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Les CFO et les DRH, c’est un peu comme chiens et chats: ils parlent rarement le même langage. Et parfois
s’égratignent. Etat des lieux de la relation et pistes pour la rendre plus harmonieuse.
CFO meet HRMDossier
>EN PRATIQUESOMMAIRE
N°51 - NOVEMBRE 2011
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°51 - NOVEMBRE 2011
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Finance et HR: l’heure de fair
L e malaise entre les deux fonctions est loin d’être
neuf. Le pavé jeté dans la mare par Richard Beat-
ty, lors d’une conférence devant un parterre de
300 directeurs fi nanciers, à Orlando, aux Etats-
Unis, l’illustre à merveille. Ses propos ont été rapportés par nos
confrères de CFO.com, sous l’intitulé Memo to CFOs: Don’t Trust
HR! Ce professeur en GRH de la Rutgers University, auteur de
The Differentiated Workforce et co-auteur, avec Dave Ulrich, du
fameux The Workforce Scorecard (Tableaux de bord sociaux) n’y
allait pas par quatre chemins dans la remise en cause de plu-
sieurs préceptes chers à la profession RH.
Jugez-en plutôt. La satisfaction du personnel? « Les RH la
jugent critique, mais il n’existe aucune preuve que l’engage-
ment des collaborateurs impacte les résultats fi nanciers. »
La gestion des performances? « Les RH passent bien trop de
temps à défendre et à essayer de développer les moins perfor-
mants », critique le professeur, études à l’appui. Une enquête
sur la performance de 4.500 collaborateurs du service à la
clientèle d’une institution fi nancière montre ainsi que le der-
nier quartile a délivré un impact négatif net de 2% auprès des
clients avec lesquels ils ont parlé. « Il aurait donc mieux valu
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS
Les directeurs fi nanciers et les directeurs des ressources humaines, c’est un peu comme chiens et chats. Si les patrons de ces deux domaines partagent un même objectif – être partenaires du business pour amener l’entreprise vers la réussite –, ils parlent rarement le même langage. Et parfois s’égratignent. Etat des lieux de la relation et pistes pour la rendre plus harmonieuse.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE ET FLORENCE THIBAUT
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21re la paixles payer pour ne pas venir travailler. Ou mieux: les payer pour
travailler à la concurrence. »
On continue? Se positionner en tant qu’Employer of Choice?
« Une idée typiquement RH! Si vous l’êtes, qui va postuler chez
vous? Tout le monde et n’importe qui! Or, vous voulez des gens
performants, enthousiastes, qui vont contribuer au succès
de votre entreprise. Pas des gens qui veulent un bon job dans
une bonne boîte pour s’y cacher », lance Richard Beatty. Qui
va jusqu’à prêcher de faire appel à un profi l en-dehors du
département RH pour gérer les talents stratégiques, en citant
l’exemple de ce groupe US qui a ‘by-passé’ la fonction RH dans
un certain nombre de domaines de son core business, dont le
Talent Management. Et c’est bien là une tendance: de plus en
plus d’entreprises, y compris chez nous, font appel à des non-
RH pour exercer la fonction.
IMPACT SUR LES RÉSULTATS C’est en effet peu dire que bon nombre des sujets de prédilection
qui occupent la fonction RH échappent quelque peu à l’enten-
dement des collègues de la fi nance, à commencer par la « ges-
tion des compétences » qui peut vite se transformer en usine
à gaz! A l’inverse, le CFO ne peut qu’observer à quel point son
collègue des RH est souvent démuni, ou au mieux assez pauvre-
ment équipé, dès lors qu’on parle business, stratégie, création
de valeur, indicateurs de performance ou return on investment…
Le grand gourou des RH le reconnaît lui-même: « Trop sou-
vent, en RH, nous mesurons ce qui est facile plutôt que ce qui
devrait être mesuré, souligne Dave Ulrich, en avant-propos
d’une de ses ‘bibles’, The Workforce Scorecard: Managing Hu-
man Capital to Execute Strategy de Mark Huselid, Brian Bec-
ker et… Richard Beatty (Harvard Business School Press). Nous
comptabilisons le nombre de jours qu’un manager passe en
formation, le coût de celle-ci, ou l’indice de satisfaction de la
formation parce que ce sont des mesures relativement faciles à
suivre, et non parce qu’elles mesurent ce qui est le plus impor-
tant. Or, ce n’est pas l’activité qui compte, mais son impact sur
les résultats de l’organisation. »
Soyons de bon ton: le regard désabusé sur les professionnels
RH ne provient pas uniquement du financier. Voici quelques
années déjà, un article intitulé Why we hate HR est paru
dans un magazine américain et a fait grand bruit. Les pro-
fessionnels RH se sont sentis agressés. Mais le constat
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n’était pas neutre. « On peut avoir l’impression que les RH
et les collaborateurs ne vivent plus dans la même entreprise,
traduit François Geuze, co-directeur du Master en Mana-
gement des Ressources Humaines à l’Université de Lille 1.
Et il est évident que la fonction RH et les autres fonctions
conçoivent aussi parfois l’entreprise différemment. Il y a donc
un énorme chantier pédagogique et de communication à ini-
tier, dans les deux sens… »
TANDEM… À TROIS Dans les deux sens, assurément, car le regard que peut porter
le DRH sur ses collègues de la fi nance n’est pas moins acerbe,
voire teinté d’une certaine jalousie. Tant le DRH que le CFO
vous diront souvent former un « tandem » avec le CEO… mais
il ne faut pas être grand génie pour savoir qu’un tandem ne
compte que deux places. Et c’est plus souvent le DRH qui fi nit
sur le bord de la route à courir derrière les deux autres qui pé-
dalent avec vigueur et énergie. C’est une réalité aujourd’hui:
l’entreprise est pilotée par la fi nance, même si l’on se gausse
par ailleurs volontiers sur un « facteur humain, première
richesse de l’entreprise ». Le CFO jouit donc d’une légitimité
naturelle dont ne dispose pas le DRH, encore d’ailleurs absent
de nombreux comités de direction.
