financement de projets et évolution structurelle des banques européennes

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' , QUEL MODELE ECONOMIQUE POUR ISBN 978·2·85702·184·1 ISSN 035·385 X LA FRANCE? Michel Barnier Dominique Bidou Laure Bonneval Nicole Bricq Pierre Chastanier Jerome Fourquet Elisabeth Guigou Charles Le Lien Jean-Louis Levet Jean-Claude Mailly Patricia Mamet-Soppelsa Philippe Marini Hugues Martin·Sisteron Saint-Cast Taquet Olivier Thibaut LE POINT SUR L'ECONOMIE Christian de Boissieu 1981-2012 : AUTOPSIE D'UNE GAUCHE FACE AU POUVOIR Jean Peyrelevade FRANCOPHONIE : POUR LA CREATION D'UN CONSEIL STRATEGIQUE ET PROSPECTIF LeVan Thai DOSSIER OUTRE-MER : UNECHANCEPOURLAFRANCE Victorin Lurel- Jean-Pierre Philibert- Luc Laventure 114e ANNEE No 1065 •TRIMESTRIEL OCTOBRE/DECEMBRE 2012 37

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Page 1: Financement de projets et évolution structurelle des banques européennes

' , QUEL MODELE ECONOMIQUE POUR

ISBN 978·2·85702·184·1 ISSN 035·385 X

LA FRANCE? Michel Barnier Dominique Bidou Laure Bonneval Nicole Bricq Pierre Chastanier Jerome Fourquet Elisabeth Guigou Charles Le Lien

Jean-Louis Levet Jean-Claude Mailly

Patricia Mamet-Soppelsa Philippe Marini

Hugues Martin·Sisteron Fran~ois Saint-Cast

Fran~ois Taquet Olivier Thibaut

LE POINT SUR L'ECONOMIE Christian de Boissieu

1981-2012 : AUTOPSIE D'UNE GAUCHE FACE AU POUVOIR Jean Peyrelevade

FRANCOPHONIE : POUR LA CREATION D'UN CONSEIL STRATEGIQUE ET PROSPECTIF

LeVan Thai

DOSSIER OUTRE-MER : UNECHANCEPOURLAFRANCE

Victorin Lurel- Jean-Pierre Philibert- Luc Laventure

114e ANNEE • No 1065 •TRIMESTRIEL • OCTOBRE/DECEMBRE 2012 • 37 €

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Financement de pro jets et evolution structurelle des banques europeennes

Ces propos offrent a Ia fois un bilan, celui du financement de projets, et quelques perspectives, a l'aune de !'evolution du marche. L'annee 2011 aura ete celle des records pour les financements d'infrastructures : 945 projets1 correspondant a 405 milliards de dollars2 a travers le monde. En d'autres termes (numeraires), cela equivaut a une progression de plus de 150 % en France, soit 14 milliards d'euros dont 7,8 milliards proviennent du projet de Ia ligne a grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux. L'annee 2012 voit cependant les banques reduire leurs bilans3 eu egard aux nouvelles normes prudentielles de Bale Ill, lesquelles impliquent un renforcement des exigences en termes de fonds propres reglementaires tout en introdui­sant de nouvelles contraintes en matiere de quantification du risque de liquidite et d'effet de levier. A l'heure ou les risques inherents au financement de l'economie coOtent desormais tres cher en capital et en liquidites d'un point de vue reglementaire, il semble done interes­sant de s'interroger sur les consequences de ces nouvelles contraintes sur le finance­ment de projets. Nous nous attacherons ici a en expliquer le mouvement, celui qui conduit les banques non seulement a reduire leur financement de long terme mais aussi a trouver aupres d'autres institutionnels un relais non bancaire. Les pages liminaires qui suivent donneront egalement quelques idees, croyons-nous, de !'evolution structurelle des banques europeennes ou Ia part des financements par les investisseurs institution­nels gagne en importance par rapport a celle des financements bancaires ce qui, comme nous le verrons dans une seconde partie, n'est pas sans consequences sur Ia nature et !'organisation de l'industrie financiere.

(I)+ 8% par rapport a 2010. (2) + 13 %par rapport a 2010.

Hugues .MARTIN-SISTERON4

Docteur en droit prive de I'Universite Paris 1 Pantheon-Sorbonne (Departement de recherche Sorbonne-Finance·; chercheur associe

a Ia Chaire Ethique et normes de Ia finance, Universite Paris 1)

(3) Sur le sujet voir le dossier « Banques au regime : qui prend des risques a leur place ? », Revue Banque, mai 2012, dossier « Annee record pour la dette infrastructures : 800 milliards d 'euros de dettes a refinancer en Europe d'ici a 2016 », Agefi Hebdo, du 26 janvier au Jerjevrier 2012. ( 4) Les opinions exprimees dans le present article n 'engagent que l 'auteur et ne rejletent pas necessai­rement celles de l 'Jnstitut de recherche juridique de Ia Sorbonne, de l 'Universite Paris 1 Pantheon­Sorbonne ou du Labex Refi.

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Nul doute en effet que les nouvelles exigences imposees par les autorites de regulation n'aient ete au principe de cette evolution. Le durcisse­rnent de 1' environnement reglementaire contraint les banques d'investissement a alle­ger leur bilan et entraine de fait leur recul dans les financements de long terme. Ces demieres vont done trouver un relais aupres des marches a terme mais aussi, comme il a pu etre montre5

recemment, aupres d'autres preteurs tels que les banques de developpement (BEl, AFD, BAD, SFI, BID6

, etc.). Citons en outre, pour 1 'hexagone, la CDC7•

Les analyses ci-apres montrent toutefois que le volume global des nouveaux prets consor­tiaux et des grands prets bilateraux n' a pas fondamentalement diminue, l' accroissement des fonds foumis par d' autres preteurs et par les investisseurs des marches obligataires ayant compense la contraction du credit bancaire.

Mais deja, de ce constat, surgit un paradoxe qui n'a pas echappe aux commentateurs : le renforcement de la reglementation bancaire, dont l'objet principal est d'assurer a la fois la protection des consommateurs et le respect des regles de concurrence, se trouve neutralise par les contradictions qu'il revele. Il favorise en effet les cessions de creances, detenues par des etablissements de credit, a des vehicules financiers non soumis aux memes contraintes prudentielles, et expose correlativement le marche a des risques systemiques dont on sait main tenant qu' ils ne sont pas a sous-es timer. Si nous nous gardons de prendre le raccourci qui consisterait a parler de fausse bonne idee, il est neanmoins interessant d'y refle­chir, ce que le present article propose en fili­grane. Nous resterons du . cote du droit, puisque 1' imperitie de 1' auteur dans d' autres domaines discrediterait d'emblee l'analyse.

