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Numéro 32 - Décembre 2007 DOSSIER / Les agences de notation L’ASSOCIATION / Remise des diplômes - TêTE D’AFFICHE / Didier Négiar - TRIBUNE / Paris et son économie FOCUS / Les métiers de la com’

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  • Numéro 32 - Décembre 2007

    DOSSIER / Les agences de notationL’association / Remise des diplômes - tête D’affiche / Didier Négiar - tribune / Paris et son économie

    FOCUS / Les métiers de la com’

  • Page 3Variance 32 - Décembre 2007

    EDITO

    ISSN 1266-4499-Variances (Malakoff)

    Numéro 32 - Décembre 2007

    Directeur de publication :Fabrice Wilthien (1998)

    Rédacteur en chef :Frédéric Gilli (2000)

    Comité de rédaction :Catherine Grandcoing (1978)Benoît Bellone (2000),Sébastien Cochard (1994),Guillaume Simon (2005)

    Conception et réalisation :Jeanne BachofferSébastien Marsac

    Publicité :FERCOMJean-Michel AMRAM01 46 28 18 [email protected]

    Votre avis nous intéresse :[email protected] par lettre à :VariancesSecrétariat des Anciensde l’ENSAE,bureau E 01, timbre J 120,3, avenue Pierre Larousse,92 245 Malakoff cedex

    Imprimerie Chirat744, route de Sainte-Colombe

    42540 Saint-Just la-PendueDépôt légal : 8612

    Prochain numéro :Mai 2008

    Prochain dossier :start-upset innovation financière

    Prochain Focus :les métiers de la recherche en économie

    De l’indépendance…

    C es derniers mois, le monde financier a été chahuté par la crise du subprime. sans pour autant oublier les dé-boires des classes populaires américaines mises à la rue, c’est l’occasion pour Variances de revenir sur le rôle d’in-termédiaires ayant progressivement conquis un rôle central et controversé dans le fonctionnement des marchés : les agences de notation.

    au rayon des évaluations (et des difficultés à les mener à bien), les politiques publiques ne sont pas nécessairement mieux loties et l’insee est aujourd’hui au cœur de plusieurs tourmentes qui ne nous laissent évidemment pas insensibles. ce numéro sera quand même l’occasion de constater que la science avance.

    Variances ne sombre toutefois pas dans la sinistrose, puisque vous y découvrirez la variété des métiers dans un monde en ébullition, celui de la com’. autres bonnes nouvelles célébrées dans nos colonnes, l’arrivée de Dominique strauss-Kahn à la tête du fMi et la vigueur retrouvée de l’économie parisienne.

    ce numéro sera enfin l’occasion de saluer la toute dernière promotion de jeunes ensae et de ponctuer le périple de notre chroniqueur-voyageur à travers l’asie !

    bonne lecture et bonnes fêtes,

    Frédéric GILLI

    rédacteur en chef

  • Page 4 Variance 32 - Décembre 2007

    SOMMAIRE

    Page 5Variance 32 - Décembre 2007

    L’éCOLE

    Numéro 32 - Décembre 2007

    DOSSIER / Les agences de notationL’ASSOCIATION / Remise des diplômes - TÊTE D’AFFICHE / Didier Négiar - TRIBUNE / Paris et son économie

    FOCUS / Les métiers de la com’

    L’école Un WEI plein de rebondissements .......................................................................p.5 Le Club Voile de nouveau à flot ! ..............................................................................p.6

    L’association L’ensae fête la promotion Malinvaud ....................................................................p.7 Brêves .....................................................................................................................p.9

    Tête d’affiche Didier Negiar (1978), Vice-Présidente corporate strategy chez alcatel-Lucent ............p.10

    Dossier LES AGENCES DE NOTATION .................................................................................p.151 - si elles n’existaient pas, faudrait-il inventer les agences de notations ?....p.162 - Les agences de notation financière : des structures essentielles au fonctionnement des marchés financiers p.213 - Les apports des agences de notation dans la réforme du ratio de solvabilité des banques ..............................p.274 - Subprime : des ratings sous le regard des utilisateurs ......................................p.325 - L’insuffisante régulation des agences de notation ..................................p.346 - Une nouvelle réglementation du secteur : l’exemple américain ...........p.37

    Focus LES MéTIERS DE LA COMMUNICATION .................................................................p.411 - Travailler dans la communication, pourquoi pas ? .....................................p.422 - « Née en télévision, grandie en internet, épanouie en téléphonie… » .p.463 - Un quantitativiste dans la communication ...............................................p.494 - Des Chiffres et des Hommes Vous avez dit atypique ? ..................................p.53

    La vie des Chiffres Les expérimentations en sciences sociales, une révolution pour l’évaluation des politiques publiques .............................................p.58

    Tribune Analyse méthodologique ou outil de communication politique ? .....................p.62 La vigueur retrouvée de l’économie parisienne .................................................p.67 Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI ..........................................................p.71 Profession voyageur, suite… et fin ..........................................................................p.73

    Les Anciens Dans les Rayons .....................................................................................................p.77 Mobilités .................................................................................................................p.78 Carnet ......................................................................................................................p.80 Calendrier ...............................................................................................................p.82

    Variances n°32Décembre 2007

    Le week-end était placé sous le signe de l’har-monie entre les principales associations de l’éco-le, qui ont réussi à se coordonner pour offrir aux nouveaux étudiants un large choix d’activités ludiques pour leur permettre de faire plus ample connaissance.

    C’est ainsi que les élèves de la promotion 2010 ont pu découvrir les joies du canoë dans le ca-dre d’une balade conviviale sur la Dordogne. La majeure partie des étudiants a participé à cette expérience alors que le reste des élèves a profité du doux soleil de septembre pour faire plus am-ple connaissance.

    Et pour finir la journée en beauté, la JE avait même prévu une retransmission en direct du match France / Irlande de la coupe du monde. Même après 10 heures de car dans une ambian-ce festive, les élèves ont fait fi de la fatigue pour encourager les Bleus. Après un dîner aux allures de fête, tous les élèves se sont réunis dans la salle spécialement aménagée pour poursuivre leur in-tégration sur la piste de danse.

    Après une bonne nuit de sommeil, et grâce à la générosité des Anciens, nous avons pu profiter d’activités gonflables telles que les combats en costumes de sumotoris ou la piscine à mousse, très vite transformée en terrain de rugby impro-visé par les nombreux adeptes du ballon ovale. De même, toute une série d’activités de groupe a été organisée par le BDE, la JE et le Forum ; elles ont donné lieu à de nombreux fous rires et nous l’espérons ont laissé d’agréables souvenirs aux nouveaux élèves.

    Enfin, pour conclure le week-end les associa-tions ont organisé autour d’un dîner copieux la cérémonie de parrainage des élèves de première année par leurs prédécesseurs pour que l’esprit de convivialité qui a animé ce week-end puisse se pérenniser et donner lieu à de réelles amitiés.

    Après deux jours de fête et d’échange, les élè-ves sont revenus, fatigués certes, mais heureux à Malakoff où un généreux programme de travail les attendait.

    Un WEIplein de rebondissements

    Comme chaque année, le BDE a profité du début de l’année scolaire pour organiser un week-end d’intégration ; cette année les 130 participants (un record) se sont retrouvés dans le Lot pour deux jours d’activités sportives, de détente et de bonne humeur.

    Un WEI plein de rebondissements

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    L’éCOLE

    Page 7Variance 32 - Décembre 2007

    L’ASSOCIATIONL’ENSAE fête la promotion Malinvaud

    L’ENSAE fête

    la promotion MalinvaudCéline Antonin (2007)

    Cette cérémonie, tant émouvante que sympathi-que grâce à l’efficacité et au dévouement de l’As-sociation des Anciens, était placée sous le par-rainage de M. Jean Clamon, Directeur Général de BNP Paribas. Dans son discours inaugural, ce dernier a mis l’accent sur la place de l’ENSAE au sein des écoles d’ingénieurs et rappelé que ses diplômés étaient très appréciés et recherchés eu égard à leur expertise dans les domaines éco-nomique, bancaire, financier et statistique. Puis M. Clamon a prodigué quelques conseils aux di-plômés 2007 en insistant sur l’importance de la capacité de travail et d’adaptation pour une réus-site future et à la hauteur de leurs ambitions.

    Fabrice Wilthien, Président de l’Association des Anciens, a présenté la mission que s’est fixée cette dernière et ses actions : la communication interne via le site Internet, la revue Variances, la publication de l’annuaire, l’envoi de différen-tes revues (la « e-Revue » tous les deux mois et la « Newsletter » tous les mois) et la promotion de l’école à l’extérieur. Il a conclu son discours en soulignant que grâce à l’esprit associatif qui règne au sein des Anciens, des liens forts conti-nuent à se nouer entre les élèves des différentes promotions.

    Il a ensuite remis le prix du meilleur GT, accom-pagné de la somme de 1 000 euros. C’est un GT à la frontière entre l’économie et la finance qui a été primé : Olivier Guéant et Olivier-David Zerbib ont été récompensés pour leur mémoire « Introduction aux taux écologiques de long terme «. Deux autres GT ont également été honorés : celui de Solange Hamel en finance/actuariat («Prédiction de l’acte de résiliation de l’assuré et optimisation de la performance en as-surance automobile particulier») et celui de Sal-vatore Serravalle en économie («The Impact of Unemployment Duration on Wages : Evidences from French Panel Data 1984-2001»).

    Après l’ovation faite aux heureux gagnants, Fabrice Wilthien a donné la parole à Syl-viane Gastaldo, directrice de l’école, puis à Dominique Henriet. Sylviane Gastaldo a annoncé la perspective d’un déménagement de l’école sur le campus de l’école Polytech-nique à Palaiseau avant 2010. Elle a relaté ensuite les différentes étapes qui sillonnent le parcours scolaire des étudiants et insisté sur la nécessité de faire la promotion de leur école dont ils peuvent être fiers. Elle a été rejointe sur scène par Laure Turner (assistante de microéconomie) et Roland Bembaron (responsable des langues) qui, fidèle à ses habitudes, a gratifié l’auditoire d’une citation anglaise. Dominique Hen-riet, plébiscité par les élèves, a pris le relais en faisant un discours digne d’un « one man show » qui a enthousiasmé les spectateurs.

