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FLSH / CAPES Lettres ModernesCours de grammaire
25 octobre 2007
Jean-Paul Meyer
Les déterminantsMorphologie et sémantisme
courriel : [email protected]
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En tant que morphèmes grammaticaux, les déterminants forment une catégorie lexicale fermée.
Leur rôle est à la fois syntaxique (comme constituants du SN) et sémantique (comme spécifieurs du nom).
Cette double fonction des déterminants explique le nombre important de sous-classes du groupe, la complexité de leur morphologie ainsi que la précision de leur variation flexionnelle en genre et en nombre.
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Première partition la catégorie des déterminants comprend deux sous-groupes
• les déterminants définis • les déterminants indéfinisDeuxième partition
la classe des définis comprend : la classe des indéfinis comprend :• les articles définis (le, la, les) • les articles indéfinis (un, une, des)• les déterminants démonstratifs (type ce, cette, ces)
• les articles partitifs (du, de la, des)
• les déterminants possessifs (type mon,ma, mes)
• les déterminants numéraux (type un, deux, trois)
• les déterminants complexes (type beaucoup de, plein de)
• les déterminants négatifs (type aucun, nul)
• les déterminants interrogatifs ou exclamatifs (type quel)
1. la catégorie des déterminants
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Les déterminants varient en fonction du genre et du nombre du nom qu’ils spécifient.
Exemples :
En genre : un tabouret, une chaiseEn nombre : la table, les assiettes
2. la flexion des déterminants
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Dans la plupart des cas, la variation en nombre neutralise la variation en genre. Cela vaut pour tous les déterminants définis, ainsi que pour la série des articles indéfinis [un, une, des].
Exempleton garçon, ta fille // tes garçons, tes filles
un jeu, une carte // des jeux, des cartes
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La flexion du déterminant possessif est particulière, puisqu’elle tient compte non seulement de la variation du nombre possédé
mon livre / mes livres
mais aussi de celle du nombre possesseur
mon livre / leur livre
ou des deux à la fois
mon livre / leur livre / leurs livres
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Enfin, certains déterminants ont un emploi spécifique, par exemple
quelque (toujours singulier)
ou
plusieurs (toujours pluriel)
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Les déterminants sont concernés par deux contraintes morphologiques importantes : l’allomorphisme phonétique et l’allomorphisme syntaxique.
3. allomorphisme des déterminants
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L’allomorphisme phonétique est dû à la liaison ou à l’élision. Les variations peuvent consister soit en de légères modifications écrites et/ou orales du morphème, soit en un changement complet de l’unité.
Exemple de l’article défini (modifications) :
Un changement de forme du déterminant a lieu en situation de liaison ou d’élision. Il s’agit d’une autre forme (allomorphe) du même déterminant.
À l’écrit À l’oral
Liaison les lunettes / les amis
(une forme) [le ly ’nεt / le za ’mi]
(deux formes : [le / lez])
Élision la voiture / l’herbe
(deux formes) [la vwa ’tyR / ’l εRb] (deux formes : [la / l])
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Exemple du déterminant démonstratif (changement de morphème) :
Masculin : mon chien, mon ours en peluche
Féminin : ma tortue, mon école
Dans l’exemple ci-dessus, mon dans mon école est un déterminant féminin, qui n’a pris que la forme du déterminant masculin le plus proche, afin de permettre l’enchaînement syllabique.
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L’allomorphisme syntaxique est dû à la position ou à l’environnement du déterminant à l’intérieur du syntagme nominal. Cette contrainte concerne l’article indéfini et l’article partitif, dans trois cas.
a) Adjectif interposédes amis de longue date ► de bons amis
(NB: l’allomorphisme syntaxique est cumulable avec l’allomorphisme phonétique : d’excellents amis)
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b) Négation de l’article indéfini
j’ai un vélo ► je n’ai pas de vélo
c) Négation de l’article partitif
je mets du sel ► je ne mets pas de sel
Dans ces deux cas, la forme de est unique au masculin, au féminin et au pluriel.
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4. amalgame
L’amalgame est une situation dans laquelle une unité catégorielle en intègre une autre par assimilation. L’unité assimilante (ici la préposition) garde son statut, l’unité assimilée (ici l’article défini) perd le sien.
le patron, le bar► *le patron de le bar
► le patron du bar
Manon, les sources► *Manon de les sources
► Manon des sources
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Attention à ne pas confondre les prépositions du et des qui proviennent d’amalgames avec les articles indéfinis ou partitifs identiques.
Donnez-moi du pain, s’il vous plaît.
est différent de
Voilà une baguette qui sort du four !
Dans le premier cas, du est un déterminant (article partitif), dans le cas il s’agit d’une préposition.