Notre recherche ne saurait toutefois faire l'economie d'une approche chiffree8 seule a meme de rendre compte de maniere efficace de !'evolution du financement de projets dont il est ici question.

L' etude de cette realite se prete a une double approche. Dynamique tout d'abord, en ce qu'elle commande d'analyser le processus continu de transformation du secteur bancaire. Statique ensuite, parce que la recherche porte sur un systeme de finance­ment altematif dont nous devons presenter les acteurs qui le composent, fussent-ils nombreux, avant de reflechir a la question de leur encadrement.

Le desendettement des etablissements finan­ciers a ainsi fa vorise 1 'emergence de nouveaux preteurs tels que les fonds souve­rains, fonds infrastructures, fonds de pension, assureurs ainsi que le recours plus frequent a des modes de financements altematifs : emis­sion obligataire, project bond, rehaussement, fonds de titrisation, etc. Ces demiers sont communement regroupes sous le terme anxiogene de Systeme de Financement Parallele (SFP) ou Shadow Banking System, au point d'ailleurs que la Place s'interroge aujourd'hui quant a la pertinence du mot. Cela designe en realite toute activite de trans­formation de la liquidite, de la maturite et du

(5) P. Biensan, M Sedefian, « Financements de projets : nouveaux acteurs et nouveaux chal­lenges », MdA l'l

0 66, nov mbre 20Jl. (6) H. Martin- isteron, Finance islamique et Financement de projets en France, IRJS Editions, 2012. (7) Caisse des Depots et Consignations. (8) Rapport trimestriel BRI, mars 2012, Financement et desendettement des banques euro­peennes.

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risque par des vehicules non bancaires, ce qui n' est, ins is tons la-dessus, ni en droit ni en fait quelque chose d'illicite.

La reprise du credit par ces institutions non bancaires, telles que les gestionnaires d' actifs et les investisseurs obligataires, est salutaire dans la mesure ou elle cree des sources de financements supplementaires palliant la dimi­nution du credit bancaire et donnant aux banques europeennes les moyens de faire face aux 800 milliards d'euros de dettes qu'elles devront refinancer jusqu'en 2016. Nous verrons d' ailleurs a ce propos que le fonds commun de titrisation PPP9, qui permet 1' in­vestissement dans de la dette infrastructure, pourrait etre ainsi un outil prometteur en finan­cement de projets. Outre l'avantage qu'il repre­sente pour son initiateur, soit le transfert de creances a des tiers, deux facteurs recomman­dent ce choix, il offre aux investisseurs institu­tionnels des produits securises car representa­tifs d 'un risque pur sur 1 'Etat tout en repondant aux caracteristiques des contrats de partenariat au regard notamment de ses deux grandes peri odes (construction et exploitation).

Dans un contexte de critique generalisee a 1' egard de la finance, facteur de crise econo­mique, 1' amp leur de ces cessions d' actifs pose toutefois, comme no us 1' analyserons plus loin, un certain nombre de questions quant aux risques potentiels attaches a leur transfert. Deux raisons principales justifient cette apprehension. Tout -d'abord, ces institu­tions non bancaires sont dans une large mesure financees par la titrisation. D'aucuns trouvent le constat a demi rassurant : comment oublier que la premiere courroie de transmission de la crise des subprimes fut la titrisation de creances ? L'histoire est, sur ce point, ric he d' enseignements. Il est done legi­time que la vigilance soit de mise. Or, si la crise financiere a conduit a la remise en

cause, sinon de ce mode de financement, du moins de ces pratiques recentes, cette tech­nique d'ingenierie financiere, qui consiste a transformer des creances en titres negocia­bles via la creation d 'une structure ad hoc demeure, rappelons-le, un moyen essentiel du developpement des acteurs economiques.

Ensuite, la meconnaissance de ces circuits de financement suscite des inquietudes. La raison en est simple : la plupart de ces nouveaux preteurs ne sont pas soumis a la reglementation ni a la surveillance bancaire. Ces preoccupa­tions quant aux risques se manifestent aujourd'hui dans le Livre vert sur le systeme bancaire parallele, publie en mars 2012 par la Commission europeenne, dans le sillage des travaux du Conseil de stabilite financiere. En France, le Plan action de 1 'AMF a mis en place trois types d'actions visant: ~a encadrer le marche de la titrisation, ~a prendre en compte les aspects systemiques

des fonds monetaires, et ~a poursuivre les travaux sur la reglementa­

tion des hedge funds.

Certes, les critiques portent moins ici sur la pertinence meme de l'offre, qui ne semble pas etre remise en cause a la lecture des recents rapports, que sur une volonte de garantir une meilleure resilience du systeme financier et d' assurer par la meme la securite du secteur bancaire dont les autorites de controle sont les garants.

C'est pourquoi deux lignes de reflexion sont proposees. Concernant la notion d' abord, il s'agit d'en cerner les contours : quel est le Systeme Bancaire Parallele dont il est ques­tion? Quelles entites et activites recouvre-t-il? Un second aspect a trait a la question de ses

(9) Partenariat public-prive.

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regulations eu egard aux risques systemiques que ce demier fait naltre, tels que la contagion des tensions financieres, les risques de runs, la procyclicite ou !'arbitrage reglementaire. L' environnement international dans lequel s'inscrivent ces operations (mobilite des titres et des marches de fonds) et la complexite de leur montage rendent difficile la definition d'un cadre juridique approprie - quand il ne tient pas simplement en echec toute tentative d'harmonisation qui depasserait les frontieres europeennes. Pour autant, ces entites ne sauraient s'affranchir de tout controle, au risque sinon que 1 'histoire repasse les plats. C'est le credit du monde de la finance qui est en jeu, et quelle institution bancaire ne fonc­tionne pas a credit de nos jours?

Les observations qui suivent ebauchent les lineaments d'un diagnostic des acteurs de la Place qui doit naturellement etre approfondi. Mais elles suggerent neanmoins, a travers les mutations constatees dans le fmancement de projets, comment le contexte inedit conduit a une reflexion essentielle sur !'adaptation du droit a !'evolution de l'economie et de la finance.

Evolution structurelle des banques europeennes

La contrainte reglementaire du desendette­ment des banques europeennes a conduit a leur reorientation strategique.

Desendettement

Les nouvelles normes prudentielles de Bale III, imposees aux banques europeennes, exigent un relevement progressif des ratios de fonds propres. Ces mesures d'ajustement ont incite les banques europeennes a alleger leur bilan en cedant une partie de leurs actifs,

notamment ceux en dollar US, et en limitant certains types de prets assortis d'une ponde­ration des risques plus elevee.