    Au cours de la cérémonie, trois élèves ont pu s’exprimer au nom de leurs camarades. Ainsi, Pierre-Antoine Mazoyer a conclu qu’il « fallait non seulement être fier de son école mais être également les ambassadeurs de l’ENSAE ». La soirée s’est continuée sous forme de duo. Bruno Devictor est re-venu sur « les temps forts de la scolarité » et sur « l’univers des possibles à la sortie de l’école ». Il m’est enfin revenu de souhaiter des adieux « à l’image des années passées à l’ENSAE, dans la diversité et la communion, l’excellence et la simplicité » en concluant par quelques vers.

    Chaque élève a ensuite reçu son diplôme, ainsi qu’un T-shirt à l’effigie des élèves de la promo-tion 2007. Après le passage devant l’objectif pour la traditionnelle photo de promotion, parents, élèves et enseignants se sont retrouvés autour du buffet, dans une ambiance chaleureuse et conviviale.

    Ce sont 172 heureux lauréats qui ont rejoint le cercle des anciens de l’ENSAE. Le 1er octobre 2007 s’est en effet déroulée la traditionnelle remise des diplômes de la promotion 2007 - « Promo Malinvaud » - dans les locaux de BNP Paribas, partenaire de la soirée, situés place du Marché Saint-Honoré, dans le cœur de Paris.

    Le Club Voilede nouveau à flot !

    Après quelques années d’absence, le Club Voile reprend du service à l’école, et dispose désormais d’un président dynamique, Augus-tin Wirz, d’une troupe de matelots qui sentent bon la mer et le sable chaud, d’un site internet (http://stan.mpstar.free.fr/voile_ensae/, adresse

    provisoire), et surtout d’un généreux sponsor. Le cabinet de consulting Sinalys, grand amateur de Voile et d’Aventure, a débloqué des fonds pour nous permettre de participer à la course croisière EDHEC. Les Sables-d’Olonne attendent donc du 19 au 26 avril 2008 une équipe à l’épreuve du vent et de la pluie, surentraînée et menée par un amiral de compétition !

    Le Club Voile

    Grâce à votre générosité et votre mobilisation lors du Challenge ENSAE Sol’Foot 2007 et en partenariat avec Mécénat Chirurgie Cardiaque, Issa Sangarre , jeune malien, a pu être opéré en France le lundi 24 septembre.

    L’opération s’est déroulée avec succès à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, où Issa est resté jusqu’au 29 septembre. Il a alors été transféré pour sa convalescence au Château des Côtes (aux Loges en Josas) et a pu rejoindre sa famille d’accueil le 8 octobre. Selon l’équipe médicale, il devrait pouvoir rentrer au Mali au début du mois de novembre : le voyage sera programmé aussitôt qu’Issa aura repris suffisamment de forces pour voyager, et retrouver au plus vite sa famille.

    ENSAE Solidaire vous remercie une fois de plus et vous donne rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle édition du Challenge ENSAE Sol’Foot !

    OPéRATION RéUSSIE !

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    L’ASSOCIATION

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    L’ASSOCIATIONBrèves

    Une nouvelle plaquette des Anciens de l’ENSAE

    Les fidèles des Petits-Déjeuners la connaissent très bien : notre jolie plaquette grise et bleue ! Elle nous permet de mettre en avant le parcours d’une vingtaine d’Ensae, et ainsi de commu-niquer autant sur la variété que sur la qualité des carrières qu’ouvre la formation dispensée à l’Ensae.

    Nous venons de l’actualiser, et elle est désor-mais disponible pour nous faire mieux connaî-tre et reconnaître ! N’hésitez pas à en demander quelques exemplaires pour distribuer autour de vous !

    Elle est bien entendu consultable sur www.ensae.org !

    Démarrage de l’activité ENSAE BUSINESS ANGELSréunion constitutive le 8 janvier

    Plus d’une trentaine de personnes ont participé au petit déjeuner du Club Finance pendant le-quel Claude Rameau, Co-Président de Fran-ce-Angels, nous a exposé le rôle et l’activité des Business Angels.

    L’importance de la participation à cette réunion, l’intérêt des participants pour la mise en place d’une activité de Business Angels au sein de l’Association des anciens, complétée par des ma-nifestations d’intérêt de quelques camarades qui n’ont pu participer mais qui nous ont contactés,

    confirme le bien-fondé du lancement de cette activité.

    Nous allons donc engager la création d’un ré-seau de BA (sous la forme d’une association, en relation avec l’Association des anciens), dont les activités démarreront début 2008.

    La première réunion de ce club, sous la forme de l’Assemblée Générale constitutive, se tiendra le mardi 8 janvier 2008 à 18h30.

    Nous vous communiquerons ultérieurement le lieu de la réunion (qui se tiendra à Paris, dans un lieu central).

    Cette association regroupera des anciens ENSAE mais, pour ne pas trop la limiter, il est envisagé de l’ouvrir à des personnes parainnées par un an-cien ENSAE. Elle sera très vite enrichie par la constitution d’un club d’investissement.

    Si vous souhaitez rejoindre le réseau ENSAE BA, merci de bien vouloir prendre contact par mail avec [email protected]

    Brèvesles travaux lauréatsPrix du Meilleur Gt : « Introduction aux taux écologiques de long terme » par Olivier Guéant, David-Olivier Zerbib

    Ce GT traite de l’évaluation à long terme des projets (actualisation), avec comme application directe l’actualisation des coûts et bénéfices de politiques environnementales à long terme : comment valoriser le coût de la dépollution ou de la dispariation d’une espèce, notion proche de la notion de qualité environnementale ? Il introduit le concept de taux d’intérêt écologique, imaginé par Roger Guesnerie, qui doit se comprendre comme le prix d’un renoncement (marginal) à de la consommation aujourd’hui pour pouvoir profiter à échéance fixée d’une qualité (marginalement) accrue d’un bien environnemental (l’eau, l’air, le climat…).

    Ce GT innove notamment en introduisant les concepts de substituabilité intertemporelle et d’effet qualité. Il trouvera des ap-plications directes dans le calcul, par exemple, de l’évaluation des dégâts environnementaux ou des mesures pour lutter contre le changement climatique.

    Ces conclusions théoriques se rapprochent notamment de celles du récent rapport de Nicolas Stern, plaidant pour l’utilisation de taux d’actualisation très faibles et réfute l’idée selon laquelle l’investissement de long terme dans la qualité environnementale est inutile, du fait de la plus importante richesse des générations futures.

    Meilleur Gt de statistiques – finance – actuariat :

    « Prédiction de l’acte de résiliation de l’assuré et optimisation de la performance en assurance automobile particulier » par Solange HAMEL

    Comment modéliser et anticiper l’acte de résiliation d’un contrat d’assurance automobile ? Ce GT conduit une analyse complète de cette problématique au sein d’une grande compagnie d’assurance, en développant notamment une mesure de l’élasticité-prix et une optimisation de la politique tarifaire à travers des méthodes simples et robustes. L’idée est de trouver le bon compromis entre une hausse de la prime et des volumes qui évoluent en sens inverse.

    Plusieurs résultats sont orignaux. Le travail conclue en particulier sur les aspects redistributifs (des clients aisés vers les clients plus fragiles) de politiques tarifaires optimales en fonction de l’élasticité prix. Il permet également d’envisager l’amélioration à la fois de la profitabilité et des volumes de clients servis, sans dégrader le taux de sinistralité.

    A noter que c’est le premier GT primé depuis 3 ans, qui soit intégralement consacré à une problématique d’Assurance.

    Meilleur Gt economie :

    « The Impact of Unemployment Duration on Wages: Evidence from French Panel Data 1984-2001 » par Salvatore Serravalle

    Ce GT est un travail économétrique solide qui vise à étudier le plus précisément possible l’impact des épisodes de chômage sur la carrière salariale d’individus sur un panel longitudinal inédit (l’Enquête Inter-régime de cotisants).

    Il confirme que l’effet du chômage est négatif, toutes choses égales par ailleurs, non seulement sur la situation momentanée d’un individu mais aussi à plus long terme sur l’ensemble de la carrière salariale. Le travail valide ainsi l’existence d’un ‘effet cicatrice’, ce qui pourrait ouvrir des perspectives nouvelles en matière de politiques publiques.

    Le GT pointe au passage que cette mesure est généralement entachée d’un biais de sélection car les hommes au chômage (ou inactifs) sont vraisemblablement les hommes les moins qualifiés et leur salaire, proche du salaire minimum, ne peut pas diminuer en dessous de ce salaire minimum. Une fois ces biais pointés et corrigés, l’effet initial reste perceptible et significatif, quoique moins prononcé.

    L’ENSAE fête la promotion Malinvaud

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    TêTE D’AFFICHE

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    TêTE D’AFFICHE

    Didier Negiar (1978)

    Directeur des systèmes d’information, des achats, de l’optimisation des coûts et des services aux métiers, Groupe La Poste,Membre du Conseil de surveillance de la Banque Postale

    Variances – Didier, peux-tu revenir sur les raisons qui t’ont conduit à l’ENSAE et sur tes années d’école ?

    Didier Négiar – En prépa, l’ENSAE avait une bonne réputation. J’aime les mathématiques et j’étais intéressé par l’économie. L’idée de tra-vailler sur l’économie mathématique, de créer des modèles, m’attirait. J’ai eu tout ce que je voulais à l’ENSAE avec le sentiment d’un vaste champ d’opportunités à saisir, depuis les cours avec Malinvaud, les travaux en petit groupe avec Pébereau, Minc et Champsaur, alors Directeur de l’Ecole jusqu’au court couvert de tennis à côté de l’école. J’y ai gardé quelques solides amitiés et des anciens que je continue à voir, ou à croiser dans la vie professionnelle.

