figures et images de l’eglise · “christ est fidèle comme fils sur sa maison; ... je te dis...

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Figures et Images de l’Eglise George Winston N.B. Les citations bibliques, sauf contre-indication, sont de la version Louis Segond. Abréviations: Traduction oecuménique de la Bible - TOB La Bible en français courant - FC La Bible du Semeur - Sem. La Bible de Jérusalem - Jérus. INTRODUCTION

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Figures et Images

de l’Eglise

George Winston

N.B. Les citations bibliques, sauf contre-indication, sont de la version Louis Segond. Abréviations: Traduction oecuménique de la Bible - TOB La Bible en français courant - FC La Bible du Semeur - Sem. La Bible de Jérusalem - Jérus. INTRODUCTION

L’Eglise est-elle: - Une salle de classe où un théologien dispense un enseignement magistral à un auditoire connaisseur? - Un opéra où le drame religieux, réglé et solennel, est joué par des acteurs aux habits fastueux, accompagnés de grandes musiques? - Une clinique où se rendent des gens meurtris, pour recevoir des conseils et des soins de santé mentale apportés par des spécialistes? - Un club ou se rencontrent des personnes d’un même type et d’intérêts communs, en vue d’activités et de contacts sociaux agréables? - Une base militaire où les soldats reçoivent entraînement et approvisionnements, en vue d’être mobilisés pour des missions caritatives et/ou d’évangélisation? - Un show où le spectacle est assuré sur scène par des vedettes qui chauffent la salle pour favoriser une participation vocale et gestuelle spontanée de sa part? - Une entreprise économiquement puissante gérée par des professionnels pour distribuer aux masses une aide sociale et le salut, en de nombreux points de vente? Jésus et ses apôtres ne se sont pas bornés à formuler des propositions au sujet de l’Eglise. Ils nous en ont aussi donné un nombre d’illustrations frappantes, riches en enseignements. Prendre en considération toutes ces représentations, sans en accentuer une aux dépends des autres, apporte une vue équilibrée de l’Eglise et une sécurité contre le danger d’en déformer les traits. Nous chercherons dans cet ouvrage à assurer surtout une bonne interprétation des principales images proposées par l’Ecriture. Certaines applications pratiques sauteront aux yeux. Jésus lui-même a suggéré la plupart de ces figures. Le Seigneur laisse déjà entrevoir dans ces images les lignes de force de la nouvelle communauté qui, après son départ, rassemblerait ses disciples. Ses apôtres en ont complété les traits par la suite. Nous y découvrons l’Eglise dans son essence, à savoir: tout ce qui est vrai de l’Eglise universelle et tout ce qui devrait l’être des Eglises locales. CHAPITRE 1 L’EGLISE EST UN EDIFICE En quoi l’Eglise est-elle un édifice? “Jésus dit...je bâtirai mon Eglise” (Mat.16:18). Paul écrit “à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe: “Vous êtes l’édifice de Dieu...Vous êtes le temple de Dieu” (3:9,16). “Nous sommes le temple du Dieu vivant” (2Cor.6:16). Il écrit à l’Eglise d’Ephèse: “Vous êtes des gens de la maison de Dieu...vous avez été édifiés sur le fondement...Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire...En lui tout l’édifice, bien coordonné s’élève pour être un temple saint...une habitation de Dieu” (Eph.2:19-22). “...la maison de Dieu qui est l’Eglise du Dieu vivant” (1Tim.3:15). “Edifiez-vous pour former une maison spirituelle” (1Pi.2:5). L’Eglise est un rassemblement doté d’une structuration spirituelle

qui fera grandir le temple. Un édifice est “un ensemble important construit avec art”. L’Eglise répond à cette définition. Cette image souligne la stabilité, la solidité, et la durabilité de l’Eglise. Elle est toujours là après deux mille ans, et en pleine croissance. De quels matériaux l’Eglise est-elle composée? Pierre s’adresse “...à ceux qui sont élus selon la prescience de Dieu” (1Pi.1:2). Il leur dit: “Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle” (1Pi.2:5). L’Eglise est composée de ceux qui ont fait l’objet d’une élection et qui ne sont pas des pierres inertes mais des personnes qui ont la vie éternelle en vertu de la nouvelle naissance. “En Christ vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu” (Eph.2:22). Ils avaient été ajoutés à l’édifice parce qu’ils étaient “en Christ”. “Christ est fidèle comme fils sur sa maison; et sa maison c’est nous” (Héb.3:6). L’auteur de l’épître aux Hébreux d’une part et ses destinataires d’autre part étaient les matériaux dont la maison du Christ était construite. “Vous êtes l’édifice de Dieu...Vous êtes le temple de Dieu” (1 Cor.3:9,17). L’Eglise n’a pas d’existence en dehors des croyants qui la composent. Elle n’est pas le “clergé”. La pierre qui critique l’Eglise se critique lui-même. “Si quelqu’un bâtit sur ce fondement (Christ - v.11) avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’oeuvre de chacun sera manifestée...dans le feu” (1Cor.3:12,13). L’Eglise doit être construite en dur - avec des matériaux de qualités qui subsisteront après le feu du jugement. Les bâtisseurs sont ainsi appelés à contribuer à la durabilité et à la valeur spirituelle d’autres membres de l’Eglise. L’édifice doit être marqué par la beauté morale (argent, or, pierres précieuses) plutôt que par l’ampleur sociologique (bois, foin, chaume). Sur quel fondement l’Eglise est-elle édifiée? “Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ” (1Cor.3:11). “Ainsi parle le Seigneur, l’Eternel: Voici j’ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre éprouvée, une pierre angulaire de prix, solidement posée; celui qui la prendra pour appui n’aura point hâte de fuir”(Esa.26:16). Il s’agit d’une prophétie messianique. Le Nouveau Testament cite ce même texte d’Esaïe à quatre reprises pour décrire son accomplissement en la personne de Jésus-Christ (Ro.9:33; 10:11; Eph.2:20; 1Pi.2:6-8). Jésus est donc déclaré dans la même phrase, être, à la fois, le fondement et la pierre angulaire de l’édifice, sans qu’il n’y ait contradiction dans l’esprit du prophète. La principale de l’angle était la pierre de fondation sur laquelle reposait tout l’édifice en réunissant deux des murs. Elle en assurait ainsi la stabilité (Job 38:6). Elle n’était pas la pierre de faîte car Esaïe précise qu’il s’agit de “la prendre pour appui”. Et Pierre applique cette prophétie, non à lui-même, mais à Jésus-Christ en expliquant que “le Seigneur” est cette “pierre vivante” à laquelle doivent venir les autres “pierres vivantes” pour être édifiées sur lui (1Pi.2:4-6). Christ est donc le début de la construction, le fondement, la première pierre posée, non la dernière, à la fin. Quand le Nouveau Testament appelle Jésus-Christ “la pierre angulaire” de l’Eglise (Eph.2:20-22), ce n’est donc pas pour nier qu’il en soit le fondement. C’est une simple synecdoque qui prend la partie (la plus importante du fondement) pour le tout. Et Jésus lui-même déclare être la pierre angulaire prédite dans le Ps.118:22,23: “N’avez-vous pas lu cette parole de l’Ecriture: La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle” (Mc.12:10; Mat.21:42; Luc 20:17). Et l’apôtre Pierre lui-même rappelle par deux fois cette même parole du Seigneur et en confirme la vérité, devant le sanhédrin (Act.4:11) et dans sa première épître (1Pi.2:7). Mais que penser de l’affirmation du Catholicisme que c’est Pierre le fondement de l’Eglise? Cette idée est basée sur une interprétation de Mat.16:15-18: “Et vous, leur dit Jésus, qui dites-vous que je suis? Simon Pierre répondit: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui dit:... Et moi, je te dis que tu es Pierre et sur ce roc je bâtirai mon Eglise”. Cette interprétation se base (1) sur le jeu de mots évident dans l’original entre “Pierre” (Petros) et “roc” (petra), et sur (2) le mouvement de la phrase qui semblerait le plus naturel si on comprend ces deux mots comme synonymes et se référant tous les deux à Pierre. Selon cette interprétation, Jésus bâtirait l’Eglise sur la personne de Pierre. Examinons-en l’exégèse de plus près: Certes, Petros et petra ont une résonance similaire, mais le premier est un nom propre masculin et le deuxième est un nom commun féminin. Désigneraient-ils tous les deux la même réalité? Ces deux noms signifient aussi deux choses différentes. Petros signifie “caillou”, ou “pierre mobile”; petra signifie “rocher” ou “roc”. L’apôtre Pierre n’est désigné comme petra, ou “rocher”, nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. Par contre, le mot “rocher”, petra, désigne Jésus-Christ à quatre reprise (Luc 6:47,48; Ro.9:33; 1Cor.10:4; 1Pi.2:7,8). La version catholique de l’abbé Crampon traduit le mot petra dans chacun de ces quatre textes par “roc” ou “rocher”, mais traduit ce même mot autrement dans Mat.16:18, c.à.d. par “pierre” et non “roc”. L’inconséquence est évidente. L’Ancien Testament emploie le mot “rocher” une trentaine de fois pour désigner Dieu mais jamais pour un homme. Il exclut même la possibilité qu’un homme en soit un: “Qui est un rocher si ce n’est notre Dieu? (2 Sam.22:32; Ps.18:31). “Y a-t-il un autre Dieu que moi? Il n’y a pas d’autre rocher, je n’en connais point” (Esa.44:8). Le rocher sur lequel serait bâti l’Eglise devait être une personne divine.

Quelques instants après cette déclaration de Jésus, Pierre se révèle être tout le contraire d’un roc; plutôt un piètre fondement pour l’Eglise. Voyez le contexte immédiat de Mat.16:18. Il nie déjà au v.22 la nécessité de la mort du Christ, fait central de la foi chrétienne. Sur ce, Jésus lui répond: “Arrière de moi, Satan!” et le traite ainsi de porte-parole du Diable. Peu après, Pierre oubliera l’avertissement et reniera trois fois Jésus - ce que ne fit aucun de ses autres disciples (Jean 18:15-27). Pierre se montre tout aussi peu fiable dix ans plus tard. Paul écrira de lui: “Je lui résistai en face, parce qu’il était répréhensible...Avec lui les autres Juifs...ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Evangile” (Gal.2:11-14). Où donc était l’infaillibilité papale sur un point de doctrine qui touchait à la vérité-même de l’évangile? Pierre, à Jérusalem, fut plutôt “regardé comme une colonne” (Gal.2:9). Ce n’est pas la même chose que le rocher de fondation. Mais, même en admettant que Pierre fut le roc sur lequel Jésus allait bâtir son Eglise, on ne peut déduire de ce simple fait tout ce que le catholicisme en tire: (a) que Pierre était évêque de Rome, (b) qu’il avait autorité spirituelle sur tous les autres évêques du monde, (c) que cette primauté devait être transmissible à tous ses successeurs (d) à Rome et (e) qu’elle le fut sans interruption jusqu’au Pape actuel. Paul ne se borne pas à déclarer que Jésus est le fondement de l’Eglise (1Cor.3:11), il exclut toute autre possibilité: “Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ”. Pierre ne pourrait donc être ce fondement. Mais il pourrait être celui qui le pose. Le Christ, sans mentionner nommément l’Eglise, parle de l’homme qui bâtit une maison sur le roc de sa parole (Luc 6:47-49). Cet édifice n’est pas ébranlé par l’inondation qui se jette contre lui. Par contre, une maison bâtie sur le sable, sans la parole du Christ pour fondement, est ruinée par le torrent. Toute tentative de bâtir l’Eglise sur un homme, sur une doctrine, sur une expérience, sur une institution est vouée à l’échec. On édifiera peut-être quelque chose, mais ce ne sera pas l’Eglise du Christ, et le séjour des morts prévaudra contre cette chose-là. Qu’en est-il donc du mouvement naturel de la phrase (dans Mat.16:15-18). Et à quoi, dans le contexte précédant, pourrait se référer le “ce” de “ce roc”? A la lumière des affirmations de l’Ecriture citées plus haut, que Jésus-Christ est le rocher de fondation, il est naturel que les mots “ce rocher” se réfèrent à ce qui fut dit plus avant du Seigneur. Pierre venait de déclarer au sujet de Jésus: “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant” (v.16). C’est sur le “rocher” de cette déclaration de Pierre que Jésus va bâtir son Eglise inébranlable. Le simple fait que Jésus était le Christ, le Fils de Dieu, ne faisait pas encore de lui le fondement de l’Eglise. C’est par cette proclamation de Pierre au sujet de Jésus que l’apôtre poserait le fondement sur lequel l’Eglise s’édifierait. Ce furent Pierre et les onze autres apôtres, témoins de la résurrection de Christ (Act.2:14,32,37), qui fondèrent en même temps l’Eglise universelle et celle de Jérusalem. Pierre fut leur porte-parole par un discours très complet sur la personne et l’oeuvre du Christ (v.14-40). Le mot “priorité” décrirait le mieux le rôle de Pierre par rapport à celui des autres apôtres, plutôt que le mot “primauté”. C’est aussi parce que les apôtres furent les fondateurs de l’Eglise que “les douze noms des douze apôtres sont écrits sur les douze fondements” de la Jérusalem céleste (Apoc.21:14). Le thème central de la prédication apostolique était: “Jésus est le Fils de Dieu” (Act.9:20). La confession publique de ceux qui croyaient à cette prédication était: “Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu” (Act.8:36,37; 1Jean 4:15). Et c’est sur cette proclamation au sujet du Christ que, par la suite, tous les apôtres poseraient également le fondement d’innombrables Eglises locales. L’explication ci-dessus est l’interprétation privilégiée par la majorité des Pères de l’Eglise. En effet, 43 des 60 Pères les plus éminents, dont Justin, Augustin, Athanase, Jérôme, Cyrille de Jérusalem, Origène, Hilaire et Chrysostome, affirment que le rocher sur lequel est bâtie l’Eglise est la confession de Pierre proclamant que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. Plus important que la personne de Pierre, est l’Evangile qu’il devait annoncer. Car c’était la réponse donnée à cette bonne nouvelle qui déterminait si les péchés étaient pardonné ou retenus. L’Eglise s’édifie sur le Christ proclamé. Le contenu de la proclamation est donc d’importance capitale, plutôt que la personne qui la proclame. Pour espérer fonder et édifier une Eglise, il faut impérativement annoncer la personne du Christ dans toute sa beauté, ainsi que l’oeuvre de salut qu’il a accomplie par sa mort et sa résurrection. K.S. Latourette analyse les raisons de l’expansion du christianisme aux premiers siècles de l’Eglise: “Sans Jésus, le christianisme ne serait pas venu à l’existence, et c’est du Christ et de ce qu’on croyait à son sujet qu’est venue sa principale dynamique” (Tome I, p.168). Le monde du premier siècle, pluraliste comme le nôtre, fut sensible à cette puissance d’attraction. Nous aussi devons simplement présenter Jésus. Non pas arguer de la supériorité de la religion chrétienne, ni vanter l’Eglise, et encore moins l’une ou l’autre institution. Parler d’un Christ personnel, ressuscité et vivant aujourd’hui, que nous avons rencontré, que nous connaissons et aimons et dont nous avons éprouvé l’amour. Sans arrogance, avec respect pour notre interlocuteur et compréhension pour ses vues. Voilà ce qui lui donnera envie de bâtir sa vie sur l’unique fondement sûr et digne de foi. Ceux qui pensent que Pierre est le fondement parlent du Pape et de l’importance de faire partie de l’institution sise à Rome. Qui sont les fondateurs de l’Eglise? Paul confirme ce rôle des apôtres dans la fondation de l’Eglise. Il décrit sa part dans l’édification de celle à Corinthe: “Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte” (1Cor.3:10). C’est en vertu de son charisme d’apôtre (selon la grâce qui lui avait été donnée) que Paul fonda cette Eglise. Son rôle d’apôtre ne consistait donc pas

à “être” le fondement de l’église mais à le poser. Le récit de cette fondation (Act.18:1-11) précise qu’il posa le fondement de la même façon que le fit Pierre pour l’Eglise universelle: en “attestant que Jésus était le Christ” (v.5). Ce récit contient quatre autres mentions de sa prédication (18:4,8,9,11). L’apôtre pose le fondement d’une Eglise locale par l’annonce de l’évangile du Christ Paul écrit aux Romains: “Je me suis fait honneur d’annoncer l’Evangile là où Christ n’avait point été nommé, afin de ne pas bâtir sur le fondement d’autrui” (Ro.15:20). Par principe, l’apôtre allait là où on n’avait pas encore annoncé le Christ - en terrain vierge. Il ne voulait pas poser un fondement là où un autre apôtre en avait déjà posé un. “Le fondement d’autrui” n’est donc pas le fondement qu’est un autre apôtre, mais le fondement posé par un autre apôtre. Il s’agit d’un génitif subjectif. Ce n’est pas la personne de l’apôtre, mais “les éléments de la parole sur le Christ” annoncés par lui qui sont “le fondement” (Héb.6:1). Aujourd’hui encore Dieu envoie des apôtres, missionnaires pionniers qui parlent du Christ à ceux qui ignorent tout de lui et qui fondent ainsi sur lui des Eglises là où il en manque Certains ont pensé voir en Eph.2:20 une contradiction à tout ce qui précède: “Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire”. Ils interprètent le génitif “le fondement des apôtres et des prophètes” comme un génitif objectif signifiant “le fondement que sont les apôtres et les prophètes”. Mais, grammaticalement, il peut tout aussi bien être un génitif subjectif signifiant “ le fondement posé par les apôtres et les prophètes”. Cette dernière interprétation cadre avec tout ce que nous avons vu jusqu’ici. Elle évite aussi la difficulté de devoir expliquer pourquoi il y aurait deux fondations: qu’en plus de Jésus-Christ la pierre angulaire, mentionné en même temps, il y aurait aussi les apôtres et les prophètes comme fondement. Aussi, ce lance-t-on en général dans des discussions à savoir si ce sont les prophètes de l’Ancien Testament ou ceux du Nouveau qui sont, avec les apôtres, le fondement de l’Eglise. Ces discussions sont inutiles parce qu’elles reposent sur une erreur grammaticale. Il ne faut pas traduire: “des apôtres et des prophètes”, mais: “des apôtres et prophètes”. Un seul article précède les deux substantifs dans le texte original - ce qui fait des “apôtres et prophètes” une seule classe et non deux. En effet, les premiers apôtres étaient aussi des prophètes, et les écrits de tous les apôtres qui sont des auteurs bibliques (Jean, Pierre, Jacques, Paul) contiennent aussi des prédictions. Le Semeur traduit: “les apôtres ses porte-parole”. Quand donc, pourrait-on dire d’une Eglise qu’elle est “apostolique”? a) Quand elle a été fondée en vertu de la prédication au sujet de “l’apôtre de notre confession de foi, Jésus” (Héb.3:1 TOB). C’est-à-dire, quand le Jésus confessé au départ par les prédicateurs et par ceux qui ont cru, est conforme à la réalité du Jésus, “envoyé” (apostolos) du Père. b) Quand on pourrait dire de cette Eglise: “La parole du Christ habite parmi vous” (Col.3:16). C’est-à-dire, quand l’enseignement qui y est apporté, qui y est compris et suivi, correspond à celui de Jésus rapporté et expliqué par les premiers apôtres (Eph.2:20) et consigné par eux dans le canon du Nouveau Testament. c) Quand cette Eglise, aujourd’hui encore, met à part (Act.13:2) et soutient (Phil.4:17-18) des apôtres, envoyés par le Saint-Esprit (Act.13:4), comme Paul et Barnabas (14:4) qui n’étaient pas des douze (1Cor.12:28), c’est-à-dire qu’elle est source de missionnaires pionniers fondateurs d’Eglises. Qui sont les bâtisseurs de l’Eglise? Dieu lui-même: Jésus dit: “Je bâtirai mon Eglise” (Mat.16:18). Il était charpentier. Il est le maître d’oeuvre. “Nous sommes ouvriers avec Dieu...Vous (l’Eglise à Corinthe) êtes l’édifice de Dieu” (1Cor.3:9). Paul déclare à l’Eglise à Ephèse: “Je vous recommande à Dieu, à celui qui peut édifier” (Act.20:32). “En Jésus-Christ tout l’édifice s’élève (Lit. “grandit” Eph.2:21). L’union de l’Eglise avec le Christ assure la croissance de celle-ci. Toute décroissance est anormale et l’indice d’une entrave à l’action divine. L’Eglise n’est pas une invention, une initiative humaine, mais une oeuvre de Dieu. C’est le secret de sa pérennité. Nous pouvons faire confiance au Seigneur pour son avenir. Il mènera à bien son entreprise. Chaque vrai croyant: L’apôtre écrit à l’Eglise à Corinthe: “Nous (vous et moi) sommes ouvriers...J’ai posé le fondement, et un autre a bâti dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus...L’oeuvre de chacun sera manifestée...Le feu éprouvera ce qu’est l’oeuvre de chacun”(1Cor.3:10,12,13). Combien de chrétiens considèrent-ils l’Eglise comme un chantier sur lequel ils sont appelés à être des ouvriers? “Celui qui prophétise édifie l’Eglise...Lorsque vous vous assemblez, les uns ou les autres parmi vous ont-ils un cantique, une instruction, une révélation, une langue, une interprétation, que tout se fasse pour l’édification” (1Cor.14:3,26). Toute activité et toute façon de faire dans l’Eglise doit être soumis au test de “l’édification”. Tout ce qui ne contribue pas à la solidité, à la beauté et à la croissance du temple est superflu, voir nuisible, et n’y a pas sa place. “Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle” (1Pi.2:5). “Edifiez-vous les uns

les autres” (1Thes.5:11). “L’Eglise était en paix, s’édifiant dans la crainte du Seigneur et elle s’accroissait” (Act.9:31). Les conducteurs de l’Eglise primitive avaient le souci de mobiliser tous ses membre dans l’oeuvre de sa construction. Quelle fonction remplit l’édifice qu’est l’Eglise? Etre une habitation pour Dieu sur la terre: “Le Dieu qui a fait le monde...n’habite point dans des temples faits de main d’homme” (Act.17:24). “Vous (l’Eglise à Ephèse) êtes édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit” (Eph.2:22). “...la maison de Dieu qui est l’Eglise du Dieu vivant” (1Tim.3:15). “Christ est fidèle sur sa maison; et sa maison c’est nous” (Héb.3:6). “Vous (l’Eglise à Corinthe) êtes le temple de Dieu et l’Esprit de Dieu habite en vous? (1Cor.3:16). Il manquait à Dieu une habitation sur terre quand, à la mort de Christ, le voile du temple à Jérusalem se déchira du haut jusqu’en bas (Mat.27:50,51). Ce temple magnifique serait remplacé par une multitude d’habitations spirituelles (non de pierre et de mortier) qui assureraient une présence de Dieu dans d’innombrables localités par toute la terre. Les conducteurs de ces temples doivent veiller à leur entretien, à leur beauté morale, à leur attrait spirituel pour ceux qui les entourent. Ces édifices doivent faire honneur à Celui qui les habite. Etre le soutien de la vérité dans ce monde: “...la maison de Dieu qui est l’Eglise du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité” (1Tim.3:15). La présence de l’Eglise à travers les siècles a été un soutien et une protection pour préserver la vérité de l’erreur et même de disparition. Les historiens nous disent que le climat intellectuel au premier siècle était marqué par le désespoir de jamais connaître la vérité. C’est dans ce climat que Jésus déclarait: “Vous connaîtrez la vérité” et “Je suis la vérité” (Jean 8:32; 14:6) et que ses disciples affirmèrent: “Le Seigneur est vraiment ressuscité” (Luc 24:34). Un message de certitude, qui n’était pas une simple idée philosophique ou une intuition religieuse de plus, mais qui reposait sur des faits historiques objectifs et vérifiables s’est répandu comme une traînée de poudre dans tout le monde connu en deux générations. Notre époque postmoderne en est arrivée à son tour à douter qu’une vérité, valable pour tout le monde, existe. L’Eglise qui proclame ce même Evangile, et affirme que le Christ va revenir et de nouveau pénétrer dans l’histoire de l’humanité, cette fois-ci pour la juger, cette Eglise ôte le christianisme du domaine privé et de l’opinion personnelle et confronte les hommes à la nécessité de prendre position au sujet de faits qui sont et seront les mêmes pour tous. L’Eglise affirme que la vérité existe et qu’il faut lui obéir (Gal.5:7), agir selon elle (Jean 3:21), et se réjouir d’elle (1 Cor.13:6). L’apôtre professait la vérité (Eph.4:15), maintenait la vérité de l’Evangile (Gal.2:5) et déclarait: “Je suis appelé à défendre fermement la Bonne Nouvelle” (Phil.1:7 FC). Sa qualité d’apôtre ne faisait pas de lui la source de la vérité, mais son protecteur. L’Eglise ne détermine pas ce qu’est la vérité, comme le prétend l’institution, mais est uniquement son défenseur. Quel type d’édifice l’Eglise est-elle? L’Eglise est un édifice spirituel: “Comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle” (1Pi.2:5). La vie spirituelle de chacune des pierres qui la constituent, est ce qui fait de l’Eglise une maison spirituelle. Y ajouter des pierres mortes ne fait pas vivre celles-ci mais introduit dans l’Eglise un élément de mort. On a souvent construit l’institution plus vite et plus grand en ajoutant des pierres sans vie. “Jésus dit, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne (au temple samaritain de Garizim) ni à Jérusalem (dans son temple) que vous adorerez le Père...mais en esprit et en vérité” (Jean 4:21,23). L’église ce sont ceux qui adorent, non pas là où ils adorent. Il ne s’agit donc pas d’un édifice, matériel, localisé. L’Eglise a connu sa plus grande croissance pendant ses deux premiers siècles - sans l’aide ni l’entrave de cathédrales, d’édifices de prestige. Ceux-ci en sont venus à symboliser l’immobilité, l’orgueil, l’inflexibilité, la froideur et le caractère impersonnel de l’institution. L’Eglise est un édifice indestructible: Jésus dit: “Je bâtirai mon Eglise et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle” (Mat.16:18). La mort n’aura jamais d’emprise sur elle. Elle restera invincible face à la disparition des générations successives de ceux qui la constituent. “Si quelqu’un bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses..., l’oeuvre de chacun..., se révélera dans le feu. Si l’oeuvre...subsiste, il recevra une récompense” (1Cor.3:12-14). Bâtir sur Christ la maison spirituelle avec des pierres vivantes, c’est faire oeuvre durable. “En Christ, tout l’édifice, bien coordonné (“bien ajusté ensemble”-Darby), s’élève pour être un temple saint” (Eph.2:21). FC traduit cette même phrase: “C’est le Christ qui assure la solidité de toute la construction”.