La crise de la dette souveraine en Europe a accelere ce processus de desendettement. En novembre 2008, la Commission europeenne creait un groupe de travail preside par M. Jacques de Larosiere, charge de conduire une reflexion sur les moyens permettant de renforcer le dispositif de surveillance en Europe en vue de mieux proteger les citoyens et de retablir la confiance dans le systeme financier.

Plusieurs propositions furent presentees le 25 fevrier 2009' parmi lesquelles la creation d 'un dispositif europeen de surveillance financiere, compose de trois autorites euro­peennes de surveillance ( secteur bancaire, secteur des valeurs mobilieres, secteur des assurances et des pensions professionnelles) ainsi qu'un Conseil europeen du risque syste­mique. La Commission a alors propose, dans une communication en date du 4 mars 2009, sous le titre evocateur « L'Europe, moteur de la relance »' un proj et legislatif vis ant a creer un systeme europeen de surveillance finan­ciere et un Comite europeen du risque syste­mique. En ce sens, 1' Autorite bancaire euro­peenne (EBA) a ete fondee par le Reglement (UE) n° 1093/2010 du 24 novembre 2010 en remplacement du Comite europeen des regu­lateurs bancaires (CEBS).

Un plan de recapitalisation des banques europeennes fut decide par 1 'EBA. Cette recommandation, adoptee le 8 decembre 2011, prevoit un rehaussement drastique du ratio de fonds propres des banques euro­peennes, passant alors du montant initial de 7 % prevu en 2019, dans le cadre de Bale, a 9 % avant la fin du mois de juin 2012. Ce plan impose en effet a soixante cinq grandes

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banques de porter a 9 % leur ratio du « noyau dur » des fonds pro pres (Core Tier 1) sur les actifs ponderes des risques (APR). Les autorites ont estime que le total cumule des besoins de fonds propres s' etablissait a 114,7 milliards d'euros pour faire face a la crise. En particulier, les banques allemandes devaient lever 13,1 milliards d'euros, les italiennes 15,4 milliards d'euros et les fran­yaises 7,3 milliards d' euros.

Les nouvelles contraintes reglementaires et les exigences en matiere de ratios de capitaux propres ont ainsi conduit les etablissements financiers concemes a abaisser leur levier d' endettement. En consequence, les banques ont cede une partie de leurs actifs tout en reduisant correlativement leur contribution aux financements de projets, ou d'actifs ( aeronefs, navires) - preferant concentrer

leur activite sur les prets aux entreprises de taille moyenne et la banque de details, moins consommateurs de liquidites.

Dans un rapport10 trimestriel sur le finance­ment et le desendettement des banques, publie en mars 2012, la Banque des regle­ments intemationaux (BRI) estime que le total des actifs qui seraient cedes par les banques europeennes au cours des annees a venir pourrait ainsi etre compris entre 500 et 3 000 milliards d' euros 11

(10) Disponible a l'adresse: http://www. bis. org/publ/qtrpdf/r _qtl203a Jr. pdf (II) Pour une analyse du haut de cette four­chette, voir "European Banks", Morgan Stanley Research, 6 decembre 2011.

Evolution de !'octroi de prets par type de bailleur et de pret1

Type de pr6t

commerclaux

Credit-bail aeronefs et navires

Code couleur :

Evolution de !'octroi de priUs entre T3 2011 et T4 2011, par type de ballleur ; en %

Banques de I'UE molns

solldes2

Autres ballleurs de fonds de

I'UE

-9,8

-12,9

Ensemble des ballleurs dans

le monde

-4,6

7,3

[-15 a OJ

Volumes de pret 2011

En milliards de dollars

65

49

Llbelles en dollars(%)

40

88

85

1 Signatures de prllts consortiaux et grands prllts bilatllraux accordlls par des groupes consolidlls. hors prllts ultllrieurement annullls ou retirlls. Lorsque le dlltail des contributions a un montage consortia! n·a pas etll communique, Ia montant a ete suppose rllparti llgalement entre las bailleurs. 2 Les 31 groupes bancaires ayant des besoins de fonds propres au sens de I'ABE, plus tous les groupes bancaires grecs. 3 Prllts dont Ia note est inMrieure a Ia categorie lnvestissement, plus certains prllts non notes, selon leur tarif et leurs caracteristlques. Cette catllgorie englobe taus les prllts pour rachats d'entreprise par amprunt, et exclut taus les prllts pour financement d'actifs.

Sources : Dealogic; calculs BRI. Tableau 1

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Nouveaux prets consortiaux et nouveaux grands prets bilateraux

Prime de ris~ue, par region de l'emprunteur

Pr~ts en $ I financement des fonds Emission de pr~ts et d'obligations4

de placement monetaire2

- Europe occidentale - Autres 6conomles avancees - Asle (hers Japon)

• T42011 • T32011 30 • T22011 3

Pr61!1/ Obligation& l:m!il /CD March6s emergents - ~ Levler!Ht rendement 600 600

- Europe orientale - Amllrfque latina et Caralbes

• T1 2011 3

• 20 450

• • • 10

• • . . .. .. • • • • ~ . • 0 .. .... •

• _l I • I 1

• _I -10

2008 2009 2010 2011 -8 -6 -4 -2 0 2 T4 10 T1 11 T2 11 T3 11 T4 11 1 Moyenne simple des 6carts par rapport au taux de flnancement de ref6rence de !'ensemble des nouveaux pr~ts nott!ts BBB+, BBB or BBB-, en pb. 2 En ordonnt\e : activite de pr~t en dollar des banques belges, francaises, allemandes, irtandaises, italiennes, neertandaises, nordiques, portugaises, espagnoles, suisses ou britanniques par rapport a leur moyenne sur Ia periode 2007-10, calculee sur Ia base de donnees trimestrlelles ; en milliards de dollars. En abscissa : variation de l'exposilion des dix plus grands fonds americains de placement monetaire de haute qualite vis-a-vis des mllmes banques europeennes : en points de pourcentage de Ia totalite des actifs sous mandat. A fin -2011, les actifs de ces dix fonds totalisaient $644 milliards, ceux de I' ensemble des fonds operant sur ce marche, $1 440 milliards. 3 Interpolation, les donnees disponibles sur les expositions de ces fonds correspondant a fin fevrier 2011 et non fin mars 2011 . 4 Prllts des groupes bancaires europeans et total des emissions obligataires : en milliards de dollars.

Sources : Dealoglc : Fitch Ratings : calculs BRI.