    J’ai pu faire un stage qui m’a bien plu en fin de première année à La Banque de France, même si j’y ai en partie perdu ma ‘vocation’ de cher-cheur : j’ai su que je ne pourrais pas me satis-faire d’un travail trop éloigné des problèmes très appliqués.

    Je suis rentré parallèlement à Sciences-Po et j’ai cumulé un DEA à Dauphine en troisième année pour obtenir les trois diplômes. Au fond, l’état d’esprit « tout est possible » m’a accompagné tout au long de mes études et me suit depuis. C’est aussi cela qui m’a permis de faire mon ser-vice à l’Ambassade à Londres.

    A Londres, j’ai découvert le travail à l’étranger et la vie d’un « économiste apprenti », écrivant des notes pour le Ministère des Finances et les entreprises françaises. J’ai définitivement eu confirmation que j’avais besoin d’autre chose. Par chance, le contact quotidien avec la très grande variété de jeunes diplômés (ingénieurs, commerciaux, etc.) au cours de ce VSNE avait peu à peu aiguisé ma curiosité puis mon intérêt pour le management. Après ce mûrissement ra-pide, ne manquait plus qu’une opportunité.

    D’économiste apprenti à DG d’une PME

    V – Après ce premier poste, tu te lances très rapidement dans le grand bain en t’impli-

    quant dans la PME familiale. Le choc culturel n’a-t-il pas été trop fort ?

    D.N. – L’opportunité s’est présentée de diriger une entreprise de 50 personnes à l’âge de 24 ans. Directeur Général ça fait bien sur une carte de visite et auprès des copains mais c’est surtout une école exigeante où l’on doit tout voir et on peut presque tout faire.

    L’entreprise travaillait dans le secteur de l’im-primerie et j’avais par exemple énormément de difficulté à comprendre comment se formaient les prix dans un secteur très cyclique et morcelé aux acteurs très variés. Mes diplômes m’ont aidé à résoudre ce souci, mais de manière assez inat-tendue : ils m’ont permis de me faire repérer au sein des organisations professionnelles qui m’ont rapidement confié des responsabilités. J’ai ainsi eu à m’occuper de la commission des prix et du budget. Cela m’a permis de rencontrer mes pairs et me faire une place dans le secteur. Cela m’a également rapidement donné une vue d’ensem-ble du secteur et du périmètre des différents ac-teurs, au delà du seul horizon de ma PME.

    J’ai aussi été rapidement happé par les organisa-tions professionnelles, élu conseiller Prud’hom-mes avec les bières prises en fin de réunion avec les organisations syndicales des représentants. De bons moments. Des moments humainement très enrichissants. J’y ai acquis une compréhen-sion intime des relations sociales dans l’entreprise et du monde du travail. Si l’on ne cherche pas à comprendre le point de vue des OS, par exemple, on n’a qu’une vue partielle de l’entreprise. On se prive également de modes de dialogues alors que dans les moments délicats de la vie d’une entre-prise il est fondamental de bâtir de la confiance. J’ai apprécié et apprécie toujours ces échanges.

    V – Après tout juste cinq ans, tu entres chez McKinsey. A quoi correspond ce choix ? Comment s’est passée ton adaptation à un monde très spécifique aux exigences et aux façons de travailler très normées ?

    D.N. – A trente ans, c’est le tournant. La PME me donnait pleine satisfaction, mais c’est aussi le moment de choisir si on veut y faire sa vie. J’ai découvert que j’aimais changer quand tout va bien.

    L’aspiration d’être parmi les meilleurs m’a tout simplement motivée : j’ai répondu à une annon-ce dans le Monde qui disait « L’an dernier nous avons reçu 3000 CVs, fait 300 entretiens et re-

    crutés 3 candidats, si vous pensez en faire partie écrivez-nous ». Le défi m’a plu.

    Pendant les deux premières années, j’ai le sou-venir d’avoir été en apnée à peu près constante. J’ai du tout (ré)apprendre, en commençant par « Comment écrire ? », « Comment parler ? » (say it with charts)… Je me retrouvais à être celui qui fait les photocopies quand j’avais auparavant une secrétaire pour moi et que tout le monde était très attentif à ce que je disais ; le choc était assez brutal…

    Une déconstruction-reconstruction enrichissante

    Ce sont des années de déconstruction-recons-truction et c’est sans doute là que le contenu de mes études m’a servi. Il est utile et même fonda-mental d’être extrêmement structuré. Le conseil est un métier où l’on ne peut pas se permettre l’espoir de tout maîtriser : sur chacun des sujets, on trouvera toujours plus rapide, plus expert… En revanche, il s’agit d’optimiser en permanence son investissement dans les analyses afin de les pousser jusqu’au point où les conclusions avan-cées ne pourront plus être remises en cause par l’incertitude.

    Les évaluations régulières sont surtout un excel-lent moyen de développement, de faire mieux, d’apprendre. Le travail en équipe devient un vrai plaisir, surtout avec des collègues aussi talen-tueux et déterminés, même si le profil type est « insecure overachiever ».

    V – Tu vas progressivement passer par tous les postes jusqu’à terminer au sommet de la pyramide, en tant que directeur associé se-nior. Peux-tu revenir sur ce qui t’a séduit dans ce métier ?

    D.N. – Le conseil c’est un métier d’empêcheur de tourner en rond, qui demande beaucoup de rigueur analytique et d’enthousiasme étant don-né les horaires de travail : un vrai 50-60 heures hebdomadaires.

    Il faut trois qualités pour réussir, QI, QE, QR : analytique, émotionnel, relationnel. Au-delà des analyses, il faut sentir les situations et interagir avec des gens qui n’ont pas toujours les mêmes approches, les mêmes styles (clients et équipes internes).

    Didier NegiarDidier Negiar

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    TêTE D’AFFICHE

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    TêTE D’AFFICHE

    Ma première expérience de directeur d’entre-prise m’a ainsi été extrêmement profitable dans la suite de ma carrière. Mon discours était diffé-rent car je savais d’expérience ce qu’un client se pose comme questions et ce qu’il attend. Et le client sent cette nuance dans l’écoute, voit que son interlocuteur comprend très exactement ses préoccupations. Il n’y a pas besoin d’avoir géré une PME avant pour développer ce sens des re-lations mais dans mon cas, l’atout a été indénia-ble et a permis de très bonnes expériences.

    Ensuite, passé un certain niveau de manage-ment, on utilise rarement plus que les 4 opéra-tions simples. Il n’y a eu que quelques exceptions chez McKinsey, en particulier pour des calculs de capital économique dans une banque univer-selle. Mais il faut avoir la confiance en soi d’ex-plorer des champs hors de sa zone de confort et l’ENSAE y contribue bien, quand on est curieux.

    Ce qui reste à posteriori bien sûr ce sont les col-lègues si talentueux et les heures passées dans les tranchées ensemble, ce qui crée des amitiés pour toujours. Comme les missions sont nombreuses, on apprend aussi beaucoup des échecs autant que des succès.

    On se sent aussi blindé pour décortiquer n’im-porte quel sujet compliqué. On devient à l’aise avec les directions générales. On pose les bonnes questions. Il reste l’envie de faire…

    V – Tu quittes pourtant McKinsey en mai 2005 pour rejoindre Le groupe La Poste. Est-ce que cela correspond à une volonté de repasser dans l’opérationnel à une réflexion d’ensemble sur ta carrière, à une lassitude du conseil ?

    D.N. – C’est la résultante d’un souhait, celui de replonger dans le bain économique, et d’une opportunité, celle d’avoir servi La Poste et son Président pendant 3 ans du côté conseil. J’ai développé de bonnes relations avec Jean-Paul Bailly et j’apprécie son ouverture et sa capacité à raisonner sur plusieurs plans simultanément (l’opérationnel, le stratégique, le politique, le dé-veloppement responsable…).

    être un stratège qui fait

    Et puis il faut dire c’est un « fit » avec l’entreprise, j’ai de suite aimé les Postiers, leur côté citoyen et commerçant. J’avais passé de nombreuses années à développer des équipes, à créer de la

    valeur pour les actionnaires, j’avais envie d’un challenge avec un lien plus fort au quotidien de mes concitoyens.

    J’ai pu m’y confronter dès mon arrivée puisque j’ai commencé comme DGA de la Poste Grand Public en charge du réseau et plus particulière-ment de ses aspects projets et logistiques… Au passage, cela me permettait de retrouver une ambiance d’entreprise, certes différente de celle de la PME familiale, mais qui m’offrait pareille-ment une grande variété d’interlocuteurs. A mon arrivée j’ai d’ailleurs très rapidement sou-haité rencontrer les organisations syndicales. J’ai été très sensible à leur réponse lorsque je leur ai demandé ce qui faisait qu’une équipe tournait : ils m’ont dit « le courage managerial » et « se parler entre adulte pour que chacun réagisse en adulte ». Avec plaisir, je m’efforce d’exercer ces deux traits au quotidien… même si ce n’est pas tout le temps facile !

    V – Tu quittes McKinsey, groupe de service internationalement réputé pour La Poste, groupe de service public de gestion du cour-rier… Le choix peut paraître original. En quoi est-ce un métier et une entreprise intéres-sants pour toi ?

    D.N. – Pour des raisons très différentes, le consultant de McKinsey et le postier sont atta-chés dans les tripes à leur entreprise : je crois que c’est parce que dans les deux cas l’entreprise don-ne beaucoup à ceux qui donnent sans compter.

    La Poste, ses dirigeants, mes collègues, me don-nent les moyens et l’espace de liberté, la confian-ce pour contribuer à la réussite. Le facteur P est un atout (300 000 postiers) même si l’énergie à déployer est considérable.

