26 noV. 19h15 - MEr. 27 noV. 19h15

— DéCEmbRE —

pROjECTION LA TEmpêTE (LA buRzA)dE WiLLiAM ShAKESPEArEMiSE En ScènE : kRzyszTOf wARLIkOwskI

§ Lun. 2 déc. 19h15

swAmp CLubconcEPTion, MiSE En ScènE ET ScénoGrAPhiE : pHILIppE quEsNE ViVAriuM STudio

§ MAr . 10 déc. 20h30 - MEr. 11 déc. 19h15

— TArif uniQuE : 2 € PAr ProJEcTion GrATuiT AVEc LA cArTE LAiSSEZ-PASSEr

Page 9: Focus n°4 - journal trimestriel de la Vignette

Théâtre la Vignette université Paul-Valéry Montpellier iiiroute de Mende 34 199 Montpellier cedex 5

inforMATion T 04 67 14 55 98 bâtiment H – bureau [email protected] www.theatrelavignette.fr

Swamp club - Philippe Quesne - Vivarium Studio10 & 11 décembre 2013 © dessin Ludovic debeurme

JournAL TriMESTriEL - noV. - déc. 2013

Edité par le Théâtre la Vignette - université Paul-Valéry Montpellier iii directeur de publication : frédéric Sacard, directeur du théâtre la Vignette coordination de la rédaction : noëmie charriécoordination de la conception du journal : denise oliver fierro, attachée aux actions de médiation et communication du Théâtre la Vignette

impression : imp’act imprimerie

Licences d’entrepreneur de spectacle : 1-1063683 / 2-1006318 / 3-1006319