“Hyménée et Philète...renversent la foi de quelques-uns. Néanmoins, le solide fondement posé par Dieu reste debout” (2 Tim.17-19). Aucune oeuvre de destruction, aucun nombre de défections ne mettra en péril cet édifice spirituel. Les institutions passent ou se laissent dépasser, les cathédrales se fissurent et se vident. Mais, par l’Esprit Saint, des germes de vie finissent toujours par surgir là où on les attend le moins. Les hommes cherchent la permanence dans le temporel, le matériel et l’institutionnel, Dieu fait siéger la durabilité dans le spirituel. L’Eglise est un édifice saint: “L’édifice...s’élève pour être un temple saint” (Eph.2:21). Etre saint c’est être “mis à part”, pour Dieu, du péché et du monde. L’Eglise doit se voir comme appartenant à Dieu. Elle ne doit jamais se laisser accaparer par aucun homme ni se laisser assimiler ou récupérer par la société humaine. Elle est tout autre chose que l’élément religieux des nations occidentales. “Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c’est ce que vous êtes” (1Cor.3:17). Paul s‘en prend aux divisions dans l’Eglise à Corinthe en soulignant que cette Eglise locale est un “sanctuaire” mis à part pour que Dieu y habite. Par conséquent, y porter atteinte est un “sacrilège”. Sous l’ancienne alliance, le péché de violer le sanctuaire était puni de mort (Lév.16:2). De là l’avertissement de l’apôtre à celui qui créeraient des divisions: “...Dieu le détruira” (v.17). Profaner le sanctuaire ne consiste donc pas à détruire un lieu de culte mais à porter atteinte à l’intégrité et à l’unité d’une communauté chrétienne. Le christianisme n’a pas de lieux saints, uniquement des assemblées saintes. Toutes les disputes séculaires entre juifs, musulmans, orthodoxes et catholiques autour des soi-disant “lieux saints” en “terre sainte” sont totalement à côté de la question. Un usage abusif de la figure de l’édifice a conduit certains à structurer à l’excès, à organiser, à centraliser, à institutionnaliser, à hiérarchiser, à tel point que le résultat n’était plus ni l’Eglise ni les Eglises. Le temple de l’Eternel à Jérusalem ne se présentait pas comme une pyramide. Plusieurs éléments dans les autres images de l’Eglise apporteront les corrections et l’équilibre nécessaires. CHAPITRE 2 L’EGLISE EST UN TROUPEAU En quoi l’Eglise est-elle un troupeau? Paul ordonne aux anciens de l’Eglise à Ephèse: “Prenez donc garde...à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis surveillants, pour paître l’Eglise de Dieu” (Act.20:17,28). Pierre fait de même pour les anciens d’autres Eglises: “Voici les exhortations que j’adresse aux anciens..: Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde...en étant les modèles du troupeau” (1Pi.5:1-3). Les disciples de Jésus, rassemblés autour de lui, entendent déjà cette prédiction à leur propre sujet: “Ne crains point, petit troupeau; car votre Père a trouvé bon de vous donner le royaume” (Luc12:22,32). Le troupeau c’est l’ekklesia: Le troupeau est un rassemblement: “Jésus dit..: j’ai encore d’autres brebis (les gentils) qui ne sont pas de cette bergerie (d’Israël); celles-là, il faut que je les amène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau” Jean 10:16). Le troupeau est composé de convoqués: “”Il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent ...elles connaissent sa voix” (Jean 10:3-4).

Le troupeau est appelé hors du monde de ceux qui ne sont pas de ses brebis: “Il les conduit dehors. Lorsqu’il a fait sortir (de la bergerie d’Israël) toutes ses propres brebis, il marche devant elles...Vous (les juifs qui n’appréciaient pas son discours et le menaçaient) ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis” (Jean10:3-4,24, 26). Ils étaient “les brebis perdues de la maison d’Israël” (Mat.10:6; 15:24). En vertu de quoi le troupeau est-il constitué? En vertu de la mort et de la résurrection de Christ: “Jésus dit:..Je donne ma vie pour mes brebis...Je donne ma vie afin de la reprendre. Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même; j’ai le pouvoir de la donner (par sa mort) et j’ai le pouvoir de la reprendre” (par sa résurrection - Jean 10:15,17,18). La mort du Christ assure le rachat des brebis. Sa résurrection assure la continuation des soins qu’il leur prodigue.“Le Dieu de paix a ramené d’entre les morts (résurrection) le grand berger des brebis, par le sang (mort) d’une alliance éternelle, notre Seigneur Jésus...” (Héb.10:20). Si le troupeau est constitué de la sorte, comment pourraient en faire partie des personnes qui ne sont pas au bénéfice de la mort du Christ ou qui ne croient pas à sa résurrection? En vertu de l’appel de Jésus le berger: “Le berger des brebis...appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent” (Jean 10:3).

Les brebis entendent sa voix” (Jean 10:3, 27). L’Eglise est constituée par l’appel du Christ dans l’Evangile, adressé personnellement par leur nom”) à ceux qu’il a rachetés. Elle n’est pas rassemblée par la force, par les avantages matériels, par la naissance de parents

chrétiens, par les pressions sociales, par le baptême d’eau, par l’appartenance à une nation “chrétienne”, etc. En vertu de la réponse des brebis: “Les brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix...Mes brebis entendent ma voix et elles me suivent” (Jean 10:4,27). L’appel demande une réponse. Et les personnes qui répondent à la voix du Christ et le suivent, constituent, avec les autres qui font de même, l’Eglise. “Vous étiez comme des brebis errantes. Mais maintenant vous êtes retournés vers (“vous vous êtes convertis au”) berger et gardien de vos âmes” (1 Pi.2:25 - “Se convertir” est la traduction la plus usuelle du verbe epistrepho qu’on trouve dans ce texte). On ne se trouve pas dans le troupeau malgré soi, sans se tourner vers Jésus, sans le suivre, sans s’être converti à lui. En vertu de l’intégration de Juifs et de Gentils au seul troupeau, par Jésus le seul berger: “Jésus dit:..J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie (d’Israël); celles-là (des non-juifs), il faut aussi que je les amène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger (Jean 1:16). La suppression au sein de l’Eglise des distinctions raciales, est une des marques caractéristiques de celle-ci. Ce thème connaît un développement plus complet chez Paul Qui sont les brebis qui constituent l’Eglise? Les marques objectives des brebis du troupeau: Elles “appartiennent” à Jésus (Jean 10:3). Il “les connaît”(10:14,20). Il “leur donne la vie éternelle” (10:28). “Elles ne périront jamais et personne ne les ravira de sa main” (1O:28). L’Eglise est constituée de personnes réellement sauvées, spirituellement vivantes. Elle est le domaine de l’authenticité chrétienne, non d’une chrétienté nominale. “Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire...Il séparera les uns d’avec les autres, comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs; et il mettra les brebis à sa droite...Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: Venez, prenez possession du royaume qui vous a été préparé” (Mat.25: 31-34). Ce qui est mélangé maintenant, brebis et boucs, sera séparé au retour du Christ. La distinction de nature entre les deux est déjà réelle, mais elle ne deviendra pas évidente pour tous tant que le Souverain berger ne sera pas venu pour juger. Les marques subjectives des brebis du troupeau: Elles “entendent sa voix” et la “connaissent” et “ne connaissent pas la voix des étrangers (10:4,5, 16,27). Elles le “suivent” et “ne suivront point un étranger; mais elles fuiront loin de lui” (10:4, 5,27). L’Eglise vivante est constamment à l’écoute de la voix du Christ dans l’Ecriture, de sorte qu’elle ne se laisse pas séduire par les chants de n’importe quelle sirène théologique. Quand Jésus lui parle, elle est capable de reconnaître sa voix, pour le suivre dans le chemin qu’il lui trace. Les Eglises mortes sont sourdes à sa voix, souvent à force de la couvrir par des déclarations tapageuses. Les brebis ont donné à manger et à boire à Jésus, l’ont recueilli, vêtu et lui ont rendu visite...en la personne de l’un des plus

petits de ses frères (Mat.25:35-40 - voir plus haut). Ces oeuvres bonnes ne font pas d’un bouc une brebis, mais sont une marque des vraies brebis. Cette description de ceux qui doivent constituer le troupeau de l’Eglise, les démarque si bien des non-chrétiens que des chrétiens de nom. Il ne peut s’agir d’une “Eglise de multitude” dont les contours correspondraient à ceux d’une nation quelconque. Qu’est-ce qui caractérise le troupeau? Il tend à se disloquer: “Vous étiez comme des brebis errantes” (1 Pi.2:25). C’est leur tendance naturelle. Il suffit de ne rien faire pour que le troupeau s’éparpille. “Jésus leur dit: Je serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute: car il est écrit: Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées” (Mat.26:31). Cette prédiction s’est réalisée en la personnes des apôtres. “Le mercenaire...abandonne les brebis, et le loup les ravit et les disperse” (Jean 10:12). Il est petit: “Ne crains point, petit troupeau” (Luc 12:32). Le gigantisme institutionnel est en contradiction avec la nature-même de l’Eglise. Celle-ci sera toujours minoritaire dans une société. Mais elle sera forte de sa modestie. Quand l’institution est devenue identique à l’empire, l’Eglise a cessé de croître. Le nombre de personnes dans le monde dit chrétien, en l’an 1500 était inférieur à ce qu’il avait été en l’an 500, malgré l’accroissement démographique (K. S. Latourette, Tome II, p.2). Paradoxalement, pendant les 1000 ans de l’apogée politique, territoriale, économique et culturelle de l’institution, l’Eglise a stagné. “Si un homme a cent brebis, et que l’une d’elle s’égare...” (Mat.18:12). L’église normale se compte par centaines. Des études ont montré que la croissance numérique totale de dix Eglises locales de cent personnes chacune, dépasse de loin la croissance d’une seule Eglise de mille personnes, au-delà de ce nombre. Pour Dieu, “small is beautiful”. Il est vulnérable: “Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au-dedans ce sont des loups ravisseurs” (Mat.7:15). L’habit ne fait pas le moine. Mais dans l’institution, on ne se méfie guère des faux prophètes, pourvu qu’ils portent l’habit ecclésiastique. “Il s’introduira parmi vous...des loups cruels qui n’épargneront pas le troupeau...et il s’élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux. Veillez donc.” (Act.20:29-31). Les ennemis de l’intérieur de l’Eglise sont plus dangereux que ceux de l’extérieur. L’institution elle-même peut devenir une pépinière de faux docteurs. Comment donc se fier à son magistère? Il est craintif car persécuté à cause du Christ: “Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu de loups; montrez-vous donc malins comme des serpents et candides comme des colombes. Méfiez-vous des hommes: ils vous livreront aux sanhédrins;...vous serez traînés devant des gouverneurs” (Mat.10:16-18 Jérus.). Trop souvent, le troupeau du Bon Berger s’est retrouvé au milieu de loups, dans l’institution. Comme l’Agneau de Dieu, ses brebis ont été traînées devant les tribunaux religieux avant d’être hypocritement livrées au bras séculier pour exécution. Au lieu de se muer eux-mêmes en loups, les brebis du Seigneur doivent veiller à être prudents, mais dépourvus de malice. Dans un monde hostile à Jésus-Christ, ni fanatisme, ni représailles. “Qui nous séparera de l’amour de Christ? Sera-ce la tribulation...ou la persécution...ou l’épée? selon qu’il est écrit: C’est à cause de toi qu’on nous met à mort tout le jour, qu’on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie” (Rom.8:35,36). Le témoignage de l’Eglise sous la croix, de l’Eglise du silence a toujours porté ses fruits. Plus grand le pouvoir temporel de l’institution, plus limitée la crédibilité de son témoignage. “Jésus dit à ses disciples:..Ne crains point, petit troupeau” (Luc.12:32). La grande institution triomphaliste qui domine, persécute et inspire la crainte, serait-elle l’Eglise du Christ? Il appartient à Dieu: “Paissez le troupeau de Dieu” (1Pi.5:2). “Le berger des brebis...appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent”...Il a fait sortir toutes ses propres brebis...J’ai encore d’autres brebis...mes brebis”(Jean 10:2-4,16,27). Les pasteurs doivent se souvenir que les brebis ne leur appartiennent pas. Ils ne devraient pas parler de: “mon Eglise”, “ma paroisse”, “mes ouailles”. Ils ne doivent pas agir en propriétaires de l’Eglise.

Le petit troupeau prendra possession du royaume: “Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges...il mettra les brebis à sa droite...Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite: Venez...prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde” (Mat.25:31-34). Les brebis ne règnent pas encore. “Ne crains point, petit troupeau; car votre Père a trouvé bon de vous donner le royaume” (Luc12: 31). Les brebis ne prendront possession du royaume qu’au retour du Christ dans la gloire. Toute ambition théocratique est à présent prématurée et déplacée. Qui sont les bergers de l’Eglise? Jésus-Christ, le souverain berger: “Jésus dit:..Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis” (Jean 10:11). “Le troupeau...l’Eglise de Dieu, qu’il s’est acquise par son propre sang” (Act.20:28). “Lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris. Vous étiez comme des brebis errantes. Mais maintenant vous êtes retournés vers le berger et le gardien de vos âmes” (1Pi.2:25). Aucun berger humain ne répond à cette description. “Les brebis lui appartiennent” (Jean 10:3,12). Il est l’unique propriétaire du troupeau. “Il y aura un seul berger” (Jean 10:16). “...le grand berger des brebis,..notre Seigneur Jésus” (Héb.13:20). “Le souverain berger paraîtra” (1Pi.5:4). Pierre, dans ce contexte (5:1-4), s’adresse aux anciens. Lui, ancien comme eux (v.1), détaille les responsabilités pastorales qu’ils partagent avec lui. S’il parle du Christ comme du souverain berger, c’est pour bien établir le contraste entre le Seigneur d’une part, et lui-même et les autres sous-bergers, d’autre part. L’Eglise universelle sur terre n’a qu’un seul et unique souverain berger qui est Jésus-Christ et non l’évêque de Rome. Des sous-bergers humains: “Jésus dit à Pierre:..Prends soin de mes agneaux...Prends soin de mes brebis” (Jean 21:15,16FC). Le souverain berger délègue des responsabilités pastorales à des hommes. Paul dit aux anciens de l’Eglise à Ephèse: “Veillez sur tout le troupeau que le Saint-Esprit a mis sous votre garde. Prenez soin de l’Eglise” (Act.20:28FC). Un ancien, dûment établi dans sa charge, doit être considéré comme ayant reçu son mandat de l’Esprit Saint lui-même. “Je (Pierre) m’adresse maintenant à ceux qui, parmi vous, sont anciens d’Eglise. Je suis ancien moi aussi...Prenez soin comme des bergers du troupeau que Dieu vous a confié, veillez sur lui, non par obligation, mais de bon coeur... Ne cherchez pas à dominer ceux qui ont été confiés à votre garde mais soyez des modèles du troupeau. Et quand le Chef des bergers paraîtra, vous recevrez la couronne glorieuse” (1Pi.5:1-3FC). C’est de ce type de conducteurs dont l’Eglise a besoin. Les sous-bergers humains ne doivent pas êtres dominateurs du troupeau mais uniquement ses gardiens. Ils devront rendre compte à l’unique “souverain berger” des soins apportés aux brebis. Des pseudos-bergers: “Voyant la foule, Jésus fut ému de compassion pour elle, parce qu’elle était languissante et abattue, comme des brebis qui n’ont point de berger” (Mat.9:36). La bergerie d’Israël avait des bergers qui n’en étaient pas. “Le mercenaire qui n’est pas le berger, et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit venir le loup, abandonne les brebis, et prend la fuite...Il s’enfuit parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se met point en peine des brebis” (Jean 10:12,13). Le pasteur-fonctionnaire s’occupe d’abord de sa personne. Paul avertit les anciens de l’Eglise à Ephèse: “Je sais qu’il s’introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n’épargneront pas le troupeau, et qu’il s’élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux. (Act.20:29,30). Toutes ces prédictions de l’apôtre se sont réalisées. Depuis toujours, l’institution en particulier, a connu des bergers absents, intéressés, lâches, paresseux, sournois et prédateurs. Quel est le rôle des bergers du troupeau? Ils nourrissent les brebis: Jésus dit...Je suis la porte des brebis...Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et il sortira et il trouvera des pâturages(Jean 10:7,9). “Jésus dit à Simon Pierre:..Pais (nourris- bosko) mes agneaux...Pais (nourris-bosko) mes brebis” (Jean 21:15,17). Les “pasteurs-docteurs” (Eph.4:11) sont des “bergers-enseignants”. Ils sont responsables de présenter aux brebis une nourriture saine, savoureuse, consistante, équilibrée, variée et de tenir celle-ci à leur portée.

Ils conduisent les brebis dans le bon chemin: “Lorsqu’il a fait sortir toutes ses propres brebis, il marche devant elles; et les brebis le suivent” (Jean 10:4). C’est le contraire de se placer derrière les brebis et de les chasser avec chiens et crosses. “Jésus leur dit::..Lequel d’entre vous , s’il a cent brebis, et qu’il en perde une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la trouve?” (Luc 15:3,4). Ni étonnement ni indignation quand une brebis s’égare. “Voici l’exhortation que j’adresse aux anciens...Paissez le troupeau de Dieu...en étant les modèles du troupeau” (1 Pi.5:1-3).Connaître le chemin et le suivre eux-mêmes. Conduire de la voix et du geste. Ils protègent les brebis: “Personne ne ravira mes brebis de ma main...et personne ne peut les ravir de la main de mon Père” (Jean 10:28,29). “Maintenant vous êtes retournés vers le berger et le gardien de vos âmes” (1Pi. 2:25). Le vrai pasteur s’occupe des âmes. Les brebis sont psychologiquement vulnérables. Il les protège. Le diable rôde autour d’elles comme un lion rugissant cherchant qui il dévorera (5:8). Paul ordonne aux anciens de l’Eglise à Ephèse: “Prenez donc garde...à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis surveillants...Veillez donc” (Act.20:28-31). Le berger vigilant est au courant de la situation personnelle, familiale, professionnelle et sociale des brebis ainsi que des dangers moraux, doctrinaux et spirituels qui les guettent. Il faut plusieurs bergers dans une Eglise. D’où la redécouverte de “l’équipe pastorale”. Ils peuvent recevoir le soutien matériel du troupeau s’ils lui apportent les biens spirituels: Paul écrit à l’Eglise à Corinthe: “N’avons-nous pas le droit de manger et de boire? Est-ce que moi seul et Barnabas nous n’avons pas le droit de ne point travailler (à un gagne-pain)?...Qui est-ce qui fait paître un troupeau, et ne se nourrit pas du lait du troupeau?...Si nous avons semé parmi vous les biens spirituels, est-ce une grosse affaire si nous moissonnons vos biens temporels?...De même aussi, le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l’Evangile de vivre de l’Evangile” (1Cor.9:4,6,7,14). Si le berger fait vivre le troupeau, il est également vrai que le troupeau doit faire vivre le berger. Mais malheur à celui qui est rémunéré pour une fonction ecclésiastique sans vraiment apporter aux brebis des “biens spirituels”. .Un abus fréquent de l’image du troupeau consiste à souligner à l’excès le contraste entre les brebis, conçues comme faibles, écervelées, inconstantes et têtues, et les bergers vus comme pleins de sagesse, de bienveillance, de force et de dévouement. Le résultat en a été le cléricalisme qui établit une différence d’essence entre les “pasteurs” et leurs “ouailles” (latin ovicula - petite brebis), entre le “clergé” et les “laïques” - termes absents de l’Ecriture. On a oublié que Mat. 10:16 représente les douze apôtres, Pierre inclus, comme des “brebis” et Luc 10:3 les décrit comme des “agneaux”. Jésus a appelé ces mêmes apôtres un “petit troupeau”(Luc 12:32). Les disciples étaient avant tout des brebis du Seigneur, même si, plus tard, ils deviendraient des bergers pour d’autres. L’Eglise est, essentiellement, une Eglise de brebis, non une Eglise de pasteurs. Le Saint-Esprit a placé les anciens “au milieu” du troupeau (Act.20:28), non pas “au dessus de” ou “sur” le troupeau, comme plusieurs versions le traduisent. L’original a la préposition en: “dans”, ou “parmi” et non pas epi: “sur”.

CHAPITRE 3

L’EGLISE EST UNE PRÊTRISE Il sera utile au départ de préciser le sens des principaux termes se rapportant à cette réalité: hiereus - prêtre, sacrificateur (Mat.8:4) arch-iereus - grand prêtre, souverain sacrificateur (Héb.2:17) hierateuma - communauté de prêtres, de sacrificateurs, prêtrise, sacerdoce (1 Pi.2:5) hierosune - fonction de prêtre, de sacrificateur, sacerdoce (Héb.7:11) La notion de hiérarchie - domination des prêtres, est absente du Nouveau Testament. L’Eglise a-t-elle une prêtrise ou est-elle une prêtrise? Pierre s’adresse dans sa première épître à “ceux qui sont élus” (1 Pi.1:1), qui sont “une maison spirituelle” (2:5), le “peuple de Dieu” (2:10). Il s’agit manifestement de l’Eglise. Dans ce même contexte, l’apôtre appelle cette Eglise d’abord: “un groupe de prêtres consacrés à Dieu” (1Pi.2:5 FC), ou “un saint sacerdoce”, ensuite “les prêtres du Roi” (2:9 FC), ou “un sacerdoce royal”. Jean s’adresse au début de son Apocalypse “aux sept Eglises qui sont en Asie” (1:4). Il leur parle de Jésus “qui nous a lavés de nos péchés par son sang, et qui nous a faits rois et prêtres de Dieu” (1:6 Cramp.). Le “nous” ( vous et moi) montre que Jean considérait les croyants de ces Eglises comme des prêtres au même titre que lui-même, apôtre du Christ. Aucune distinction dans son esprit entre clergé et laïcs. Plus loin, Jean cite le cantique nouveau qu’on chante au ciel à la gloire de l’Agneau: “Vous avez été immolé, et vous avez racheté pour Dieu, par votre sang, des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation; et vous les avez faits rois et prêtres” (5:9-10 Cramp.). C’est l’Eglise universelle, entièrement constituée de prêtres. Finalement, Jean voit ceux qui auront part à la première résurrection (l’Eglise) et déclare: “Ils seront prêtres de Dieu et du Christ” (20:6). Israël avait une prêtrise, les fils d’Aaron. l’Eglise est elle-même une prêtrise, composée de tous les vrais chrétiens et non uniquement de ses conducteurs. Celle-ci est la seule prêtrise que connaisse l’Eglise. Le catholicisme a créé en plus, la notion d’une prêtrise dite “ministérielle” ou “hiérarchique”, limitée aux évêques et ecclésiastiques, qu’il prétend être d’une essence différente de celle de la totalité des croyants de la communauté. (“Catéchisme de l’Eglise Catholique” 1992, parag. 1546,1547). Une telle notion supplémentaire est absente du Nouveau Testament. Celui-ci n’emploie jamais le terme “prêtre” (hiereus) pour désigner un conducteur de l’Eglise en tant que tel. Toute caste sacerdotale est exclue et tous les croyants sont sur pied d’égalité quant à leur accès direct auprès de Dieu par Jésus-Christ l’unique médiateur entre Dieu et les hommes (1Tim.2:5). Cette image exclut toute cléricalisation de l’Eglise. Et les pays où la notion du sacerdoce universel du croyant a le mieux pénétré les mentalités, ont été ceux où la démocratisation politique s’est faite le plus rapidement et le plus authentiquement. Confirmation que cette prêtrise inclut le peuple de Dieu tout entier est donnée par les textes déjà cités qui lie cette prêtrise au royaume de Dieu. “Vous êtes un sacerdoce royal...un peuple acquis” (1 Pi.2:9). “Il a fait de nous (de Jean et des croyants des églises en Asie) un royaume, des sacrificateurs” (Apoc.1:4,6). “Tu as fait d’eux (les rachetés de toute provenance- 5:9) un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre” (5:10). C’est toute l’Eglise, tout le peuple de Dieu, tous les prêtres, tous les rachetés, qui constituent un royaume et qui régneront, et non pas uniquement un clergé dominateur. Qui dirige cette prêtrise? “Nous avons, en effet, un grand prêtre souverain...: C’est Jésus, le Fils de Dieu” (Héb.4:14 FC). “Christ tient du Père la gloire de devenir souverain sacrificateur. Il lui a dit: Tu es sacrificateur pour toujours, selon l’ordre de Melchizédek” (Héb.5:5,6). “Jésus est donc le grand-prêtre qu’il nous fallait” (Héb.7:26 FC). “C’est bien un tel grand-prêtre que nous avons, lui qui s’est assis dans les cieux à la droite du trône de Dieu, la puissance suprême” (Héb.8:1 FC). “Nous avons un grand-prêtre placé à la tête de la maison de Dieu” (Héb.10:21 FC). Toutes les allusions du Nouveau Testament à ce “grand-prêtre souverain” sont au singulier. Il ne contient aucune trace d’un autre grand-prêtre, siégeant sur la terre, à la tête de l’Eglise.