    J’aime penser que je suis « un stratège qui fait ». Je dois améliorer la performance opérationnelle d’activités dont l’ordre de grandeur est supérieur au milliard d’euros, avec plusieurs milliers de postiers, créer de nouveaux produits et services, être à la hauteur des aspirations fortes que nous avons… La Poste avait 0 résultats en 2002, peut-être plus d’1 milliards d’€ en résultat d’exploita-tion en 2007 et beaucoup plus j’espère en 2011, lorsque 100% de l’activité sera concurrentielle. L’objectif d’avoir du résultat, de créer de la valeur n’est pas une fin en soi mais un moyen d’investir et d’être performant pour le public de demain.

    McKinsey m’a donné un niveau d’exigence et d’aspiration élevés et des façons de penser peut-

    être non traditionnelles à la Poste mais aux-quelles le groupe est ouvert. Par exemple, je suis aujourd’hui responsable des services internes à la Poste (réseau de télécom, logistique et entrepôt, Hot line, informatique partagée etc.) : j’y vois une superbe mission pour développer la Poste sur trois axes :

    démontrer que l’on peut faire moins cher •avec un service au public identique voire meilleur, tout simplement en optimisant les coûts internes,

    développer de nouveaux produits et servi-•ces, y compris à l’extérieur si cela est possi-ble et fait sens, et transformer ces fonctions support en sources de croissance pour le groupe,

    favoriser l’épanouissement des équipes et •leur permettre de se mettre au niveau du marché. Il peut sembler difficile de les mo-biliser, mais je suis convaincu qu’il y a une réserve de compétences humaines, un po-tentiel d’énergies formidables à La Poste. Le positionnement de l’entreprise sur le développement responsable, la diversité, etc. font que beaucoup est possible du moment que le sens est partagé et que l’envie est là.

    Une entreprise au potentiel fabuleux

    Dans un secteur en profonde mutation, le po-tentiel de La Poste est vraiment fabuleux… (et je recrute des jeunes diplômés)

    V - Si tu devais revenir sur les principes ou les motifs qui ont guidé tes choix, que dirais-tu à un jeune ENSAE ?

    D.N. – Pour moi, « la rigueur et la niaque » au service d’aspirations fortes sont les éléments clefs. Je n’ai que quelques conseils simples :

    Conserver un équilibre travail/famille, loi-•sirs… On finit toujours par reprocher à celui auquel on demande de travailler trop pour-quoi il manque tant de recul, d’ouverture…

    Donner aux autres sans vouloir un don-•nant-donnant. Cela paie vite, humainement comme en affaires. Il suffit d’essayer mais en sachant rester intraitable sur les dépas-sements de valeurs ou d’éthique ; pour soi d’abord et pour les autres aussi.

    En début de carrière s’intéresser autant à •celui qui vous coachera et au temps qu’il y prendra, qu’au côté prestigieux de la mission ou du job.

    Si possible, mais c’est plus difficile, intégrer •les contraintes et être multidimensionnel, y compris sur un seul sujet.

    Enfin, et surtout, faire ce qu’on a envie de •faire, pas ce qu’il apparaît bien de faire. Test : arrive-t-on en chantant au travail le matin ?

    Didier NegiarDidier Negiar

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    DOSSIER

    Les agencesde notation

    Institutions compétentes à l’indépendance irréprochable ou acteurs économiques au jugement biaisé ? Les débats qui ont suivi la crise du subprime ont remis en cause le rôle économique des agences de notation dans les processus d’évaluation du risque et sur la commercialisation des produits dérivés. ces fameux cDo (Collateralized Debt Obligations – produits financiers adossés à des crédits, permettant d’en transférer le risque à des investisseurs selon différents niveaux, avec des rémunérations variables selon le risque) font la une des journaux et les pertes de leurs détenteurs. accusées d’avoir « trop bien noté » les produits structurés adossés à des portefeuilles de crédits immobilier américain à risque, elles font l’objet d’interrogations d’une part sur leur indépendance, et d’autre part sur leur capacité à apprécier des risques de plus en plus complexes. a cela s’ajoute un facteur de sensibilité supplémentaire puisque la réglementation prudentielle bâle 2 s’appuie fortement sur les notes qu’elles produisent pour calibrer les fonds propres des banques au regard du risque de crédit de leurs clients.

    comment les agences fonctionnent-elles ? Quel rôle jouent-elles dans les marchés financiers ? Quel est leur positionnement dans le marché du risque de crédit, comment s’insèrent-elles dans les nouveaux dispositifs réglementaires, et quelles sont les précautions prises par les régulateurs nationaux pour encadrer leur activité et assurer leur indépendance et leur impartialité ?

    sur fond de débat sur les agences de notation, et de renforcement concomitant de leur positionnement dans les activités financières, voici quelques clefs pour décrypter les principaux enjeux du marché de la notation.

    Etienne Marot (2000) et Sebastien Cochard (1994)

    Sommaire

    1Si elles n’existaient pas, faudrait-il inventer les agences de notations ?Pierre Cailleteau, Chief International Economist, Moody’s Investors Servicep.16

    2Les agences de notation financière : des structures essentielles au fonctionnement des marchés financiersEmmanuel Léonard (2007)p.21

    3Les apports des agences de notation dans la réforme du ratio de solvabilité des banquesPierre Georges (1996), Directeur des Risques Adjoint du Crédit Foncier de France, Etienne Marot (2000), Responsable des méthodologies de risque de crédit à la Caisse Nationale des Caisses d’Epargnep.27

    4Subprime : des ratings sous le regard des utilisateursBertrand Lamoureux (1998), Responsable du pôle crédit de la Direction des Risques de Marché de NatIxisp.32

    5L’insuffisante régulation des agences de notationPatrick Sommier (1974), ancien Directeur des Engagements de Dexia CLF, consultant financier auprès des collectivités localesp.34

    6Une nouvelle réglementation du secteur : l’exemple américainEmmanuel Léonard (2007)p.37

    Les agences de notation

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    DOSSIER

    Chaque crise financière met en cause le rôle, réel ou supposé, des agences de notation ; les ratings étaient trop hauts ou trop bas, ont été descendus trop tard et trop lentement, ou trop tôt et trop vite, ou encore trop tard et trop vite… Au fond, ce type de débat n’a rien d’anormal puisque les agences s’exposent par fonction à la critique ; el-les publient un jugement ordinal sur la qualité de crédit, ce jugement est dans le domaine public et constitue de ce fait une cible privilégiée pour les analyses – contemporaines ou rétrospectives. De même, il est dans la nature des choses que les « bons » ratings soient aussi peu commentés que les trains qui arrivent à l’heure.

    Cet article cherche à montrer qu’un calibrage indépendant du risque de crédit est utile, et pro-bablement indispensable, au développement des marches financiers, mais que la sophistication de la finance de marché et la prolifération de la comptabilisation en « mark-to-market » notam-ment, ont mis à l’épreuve l’adéquation entre la demande de calibrage du risque et l’offre propo-sée par les agences.

    La crise actuelle met en lumière ce type d’inadé-quations, et conduit à s’interroger sur la nature insolite des agences de notations – productrices privées d’un bien public – et leur capacité à gé-rer les conflits d’intérêt consubstantiels à leur situation de pivot sur le marché de l’information financière.

    Les agences de notation ont pour objet social de contribuer à réduire les asymétries d’infor-mations2 dont on sait qu’elles conduisent à une

    allocation inefficace du capital, et donc à un coût d’opportunité économique et social. Une ana-lyse indépendante du risque de crédit facilite le développement des marchés de dette, en rédui-sant les barrières d’information entre vendeurs et acheteurs de risque de crédit. Cette réduction des barrières d’information permet une diminu-tion des primes de risques non justifiées par la seule qualité du crédit des emprunteurs – mais simplement par le fait que les investisseurs sont réticents à « prêter à l’aveugle »…

    De ce fait, l’économie peut s’appuyer sur deux moteurs en matière de financement : le moteur bancaire, et le moteur des marchés financiers. Certains observateurs, comme Alan Greenspan par exemple, ont mis en lumière l’importance systémique de la « roue de secours » que consti-tuent des marchés de capitaux dans le cas de la crise asiatique – où ils ont cruellement manqué.

    Par ailleurs, l’approche analytique des agences correspond à un autre besoin lié au développe-ment des marchés de capitaux : les ratings appar-tiennent au monde des probabilités. Bien que les agences, de fait, transforment un risque continu en un risque discontinu – Moody’s n’a que 21 positions, à quoi on peut ajouter les « outlooks » positifs ou négatifs – le monde du risque gra-dué est « supérieur » au monde du risque binaire qui a caractérisé l’industrie bancaire jusqu’à il y a peu : on prête ou on ne prête pas. Le rating offre de nombreuses possibilités de tarification du ris-que, au-delà du simple rationnement.

    Si elles n’existaient pas,

    Faudrait-il inventer les agences de notations ?Pierre Cailleteau, Chief International Economist, Moody’s Investors Service1

    De surcroît, l’approche probabilistique tranche avec l’illusion de la précision qui, sans doute iné-vitablement, a gagné la sphère financière (toute-puissance de la modélisation, information finan-cière apparemment millimétrée…). N’avoir que 21 crans est aussi l’expression des limites intrin-sèques dans l’effort de calibrage des phénomènes complexes. Ce devrait être en soi un avertisse-ment : « Aussi fort que nous ayons essayé, nous n’avons pas réussi à être plus précis ».

    Il n’existe pas de substitut immédiat

    Y a-t-il un substitut au concept d’agence de no-tation, c’est-à-dire à la production indépendante d’un service offrant un point de référence ordi-nal de risque de crédit ? Difficile à trouver.

    On pourrait penser aux marchés actions qui ont n’ont pas d’agences indépendantes de notation.