Mais il en va bien au-delà d’une question d’ego. Les DRH ne
sont pas des enfants de chœur et savent bien qu’on ne fera
pas une gestion de l’humain ambitieuse si l’économique ne
suit pas. Mais tout de même: la fonction RH se sent de plus
en plus limitée par des contraintes que lui impose le fi nan-
FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS FISCALITÉ DOSSIER
Pour François Pichaut, professeur à HEC-Ecole de Gestion de
l’Université de Liège, le duo CFO/DRH est plutôt à inscrire
dans un triangle: CEO, CFO, DRH. Après une période d’un
certain enthousiasme, le DRH semble toutefois avoir du mal
à imposer sa place comme décideur stratégique à l’instar du
CFO. Et la crise n’a pas aidé cette fonction, rarement repré-
sentée au niveau du conseil d’administration, voire même
encore absente de nombreux comités de direction, à redo-
rer son blason. Selon les secteurs et les types d’industrie, sa
position et son infl uence peuvent être très différentes. En
période de crise, les réductions budgétaires imposées per-
mettent moins de formation et limitent les engagements
de nouveaux collaborateurs. Le profi l du DRH peut ainsi
apparaître secondaire et s’assimile alors souvent à celui de
pacifi cateur social.
« Après une période euphorique, la figure du DRH a vu son
influence diminuer dans le champs des décisions straté-
giques, confirme François Pichault. Il est plutôt en position
de retrait par rapport au couple CEO-CFO. Son manque de
représentation dans les comités de direction au détriment
du CFO en est une bonne illustration. Plusieurs enquêtes
américaines récentes démontrent qu’il y a très peu de DRH
qui ont atteint une position de Business Partner. Dans le
cadre belge, on lui demande plus souvent de ‘fabriquer’ de
la paix sociale, plutôt que de produire de la valeur. Dans
les grands groupes internationaux implantés en Belgique,
le DRH est bien souvent le ‘Belge’ de service qui doit s’oc-
cuper des relations avec les syndicats et de suivre la régle-
mentation sociale. A lui de s’y retrouver dans la complexité
institutionnelle. On lui réserve donc plutôt le rôle d’expert
administratif et de champion des employés dans la typo-
logie d’Ulrich. C’est une tendance générale que je constate,
surtout dans le secteur privé. Je pense qu’elle va continuer
dans les années à venir… »
« TRÈS PEU DE DRH SONT DANS UNE POSITION DE BUSINESS PARTNER »
François Pichault: « Après une période euphorique, la fi gure du DRH a vu son infl uence diminuer dans le champs des décisions stratégiques. »
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cier. On a ainsi vu se multiplier les exigences en termes de
contrôle de gestion, de reporting, de tableaux de bord: autant
de pratiques réellement chronophages et dont la valeur ajou-
tée n’apparaît pas toujours lisiblement, quand on ne les dit
pas tout simplement carrément contre-productives. Résultat:
« Les DRH se sentent encadrés, observés, limités dans leur créa-
tivité, pointe François Geuze. Tout le temps qu’ils consacrent à
faire face à toutes ces contraintes ne peut être utilisé dans une
logique de valeur ajoutée. »
Une gestion intérieure de l’entreprise sur le modèle d’un
‘quasi marché’ se généralise de plus en plus, un modèle
dual entre un centre et des business units, appuie Jean-
Claude Thoenig, directeur de recherche au CNRS affecté
à l’Université Paris-Dauphine et ancien professeur à l’IN-
SEAD. « Il y a aussi la montée en puissance d’un phénomène
consistant à mettre toute l’attention sur la performance et
sur la réduction des coûts – la crise n’a bien entendu rien
arrangé à l’affaire! Que ce soit au directeur de BU, au chef
de la production ou à l’agent de maîtrise, on ne parle plus
que de court terme, des résultats du trimestre. La tyrannie
du cours de Bourse et le culte de la performance sont élevés
au rang de vaches sacrées. » Or, il s’agit d’une perspective
« court terme » qui se marie mal avec les enjeux humains,
par nature plus axés vers la durée.
UN LANGAGE COMMUN Voilà pour l’état des lieux. Mais comment (re)nouer un (meil-
leur) dialogue entre fi nance et RH? Comment installer les
bases d’une paix durable entre « chien » et « chat », essen-
tielle si l’on veut contribuer au mieux à créer de la valeur
dans un environnement business de plus en plus instable et
volatile? La question sera au cœur du séminaire d’une demi-
journée organisé par Finance Management et Peoplesphere,
dans les murs de la FEB, ce 15 novembre, avec le soutien de
Mercer et de SAP.
Sans préjuger du résultat des débats, une piste à explorer
porte assurément sur la nécessité de développer un langage
commun. Ainsi, il sera judicieux pour le DRH de ne laisser
échapper aucune opportunité de renforcer son orientation
business et d’apprendre à maîtriser la fi nance pour non fi -
nanciers. C’est une évidence pour le directeur fi nancier, mais
pas encore forcément pour tous dans l’entreprise: la culture
fi nancière est devenue nécessaire à tous les niveaux. On de-
mande aux gens, qu’ils soient actifs en RH, en R&D, au mar-
keting ou en production, plus de prise en compte des aspects
fi nanciers dans leurs décisions. A ce niveau, le CFO a un rôle
à jouer: pour apprendre une langue, il faut la pratiquer. Au
fi nancier d’ouvrir de telles « tables de conversation », des es-
paces d’apprentissage de ce langage spécifi que.