Jésus-Christ est le grand-prêtre qui dirige souverainement tous les prêtres de l’Eglise parcequ’il a lui-même créé cette prêtrise. “Il (Jésus) a fait de nous...des prêtres” (Apoc.1:6). “Tu as fait d’eux...des prêtres” (Apoc.5:10). “Ils seront des prêtres...du Christ” (Apoc.20:6). “Vous offrirez des sacrifices spirituels...par Jésus-Christ” (1Pi.2:5). Le sacerdoce des croyants découle donc de celui du Christ. Il est prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchizédek (Héb.5:6,10; 6:20; 7:15), et en lui, nous le sommes aussi. Cette prêtrise existait avant celle d’Aaron (qui était temporaire - Héb. 7:23; 9:10 et a été abolie - 7:18). Elle existera aussi après elle et pour toujours. Le sacerdoce d’Aaron, dirigé par le grand-prêtre d’Israël, cessa à la mort du Christ quand le voile du temple se déchira (Mat.27:51). Après la résurrection et la Pentecôte, “une grande foule de prêtres (du Judaïsme) obéirent à la foi” (Act.6:7) et, par la suite, on ne parle plus d’eux. Ils cessèrent leurs fonctions dans le temple, mais ne revêtirent pas pour autant de fonction dans l’Eglise. Rien ne justifie de faire passer les éléments sacerdotaux de la prêtrise de l’Ancienne Alliance (habits sacrés, verges, tiares, pompes, liturgies, encens, etc.) à celle de la nouvelle alliance, de l’Eglise. Nul donc n’est prêtre de lui-même ni tout seul. Tous le sont par Jésus-Christ et avec les autres croyants. Leur ministère sacerdotal s’exerce donc essentiellement en fonction de l’Eglise plutôt que du monde ou de la vie personnelle. La réforme a parfois élargi la notion du sacerdoce à tous les domaines de la vie de sorte qu’elle a dilué son caractère essentiellement ecclésial. La conséquence en a été un engagement effectif moindre de la part du commun des croyants dans les ministères de l’Eglise. Il pensait pouvoir tout aussi bien exercer le sacerdoce en dehors de celle-ci. En quoi consiste la fonction sacerdotale? Les éléments qu’ont en commun la prêtrise d’Aaron, celle du Christ, et celle des croyants de la nouvelle alliance, montrent, malgré certaines différences, en quoi consiste l’essence du ministère sacerdotal. Aucun vrai chrétien, homme ou femme, ne doit être privé de l’exercice d’une seule des fonctions suivantes dans l’Eglise. Le croyant qui prend conscience du fait qu’il est prêtre devient actif. Louer, chanter et célébrer le Seigneur en public: Les prêtres d’Aaron: “Salomon établit dans leurs fonctions...les Lévites selon leur charge, consistant à célébrer l’Eternel” (2Chron.8:14 Voir aussi Néh.12:24)). “Ezéchias rétablit...chacun selon ses fonctions, sacrificateurs et Lévites...pour les chants et les louanges” (2Chron.31:2 Voir aussi 2Chron.30:21). Notre Grand Prêtre, Jésus: “Le Prince de leur salut...n’a pas honte de les appeler frères, lorsqu’il dit: J’annoncerai ton nom à mes frères, je te célébrerai au milieu de l’assemblée” (Héb.2:12). “Jésus prit la parole et dit: Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre...” (Mat.11:25; Luc 10:21). Tous les croyants en Christ, prêtres de la nouvelle alliance: “Par Jésus, présentons sans cesse à Dieu notre louange comme sacrifice, c’est-à-dire l’offrande sortant de lèvres qui célèbrent son nom” (Héb.13:15 FC). “Chantez des cantiques et des psaumes pour louer le Seigneur de tout votre coeur” (Eph.5:19 FC). L’Eglise est une communauté d’adorateurs. Le culte est une partie essentielle de sa vie. Pour que cette fonction de tous les prêtres ne soit pas lettre morte dans l’Eglise, celle-ci doit pourvoir des moments et des circonstances, en plus des chants d’une assemblée, où n’importe quel croyant peut louer et célébrer le Seigneur à haute voix. Les conducteurs devront encourager et favoriser cet exercice du sacerdoce universel, dans les réunions grandes et petites, pour que Dieu reçoive toute l’adoration qui lui revient, non pas seulement de la part des conducteurs mais de la part de tous. Apporter la parole de Dieu: Les prêtres d’Aaron: “Au sujet des descendants de Lévi, Moïse déclara:...Ce sont eux qui enseignement aux Israélites les commandements de ta loi” (Deut.33:8,10 Voir aussi 2Rois 17:28; 2Chron.15:3; 17:8,9; Néh.8:7,8). “Oui, c’est le rôle du prêtre d’enseigner aux hommes à connaître Dieu” (Mal.2:7). Notre Grand Prêtre, Jésus: “Jésus répondit:...j’ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le temple” (Jean 18:20; 7:14 ). “Quand Jésus eut achevé ces instructions, tous restèrent impressionnés par sa manière d’enseigner, car il n’était pas comme

leurs maîtres de la loi, mais il les enseignait avec autorité” (Mat.27:28,29). Tous les croyants en Christ, prêtres de la nouvelle alliance: “J’accomplis ainsi la tâche d’un prêtre (hierourgeo) en annonçant la Bonne Nouvelle de Dieu aux non-juifs” (Rom.15:16 Semeur). “Vous êtes...les prêtres du Roi...afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière (1 Pi.2:9FC). Les femmes croyantes étant prêtres, elles ont aussi à annoncer les vertus du Christ. Lesslie Newbigin, dans un article sur la nécessité d’évangéliser l’Occident, pose comme une des conditions d’une telle évangélisation ce qu’il appelle “la décléricalisation de la théologie”. Il insiste qu’il faut sortir celle-ci du secteur privé que notre culture appelle “la religion”, dans lequel la théologie se trouve enclavée pour qu’elle ait sa place dans tous les domaines de la vie quotidienne de notre société. (“Can the West be Converted?”, I.B.M.R., Jan. 1987). Ce sont uniquement des prêtres non-cléricaux qui ont accès naturel à tous ces domaines pour y annoncer le Christ.. Mais tous n’ont pas un grade en théologie ni le don de captiver le grand auditoire. Il existe cependant chez les adhérents de toute Eglise un potentiel immense pour l’annonce de la parole de Dieu. Leur crédibilité est d’autant plus grande qu’ils ne sont pas des “professionnels” ni “payés pour...” Les conducteurs avisés se montreront ingénieux et créatifs à exploiter ce potentiel. Il proposeront des plans de lecture, mettront à portée de main des tables de littérature et des bibliothèques. Ils encourageront à l’évangélisation personnelle auprès de voisins, de parents et de collègues; les cercles d’étude biblique à domicile, le discipulat un-à-un, la catéchèse. Ils aideront les parents à enseigner leurs enfants, formeront des moniteurs d’école du dimanche, organiseront celle-ci en petites classes à la porté des enseignants moins doués, etc. Un mouvement s’étend dans la mesure où il arrive à mobiliser la totalité de ses membres dans une communication continue de ses convictions. Les Synodes de Tours (813) et d’Aix-la-Chapelle (836) interdirent la prédication par les laïcs. Il s’en suivit une ignorance accrue, un appauvrissement de la piété et une réduction marquée dans l’extension du christianisme dans le monde. Tout cela pour préserver au clergé ses privilèges et son pouvoir Offrir des sacrifices: Les prêtres d’Aaron: “Les sacrificateurs, fils d’Aaron , offriront le sang et le répandront tout autour sur l’autel (Lév.1:5). “Il établit...les sacrificateurs devant le tabernacle de l’Eternel pour qu’ils offrent continuellement à l’Eternel des holocaustes (1Chron.16:39,40). Ils offraient des animaux pour leurs propres péchés et ceux du peuple (Héb.9:7) sans que ces nombreux sacrifices n’ôtent définitivement les péchés (Héb.10:4,11). Ces offrandes n’avaient qu’une efficacité temporaire, en tant que préfigurations du seul sacrifice du Christ, et en attendant sa venue (Héb.9:10,26). Notre Grand Prêtre, Jésus: “Le Christ a offert un sacrifice une fois pour toute, quand il s’est offert lui-même” (Héb.7:27FC). “Par l’Esprit éternel, le Christ s’est offert lui-même à Dieu comme sacrifice parfait” (Héb.9:14FC). Il a offert son propre corps, sans avoir eu besoin d’offrir des sacrifices pour ses propres péchés (Héb.7:27) car il n’en avait pas (7:26). Il fut à la fois sacrificateur et sacrifice et son sacrifice a aboli et ôte les péchés (Héb.9:26; Jean l:29) une fois pour toutes (Héb.7:27;9:25,26,28; 10:10) de sorte qu’aucune offrande n’est plus nécessaire pour le péché (Héb.10:18). Il ne peut plus être question d’un sacrifice sanglant expiatoire sur un autel par le seul clergé, mais uniquement du repas du Seigneur sur sa table pour tous les croyants, en mémoire de sa mort. Tous les croyants en Christ, prêtres de la nouvelle alliance: “Edifiez-vous pour...constituer un groupe de prêtres consacrés à Dieu, chargés de lui offrir des sacrifices spirituels qu’il pourra accepter favorablement par Jésus-Christ” (1Pi.2:5 Semeur). On n’offre plus les corps physiques d’animaux sur un autel, mais des sacrifices spirituels en reconnaissance envers le Christ pour le sacrifice de son corps à la croix. En quoi consistent donc ces sacrifices du croyant? 1. “Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable” (Rom.12:1). Tous les “frères” offrent leur corps et non seulement les religieux ou les missionnaires. Ce sacrifice est une réponse normale à tous les bienfaits de Dieu acquis pour chaque croyant par l’offrande de son Fils. Les croyants des Eglises de la Macédoine “se sont d’abord donnés eux-mêmes au Seigneur” (2Cor.8:1,5). Tout vrai chrétien est appelé à poser cet acte qui place son corps à la disposition de Dieu pour faire ce qu’il dira et pour aller où il voudra. Quand des femmes et des hommes ont compris la logique d’une telle consécration, quelle force n’a-t-elle pas été déployée par l’Eglise dans le monde! 2. Paul écrit à l’Eglise à Philippe: “J’ai reçu tout ce que vous m’avez envoyé; c’est plus que suffisant. Maintenant qu’Epaphrodite m’a apporté vos dons, je dispose de tout le nécessaire. Ces dons sont comme une offrande d’agréable odeur, unsacrifice que Dieu accepte et qui lui plaît” (Phil. 4:18). L’argent envoyé pour le soutien d’un apôtre dans son travail, quand il

nous coûte quelque chose, est un sacrifice spirituel offert à Dieu. Ce n’est pas une simple aumône ou une faveur faite au missionnaire. 3. “N’oubliez pas la bienfaisance et la libéralité, car c’est à de tels sacrifices que Dieu prend plaisir” (Héb.13:16). L’argent consacré à Dieu pour une aide sociale ou humanitaire, principalement en faveur de leurs frères dans la foi, constitue aussi un exercice important du sacerdoce universel des croyants. L’argent donné cesse d’être un sacrifice bassement matériel, quand il est donné d’abord à Dieu, ensuite aux hommes. Offrir des prières d’intercession: Les prêtres d’Aaron: “Aaron portera les noms des fils d’Israël devant l’Eternel” (Ex.28:12). “Les sacrificateurs...bénirent le peuple; et leur voix fut entendue, et leur prière parvint jusqu’au cieux, jusqu’à la sainte demeure de l’Eternel” (2Chron.30:27). “Que les sacrificateurs, serviteurs de l’Eternel pleurent, et qu’ils disent: Eternel, épargne ton peuple, ne livre pas ton héritage à l’opprobre!” (Joël 2:17). Notre Grand Prêtre, Jésus: “Christ est à la droite de Dieu , et il intercède pour nous” (Rom.8:34). “Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme...mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu” (Héb.9:24). “C’est aussi pour cela qu’il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéderen leur faveur” (Héb.7:25). Tous les croyants en Christ, prêtres de la nouvelle alliance: “Frères, nous avons, au moyen du sang de Jésus, une libre entrée dans le sanctuaire par la route nouvelle et vivante qu’il a inaugurée pour nous...Approchons-nous donc avec un coeur sincère, dans la plénitude de la foi” (Héb.10:19-22). “Pierre était gardé dans la prison; et l’Eglise ne cessait d’adresser des prières pour lui à Dieu” (Act. 12:5). Ce n’était pas Pierre, “souverain prêtre de l’Eglise”, qui agissait en médiateur en faveur de celle-ci, mais l’Eglise, une “sainte prêtrise” qui intercédait sans cesse pour Pierre. L’apôtre Paul écrit à l’Eglise à Ephèse: “Priez pour tous les saints. Priez pour moi” (Eph.6:18,19). Le mot français “hiérarchie” est dérivé d’un mot grec composé du mot hiereus - prêtre et du mot arché -domination, souveraineté. La “hiérarchie” est donc, littéralement, la “domination des prêtres”. Mais le sacerdoce chrétien, qui consiste en les fonctions mentionnées plus haut est essentiellement un service et non pas une domination. C’est l’Eglise entière qui sert, et non quelques-uns de l’Eglise qui dominent. Ce sacerdoce est aussi exclusivement spirituel et religieux et ne comporte aucun élément politique ou de pouvoir. Dieu ne voulait pas de hiérarchie, même en Israël, où seuls les lévites constituaient la prêtrise.Jérémie s’écriait: “Des choses horribles, abominables, se font dans le pays, les sacrificateurs dominent”, et mon peuple prend plaisir à cela. Que ferez-vous à la fin?” (Jér.5:30,31). La version de Jérusalem traduit: “les prêtres enseignent de leur propre chef (Ils prétendent au magistère). Et mon peuple aime cela!” La TOB traduit: “les prêtres empochent tout ce qu’ils peuvent”. Tout cela est une abomination aux yeux de Dieu, mais auquel son peuple prend plaisir. Pourquoi? Le bon peuple préfère-t-il être irresponsable? irréfléchi? infantilisé? Si l’Eglise est conçue comme une Eglise d’Etat, englobant les 90 % ou plus de la population d’une nation, y compris les baptisés indifférents, agnostiques et même anticléricaux, il est peu réaliste, voir utopique de s’attendre à ce que tous ses membres exercent les quatre fonctions de la prêtrise mentionnées ci-dessus. Il n’est qu’une Eglise de professant qui puisse sérieusement lancer à tous ses adhérents le défi d’un ministère de louange, de la parole, de sacrifice personnel et financier et d’intercession, dans les réunions, petites et grandes, de la communauté. Traiter le chrétien en prêtre, avec dignité, avec respect, c’est le motiver, stimuler sa créativité et son enthousiasme. CHAPITRE 4 L’EGLISE EST UN PEUPLE En quoi l’Eglise est-elle un peuple? Pierre explique devant la conférence de Jérusalem son évangélisation et celle de Paul, parmi les gentils: “Dieu a d’abord jeté les regards sur les nations pour choisir du milieu d’elles un peuple qui porte son nom” (Act.15:14). Il s’agit de l’Eglise de Dieu, issue de toutes les nations, qui va prendre des dimensions considérables. Mais ce peuple devient distinct de chaque nation du milieu de laquelle il à été choisi, car, en contraste avec elle, il porte le nom de Dieu. L’Eglise, choisie de parmi tous les peuples,ne doit être assimilée à aucune nation, à aucune autre société qu’on puisse nommer. Plus tard, dans sa première épître, il décrit

celle-ci comme “un peuple acquis” (1Pi.2:9) et ajoute: “Vous êtes le peuple de Dieu...qui maintenant avez obtenu miséricorde”(2:10). Il s’agit de l’ensemble innombrable de ceux à qui Dieu fait grâce, dans le monde entier. Paul, déclare à son tour: “Jésus-Christ s’est donné lui-même pour nous afin de...se faire un peuple qui lui appartienne” (Tit.2:14). Christ s’est acquis ce peuple nombreux par son sacrifice. Jean se fait l’écho de la voix du Christ, prononçant des jugements contre Babylone la grande, et avertissant l’Eglise: “Sortez du milieu d’elle mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés et que vous n’ayez point part à ses fléaux” (Apoc.18:4). L’Eglise du Christ doit être préservée du péché ambiant et sauvée de la condamnation. Il est important pour des chrétiens qui, dans de nombreux pays, constituent des minorités mésestimées sinon persécutées, de savoir qu’ils ne sont pas seuls, mais qu’ils font partie d’un peuple nombreux, présent sur toute la terre. Dieu les considère avec faveur, ils ont une grande valeur à ses yeux quelque soit le regard que le monde puisse porter sur eux. Aussi, échapperont-ils aux jugements qui frappera celui-ci. D’autres précisions au sujet de ce peuple révèlent qu’il porte les traits caractéristiques de l’ekklesia: Quelles sont les caractéristiques de l’Eglise, peuple de Dieu? Ce peuple est un rassemblement: On peut définir un “peuple” (laos) comme “un ensemble important de personnes ayant une même appartenance, une même identité”. Les membres de l’Eglise sont nombreux, ils appartiennent à Dieu et s’identifient à Jésus-Christ. Pierre appelle aussi l’Eglise une “race élue” et une “nation sainte” (1Pi.2:9). Qu’est-ce qu’une “race” (genos) sinon un ensemble de personnes d’une même origine, marquées par une continuité et des caractéristiques communes. l’Eglise est composée de personnes nées de Dieu, ayant des traits communs, les mêmes depuis vingt siècles. Une nation (ethnos) est un ensemble de personnes qui partagent une même citoyenneté, les mêmes lois, les mêmes valeurs. Les membres de l’Eglise sont citoyens du ciel, se réfèrent à la Bible et aux mêmes grands principes spirituels et éthiques. Pour vivre sa qualité de peuple, l’Eglise doit se retrouver dans des rassemblements importants. Pour indispensables qu’elles soient, l’Eglise locale et la réunion de maison ne sont pas suffisantes à elles seules pour entretenir la vie de l’Eglise comme il convient. Celle-ci n’est pas uniquement une famille, elle est aussi un peuple. Les chrétiens ont besoin de voir et de sentir qu’ils font partie de cette “grande foule que personne ne peut compter” (Apoc.7:9). Il existe de par le monde un certain nombre d’Eglises locales qui rassemblent plusieurs milliers de personnes. Mais c’est l’exception. L’assistance moyenne le dimanche matin dans les Eglises aux U.S.A. est de cent personnes. Que dire des pays où les fidèles ne sont qu’une petite minorité? De là l’importance de grandes rencontres, de campagnes, de rallies, de célébrations, de conférences internationales, de concentrations, de festivals interconfessionnels, où l’on vit la réalité spirituelle de l’Eglise, peuple de Dieu, dans le temps et dans l’espace; où les distances spatiales, sociales, institutionnelles sont outrepassées pour un temps de communion intense en grand nombre autour de la personne du Christ.. Ce peuple est composé de convoqués: “Ainsi il nous a appelés (kaleo), non seulement d’entre les Juifs, mais encore d’entre les païens, selon qu’il le dit dans Osée: J’appellerai mon peuple celui qui n’était pas mon peuple” (Rom.9:25-25). L’Eglise, peuple de Dieu, se constitue , sans distinction de race ou de classe, en réponse au seul appel du Christ par l’Evangile. Pour demeurer fidèle à cette vocation, le peuple de Dieu doit rester sourd pour tout autre appel populiste, nationaliste, idéologique ou racial qui créerait des tensions entre chrétiens. Ce peuple est appelé hors du monde: Paul applique les paroles suivantes à l’Eglise à Corinthe: “Dieu l’a dit: J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. C’est pourquoi, Sortez du (ek) milieu d’eux, et séparez-vous, dit le Seigneur” (2 Cor.6:16-17). L’Eglise est nécessairement la conséquence d’une extraction. Ni l’humanité entière ni aucune des nations païennes n’est jamais appelée “peuple de Dieu” dans l’Ecriture. L’institution ecclésiastique qui recouvre la totalité de la population d’un pays, sans se distinguer de personne, ne pourrait être ce peuple de Dieu séparé. Que penser de l’institution qui s’identifie à un groupe ethnique de ce monde au détriment du peuple de Dieu issu de toutes les races? Que penser des institutions ecclésiastiques qui favorisent les aspirations nationalistes dans un pays et profitent de celles-ci. Que dire quand elles poussent à l’effusion de sang au nom de Dieu contre un autre peuple dit chrétien comme l’ont fait, l’un contre l’autre, l’Orthodoxie Serbe et le Catholicisme Croate en Bosnie ainsi qu’un certain Protestantisme orangiste et l’I.R.A. catholique en Irlande du Nord? Toutes les animosités enracinées et les guerres des Balkans depuis mille ans ont eu un caractère nationaliste-religieux. L’Eglise, rassemblement multinational, multi-ethnique, multiracial et multi-culturel a pour vocation de mettre fin en son sein aux tribalismes religieux et ecclésiastiques.

Qu’est-ce-qui constitue l’Eglise en un peuple? Sa Rédemption: “Jésus-Christ s’est donné lui-même pour nous afin de nous racheter de toute iniquité, et de se faire un peuple qui lui appartienne” (Tit.2:14). “Vous êtes...un peuple acquis” (1Pi.2:9). L’appartenance de l’Eglise au Christ découle du sacrifice qu’il fit de lui-même pour racheter chacun de ses membres. Il s’en suit que l’Eglise est un peuple universel de rachetés plutôt qu’une nation de christianisés. Trop souvent elle a accepté la place que voulait lui attribuer le monde. Elle est devenue “l’Eglise de Rome”, “The Church of England”, en assumant le rôle de garant de la religion civique. Et une certaine ecclésiologie orthodoxe prétend que la totalité de la population d’un pays doit être considérée comme “peuple de Dieu”. Mais son peuple sera toujours, du fait-même de son rachat par le sang du Christ, une entité distincte du reste de la société. “J’appellerai mon peuple...bien aimée” (Rom.9:25). Dieu aime le monde entier (Jean 3:16), mais le prix du rachat de son peuple et l’appartenance de celui-ci au Christ fait de l’Eglise l’objet particulier de l’amour de Dieu, malgré son caractère à part, hétéroclite et étranger. Son élection: “Pierre...à ceux qui sont élus selon la prescience de Dieu...Vous êtes...une race élue” (1Pi.2:9). Paul, arrivé à Corinthe, est en danger de mort suite à sa prédication. “Le Seigneur lui dit en vision..: Ne crains point; mais parle...car j’ai un peuple nombreux dans cette ville” (1Cor.18:9-10). A ce moment, aucun peuple nombreux ne s’était encore converti à Jésus-Christ à Corinthe. Mais l’Eglise qui allait s’y constituer par la prédication de l’évangile serait un rassemblement de personnes que Dieu s’était déjà choisies. L’Eglise est composée d’élus, de personnes de choix qui doivent prendre conscience de l’honneur qui leur est fait d’être intégré par Dieu à son peuple. C’est également l’intention de Dieu que ce peuple soit “nombreux” dans une ville - même s’il n’y devient jamais majoritaire. L’Eglise doit avoir le même souci de sa croissance numérique. Mais, en tant que peuple élu, l’Eglise sera toujours contrastée par rapport à la masse. Elle ne doit jamais s’y perdre, mais garder une identité propre et contrastée par rapport à la totalité de la société. Sa sanctification - sa “mise à part” pour Dieu: “Jésus aussi, afin de sanctifier le peuple par son sang, à souffert hors de la porte (de Jérusalem). Sortons donc pour aller à lui, hors du camp (du Judaïsme), en portant son opprobre” (Héb.13: 12,13). Le contexte veut montrer que le nouveau peuple de Dieu, l’Eglise, se constituait en vertu de la mort du Christ. Sa mort sanctifiait, “mettait à part” ce peuple pour Dieu et en marge du Judaïsme. Les Hébreux qui avaient cru en Christ (auxquels s’adressait cette épître), devaient donc accepter le même mépris que Jésus avait subi en étant banni de la ville par leurs anciens coreligionnaires. Ils devaient aussi rejoindre leur Seigneur hors du Judaïsme. Il se crée donc une rupture qui fait de l’Eglise un peuple autre que celui d’Israël. Vous êtes...une nation sainte” (1 Pi.2:9). L’Eglise est également “mise à part” de n’importe quelle autre nation, société, corporation ou caste et doit toujours donner priorité à son identité chrétienne sur toute autre appartenance. Les chrétiens qui deviendraient bien considérés, nombreux et influents dans un pays doivent résister à la tentation de penser que leur peuple à eux appartiendrait d’une façon particulière à Dieu - plus que d’autres peuples. L’illusion du “pays chrétien” a trop souvent amené des croyants à considérer leur propre peuple comme une “nation sainte” et ainsi à dénaturer le sens de ce terme biblique: l’Angleterre anglicane, la Pologne catholique, la Hollande protestante. En Grèce actuellement, protestants, catholiques et juifs soutiennent un projet de loi qui supprimerait sur les cartes d’identité l’indication d’affiliation religieuse. Ils vivent cette indication comme discriminatoire. L’institution orthodoxe s’oppose à ce projet de loi en insistant qu’être orthodoxe fait partie de l’identité grecque. Mais l’Eglise ne peut jamais s’adapter, s’accommoder, s’assimiler à un peuple, à un groupe ou un système social quelconque. Une Eglise ne devrait donc jamais se constituer sur une base nationale, raciale, géographique ou de classe, mais uniquement en vertu de l’action de Dieu dans le salut. Elle doit chercher son identité non dans son appartenance ethnique, mais dans l’attachement personnel à Jésus-Christ. Elle doit aussi résister à toute tentative de l’embrigader dans une cause nationaliste par des devises patriotiques, à première vue innocentes, et dont le passé nous donnent maints exemples affligeants: “Gott mit uns!”, “God bless America!”, “God, Nederland en Oranje!”. Quelle est la composition de l’Eglise, peuple de Dieu? Ce Peuple est composé de personnes d’origines ethniques diverses: Paul, en s’adressant aux Eglises à Rome (16:5,14,15) déclare: “Ainsi il nous a appelés (vous et moi), non seulement d’entre (ek)les Juifs, mais encore d’entre(ek) les païens, selon qu’il le dit dans Osée: J’appellerai mon peuple celui qui n’était pas mon peuple et bien-aimée celle qui n’était pas bien-aimée” (Rom.9:24-25). Pierre l’avait déjà dit: “Dieu a jeté les regards sur les