    Cependant, l’analogie est un peu trompeuse. Tout d’abord, et princi-palement, les marchés d’actions sont beaucoup plus transparents que les marchés du crédit. En second lieu, autant il y a une demande im-portante pour une offre de rating qui est « fon-damentale » par nature, c’est-à-dire concentrée sur la question du ris-que de défaut de l’émetteur de dette, autant la demande des marchés actions mélange plus in-timement analyse fondamentale et opinion sur l’évolution du marché. La question est en effet : y a-t-il une chance que le titre de propriété que j’acquiers prenne de la valeur ? Cela dépendra naturellement de la performance de l’entreprise – analyse fondamentale – mais aussi de l’évolu-tion du marché en général. Or, l’analyse du mar-ché lui-même (le bêta) est entourée d’une telle marge d’incertitude (et donc de variabilité) que le seuil de crédibilité requis par les utilisateurs potentiels pour la reconnaissance d’un standard du type rating est très élevé.

    Une autre option radicale, si l’on « pense l’im-pensable », consiste à prendre acte du fait qu’une agence de notation participe à la production d’un bien public, et donc à soutenir que le meilleur modèle d’exercice de cette mission est un modèle public.

    Pour apprécier objectivement cette option, il faut la mettre en regard des deux critères prin-cipaux d’évaluation de l’activité des agences : la compétence et l’indépendance3.

    L’offre de calibrage du risque de crédit serait-elle de meilleure qualité si elle était fournie par une agence d’État ?

    L’indépendance ne serait pas assurée puisque les États seraient naturellement juges et parties – en tous cas ceux dont la dette n’est pas incontesta-blement un actif sans risque, AAA. Tout État à dette élevée serait probablement conduit à avoir une appréciation de son propre risque plus fa-vorable que ne l’ont les agences actuelles – et si d’aventure il se livrait à un exercice de sincérité, il risquerait de déclencher des crises financières.

    Par ailleurs un grand nombre de notations d’agents privés (banques, entreprises publiques ou para-publiques, entrepri-ses privées endettées en devise…) dérivent d’un jugement sur le risque d’interférence de l’État, qu’il soit « négatif » – en termes de risque de crédit – comme le risque d’ex-propriation, de moratoire de paiements extérieurs… – ou « positif », tel que le soutien à des banques en cas de crise, par exemple.

    Il est difficile d’imaginer que l’État serait perçu par les utilisateurs de notes de crédit comme un agent objectif et désintéressé – même s’il peut naturellement l’être occasionnellement.

    D’autre part, une agence d’État serait-elle da-vantage compétente ? Rien ne permet à priori de douter qu’elle soit au moins aussi compétente, pourvu qu’elle puisse recruter des analystes de bon niveau. De nombreuses agences de supervi-sion bancaire par exemple sont très compétentes – même si leur sûreté de jugement en matière d’identification de sinistre bancaire a été, dans le passé, mise à l’épreuve aussi souvent que celle des agences de notation.

    Une autre difficulté essentielle résiderait en re-vanche dans la question de savoir si les incita-tions pour adapter et améliorer leurs méthodes d’analyses, afin d’accompagner un marché en in-novation permanente, seraient suffisantes – faute

    Si elles n’existaient pas....les agences de notation

    1

    Les agences de notation fournissent un service utile, original et tout à fait indispensable en permettant le calibrage du risque de crédit. La complexification permanente des marchés financiers et la généralisation des dérivés de crédits modifient les cadres d’analyse et obligent les agences à toujours améliorer leurs méthodes. En dépit de trous d’air, elles font, toujours plus, la preuve de leur utilité.

    1 - Cet article est écrit en mon nom personnel et n’engage pas Moody’s, ni ne prétend refléter ses vues. 2 - Le fameux marché des « lemons » (voitu-res usagées) d’Arkerlof

    3 - Voir plus bas une analyse critique des performances effectives des agences à cet égard.

    ‘‘ Réduire les asymétries

    d’information et promouvoir une approche

    probabilistique du risque ’’

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    de quoi l’amélioration de l’efficacité de la sphère financière serait entravée, ou au moins ralentie.

    Enfin, la fourniture de ce service par une agence publique se heurterait à un dernier obstacle pra-tique : l’intérêt du rating est sa comparabilité, non seulement entre différents secteurs d’acti-vité mais aussi transfrontières. Or, on voit mal une agence publique nationale fournir ce type de service.

    Il apparaît donc que le service – calibrage in-dépendant du risque de crédit et réduction des asymétries d’informations – est non seulement nécessaire à l’essor des marchés de capitaux, mais aussi qu’il ne semble pas pouvoir être produit dans des conditions nettement supérieures pour la collectivité selon des modes radicalement différents.

    La difficile évaluation des agences

    Si elles n’existaient pas, les agences de notations devraient donc être inventées – par un entre-preneur plutôt que par un gouvernement. Cela signifie-t-il pour autant que le service rendu est « satisfaisant »?

    Cette question soulève deux débats économi-ques distincts : comment juger si les agences « font bien » leur travail ? Est-on assuré que le marché peut sanctionner les agences « défaillan-tes» compte tenu du caractère oligopolistique de ce marché ?

    Comment savoir si les agences « font bien leur travail », au-delà des procès mettant en scène toute l’assurance qu’autorise la connaissance des événements postérieurs ? Comme le rappellent souvent les agences de notation, si elles étaient parfaitement prescientes, elles n’auraient que deux types de ratings : fera défaut -- ne fera pas défaut.

    Le critère de la compétence ?

    Un calibrage du risque ordinal et probabilistique peut être prouvé utile – à défaut de pouvoir ja-mais être prouvé « vrai » – si l’on montre que sur des périodes longues la notation a clairement un contenu en information de risque supérieur à un tirage aléatoire.

    Est-ce que les notations en disent plus sur la probabilité de défaut – ou plus précisément, chez

    Moody’s, le niveau de perte probable – d’un titre obligataire qu’un tirage au sort ?

    Pour Moody’s, par exemple, qui s’appuie sur des séries statistiques très longues, des enquêtes tri-mestrielles sont publiées, attestant de la qualité du contenu en information de nos ratings – et les soumettent au jugement du public. Au cours du temps par exemple, un titre côté AAA a un risque de perte rarissime, un risque de transition faible et un risque moindre qu’un titre AA, qui lui-même a un risque moindre qu’un titre A etc..

    Autrement dit, la valeur ordinale des ratings est attestée – le travail de triage et de comparaison du risque est bien effectué en moyenne. Par ailleurs, cette échelle ordinale se voit conférer, par observation, une qualité cardinale à travers la révélation de niveaux de pertes associés aux notes ; c’est-à-dire qu’au cours du temps, à une notation donnée correspond un niveau de perte attendue d’environ x% sur y années. Cette cor-respondance dans le monde cardinal a considé-rablement aidé au développement de la finance structurée.

    Par conséquent, même si des événements ponc-tuels – dont il ne s’agit pas de minorer l’impor-tance – relancent les débats publics sur l’adé-quation des niveaux de rating, la seule mesure « réaliste » de la performance des agences – la capacité à trier les risques avec un succès statis-tique – plaide pour les agences, en tous cas celles qui ont un recul historique. C’est en effet la seule mesure « réaliste », sauf à penser que les agences ne sauraient « se tromper » sur aucun cas parti-culier – « se tromper » signifiant procéder à des changements de ratings massifs non justifiés par l’irruption imprévisible de nouveaux facteurs de risque.

    Le critère de l’indépendance ?

    Qu’en est-il du critère de l’indépendance ? Le cœur de la critique porte sur l’existence de conflits d’intérêt qui affecteraient la performan-ce des notations.

    Le problème est souvent mal posé. Y a-t-il des conflits d’intérêt ? Bien entendu. Les conflits d’intérêt sont consubstantiels à une activité dans laquelle les utilisateurs d’un produit ont des in-térêts eux-mêmes en conflit (pacifique). C’est d’ailleurs parce que des agents poursuivent des intérêts différents que le mécanisme de fixation

    des prix peut fonctionner en exploitant l’ensem-ble des informations disponibles.

    Les agences de notations sont payées par les émetteurs de dette. Cela corrompt-il leur objec-tivité ? Une telle analyse – ou plutôt un tel ré-flexe – traduit une incompréhension de la nature (certes insolite) de l’activité des agences. Les agences ne sont payées par les émetteurs de dette que parce que ceux-ci estiment que le rating sera utile aux acheteurs et vendeurs de cette dette. Si les ratings sont considérés comme résultants d’un processus analytiquement corrompu, les in-vestisseurs les ignoreront et donc les émetteurs s’en passeront….

    Par ailleurs, la solution « magique » de la tarifica-tion par les investisseurs plutôt que par les émet-teurs de dette ne résiste pas à l’analyse. Pourquoi les investisseurs seraient-ils moins enclins à exercer une influence sur les notations, alors que chaque changement de rating affecte potentielle-ment la valeur de leur portefeuille – un « upgra-ding » fera plaisir à un investisseur « long » sur un titre, mais pas un « downgrading »…

    Que signifierait alors en pratique le passage à un mode de tarification pesant sur les investis-seurs ? Il y aurait « privatisation » de la notation - ou sortie du domaine public – sauf à penser que les investisseurs seraient prêts à subvention-ner l’usage, par leurs concurrents, d’un service qu’ils auront payé. Un jour donné, les nouveaux acheteurs des ratings – achèteront-ils d’ailleurs tout le stock ou simplement le flux ? – demande-raient que l’information qu’ils paient soit retirée du domaine public ; des dizaines de milliers de notes « disparaîtraient ». Les lumières des phares s’éteindront, mais certains auront leur GPS… Il n’est pas certain que la sortie du domaine public des notations serve un intérêt de politique pu-blique évident.

    Par conséquent, la question n’est pas tant d’éli-miner les conflits d’intérêt qui sont consubstan-tiels à ce type de positionnement sur le marché de l’information financière, mais : comment les agences gèrent-elles les conflits d’intérêt ?