Autre champ d’action: celui des indicateurs. « Meten is we-
ten », dit-on ainsi en néerlandais: Mesurer, c’est savoir! Or,
une des principales raisons expliquant le décalage entre le
discours sur le positionnement stratégique de la fonction
RH et les réalités observées sur le terrain tient à la diffi culté
qu’ont les DRH à mesurer l’impact de leurs politiques et pra-
tiques. Là encore, le CFO peut venir en soutien de son DRH
pour l’outiller, l’aider à chiffrer, mesurer, rationaliser ses poli-
tiques RH afi n de mieux les calquer sur la stratégie de l’entre-
prise et avoir un impact plus direct sur sa réalisation.
SORTIR DE SA TOUR D’IVOIRE A l’inverse, le DRH devra veiller à sensibiliser son CFO à la
valeur d’une approche orientée « people », mais en mobili-
sant d’abord des sujets susceptibles de lui parler. Oublions
dans un premier temps la gestion des compétences, le bien-
être au travail ou la responsabilité sociétale de l’entreprise.
Mieux vaut y revenir par après, une fois que la confiance
est gagnée! Par contre, peu de CFO se refuseront à nouer
la collaboration sur des sujets tels que l’optimisation de la
masse salariale, l’accroissement de la productivité ou la ges-
tion des performances. D’autre part, le CFO est également
manager de son équipe et son DRH pourra judicieusement
l’appuyer en termes de management et de développement
de son propre leadership.
Autre piste fort intéressante, celle développée chez ING,
comme en témoigne Nicolas Rasson, aujourd’hui Head of
HR pour la banque à Luxembourg. Un Steering Committee
‘HR-finance’ a été créé, avec des réunions mensuelles pour
améliorer la compréhension mutuelle des deux logiques et
de leurs besoins respectifs. « Il est aussi utile de disposer d’un
profil disposant de compétences financières dans le départe-
ment RH pour intervenir en tant que SPOC (single point of
contact), et de se mettre d’accord sur des outils de reporting
pour assurer le suivi adéquat », ajoute-t-il. Un profil orienté
RH peut, de la même façon, jouer un rôle comparable au sein
de l’équipe finance.
Une certitude: le CFO moderne a tout à gagner à sortir
le nez du département financier. C’est d’ailleurs une ten-
dance à l’œuvre, mise en évidence par une enquête récente
menée par Robert Half auprès de 1.400 CFO: quelque 27%
d’entre eux ont déclaré avoir été davantage impliqués dans
les opérations au cours des trois dernières années, là où
19% évoquent un rôle accru en matières RH. La crise – et la
nécessité de gérer des restructurations – n’est pas étran-
gère à cette évolution, mais celle-ci s’explique également
par l’importance que prend la gestion du capital humain
au top des entreprises et jusqu’au sein de certains conseils
d’administration…
« La tyrannie du cours de Bourse et le culte de la performance sont élevés au rang de vaches sacrées. »
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I ngénieur commercial sorti de Solvay, Francis Denis a
débuté son parcours comme acheteur chez Exxon Che-
micals, avant de prendre le train de la fi nance chez Eli
Lilly dans une fonction de contrôleur de gestion, en tant
que Finance Planning Manager sur le Benelux. Se reconnaissant
un peu atypique, il n’hésite pas ensuite à endosser le costume de
délégué médical sur le terrain: « Cette industrie étant très parti-
culière, il m’est apparu intéressant d’évoluer dans ce rôle, confi e-t-
il. Je n’ai pas du tout aimé, mais c’était essentiel pour acquérir une
crédibilité envers mes futurs collègues. »
L’étape suivante le mène aux études de marché et à la pla-
nifi cation des nouveaux produits, ce qui lui ouvre les portes
du comité de direction de Lilly Belgique au niveau Pharma.
Ensuite, il part au Royaume-Uni pour y diriger l’audit interne
européen sur le terrain. S’ouvre ensuite une opportunité au
Portugal en tant que Finance Manager, puis celle de prendre
la direction fi nancière du centre de R&D à Mont-Saint-Gui-
bert, acheté à Searle. Au fi l du temps, sa fonction évolue
pour inclure la coordination fi nancière de la recherche euro-
péenne, soit quatre centres de recherche plus les activités de
R&D dans les différentes fi liales. Au total, un périmètre de
près de 1.800 personnes.
Dans cette fonction de directeur financier de Lilly Research
Laboratories Europe, il touche déjà à certains aspects de la
fonction RH, notamment en tant que président du comité
de sécurité et santé, ainsi que comme vice-président du
conseil d’entreprise. En 2001, Francis Denis rejoint le niveau
groupe à un moment où Eli Lilly décide de tester la créa-
tion d’un modèle unique, à savoir une entité virtuelle euro-
péenne chargée de promouvoir deux produits spécialisés
dans les hôpitaux à travers l’Europe. Cette activité prend le
nom de Critical Care Europe pour laquelle il exerce la fonc-
tion de directeur financier et RH dans un contexte où tout
est à nouveau à construire. Une activité qui, à terme et après
optimisation des ressources, allait compter quelque 200
« Le DRH reste un personnage moins stratégique. L’interlocuteur phare du CEO, c’est le CFO. »
Le cumul peut être source d’enrichissement
Au cours de sa carrière, Francis Denis a exercé plusieurs fonctions fi nancières de premier plan, tout en accumulant des expériences dans d’autres fonctions, dont les RH. Aujourd’hui Vice-President Administration et Business Controller chez Iroko Cardio International, il nous livre sa vision de la relation CFO-DRH.