nations (pluriel) pour choisir du milieu (ek)d’elles un peuple qui porte son nom” (Act.15:14). L’appel de l’Evangile convoque donc des personnes extraites du peuple d’Israël et de toute tribu, nation et langue, pour en faire un seul peuple de Dieu nouveau.C’est un peuple multilingue, multiculturel, au sein duquel aucun de ces clivages n’a plus sa place. Ce peuple est composé de personnes qui, avant l’appel du Christ, n’étaient pas un peuple: “Vous êtes...un peuple acquis...vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, et qui maintenant êtes le peuple de Dieu, vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde, et qui maintenant avez obtenu miséricorde” (1Pi.2:9-10). Pierre s’adresse à des personnes d’origine juive et païenne qui, avant de répondre à l’appel du Christ, n’avaient pas obtenu miséricorde, n’étaient pas sauvées, ne constituaient pas un peuple. L’Eglise, peuple de Dieu, n’existait donc pas avant d’être convoquée par le Christ hors de ses multiples appartenances précédentes. Ce peuple n’est donc pas la continuation, le prolongement du peuple Juif. Mais il ne remplace pas non plus le peuple d’Israël. “Dieu a-t-il rejeté son peuple (d’Israël)? Loin de là!” (Rom.11:1). Quel est le rapport entre l’Eglise, peuple de Dieu, et Israël, peuple de Dieu? Une parole de Jésus réunit côte à côte ces deux peuples de Dieu pour les distinguer l’un de l’autre. S’adressant aux “principaux sacrificateurs et les anciens du peuple” (d’Israël - Mat.21:23), Jésus leur explique la signification de sa parabole des vignerons usurpateurs (21:33-46): “C’est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en rendra les fruits. Après avoir entendu ses paroles, les principaux sacrificateurs et les pharisiens (d’Israël) comprirent que c’était d’eux que Jésus parlait , et ils cherchaient à se saisir de lui” (43-45). Cette parabole paraît aussi dans Marc et Luc avec la même portée. Le propriétaire, c’est Dieu. La vigne est le royaume de Dieu dont l’exploitation avait été confiée à Israël, représenté par les vignerons locataires. Les serviteurs envoyés par le propriétaire et tués par les vignerons, sont les prophètes. Le Fils héritier c’est le Messie et son héritage, le royaume de Dieu. Israël, mené par ses conducteurs rebelles, veut s’emparer du royaume au lieu de le cultiver pour son propriétaire. Il rejette le Fils hors de la ville de Jérusalem et le crucifie. Dieu fait tomber des jugements sur Israël, lui retire temporairement l’exploitation de son royaume, et en confie la culture à “d’autres” (Mat.21:41; Mc.12:9; Luc 20:16). Ceux-ci le feront produire, et en donneront les fruits à Dieu. On comprend la colère des conducteurs du peuple juif. Qui donc sont ces “autres” qu’Israël, à qui Dieu confierait le royaume? Jésus précise dans son explication citée plus haut qu’il s’agit d’une autre “nation” qu’Israël. Il ne peut s’agir des nations au pluriel, des païens, car le mot “nation” est au singulier. Il ne peut s’agir que de l’Eglise désignée aussi ailleurs comme “nation” (1Pi.2:9,10; Rom.10:19). Par conséquent, Dieu confie maintenant à l’Eglise la tâche de cultiver pour lui les aspects actuels de son royaume sur la terre. Ce peuple n’hérite pas encore des aspects futurs de ce royaume dont la réalisation complète attend le retour du Christ. D’ailleurs, ce retour sera aussi marqué par la “réintégration” d’Israël (Rom. 11:1-36; Act.1:6-7; Héb.8:10; Mat.2:6). Le théologien réformé Hendrikus Berkhof confirme cette exégèse: “L’Eglise n’est pas l’unique forme du peuple de Dieu...Paul s’approche de très près, dans Rom. 11:11-32, de l’idée de deux peuples de Dieu” (Christelijk Geloof, Nijkerk: Callenbach, 1973, p.356). Quel est, actuellement, le pays, la patrie de l’Eglise, peuple de Dieu? Paul s’adresse à l’Eglise à Philippe: “Mais nous (vous et moi), nous sommes citoyens des cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ” (Phil.3:20). Depuis son ascension et jusqu’à son retour, le Christ est au ciel. L’apôtre explique la signification de cette réalité pour l’Eglise à Ephèse: “Dieu a fait siéger le Christ à sa droite dans le monde céleste. Là, le Christ est placé au-dessus de toute autorité...Dans notre union avec Jésus-Christ, Dieu nous a fait régner avec lui dans le monde céleste...Par conséquent, vous n’êtes plus des étrangers, des gens venus d’ailleurs; mais vous êtes maintenant concitoyens des membres du peuple de Dieu“ (Eph.1:20-22; 2:6,19 FC). “Le Christ s’est assis à la droite de Dieu. Maintenant, c’est là qu’il attend que Dieu mette ses ennemis comme un escabeau sous ses pieds” (Héb.10:12-13 TOB). Tant que Jésus-Christ est encore au ciel, et jusqu’à son retour sur terre pour établir pleinement son règne, tous ceux qui sont en Christ ont leur citoyenneté au ciel. C’est là qu’est maintenant leur pays, et c’est intérieurement attachés à cette patrie céleste qu’ils doivent vivre sur la terre - en peuple d’expatriés. C’est en tant que tels que Pierre s’adresse à eux: “Pierre, apôtre de Jésus-Christ, à ceux que Dieu a choisis et qui vivent en exilés (“étrangers” Semeur), dispersés dans les provinces” (1 Pi.1:1 FC). Ils doivent se considérer, en toute circonstance, d’abord comme chrétiens, ensuite comme Français, Belges, Suisses, etc. Ils doivent se montrer davantage solidaires d’un chrétien d’une autre nationalité que d’un non-chrétien de leur propre pays. Un chrétien wallon est-il plus proche de son voisin wallon non-chrétien, ou d’un frère en Christ flamand? Qui est plus proche d’un chrétien tutsi? - un frère en Christ hutu? - ou son voisin païen, également tutsi? Comment des chrétiens porteraient-ils jamais les armes contre des chrétiens d’une tribu ou d’un pays ennemi du leur? Sont-ils de l’Eglise, ou sont-ils du monde? Les guerres entre nations ont trop souvent déchiré l’Eglise! Et les guerres entre institutions ecclésiastiques ont parfois déchiré une nation.

Comment l’Eglise, ce peuple céleste, doit-il se comporter dans ce bas monde? Son statut de peuple céleste ne signifie pas pour l’Eglise qu’elle n’a rien à faire sur la terre. Elle possède une double nationalité et doit en accepter les tensions, mais aussi assumer toutes ses responsabilités par rapport à ses diverses secondes patries. “La grâce de Dieu nous enseigne à renoncer... aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la justice et la piété, en attendant la manifestation de notre Sauveur Jésus-Christ. Il s’est donné lui-même pour nous afin de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié par lui et zélé pour les bonnes oeuvres” (Tite 2:12-14). D’une part, l’Eglise doit être sur ses gardes contre les “convoitises mondaines”, car elle a été purifiée par le Seigneur et lui appartient. Ces appétits auxquels elle doit “renoncer” sont l’avidité de plaisir, l’envie de posséder, et la volonté de faire impression (“les choses qui sont dans le monde”1 Jean 2:15,16). Ces convoitises peuvent se manifester dans les domaines politique, économique, social, intellectuel, artistique, et religieux. Il est arrivé que le monde du plaisir, de l’avoir et du prestige s’introduise dans les institutions ecclésiastiques, au point d’en faire des instruments d’exploitation. D’autre part le peuple de Dieu doit toujours être présent au monde, et y agir du côté de la justice. Il doit être empressé d’y accomplir tout ce que l’apôtre se plaît à appeler “les oeuvres bonnes” (v.14). Une partie importante de celles-ci se fera en faveur des faibles et des démunis de l’Eglise universelle, mais aussi des nécessiteux non-chrétiens proches des croyants (Gal.6:10). Mais les actes charitables sans plus, demeurent ambigus tant qu’une parole ne précise la motivation et la signification de l’acte. Le bon bouddhiste et le laïque idéaliste peuvent déployer une action sociale et oeuvrer pour la justice. Les premiers chrétiens joignaient la parole à l’acte de sorte qu’on savait le nom de celui qui commandait et inspirait leurs oeuvres bonnes. Un auteur non-chrétien inconnu, du 2e et/ou du 3e siècle écrivait dans sa “Lettre à Diognetus”: “Les Christ-iens ne se distinguent pas des autres peuples ni par le pays, ni par la langue, ni par les coutumes; car ils n’habitent pas des villes à eux, ils n’emploient pas une langue particulière, ils ne se conduisent pas d’une manière étrange. Mais, habitant des cités grecques ou barbares, suivant le lot de chacun d’eux, ils nous démontrent leur merveilleuse et paradoxale manière de vivre. Ils habitent leurs patries, mais comme étrangers.” “Conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre exil (lit. “séjour à l’étranger”)...Vous êtes le peuple de Dieu...Je vous exhorte comme étrangers et voyageurs (“pélerins”- Mareds.), à vous abstenir des désirs charnels qui font la guerre à l’âme.” (1Pi.1:17; 2:10-11 Jérus.). Les gens de passage que nous sommes sur la terre, doivent craindre les dangers que comporte pour nous notre statut d’étranger dans un monde hostile au Christ. Non moins dangereux pour notre âme de pélerin, et pour l’accomplissement de notre mission ici-bas, serait le bagage de possessions et de jouissances dont un monde séduisant voudrait nous charger. “La prospérité matérielle attache l’homme au monde. Il y trouve ainsi sa place; et le monde fini par trouver sa place en lui” (C.S. Lewis, Tactique du Diable). L’Eglise qui, dans une société, n’est ni radicale ni contre-culturelle en rien, a perdu son identité chrétienne. Le peuple de Dieu est appelé à remettre en question tous les présupposés théocratiques de la chrétienté établie et sociologique. Les pélerins connaissent leur destination finale et la direction à prendre, ils évitent les fausses pistes, ils ne s’étonnent pas quand la route est difficile, et cheminent ensemble. Ils invitent aussi les terriens qu’ils rencontrent à se joindre à eux sur le chemin de la cité céleste. Le pélerinage que Dieu demande ne mène ni à Jérusalem, ni au mont Gérizim, ni à la Mecque, ni à Rome, ni à Saint Jacques de Compostelle, ni à Lourdes ni à Fatima. L’épître aux Hébreux exhorte ce “peuple sanctifié (mis à part) par le sang de Jésus” (13:12) à en tirer les conséquences: “Sortons donc, pour aller à lui, hors du camp, en portant son opprobre. Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir” (13-14). Ce discours, jamais à la mode, n’a pas toujours empêché le peuple de Dieu de s’installer dans ce monde en autochtone, comme s’il y était vraiment chez lui. Sa sobriété et son courage au travail lui ont souvent apporté un pouvoir économique et des compétences professionnelles dont il n’a pas nécessairement fait profiter les plus défavorisés. Et quand il s’est multiplié et est devenu influent dans un pays, il a parfois voulu y faire la loi, en imposant une morale et une culture chrétienne à une société dont la majorité des membres n’entendaient pas suivre Jésus-Christ. En général, cette attitude impérialiste, cette volonté prétentieuse de créer une “société chrétienne” a profondément irrité les non-croyants et a fait obstacle à leur écoute de la bonne nouvelle du salut. Ce peuple a parfois oublié que le statut d’étranger que Dieu lui a imparti pour le moment, ne l’autorise pas à dominer les autres dans sa terre d’accueil, comme s’il devait y régner pendant mille ans, mais de les servir. Les étrangers que nous sommes ne doivent pas imposer leur éthique à ceux qui ne font pas partie du peuple de Dieu. Paul déclare: Qu’ai-je, en effet, à juger ceux du dehors?” (1 Cor.5:12). Les juger est le meilleur moyen de les dresser contre l’Evangile. Il faut simplement que notre style de vie soit à tel point attrayant, que certains d’entre eux aient le désir d’écouter notre message, de prendre notre citoyenneté et de nous accompagner dans notre pélerinage vers le ciel. L’Apocalypse (17:1 à 19:2) lance un avertissement quant à l’émergence d’un pouvoir mondial (17:2,15,18; 18:3,9,11,23), dénommé “Babylone la grande ”(17:5), un système politico- (17:2,18;18:9), economico-(17:4; 18:3,7,13, 16, 19) religieux (18:2,23), culturel (18:22) et persécuteur des témoins de Jésus (17:6;18:20, 24; 19:2). Plus l’institution ecclésiastique grandit, plus s’étend son activité politique, plus s’accroît son influence économique, plus elle attire les hommes par une richesse

culturelle et plus elle réclame le monopole de la religion. Etonnamment, la voix de l’époux et de l’épouse avaient été, pendant un temps, entendus en cette Babylone - mais elles ne le seraient plus. “La voix de l’époux et de l’épouse ne sera plus entendue chez toi” (Apoc.18:23). Et le peuple même du Christ s’était aussi trouvé au milieu de cette Babylone (18:4). Car, à un moment donné, la voix du Seigneur retentit du ciel avec ces paroles: “Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n’ayez point part à ses fléaux” (Apoc.18:4). Le professeur Douglas Feaver de l’université de Lehigh aux U.S.A. livrait dans un récent ouvrage les conclusions d’une étude sociologique de la scène religieuse actuelle dans le monde occidental. Deux points frappants en ressortaient. Premièrement, partout les gens quittent les institutions ecclésiastiques...mais ils le font, non pas pour échapper à la religion et la spiritualité, mais bien dans le but de retrouver celles-ci. Ensuite, contrairement à toute attente et dans une mesure surprenante, ils sont en train de les retrouver - dans des communautés de base, des organisations interecclésiastiques, les milieux charismatiques, des églises de maison, des assemblées évangéliques autonomes, etc. On cherche Jésus-Christ et on le trouve en dehors des institutions. Et la raison que tout ce peuple donne en général est celle-ci: dans l’institution on ne trouve plus ni piété personnelle, ni vie communautaire; ni Dieu, ni un frère! (“Quest for reality”, p.46). CHAPITRE 5 L’EGLISE EST LE CORPS DE CHRIST En quoi l’Eglise est-elle le corps du Christ? “Dieu a donné le Christ pour chef suprême à l’Eglise, qui est son corps” (Eph.1:22). “Christ est chef de l’Eglise qui est son corps” (Eph.5:23). “Le Fils est la tête du corps, c’est-à-dire de l’Eglise...le corps de Christ qui est l’Eglise” (Col.1:18,24 Jérus.). Un corps est un organisme vivant, et agissant par l’ensemble de ses membres. L’Eglise est un organisme vivant: Un organisme est un ensemble d’organes animés d’une vie commune. L’Eglise, corps de Christ est l’ensemble des membres humains qui tirent leur vie de leur union avec le Christ vivant, leur tête. C’est le rassemblement des régénérés, qui se distingue

du monde de ceux qui n’ont pas cette vie nouvelle en Jésus-Christ. Aucun rassemblement sur une base autre que celle de la vie nouvelle, n’est le corps du Christ, l’Eglise. Tout ce qui, dans l’institution, est mort, passe malgré tout pour être l’Eglise. L’Eglise est un organisme agissant: Cet organisme est aussi un ensemble de membres détenant différentes fonctions. L’Eglise, corps de Christ, est l’ensemble de ceux qui sont appelés à être les organes par lesquels le Christ poursuit son action sur la terre. Dans son incarnation, Jésus agissait ici-bas par son corps humain. Il prêchait l’évangile, guérissait les malades, nourrissait les affamés, louait Dieu, agissait en berger, consolait les abattus, dirigeait ses disciples, servait les autres, démasquait les esprits mauvais, accomplissait des oeuvres de miséricorde, enseignait et prophétisait. Cette partie de sa mission, il la continue encore maintenant, après avoir achevé son oeuvre de rédemption sur la terre et avoir quitté physiquement celle-ci pour monter au ciel. Ces mêmes oeuvres, il les accomplit en son absence corporelle, par l’intermédiaire des croyants, membres de son corps qui est l’Eglise. Car il fallait désormais, que Jésus-Christ, la Tête, déploie une action spirituelle sans limites dans l’espace et le temps. Cette Eglise est l’instrument principal de son action présente dans le monde. L’image du corps de Christ est l’antidote à celle de l’Eglise passive que certains ont pensé voir dans l’Eglise-troupeau ou l’Eglise-peuple, et à tout ce qui est inerte dans l’institution. La première aux Corinthiens est la seule épître que Paul adressa en même temps à une Eglise locale et à l’Eglise universelle: “Paul,...à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe,..et à tous ceux qui invoquent en quelque lieu que ce soit le nom de notre Seigneur Jésus-Christ” (1:1-2). C’est donc à cette Eglise universelle qu’il déclare dans la même épître: “Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part” (12:27). L’image du corps doit certainement avoir ses répercussions dans la vie et l’action des multiples Eglises locales. Mais elle concerne tout d’abord l’Eglise universelle et unique, car il est dit et répété: “Tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps...Nous avons tous (Paul à Ephèse, les Corinthiens à Corinthe et tous les autres destinataires partout ailleurs) été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps...Maintenant donc il y a ...un seul corps” (1Cor.12:12,13,20). “Nous (Paul à Corinthe et les Romains à Rome) formons un seul corps en Christ” (Rom.12:5). “Christ a voulu les réconcilier (Juifs et païens) avec Dieu l’un et l’autre en un seul corps” (Eph.2:16). “Il y a un seul corps” (Eph.4:4). Le Christ ne peut avoir plusieurs corps. Il serait donc faux de parler de chacune des Eglises locales comme étant “le ou un corps de Christ”, bien que ce corps soit représenté en chacune d’elle en la personne de ses chrétiens authentiques. Plus grave est de parler d’une dénomination quelconque comme du corps de Christ. Ce serait une prétention scandaleuse et sectaire. Qui est la tête du corps et que cela signifie-t-il? Cette question n’est pas purement académique étant donné la prétention du catholicisme que: “Le Pape...a un pouvoir plein, suprême et universel sur toute l’Eglise” (Catéchisme de l’Eglise Catholique, 1992, al. 882). “Dieu a constitué le Christ, au sommet de tout, tête pour l’Eglise, laquelle est son corps” (Eph.1:22 Jérus.). “Le Christ est...la tête de l’Eglise qui est son corps” (Eph.5:23 Semeur). “Le Fils est aussi la tête du corps, c’est à dire, de l’Eglise” (Col.1:18 Jérus.). Christ, la tête, est l’autorité suprême dans l’Eglise, son corps: L’usage au sens figuré du mot “tête” (kephale) dans le Nouveau Testament, dans le grec de l’époque, comme en français aujourd’hui, signifie souvent “chef” (un chapeau est un “couvre-chef”) et comportait une notion d’autorité. Le Christ est celui qui entend diriger personnellement l’Eglise. Chaque membre doit chercher ses directives auprès de la tête, au lieu de n’en faire qu’à sa tête à lui. Si on peut transplanter des organes chez l’être humain, jamais on ne peut remplacer la tête, ni introduire quelque chose entre elle et le corps. Dans l’Eglise, personne ne peut se poser en “vicaire” ou remplaçant du Christ, ni en intermédiaire entre lui et son corps. Pour admettre une telle prétention, il faudrait plusieurs déclarations d’une grande clarté dans ce sens, si bien de la part du Christ que de ses apôtres. Il n’en existe guère. “Le Christ est...la tête de l’Eglise qui est son corps...L’Eglise se soumet au Christ” (Eph.5:23-24). Cette soumission est ici présentée comme un fait, plutôt qu’un devoir. Car sans soumission directe au Christ, il n’y a pas Eglise. Même si cette soumission n’est ni complète ni parfaite, elle est malgré tout indispensable. Sans soumission personnelle à Jésus-Christ, aucun membre ne pourrait lui être attaché et il ne serait la tête de personne. Il a le droit exclusif à la soumission de son corps, l’Eglise universelle, et de chacun des membres de celle-ci. Cette soumission comprendrait- elle nécessairement la soumission à l’évêque de Rome? Suffit-il d’être soumis à ce dernier pour être aussi soumis au Christ? Ce sont des pensées incongrues. “C’est de la tête, Christ, que le corps tout entier, coordonné et bien uni...réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour” (Eph.4:15-16 TOB). Christ la tête, est le cerveau qui communique ses ordres aux membres du corps. Ceux-ci doivent agir selon sa volonté, non selon la leur. De la sorte, leurs actions en faveur des autres membres sont bien orchestrées et le corps peut grandir. Si on peut déplorer depuis toujours un manque flagrant de coordination sur le plan humain entre chrétiens, il est incontestable que le christianisme a connu une croissance remarquable depuis deux mille ans. Comment

expliquer cette édification, dont la plus grande partie s’opère actuellement en dehors du catholicisme, sinon par la direction discrète mais efficace de la part du Christ la tête, coordonnant l’action d’innombrables croyants (sinon tous), sensibles à ses ordres. Christ, la tête nourrit l’Eglise, son corps: “Celui-là... ne s’attache pas à la tête, dont le corps tout entier reçoit nourriture” (Col.2:18,19 Jérus.). “C’est de la tête: le Christ que le corps tout entier tire sa croissance” (Eph.4: 15,16 Semeur). Si la tête dirige le corps par le cerveau, elle le sustente et l’entretient par la bouche. Le Christ communique sa propre vie, le nutriment et l’énergie à l’Eglise. De là l’importance, soulignée par l’apôtre, pour chacun dans l’Eglise à Colosse de rester personnellement attaché à Jésus-Christ. En quoi consiste le corps de Christ? “Comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n’ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs (Paul et les croyants à Rome), nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres...Nous avons des dons différents” (Rom.12:4-6). Un membre est une partie du corps dotée d’une fonction particulière au service des autres parties. Les pieds transportent, les mains entretiennent et habillent, le système circulatoire irrigue etc.- les autres membres du corps. Un membre du corps de Christ est un croyant doté de certaines capacités pour servir les autres membres, c’est-à-dire l’Eglise. Et les différentes fonctions des divers membres correspondent aux différents dons spirituels accordés aux croyants. “Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps”...“Le corps n’est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres...Si tout le corps était oeil, où serait l’ouïe? S’il était tout ouïe, où serait l’odorat?”...Dieu a disposé le corps...afin que les membres aient également soin les uns des autres... Vous (l’Eglise universelle, 1Cor.1:2) êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres chacun pour sa part. Et Dieu a établi dans l’Eglise premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite...”(1Cor.10:17; 12:14,17,24, 25,27,28). L’oeil voit, l’oreille entend, le nez sent, etc., chacun pour le corps tout entier. L’apôtre implante des Eglises, le prophète prêche, le docteur enseigne et chaque croyant exerce son don particulier pour l’Eglise toute entière. Il ressort de cette image, que le corps dont Jésus-Christ est la tête est l’Eglise, constituée de la totalité des croyants, animés par la vie du Christ, membres de son corps et fonctionnant selon leurs dons respectifs. Il est utile d’observer que, dans cette figure, le membre du corps représente toujours le croyant considéré individuellement, mais jamais une Eglise locale et encore moins une des nombreuses institutions ou dénominations. Les conséquences pratiques de ce fait sont importantes. Elles permettent à n’importe quel croyant d’exercer un ministère selon ses dons en faveur de n’importe quel autre membre de l’Eglise universelle, n’importe où dans le monde, sans tenir compte d’aucune appartenance confessionnelle - ni de la sienne ni de celle de l’autre. Voilà un des éléments indispensables de l’unité chrétienne authentique qui, malheureusement se voit constamment contrecarrée par l’existence-même des institutions. Par surcroît, parler “d’Eglises- membres” ou de “dénominations -membres” du corps du Christ, outre le fait de déformer l’image biblique, favorise un oecuménisme de mauvais aloi. On ne peut aller plus loin dans l’étude de cette métaphore sans considérer le sens que le catholicisme veut donner à la notion “corps de Christ”, sens qui est au coeur-même de son ecclésiologie. Pie XII, dans son encyclique “Mystici Corporis” (1943) présentait l’institution romaine comme “Christus prolongatus” c’est-à-dire le prolongement du Christ. “Le corps de Christ” ne serait pas l’image d’une réalité spirituelle, mais l’extension de l’incarnation, “une seconde personne du Christ”. La constitution “De Ecclesia” (Vatican II) considère le catholicisme comme l’incarnation rédemptrice continuée, Jésus-Christ répandu et communiqué. L’Eglise romaine, manifestation permanente du Christ serait ainsi divine et humaine tout à la fois. Le “Catéchisme de l’Eglise Catholique”, ordonnée par le Pape Jean Paul II (al. 795,1992) déclare: “Le Christ et son Eglise constituent ensemble le “Christ entier” (Christus totus)...Nous sommes devenus non seulement des chrétiens, mais Christ lui-même”. On est proche du blasphème. On peut mentionner les objections suivantes à ces prétentions: 1. Elles ne tiennent pas compte des différences, soulignées à répétition dans les textes, entre la tête et le corps (Eph.1:22,23; 4:15,16; 5:23; Cil.1:18). L’Eglise n’est pas seulement unie au Christ, mais elle lui est unie comme le corps l’est à la tête, c’est-à-dire dans la distinction et la soumission. On veut rendre identiques le Christ et son Eglise. Mais il n’est pas une partie de son corps, il est la tête de ce corps. Le Christ ne s’incorpore pas, ne se fond pas dans l’Eglise, il est son Seigneur. On passe sous silence le Christ dans sa capacité de tête, de chef de l’Eglise. On le dit plus volontiers “l’âme” de l’Eglise - sans fondement dans les paroles du Christ ou des apôtres. Ce silence permet aussi de donner à l’Eglise une autre tête. 2. L’institution qui ne permettrait pas au Christ d’être pleinement sa tête, ne serait pas non plus son corps. Si elle s’identifie