    De ce point de vue, il y a clairement un écart en-tre la conviction que les agences ont de leur ca-pacité à gérer ces conflits – ne serait-ce que parce qu’elles sont conscientes que leur franchise peut s’évaporer si elles faiblissent – et la perception qu’en ont certains observateurs. C’est pourquoi combler l’écart entre conviction et perception, notamment par un effort accru de transparence,

    est impératif – et certainement compris par la plupart des agences, dont Moody’s.

    Le marché fait-il le « tri » sur le marché de la notation ?

    Dans une économie de marché, la meilleure ma-nière de savoir si une entité économique (non publique) « fait son travail » convenablement est d’observer sa pérennité. Les entreprises dé-faillantes dans leur offre sont délaissées par leurs clients, les consommateurs, et réduites à disparaître par sélection naturelle. Est-ce qu’il y a des caractéristiques propres à l’industrie de la notation qui font obstacle au (nécessaire) darwi-nisme économique ?

    Les agences de notation produi-sent des standards, et chacun sait qu’un standard « accepté » est difficile à déloger. La production d’un standard accepté par le mar-ché passe par la re-connaissance d’une performance régu-lière dans sa qualité et assez longue pour être pertinente – et ne pas trop devoir à la « chance » ou à une configuration cyclique propice. Ces considérations suggè-rent un marché oligo-polistique – il l’est de fait dans une grande mesure avec trois agences im-portantes et un peu plus du double d’agences de taille et de couverture plus limitée.

    Est-ce que la nature de fait oligopolistique de ce marché altère la « sanction du marché » si l’offre de rating est jugée défaillante ? On peut en dou-ter. L’exemple des cabinets de commissaires aux comptes est illustratif : le caractère oligopolisti-que de cette industrie n’a pas empêché Arthur Andersen de disparaître à une vitesse impres-sionnante. Par ailleurs, dans le passé, des agences de rating ont subi des sorts comparables.

    Une dernière question consiste à se demander a contrario si une multiplication des acteurs ga-rantirait l’amélioration des performances en ma-tière d’évaluation du risque de crédit grâce à une intensification de la concurrence.

    Si elles n’existaient pas....les agences de notation

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    Deux thèses s’opposent à cet égard : certains es-timent qu’une concurrence plus forte aurait des vertus, sanctionnant – en les évinçant du marché – celles des agences dont la performance en ma-tière de calibrage de risque serait jugée insatis-faisante ; d’autres redoutent que la concurrence se fasse plus sur le niveau des ratings – par in-flation – que sur la qualité, laquelle n’est mesurée qu’avec un recul considérable.

    Certaines agences soutiennent officiellement la première thèse, mais une analogie avec l’indus-trie bancaire par exemple montre que la thèse opposée est également plausible. L’économie bancaire suggère que la concurrence a un effet non linéaire sur la stabilité financière : l’absence de concurrence conduit à une allocation ineffica-ce, et parfois dangereuse, du capital ; à l’inverse, une concurrence acharnée peut conduire à des conditions déraisonnables en matière d’octroi de crédit, et notamment à une insuffisante tarifica-tion du risque.

    Quand le risque de crédit devient lui-même un produit financier

    Si la fonction économique des agences de no-tation est établie et la manière dont elles rem-plissent cette fonction attestée statistiquement – pour certaines d’entre elles en tous cas – mal-gré des « trous d’air » épisodiques, les agences de notation sont confrontées à une transforma-tion considérable de l’environnement financier. Il met à l’épreuve l’adéquation entre leur offre et la demande du marché.

    Le système financier actuel se caractérise par la combinaison de cinq forces : atomisation du risque de crédit, éparpillement en raison des moyens accrus de transfert sur les marchés, ef-fet de levier, phénomènes de contagion et pro-lifération de la comptabilisation en « mark-to-market ».

    En quoi ces changements ont-ils de l’importance pour les agences de notation ? Les agences cali-brent pour l’essentiel du risque de crédit sur une base « fondamentale », c’est-à-dire en se fixant sur la capacité de l’entité émettrice de dette à l’honorer – c’est vrai autant pour les entreprises que pour l’essentiel des produits structurés.

    Or, le risque de crédit devenant une denrée mar-chande – échangée sur un marché, évaluée au prix du marché…. – les acheteurs et vendeurs sur le marché secondaire n’ont plus les mêmes

    besoins que les acheteurs/investisseurs qui en-tendent garder les titres jusqu’à échéance. Ces derniers ont besoin d’une analyse fondamentale, peu sensible aux aléas conjoncturels, et donc des ratings aussi stables que possible. Les premiers quant à eux sont intéressés au risque de marché en plus du risque de crédit, sont sensibles à l’aléa conjoncturel et au risque de contagion, sont à la recherche d’une granularité très élevée – supé-rieure aux 21 crans de Moody’s par exemple – et, d’une manière critique, sont dépendants de la liquidité du marché.

    Ce dernier élément a joué un rôle déterminant dans la crise de l’été 2007, avec notamment la présomption (fausse) qu’un titre AAA est par construction liquide. Or, un titre AAA n’est pas par construction liquide : le rating procède d’une analyse de la situation de l’entité émettrice de dette, et non d’une spéculation sur la question de savoir s’il y aura, le moment voulu, le quantum d’acheteurs et de vendeurs potentiels de cette dette sur le marché secondaire.

    Cela signifie-t-il que l’intérêt économique des ratings est paradoxalement érodé par le même phénomène qui en rend l’usage plus étendu, c’est-à-dire l’essor des marchés du crédit ?

    Probablement pas, mais l’enjeu pour les agen-ces est de répondre à un besoin du marché sans altérer la qualité première de ce que constitue un rating, c’est-à-dire un jugement « simple » et stylisé de risque de crédit, fondé sur une analyse « fondamentale ».

    Une solution pour les agences est de travailler sur les différents « moments » statistiques du risque. Le rating constitue de fait une moyenne pondérée (de l’impact mesuré en perte attendue) des scénarios économiques et financiers envisa-geables pour un émetteur donné. Les utilisateurs de ratings sont de plus en plus intéressés par le risque de migration (moments d’ordre 2), et cer-taines agences s’orientent dans cette direction, ainsi que dans l’estimation du risque de liquidité – notoirement compliqué.

    L’enjeu des prochaines années sera d’arriver à une meilleure appréhension de la volatilité des mesures de risque de crédit, sans compromettre la vertu de simplicité de la notation ni laisser croire à la capacité de mesurer précisément les phénomènes de contagion.

    les agences de notation

    Née aux États-Unis au début du 20ème siècle, la notation financière est devenue une activité essentielle au fonctionnement des marchés fi-nanciers. Dans une économie caractérisée par un financement désintermédié, les agences de no-tation permettent de pallier l’asymétrie d’infor-mation entre émetteur et souscripteur, et de ré-duire le coût de l’information en fournissant une analyse bon marché sur le risque de défaillance d’une émission (obligation d’État, d’entreprise ou de tout autre produit de dette). Cette pra-tique se révèle également utile pour toutes les personnes amenées à signer des contrats avec la société en question (fournisseurs, clients, em-ployés), et donc intéressées par des informations sur sa santé financière.

    Les agences on été promues au rang de vecteur clé de la sécurisation du marché par la réglemen-tation américaine depuis une trentaine d’années à l’instar de la création du statut de NRSRO*.

    Plusieurs facteurs expliquent la montée en puis-sance du secteur.

    Le développement de la gestion d’actifs : les •actifs de plus en plus gigantesques amassés

    par les fonds d’investissement sont investis en grande partie en obligations corporate alors qu’elles l’étaient majoritairement en obligations d’État il y a vingt ans.

    Suivant le même mouvement que les inves-•tissements productifs, les investissements financiers s’internationalisent, allant cher-cher en Asie des relais de croissance et des opportunités de placement qui resteraient inexploitables sans un standard de notation permettant une comparaison des risques.

    L’externalisation de l’analyse financière • sell side, suite aux affaires mettant en cause l’in-dépendance des analystes employés au sein des banques d’affaires du fait des conflits d’intérêts avec les activités de conseil et de financement des entreprises (cf. Affaire Morgan Stanley contre LVMH). Les ban-ques étant contraintes depuis 1999 (régu-lation FD) de n’utiliser que l’information publique, leur avantage compétitif tiré des relations entretenues avec les entreprises a disparu au profit des analystes indépendants ou des agences de notation.

    Les agences de notations se sont peu à peu imposées comme des acteurs incontournables des marchés financiers dont le bon fonctionnement repose de plus en plus sur les services qu’elles fournissent. Devenues de quasi opérateurs de “services publics”, tout en conservant des activités extrêmement lucratives dans un marché très fermé, elles se trouvent dans des situations ou leur indépendance autant que leur impartialité peuvent être mises en question. Cette situation intriquée est un des éléments à garder à l’esprit pour comprendre la complexité et les ressorts des débats en cours.

    Les agences de notation financière :

    Des structures essentielles au fonctionnement des marchés financiersEmmanuel Léonard (2007)

    2

    Des structures essentielles au fonctionnement des marchés financiers

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    Le développement de la titrisation et l’appa-•rition de la titrisation synthétique (*) amè-nent les agences à répondre à de nouvelles demandes de notation grâce à des méthodes reposant principalement sur la modélisation statistique.

    La sophistication stratégique, juridique et •fiscale croissante d’entreprises qui évoluent dans un cadre mondial rend le travail des analystes de la notation de plus en plus in-dispensable aux marchés. Un service qui ne peut être fourni que par des structures de taille internationale.

    Une activité très lucrative

    Conséquence de la position dominante occupée par les trois grands, ceux-ci captent une impor-tante rente associée. Moody’s, seule société co-tée, affiche ainsi un rapport résultat net sur actifs de l’ordre de 40% entre 1995 et 2005. Malgré la crise financière actuelle, on estime que le secteur connaîtra dans les années à venir une croissance à deux chiffres.