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5. questions de sémantique
5.1. référence
Les déterminants définis se distinguent des déterminants indéfinis par une différence fondamentale :
►le référent spécifique d’un nom déterminé par un défini est identifiable, voire connu
la pizza est arrivéela signale que l’on sait, ou que l’on peut facilement savoir,
de quelle pizza on parle
►a contrario, le référent spécifique d’un nom déterminé par un indéfini est non identifiable, voire quelconque
une personne te demandeune cravate aurait mieux convenu
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En revanche, les déterminants définis et les déterminants indéfinis ont en commun de pouvoir indiquer la généricité de la référence :
l’ours est bon grimpeurun vélo a généralement deux roues
l’article introduit l’emploi du nom dans son sens générique ou typique
L’emploi générique n’est pas possible avec les déterminants marquant la quantité. Toujours indéfinis, ces déterminants s’emploient quand le référent est comptable
quelques motsquatre enfants
ou non comptabledu pain et du beurre
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Définis et indéfinis se distinguent également par le mode de référence. Les déterminants définis peuvent par exemple se trouver aussi bien en emploi déictique qu’en emploi anaphorique, ce qui n’est pas le cas des indéfinis.Emplois déicitiques
La fumée ne vous gêne pas ?Ce chapeau te fait une drôle de tête !Mon collègue... [lors d’un échange de présentations]
Emplois anaphoriquesLes Duval ont perdu leur chat.
– Cette disparition les attriste beaucoup.– La nouvelle a fait le tour du quartier.
Léa est arrivée. Son vélo est devant la maison.
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5. questions de sémantique
5.2. catégorisation
Les déterminants n’ont pas seulement la possibilité de spécifier une référence.Ils peuvent aussi catégoriser ou requalifier un référent lors d’une désignation ou d’une reprise.
Voici pour illustrer cela quelques exemples extraits d’une bande dessinée.
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J. Martin, Alix, Le Dernier Spartiate, Casterman, 1967, p. 18
Résumé : Alix (héros de l’aventure), est à la recherche d’un endroit pour construire une cabane où il pourra passer la nuit.
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J. Martin, Alix, Le Dernier Spartiate, Casterman, 1967, p. 18
L’expressionce contrefort rocheux
désigne une falaise qu’Alix a remarquée.
• Premier constat :l’emploi du démonstratif déictique ce est rendu possible parce que le lecteur voit la même chose qu’Alix et voit la direction de son regard (tête tournée).
• Deuxième constat :le démonstratif permet de qualifier le référent dessiné ; ce qui est désigné dans l’image est identifié et nommé « contrefort rocheux » par le locuteur.
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J. Martin, Alix, Le Dernier Spartiate, Casterman, 1967, p. 19
suite de la séquence...
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J. Martin, Alix, Le Dernier Spartiate, Casterman, 1967, p. 19
1la branche
2 3 4la fosse ce piège ce courant d’air
cette faible lueurcette cheminée
Remarquez les expressions suivantes et leur détermination :
J. Martin, Alix, Le Dernier Spartiate, Casterman, 1967, p. 19
1
la branche
2
la fosse
En raison de la relation texte-image, l’emploi de l’article défini la dans les cases 1 et 2 ne choque pas et ne pose aucun problème de référence.
Il ne s’agit pas en effet d’une branche et d’une fosse inconnues ou quelconques, mais de référents clairement identifiables dans le champ de perception du narrataire.
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J. Martin, Alix, Le Dernier Spartiate, Casterman, 1967, p. 19
3 4
ce piège cette cheminée
Pour la même raison, la série de déterminants démonstratifs des cases 3 et 4 s’impose sans
difficultés.
La parole d’Alix a une fonction désignatrice, qui
permet, avec l’aide du démonstratif, de requalifier le référent au fur et à mesure de
l’avancement du récit : la fosse devient un piège puis
une cheminée.
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4
ce courant d’aircette faible lueur
Les démonstratifs de la case 4 dans ce courant d’air et cette faible lueur, associés
au regard d’Alix (direction+scrutation), permettent également de donner existence à
des référents que le narrataire ne peut voir ou percevoir.
Le texte prend par conséquent le relais de l’image pour représenter ce dont on parle.
L’auteur utilise ici les contraintes de fonctionnement du démonstratif au profit de sa progression narrative : l’emploi par Alix
de ce et cette déictiques implique que les objets référés sont identifiables dans son
champ de perception à lui, donc qu’ils existent.J. Martin, Alix, Le Dernier Spartiate, Casterman, 1967, p. 19
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L’Arthur-Seat n’est, à vrai dire, qu’une colline haute de sept cent cinquante pieds, dont la tête isolée domine les hauteurs environnantes. En moins d’une demi-heure, par un sentier tournant qui en rendait l’ascension facile, James Starr et ses compagnons atteignirent le crâne de ce lion auquel ressemble l’Arthur-Seat, lorsqu’on l’observe du côté de l’ouest.