avec lui au lieu de se situer au-dessous de lui, elle devient prétentieuse, autonome. C’est le corps qui prend le pouvoir dans l’institution. Le corps usurpe la place qui appartient exclusivement à la tête. C’est l’ecclésiocratie. L’institution n’est plus à l’écoute de la parole du Seigneur; elle n’écoute que son enseignement à elle. Le signe distinctif de l’Eglise, authentique corps de Christ, n’est pas le magistère, mais l’écoute obéissante aux pieds du Christ. “L’Eglise (la vraie) est soumise à Christ” (Eph.5:24). 3. Plus grave encore, le catholicisme prend au Chef ses prérogatives de Sauveur pour se les arroger, pour conférer ce rôle de salut à son institution. Mais “Christ est le chef de l’Eglise qui est son corps, et dont il est le Sauveur” (Eph.5:23). C’est l’Eglise qui est sauvée, non pas l’Eglise qui sauve. Mais, par la formule: “Hors de l’Eglise point de salut”, l’institution a lié la destinée éternelle des âmes à l’appartenance ecclésiastique. D’où l’idée fort répandue dans la chrétienté que la question primordiale est celle de se trouver dans la bonne Eglise. Etre catholique ou être orthodoxe, c’est être à l’abri. On aura beau dire “ni votre Eglise, ni la nôtre, ni aucune autre, mais le Christ seul peut sauver”, rien n’y fera. Même un non-pratiquant se sentira sécurisé par l’institution et se sentira menacé par l’idée d’une conversion personnelle au Seigneur. Et quand ont est déçu de l’institution au point de la rejeter (comme c’est le cas pour des millions de personnes en Europe), on pense devoir tout rejeter, Dieu, la foi et le Christ. Qu’on puisse se tourner vers le Christ et le chercher en dehors de l’institution vient rarement à l’idée de quelqu’un. Quand on fait de l’Eglise, une “seconde personne du Christ”, elle devient un autre sauveur, un autre christ? Et “un autre christ” ne serait-il pas un antéchrist (1 Jean 2:18)? 4. L’ascension du Christ au ciel montrait que son oeuvre sur la terre était achevée, que Jésus n’a pas de continuité corporelle ici-bas. La doctrine catholique annule l’ascension en affirmant que l’Eglise est la continuation de la présence corporelle de Jésus dans le monde. Elle attribue ainsi des propriétés divines d’omniprésence à sa nature humaine. Rome, au concile de Chalsédoine en 451, avait affirmé avec raison qu’il y a en Jésus-Christ deux natures distinctes: la nature humaine et la nature divine, étroitement unies mais sans confusion, sans altération, sans communication de propriétés entre elles. Le Christianisme en Occident avait ainsi rejeté le monophysisme d’Eutychès qui ne reconnaissait qu’une seule nature en Christ dans laquelle se mélangeraient divinité et humanité. Ce que le catholicisme rejette en théorie elle l’enseigne en pratique quand cela sert ses intérêts. Elle affirme l’ubiquité (Larousse: “Le fait d’être présent en tout lieu à la fois) du corps de Christ dans l’Eglise et dans l’Eucharistie. Elle en retire incontestablement un pouvoir sur les âmes. Mais l’ubiquité est un attribut de la nature divine, non pas de la nature humaine. La parole de l’ange aux femmes: “Il n’est point ici” n’aurait donc plus aucun sens (Mc.16:6). Pas plus que n’aurait l’ordre de célébrer l’Eucharistie “jusqu’à ce qu’il vienne” (1Cor.11:26), s’il était déjà corporellement et totalement présent dans le “sacrement”. 5. Même en admettant les raisonnements des théologiens catholiques, rien d’objectif ne lie le corps de Christ à l’institution romaine plutôt qu’à une autre entité. Il faut attendre plusieurs siècles après le Christ et les apôtres pour qu’apparaissent les premières suggestions de la doctrine moderne: que Matt.16 fait de Pierre le vicaire du Christ et lui confère une primauté. Qu’estce qui prouverait que ces prérogatives ont été transmises à des successeurs; que Pierre n’a été évêque ni à Jérusalem, ni à Antioche, mais à Rome; et que c’est dans l’Eglise à Rome que sa charge a été transmise, etc. En vertu de quoi le corps de Christ est-il constitué? “Nous avons tous été baptisés dans (Grec: en) un seul Esprit en (Grec: eis) un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres” (1Cor. 12:13 TOB). La préposition grecque eis signifie “dans avec mouvement”. Le français n’a pas de préposition qui y corresponde exactement (comme le “into” anglais) pour exprimer l’idée d’une introduction, d’une intégration, d’une incorporation à une entité quelconque. Les traducteurs français ont dû chercher des solutions à ce problème. Leurs versions parlent du baptême dans un seul Esprit “pour former” (eis) un seul corps (Jérus., Seg., FC), ou “pour être” un seul corps (Sacy, Darby). La traduction la plus fidèle, mais un peu lourde, serait: “pour être intégrés à” un seul corps. L’Eglise, corps du Christ, est donc constituée en vertu du baptême dans l’Esprit Saint, par lequel le Christ incorpore les membres à celle-ci.. Il est utile de signaler que ce texte sur le baptême dans l’Esprit Saint ne fait allusion au baptême d’eau sous aucune forme. Jean Baptiste, le Christ lui-même et l’apôtre Pierre se plaisaient à contraster les différences importantes entre le baptême dans l’eau et le baptême dans l’Esprit. Jean Baptiste précisait: “Pour moi, je vous baptise dans l’eau en vue du repentir; mais celui qui vient derrière moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne d’enlever ses chaussures; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint” (Mat. 3:11 Jérus.). Le baptême dans l’eau se fait par Jean-le-baptiseur, l’homme indigne. Le baptême dans l’Esprit Saint se fait par le Christ qui est d’une dignité infinie. Le baptême dans l’Esprit déploie une puissance d’efficacité que le baptême dans l’eau ne déploie pas. Cette séparation dans le temps, dans l’espace et dans leurs principes entre le baptême spirituel et le baptême matériel ainsi que la supériorité du premier sur le second sont développés par Jean, le Christ et Pierre dans une demi-douzaine de passages (voir Luc 3:16; Mc.1:7-8; Jean 1:33; Actes 1:5 et Actes 11:16). Ces précisions écartent toute idée sacramentelle qui ferait de l’administration de l’eau (la “matière” du baptême) l’acte sensible qui communiquerait la grâce du salut de manière efficace ex opere operato. En quoi consiste donc le baptême dans l’Esprit Saint? Sept (7) textes, ni plus ni moins, contiennent les deux notions: “baptême”

et “Esprit” en juxtaposition. Il faut se limiter, au départ, à ces textes-là pour éviter d’introduire dans la discussion des éléments qui auraient trait à d’autres actions de l’Esprit Saint (plénitude, sceau, onction, etc.) que son baptême, ou à d’autres baptêmes (feu, eau, mort, etc.), que celui dans l’Esprit. Nous poserons cinq questions à ces sept textes: Qui est le baptiseur dans l’Esprit? “Lui (le Christ) vous baptisera dans l’Esprit Saint” (Mat.3:11 Jérus., Mc.1:8; Luc 3:16; Jean 1:33; Act.1:5; 11:16). Les trois autres textes, étant à la voie passive, ne précisent pas qui est le baptiseur. Il faut sous-entendre le même, c.à.d. le Christ. C’est par Jésus que se dispensent les bienfaits de l’Esprit Saint. Il n’existe pas d’accès, en dehors de lui, à son corps, l’Eglise. Qui sont les baptisés dans l’Esprit? Ceux qui “confessaient leurs péchés” (Mat.3:6; Mc.1:5). “Vous” (les onze apôtres Act.1:5). “Nous au commencement...qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ” (les 120 dans la chambre haute à la Pentecôte), mais aussi “eux...les païens de la maison de Corneille à qui Dieu a accordé la repentance” (Act.11:14-18). “Nous avons tous été baptisés (Paul, les croyants de l’Eglise à Corinthe et l’Eglise universelle) dans un seul Esprit en un seul corps” (1Cor.12:13; 1:2). Par conséquent, les personnes que le Christ intègre à son corps par le baptême dans l’Esprit sont ceux qui confessent leurs péchés, qui croient en lui, qui se repentent, et tous ceux-là. Ce sont eux qui constituent l’Eglise universelle. Quel est l’élément dans lequel s’effectue ce baptême? Chacune des sept déclarations a, dans le texte original, la même locution par rapport à ce baptême: “...dans (en) l’Esprit”. Le sens premier du “en” grec est “dans” ou “en”, et ce sens-là peut être retenu pour traduire chacun des sept textes, sans rien forcer. Même si cette préposition peut, à l’occasion, signifier: “par” ou “avec”, ni l’une ni l’autre ne convient à tous ces passages. L’Esprit n’est ni le baptiseur ni le simple moyen de ce baptême. Quelle est le but du baptême dans l’Esprit? “Nous avons tous été baptisés dans (en) un seul Esprit en (eis “dans avec mouvement”) un seul corps” (1Cor.10:13). Entrer dans le corps de Christ, être intégré à son assemblée, incorporé à son Eglise est donc la finalité du baptême dans l’Esprit Saint. Bien avant Christ, la notion d’un baptême suggérait l’introduction à une communauté religieuse. On était initié aux religions de mystère païennes par un baptême. Le baptême des prosélytes introduisait ceux-ci à la communauté juive. Le baptême dans l’Esprit est la réalité spirituelle initiale dont le baptême d’eau est le signe matériel initial. Le premier intègre le croyant à l’Eglise universelle; le deuxième intègre le professant à l’Eglise locale. “Lui (le Christ) vous baptisera en l’Esprit Saint...Il assemblera le froment dans son grenier” (Luc 3:16,17; Mat.3:11,12 Darby). Ce langage figuré, du rassemblement par le Seigneur dans son grenier du bon grain (ceux qui se repentent de leurs péchés -3:3), décrit ce même but du baptême dans l’Esprit, c.à.d. l’introduction des croyants par Jésus-Christ dans son Assemblée. Cette prophétie de Jean-Baptiste concernant le baptême dans l’Esprit fut répétée par Jésus à l’intention de ses apôtres juste avant son ascension (Act.1:4,5). Le Seigneur accomplirait sa promesse pour eux dix jours plus tard à la Pentecôte. Le deuxième chapitre du livre des Actes nous relate les événements qui entourèrent ce premier baptême dans l’Esprit Saint par le Christ (2:1-4,17,18,33,38,39). Et la fin du chapitre décrit l’issue de ce baptême dans l’Esprit comme étant la première vie communautaire (42-47). Le dernier verset résume le tout par ses paroles: “Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés” (2:47). Le baptême dans l’Esprit par Jésus à la Pentecôte, marque la constitution du corps du Christ, le début de son Eglise. Quelles sont les conséquences de ce baptême? “Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres” (1Cor.12:13 TOB). L’effet de ce baptême dans l’Esprit est d’abolir au sein de ce corps toutes les distinctions humaines de race, de nationalité et de classe sociale. Déjà à la Pentecôte, Pierre déclare que cette action de l’Esprit est en faveur de “toute chair” (Act.2:17) et de “ceux qui sont au loin” (les Gentils), et non seulement de “vous et vos enfants” (les Juifs - 2:38,39) . Elle toucherait des serviteurs et des servantes (2:18), non seulement des maîtres; des jeunes gens et des filles, non seulement des personnes âgées et des fils (2:17). Il n’existerait plus non plus de distinctions dans l’Eglise, ni d’âge ni de sexe! Malgré son propre discours, Pierre a encore des scrupules quand le Seigneur lui dit dans une vision, d’aller dans la maison de Corneille, un officier Romain et un païen, pour lui annoncer l’Evangile (Act.10:1-48). Avec les “fidèles circoncis” (les chrétiens d’origine juive) qui l’accompagnent (10:23,45), il a mille hésitations; il fait toujours la distinction entre eux-mêmes, des juifs, et les non-juifs (v.15,28,29,34,35,43,45). Obéissant malgré tout, Pierre annonce le salut en Jésus-Christ à la famille et

aux gens de maison du centenier (34-43). Ceux-ci se repentent, reçoivent la promesse de l’Esprit Saint (44,45,47) et, après cela, sont baptisés d’eau (47,48). Mais, à Jérusalem, on reproche encore à Pierre d’avoir fraternisé avec des gentils (11:1-3). Celui-ci se justifie en ces termes: “A peine commençais-je à parler, que l’Esprit Saint tomba sur eux, tout comme sur nous au début. Je me suis alors rappelé cette parole du Seigneur: Jean, disait-il, a baptisé avec de l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint...Ces paroles les apaisèrent (les croyants à Jérusalem) et ils glorifièrent Dieu en disant: Ainsi donc, aux païens aussi Dieu a donné la repentance qui conduit à la vie!” (11:15,16,18 Jérus.). La preuve concluante que, dans le corps du Christ, il ne fallait plus tenir compte des distinctions raciales et humaine c’était l’abolition de celles-ci par le baptême dans l’Esprit. Paul écrit aux Eglises en Galatie (Gal.1:2): “Vous êtes tous fils de Dieu par la foi au Christ Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans (eis) le Christ, vous avez revêtu le Christ: il n’y a ni juif ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus” (3:27,28 Jérus.). Il n’est pas précisé explicitement ici de quel baptême il s’agit; si c’est celui dans l’eau ou celui dans l’Esprit. On ne peut donc préjuger de la chose ni dans un sens ni dans l’autre. Il ne peut être question non plus de ces deux baptêmes à la fois, réunis dans un même “sacrement”, ou l’eau véhicule l’Esprit Saint. Car on vient de voir que, pour les non-Juifs de la maison de Corneille, le baptême dans l’Esprit (Act.10:44,45, 47; 11:16) eut lieu avant et sans le baptême d’eau (10:47,48) et que ce dernier fut la suite et l’expression visible du premier. De quel baptême s’agit-il donc dans Gal.3:27,28 où il est question de: “Vous tous en effet, baptisés dans (eis) le Christ...”? Il serait normal de penser d’abord à la réalité spirituelle plutôt qu’au rite matériel. Ensuite, le régime: “...tous, baptisés dans (eis) le Christ...” fait penser au “...tous, baptisés dans un seul Esprit dans (eis) un seul corps” (1Cor.12: 13). Si c’est dans l’Esprit qu’on est baptisé pour être intégré au corps du Christ, ne serait-ce pas aussi dans ce même Esprit (plutôt que dans l’eau) qu’on est baptisé pour être intégré au Christ? Enfin, les effets de ce baptême “dans (eis) le Christ” sont les mêmes que les effets d’être baptisé par l’Esprit dans (eis) son corps: il n’y a plus dans l’Eglise ni Juif ni grec, ni esclave ni libre, ni homme ni femme. Toutes ces distinctions humaines y sont suspendues. Malheureusement, on a souvent donné au baptême dans l’Esprit une signification autre que celle que lui donne l’Ecriture. On pensait bien faire en y voyant un “revêtement de puissance” tandis que l’Ecriture assure cette bénédiction-là à ceux qui sont “remplis de l’Esprit”. Ne pas comprendre les conséquences pratiques du baptême dans l’Esprit Saint, a fait perdurer au sein de l’Eglise, de graves abus jusqu’à ce jour . On a continué à y pratiquer et y justifier des ségrégations raciales, des rivalités nationales, des injustices sociales, des discriminations sexuelles et des mésententes entre les générations. Certains objecteront à ces conclusions qu’elles prônent une conception “spiritualiste” de l’Eglise parce qu’on n’y retrouve pas l’institution. Outre de nous être limités aux conclusions qu’une exégèse des textes permet de tirer, nous rappelons que cet ouvrage traite surtout de l’Eglise universelle et incidemment seulement des Eglises locales. Or, rien de plus concret que des communautés locales enracinées dans des lieux précis, constituées d’hommes et de femmes en chair et en os dont on peut compter le nombre, dotées de structures autour de conducteurs établis dans des fonctions officielles, agissant sur le plan financier, matériel, social, liturgique, administratif et éducatif selon des instructions apostoliques précises. Il est indispensable de respecter le caractère spirituel de l’Eglise universelle dans son essence, au risque de dérives institutionnelles, sectaires et bureaucratiques. Il est tout aussi nécessaire pour les communautés locales d’avoir une vie d’Eglise organisée avec bienséance et ordre selon les indications du Nouveau Testament. D’autres ouvrages traitent de cette question. De quel type est l’unité au sein du corps de Christ? C’est une unité spirituelle: L’Ecriture associe l’unité du corps au baptême dans l’Esprit comme l’effet à sa cause. “Le corps est un et a plusieurs membres, et...tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps...Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit pour être intégrés à un seul corps” (1Cor.12:12,13). L’Eglise est une et unique parce que l’Esprit dans lequel ses membres ont été baptisés est un et unique. Il faut donc penser tout d’abord à une unité spirituelle, intérieure, essentielle. L’institution ne peut ni créer ni détruire cette unité-là. “Il y a un seul corps et un seul Esprit...Il y a un seul baptême” (Eph.4:4,5). Comment introduire le baptême d’eau dans cette séquence de sept éléments unificateurs (v.4-6), après tout ce que disent les textes cités plus haut sur le baptême dans l’Esprit? En outre, peu de choses ont davantage divisé les institutions ecclésiastiques que la question du baptême d’eau. Comment chercher encore une source d’unité dans: “un seul baptême d’eau”? L’unité “sacramentelle” est une illusion parce qu’elle ne se trouve pas dans les textes. L’unité d’un corps est une unité de vie, organique plutôt qu’institutionnelle. C’est une unité entre le corps et la tête:

“La réalité, c’est le corps du Christ. Que personne n’aille vous en frustrer, en se complaisant en d’humbles pratiques, dans un culte des anges: celui-là donne toute son attention aux choses qu’il a vues, bouffi qu’il est d’un vain orgueil par sa pensée charnelle, et il ne s’attache pas à la tête, dont le corps tout entier reçoit nourriture et cohésion” (Col.2:17-19 Jérus.). Le salut n’est ni dans l’ascétisme, ni dans l’occultisme ni dans une indépendance orgueilleuse, mais dans l’attachement direct de chaque individu au Christ, source de tout bien. Pour être un membre de l’Eglise, il faut être personnellement attaché à la tête de celle-ci. S’il n’y a plus liaison entre le corps et la tête, la vie s’en va. Il s’agit d’une unité indivisible. On n’est pas attaché au Christ parce qu’on est membre de l’Eglise; on est membre de l’Eglise parce qu’on est attaché au Christ. Le catholicisme renverse cet ordre et déclare que “si on est en relation avec l’institution (sous-entendu avec Rome et le Pape), on l’est aussi avec le Christ. Et que c’est uniquement l’institution qui assure le contact et transmet la grâce. C’est tordre le sens de l’image. Christ, la tête est l’unique source de l’unité de l’Eglise. Les chrétiens ne trouvent cette unité vraie qu’en étant attachés d’abord, et chacun pour sa part, au Christ. C’est une unité des membres du corps entre eux: “Nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres” (Rom.12:5). Cette unité horizontale est considérée comme un fait, mais uniquement pour les individus parmi les catholiques, protestants, orthodoxes, anglicans, etc., qui sont dans le corps parce qu’ils sont “en Christ”. Les membres de l’Eglise ne sont unis entre eux qu’en raison de leur union verticale au Christ. Les membres du corps ne sont pas des Eglises, mais les vrais chrétiens considérés individuellement. Les fusions entre institutions ecclésiastiques ne créent pas l’unité dont parle l’Ecriture parce qu’elles n’unissent que des entités administratives et englobent contre nature un nombre important de chrétiens de nom qui ne sont pas personnellement unis au Christ la tête. C’est une unité visible et pratique: “Le Christ a voulu réconcilier avec Dieu juifs et païens, l’un et l’autre en un seul corps par la croix, en détruisant par elle l’inimitié. Il est venu annoncer la paix” (Eph.2:16,17). Quand des gens d’origines raciales et religieuses différentes se rencontrent à la croix du Christ, ils connaissent d’abord la paix avec Dieu, chacun de son côté, et ensuite la paix entre eux dans un même corps, l’Eglise. C’est une réalité susceptible de frapper l’observateur, que ce soit au sein d’une Eglise locale ou dans des rencontres chrétiennes internationales, multiraciales et multi-ethniques. Il est faux de prétendre que l’ unité doit être administrative pour être visible. “Et que la paix de Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos coeurs” (Col.3:15). Rome, loin de créer la paix entre catholiques basques, catholiques espagnols et catholiques catalans, entre catholiques flamands et wallons, etc. (tous dans la même institution), attise souvent les régionalismes et les sentiments ethniques, et divise ainsi pour régner. Il n’en faut pour exemple que le parti “chrétien” catalan séparatiste, et la devise du nationalisme flamand militant: “AVV & VVK” - “Tout pour la Flandre et la Flandre pour Christ”. “Renoncez au mensonge, et que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain, car nous sommes membres les uns des autres” (Eph.4:25). La visibilité de l’unité chrétienne authentique se situe au niveau des relations humaines proches, vraies et harmonieuses, et non dans l’institution. “Qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres. Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui” (1Cor.12:25,26). Cette unité spirituelle s’extériorise pratiquement par le soin, la sollicitude (TOB), le souci (Jérus.) que les membres se témoignent mutuellement. Elle se concrétise à la base, dans des actes d’entraide entre vrais chrétiens et particulièrement dans un contexte de souffrance humaine. Il s’agit de croyants qui se connaissent, d’une même Eglise locale ou de provenances ecclésiastiques différentes, et non pas de délégués à des pourparlers entre instances hiérarchiques. De telles discussions sont éloignées et peu connues du monde des non-croyants et beaucoup moins visibles pour eux que l’entente et la solidarité entre les croyants d’un même voisinage ou celles des chrétiens de pays riches avec ceux de pays pauvres. Mais l’unité dans le corps du Christ ne signifie aucunement l’uniformité. De quel type est la diversité au sein du corps du Christ? Il y a une diversité humaine et d’origines: Il a été signalé plus haut la diversité raciale: entre Juifs et Grecs (1Cor.12:13); diversité religieuse: entre Juifs et païens (Eph.2:11,14,16); diversité nationale: entre barbares et Scythes (Col.3:11); diversité de classe sociale: entre esclaves et libres (1Cor.12:13); diversité de sexe: entre hommes et femmes (Gal.3:28); diversité d’âge: entre jeunes gens et vieillards (Act.2:17). Quelle richesse humaine et culturelle dans l’Eglise! Quel potentiel pour accomplir sa mission dans ce monde, d’atteindre avec l’Evangile tous les hommes et les femmes de toutes les nations, religions, races, conditions, classes et âges! Mais pour que cettediversité enrichissante ne soit pas source de divisions, tous doivent comprendre que leur baptême dans l’Esprit Saint a aboli

toutes les différences humaines au sein du corps de Christ. Il ne faut plus en tenir compte. Il y a une diversité de dons spirituels: “Il y a diversité de dons, mais le même Esprit; diversité de ministères, mais le même Seigneur; diversité d’opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous” (1Cor. 12:4). Si le corps, en tant qu’organisme vivant, souligne l’unité vitale de l’Eglise, ce corps, en tant qu’organisme agissant, souligne la diversité des fonctions qui règne en son sein. Dans cette image, la tête c’est le Christ, le corps est l’Eglise, les membres du corps sont les croyants considérés individuellement, et les différentes fonctions des membres sont les divers charismes accordés par l’Esprit Saint. “Si tous étaient un seul membre, où serait le corps?” (1 Cor.12:19). Dieu veut que l’Eglise respecte l’individualité de ses membres. Chaque membre a une fonction, ce qui signifie que chaque vrai chrétien possède au moins un don. Chacune des cinq listes de dons spirituels se situe dans un contexte où il est explicitement question du corps du Christ. Pour éviter toute dérive charismatique, source de division, il convient de considérer la diversité des dons dans le cadre de l’image du corps, et de ne pas les en sortir. La structuration charismatique de l’Eglise universelle est une des parties les plus importantes de la révélation biblique à son sujet. Mais nous ne pouvons traiter en profondeur dans cet ouvrage tout le témoignage biblique sur les dons spirituels. Nous nous bornons ici a en faire l’énumération dans les contextes des cinq listes: Rom. 12:6-8 1Cor. 12:8-10 1Cor. 12:28-30 1Cor.13:1-3 Eph.4:11 . apôtre apôtre prophétie prophétie prophétie prophétie prophétie évangéliste enseignement parole de science enseignement connaissance enseignement parole de sagesse foi foi guérisons guérisons miracles miracles servir aider diriger conduire encourager libéralité libéralité miséricorde miséricorde berger discernement langues langues langues interprétation interprétation Il s’agit donc d’environ 17 dons d’une grande diversité. Bien comprise, cette diversité de charismes n’est en rien contradictoire à l’unité du corps, mais vise précisément la croissance de celui-ci. Comment le corps de Christ se développe-t-il? La réponse à cette question est résumée de manière frappante dans Eph. 4:7-16. La traduction suivante de ce texte combine les meilleurs éléments de plusieurs versions: “Chacun de nous a reçu sa part de la grâce divine selon que le Christ a mesuré ses dons. C’est pourquoi l’on dit:...Il a fait des dons aux hommes...C’est lui encore qui a donné aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien bergers et enseignants, pour la formation des saints en vue de l’oeuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous ensemble parvenus...à constituer cet homme adulte, à la taille du Christ dans sa plénitude. Ainsi, nous ne serons plus des enfants, flottants et emportés par tout vent de doctrine.., mais professant la vérité dans l’amour, nous croîtrons de toutes manières en celui qui est la tête, le Christ. C’est de lui, et par toutes sortes de jointures qui le nourrissent, que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, opère sa croissance selon l’activité qui convient à chacune de ses parties, et s’édifie lui-même dans l’amour.” Les principaux enseignements de ce passage se résument comme suit: L’intention de Dieu pour l’Eglise est qu’elle grandisse: Plusieurs expressions vont dans ce sens: “l’édification du corps de Christ” (12); “...parvenus à la taille du Christ dans sa plénitude” (13); “nous ne serons plus des enfants (14)”; “nous croîtrons de toutes manières” (15); “le corps opère sa croissance et s’édifie lui-même dans l’amour” (16). Cette croissance est “de toutes manières”, si bien “dans l’amour”, c.à.d. en qualité, qu’en “taille”, c.à.d. en quantité. Il est dans la nature-même d’un organismede ne pas rester à l’état infantile, mais de croître en force et en importance. Les institutions statiques, les cathédrales vides, les

enfantillages ecclésiastiques, le christianisme en régression, tout cela est contre nature. Les causes de cette “immaturité” spirituelle, de ce “flottement” sont “les vents de doctrine,. ..la tromperie des hommes,..les moyens de séduction (14)”. En d’autres termes, tous les enseignements qui s’écartent de la doctrine du Christ, qui la tordent, qui y ajoutent ou en retranchent, qui la mettent en doute. Ce sont la tradition, l’allégorisme, le libéralisme théologique, la critique biblique destructrice qui minent les églises et sapent l’élan missionnaire. Par contre, “en professant la vérité dans la charité, nous croîtrons”(15). La vérité objective existe. On peut la connaître, car Jésus dit “Vous connaîtrez la vérité” (Jean 8:32). Elle est contraire à l’erreur. Il faut la professer. Mais il faut le faire de manière charitable. L’Eglise ne demande que cela pour grandir. La croissance de l’Eglise doit être assurée par l’action de chacun de ses membres: L’image-même du corps l’exige, car aucun membre d’un corps n’est dépourvu d’une fonction.. Et toute fonction est au service de la croissance du reste du corps. Le texte parle de “chacun de nous” (7); des “uns” et “d’autres” (11); de “la formation des saints en vue de l’oeuvre du ministère” (c’est donc aux saints qu’appartient le ministère -12); de “l’activité qui convient à chacune de ses parties” (16). Les possibilités latentes dans l’Eglise pour l’action sont incalculables. Le ministère chrétien dans toute sa diversité ne peut, ni ne doit être limité au seul “clergé”. Tout cléricalisme, s’arroge une partie des ministères qui appartiennent aux croyants, restreint l’éventail des possibilités de service qui leur sont ouvertes, et freine de la sorte la croissance naturelle de l’Eglise. Dieu a équipé chaque membre du corps d’au moins un charisme, en vue du développement de l’Eglise: “Chacun de nous a reçu sa part de la grâce divine selon que le Christ a mesuré ses dons (7)”; “Il a fait des dons aux hommes (8); “Il a donné aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien bergers et enseignants (11)”;“...l’activité qui convient à chacune de ses parties (16)”. Il suffit d’être croyant authentique pour posséder un don. Tout vrai chrétien doit prendre conscience des capacités que Dieu lui a accordées pour édifier l’Eglise et doit chercher à les employer et les développer. Tout membre qui ne fonctionne pas, qui n’exerce pas son don, procure une surcharge aux autres membres qui doivent compenser son inaction. Lui- même finit par s’atrophier et défigurer le corps. C’est aussi Dieu qui distribue les charismes selon sa volonté et non pas les croyants qui les choisissent selon la leur. Ce sont des grâces pour lesquelles ils doivent être reconnaissants, non des talents dont ils pourraient être fiers. L’édification de l’Eglise est la preuve de l’authenticité des dons. Le corps s’auto-édifie quand chaque membre met son don aux service des autres: Le but dans lequel Dieu accorde les dons d’apôtre, de prophète, d’évangéliste, etc. est “pour le perfectionnement des saints” (12), c.à.d. l’équipement, la formation des autres chrétiens. “Le corps...opère sa croissance par l’activité qui convient à chacune de ses parties et s’édifie lui-même (16)”. L’Eglise grandit quand chacun de ses membres sert les autres selon ses capacités. Les responsables dans l’Eglise doivent structurer les activités de celle-ci de sorte que chacun, chacune puisse exercer et développer ses dons au maximum. Le Christ a accordé à son Eglise d’avoir en elle-même tout ce dont elle a besoin pour son propre développement. Le corps est une entité autonome. Il peut se nourrir, se déplacer, agir, entendre, voir, penser, entrer en relation avec son entourage. Il n’est pas nécessaire pour l’Eglise de dépendre d’une assistance extérieure, telle l’aide financière ou l’influence de personnes non-croyantes ou encore des subsides ou des privilèges que lui accorderait l’Etat. Une telle dépendance a toujours fait plus de tort que de bien à l’Eglise et a été néfaste pour son intégrité spirituelle et sa saine croissance. Malgré la richesse et le dynamisme de l’image du corps, celle-ci ne donne pas, à elle seule, une idée équilibrée de ce qu’est l’Eglise. Elle ne rend compte ni de l’adoration ni du culte que l’Eglise-prêtrise doit apporter à Dieu. Nous n’y trouvons pas non plus la fraternité de l’Eglise-famille, pas plus que la relation d’amour de l’Eglise, épouse avec le Christ son Epoux. Par conséquent, nous abordons maintenant les autres figures de l’Eglise proposées par l’Ecriture.