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
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personnes dans 21 pays pour un chiffre d’affaires de $ 180
millions avec des ratios de profitabilité inégalés.
PAS DE MODÈLE UNIQUE A l’été 2008, Francis Denis quittait le navire pour relever un
nouveau défi , dans le conseil en organisation et en tant qu’in-
terim manager. Depuis février dernier, il évolue chez Iroko
Cardio International, où il cumule les fonctions de DRH et de
responsable des ventes
et distributeurs avec plu-
sieurs dimensions fi nan-
cières à gérer pour cette
entreprise qui emploie
une cinquantaine de colla-
borateurs. « Mon profi l est
plutôt fi nancier, même si
j’ai occupé plusieurs fonc-
tions RH, résume-t-il. J’ai
eu l’occasion de travailler
pour des grands groupes,
comme pour des PME. Il y
a un monde de différence
entre ces entreprises. Des
variations sont également
présentes selon que l’entre-
prise soit belge ou étran-
gère. Le volet RH a sou-
vent davantage de poids
dans une société belge, on
demande alors de plus en
plus au DRH d’avoir une
mission de négociateur so-
cial. Il n’y a en tout cas pas
de modèle unique. »
Dans les petites struc-
tures, les fonctions de
DRH et de CFO sont de
plus en plus attribuées à
la même personne. Rapi-
dité de prise de décision,
fl exibilité et effi cacité
font partie des avantages
de ce type de scénario qui met en scène des profi ls polyva-
lents. Maîtriser ces deux métiers, c’est aussi appliquer deux
philosophies au quotidien. « Le CFO connaît les contraintes fi -
nancières et maîtrise les chiffres du budget. De son côté, le DRH
connaît bien sa force de travail et les objectifs humains qu’il
souhaite atteindre, poursuit-il. Lorsque ces connaissances sont
dans le même cerveau, la prise de décision est instantanée et
l’entreprise sait directement si elle peut recruter de nouveaux
collaborateurs et à quels moments. »
Son profil de généraliste lui permet de bien comprendre ces
deux logiques. « Par exemple, nous cherchons en ce moment
à recruter des employés dans plusieurs pays d’Europe, illustre
Francis Denis. Le droit du travail étant très différent selon les
pays, le volet légal implique tant la sphère financière, puisqu’il
faut souvent faire appel à des conseillers externes locaux, que
RH pour le choix des collaborateurs. »
Dans les plus grandes entreprises, Francis Denis sent qu’il
y a une contre tendance actuelle à engager des profils très
spécialisés, par exemple, des financiers experts en SAP ou
des DRH spécialistes du droit du travail. « Ces spécialistes
sont excellents dans leur
domaine, mais ne parlent
pas toujours le même lan-
gage. Ils sont parfois dans
leur ‘monde’, ne commu-
niquent pas assez avec les
autres et manquent de
compréhension du fonc-
tionnement global des
différents départements.
Ce type de cas de figure
ne fonctionne qu’avec
des relais intermédiaires,
dans une PME, c’est im-
possible. L’équilibre actuel
varie donc entre engager
ces profils spécialisés qui
ne peuvent pas combi-
ner plusieurs fonctions
et des généralistes qui
cumulent plusieurs rôles
dans le cas d’une entité
de taille modeste. »
Un élément reste
constant quel que soit le
modèle: si le CFO siège
souvent au conseil d’ad-
ministration, le DRH n’y
est pas souvent invité.
« Le DRH, s’il ne possède
pas de rôle financier, reste
un personnage moins
stratégique. Il n’est pas
souvent impliqué dans
les décisions à long terme, même s’il est sollicité à certains
moments clés de l’année, ajoute encore Francis Denis. L’inter-
locuteur phare du CEO, c’est le CFO. Je n’ai jamais entendu
parler d’un DRH devenu CEO, ce passage est plus fréquent
chez les CFO. De même que le CFO sera plus souvent amené à
explorer d’autres fonctions dans sa carrière, parfois même RH.
C’est très rare dans la carrière d’un DRH. Ce qui est étonnant,
c’est qu’il n’existe pas, à ma connaissance, d’analyse ou de ty-
pographie des différents modèles qui existent. Il est difficile de
savoir quel conseil donner à un jeune qui démarre. Je constate
que la plupart des personnes occupant des hauts postes n’ont
pas eu qu’une seule fonction dans leur carrière. »
Francis Denis: « Le CFO connaît les contraintes fi nancières et maîtrise les chiffres du budget. Le DRH connaît bien sa force de travail et les objectifs humains qu’il souhaite atteindre. Lorsque ces connaissances sont dans le même cerveau, la prise de déci-sion est instantanée. »
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« Durant toute l’année passée, j’ai porté la double casquette de
DRH et de Financial Controller, raconte Chris Vroman. C’est peut
être une des raisons pour laquelle la coopération entre ma fonc-
tion et celle du CFO se déroule de manière très naturelle. L’inte-
raction a toujours été spontanée. Nous échangeons beaucoup
d’informations au quotidien. Dans notre entreprise, ces deux
fonctions sont très complémentaires. Les modes de collaboration
entre CFO et DRH varient souvent suivant la culture d’entreprise
et les valeurs défendues. Chez Ineos Oxide, nous suivons une
culture de la prudence budgétaire et ce, depuis nos débuts, ce qui
implique un bon dialogue entre les deux fonctions. »
PROFILS MIXTESSi la collaboration est fl uide, les pro fi ls sont également de
plus en plus mixtes et les parcours diversifi és. Les DRH sont
amenés à occuper des tâches qui dépassent le cadre pure-
ment RH, ce qui les prédisposent davantage à comprendre les
contraintes du CFO. « Aujourd’hui, quelqu’un qui possède une
formation 100% orientée RH a besoin de développer une expé-
rience fi nancière », continue Chris Vroman.