    Ce marché porteur est convoité par de nom-breuses sociétés qui évoluent dans le secteur de l’évaluation des risques sans pour autant tra-

    vailler comme des agences de notation. N’ayant accès qu’aux informations publiques et étant rémunérées par les utilisateurs -contrairement aux grandes agences- elles offrent des services spécialisés allant de l’analyse financière classique (Egan-Jones Ratings, qui s’est vu refuser le titre de NRSRO par la SEC* en 1998) au calcul de risques à destination des institutions financières (RiskMetrics). La différence fondamentale entre l’analyse de ces sociétés et celle des agences de notation réside dans le fait que les premières ne prennent en compte que les risques quantifia-bles, tandis que les dernières combinent analyse quantitative et qualitative.

    Or l’approche combinée qu’utilisent les agences de notation conduit en pratique à la marginali-sation des critères quantitatifs par le jugement qualitatif. Une firme comme RiskMetrics a une approche de marché, non axée sur les fonda-mentaux, elle ne prétend pas au titre de NRSRO et ne publie les résultats de ses analyses qu’à la demande de ses clients, qui les utilisent souvent pour étayer leur argumentaire auprès des agen-ces de notation.

    Un oligopole producteur d’un bien public

    C’est la nature même du marché de la notation qui semble être la principale cause de la situa-tion oligopolistique. Ce marché est très segmen-té tant par type de produit, par entreprise que géographiquement.

    Une offre concentrée : les données du ta-•bleau nous donnent un indice de Herfindal de 0.35 (avec 0 pour une offre atomisée et 1 pour un monopole), ce qui fait penser à pre-mière vue à une situation de relative concur-rence. Or, si on isole chaque segment de marché, on constate qu’il est généralement dominé non pas par trois agences, mais par une seule. C’est une tendance classique des firmes à rechercher une différenciation pour éviter la concurrence frontale (S&P dans le secteur des assurances par exemple).

    Une demande atomisée : si l’offre est re-•lativement concentrée, elle s’adresse à une demande beaucoup plus dispersée consti-tuée de milliers d’émetteurs, ce qui a pour effet de déplacer le pouvoir de marché vers le producteur (les agences). La demande di-recte émane des émetteurs mais elle est el-le-même le reflet de la demande indirecte : celle des utilisateurs.

    Une interdépendance des oligopoleurs : •comme la demande de notation se réduit généralement à deux notes par titre, la place de chaque agence dépend directement de celle prise par ses concurrents.

    Ces trois éléments caractérisent ce que la théorie qualifie d’oligopole. Mais le secteur a une par-ticularité supplémentaire : les oligopoleurs pro-duisent en effet un bien à caractère public pour les investisseurs, et privé pour les émetteurs.

    Il relève de l’intérêt général que les marchés financiers fonctionnent de manière efficiente. L’information financière délivrée par les agences est donc devenue au fil des années et des règles prudentielles un bien public, alors que l’activité relève à l’origine d’un phénomène d’autorégula-tion du marché. J. Macey va jusqu’à qualifier les agences d’« entités quasi-gouvernementales ». La rente dont bénéficient les agences NRSRO serait alors une subvention implicite de la part de l’État en échange de ce service ; il est donc tout à fait légitime de leur imposer une régulation contraignante. En tant que gage de crédibilité pour les émetteurs, les notes sont en revanche un bien privé. Or la demande directe émane des émetteurs qui se contentent généralement de deux notes, le marché est donc relativement li-mité malgré la demande importante manifestée par les investisseurs dont l’intérêt est de maximi-ser le nombre de sources d’information.

    On peut donc supposer que le comportement ta-rifaire des concurrents influence celui d’une firme donnée, comme dans un duopole à la Cournot. La concurrence est clairement une concurrence sur les prix (à la Bertrand) entre S&P et Moo-dy’s si on considère que le bien est homogène (la crédibilité de la note est la même). Entre l’une des deux grandes et Fitch, la concurrence se situe aussi au niveau du prix puisque cette dernière attire les clients par ses tarifs moins élevés, qui compensent le déficit de notoriété de cette der-nière. L’existence de comportements de cartels comme une entente sur les prix n’est pas avérée mais elle est probable. De manière générale on considère que sa probabilité croît avec la quan-tité d’information partagée par les firmes avec leurs concurrents. Or celle-ci est relativement importante, car les méthodologies de notations, les notes, les rapports de notations sont publics ou semi-publics (accessibles moyennant le paie-ment de frais raisonnables).

    Autre originalité de ce secteur, les utilisateurs principaux de la notation ne sont pas les clients

    Agence ▼ Taille / couverture

    Part de marché estimée

    Date d’entrée

    sur le marché

    Domaine phare CA 2006* Actionnariat

    S&P6300 employés dans 20 pays

    45 % 1922services annexes

    à la notation~2400

    McGraw-hill companies

    (cotée)

    Moody’s2900 employés dans 22 pays

    35 % 1909 - 2037 société cotée

    Fitch Ratings2000 employés,

    50 bureaux15 % 1924

    financement de projets

    1050 fimalac (cotée)

    DBRS170 analystes, 250 employés

    < 2 % 1976financements

    structurés- privé

    AM Best400 employés

    aux usa, ru et à hK3 % 1899

    assurance et réassurance

    ~160 privé

    JCR 90 employés à tokyo < 1 % 1985secteur public et

    parapublic- privé

    R&I tokyo, nY et hK - 1975financements

    structurés- privé

    RiskMetrics400 employés

    dans 19 bureaux- 1988

    Gestion interne des risques

    - privé

    Egan Jones Ratings

    13 employés, 400 souscripteurs

    - 1992 analyse actions ~3,2 privé

    NRSRO - * en millions de $

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    des agences. En effet, pour un émetteur, S&P et Moody’s sont incontournables. Ces dernières ar-gumentent qu’il est dans leur intérêt de rendre le financement obligataire compétitif par rapport aux autres modes de financement, elles considè-rent en quelque sorte être en compétition avec les autres prestataires de financement. Mais cet effet est probablement marginal car on peut consta-ter historiquement une faible élasticité prix de la demande. En revanche l’utilisateur principal, à savoir l’investisseur, dispose de nombreuses sources d’analyse financière concurrentes des agences. Dès lors il est naturellement plus facile pour les agences de faire peser le coût de la no-tation sur l’émetteur plutôt que sur l’investisseur. Le rapport de force est clairement en faveur des agences, ce qui leur permet de négocier des tarifs élevés avec les émetteurs. De manière générale, comme dans toute négociation, plus l’émetteur est petit et plus la notation lui sera coûteuse rap-portée à la taille de l’émission.

    Cette situation installe enfin une divergence d’intérêts entre le court et le long terme au sein des agences de notation. D’un côté, elles sont incitées à préserver leur capital de notoriété en publiant des notes objectives, tandis que de l’autre elles sont tentées de négocier de « bonnes notes » avec l’émetteur qui les rémunère. La ban-que Drexel Burnham, créatrice et animatrice du marché des junk bonds, a cherché à démontrer en 1987 que les agences étaient excessivement sévè-res lors des premières émissions d’une entreprise (généralement jeune). En effet elles ont beau-coup à perdre en accordant une note favorable et peu à accorder une note basse. Il existerait selon cette thèse un biais au détriment des nouveaux émetteurs. Le modèle de tarification actuel a succédé à un modèle de financement indirect de l’utilisateur par le paiement du produit support : naguère, les agences se rémunéraient sur la vente des manuels contenant les notes.

    Des obstacles quasiment insurmontables pour un nouvel entrant

    Les barrières à l’entrée du marché de la notation sont de deux ordres : réglementaire et naturel (les coûts fixes sont largement supérieurs aux coûts variables, les clients-émetteurs ont intérêt à faire appel aux services d’un minimum d’agen-ces). Les principaux obstacles naturels sont les suivants :

    Le niveau élevé de l’investissement initial •requis pour couvrir l’étendue des produits et

    des firmes suivies et asseoir le rayon d’action géographique de l’agence.

    Les difficultés d’accès aux informations •confidentielles sur l’émetteur

    Les conflits d’intérêt spécifiques au nouvel •entrant qui connaît une plus grande vulné-rabilité aux pressions des émetteurs-clients (cas de Fitch, Do bond issuers shop for a better credit rating? T. Mählmann).

    L’absence d’historique de notation pour •évaluer les performances : selon les utilisa-teurs il faudrait attendre deux cycles écono-miques pour pouvoir évaluer les performan-ces d’une agence.

    Les comportements des firmes en place, •principalement le notching(*) et la notation non sollicitée(*).

    Un rôle prudentiel confié aux agences par la réglementation

    C’est à la suite des crises bancaires des années 30 (qui ont conduit à la création de la SEC) que les autorités de contrôle ont imposé aux banques de distinguer dans leur portefeuille les investment bonds des speculative bonds et de provisionner par-tiellement ces dernières. La note attribuée par les agences de notation était alors retenue comme critère de distinction entre les deux catégories d’obligations (le seuil étant BBB sur l’échelle de S&P). Cette contrainte a peu à peu évolué. À la demande des banques, le concept de NRSRO a été inventé en 1975 par la SEC afin de clarifier la notion juridique d’« agences reconnues par la SEC » présente dans la législation. Une fois ce concept créé, il a été utilisé dans de nombreux textes réglementaires, aussi bien aux États-Unis que dans d’autres pays. Un rôle prudentiel crois-sant a été progressivement confié aux agences ainsi reconnues. L’illustration la plus flagrante à l’échelle internationale étant la pondération dans l’évaluation de l’actif des banques et des compa-gnies d’assurance pour le calcul de leur capital réglementaires dans le cadre de Bâle II et Sol-vabilité II. Le cadre fixé par les États américains pour encadrer l’investissement public (des fonds de pension notamment) et les subventions fé-dérales fait aussi largement appel à la notation privée. Au total, la SEC a accrédité onze agences depuis 1975, mais la vague de consolidation qu’a connue le secteur de la notation a ramené leur nombre à trois seulement au début des années 2000. Les autres acteurs du secteur jouent un

    De bonnes performances historiques, … en général

    Pour juger de la capacité des agences à assumer leur responsabilité en toute indépendance et de manière efficace, on peut tenter d’évaluer ex post les performances des agences de notation à la lumière de leurs objectifs, qui sont détaillés ici.