Octroi de prEHs consortiaux et de grands prets bilateraux, par type de bailleur et region de l'emprunteur 1

En milliards de dollars

Europe occidentale

Autres economies avancees

Asle (hors Japan) Europe orientale Amerique latina- Afrique et ""n'""''"'- '

- BanquesUE rnolns solldes2

- Autres ballleurs (UE)

C::J Pr~teurs hers UE

600

400

Cara"1bes Orient

75

50

1 Nouveaux prllts accordes par des groupes consolldes, regroupes par date de signature : hors pr~ts ulterfeurement annules ou retires. Lorsque le detail des contributions respectives a un montage consortia! n'a pas ate communique, le montant est suppose reparti egalement entre las bailleurs, 2 Las 31 groupes bancaires ayant un deficit de fonds propres au sans de I'ABE + !'ensemble des groupes bancaires grecs.

Sourcas : ABE ; Dealogic; calculs BRI.

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Financement de projets et evolution structurelle des banques europeennes Hugues MARTIN-SISTERON

En matiere de financement de projets, il res sort de ce rapport qu 'entre le troisieme et le quatrieme trimestre de l'annee 2011, les banques de l'Union europeenne ont restreint leur contribution au financement de nouveaux prets consortiaux et de grands prets bilateraux a effet de levier dans une propor­tion plus importante que pour d'autres types de prets moins risques, ce qu'illustrent les tableaux precedents.

Cette etude montre en outre que les fonds pretes pour des operations de financement de projets ont parfois diminue plus que propor­tionnellement. Cependant, la reconfiguration des bilans bancaires ne semble pas avoir affecte le volume global des nouveaux prets consortiaux et grands prets bilateraux dans la me sure ou 1' accroissement des fonds fournis par d' autres preteurs et par les investisseurs des marches obligataires aurait, selon 1' ana­lyse precitee, largement compense les reduc­tions operees.

Reorientations strategiques

Dans ce contexte inedit, ou les etablissements bancaires doivent maintenir une couverture en liquidites plus importante, une nouvelle strategie bancaire se dessine, qui privilegie un modele dans lequel les banques reduisent leur activite d'intermediation de bilan (trans­formation de depots ou de ressources liquides en credits) au profit d'une intermediation de marche, autrement dit en jouant un role d'in­terface entre les marches de capitaux et les demandeurs de financements.

Le processus de desendettement des banques europeennes s 'accompagne done de leur reorientation strategique. A maints egards, ce changement de modele economique suscite des reserves, par exemple au regard du modele originate to distribute12

: si les

banques qui initient le risque savent qu'elles vont s 'en defaire, il est a craindre une sous­evaluation de ce demier. Ce qui invite du meme coup a s'interroger sur la structure des groupes : lorsque les banques ne jouent plus leur role de transformation, consistant a financer les credits de long terme par les depots, n'est-ce pas la meme le modele de banque universelle qui est remis en cause ? N ous touchons la un autre de bat qui paralt, a beaucoup, contestable.

Exemple de Credit Agricole CIB

Acteur majeur du financement de projets dans le monde, le Credit Agricole CIB souhaite poursuivre son activite de finance­ment en faisant le choix d 'un nouveau modele. L' objectif est de reduire ses besoins de financement de 18 milliards d' euros. Pour ce faire, la banque cedera 80 % de ses credits a des investisseurs tout en conservant son role d' originateur et de gestionnaire 13 des credits. Ce modele, dit « originate to distri­bute », consiste done a initier les credits puis a les ceder a des structures ad hoc qui trans­formeront a leur tour ces creances en produits structures negociables sur les marches.

M. Regis Monfront, Directeur general deJe­gue de Credit Agricole CIB, precise cette reorientation strategique : « Nous pniferons parler de distribute to originate. [que de modele « originate to distribute », NDLR]. Cela signijie que nous rejlechissons aux solutions possibles de distribution des credits avant leur origination. Nous partons du

(12) La banque met en place le credit et le trans­met a des investisseurs. (13) Communement appele «servicing», qui designe la relation avec le creancier pendant la duree du pret .

. ,...........--. 118

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Financement de pro jets et evolution structurelle des banques europeennes Hugues MARTIN-SISTERON

besoin des investisseurs avec lesquels nous voulons etablir un veritable partenariat et qui vont cooriginer le financement avec nous (. . .). Une fois determine le besoin des inves­tisseurs, nous chercherons les acteurs econo­miques dont les besoins de financement peuvent correspondre et nous mettrons en place une solution adaptee et gagnante pour !es deux parties. Nous elaborerons des solu­tions qui incluront frequemment un finance­ment obligataire. Par exemple, un projet d 'infrastructure n 'attire pas l 'interet des investisseurs dans sa phase de construction. Nous sommes done susceptibles d 'intervenir en tant que preteur pour cette etape qui dure de deux a quatre ans, puis un refinancement de l 'infrastructure par une emission obliga­taire «project bond» peut prendre le relais. »

« Nous allons agir dans un cadre rationalise, sur un plus petit reseau de pays et selon un business model centre sur l 'activite de finan­cement. De plus, nous sommes largement tournes vers les marches de Ia dette, car nos clients sont de plus en plus nombreux a devoir emettre des obligations », precise M. Jean­Yves Rocher, Directeur general de Credit Agricole CIB, dans un entretien au Financial Time. « L'important est d'empecher le bilan de Ia banque de gonjler a nouveau, car l 'ob­jectif est qu 'il reste plus petit. »

Emergence de nouveaux preteurs non bancaires

Le renforcement des exigences de niveaux de capital applicables aux banques a eu pour effet d'accroitre le role des marches finan­ciers, precisement ceux du Systeme de Financement Paralh~le, ce qui commande une certaine vigilance de la part des superviseurs bancaires afin de mieux apprehender les risques systemiques qu'il pourrait engendrer.

Systeme de Financement Parallele (SFP)

Cherchons des a present a examiner les nouveaux financeurs, emanations indirectes du changement de modele economique des banques dont nous constations precedem­ment 1 'apparition. L'analyse en sera necessai­rement succincte, d'abord parce que laplace manquerait, ensuite parce qu'une presenta­tion exhaustive en a ete faite recemment 14

Nous ferons en revanche un point plus precis sur le Fonds commun de titrisation PPP, vehi­cule de Place apparu dans le cadre du plan de relance de 2009-10 et qui, apres un regain d'interet, semble aujourd'hui etre tombe en panne. Enfin, nous etudierons la question de leur encadrement reglementaire.

Il est ici une premiere remarque que 1' on do it formuler en vue d'eclairer le debat : si le contexte national et international rend ce sujet particulierement delicat et suscite des inquietudes assurement justifiees au regard de la crise, pour autant, ces acteurs ont une fonction economique importante dans le systeme financier car ils contribuent de maniere non negligeable au financement des infrastructures dont les besoins sont estimes entre 1 500 et 2 000 milliards en Europe d'ici a 2020 (voir graphique 1).