« Si une expérience dans la fi nance n’est pas vraiment un cri-
tère de recrutement, c’est un atout indéniable, tout comme
une formation en comptabilité, même si on regarde avant tout
la capacité d’évolution dans une fonction, ajoute Peter Huyck.
Le département RH ne recrute plus seulement des diplômés en
psychologie ou en sciences sociales comme c’était le cas il y a
une dizaine d’année, mais aussi des profi ls fi nanciers ou même
des ingénieurs. Les études le révèlent, c’est une fonction qui
s’ouvre de plus en plus à des parcours diversifi és. »
DES DOSSIERS COMMUNSCes deux maillons de l’entreprise collaborent sur plusieurs
dossiers, tout en essayant, chacun à leur niveau, de soute-
nir le business. « Je ne me rappelle pas avoir déjà disputé un
match de boxe avec Chris!, s’amuse-t-il. Nous n’avons pas d’op-
position frontale, mais bien une relation basée sur le respect.
Un des dossiers qui nous rassemble est celui des pensions qui
nécessite d’avoir les deux angles de vue. Dans la gestion quoti-
dienne, sa responsabilité sur le payroll en fait un de mes inter-
locuteurs incontournables. Le facteur humain joue beaucoup,
les deux fonctions doivent accepter de se former au quotidien
et d’apprendre sans cesse l’une de l’autre. »
« Ces deux personnes ont tout à gagner en collaborant l’une avec
l’autre, confi rme Chris Vroman. Il est crucial qu’elles aient cha-
Des rôles complémentaires
Chez Ineos Oxide, on favorise les profi ls polyvalents, ce qui facilite les relations entre CFO et DRH. Chris Vroman, HR, Legal et Tax Director combine plusieurs responsabilités. Engagé en 2008 comme bras droit du CFO, sa mission a évolué vers davantage de RH. S’il dépendait du CEO dans sa première fonction, il travaille aujourd’hui étroitement avec Peter Huyck, CFO de l’entreprise.
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TEXTE : FLORENCE THIBAUT
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cune une sensibilité économique pour accompagner son entre-
prise. Les logiques RH et fi nancières doivent toutes deux s’inté-
grer dans la stratégie globale de la société. Je pense que le DRH a
une carte à jouer en ce sens pour redéfi nir son rôle et devenir un
partenaire stratégique à part entière. » La guerre des talents à
venir poussera le DRH et son collègue CFO à passer davantage
de temps à séduire les jeunes diplômés, notamment en réa-
lisant des partenariats avec différentes universités. Un autre
dossier qui se chargera de les réunir atour de la table sera la
planifi cation à long terme des employés et des compétences,
actuellement en cours de réfl exion chez Ineos.
« Il est crucial que les fonctions RH et fi nance
aient chacune une sensibilité économique
pour accompagner leur entreprise. »
Chris Vroman: « Les modes de collaboration entre CFO et DRH va-rient suivant la culture d’entreprise et les valeurs défendues. Chez Ineos Oxide, nous suivons une culture de prudence et ce, depuis nos débuts, ce qui implique un bon dialogue entre les deux fonctions. »
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C ’est après une première expérience de trente
mois vécue chez Arthur Andersen que Dimitri Ho-
vine a rejoint Belgacom, au sein du département
d’audit interne qui venait tout juste d’être mis sur
pied. L’étape suivante le conduit dans la « Customer Division »
à l’époque pilotée par Baudouin Meunier, aujourd’hui membre
du comité de direction de La Poste. Les défi s ne manquent pas
puisque l’opérateur doit faire face à l’ouverture à la concurrence
et à l’arrivée du mobile. Il y évolue d’abord en tant que contrôleur
fi nancier, avant d’en devenir le directeur fi nancier.
C’est dans cet environnement qu’il côtoie Christine Thiran,
responsable RH de la division et aujourd’hui DRH des Cli-
niques universitaires Saint-Luc, ainsi qu’Astrid De Lathauwer,
la Chief HR Offi cer du groupe. L’information n’est pas anodine:
toutes deux décrocheront par la suite le titre de « HR Mana-
ger of the Year »… Si le courant passe bien avec elles, Dimitri
Hovine n’en accueille pas moins avec une certaine incrédulité
teintée de scepticisme leur proposition de bifurquer vers les
RH, même si la porte d’entrée paraît des plus raisonnables:
un poste en Compensation & Benefi ts, assorti d’un Master en
GRH à la Vlerick School of Management.
Le choix se révèle fi nalement judicieux: en 2003, Dimitri Ho-
vine prend la responsabilité des opérations RH – payroll, IT,
process, recrutement, etc. – et de quatre projets stratégiques
– back-sourcing du payroll, implémentation d’un CRM pour
HR, simplifi cation des processus RH et scanning des docu-
ments du personnel dans SAP. « Avec le recul, je considère l’ex-
périence comme un conte de fée, confi e-t-il. On m’y a appris le
métier, tout en me laissant pas mal de liberté. J’y ai découvert
les RH par la base, pour construire étage par étage et découvrir
un métier passionnant où il n’y a jamais de routine. Un métier
auquel je n’aurais jamais pensé de prime abord... »
BASES DE DÉPART Pour ce fi nancier dans l’âme, le métier RH recèle d’une vraie
richesse… qui échappe trop souvent aux responsables fi nan-
ciers. « Soyons honnêtes: en tant que directeur fi nancier, on
compte souvent les points. On participe à l’élaboration des
plans d’actions, mais on n’est pas soi-même acteur des chan-
gements à l’œuvre. Alors qu’en RH, justement, on est au cœur
de la mise en œuvre, de l’implémentation: le changement que
l’on attend, il faut bien le cerner, le défi nir, le traduire, le mettre
en perspective pour qu’au fi nal, les individus se l’approprient.
