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1 / 3 Fin de vie, de nouveaux droits pour les patients La proposition de loi sur la fin de vie dévoilée le 12 décembre à l’Élysée consacre le droit des patients à être entendus et soulagés. PHILIPPE MARIANA/MAXPPP L'unite de soins palliatifs de l'hopital de Puteaux. Deux nouveautés: l’obligation pour le médecin de respecter les directives anticipées laissées par le patient et un « droit à la sédation » dans des cas précis. François Hollande a annoncé qu’un débat sans vote serait organisé dès janvier à l’Assemblée à partir de ces propositions, qui serviront de base à la préparation d’un texte en vue d’un vote à une date non encore fixée. Après deux ans et demi de consultations, le voile est enfin levé sur les intentions de l’exécutif en matière de fin de vie. Vendredi 12 décembre, Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes) et Alain Claeys (PS, Vienne), les deux députés missionnés par Matignon, ont dévoilé leurs conclusions. > Retrouvez notre dossier spécial sur la fin de vie Preuve de l’importance du sujet, c’est au chef de l’État que ces élus ont remis vendredi un rapport et une proposition de loi. Des travaux qui signent leur volonté – et celle de François Hollande – de travailler dans l’apaisement, le consensus et surtout, au plus près des attentes des Français, loin des postures et des arguments faciles. > À lire: Pourquoi l’Élysée a joué la prudence

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Fin de vie, de nouveaux droits pour les patients

La proposition de loi sur la fin de vie dévoilée le 12 décembre à l’Élysée consacre le droit des patients à être entendus et soulagés.

PHILIPPE MARIANA/MAXPPPL'unite de soins palliatifs de l'hopital de Puteaux.

Deux nouveautés: l’obligation pour le médecin de respecter les directives anticipées laissées par le patient et un « droit à

la sédation » dans des cas précis.

François Hollande a annoncé qu’un débat sans vote serait organisé dès janvier à l’Assemblée à partir de ces propositions,

qui serviront de base à la préparation d’un texte en vue d’un vote à une date non encore fixée.

Après deux ans et demi de consultations, le voile est enfin levé sur les intentions de l’exécutif en matière de fin de vie.

Vendredi 12 décembre, Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes) et Alain Claeys (PS, Vienne), les deux députés missionnés

par Matignon, ont dévoilé leurs conclusions.

   > Retrouvez  notre dossier spécial sur la fin de vie

Preuve de l’importance du sujet, c’est au chef de l’État que ces élus ont remis vendredi un rapport et une proposition de

loi. Des travaux qui signent leur volonté – et celle de François Hollande – de travailler dans l’apaisement, le consensus et

surtout, au plus près des attentes des Français, loin des postures et des arguments faciles.

   > À lire:  Pourquoi l’Élysée a joué la prudence

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On savait déjà que le texte n’ouvrirait pas la porte à l’euthanasie et au suicide assisté, les termes de la lettre de mission,

envoyée en juin par Manuel Valls, écartant ces hypothèses. Sans surprise, les partisans de l’ADMD, l’Association pour le

droit de mourir dans la dignité, ont fait part vendredi de leur déception en découvrant le rapport Leonetti-Claeys. « Plus

 », a même déclaré Jean-Luc Romero, son président, qui avait appelé ses partisans à venir protesterque déçu, en colère

devant l’Assemblée nationale.

« LE SACHANT RÉPOND À LA VOLONTÉ DU SOUFFRANT »Pour autant, les opposants à l’euthanasie n’étaient pas rassurés, craignant une rupture – qui ne dirait pas son nom – par

rapport aux textes actuels. De fait, les premières déclarations du pouvoir socialiste, les débats qui ont suivi sur le « suicide

médicalement assisté » pouvaient le laisser craindre, selon eux. En réalité, à la lecture de la proposition de loi, il n’en est

rien. C’est globalement dans la continuité de « l’esprit » de la loi Leonetti que le nouveau texte s’inscrit.