CHAPITRE 6 L’EGLISE EST UNE FAMILLE En quoi l’Eglise est-elle une famille? Deux noms communs dans le Nouveau Testament décrivent l’Eglise comme étant une famille: le mot “maison” (oikos, oikeios -dans son sens figuré) et le mot “fraternité” (adelphotes): Le mot “maison”: Les dictionnaires Larousse et Robert donnent tous les deux le sens de “famille” comme une des significations du mot français “maison”. Il s’agit de ses habitants, de la “maisonnée”. Cet usage existe aussi en grec. “Tu (Timothée) sauras comment il faut se conduire dans la maison (oikos) de Dieu, qui est l’Eglise du Dieu vivant” (1 Tim. 3:15). Les versions “Français Courant” et “Semeur” traduisent: “la famille de Dieu”. L’Eglise est donc une famille au sein de laquelle les bonnes relations s’entretiennentpar des comportements appropriés. Le jeune Timothée, comme les autres, doit apprendre comment bien s’y comporter. Paul écrit à l’Eglise à Ephèse: “Vous n’êtes plus...des gens du dehors; mais vous êtes...gens , la maison (oikeios) de Dieu” (Eph.2:19). Les version TOB, Maredsous, BFC et Semeur traduisent toutes: “la famille de Dieu”. Les chrétiens à Ephèse qui, avant de connaître Jésus-Christ, furent des païens, des exclus, avaient été accueillis dans une nouvelle famille spirituelle, celle de Dieu. Une famille est un ensemble social où on est accepté sans devoir se présenter autrement qu’on est. Le Seigneur a voulu que son Eglise soit bien plus qu’un assortiment d’âmes élues, qu’un distributeur de moyens de grâce, qu’un simple lieu de culte où on entre et on ressort sans avoir eu affaire à personne. Elle est un foyer où tous sont acceptés et où tous doivent accepter les autres, pour l’unique raison qu’ils sont enfants de Dieu. On choisit ses amis; on ne choisit pas les membres de sa famille. Et, dans l’Eglise, on se trouve engagé avec certaines personnes à qui rien ne nous lie sur le plan humain, avec qui nous n’avons rien en commun sinon Jésus-Christ. Mais ce lien-là peut devenir plus fort que n’importe quelle affinité naturelle. Pierre écrit aux croyants dispersés (1Pi.1:1,2): “C’est le moment où le jugement va commencer par la maison (oikos) de Dieu. Or, si c’est par nous qu’il commence...” (4:17). Pierre lui-même et l’Eglise universelle constituaient ensemble la maison dont Dieu s’occupait “en bon père de famille” - ce qui pouvait comporter une affectueuse discipline. Dans “l’Eglise d’Etat” le maintien de l’ordre a souvent été confié au “bras séculier” - toujours à mauvais escient. Celui-ci a frappé là où il ne devait pas, tout en se montrant inefficace pour remédier au désordre spirituel et moral. “Tant que nous en avons l’occasion, faisons du bien à tout le monde, et en premier lieu à ceux qui appartiennent à la famille (oikeios) des croyants” (Gal.6:10 Semeur). Un chrétien doit pouvoir apporter une aide sociale à n’importe qui. L’humanitaire fait partie de son témoignage au monde non-chrétien. Cependant, il a un devoir de solidarité particulier envers la famille constituée de ceux qui partagent avec lui la même foi en Christ. L’Eglise est donc un lieu d’entraide entre spirituellement proches - même si ceux-ci sont physiquement éloignés. Le Christianisme est d’ailleurs la seule parmi les principales religions du monde qui ait donné naissance pendant toute son histoire et dans toutes ses branches à des oeuvres caritatives. Plus de la moitié des nécessiteux du monde sont musulmans et l’abîme entre riches et pauvres est plus grand dans les pays islamiques que partout ailleurs. L’Hindouisme justifie l’exclusion des intouchables par son système de castes. Le Bouddhisme s’incline devant la pauvreté et la maladie comme dus au mauvais karma de ceux qui en souffrent. Et l’animisme se satisfait de conjurer le malheur en apaisant les mauvais esprits. Le sens de l’entraide a parfois manqué au sein de la chrétienté, mais les autres grands mouvements spiritualistes ont rarement été moteurs de solidarité. L’Eglise à visage humain, communauté accueillante, source d’un sentiment d’appartenance, lieu d’intimité, cadre de relations saines, solidaire dans les moments difficiles, cette Eglise n’est pas non plus celle de l’institution. Cette dernière prétend inclure toute la société en son sein. Mais ce gigantisme n’apporte guère de réponses à la solitude de l’homme moderne. Celui-ci est solitaire dans la masse, se perd dans l’anonymat, l’ennui et l’aliénation. Cette carence n’empêche pas l’institution officielle de traiter de “sectes” des communautés se voulant accueillantes, et par là même, de leur faire un procès d’intention.

Dès la réforme, pendant plusieurs siècles et dans de nombreux pays d’Europe, l’institution et l’Etat auquel elle était liée, déclaraient illicites les “conventicules”. Celles-ci n’étaient ni plus ni moins que des réunions de maison. Dès la Pentecôte et pendant trois siècles les Eglises se sont réunies principalement dans les maisons, sans être pour cela ni sectaires ni subversives (Act.12:12; Rom.16:5; 1Cor. 16:19; Col.4:15; Philém.2, etc.). Ce cadre favorisait sans conteste leur caractère familial. L’interdiction et la dépréciation de ce type de rencontre ont constitué une grande perte pour l’Eglise. Le terme “la fraternité”: Le mot adelphotes, dans l’abstrait: “fraternité”, signifie “la relation, l’esprit fraternel”. Le Nouveau Testament l’emploie uniquement dans le sens concret: “la communauté des frères”. Les termes français les plus proches seraient “fratrie” et “confrérie”. Et si Larousse définit ce dernier comme une “association de personnes pour une oeuvre pieuse”, ces mots ont une portée trop spécifique pour bien décrire l’Eglise. Pierre écrit dans sa première épître (dite “générale” ou “catholique” parce qu’elle est une circulaire adressée à l’Eglise dispersée -1:1-2): “Aimez la fraternité” (2:17- adelphotes)”. FC traduit: “vos frères dans la foi”; Darby: “tous les frères”. Il s’agit donc de l’Eglise universelle décrite comme une communauté de frères unis entre eux par les liens d’une même vie spirituelle en Jésus-Christ. Le mot “frère” est employé au moins 246 fois dans le Nouveau Testament au sens figuré pour décrire les chrétiens. Pour Pierre, leur provenance commune, leurs relations intimes, leur égalité parfaite devant Dieu sont autant de raisons pour eux de s’aimer sincèrement où qu’ils se trouvent. L’apôtre emploie une deuxième fois ce terme (adelphotes) dans cette même épître: “Résistez au diable en demeurant fermes dans la foi. Rappelez-vous que vos frères (“la fraternité”), dans le monde entier, passent par les mêmes souffrances” (5:9 BFC). L’Eglise universelle doit se sentir une “fraternité” unie face aux attaques de Satan, cet ennemi qui n’épargne aucun membre de la famille. Par conséquent, celle-ci est aussi une “fraternité d’armes” au sein de laquelle on doit se serrer les coudes pour résister à l’ennemi spirituel commun. L’individualisme est à la fois un des péchés et une des faiblesses de la chrétienté occidentale. Il faut y réapprendre la fraternité, au risque de succomber dans son isolement, aux assauts du Malin. Qui remplit la fonction de père dans la famille de l’Eglise? Paul écrit aux Eglises à Rome: “Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père” (1:7). Dieu est le Père de l’Eglise universelle, celle qui englobe en une même famille Paul à Corinthe et ses frères et soeurs à Rome. Il écrit à l’Eglise à Corinthe: “Dieu l’a dit:...je vous accueillerai. Je serai pour vous un Père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur” (2Cor.6:16-18). Il écrit à l’Eglise à Ephèse: “Il y a un seul corps...un seul Dieu et Père de tous” (4:4-6). Jean écrit: “Petits enfants...Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu! Et nousle sommes” (1Jean 2:28-3:1). L’apôtre et les destinataires de son épître étaient de la même famille, sous la paternité de Dieu. “Jésus avait dit à ses disciples: Quand vous priez, dites: Père” (Luc 11:2). Et il leur fit dire par Marie: “Je monte vers mon Père et votre Père” (Jean 20:17). Dieu est donc un Père qui accorde grâce et paix à son Eglise, qui l’accueille, qui s’occupe de tous ses membres sans exception, qui leur témoigne son amour, les appelle ses enfants et qui veut que ceux-ci l’appelle “Père”. Mais il est aussi le Père: - qui sait ce dont ses enfants ont besoin avant qu’ils le lui demandent (Mat.6:8), - qui sait qu’ils ont besoin de nourriture et de vêtement et qui leur en donne, surtout quand ils cherchent d’abord son royaume et sa justice (6:33,42), - qui leur donne de bonnes choses quand ils les lui demandent (7:11), - qui sait quand le moindre moineau tombe à terre et s’occupe à plus forte raison de ses enfants (10:29), - qui leur donne un enseignement (Jean 6:45), - qui leur est toujours accessible et disponible dans la prière (Eph.2:18), - qui les corrige pour leur bien (Héb.12:7,10). Est-ce étonnant que les pays du monde les plus prospères, les plus éclairés, les plus libres et les plus vigoureux ont été ceux où Dieu a pu le mieux ouvrir son coeur de Père en faveur de sa famille c.à.d. où les vrais croyants et les communautés vivantes ont été les plus nombreux. L’Eglise y a été, plus qu’ailleurs, le sel de la terre et la lumière du monde (Mat.5:13,14). En vertu de quoi devient-on enfant dans la famille de Dieu - l’Eglise? “Vous vous êtes approchés...de l’Eglise (ekklesia) des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux” (Héb.12:22-23).

Une régénération est à la base de la constitution de cette Eglise universelle dont le registre est céleste. C’est en vertu de la nouvelle naissance qu’on devient un enfant, membre de la famille de Dieu. Qui donc sont ceux dont Dieu fait ses enfants? Paul précise: “Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ” (Gal.3:26). Jean ajoute: “A ceux qui l’ont reçu (le Christ), à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ceux-là ne sont pas nés du sang.., mais de Dieu”(Jean 1: 12,13 TOB). S’ouvrir à Jésus, le recevoir dans le coeur (non dans l’estomac), croire en son nom, voilà comment on renaît, non de filiation naturelle, mais de Dieu. En vertu de cette nouvelle naissance, on obtient le pouvoir de devenir enfant de Dieu, membre de sa famille. Naître, fût-ce de parents chrétiens, n’accorde pas ce même droit. Personne n’est enfant de Dieu par nature; il faut le devenir. On est introduit dans la famille de l’Eglise en vertu d’un acte de foi personnelle et de la régénération par l’Esprit qui s’en suit. Paul écrit “aux Eglises de Galatie” (Gal.1:1,2): “Dieu a envoyé son Fils...afin qu’il rachète ceux qui étaient sous la loi, afin que nous (Paul et les croyants de ces églises) recevions l’adoption. Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils” (4:4-6). Dieu a donné Jésus-Christ en sacrifice pour racheter ceux qui étaient sous la condamnation de la loi par leurs fautes. C’est la mort du Christ sur la croix qui permet à Dieu d’adopter des esclaves du péché et d’en faire des fils adultes - dotés de tous les droit attenants à ce statut. L’Eglise est donc cette famille composée de tous ceux qui ont été rachetés au prix fort du sang de Jésus et adoptés par le Père pour être pleinement ses fils. L’Eglise est donc bien plus qu’un club, qu’un cercle d’amis, qu’un groupe de coreligionnaires, voir qu’une association cultuelle. Elle n’est pas constituée en vertu d’une simple entente entre hommes, mais par l’action surnaturelle de Dieu. Quelles sont les fonctions de l’Eglise, en tant que famille? Elle doit apporter chaleur et intimité: “Vous vous êtes purifiés en obéissant à la vérité, pour vous aimer sincèrement comme des frères. Aimez-vous donc ardemmentles uns les autres d’un coeur pur. En effet, vous êtes nés de nouveau, non de pères mortels, mais grâce à une semence immortelle” (1 Pi.1:22,23 FC). On naît de nouveau, non pour rester tout seul, mais pour faire partie de la famille de Dieu. Le monde est souvent faux et froid, même au sein de ses meilleurs groupements, cercles et autres amicales. Cette société inhospitalière donne toute son importance à un nid, à des relations familiales simples, authentiques, affectueuses. Les charbons ardents qui forment un foyer de chaleur quand ils sont ensemble, se refroidissent et s’éteignent dans l’isolement. On donne de la chaleur dans les relations proches au sein de l’Eglise - en même temps qu’on en reçoit. Paul écrit aux frères des Eglises à Rome: “L’amour doit être sincère...Ayez de l’affection les uns pour les autres comme des frères qui s’aiment” (Rom.12:9-10). Elle doit pourvoir un encadrement spirituel: Tout n’est pas parfait au sein de la famille de Dieu. Mais celle-ci peut apporter une protection aux frères moralement faibles, et des solutions aux écarts de comportement. Jésus dit: “Simon! Ecoute: Satan a demandé de pouvoir vous passer tous au crible... Mais j’ai prié pour toi , afin que la foi ne vienne pas à te manquer. Et quand tu seras revenu à moi, fortifie tes frères” (Luc 22:32 FC). Tous sont tentés. Un membre de la famille qui, comme Pierre, a surmonté ses défaillances peut affermir ses frères. “Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le seul à seul” (Mat.18:15 Jérus). La solution n’est pas d’en parler aux autres membres de la famille, d’être rapporteur, mais d’aborder avec douceur l’intéressé lui-même. Quel non-chrétien se soucierait-il à tel point du bien moral d’un ami pour se donner la peine d’une telle démarche? “Il y a sûrement parmi vous un homme sage qui soit capable de régler un conflit entre frères! Alors, faut-il vraiment qu’un frère soit en procès avec un autre?” (1Cor.6:5,6 FC). Il n’est pas nécessaire de laver le linge sale de la famille en public. Car il existe au sein de l’Eglise, pour celui qui désire sincèrement une solution, des ressources de médiation autrement efficaces pour arbitrer un litige. “Nous vous le recommandons, frères: avertissez ceux qui vivent dans le désordre, encouragez les craintifs, venez en aide aux faibles, soyez patients envers tous” (1Thes. 5:14 FC). On peut prévenir le laisser-aller au sein de la famille - en même temps qu’on écarte tout esprit de jugement. Et chaque fois, Dieu confie cet encadrement moral aux “’frères” dans la foi et non à des “pères” ecclésiastiques. C’est significatif, mais aussi autrement engageant et efficace. Elle doit assurer secours et assistance: “Les Hellénistes cherchaient à ôter la vie à Paul. Les frères, l’ayant su...le firent partir pour Tarse” (Act.29-30). Rien de tel quela famille pour apporter une protection dans la persécution. Qui, sinon un frère, s’y oserait au risque de sa propre vie! Combien de chrétiens menacés n’ont-ils pas pu échapper au danger ou trouver refuge grâce “la fraternité”?

“Nous devons être prêts à donner notre vie pour nos frères. Si quelqu’un, ayant largement de quoi vivre, voit son frère dans le besoin mais lui ferme son coeur, comment peut-il prétendre qu’il aime Dieu? Mes enfants, n’aimons pas seulement en paroles” (1 Jean 3:16,17 FC). Des enfants de Dieu, membres engagés de la famille chrétienne, meurent rarement de faim ou de froid. Elle doit remplacer la famille naturelle quand on aurait quitté celle-ci à cause du Christ: “Jésus répondit:...Il n’est personne qui, ayant quitté, à cause de moi et à cause de la bonne nouvelle, sa maison, ou ses frères, ou ses soeurs, ou sa mère, ou son père, ou ses enfants...ne reçoive au centuple, présentement dans ce siècle-ci, des maisons, des frères, des soeurs, des mères, des enfants...avec des persécutions, et, dans le siècle à venir, la vie éternelle” (Mc.10:29,30). Jésus et l’Evangile peuvent parfois entraîner une rupture avec les anciennes attaches familiales ce qui peut aussi mener à des persécutions. Il promet de nouvelles attaches avec la famille spirituelle bien plus nombreuse de l’Eglise. En son sein il trouvera l’amitié de frères, la camaraderie de soeurs, la sollicitude de mères, le soutien de pères, l’affection d’enfants et un foyer protecteur contre l’hostilité du monde. Quels types de membres distingue-t-on au sein de la famille de l’Eglise? Le degré de maturité est la différence la plus évidente entre les membres d’une même famille. Il en est de même dans l’Eglise. En effet, une autre fonction importante de celle-ci est d’amener tous ses membres à grandir dans la foi. En son sein chacun doit trouver abri, nourriture, attention, soins de santé, exemples, éducation, direction, apprentissages, etc. Elle doit contribuer à la croissance de ses membres, à quelque niveau de développement spirituel qu’ils se trouvent. Les apôtres adressaient des messages ciblés à l’intention de croyants se trouvant à des stades d’avancement divers. Nous en trouvons un exemple frappant dans la première épître de Jean où paraissent, en un court passage, cinq termes désignant des degrés de maturité différents. L’apôtre accompagne chaque terme d’un court message approprié. “Petit enfant” (teknion): “Je vous écris, petits enfants, parce que vos péchés vous sont pardonnés à cause de son nom” (2:12). Certes, ce pardon est la part de tout vrai chrétien. Mais Jean veux le souligner pour ces nouveau-nés parce que c’est là le fondement-même de leur vie chrétienne. Si jeunes soient-ils dans la foi, il peuvent être certains du pardon de Dieu car celui-ci leur est accordé à cause du nom de Jésus et non à cause de leurs propres mérites ou d’un degré quelconque de maturité spirituelle. L’apôtre sait que tout progrès sera basé sur de telles certitudes. “Jeune enfant” (paidion): “Je vous ai écrit, jeunes enfants parce que vous connaissez le Père” (2:14). Savoir que Dieu est son Père est une chose. Connaître Dieu comme son Père en est une autre. Vivre une communion filiale avec lui, jouir de son affection et de sa protection constitue un progrès dans l’expérience chrétienne. “Enfant” (teknon): “Voyez quel grand amour nous a donné le Père, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu” (3:1). Réaliser à quel point Dieu nous a aimé pour nous adopter; comprendre l’honneur qui nous est fait d’être appelés ses enfants, d’être reconnus comme tels au sein de l’Eglise et dans notre entourage; prendre conscience de notre nouvelle identité en Christ c’est franchir une étape importante vers la maturité. “Jeune homme” (neaniskos): “Je vous ai écrit, jeunes gens, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le Mauvais” (2:14 Jérus). Il s’agit de jeunes adultes au sens figuré. Trois qualités les caractérisent: D’abord, ils sont robustes et vigoureux pour avoir respecté les conditions d’une bonne santé spirituelle. Ils ont aussi su assimiler le bon pain de la parole de Dieu - c’était là une des raisons de leur force. Mais cette même parole est devenue une épée entre leurs mains - ce qui leur a finalement permis de remporter des victoires sur Satan. “Père” (pater): “Je vous ai écrit, pères, parce que vous avez connu celui qui est dès le commencement” (2:14). Ces hommes spirituellement mûrs et productifs sont devenus inébranlables parce que leur foi était ancrée dans le Christ qui était pour eux bien plus qu’un simple homme, mais l’éternel “Je suis” (Jean 8:58)..

Il est important de noter qu’il ne s’agit aucunement ici d’un ordre hiérarchique, de rangs, d’échelons ou de grades, d’éléments qui constitueraient le cadre d’une institution ecclésiastique. Les membres du clergé catholique se font appeler “Père” pour établir une distinction d’essence entre eux et les laïques. Il s’agit d’un titre honorifique comportant une autorité et réclamant la soumission. Cet abus existait déjà parmi les pharisiens et fut dénoncé par Jésus dans son introduction de la liste des huit “malheurs” qu’il prononça contre eux (Mat.23:1-36). Il dit des pharisiens, s’adressant si bien à la foule qu’à ses disciples (v.1): “Ils aiment recevoir des salutations respectueuses sur les places publiques...Mais vous, vous êtes tous frères...N’appelez personne sur la terre votre “Père”, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est au ciel” (Mat.23:7-9 FC). Recevoir des salutation n’était rien. Que celles-ci soient respectueuses ajoutait à leur poids. Aimer les recevoir était un défaut. Tirer satisfaction de ce qu’elles s’entendaient sur la place publique était un péché. Le remède à tout cela? Les deux vérités théologiques qui fondent l’Eglise en tant que famille: (1) “Vous n’avez qu’un seul Père” et (2) “Vous êtes tous frères”. Conclusion pratique? L’interdiction formelle: “N’appelez personne sur la terre votre “Père”. Le faire n’est pas une coutume innocente. Elle prive Dieu de ce qui lui revient à lui seul et elle détruit fraternité dans l’Eglise. Mais on a fait objection à cette interdiction: Jean, dit-on, appelle les jeunes chrétiens: “Mes petits enfants” (1Jean 2:1). Paul appelle Timothée “mon vrai fils dans la foi” (1Tim.1:2 FC). Il se dit l’unique père des Corinthiens (1Cor.4:15) et recommande à Timothée: “Exhorte le vieillard comme s’il était ton père” (1Tim.5:1 FC). Mais dans aucun de ces textes il n’est question d’un titre honorifique. C’est un père qui appelle plus jeune que lui dans la foi, son fils - jamais le contraire. Il s’agit chaque fois d’une métaphore, de quelqu’un qui est “comme un fils” ou “comme un père”. Jamais il n’est question d’une classe de personnes qui seraient tous des “Pères” pour une autre classe qui seraient tous des “fils” ou des filles. Il s’agit uniquement de cas particuliers décrivant une relation personnelle. Rien dans la pratique des apôtres ne nuancerait cet ordre du Seigneur à son Eglise. L’institution ecclésiastique qui exige la désobéissance à ce commandement et le chrétien qui pratique cette désobéissance en subissent les conséquences. Quels comportements doivent prévaloir dans l’Eglise, famille de Dieu? Le Père céleste décrit le style de vie qui caractérise ceux qui sont réellement ses enfants, la façon de se conduire qui fera honneur à la famille. Voici certains des comportements chez les membres de l’Eglise qui contribueront à sa bonne réputation. - “Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés “fils de Dieu” (Mat.5:9 Jérus). - “Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux” (Mat.5:44,45). - “Sortez du milieu d’eux, et séparez-vous dit le Seigneur; ne touchez pas ce qui est impur. Et je serai pour vous un Père, et vous serez pour moi des fils et des filles (2Cor.6:17,18). - “Que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu...au milieu d’une géné- ration corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux” (Phil.2:15). - “Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas aux convoitises de jadis, du temps de votre ignorance” (1Pi.1:14 Jérus). - “Petits enfants, demeurez en lui...Reconnaissez que quiconque pratique la justice est né de lui” (1Jean 3:28-29). Les enfants de Dieu seront toujours mieux élevés quand l’Eglise fonctionne comme une famille et moins bien quand elle fonctionne comme un entreprise.