On ne change pas si les gens eux-mêmes ne deviennent pas
moteurs du changement. »
Un passage de la fi nance vers les RH est toutefois plus aisé
que l’inverse, concède Dimitri Hovine. « La fi nance est plus
technique: il faut clairement des bases de départ. On ne va pas
Un financier au pays des RH
C’est au sein de Belgacom que Dimitri Hovine a opéré le grand saut de la fi nance vers les ressources humaines. Aujourd’hui Corporate Director HR chez EDF Luminus, le principal challenger d’Electrabel dans notre pays, l’homme revendique un parcours atypique dans la profession, mais souligne la valeur ajoutée d’un background fi nancier pour exercer en RH.
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TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE
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s’improviser directeur fi nancier! En RH, il en va un peu autre-
ment. Si l’on dispose d’un background solide et qu’on a la fi bre
RH, on peut déjà réaliser des choses et acquérir la technique
RH sur le tas. Le point d’entrée est sans doute un peu moins
restrictif qu’en fi nance, même s’il ne faut très certainement pas
négliger la nécessité de maîtriser les grands incontournables de
la fonction, à commencer par la gestion du dialogue social. Ce
n’est pas donné à tout le monde. »
Après quatre années en RH chez Belgacom, Dimitri Hovine
ressent le besoin de se remettre en question. Si l’option d’un
retour vers la fi nance n’est pas d’emblée écartée, il se laisse
vite séduire par l’offre de SPE Luminus (depuis lors repris par
EDF), le principal challenger d’Electrabel sur le marché belge
de l’électricité, qui se cherche un numéro 1 en RH. L’occasion
d’étoffer encore sa palette de compétences. « Je pensais que
le secteur des télécoms était le plus complexe qui soit. Je me
trompais: les secteurs de l’électricité et du gaz n’ont rien à lui
envier, d’autant que nous sommes un acteur vertical avec de la
production propre, du trading et de la vente. »
CHAMPS DE TENSION S’il affi rme avoir toujours entretenu de bonnes relations avec
ses collègues RH quand il était fi nancier et avec ses collègues
de la fi nance depuis qu’il évolue en RH, Dimitri Hovine admet
toutefois qu’il existe des champs de tension potentiels. « Se-
lon moi, ils tiennent avant toute chose à des temporalités dif-
férentes. La fi nance se préoccupe davantage de court terme et
se positionne dans un rôle de contrôle, jusqu’à tirer la sonnette
d’alarme s’il le faut. En RH, on se situe par contre davantage dans
une perspective de long terme, tout simplement parce que l’être
humain évolue moins rapidement que les chiffres et qu’il faut
effectuer des adaptations régulières, voire en permanence. »
Il ne faut jamais perdre de vue que la fi nance et les RH ont un
but commun, même s’il peut s’exprimer en des termes diffé-
rents, pointe-t-il. « Le fi nancier réfl échit en termes d’EBIDTA, le RH
veille à ce que tout le monde œuvre dans la même direction et à
traduire les ambitions en termes de recrutement, de formation, de
développement, d’organisation, de leadership, etc. C’est la combi-
naison des deux qui peut amener à la victoire. Si on n’additionne
pas les efforts, il y a peu de chance d’y arriver. Aujourd’hui, chez
EDF Luminus, c’est en effet avec le directeur fi nancier que je passe
le plus de temps, car nous avons bien compris tous les deux l’im-
portance d’être bien alignés sur les défi s à relever. »
Bien évidemment, disposer d’un bagage fi nancier quand on
est DRH, ça aide! « Je comprends mieux ses priorités et ses be-
soins, mais mon collègue des fi nances fait cet effort également
pour tenir compte des priorités et des besoins RH. C’est davan-
tage une question d’attitude que de background. Maintenant,
avoir moi-même évolué en fi nance me fait gagner du temps,
me permet de mieux comprendre les évolutions du marché et
de les anticiper en posant les bonnes questions. Je pense en
effet que c’est plus le DRH qui doit faire l’effort de se rapprocher
du CFO que l’inverse, tout simplement parce que le CFO dispose
d’une légitimité naturelle que le DRH n’a pas ou n’a pas encore.
Ce qui ne doit pas empêcher le CFO de se montrer humble: il a
lui aussi une équipe à gérer et peut apprendre beaucoup des RH
sur la manière de piloter ses collaborateurs directs pour mieux
remplir ses propres ambitions stratégiques. »
Dimitri Hovine: « Si incompréhension il y a entre RH et fi nance, elle tient à des temporalités différentes: la fi nance se préoccupe davantage de court terme dans un rôle de contrôle, là où en RH, on se situe dans du plus long terme, parce que l’être humain évolue moins rapidement que les chiffres. »
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CFO-DRH: quels espaces de collaboration?