On remarquera, en ce sens, plusieurs avan­tages qui meritent d'etre soulignes. Tout d'abord, en depit de !'alternative qu'ils offrent aux depots bancaires pour les inves­tisseurs, ils permettent aussi d' affecter avec plus d'efficacite les ressources a des besoins specifiques du fait d'une specialisation importante. Ils disposent, de surcroit, des

(14) Sur le sujet voir le dossier « Banques au regime : qui prend des risques a leur place ? )), Revue Banque, mai 2012.

~

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Financement de projets et evolution structurelle des banques europeennes Hugues MARTIN-SISTERON

Graphique 1 - Les besoins d'infrastructures dominent Repartition des financements de projets

Telecoms 2%

Projets industriels 5 %

Mines 6%

34 % -- Energie

Source : Dealogic

Les besoins d'infrastructures sont estimes entre 1 500 et 2000 milliards rien qu'en Europe d'ici a 2020.

sources supplementaires de financement a meme de compenser la restriction du credit bancaire. Enfin, ils constituent une possibilite de diversification des risques par rapport au systeme bancaire.

Le Conseil de la stabilite financiere estime la taille du systeme bancaire parallele au niveau mondial ~ environ 46 milliards d' euros en 2010, contre 21 en 2002. Cela represente 25 a 30% de !'ensemble du systeme financier et la moitie des actifs des banques.

Mais qu' entend-on par Systeme de Financement Parallele? S'il est malaise d'en donner une definition efficace, dans la mesure ou celui-ci recouvre des activites et des entites proteiformes qui ne permettent pas une approche unitaire, cela permet toute-

fois d' apprehender ce concept au sens le plus large, c 'est-a-dire en faisant abstraction des realites plurielles qu'il recouvre. En effet, Jes acteurs sont aussi nombreux que divers : fonds de capital-investissement, fonds mone­taires dynamiques, fonds souverains, dark pools, marches de gre a gre, OPCVM mone­taires, ou encore doit-on citer les plateformes alternatives d'echange, les vehicules et conduits de titrisation, etc.

Au-dela des controverses sur leur perimetre, Ia definition communement admise est celle donnee par le CSF dans son rapport 15 d'octo­bre 2011 : « le systeme d 'intermediation de

(15) Disponible a l 'adresse: http://www.jinancials­tabilityboard. org/publicationslr _ 111 02 7 a.pdf

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Financement de pro jets et evolution structurelle des banques europeennes Hugues MARTIN-SISTERON

credit auquel concourent des entites et activi­tes qui ne font pas partie du systeme bancaire classique ». Le Professeur Hubert de Vauplane evoque largo sensu « tout ce qui a un lien avec les activites de financement mais effectue en dehors du systeme bancaire regule ».

On peut done l'apprehender a travers les enti­tes non bancaires qui se livrent a des activites de financement ou selon la nature des activi­tes elles-memes.

Il s 'agirait selon le CSF d' entites ad hoc qui menent, hors du systeme bancaire classique, l'une des activites suivantes : -7 accepter des capitaux presentant des carac­

teristiques de depot ; -7realiser des operations de transformation

d'echeances ou de liquidites ; -7permettre des transferts de risque de credit ;

et -7avoir recours au levier financier, directe­

ment ou indirectement.

Ou d'activites qui pourraient constituer des sources importantes de financement pour les entites non bancaires telles que : -7la titrisation ; -7les prets de titres ; -7et les operations de pension.

A 1' appui de ce rapport, la Commission euro­peenne a presente un Livre vert16 sur le sujet, ouvert a consultationjusqu'au 1 er juin 2012 et dont la 1iste intitulee « Entites et activites pouvant faire partie du secteur bancaire parallele, sur lesquelles la Commission centre actuellement son analyse » se presente comme suit:

Entites: -7entites ad hoc qui realisent des operations

de transformation de liquidites ou

d'echeances, par exemple les vehicules de titrisation comme les conduits ABCP, les vehicules d'investissement speciaux et d' autres vehicules ad hoc ;

-7 fonds monetaires et autres types de fonds ou produits d'investissement qui presentent des caracteristiques de depot, ce qui les rend vulnerables aux desengagements massifs;

-7fonds d'investissement, y compris les ETF (Exchange Traded Funds), qui procurent des credits ou utilisent le levier ;

-7societes de financement et entites speciali­sees dans les titres qui foumissent des credits ou des garanties de credit, ou reali­sent des operations de transformation de liquidites ou d' echeances, sans etre regle­mentees comme les banques ; et

-7entreprises d'assurance et de reassurance qui emettent ou garantissent des produits de credit.

Activites: -7titrisation ; -7prets de titres et operations de pension.

Le cas des fonds communs de titrisation17

A !'initiative du groupe de travail preside par M. Alain Madelin, cree par la Mission d'ap­pui aux partenariats public-prive (MAPPP),

(16) Disponible a l 'adresse : http://ec. europa. eu/internal_ market/bank/docs/sh adow/green-paper Jr.pdf (17) Crees par !'ordonnance no 2008-556 du 13 juin 2008 transposant en France !a directive no 2005/68/CE du 16 novembre 2005 relative a la reassurance et reformant le cadre juridique des fonds communs de creances (FCC), le regime juridique des fonds communs de titrisation est organise par les articles L.214-42-1 a L.214-49-14 et R.214-92 a R.214-114 du Code monetaire et financia

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Financement de projets et evolution structurelle des banques europeennes Hugues MARTIN-SISTERON

1e fonds commun de titrisation - denomme fonds commun de creances avant 1' ordon­nance n° 2008-556 du 13 juin 2008 - a pour objet le financement de projets d'infrastruc­tures par 1, emission d, obligations de long terme, de 25 a 40 ans, adossees a des contrats de PPP et acquises par des investisseurs insti­tutionnels fran<;ais et etrangers.

Juridiquement, c' est un organisme de titrisa­tion constitue sous 1a forme de copropriete.

La composition de 1 'actif d 'un organisme de titrisation peut comprendre : ~des creances de droit fran<;ais ou etranger

existantes ou futures, saines ou douteuses de montant determine ou indetermine (C. mon. fin., art. R. 214-93 et 94);

~des liquidites dans les conditions definies a !'article R. 214-95 ;

~des actifs transferes au titre de la realisation ou de la constitution de surete, de garantie conformement a !'article L. 214-43 ;

~des instruments financiers a terme, la perte maximum ne pourra etre superieure a la valeur de 1'actif (C. mon. fin., art. R. 214-99);

~des operations d'acquisitions et de cessions temporaires, dans la mesure ou le regle­ment ou les statuts de 1' organisme le prevoit. Ces operations sont soumises aux conditions decrites a 1' article R. 214-100 et limitees a une fois 1, actif de 1, organism e.