    • La stabilité des notes. L’objectif des agences étant de procurer un classement exact en termes relatifs du risque de crédit à un moment donné, sans référence à un horizon temporel particulier, les analystes sont censés faire abstraction des effets de conjoncture (« to rate through the cycle »). cette stabilité semble se vérifier empiriquement (amato et furfine, bri 2003), malgré certaines disparités. La volatilité des notes augmente quand on se rapproche du bas de l’échelle, et elle est plus importante en période de récession qu’en période d’expansion. on constate un nombre d’abaissements de notes très largement supérieur aux relèvements, quatre fois plus en moyenne, avec des fortes disparités d’un secteur à l’autre. on peut détailler la fréquence des changements de note d’une catégorie à l’autre en représentant une matrice de transition (fig.1).

    fig.1 taux moyen de transition des notes corpo-

    rate d’une année sur l’autre (verticalement :

    notes de départ, horizontalement notes d’arri-

    vée), période 1990-2005 fitch ratings.

    rôle marginal, puisque les NRSRO représentent 98% du marché américain de la notation de cré-dit, alors qu’environ 150 agences sont recensées dans le monde par la BRI*. La plupart adoptent une stratégie de niche.

    Un processus de notation bien défini et segmenté

    La collecte des données est un des avantages compétitifs des agences par rapport aux autres acteurs du secteur financier. Celles-ci ont accès à des informations confidentielles sur l’entité émettrice et effectuent par ailleurs un travail permanent d’études économiques sectorielles de grande qualité destinées à connaître l’environne-ment des entreprises notées. Les sources d’in-formation, l’échelle de notation, les définitions, les paramètres, les modalités de communication de la note et la périodicité de sa révision peuvent changer selon le secteur économique, géographi-que ou le type d’émission. Les critères tant quali-tatifs que quantitatifs visent à étudier la capacité de l’entreprise à créer des avantages compétitifs à long terme.

    Si les méthodologies des agences sont considé-rées comme relativement transparentes par les entreprises, cette transparence ne vaut que pour l’analyse quantitative. Ces dernières disposent d’un droit d’appel permettant de contester une note avant sa publication. En outre, à l’exclu-sion des notes des entités phares (grands États, grandes multinationales), l’information n’est pas si publique que la théorie le voudrait. Certes, les notes actuelles sont publiées sur internet et par les agences d’information financière, mais les rapports détaillés et les historiques des notes sont payants tout comme la multitude de servi-ces d’aide à l’interprétation comme les données de taux de défauts historiques. En parallèle, les trois grandes fournissent des prestations de no-tation privée -qui représentent environ 5% de leur chiffre d’affaires- réservées à un usage in-terne de l’émetteur ou pour les besoins de place-ments privés auprès d’investisseurs, comme lors d’une syndication de dette LBO. Dans tous les cas, c’est l’émetteur qui prend en charge le coût de la notation qui varie entre 1 et 4 points de base du montant de l’émission selon sa taille et sa complexité.

    Lexique

    Titrisation synthetique : Elle permet aux institutions financières comme les assureurs de transférer certains risques -généralement la dérive du ratio de sinistralité au-delà d’un certain seuil d’un portefeuille de risque de masse, caractérisé par une fréquence élevée et une faible volatilité au marché, tout en gardant les créances correspon-dantes dans leur bilan, contrairement à la titrisation classique. Ces opéra-tions permettent ainsi de réduire la vo-latilité du bilan et les besoins en fonds propres prudentiels dans le cadre de la nouvelle régulation Solvabilité II.

    Notching : décote systématique appli-quée aux notes d’agences concur-rentes lors de leur utilisation pour la notation d’un produit dérivé dont les sous-jacents n’ont pas été notés par l’agence. S&P et Moody’s l’appliquent par « prudence » aux notes de Fitch en considérant que cette dernière sur-no-te les émissions pour attirer les clients. Une pratique à double tranchant car elle peut biaiser leurs estimations. Ceci oblige les émetteurs qui ne veulent pas voir leur produit pénalisé via les finan-cements structurés à le faire noter en priorité par S&P et Moody’s, et incite les petites agences à se développer sur les financements structurés plutôt que sur les émissions simples. Le fait que les deux grandes agences choisissent de le pratiquer systématiquement sans que cela n’entame leur réputation est une illustration parfaite de la subjecti-vité de la notation, de sa composante auto-réalisatrice et de l’impossibilité d’en contester les résultats au cas par cas.

    Notation non sollicitée : souvent pratiquée par Moody’s et parfois par S&P, elle consiste à noter, sur la base des informations publiques, une émission alors que l’émetteur n’a pas sollicité les services de l’agence.

    S&P et Moody’s justifient le notching et la notation non sollicitée comme des pratiques répondant aux obligations qu’elles ont envers le marché (un « service minimum »).

    Notes : NRSRO : Nationally Recogni-zed Statistical Rating OrganiZation

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    La réforme dite « Bâle II » demande aux ban-ques de mettre en place un système de gestion, de mesure et de consolidation des risques de crédit permettant de calculer leurs exigences en fonds propres en fonction du risque intrinsèque de leurs clients. En lieu et place d’une appro-che forfaitaire – c’est-à-dire sans différenciation fine du risque – issue du calcul du ratio Cooke, en vigueur jusqu’à ce jour, à chaque engagement porté par la banque doit dorénavant être affectée une exigence en fonds propres plus précise, parce que directement reliée à la solvabilité du client. Celle-ci doit être appréciée par des méthodes rigoureuses, éprouvées par la banque et homo-loguées, en France, par la Commission bancaire. Le texte qui régit cette réforme en France, issu de la réglementation bâloise puis de son inter-prétation européenne, est un arrêté daté du 20 février 2007 qui, entre autres, entérine très net-tement le rôle des agences de notation dans les outils d’appréciation du risque dont peuvent se munir les banques.

    La réforme de Bâle II propose en effet trois ap-proches distinctes pour mesurer le risque de cré-dit intrinsèque des clients :

    L’approche Standard, qui est schématique-•ment une amélioration de l’approche Cooke procédant par différenciation du risque grâ-ce aux notations dites « externes », fournies par les agences de notation ;

    L’approche Notations Internes Fondation, •pour laquelle la banque doit construire des modèles internes de notation de ses clients et estimer les probabilités de défaut à un an (PD) correspondantes ;

    L’approche Notations Internes Avancée, ap-•profondissement de la méthode Fondation demandant principalement une estimation complémentaire des taux de perte en cas de défaut (Loss Given default, LGD).

    Les notes : benchmark utiles à l’appréciation des risques bancaires

    L’information fournie par les agences de notation peut donc être utilisée de plusieurs manières.

    La réforme dite « Bâle II » entérine le rôle des agences de notation dans la régulation du secteur bancaire via les outils d’appréciation du risque qu’elles fournissent aux banques.

    Les apports des agences de notation dans la réforme du ratio de solvabilité des banquesPierre Georges (1996), Directeur des Risques Adjoint du Crédit Foncier de France,Etienne Marot (2000), Responsable des méthodologies de risque de crédit à la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne

    3cette stabilité vise à limiter les réallocations d’actifs -dues entre autres aux seuils prudentiels- qui perturbent le marché. Les principes d’élaboration des notes peuvent conduire à une certaine déconnexion entre celles-ci et les dynamiques de marché :

    - leur comportement a une forte composante auto-réalisatrice,- le système ne permet pas aux agences de réaliser une dégradation progressive de note,- il est difficile de contester un écart de notation réduit.

    • La notation juste avant le défaut. il faut garder à l’esprit que ce n’est que lorsque les agences se trompent lourdement que l’on détecte leurs erreurs. Les cas d’erreur grave de notation sont nombreux (Worldcom, new York city, orange county, etc). a en croire les statistiques publiées par les agences, le rating avant défaut serait en baisse, ce qui signifie qu’elles anticiperaient mieux les faillites (fig.2).

    • La comparabilité des taux de défaut des titres ayant la même note a progressé depuis une vingtaine d’années, les agences cherchant à assurer l’universalité de la notation d’un segment de marché à l’autre. Les taux de défauts par compartiment de l’échelle doivent ainsi respecter :

    - une progressi-vité suivant l’échelle (progression expo-nentielle des défauts avec la baisse de la note, fig.3),

    - une évolution suivant les variations du cycle économique (fig.4).

    Les apports des agences de notation...les agences de notation

    fig.2 ratings moyens et médians avant défaut, 1983-2006, Moody’s.

    fig.3 taux de défaut coporate cumulés sur cinq années, moyenne 1990-2005 fitch ratings.

    fig.4 evolution des taux de défaut par catégorie de note entre 1920 et 2005, Moody’s.

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    Pour les banques qui retiennent l’approche stan-dard sur un ou plusieurs de leurs portefeuilles, les notes fournies par les agences de notation constituent le principal axe de discrimination du risque de crédit des clients. Le calcul des emplois pondérés (c’est-à-dire des encours pondérés par leur risque) est dans ce cas assez simple : la note fournie par l’agence donne par correspondance un facteur de pondération des encours, et même s’il convient de s’assurer que la note est récente, et différencier le calcul par type de produit dé-tenu par le client, les implications quantitatives restent assez simples. Pas de validation, pas de test spécifique, mais une simple historisation des données achetées aux agences : l’approche standard, qui est en théorie la moins incitative en termes de fonds propres, reste de loin la plus simple à mettre en œuvre.

    Il existe naturellement des garde-fous à l’utilisa-tion des informations fournies par les agences de notation. Les contraintes fixées par le régulateur sur les banques pour la mise en œuvre de Bâle II sont nombreuses, et il e