« Notre secteur est centré sur l’humain, les collaborateurs
sont notre matière première, souligne Koenraad Van Ker-
choven, Office Leader chez Mercer. Nous avons remarqué
qu’on demande de plus en plus au DRH de devenir un parte-
naire du business, son rôle ne se limitant plus à recruter des
nouveaux collaborateurs ou à négocier avec les syndicats,
mais bien à valoris er le facteur humain dans la stratégie à
long terme de son entreprise. »
En tant qu’entreprise de conseil, Mercer intervient à la fois
sur les volets financier et RH, notamment en matière de
politique de rémunération et de prépension, et joue parfois
le rôle d’intermédiaire entre CFO et DRH. « Nous les incitons
fréquemment à collaborer de manière plus étroite, appuie
Thierry Laloux, Client Development Leader chez Mercer. Un
bon exemple tient au scénario d’une fusion ou d’une acqui-
sition car on se situe au carrefour de la finance et des res-
sources humaines. Le DRH est rarement impliqué dès le début
des négociations, contrairement à son collègue financier. Il est
pourtant essentiel qu’il puisse aider à prendre en compte dès
le départ les implications sociales et financières liées au chan-
gement afin d’éviter surprises et difficultés. Cet écartement
des décisions est souvent mal vécu par les DRH. »
OPPORTUNITÉS À SAISIRMême si le DRH ne siège pas encore toujours au comité de
direction, les défis qui attendent l’entreprise lui donnent
la possibilité d’augmenter sa sphère d’influence. La guerre
des talents ou le vieillissement des effectifs le positionnent
comme acteur de changement. Les baby boomers qui vont
bientôt quitter le marché du travail emmèneront leur exper-
tise avec eux. Comment compenser ces compétences per-
dues? Comment garder cette expertise au sein de l’entre-
prise? Le DRH est un partenaire stratégique du CEO pour
tenter de répondre à ces questions.
« Lors de conversations avec certains CEO, nous nous sommes
rendus compte que ces défi s sont devenus une priorité dans
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Un nouveau profi l de DRH est en train d’émerger: ce constat, c’est Mercer qui le pose sur base de sa pratique chez ses nombreux clients. Mieux formé en économie, il est davantage impliqué dans la stratégie et collabore plus fréquemment avec le CFO. Dans la pratique, il doit gérer ses équipes en gardant un œil sur les chiffres. Pro-actif et volontaire, il devient, à l’image du CFO, un partenaire du business à part entière.
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leurs agendas stratégiques, note Koenraad Van Kercho-
ven. C’est aussi une opportunité de construire davantage de
ponts entre départements RH et fi nancier. Un bon exemple aus-
si à trouver dans la lutte contre l’absentéisme. Pour mener une
politique effi cace, le DRH doit présenter des chiffres concrets
à son CEO pour défendre les mesures qu’il veut entreprendre.
Appuyé du CFO, il va jouer sur la motivation des employés de
manière proactive. »
UN NOUVEAU PROFILPour limiter les effets de la crise fi nancière, le DRH se doit au-
jourd’hui de comprendre les logiques économiques. Son profi l
et sa mission se modifi ent progressivement pour rencontrer
ceux du CFO. Mercer a réalisé une étude internationale sur
le sujet l’année passée. Plus de 50% des DRH interrogés dans
le cadre de ce Mercer EMEA HR Transformation Survey consi-
dèrent leur métier comme étant en phase de mutation. Les
diffi cultés identifi ées par les DRH sondés restent la construc-
tion de partenariats avec le business et la responsabilisation
des cadres hiérarchiques en matière de gestion du personnel.
Par ailleurs, les DRH estiment que leurs plus grands défi s à
venir seront la rétention des talents (51%), le recrutement
(39%), le développement d’un environnement favorisant une
culture de la performance (33%), l’augmentation de la pro-
ductivité des équipes (31%) et l’identifi cation et le renforce-
ment du leadership (30%).
« Dans la pratique, on constate que le profil du DRH change,
reprend Thierry Laloux. Il doit à présent se positionner
comme interlocuteur solide du business. Il ne se cantonnera
plus au recrutement, par exemple. Pour être crédible, il doit
être à même de faire état d’un bagage financier. Il a besoin
de nouvelles compétences pour construire de véritables bu-
siness cases pour présenter ses projet. Toutes les stratégies
doivent être basées sur des chiffres. C’est sans doute la rai-
son pour laquelle, nous voyons de plus en plus émerger des
DRH issus du business. »
UN AUTRE LANGAGELe DRH n’a plus le choix que de s’intéresser aussi à la pro-
ductivité de ses équipes, même si l’étude révèle qu’il ne le
voit souvent pas comme une de ses tâches. « Nous sommes
convaincus qu’il est déterminant qu’il s’y intéresse, notam-
ment pour répondre à sa mission grandissante de strategic
workforce planning. Une population n’est jamais figée, le DRH
doit répondre aux manques de compétences ou de postes à
long terme », explique Koenraad Van Kerchoven.
L’étude révèle encore que si 68% des DRH sondés se consi-
dèrent comme un partenaire stratégique, seuls 38% d’entre
eux siègent au conseil d’administration. « Les DRH veulent
s’impliquer davantage dans la stratégie de leur entreprise,
mais on ne leur en donne pas encore la possibilité, conclut
Thierry Laloux. Seulement 15% de leurs activités quoti-
diennes sont destinées à des actions dites stratégiques, le
chemin est encore long. »
Koenraad Van Kerchoven: « Pour mener une politique effi -cace de lutte contre l’absentésime, le DRH doit présenter des chiffres concrets pour défendre les mesures qu’il veut entre-prendre. Appuyé du CFO, il va jouer sur la motivation des employés de manière proactive. »
Thierry Laloux: « Pour être crédible, le DRH doit être à même de chiffrer ses propositions et développer son bagage fi nan-cier. Il a besoin de nouvelles compétences pour construire de véritables business cases pour présenter ses projet. »
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F usions et acquisitions, bonus pour les employés,
développement durable, lutte contre l’absen-
téisme ou car Policy: les dossiers qui rassemblent
CFO et DRH ne manquent pas. Pour faciliter la
construction de projets partagés, une solution informatique RH
intégrée dans une solution globale permet aux collaborateurs
de SAP, et à ses clients, de disposer des données sur le personnel,
en temps réel et en totale transparence. Elle met aussi en avant
le travail du DRH au sein de l’entreprise et professionnalise son
rapport à l’information.