Le fonds peut done emettre des titres de creances negociab1es et des obligations ou des titres de creances emis sur le fondement d 'un droit etranger.

Ces titres sont soumis au meme regime que les actions et titres de creances (C. mon. fin., art. L. 214-1-2, I et R. 214-2, I) eta celui des titres de creance en ce qui conceme leur valo­risation. Le recouvrement des creances conti-

nue cependant d'etre assure par 1e cedant18 ou par 1' entite qui en etait chargee avant leur transfert, dans des conditions definies par une convention passee avec la societe de gestion de l'organisme (C. mon. fin., art. L. 214-46).

Ce vehicule financier peut servir au finance­ment d'un projet pendant la periode de construction, lors du bouclage financier, ou a son refinancement, durant la periode d'ex­ploitation. 11 en va ainsi des la mise en vigueur du contrat de partenariat, ce qui permettrait d' accroltre 1es ressources finan­cieres, dont le besoin est souvent considera­ble pour les grands projets. Rappelons toute­fois que le pret a titre onereux est une opera­tion de banque (C. mon. fin., art. L. 311-1) et releve a ce titre du monopole bancaire (C. mon. fin., art. L. 511-5) ; i1 est done interdit a toute autre personne qu 'un etablissement de credit de 1' effectuer a titre habitue I. Cette interdiction est penalement sanctionnee (C. mon. fin., art. L. 571-3). En revanche, rien n'interdit en droit que ce pret soit ensuite transfere a des entites non bancaires.

Une seconde phase conceme quant a elle le refinancement du projet 1ors de son exploita­tion, precisement, le refinancement des creances Dailly acceptees par 1'autorite adju­dicatrice et cedees par 1es societes de projets aux banques.

Comme le souligne un auteur : « Plusieurs problemes techniques resteront a resoudre parmi lesquels le choix du moment de Ia titri­sation : logiquement a Ia fin de Ia construc­tion, au moment de creation de Ia tranche

(18) Toutefois, tout au partie du recouvrement peut etre confie a une autre entite designee a cet effet, des lors que le debiteur en est informe par lettre simple .

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Dailly, mais elle s 'operera alors aux condi­tions du moment (apres une possible varia­tion des taux). L 'autre solution serait d'ope­rer l 'emission obligataire au moment du closingfinancier au de !a «cristallisation» (a la fixation du taux definitif) ; mais l 'argent tournera un moment en circuit ferme, sans aucune rentabilite. S y ajoutent des condi­tions de swap ( echange de taux) toujours onereuses. »19

Le FCT PPP serait cree par une societe de gestion et un depositaire, l'un et l'autre desi­gnes dans le cadre d'un appel d'offres apres une procedure de mise en concurrence. Il est a noter que le FCT etant depourvu de person­nalite morale et done d'autonomie, il devra faire autoriser 1' emission d' obligations par la societe de gestion et le depositaire.

La societe de gestion beneficierait, dans 1' ex ere ice de ses missions, de 1' experience d'un Comite exterieur au fonds qui serait compose de specialistes des PPP et des marches de capitaux. En revanche, la selec­tion des titres offerts dans le portefeuille ne peut pas etre faite par une entite autre que la societe de gestion en charge de la gestion financiere de l'OPCVM. Le principe de l'au­tonomie de gestion des OPCVM est ainsi clairement etabli. Chaque etablissement promoteur d'OPCVM doit done definir des procedures de gestion des conflits d'interet entre l'OPCVM et son groupe fondateur. Il existe ainsi une separation necessaire entre les organes. La societe de gestion doit alors composer entre son autonomie et 1' interven­tion d'un comite independant souvent exte­rieur a la societe elle-meme. En effet, si les criteres distincts pour le choix des fonds sont acceptes, ceux-ci doivent de toute fa9on venir en surplus par rapport au socle commun qui commande le respect de !'ensemble des dispositions legislatives et reglementaires en

vigueur en France. D' ailleurs, a titre illustra­tif, cette hierarchie s' impose me me lorsque la strategie des OPCVM est indicielle et qu'elle applique des regles de dispersion des risques allegees.

Il y est ainsi expressement mentionne a !'ar­ticle 321-19 du reglement general de l'AMF que la societe de gestion doit garder son auto­nomie afin de promouvoir les interets des porteurs de parts des fonds communs de creances qu'elle gere ou dont elle a delegue la gestion. A cet effet, elle doit exercer ses activites dans le respect de l'integrite, de la transparence et de la securite du marche. Les operations realisees dans le cadre d 'une gestion de fonds ainsi que leur frequence doivent a cet egard etre motivees exclusive­ment par 1' interet des porteurs et portees a la connaissance de ces demiers. La societe de gestion do it done s' abstenir de toute initiative qui aurait pour objet de privilegier ses inte­rets propres, ou ceux de ses associes, action­naires ou societaires, au detriment des inte­rets des porteurs. Le recours a un Comite consultatif devra se conformer a ces exigences. Seule la societe de gestion char­gee de la gestion financiere de l'OPCVM serait habilitee a prendre les decisions le concernant. Le Comite n'aurait ni a traiter, ni a connaltre d, operations particulieres tant que celles-ci n'auraient pas fait l'objet d'un refinancement effectif via 1' organisme de titrisation. C'est pourquoi le comite ad hoc n'a qu'un simple role consultatif et, en conse­quence, ne beneficie pas d'un quelconque pouvoir de decisions ou strategique.

(19) M Lebec, rapporteur du club Synergies Public-Prive dans Quelles formules pour peren­niser le financement des PPP ? , 19 septembre 2012, article en ligne disponible a l 'adresse http://www.ceps.assofr/Nos-actions/Les-publica­tions/228

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Financement de projets et evolution structurelle des banques europeennes Hugues MARTIN-SISTERON

Caracteristiques des obligations

Emetteur Fonds Commun de Titrisation

Objet Financement des PPP contractes en France par I'Etat (ou une Entite Publique Nationale), chaque projet etant isole au sein d'un compartiment du FCT.

Risque Etat (ou Entite Publique Nationale) durant toute Ia vie des obligations, materia-lise durant Ia :-Phase 1 (construction). par un risque de signature Etat (ou Entite

Risque Etat Publique Nationale) sur les liquidites placees par I'Emetteur selon des criteres permet-tant de miroiter les caracteristiques des obligations.- Phase 2 (exploitation), par les

(Entite publique) engagements irrevocables de paiement (creances detenues sur I'Etat ou I'Entite Publique Nationale) dont les montants et echeances miroitent le service de Ia dette obligataire.