CHAPITRE 7 L’EGLISE EST UN CHAMP CULTIVE En quoi l’Eglise est-elle un champ cultivé? Paul englobe l’Eglise à Corinthe et l’Eglise universelle en une seule adresse (1Cor.1:2) et déclare à leur sujet: “Vous êtes le champ de Dieu” (3:9). Le terme est georgion ce qui signifie “un champ cultivé” (Dictionnaire Grec-français; C. Alexandre, 20e ed.) en contraste avec agros, “un terrain”. Ce dernier terme est employé par Jésus pour désigner autre chose. Il déclare, dans son explication de la parabole de l’ivraie: “le champ (agros) est le monde” (Mat.13:38). La distinction entre ces deux termes et les réalités qu’ils recouvrent est d’importance. Nous nous occupons pour le moment uniquement du champ cultivé de l’Eglise (georgion). La culture que constitue celle-ci est, de façon particulière, “le champ de Dieu”, sa propriété particulière. La destinée première de l’Eglise est donc de servir les intérêts de Dieu et non ses propres besoins. Certes, il veut que son champ soit bien entretenu. C’est d’ailleurs à cette fin qu’il engage des collaborateurs pour y travailler (3:9). L’Eglise est un champ qui appartient à Dieu et dont il désire retirer une récolte. C’est lui-même qui se charge de faire croître celle-ci (3:6,7). Ceux qui constituent la culture de ce champ sont ceux qui ont “été amenés à croire” (3:5 BFC). L’Eglise est donc composée de ces personnes qui, avant l’implantation de celle-ci, n’étaient pas croyants en Christ, mais qui le sont devenus suite à un travail d’évangélisation. L’Eglise universelle serait donc ce vaste champ de blé composé de “tous ceux qui invoquent en tout lieu le nom de notre Seigneur Jésus-Christ” (1:2 TOB). Les Eglises locales, comme celle de Corinthe, seraient les céréales du champ rassemblées en gerbes. La fête juive de la Pentecôte était la fête de la moisson quand on rassemblait les gerbes pour les offrir à Dieu (Lév.23:15). La Pentecôte chrétienne marqua la venue de l’Esprit Saint et la première moisson qui s’en suivit. A partir de ce moment, ceux qui crurent à la prédication de l’Evangile furent, de ce fait, rassemblés dans l’Eglise du Christ. Quelle est le statut des ouvriers dans le champ de l’Eglise? L’apport pour l’ecclésiologie de cette image est d’une importance primordiale. Elle permet de remédier à une représentation fausse, mais très répandue, du serviteur de Dieu et de sa place dans l’Eglise. Déjà au premier siècle on voulait accorder aux ouvriers dans le champ du Seigneur, un statut d’une éminence démesurée, que le Propriétaire ne leur avait pas réservé. En effet, ce passage-clé sur cette figure de l’Eglise (1Cor.3:4-9), commence par la description d’un triste état de choses à Corinthe que Paul dénonce en ces termes: “Quand l’un de vous déclare: “Moi, j’appartiens à Paul”, l’autre: “Moi à Apollos” n’agissez-vous pas de manière toute humaine?” (3:4 TOB). On se réclamait dans cette Eglise, de l’un ou l’autre conducteur; on s’attachait à sa personne et ainsi on se jalousait et se disputait. Ces chrétiens, que l’apôtre traite de charnels (3:3), se donnaient volontiers des porte-drapeau qui devenaient, malgré eux, des chef de clans. Paul s’en prend d’abord à la clique des “Pauliniens” pour bien montrer qu’il les désavoue. Il prend des mesures actives pour les détacher de sa personne. Il traite d’attitude purement “humaine” celle de se créer des héros, des vedettes, de surestimer l’un et de sous-estimer l’autre. Prendre leurs noms c’était le culte de la personnalité, agir comme dans le monde et introduire un esprit de parti. Certains persistent, aujourd’hui encore, à se réclamer de Pierre (1:12) malgré cette interdiction formelle. Pour tout remettre dans une juste perspective, Paul entreprend de décrire la place que doivent occuper ceux qui sont à l’oeuvre dans l’Eglise. Les ouvriers ne sont que des serviteurs: “Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs...des ouvriers” (3:5,9). Le Journal “Le Soir” du 14/01/2000 signalait la visite à Bruxelles de “Son Excellence Révérendissime Monseigneur Giovanni Moretti, Nonce Apostolique”. L’apôtre se voit lui-même et Apollos comme des travailleurs au service (diakonos) d’un patron. Il serait ridicule, dit-il aux Corinthiens, de faire de nous des monseigneurs et de prendre vis-à-vis de nous une attitude servile. Nous sommes là pour servirnon pour asservir. Et des ouvriers agricoles dans une même culture ne valent certainement pas la peine qu’on se dispute à leur sujet! Il ne suffit pas de se dire ministre pour être vraiment serviteur.

Les ouvriers ne sont que des moyens par lesquels Dieu agit: “Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul? Des serviteurs par le moyen desquels vous avez cru” (3:5). On donne facilement de l’importance à ceux qui nous ont fait connaître l’Evangile. Mais ce ne sont que des instruments, non la cause, et encore moins les objets de notre foi. Il n’y a aucune commune mesure entre le rôle des hommes et le rôle de Dieu dans l’éclosion et le développement de la vie nouvelle. S’attacher à des hommes est dangereux pour les chrétiens, qui risquent à longue échéance d’être déçus. C’est dangereux aussi pour l’Eglise qui risque de se retrouver divisée. Attribuer un mouvement de l’Esprit Saint dans l’Eglise à un homme a souvent conduit à la création d’une nouvelle institution. Les ouvriers servent grâce aux dons que Dieu leur accorde: “Chacun d’eux a agi selon les dons que le Seigneur lui a accordé. Mois, j’ai planté, Apollos a arrosé” (3:5 TOB). Paul avait le premier semé l’évangile à Corinthe exerçant ainsi son don d’apôtre, d’implanteur d’Eglises, don reçu de l’Esprit Saint (Act.18:1-18). Apollos, enseignant doué par le même Esprit, l’avait suivi pour arroser la semence de la parole avec l’eau de la parole (Act.18:24-19:1). Chacun, grâce à Dieu, avait son utilité. Comment donc dire de Paul qu’il était plus important q’Apollos, ou vice-versa? Il ne fallait pas les opposer l’un à l’autre puisqu’ils étaient complémentaires. Et comment un serviteur doué se glorifierait-il de ses propres capacités comme s’il ne les avait pas reçues (4:7)? Les ouvriers ne sont rien en eux-mêmes: “Qu’est-ce donc qu’Apollos? Qu’est-ce que Paul?...Ainsi celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien” (3:5,7 TOB). Quelle réalisme chez l’apôtre qui reconnaît son incapacité intrinsèque à produire quelque chose de bon. Comment attribuer une dignité ou une éminence à des auxiliaires comme lui et Apollos? Rien ne dépendait d’eux; tout dépendait de Dieu. Les Corinthiens se disputaient pour des riens. Quel coup de massue au cléricalisme! Jésus disait de l’homme qui jette la semence en terre (Mc.4:26): “Qu’il dorme ou qu’il veille, la semence germe et croît” (v.27). Comment dire plus clairement que l’ouvrier est accessoire. Paul se considérait-il, en vertu de sa vocation apostolique, l’intermédiaire indispensable entre les Corinthiens et Dieu? L’institution favorise le cléricalisme. Comment un apôtre, implanteur d’églises, qui va d’un terrain sans église à un autre, pourrait-il accumuler de la gloire, de l’avoir ou du pouvoir? Les structures hiérarchiques qui s’échafaudent au-dessus du niveau de l’Eglise locale, sont le terrain idéal pour les luttes de pouvoir, le carriérisme clérical et l’accumulation de richesses. Certes, un ancien parmi les autres anciens dans une Eglise locale n’est pas à l’abri d’une tentation au pouvoir ou de la recherche d’un enrichissement. Mais les effets pervers de ces facteurs de corruption ne sont rien sur le plan local, en comparaison avec ce qu’ils ont été dans les hautes sphères de l’institution à travers les siècles. C’est à dessein que Jésus nous a laissé son Nouveau Testament sans la moindre trace d’une institution. Les ouvriers sont unis et égaux entre eux dans une même cause: “Celui qui plante et celui qui arrose, c’est tout un” (3:8 TOB). D’autres versions traduisent: “..sont égaux”. Il ne doit pas y avoir de rivalité entre le semeur et l’arroseur dans un même champ. Ils sont au travail dans une même entreprise, ils ont le même patron, ils visent un même but et leurs rôles, s’ils sont différents, sont d’une égale valeur. Ils se servent aussi de la même parole qui est semence pour l’évangéliste (Mat.13:18) et eau pour l’enseignant arroseur (Esa.55:10,11). Ce sont des collègues, également dépendants de Dieu pour les résultats. Il ne faut pas les opposer entre eux et ainsi séparer dans son Eglise ce que Dieu y a uni dans son oeuvre. Les ouvriers seront récompensés dans la mesure où ils auront eux-mêmes travaillé: “Dieu accordera à chacun sa récompense selon son propre travail” (3:8 FC). La différence entre les divers dons et talents des ouvriers ne détermine pas la mesure de leur récompense. Celle-ci dépend de la fidélité dont ils font preuve dans l’exercice de leurs dons respectifs (Mat.25:15, 20-23). Le style de Paul peut davantage plaire que celui d’Apollos, mais ce n’est pas son style qui lui assure une récompense. Non pas non plus les titres et les rangs, mais uniquement l’engagement personnel. Pas même le succès, seulement le dévouement. Les récompenses viennent en plus du salut et sont accordées après le retour du Maître. “On donnera à celui qui a” (Mat.25:29). Elles ne sont pas, à proprement parler, méritées, mais sont accordées comme “grâce sur grâce” (Jean 1:16). On n’est pas récompensé “à cause de” son travail, mais “selon” son travail (3:8). Il y aura des surprises. Les Corinthiens ne devaient pas juger d’après les apparences. Certains auront beaucoup travaillé dans l’ombre, bien plus que d’autres, qui eux ont été sous les feux de la rampe. Les ouvriers sont, malgré tout, collaborateurs de Dieu: “Nous sommes des coopérateurs (sunergos) de Dieu” (3:9 Jérus). Après avoir corrigé certaines mauvaises attitudes vis-à-vis des serviteurs dans l’Eglise, l’apôtre se garde bien de les dévaloriser. S’il ne faut pas les encenser, il ne faut pas non plus les

mépriser. Après tout, quel honneur Dieu ne nous fait-il pas en nous permettant d’être engagé avec lui dans son champ! Et si on y travaille, non pas pour ses propres intérêts mais pour ceux du Seigneur, on a droit à toute la considération de ses frères et soeurs. Qu’est-ce qui assure la croissance de l’Eglise? “C’est Dieu qui faisait croître...Dieu seul compte, lui qui fait croître” (3:6,7 TOB). Les dernières années ont vu paraître bon nombre de livres sur la croissance de l’Eglise. Certains de ces ouvrages privilégient une approche technique. S’il est important pour les ouvriers de bien faire leur travail, l’Ecriture, comme l’histoire de l’Eglise nous enseignent que ce ne sont pas leurs efforts qui expliquent la croissance de l’Eglise pendant 2000 ans. Et encore moins la place qu’elle occupe actuellement de première religion de la planète en nombre d’adeptes. Les faiblesses et les manquements des ouvriers ont été, depuis toujours, trop évidents. Jésus lui-même explique cet étonnant phénomène de croissance dans sa parabole de Marc 4:26-29 et complète ainsi cette image de l’Eglise comme champ de blé: L’activité humaine de la semailles précède la croissance: “Un homme jette de la semence en terre” (4:26). Le mode subjonctif (dans le texte grec) montre qu’il s’agit d’une supposition: Un homme, n’importe lequel. Le semeur ne représente pas ici Jésus lui-même, comme c’est le cas dans d’autres paraboles. On ne peut dire du Seigneur qu’il “dort” pendant la croissance (4:27a) et encore moins qu’il “ne sais pas comment la semence germe et croît” (4:27b). La figure rejoint celle de 1 Cor.3:4-9 ou Paul dit; “J’ai planté”. L’Ecriture met les choses dans leur juste perspective. Que l’ouvrier ne se dérobe pas à sa responsabilité de semer, d’évangéliser. Par contre, s’il a un rôle à jouer, qu’il ne considère jamais son activité comme la cause ou l’explication de la croissance de l’Eglise. Conclusion pratique pour nous: fidélité et modestie! Germination et croissance ont lieu, même quand l’ouvrier est inactif: “Qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et croît” (4:27a). Que l’ouvrier ne fasse rien, ou qu’il vaque à d’autres occupations, Dieu est à l’oeuvre sans interruption dans l’éclosion et le développement de son Eglise. La part de l’homme a ses limites. Nous n’avons pas le contrôle de la situation. Dieu agit indépendamment de nous et nous pouvons laisser les résultats entre ses mains. Conclusion pratique: si nous avons été fidèles, ne pas nous soucier, nous stresser. Faire preuve de confiance, d’un certain détachement. Germination et croissance sont inexplicables pour l’ouvrier: “La semence germe et croît sans qu’il sache comment” (4:27b). Le mot “comment” est accentué dans l’original. Biologie végétale, botanique, agronomie modernes n’ont pas encore pleinement percé le mystère de la vie des plantes. On ne maîtrise jamais tous les facteurs de croissance. L’homme peut cultiver, il ne peut jamais produire le fruit. Nous pouvons diminuer certains obstacles à la croissance de l’Eglise, discerner ce qui peut favoriser son développement naturel, même libérer son potentiel de vie. Mais personne ne peut dire qu’il a découvert le secret de sa croissance. Conclusion pratique: ne pas en chercher le secret dans des solutions purement techniques. Il n’y a pas de “truc”. La croissance, la production ont lieu spontanément: “La terre produit d’elle-même...” (4:28). Le mot dans l’original est automate, d’où notre mot français “automatique”. Dieu a accordé à l’Eglise les moyens de grandir sans aide extérieure, sans cause apparente, sans agent humain. Dieu lui-même est sous-entendu. Il a placé dans la semence vivante de l’Evangile un élan de vie, une capacité inhérente de reproduction. K.S. Latourette, dans son ouvrage monumental en sept volumes: “L’histoire de l’Expansion du Christianisme”, cherche pour chaque époque à analyser les raisons de cette croissance. Il tire à maintes reprises la même conclusion, après avoir considéré les différents facteurs de croissance favorables ou non: politiques, économiques, philosophiques, climatiques, démographiques, sociaux, etc. La croissance de l’Eglise à travers les siècles s’explique uniquement par une vitalité intérieure, une pulsion d’énergie spirituelle, indépendante de facteurs humains. Les obstacles en tous genres, les adversaires de tout poil, les péchés des bergers, la sclérose des institutions, les inepties des apôtres n’ont jamais empêché l’Eglise vivante de jaillir là où on l’attendait le moins. Conclusion: On peut faire confiance au Seigneur, sans trouver ni excuse dans les conditions difficiles, ni prétexte dans l’erreur humaine. Le développement s’opère graduellement, par étapes successives: “La terre produit d’elle-même, d’abord l’herbe, puis l’épi, puis le grain tout formé dans l’épi” (4:28). Il est de la nature de la croissance spirituelle d’être progressive. Il peut y avoir des percées, des tournants décisifs dans la vie d’un croyant. Mais l’essence de son développement se retrouve, non dans la crise mais dans l’avancée graduelle. La germination a lieu une fois

pour toute - mais elle n’est pas la finalité de la vie, mais son début. Le blé ne grandit pas tout d’un coup, mais peu à peu. On voudrait trouver la potion magique, la pilule spirituelle pour forcer la croissance, réduire le temps que ça prend. Christianisme instantané! Mais il faut s’armer de patience. La vie a ses stades, ses phases: “l’herbe...l’épi...le grain tout formé”. Le facteur temps est compris dans les lois de la maturation. Quelqu’un a dit: “Le temps n’épargne pas ce qui se fait sans lui”. Le serviteur doit donner aux jeunes pousses le temps de mûrir. La culture aboutit à une moisson: “Et dès que le blé est mûr, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson” (4:29). C’est ce que Paul avait fait à Corinthe.Il avait rassemblé les épis pour former une gerbe. Il avait constitué les jeunes croyants en une nouvelle Eglise locale. L’ordre missionnaire de Jésus ne demandait pas seulement qu’on amène des individus à la foi en lui. Les apôtres devaient aussi rassembler ces nouveaux croyants et les constituer en Eglises. Jésus avait vu venir vers lui, tel un champ de blé, une foule de Samaritains qui croyaient en lui (Jean 4:29,30,39-42). Il s’adresse alors à ces apôtres: “Voici, je vous le dis, levez les yeux, et regardez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson. Celui qui moissonne amasse des fruits pour la vie éternelle...Je vous ai envoyer moissonner...” (4:35-38). Il fallait rassembler les épis pour former des gerbes. Plus tard, Jésus voit une autre foule, languissante et abattue, et il est ému de compassion. “Il dit à ses disciples: la moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson” (Mat.9: 36-38). Les douze apôtres ne suffiraient pas, tant la récolte, le rassemblement de l’Eglise, serait grande. Ils ne devaient pas, eux, envoyer les ouvriers; ils risquaient de mal les choisir. Ce n’était d’ailleurs pas leur moisson, mais celle du Seigneur. Ils devaient plutôt demander à Dieu de les envoyer, car c’était uniquement de lui que ceux-ci devaient tenir leur appel. Et Dieu n’a jamais trahi le confiance de ceux qui l’ont prié pour de nouveaux missionnaires implanteurs d’Eglises. Depuis 2000 ans et dans tous les pays du monde, des épis sont assemblés en gerbes. CHAPITRE 8 L’EGLISE EST UNE EPOUSE En quoi l’Eglise est-elle une épouse? Paul écrit “A l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe, et à tous les saints qui sont dans toute l’Achaïe” (2Cor.1:1): “Je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure” (11:2). L’apôtre décrit l’Eglise comme la promise de Jésus-Christ, en vue du jour où elle deviendrait sa “femme”, aux noces de l’Agneau (Apoc.19:7-9). Il tient à ce qu’entretemps, elle lui demeure fidèle. Jean Baptiste dit de Jésus-Christ: “J’ai été envoyé devant le Christ. Celui à qui appartient la mariée (numphe - “fiancée”), c’est le marié; mais l’ami (Jean) du marié se tient près de lui et l’écoute, et il est tout joyeux d’entendre la voix du marié. Cette joie est la mienne” (Jean 3:29 FC). Le Baptiste, étant prophète, prédisait la relation qui serait créée entre le Christ et l’Eglise qu’il susciterait, relation que Jean ne partagerait pas lui-même, mais à laquelle il contribuerait par son ministère. Il s’agissait pour lui d’un grand sujet de réjouissance! Paul déclare: “L’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l’Eglise” (Eph.5:31,32). L’apôtre présente le processus conduisant au

mariage, comme illustration de la façon dont le Christ se rachèterait et s’unirait son Eglise. Et le processus suivi par le Seigneur et son épouse devient par là même le modèle pour les fiançailles, les noces et la vie conjugale des chrétiens. Les versets précédants (24-29) sont riches en enseignements sur les étapes successives de cette relation d’amour entre le Christ et son Eglise. Pour bien comprendre cette image, il faut connaître quelques détails sur le mariage en Orient aux temps de la Bible. Les fiançailles engageaient les époux bien plus qu’elles ne le font de nos jours. Le paiement d’une dot aux parents de la fiancée conférait une valeur légale au contrat. L’acceptation devant témoins des termes du mariage lors des fiançailles liait irrévocablement les deux parties. L’infidélité constituait un adultère (Deut. 22: 23-24; Mat.1:19). Le mariage proprement dit avait lieu après une période plus ou moins longue pendant laquelle les fiancés vivaient séparés. Des jeunes filles assistaient la mariée (Mat.25:1-13). Un ou plusieurs amis assistaient le marié (Jean 3:29). Celui-ci venait chercher son épouse et ils entraient ensemble dans la salle de noce (Mat.25:6,10). De nombreux convives se joignaient au festin et se réjouissaient avec les mariés (22:10). Les termes numphios et numphe, comme les mots français “époux” et “épouse” recouvrent plusieurs notions. Ils peuvent signifier “fiancés” (Jean 3:29), “époux sur le point de sa marier” (Apoc.18:23) ou “nouveaux mariés” (Luc 5:35; Apoc.21:9). L’épouse d’un mari est désignée par le mot “femme” (gune). Cette figure dépeint l’Eglise traversant les phases successives d’une relation d’amour avec le Christ. On y voit son attachement grandissant à Jésus et sa destinée ultime en lui. L’image combine affectivité et eschatologie. Le caractère collectif de l’épouse interdit tout mysticisme malsain chez la chrétienne qui verrait en Christ son époux, mysticisme qui a été favorisé par le catholicisme pour valoriser le célibat des religieuses. Comment se développe la relation entre Christ l’époux et l’Eglise l’épouse? L’Eglise a été aimée du Christ: “Maris, que chacun aime sa femme , comme Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle” (Eph.5:25). Cet amour, présenté comme la cause du sacrifice du Christ, a nécessairement précédé celui-ci. D’ailleurs, le mot agape parle d’une volonté délibérée d’aimer qui dépend de celui qui aime. L’amour de Jésus pour l’Eglise est de son initiative et marque le début de la relation entre lui et elle. Cet amour ne dépend pas de ce que l’Eglise aurait toujours été aimable. Jésus écrit à l’Eglise à Philadelphie: “Je les ferai venir...et reconnaître que je t’ai aimée” (Apoc.3:9). A l’époque, comme de nos jours, certains contestent cet amour. L’apôtre Jean dit de lui-même et des “bien-aimés” auxquels il écrit: “Nous aimons le Fils parce qu’il nous a aimés le premier” (1 Jean 4:19). Le Christ aime l’Eglise non parce qu’elle l’aime, mais pour qu’elle l’aime. Il désire qu’elle réponde à son amour. L’Eglise devient fiancée du Christ par l’intervention d’amis de celui-ci: Jean Baptiste déclarait: “J’ai été envoyé devant le Christ. Celui à qui appartient l’épouse, c’est l’époux; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend, éprouve une grande joie à cause de la voix de l’époux: aussi cette joie, qui est la mienne, est parfaite” (Jean 3:28,29). Aux temps bibliques, un ami jouait un rôle important dans un mariage, que se soit en servant d’intermédiaire pour les fiançailles, ou en étant aux ordres du marié pour la préparation des noces. Jean Baptiste écoutait l’enseignement de Jésus en vue de bien préparer, par son ministère, les fiançailles et le mariage qui uniraient par la suite le Christ et son Eglise. Paul rappelle aux Corinthiens en ces termes son travail d’évangélisation qui avait conduit à la création de leur Eglise: “Je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure” (2Cor.11:2). Les apôtres, tout comme Jean-Baptiste, ont joué un rôle important pour mettre l’Eglise en relation avec Jésus-Christ. C’est à un grand prix que l’Eglise appartient à Jésus-Christ: “Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle” (Eph.5:25). Le lecteur du premier siècle, pour qui toutes fiançailles étaient scellées par la dot payée par le fiancé, serait amené tout naturellement à penser au prix payé par le Christ pour le rachat de son épouse, l’Eglise. C’est à cause de ce prix à payer, que le Baptiste pouvait s’écrier: “Celui à qui appartient l’épouse c’est l’époux” (Jean 3:29). La nouvelle alliance en son sang a été contractée. Les noces n’ont pas encore eu lieu, mais le sacrifice de sa propre vie pour l’Eglise par le Christ signifie que désormais, elle lui est acquise de plein droit. L’épouse doit constamment se souvenir qu’elle a été rachetée à un grand prix. L’appartenance de l’Eglise au Christ ne doit jamais être perdue de vue par ses conducteurs, qui ne cesseront d’être tentés par le cléricalisme. L’Eglise, épouse aimée et rachetée, se soumet librement à son époux:

“De même que l’Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leur mari” (Eph.5:24). L’enseignement général de l’Ecriture sur le mariage souligne qu’il doit être contracté volontairement (Gen.24:58; Rom.7:2,3; 1Cor.7:39). Toute contrainte rend nul le contrat. Le Seigneur n’a pas imposé son amour à l’Eglise. Chaque membre de celle-ci a dû le “recevoir”, l’accepter de son plein gré (Jean 1:11,12) et nul ne fait partie de son épouse contraint et forcé. Mais la soumission de principe de la fiancée va grandissante jusqu’à sa réalisation parfaite aux noces de l’Agneau. Le souci de l’Eglise doit être de se soumettre toujours plus complètement à la volonté du Christ révélée dans l’Ecriture. L’institution qui prétend détenir elle-même l’autorité ou qui se place au dessus de la parole du Christ n’est pas son épouse. Christ l’époux met à part son Eglise par un processus de purification: “Christ s’est livré lui-même pour l’Eglise afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau par la parole” (Eph.5:25,26). Le Seigneur veut que sa fiancée lui soit de plus en plus consacrée et qu’elle soit séparée de toute souillure. Il s’était servi de Paul à cette fin, quand celui-ci déclarait à l’Eglise à Corinthe: “Je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure” (2 Cor.11:2). C’est ainsi qu’aux noces de l’Agneau, “l’épouse” est composée de “saints” (Apoc. 19:7,8). En Orient, le mariage était précédé d’un bain. Et le moyen établi par le Christ pour la sanctification de son Eglise est “le bain d’eau par la parole prononcée” (rema - Eph.5:26). Jésus disait à ses disciples “Déjà vous êtes purs à cause de la parole que je vous ai annoncée” (Jean 15:3). L’église réunie en assemblée est le cadre privilégié où doit avoir lieu ce “bain d’eau par la parole”. La prédication explicative de l’Ecriture le jour du Seigneur et son application à la vie quotidienne lors d’échanges en cercles restreints serviront toujours plus à purifier l’épouse en vue de sa rencontre imminente avec son époux. L’église peut être tentée d’être infidèle à Jésus son époux: Paul écrit à l’Eglise à Corinthe: “J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ. Mais j’ai grand’ peur qu’à l’exemple d’Eve, que le serpent séduisit par sa fourberie, vos pensées ne se corrompent et ne s’écartent de l’attachement fidèle au Christ. Si le premier venu en effet vous prêche un autre Jésus que celui que nous avons prêché, vous vous y prêtez fort bien” (2Cor.11:2-4 Jérus.). L’apôtre veut avant toute chose l’affection de l’épouse pour l’époux, mais il sent cet attachement menacé. En quoi consistait donc ce danger? De “faux apôtres déguisés en ministres de Christ” (v.5, 13-15) s’étaient introduit dans l’Eglise à Corinthe après le départ de Paul. Il fut donc possible pour certains de prêcher dans l’Eglise et de porter le titre: “ministre de Christ” et en même temps de corrompre les pensées de l’épouse. Les affections de celle-ci se voyaient détachées de Jésus, l’unique époux, pour s’attacher à “un autre Jésus” qui n’en était pas un. Un rival, donc. Mais un rival séduisant, plus attrayant en surface que le vrai Christ crucifié, annoncé par Paul et les autres apôtres. Ce dernier était, lui, à la fois “scandale” et “folie”. L’Evangile n’est jamais une séduction; toujours une puissance. Il ne suffit donc pas de coller l’étiquette “Jésus” sur quelque chose pour qu’il s’agisse du Jésus réel. Ce danger fut d’autant plus grand qu’il venait de l’intérieur. Plus récemment, l’institution a souvent refusé de voir ce danger en face. Elle a abrité, reconnu et rémunéré des Troeltsch, des Bultmann qui ont proposés des “Jésus” plus “acceptables” et séduisants que le vrai. Mais ceci, au lieu d’attirer l’homme moderne a provoqué une grande désaffection. De tels “christs” ont servi à vider les temples et à déchristianiser l’Europe. Derrière ces “ministres de Christ” se cache le serpent qui a tenté Eve, Satan, ainsi que le monde dont il est le prince (y compris un monde de religiosité). Il propose par ruse à la fiancée une liaison spirituelle séduisante pour qu’elle ne soit plus pour le Christ ni vierge ni pure. Jacques donne aux siens un avertissement encore plus vigoureux que Paul: “Adultères que vous êtes! Ne savez-vous pas que l’amour du monde est inimitié contre Dieu? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu” (Jacques 4:4). Ces mêmes faux docteurs, en niant l’existence d’un Satan personnel, laissent l’institution sans défense contre les tromperies de cet adversaire, qui existe malgré tout. L’Eglise se prépare un vêtement resplendissant, pour le mariage: “Les noces de l’Agneau sont venues, son épouse s’est préparée, et il lui a été donné de se revêtir d’un fin lin, éclatant, pur; car le fin lin, ce sont les oeuvres justes des saints” (Apoc.19:7,8). L’époux a tout fait pour gagner l’épouse; il l’a aimée et a tout donné pour elle. De son côté, elle doit maintenant lui faire honneur en confectionnant la robe de mariée la plus belle possible. Ce sont ses “oeuvres justes” qui lui serviront de parure, sans que celles-ci n’aient cependant en elles-mêmes le moindre mérite. Car il est précisé qu’il “lui a été donné” (c’est une grâce) de se revêtir d’un fin lin, éclatant. Même le vêtement des oeuvres bonnes qui font la beauté de l’Eglise, est un cadeau de la part du Christ son époux. Il est aussi précisé que cette robe est “pure” (19:8). Jésus avait déclaré que l’Eglise de Sardes passait pour être vivante, mais était morte (Apoc.3:1). “Cependant”, dit-il, “tu as quelques personnes qui n’ont pas souillé leurs vêtements. Elles m’accompagneront vêtues de blanc, car elles sont dignes. Ainsi le vainqueur portera-t-il des vêtements blancs” (3:4,5).