DÉPENDANCE MUTUELLESi le DRH s’intéresse de plus en plus aux logiques écono-
miques, son rôle s’est modifi é avec les années. Pour com-
prendre les relations actuelles entre DRH et CFO, il faut s’inté-
resser à l’évolution du rôle du DRH. « Dans le cadre d’une étude
réalisée à l’ULB auprès d’une centaine de DRH, nous avons pu
constater que, d’une mission purement administrative, le profi l
du DRH a glissé vers d’autres fonctions plus stratégiques », ob-
serve Pascal Demat, HR Solution Architect chez SAP Belgique
et Assistant à l’ULB.
« Dans les années 70, suite à la première crise pétrolière, par
exemple, la fi nance a commencé à prendre beaucoup d’impor-
tance, le DRH rendait alors compte au CFO. Aujourd’hui, il y
a une vraie relation de dépendance mutuelle entre ces deux
fonctions. Le DRH a besoin du CFO pour déterminer les bud-
gets, celui-ci a besoin de comprendre la masse salariale. Dans le
secteur des services, les frais de personnels sont très importants
et atteignent même parfois 80% de l’ensemble des coûts, cela a
des conséquences sur leurs relations. »
PLATEFORME INTÉGRÉEAfin de parler le même langage et faire référence aux mêmes
informations, DRH et CFO ont tout avantage à utiliser les
mêmes outils. « Nous avons pu constater que quand le DRH
fait partie du comité de direction, en général, il souhaite pou-
voir échanger des informations en temps réel avec ses collè-
gues, poursuit-il. Cela fait partie de son ADN. S’il n’en fait pas
partie, il aura plutôt tendance à vouloir garder le monopole
sur les données RH et choisira une solution logicielle annexe
« Un projet comme l’insourcing de la paie des employés
peut contribuer à légitimer l’infl uence du DRH. »
L’IT comme zone de collaboration
FISCALITÉ DOSSIER
TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Chez SAP, CFO et DRH se retrouvent autour du terrain de l’informatique de gestion, qui touche tant le domaine fi nancier que RH. Leader dans le domaine de l’ERP, l’éditeur met en place des outils pour permettre à ces deux fonctions de collaborer effi cacement en partageant des données utiles aux deux domaines.
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et non connectée. Nous avons opté en interne pour un mode
de partage des données. »
Pour défendre leurs intérêts auprès des autres départements,
les ressources humaines utilisent à présent des standards et
des indicateurs de performance, inspirés par le champ de la
fi nance et se tournent davantage vers des outils de repor-
ting avancés. « Les tableaux de bord et le pilotage de la per-
formance sont des acquis en fi nance. Ils commencent progres-
sivement à être utilisés par les RH. Ils permettent d’affi ner la
politique de gestion des employés et donnent une image plus
effi cace au DRH qui devient acteur de la stratégie de l’entre-
prise, un Business Player. »
Cela permet également aux managers de pouvoir piloter leur
propre carrière et de celles de leurs équipes. « Dans notre en-
treprise, l’ensemble des collaborateurs RH et la ligne de mana-
gement disposent d’indicateurs quantitatifs – le taux d’absen-
téisme, les bonus etc. – et qualitatifs – qualité du recrutement,
formations etc. –, qui intéressent aussi de près le volet fi nan-
cier. Le métier RH gagne ainsi en transparence », note Pascal
Demat. Ces indicateurs permettent aussi aux groupes inter-
nationaux de comparer les données du personnel d’un pays à
l’autre, mais aussi au sein du même pays.
DES TERRAINS D’ENTENTEPlusieurs projets menés en interne chez SAP illustrent l’im-
portance d’une communication effi cace entre CFO et DRH.
L’éditeur a choisi de modifi er sa car policy pour limiter ses
émissions de CO2, mais aussi réaliser des économies d’échelle
en limitant le montant de la taxe CO2 mensuelle, et ce, en
application des stratégies de développement durable du
groupe. « Nous avons choisi d’opter pour des voitures moins
polluantes avec de plus petits moteurs, en échange, nous rever-
sons les bénéfi ces liés à la réduction de CO2 aux employés. C’est
un travail commun du CFO et du DRH qui engendre des retom-
bées positives pour les deux secteurs. Un autre exemple de
bonne collaboration entre ces deux fonctions a été la récente
acquisition de Business Objects. Dans ce type de scénario, il
faut pouvoir comparer les types de traitement d’une entreprise
à l’autre, harmoniser les avantages salariaux… Cela implique
que DRH et CFO travaillent étroitement ensemble. »
Le domaine du développement durable est en effet à la croi-
sée de ces deux métiers et nécessite un équilibre entre réduc-
tion des coûts et motivation des employés. « Une autre ten-
dance que nous avons pu constater est le retour à l’insourcing
de la paie des employés. Après des années d’externalisation
à des secrétariats sociaux, certaines entreprises décident de
récupérer la gestion des salaires de leurs employés. Belgacom,
par exemple, a choisi de se réapproprier cette tâche après une
analyse de ses frais de gestion. Ils ont aussi décidé de virtua-
liser toutes leurs fi ches de paye. L’investissement s’est révélé
rentable après seulement un an. Ce type de projets légitime
l’infl uence du DRH… »Pascal Demat: « Les tableaux de bord et le pilotage de la performance sont des acquis en fi nance. Ils commencent progressivement à être utilisés par les RH. »