Avec toutefois un apport crucial: les droits du patient, certes déjà consacrés en 2002 et 2005, sont réaffirmés de façon

nette. «  , a reconnu Jean Leonetti lui-même, qui avait œuvré pour la loi du 22 avril 2005. C’est un changement de culture

 », et non l’inverse.Le sachant répond à la volonté du souffrant

Ces dernières années, on avait beaucoup reproché à la  loi Leonetti d’être faite pour les médecins avant tout. Sans

basculer dans une forme d’aide active à mourir, le nouveau texte soutient et martèle que le patient est au centre des

décisions. Vendredi, François Hollande a salué une proposition de loi «   », « centrée sur le malade sur le respect de

 ».l’autonomie du patient

DES DIRECTIVES QUI S’IMPOSENT AU MÉDECINCette approche se traduit principalement par deux dispositions. La première: les directives anticipées s’imposeront

désormais au médecin alors que, jusqu’ici, elles n’étaient que consultatives.

Ce dernier ne pourra y déroger que dans deux cas: l’urgence vitale et lorsque les directives (révocables à tout moment

mais désormais sans limite de validité) s’avèrent « manifestement inappropriées ». « On peut imaginer l’hypothèse d’un

patient atteint d’une maladie chronique pour laquelle une nouvelle molécule serait mise sur le marché qui permettrait

d’espérer une poursuite de la vie dans des conditions très améliorées », illustre le rapport.

Le médecin qui déciderait de ne pas suivre les directives devrait toutefois consulter un confrère et motiver sa décision.

Les députés ont souhaité que les directives soient formalisées (avec un cadre général et une partie plus spécifique

lorsque la personne est atteinte d’une maladie grave) et inscrites sur la carte vitale.

UN DROIT A LA SÉDATION DANS DES CONDITIONS PRÉCISESLa seconde a trait à la sédation en phase terminale, c’est-à-dire lorsque « le pronostic vital est engagé à court terme ». La

principale nouveauté du texte est de rassembler et d’inscrire clairement dans la loi les conditions – souvent déjà prévues,

mais dans des recommandations de bonnes pratiques – d’une sédation profonde et continue en fin de vie. L’objectif est

double: rassurer les patients en leur garantissant une «  mort apaisée  » et éviter des pratiques disparates selon les

services et les établissements.

Un « droit à la sédation », profonde et continue jusqu’au décès est ainsi consacré dans trois cas précis.

Tout d’abord, lorsque le malade, en phase terminale d’une maladie incurable, souffre de symptômes réfractaires. Ce

dernier pourra alors exiger de l’équipe médicale d’être endormi jusqu’à son décès, afin de ne plus souffrir.

Ensuite, lorsqu’un patient a décidé d’arrêter tous les traitements qui le maintiennent en vie « parce qu’il estime qu’ils (la)

prolongent inutilement, étant trop lourds ou ayant trop duré », comme le précise le rapport Leonetti-Claeys. Son pronostic

vital étant engagé, le patient pourra demander à bénéficier d’une sédation jusqu’à sa mort.

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Enfin, le 3e cas concerne les personnes hors d’état d’exprimer leur volonté, victimes d’une obstination déraisonnable. Le

rapport propose que « sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient et selon une procédure collégiale », le

médecin ait l’obligation de suspendre ou de ne pas entreprendre les traitements n’ayant d’autre effet que le seul maintien

artificiel de la vie ». Il est alors reconnu au patient « le droit à une sédation profonde et continue », poursuit le texte, qui

s’inscrit dans la ligne de l’article 37-3 du code de déontologie médicale.

La question de l’hydratation et de la nutritionPoint très important: dans ces trois cas, les élus insistent sur le fait que la sédation devra être associée à l’arrêt de tout

traitement, notamment la nutrition et l’hydratation artificielles. «  Ne pas associer ces deux actes médicaux serait

incohérent, les effets de l’un contrariant les effets de l’autre », écrivent les députés.

C’est sur ce point que se cristallisent certaines inquiétudes, notamment au sein du collectif « Soulager mais pas tuer ».

Ces associations réunies autour d’Alliance Vita redoutent que le rapport Leonetti-Claeys « favorise de façon systématique

  », à travers « et déshumanisée l’application de protocoles de fin de vie anesthésiques un endormissement anticipé

».coupant toute conscience et toute relation 

De son côté, la Société française de soins palliatifs salue la proposition de loi, estimant qu’elle « répond précisément aux

 », sans pour autant faire droit à des formes d’aide active à mourir.attentes des Français

Téléchargez >>Rapport-et-proposition-de-loi-creant-de-nouveaux-droits-en-faveur-des-malades-et-des-personnes-en-fin-de-vieMARINE LAMOUREUX

http://www.la-croix.com/Actualite/France/Fin-de-vie-de-nouveaux-droits-pour-les-patients-2014-12-12-1279120