Là, tous quatre s’assirent, et James Starr, toujours riche de citations empruntées au grand romancier écossais, se borna à dire :
« Voici ce qu’a écrit Walter Scott, au chapitre huit de la Prison d’Édimbourg : “Si j’avais à choisir un lieu d’où l’on pût voir le mieux possible le lever et le coucher du soleil, ce serait cet endroit même.” »
Jules Verne, Les Indes-Noires
1) Relevez et expliquez les cas d’allomorphisme et d’amalgame
2) Que se passe-t-il dans toujours riche de citations ?
Exercice d’application
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L’Arthur-Seat n’est, à vrai dire, qu’une colline haute de sept cent cinquante pieds, dont la tête isolée domine les hauteurs environnantes. En moins d’une demi-heure, par un sentier tournant qui en rendait l’ascension facile, James Starr et ses compagnons atteignirent le crâne de ce lion auquel ressemble l’Arthur-Seat, lorsqu’on l’observe du côté de l’ouest.
Là, tous quatre s’assirent, et James Starr, toujours riche de citations empruntées au grand romancier écossais, se borna à dire :
« Voici ce qu’a écrit Walter Scott, au chapitre huit de la Prison d’Édimbourg : “Si j’avais à choisir un lieu d’où l’on pût voir le mieux possible le lever et le coucher du soleil, ce serait cet endroit même.” »
Jules Verne, Les Indes-Noires
Cas d’allomorphisme du déterminant
Corrigé
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Explication
Les cas d’allomorphisme ressortent, pour des l’ du texte, du phénomène d’élision du son vocalique du déterminant. cette élision se produit lorsque le substantif ou l’adjectif qui suit le déterminant a lui-même une initiale vocalique.
Le déterminant cet, allomorphe de ce, apparaît dans la même situation de voisinage de voyelles. Au contraire de l’élision de la voyelle du déterminant masculin, il y a maintien de la consonne du déterminant féminin, afin de provoquer une liaison.
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L’Arthur-Seat n’est, à vrai dire, qu’une colline haute de sept cent cinquante pieds, dont la tête isolée domine les hauteurs environnantes. En moins d’une demi-heure, par un sentier tournant qui en rendait l’ascension facile, James Starr et ses compagnons atteignirent le crâne de ce lion auquel ressemble l’Arthur-Seat, lorsqu’on l’observe du côté de l’ouest.
Là, tous quatre s’assirent, et James Starr, toujours riche de citations empruntées au grand romancier écossais, se borna à dire :
« Voici ce qu’a écrit Walter Scott, au chapitre huit de la Prison d’Édimbourg : “Si j’avais à choisir un lieu d’où l’on pût voir le mieux possible le lever et le coucher du soleil, ce serait cet endroit même.” »
Jules Verne, Les Indes-Noires
Cas d’amalgame du déterminant par la préposition
Corrigé
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Explication
Les amalgames du (de + le) et au (à + le) sont le résultat de l’absorption du déterminant par la préposition pour des raisons euphoniques.
Le statut des amalgames de cette catégorie (du, des, l’allomorphe d’, au, aux) est ambigu. Du point de vue catégoriel, ce sont des prépositions, mais ils ont une variation flexionnelle comme les déterminants.
Certaines grammaires traditionnelles parlent d’article contracté pour qualifier ces unités : il vaut mieux éviter cette appellation, qui ne rend absolument pas compte de la réalité (il n’y a pas de contraction).
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Là, tous quatre s’assirent, et James Starr, toujours riche de citations empruntées au grand romancier écossais, se borna à dire...
Cas de toujours riche de citations
L’ensemble de l’expression toujours riche de citations empruntées au grand romancier écossais constitue un groupe adjectival en apposition. Dans ce groupe, le groupe nominal des citations empruntées au grand romancier écossais n’a plus son déterminant indéfini pluriel (des).Il s’agit d’un cas d’effacement du déterminant. Le phénomène se produit lorsqu’un groupe nominal, déterminé par un indéfini pluriel, est une expansion introduite par la préposition de.
Le même cas d’effacement touche les partitifs du et de la :un reste de pain
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Un phénomène analogue d’effacement se rencontre avec le pronom en.Dans les exemples ci-contre, le groupe nominal est introduit par un indéfini (des fibres, des sucres, des vitamines) ou un partitif (de la matière grasse, du fer).La tournure riche en 4 vitamines paraît cependant douteuse. Pourquoi ?