Conséquence: “Je vis...la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s’est parée pour son époux” (Apoc.21:2). L’Eglise invite le monde à boire avec elle l’eau de la vie éternelle: “Moi Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous attester ces choses dans les Eglises... L’Esprit et l’épouse (“fiancée” - numphe) disent: Viens. Et que celui qui entend dise: Viens. Et que celui qui a soif vienne; que celui qui veut prenne de l’eau de la vie gratuitement” (Apoc.22:16-17). L’Esprit Saint et la fiancée du Christ lancent, dans ce dernier chapitre de la Bible, une ultime invitation au monde. L’Eglise est chargée jusqu’au bout de faire entendre l’appel de l’Evangile. Elle présente gratuitement la vie éternelle, à tous ceux qui en veulent. Et celui qui entend et accepte, se joint de ce fait-même à l’Eglise. Ensuite ce dernier unit sa voix à celle des autres dans cette invitation. L’Eglise appelle le Christ son époux, à venir la chercher: La parabole des dix vierges nous apprend qu’à un moment donné “l’époux tardait à venir” (Mat.25:5). Il est faux de prétendre que les évangiles et les apôtres enseignaient que le Christ devait impérativement revenir de leur vivant. Mais pour l’épouse authentique, le temps s’est souvent fait long malgré tout. La fiancée longtemps séparée de son fiancé désire ardemment le retrouver. C’est ainsi que l’époux lui adresse une toute dernière parole d’encouragement: “Celui qui atteste ces choses dit: Oui, je viens bientôt (Apoc.22:20). Et le vieil apôtre Jean sur son île répond au nom de l’Eglise entière: “Amen! Viens, Seigneur Jésus!” (v.20b) Une des marques de l’Eglise, la vraie, à toujours été à travers les siècles, d’appeler de ses désirs et de sa prière ce retour de son époux. Elle ne s’est pas laissé séduire par d’autres attentes et d’autres fiancés. On ne peut en dire autant de l’institution. L’Eglise, glorieuse et parfaite, est présentée à son époux au retour de celui-ci: “Au milieu de la nuit, on cria: Voici l’époux!” (Mat.25:6). “Le Seigneur lui-même.., à la voix d’un archange.., descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui seront restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur les nuées, à la rencontre du Seigneurdans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur” (1Thes.4:16,17). “Le Christ a voulu se présenter à lui-même l’Eglise, splendide, sans tache ni ride ni aucun défaut; il l’a voulue sainte et irréprochable. C’est ainsi que le mari doit aimer sa femme” (Eph.5:27,28 TOB). Pendant toute l’histoire de l’Eglise, celle-ci s’est montrée tout sauf splendide et irréprochable. Ses défauts ont surtout été ceux des institutions et des hiérarchies, plutôt que ceux de la bien-aimée à la base. Mais son époux l’a aimée malgré ces taches morales, ces rides de vieillissement et ces défauts en tous genres. Au moment où il viendra la chercher, les membres de cette Eglise déjà décédés, recevront un corps glorieux de résurrection, semblable à celui de Jésus. Et les membres vivants, transformés en un instant, iront à sa rencontre sans imperfection aucune. Par son oeuvre de Rédemption, le Christ aura rendu l’Eglise digne d’être toujours avec lui. L’Eglise est unie à son époux dans les réjouissances des noces de l’Agneau: “Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit des noces pour son fils” (Mat.22:2). “Le Seigneur, notre Dieu tout puissant, est entré dans son règne. Réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse, et donnons-lui gloire; car les noces de l’Agneau sont venues, son épouse s’est préparée...Heureux ceux qui sont appelés au festin des noces de l’Agneau!...Ces paroles sont les véritables paroles de Dieu” (Apoc.19:6,7,9). Ces noces ont lieu au moment où le royaume de Dieu futur est établi, où le Seigneur entre pleinement dans son règne. Elles sont particulièrement celles de l’Agneau parce que si bien le rachat de l’épouse que son union avec l’époux ont été rendus possibles par son sacrifice. Le jour du mariage symbolise, dans toutes les cultures, le moment de joie le plus intense de l’existence humaine. De là le pléonasme: “réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse...heureux ceux...”. Et aux hommes de peu de foi, pour qui tout cela est trop beau pour être vrai, il est déclaré: “Ce sont là paroles authentiques de Dieu” (v.9 Maredsous). Le Christ s’attache à l’Eglise, qui devient sa femme: “L’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l’Eglise” (Eph.5:31,32). Le mot “mystère” peut mieux être traduit par “secret”. Le mariage a toujours sa face secrète. La grande vérité qui est cachée dans le mariage est celle de l’union entre Christ et l’Eglise. C’est le Christ lui-même qui assure ce “attachement” et qui rend cette union indissoluble pour l’éternité. C’est ainsi qu’après la description des noces de l’Agneau (Apoc.19), un ange s’adresse à Jean avec cette invitation: “Viens, je te montrerai l’épouse (numphe), la femme (gune) de l’Agneau” (21:9). Sa fiancée est devenue sa femme. L’épouse se laisse-t-elle séduire? L’Apocalypse met en parallèle l’épouse fidèle et une prostituée:

“Un des sept anges...dit: Viens, je te montrerai l’épouse, la femme de l’Agneau”(21:9) “Un des sept anges...dit: Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée” (17:1). C’est un des sept anges qui prend la parole dans les deux cas. Le même apôtre Jean est appelé à prendre conscience de deux réalités différentes mais similaires. Il s’agit dans un cas, comme dans l’autre, d’une femme. Mais le contraste ne pourrait être plus radical entre l’épouse du Christ et une fiancée infidèle. Les descriptions de ces deux femmes sont juxtaposées dans le texte: L’épouse de l’Agneau est décrite dans les cinq versets qui traitent de leurs noces: 19:6-10. La section qui y précède immédiatement, 17:1 à 19:5, est consacrée à la prostituée et compte 47 versets. Un luxe de détails nous oblige à prendre cette réalité au sérieux et à y accorder une importance qui corresponde à la place qu’elle occupe dans le texte. Cette juxtaposition suggère à la fois des similarités de surface et des oppositions profondes entre ces deux femmes. Il s’agit manifestement de l’épouse fidèle d’une part et d’une femme dégradée, dénaturée d’autre part. Les difficultés surgissent quand il faut chercher dans l’histoire de l’humanité, la réalité qui correspond à cette dernière. La prostituée, comme l’épouse, revêt un caractère spirituel, religieux: “Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur.., parce que les rois de la terre se sont livrés avec elle à la débauche...Les nations ont été séduites par tes enchantements” (18:2-3,23). Selon Paul, “des esprits séducteurs et des doctrines de démons” (1 Tim.4:1) se manifestent par des prescriptions de ne pas se marier, de s’abstenir d’aliments et de considérer certaines choses créées par Dieu comme mauvaise en soi (3-4). Tout en prônant un ascétisme mêlé d’occultisme pour ses adeptes, cette prostituée se livre, en tant que collectivité, à la débauche avec les rois de la terre. La relation spirituelle entre l’Eglise et le Christ (Eph.5:22-32) trouve sa corruption dans les relations impudiques de la pseudo-Eglise avec les Etats, ses nombreux amants. L’adultère spirituel, à travers l’Ecriture, est l’image de l’idolâtrie, de l’infidélité religieuse envers le seul vrai Dieu. Les relations illicites et jouissives entre la religion et les Etats constituent un mélange du spirituel avec le temporel. La prostituée a, pendant un temps, abrité le peuple du Christ. Elle s’estime et est estimée chrétienne: “J’entendis du ciel une autre voix qui disait: Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés” (18:4). Le Christ lui-même constate que son peuple se retrouve à un moment donné, au sein-même de la prostituée. Il ajoute aussitôt que son Eglise n’y a pas sa place et doit en sortir au plus tôt. Elle ne peut y rester sans en subir la corruption morale. Comment l’Eglise peut-elle donc en sortir si elle ne s’y est jamais trouvée? Une partie du peuple de Dieu s’y trouve sans doute encore. Et en subit l’influence néfaste. La prostituée est donc un système auquel l’Eglise du Christ a été étroitement liée. Cette présence de l’Eglise en la prostituée se confirme plus loin dans le même chapitre. Un ange puissant s’adresse à cette dernière avec cette sentence: “La voix (singulier) de l’époux et de l’épouse ne sera plus entendue chez toi” (18:23). Précédemment, l’épouse y avait parlé d’une seule voix avec l’époux. L’Eglise y disait ce qu’avait dit le Christ, sans rien y ajouter de son propre cru. Mais on n’entendait plus chez elle ce qu’y avaient dit l’époux et l’épouse en choeur. Leurs voix y avaient été étouffées. Ou, peut-être, en avaient-ils été tous les deux bannis. La relation d’amour entre le Christ et l’Eglise, et celle de débauche entre la bête et la prostituée sont toutes les deux appelées un “mystère”, un “secret”: “L’homme et sa femme deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l’Eglise” (Eph.5:31,32). “Je vis une femme assise sur une bête écarlate (l’Antichrist)...Sur son front était écrit un nom, un mystère: Babylone la grande, la mère des prostituées...En la voyant, je fus saisi d’un grand étonnement” (17:3,5,6). Christ et Antichrist; l’Eglise et la prostituée; les relations entre le Christ et l’Eglise, comme celles entre l’Antichrist et la prostituée: des “mystères”. Le mot grec musterion signifie: “secret” (BFC, Semeur, etc.). Il ne s’agit pas de quelque chose de mystérieux ou de difficile à comprendre. La définition biblique de ce terme nous est donnée dans Rom.16:25-26. Il s’agit d’une vérité cachée avant la venue du Christ, mais révélée dans les écrits du Nouveau Testament et ainsi mise à la portée du monde entier. Mais le “secret”, s’il est maintenant compris des disciples de Jésus, est encore caché à une multitude de personnes qui n’y sont pas réceptives (Mat.13: 11-15; 1Cor.2:7-10). Tout comme l’identité réelle de l’Eglise n’est pas évidente pour la masse des gens, l’identité réelle de la pseudo-Eglise ne le sera pas non-plus. Jean lui-même est saisi d’un grand étonnement quand il la voit. Il ne faut donc pas s’étonner si le monde est aveugle pour la révélation biblique à ce sujet. Il acceptera une contrefaçon de l’Eglise. Et la fausse monnaie doit ressembler à s’y méprendre à la vraie, sans quoi elle ne trompe personne.

Mais il est répugnant, sur le plan des sentiments, de faire un rapprochement quelconque entre la prostituée et une entité qui s’identifierait, de près ou de loin, au Christianisme. Une interprétation, séduisante à première vue, consiste à dire que la prostituée c’est l’Islam : un système religieux, et politique économiquement puissant. Mais peut on dire que l’Islam est un christianisme corrompu, comme la prostituée est une épouse corrompue? Comment dire que l’Islam est idolâtre? Le peuple du Christ se serait-il jamais trouvé dans l’Islam pour pouvoir être appelé à en sortir? La voix de l’époux et de l’épouse se serait-elle jamais fait entendre en lui? L’Islam serait-il un mystère, caché avant la venue du Christ, mais révélé dans les écrits du Nouveau Testament? Il faut examiner dans le texte les contrastes entre l’épouse et la prostituée pour cerner de plus près l’identité de cette fausse Eglise. Quelles sont les marques de la pseudo-Eglise? Elle exerce un pouvoir politique: “Sur son front était écrit un nom: Babylone la grande, la mère des prostituées...C’est la grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre...Elle dit: Je suis assise en reine...la ville puissante” (17:5,18; 18:7,10). Son nom: “Babylone” renvoie à “Babel” où les hommes s’écrièrent: “Allons! bâtissons-nous une ville...et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre” (Gen.11:4). Dieu avait donné l’ordre à Noé et ses fils: “Répandez-vous sur la terre et multipliez sur elle” (Gen.9:7). Cette dispersion ne devait en rien nuire à leur attachement à Dieu et à l’unité en lui de leurs descendants. Mais ceux-ci ne sont pas satisfaits ni de cette unité ni de cette dispersion. Une volonté de puissance les pousse à rechercher un rassemblement dans une ville, une unité politique au mépris de l’unité en Dieu. De là cette impulsion chez l’homme, même chrétien, de rechercher une force toute humaine dans le regroupement, l’association, l’unification, la fusion, au mépris de l’unité essentielle, spirituelle, intérieure. L’institution réunit les éléments les plus disparates pour exercer un pouvoir, sans toujours savoir à quelle fin. Les hommes de Babel disent aussi: “faisons-nous un nom” (v.4). Il veulent se démarquer, s’identifier, s’enorgueillir. Babylone c’est aussi la “dénomination” avec toute la fierté de son histoire, de ses héros, de ses particularités. Babylone est donc une “ville” (grec: polis) c.à.d. un pouvoir politique, une cité et non uniquement une force religieuse. Son pouvoir temporel s’exerce sur “les rois”, les autorités politiques du monde. Les pouvoirs religieux et politiques se trouvent mélangés. Elle est “assise en reine”, “puissante” en tant que cité-Etat. C’est un système adultérin politico-religieux. Elle jouera sur ces deux tableaux selon les circonstances. Sa diplomatie la présentera tantôt comme une influence spirituelle, tantôt comme une entité politique, comme le lui dictera son avantage. La question d’un rôle politique pour l’Eglise se pose uniquement pour “l’Eglise-institution”, car seule une institution pourrait peser sur la politique. Si on s’en tient aux deux sens bibliques du mot ekklesia, on constate que ni l’Eglise universelle ni l’Eglise locale en tant que telles ne sont conçues pour exercer le moindre pouvoir politique. Ceux qui les composent sont unis en Christ, mais satisfaits d’être “répandus sur toute la terre”. La question d’un rôle politique pour elles ne se pose même pas. Par contraste: Après les noces de l’Agneau (19:6-10): “Je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse” (21:2). L’épouse est mariée, non plus fiancée, céleste, non de la terre; une ville sainte, non une ville prostituée; Jérusalem-la-neuve, non la Babylone de toujours. Elle exerce un pouvoir économique: “Les marchands de la terre se sont enrichis par la puissance de son luxe...Elle s’est glorifiée et plongée dans le luxe...tant de richesses...ceux qui ont des navires se sont enrichis de son opulence” (18:3,7,15,19). D’une part, elle-même est riche et opulente, et son luxe lui confère un pouvoir économique propre. D’autre part, elle se sert de son influence et de sa puissance financière pour aider les pouvoirs économiques vers une mondialisation qui leur permettra de s’enrichir à leur tour. Seule une institution serait à même d’assister les cartels économiques et les multinationales à son profit. Ni l’Eglise universelle ni l’Eglise locale ne pourrait devenir économiquement puissante ni exercer un pouvoir financier quelconque. La prostituée, par contre se glorifiera de son avoir par un étalage de richesses et de fastes dans ses lieux de culte et aux yeux des pèlerins qui afflueront à la cité-Etat. Par contraste, ce n’est pas l’Eglise, la fiancée, qui avait une dot quelconque à apporter au mariage, mais seul l’époux, l’Agneau dont se seront les noces, qui s’est sacrifié lui-même pour la racheter. En attendant ces noces, toutes les richesses présentes de la fiancée sont spirituelles, et les autres qu’il pourrait y avoir sont un héritage encore futur. Elle impressionne par des habits somptueux: “La femme portait de luxueux vêtements rouges écarlates et elle était chargée de bijoux d’or, de pierres précieuses et de perles...tout ce qui est raffinement et splendeur...Elle était vêtue de précieuses étoffes rouges” (17:4; 18:14,16 FC). Le cléricalisme institutionnel marque sa différence d’avec les “laïcs” par un habillement distinctif. Les institutions ecclésiastiques liturgiques considèrent comme nécessaires à leurs cultes les longues robes de cérémonie, chasubles brodées de fil d’or, les

couleurs royales, la pourpre cardinalice, les accessoires, mitres épiscopales et ornements de grand prix. Ce tape-à-l’oeil chez les religieux fut dénoncé par le Christ (Mat.23:5). Un tel étalage ne manque pas de faire impression sur certains esprits, mais relève d’avantage du monde avec sa convoitise des yeux et son orgueil de la vie, que de l’aspect sans prétention de Jésus et de ses disciples. Par contraste, “Il a été donné à l’épouse de se revêtir d’un fin lin, éclatant, pur; car le fin lin, ce sont les oeuvres justes des saints” (19:8). Elle est corrompue par l’avoir et le pouvoir: “Elle tenait dans sa main une coupe d’or, remplie d’abominations et des impuretés de sa prostitution...Ses péchés se sont accumulés jusqu’au ciel, et Dieu s’est souvenu de ses iniquités...Les rois de la terre se sont livrés avec elle à la débauche et au luxe” (17: 4; 18:5,9). Ses abominations et ses impuretés sont contenues dans une coupe d’or. Ce sont la richesse et le luxe qui permettent l’accumulation de ces turpitudes. Plus riche est l’institution, plus grandes sont les tentations pour ses officiels de se laisser corrompre par l’argent. Et les liaisons des rois de la terre avec l’institution ont toujours constitué une inconduite pour cette dernière. Les religions d’Etat ont plus facilement succombés à la corruption du pouvoir que les autres. Plus puissante est l’institution, plus sa hiérarchie tend à justifier, couvrir et soutenir ses cléricaux contre les victimes de leurs immoralités et de leur exploitation. Plus grande donc devient sa corruption. Par contraste, dit l’apôtre à l’Eglise: “Je vous ai fiancés à un seul époux pour vous présenter à Christ comme une vierge pure” (2Cor.11:2). Elle devient une religion mondiale: “Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations et des langues...Toutes les nations ont bu du vin de la fureur de sa débauche...Toutes les nations ont été séduites par tes enchantements... La grande prostituée qui corrompait la terre” (17:15; 18:3,23; 19:2). Elle est arrivée à enchanter les peuples par son prestige, à s’insinuer dans leurs affections par sa richesse culturelle (18:22), à les enivrer et les détacher de leur appartenance au seul vrai Dieu. Cette religion deviendra-t-elle mondiale en imposant aux peuples de la terre une même croyance? Ou Babylone s’étendra-t-elle sur toute la terre en accueillant toutes les croyances dans une même institution? Un jeu de mot dans le texte de Gen.11:9 suggère que le nom “Babel” (dérivé comme Babylone du verbe “balal”: “confondre”), signifie “confusion”. La religiosité, le fidéisme, la foi en la foi, remplaceront-ils donc la foi en le seul vrai Dieu? Le relativisme écartera tout appel à un absolu. Le phénoménisme niera toute possibilité d’affirmer une vérité comme certaine pour tous. Le “mystère de la foi” sera déclaré inconnaissable. Le postmodernisme taxera d’intolérance toute prétention qu’une notion religieuse quelconque, même la plus farfelue, puisse être déclarée fausse. L’unique facteur d’unité sera désormais l’institution et celle-ci accueillera en son sein toutes les doctrines, églises, confessions, traditions, institutions, sectes, religions, spiritualisés, cultes, etc. qui seront d’accord de rechercher leur unité en elle. Il ne s’agira plus simplement d’oecuménisme mais bien de syncrétisme. La considération principale ne sera pas la doctrine, mais le pouvoir. La seule hérésie consistera à ne pas vouloir s’y joindre. Jean de Savignac, ancien prêtre Jésuite, se plaisait à déclarer: “L’Eglise catholique n’a jamais été une église doctrinale”. Vatican II, dans son “décret sur l’activité missionnaire”, encourage explicitement la recherche des “semences de la Parole” et leur signification salvatrice dans les traditions religieuses des peuples non-chrétiens. Cette confirmation de la politique suivie dans le catholicisme par le passé explique pourquoi celui-ci a parfois été un mélange de Christianisme et de paganisme, notamment en Amérique Latine. L’oecuménisme, tel qu’il est conçu par le catholicisme consiste à intégrer à son institution tous les corps religieux qu’il pourra récupérer par le dialogue. Il est passé maître à inclure progressivement à son système des éléments qui ne sont pas seulement différents de lui, mais qui lui sont même opposés doctrinalement. L’insertion dans la perspective plus large de sa propre synthèse, du “retour à la Bible”, du “renouveau liturgique”, du “ministère des laïcs” du “mouvement charismatique”, etc. fini par éliminer la spécificité de ces mouvements, plutôt que d’apporter une réforme à l’intérieur du catholicisme. Mais heureusement, ce qui est vrai de l’institution n’est pas nécessairement vrai de tous les catholiques en particulier. Nombre d’entre eux ont une foi vivante en Christ, se nourrissent de l’Ecriture, vivent de manière chrétienne et partagent une vie communautaire avec d’autres croyants authentiques. Il faut “dialoguer” avec eux, mais sans considérer ce témoignage comme une activité oecuménique. Le Pape, Jean-Paul II, à l’occasion d’une visite en Septembre 2001 au Kazakhstan, pays majoritairement musulman, invite chrétiens et musulmans à prier ensemble le “Dieu unique”. Il veut convoquer une rencontre sur le mont Sinaï entre lui, le reste de la chrétienté, l’Islam et le Judaïsme. Lors du synode romain sur l’Europe, début 2000, le cardinal Daneels, primat de Belgique déclarait: “L’islam nous pose de bonnes questions et peut nous aider à nous resituer dans la vraie foi”. Le théologien catholique S. Bevan prône une “théologie contextuelle” dans laquelle, outre l’Ecriture et la tradition, le contexte religieux

devient aussi “source de théologie”. De même, une nouvelle herméneutique en milieux protestants ne reconnaît plus à l’auteur biblique le droit de dire ce qu’il avait l’intention de dire, avant qu’un sens quelconque ne soit donné à ses déclarations par le lecteur. Le sens unique du texte n’est plus déterminé par ce qu’a voulu dire son auteur, mais est remplacé par la multitude des sens vécus par les lecteurs. L’université Catholique de Louvain a commandé en 2001 une vaste enquête sur la foi de ses étudiants. Il en ressort que: “...à peine plus d’un étudiant sur dix clame qu’une religion est plus près de la vérité que les autres” (“Le Soir” de Bruxelles du 22/10/2001). La mondialisation devient économique, juridique, cybernétique, monétaire et politique. Pourquoi de deviendrait-elle pas religieuse? Par contraste, le Christ fit entendre sa voix du ciel pour dire: “Sortez du milieu de Babylone la grande, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n’ayez point de part à ses fléaux” (18:4). Elle persécute les témoins et serviteurs de Jésus: “Je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus...Et vous les saints, les apôtres et les prophètes, réjouissez-vous! Car Dieu vous a fait justice en la jugeant...Et l’on a trouvé chez elle le sang des prophètes...Il a vengé le sang de ses serviteurs en le redemandant de la main de la grande prostituée”(17:6; 18:20, 24; 19:2). Tout monopole finit par éliminer la concurrence. Toute autorité unique devient intolérante. Elle persécutera les apôtres, prédicateurs et autres serviteurs du Christ qui prétendront apporter “la vérité qui est en Jésus” (Eph.4:21), jusqu’à verser leur sang. Par contraste, l’épouse dit: ”Viens,..que celui qui veut prenne de l’eau de la vie” (22:17). Elle sera jugée, détruite: “Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée...Les dix cornes et la bête haïront la prostituée, la dépouilleront, la mettront à nu; elles mangeront ses chairs et la consumeront par le feu. Car Dieu a mis dans leur coeur d’exécuter son dessein...En un même jour, ses fléaux arriveront, la mort, le deuil et la famine...Malheur! malheur! La grande ville...en une seule heure elle a été détruite...Ainsi sera précipitée avec violence Babylone, la grand ville, et on ne la retrouvera plus (17:1,16,17; 18:8,19,21). Dieu se servira de la bête, de l’Antichrist, pour qu’il soit le destructeur de la prostituée. Par contraste, “Le mari est chef de sa femme, comme Christ est le chef de l’Eglise... dont il est le Sauveur” (Eph.5:23). L’image de l’épouse complète les figures de l’Eglise que nous propose l’Ecriture. Chacune de ces représentations éclaire la même réalité d’un côté différent. Aucune n’est suffisante en elle-même. Elles ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Mais comment unir et combiner toutes ces caractéristiques en une seule Eglise locale? L’essence de l’Eglise se retrouve pleinement dans l’Eglise universelle uniquement. Celle-ci ne pourrait se manifester dans son intégralité dans aucune Eglise locale. Il ne faut donc pas s’attendre à retrouver toutes ces valeurs en équilibre dans une même communauté. Si l’Eglise locale parfaite n’existe pas, l’Eglise locale complète n’existe pas non plus. Ce qu’il y a de légitime dans toutes ces images est ce qui a fait la richesse du christianisme. C’est aussi l’attrait qu’il a eu, et aura encore pour des hommes de toute tribu, langue, peuple et nation. TABLE DES MATIERES INTRODUCTION L’EGLISE EST: 1. UN EDIFICE 2. UN TROUPEAU 3. UNE PRETRISE 4. UN PEUPLE 5. UN CORPS 6. UNE FAMILLE 7. UN CHAMP CULTIVE 8. UNE EPOUSE