Notations Credit Objectif de double notation [AAA] pour les projets Etat (meme notation que I'Entite publique sponsor sinon).

Phase 1 [3-5] ans (correspondant a Ia periode de construction) Maturite Phase 2 [25-35] ans (correspondant a Ia phase d'exploitation)

Vie moyenne [20-25] ans

Coupon Taux fixe annuel

Profil de rembour-Amortissable apres un differe.

sement (favorise) L'emission pourra, le cas echeant, comporter plusieurs tranches pari-passu entre elles et presentant des profils de remboursement differencies.

Date d'emission Date de signature.

[Tel Date a laquelle les investisseurs s'engagent irrevocablement a souscrire les obliga-tions eta en liberer le prix de souscription a Ia date convenue.

Date de paiement Date a laquelle le prix de souscription sera integralement paye par les investisseurs, du prix de sous- qui interviendra [apres Ia purge de tout recours]. au plus tard a Ia date de crista I lisa-cription [T p] tion(T+1).

Date de fixation Date co·l·ncidant avec Ia date de paiement du prix de souscription (Tp). du coupon Date a laquelle le coupon ainsi que le niveau de spread des obligations sont fixes [T+1(0)] selon les modalites figees avec I'Emetteur a Ia date d'emission.

lndemnite due par I'Etat (Entite Publique Nationale) en cas de decheance ou de resilia-Make whole tion anticipee du PPP survenant apres Ia date de paiement du prix de souscription,

avec recours lorsqu'elle est applicable sur Ia societe de projet.

Listing Sur un marche reglemente (AMF).

Droit applicable Droit frangais

Modalites de fixation du (des) coupon(s) par rapport au rendement observe sur le Modalites de marche secondaire de certaines emissions realisees par des emetteurs de reference fixation du (des) (rendement exprime par rapport a une reference OAT ou mid-swap) augmente d'un coupon(s) spread additionnel incluant notamment le «new issue premium observable» a Ia date

consideree.

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L'organisme de titrisation peut comporter deux ou plusieurs compartiments si le regle­ment du fonds le prevoit. Chaque comparti­ment donne lieu a 1' emission de parts et, le cas echeant, de titres de creance (C. mon. fin., art. L. L. 214-43 s). Les parts et les titres de creances emis par le fonds peuvent donner lieu a des droits differents sur le capital et les inten~ts. Le reglement de 1 'organisme et tout contrat conclu pour son compte peut stipuler que les droits de certains creanciers sont subordonnes aux droits d'autres creanciers du fonds. Les regles d'affectation des sommes rec;ues par l'organisme s'imposent aux porteurs de parts, aux actionnaires, aux detenteurs de titres de creances ainsi qu'aux creanciers qui les ont acceptees. Elles sont applicables meme en cas de liquidation de l'organisme. Dans le cadre d'un financement de projets, les parts emises par le FCT peuvent etre de differents niveaux de senio­rite : des plus subordonnes aux plus privite­gies, ou encore tous identiques et pass through, au sens ou les flux de tresorerie des prets sous-jacents sont transferes aux inves­tisseurs.

Pour la realisation de son objet, le FCT peut, dans les conditions detinies par decret en Conseil d'Etat, octroyer les garanties mentionnees a !'article L. 211-38 et, dans les conditions detinies par son reglement ou ses statuts, recevoir tout type de garantie ou de surete.

L'acquisition ou la cession des creances s'ef­fectue par la seule remise d 'un bordereau dont les enonciations et le support sont fixes par decret ou par tout autre mode de cession de droit franc;ais ou etranger. Elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers a la date apposee sur le bordereau lors de sa remise, queUe que soit la date de nais­sance, d'echeance ou d'exigibilite des

creances et ce quelles que soient la loi appli­cable aux creances et la loi du pays de resi­dence des debiteurs. La remise du bordereau entraine de plein droit le transfert des suretes, des garanties et des accessoires attaches a chaque creance, y compris les suretes hypo­thecaires, et son opposabilite aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalite. La realisa­tion ou la constitution des garanties ou des suretes consenties au benefice de 1' organisme entraine pour celui-ci la faculte d'acquerir la possession ou la propriete des actifs qui en sont 1 'objet.

Quels risques ? QueUes regulations ?

Le respect de la reglementation intematio­nale par tous les acteurs financiers est la condition sine qua none pour consolider, independamment de l'actif vendu, une harmonie au cceur du systeme financier mondial et, en consequence, pour limiter les risques de faillite des banques, augmenter la protection des deposants, mais aussi permet­tre une certaine discipline de marche. Apres une breve mise au point sur le cadre general qui s'impose aux investisseurs institution­nels, nous recenserons les principaux risques consecutifs de leurs activites. Des perspec­tives quant a leur regulation seront alors proposees.

Certaines analyses economiques, elles­memes articulees aux enjeux politiques et sociaux du moment, laisseraient entendre que le systeme bancaire parallele evoluerait tous freins casses en s' affranchissant de toutes regles, exceptee celle d'une performance absolue. Un systeme tout puissant qui aurait fait de la finance un corps etranger a 1' econo­mie reelle ... oubli de l'histoire en effet et, singulierement, oubli que le financement d 'une activite economique est consubstantiel a celle-ci et que nulle activite ne peut eclore

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sans !'intervention de l'industrie financiere presente a chaque etape du projet. La consti­tution du capital social, la tresorerie, la couverture des risques ou 1' appel public a l'epargne participent directement a l'activite economique ...

Un Shadow Banking System done ... S 'il faut nous excuser cet anglicisme, une telle formule a neanmoins le merite de la clarte pour celui qui la re<;oit. De ce fait, ces entites se retrouvent souvent accusees (plus par ignorance que par souci de verite) d'etre des fonds servant au blanchiment d'argent ou a des activites immorales.

C 'est une antienne classique dont 1' audience a depasse le seul cadre hexagonal, et qui s 'est renforcee avec 1' archetype des hedge funds, categorie particuliere d'investisseurs institutionnels qui, comme leur nom ne l'in­dique pas, ont des politiques d'investisse­ment restreintes, une gestion plutot opaque et, il est vrai, tres peu d' interferences regle­mentaires. S' il est legitime de denoncer les abus qui ont mene a la faillite du systeme et de s' emouvoir du sort de nos societes qui traversent, parfois dans la douleur, ces crises, il nous paralt toutefois malhonnete d' en fa ire le fondement de suggestions ou de recommandations normatives d'un systeme dans son entier.

Loin d' etre occultes, il apparait au contraire que les investisseurs institutionnels se construisent a travers des structurations juri­diques tres precises, ce qui leur donne une certaine transparence. La sophistication de leurs montages ne doit pas constituer un element a charge. D'ailleurs, la grande majo­rite des pays qui hebergent ces fonds ont leur propre legislation de lutte contre le blanchi­ment d' argent auxquels sont soumis ces instruments financiers. En France par exem-

ple, en vertu de !'article L. 561-2 du Code monetaire et financier et, par renvoi, de !'ar­ticle 315-50 du reglement general de 1 'AMF, les societes de gestion de portefeuille sont assujetties au dispositif de la LAB20 au titre de la foumiture de services d'investissement ou de la commercialisation des parts ou actions d'organismes de placements collec­tifs. Quant aux fonds communs de titrisation, les articles L. 561-2 du Code monetaire et financier et 321-31 du reglement general de 1' AMF les soumettent au dispositif dans les memes conditions. La vigilance impose ainsi aux professionnels d' identifier le client et de determiner l'objet et la nature de la relation d'affaires faute de quoi la loi pose une inter­diction absolue de nouer une relation d' af­faires, de la poursuivre ou d'executer une quelconque operation (Art. L.561-8 du Code monetaire et financier). Cette obligation de vigilance, loin de s 'arreter a la phase precon­tractuelle, continue par ailleurs durant toute la vie de la relation, car le Code demande des connaissances actualisees du client et un exam en attentif des operations effectuees afin de permettre une evaluation constante. L' obligation de declaration, quant a elle, oblige les professionnels, dont les etablisse­ments de credit, a declarer au service Traitement du Renseignement et Action Contre Les Circuits Financiers Clandestins (TRACFIN) les sommes ou les operations portant sur des sommes dont « ils savent, soupr;:onnent au ant de bonnes raison de soupr;:onner » qu' elles proviennent d 'une infraction passible d 'une peine de plus d 'un an d'emprisonnement. Une declaration doit egalement etre faite a TRACFIN des lors que, malgre les diligences de vigilance, un doute demeure concernant l'identite du donneur d'ordre, du beneficiaire effectif ou

(20) Lutte anti-blanchiment.

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Financement de pro jets et evolution structurelle des banques europeennes Hugues MARTIN-SISTERON

du constituant d'un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d'un patri­moine d' affectation.

Ainsi qu'il a pu etre souligne dans le Livre vert de la Commission europeenne, certains de ces risques peuvent etre de nature syste­mique, compte tenu en particulier de la complexite des entites et des activites du systeme bancaire parallele, de leur portee intemationale et de la mobilite intrinseque des titres et des marches de fonds et des inter­connexions entre les entites et les activites du systeme bancaire parallele d'une part et du systeme bancaire traditionnel d'autre part.

Selon le rapport susvise ces risques peuvent etre groupes comme suit:

--7 Les structures de financement de type depot peuvent etre victimes de desengage­ments massifs brutaux ( « runs ») : Les acti­vites du systeme bancaire parallele sont exposees a des risques financiers analogues a ceux des banques sans etre soumises aux contraintes decoulant de la reglementation et de la surveillance bancaire. Ainsi, certaines activites du systeme bancaire parallele reposent sur des financements a court terme, avec le risque de retraits brutaux et massifs des fonds des clients.

--7 Accumulation de levier important et invi­sible : Un levier trop important peut fragiliser le secteur financier et etre une source de risque systemique. Les activites du systeme bancaire parallele sont susceptibles de presenter un levier important du fait d 'une reutilisation a plusieurs reprises des suretes (collateral), sans limites imposees par la reglementation et la surveillance.

-7Contournement des regles et arbitrage reglementaire : Le systeme bancaire parallele peut etre

utilise pour mener des operations echap­pant a la reglementation ou a la surveil­lance applicable aux banques tradition­nelles : de telles operations, au lieu de suivre le processus normal d'intermedia­tion du credit, recourent a des structures juridiquement independantes traitant les unes avec les autres. Cette «fragmentation reglementaire » cree le risque d'un « nivel­lement par le bas » pour le systeme finan­cier dans son ensemble des lors que les banques et les autres intermediaires finan­ciers tentent d'imiter les entites du secteur parallele ou de faire mener certaines activi­tes par des entites exterieures a leur peri­metre de consolidation. Ainsi certaines activites contoumant les regles en matiere de capital et de comptabilite et transferant les risques hors du champ d'application de la surveillance bancaire ont-elles joue un role important dans 1' apparition de la crise de 2007/2008.

--7 Defaillances non ordonnees affectant le systeme bancaire : Les activites du systeme bancaire parallele sont souvent etroitement liees au secteur bancaire traditionnel. Toute defaillance peut avoir des repercussions et des effets de contagion importants. En periode de tensions ou en cas d'incertitudes graves, les risques pris par le systeme bancaire paral­lele peuvent se transmettre au secteur bancaire traditionnel par plusieurs voies : a) par les emprunts directs aupres du systeme bancaire traditionnel et les passifs bancaires eventuels (rehaussements de credit et lignes de tresorerie) ; b) par les ventes massives d' actifs, avec les repercussions qu' elles entrai'nent sur les prix des actifs reels et financiers.

Ces observations font suite a plusieurs initia­tives appelant a une reforme du systeme financier et au premier rang desquelles figure

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1' engagement pris au G20 de Seoul de confier au Conseil de stabilite financiere une reflexion avec les autres organisations inter­nationales de standardisation portant sur un cadre normatif destine a renforcer la regula­tion et la surveillance du SFP. Le CSF a ainsi confie au Co mite de Bale le so in d' examiner les interactions entre les banques et les entites du systeme bancaire parallele. D'autres auto­rites ont ete sollicitees telles que 1 'OICV21

qui doit analyser le risque systemique lie aux fonds monetaires. L' encadrement de la titri­sation a ete confie conjointement a cette demiere ainsi qu' au Comite de Bale.

Dans le meme sens, le Plan d'action22 engage par 1' AMF poursuit un triple objectif: pour­suivre les travaux sur la reglementation de la gestion des risques systemiques rattaches aux

fonds alternatifs, prendre en compte les aspects systemiques des fonds monetaires et encadrer le marche de la titrisation.

Le 20 juin dernier, la Commission des Finances a auditionne des acteurs de laPlace, afin de mieux comprendre le type d'activites exercees dans ce systeme bancaire parallele, ainsi que les avantages et les risques que ce systeme peut presenter pour les banques de meme que pour 1 'ensemble de 1' economie.

Les recommandations finales du CSF doivent etre publiees en septembre 2013.

(21) Organisation internationale des commis­sions de valeurs. (22) Disponible d l'adresse: http://www.amf­france. orgldocumentslgeneral/99ll_l.pdf

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