fiche pÉdagogique classique et jazz … · du classique au jazz symphonique, de...
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FICHE PÉDAGOGIQUE
CLASSIQUE ET JAZZ SYMPHONIQUE
W.A Mozart (1756-1791) Concerto n°24 pour piano et orchestre en do mineur K. 491
John Adams (1947-) Eros Piano
Thomas Enhco (1988-) Premier concerto pour piano et orchestre
Ce concert réalise la fusion harmonieuse entre tradition classique et liberté du jazz. Mozart n’a sans doute jamais été aussi désespéré que dans les sombres accents de son Concerto n°24 qui comporte un andante de toute beauté. Dans son Eros Piano, le compositeur minimaliste John Adams rend hommage au style pianistique de Bill Evans. Avant que Thomas Encho, issu d’une illustre famille de musiciens classiques, nous libre en création un Premier Concerto pour piano qui devrait allègrement swinguer.
Du classique au jazz symphonique, de l’interprétation à la composition
La particularité de ce concert est qu’il place Thomas Encho dans trois démarches artistiques
distinctes, l’interprétation d’une œuvre du répertoire, le Concerto n°24 pour piano et Orchestre de Mozart, dans celle d’une œuvre contemporaine Eros Piano mais aussi dans
l’interprétation d’une pièce orchestrale entièrement composée par ses soins. Si le Concerto n°24 de Mozart est une œuvre de l’époque classique, Eros Piano a été composée par John
Adams comme un hommage à Takemitsu et à Bill Evans, célèbre pianiste de jazz. Le Premier concerto pour piano et orchestre de Thomas Encho, est quant à lui profondément pensé et
construit dans les codes du jazz via la présence notamment de temps d’improvisation au sein
de l’écriture orchestrale.
Distribution Samuel Jean, direction
Thomas Enhco, piano
Orchestre Régional Avignon-Provence
En partenariat avec le Tremplin Jazz d’Avignon et la Société Marseillaise de Crédit
Répétition générale ?
La répétition générale est la dernière répétition avant le concert.
Généralement, pour un concert exécuté le vendredi soir, l’orchestre a six services de répétition
et une générale. Le lundi est un jour de repos.
L’Orchestre Régional Avignon-Provence répète dans une salle adaptée, en Courtine. La
répétition générale a lieu dans la salle de concert : l’Opéra du Grand-Avignon, le plus
régulièrement.
Au cours de cette générale, chaque œuvre doit être exécutée dans son intégralité. Puis, le chef
peut décider de faire des « raccords » et faire rejouer certains passages.
La générale est une ultime séance de travail qui doit se dérouler dans le silence et la
concentration.
Cette fiche pédagogique a pour objectif de présenter le programme : les compositeurs, les
œuvres, le contexte de création ainsi que le chef d’orchestre. Elle propose par ailleurs
différentes écoutes.
Pour vous accompagner dans cette future expérience de spectateur, un cahier pédagogique
« À la découverte du monde de l’orchestre » a aussi été élaboré par nos soins.
Très complet, chacun pourra y trouver son chemin.
Des informations sur les différents types d’orchestre, les instruments qui les composent, le
répertoire symphonique, les métiers qui l’entourent... autant d'entrées dans cet univers
fascinant ! http://www.orchestre-avignon.com/outils-pedagogiques/
Orchestre Régional Avignon-Provence Plus de deux cents ans d’histoire
Fondé à la fin du XVIIIème siècle, l’Orchestre Régional Avignon-Provence appartient à ces
orchestres qui, depuis longtemps, structurent la vie musicale française et y accomplissent les
missions de service public à savoir la création, la diffusion et l’accompagnement des publics
dans la découverte de programmes musicaux classiques et contemporains de qualité. En
outre, la création du département Nouveaux Publics en 2009 permet aujourd’hui à des milliers
de spectateurs d’assister aux concerts de l’Orchestre et de participer à des parcours
d’éducation et de sensibilisation artistiques.
Il est également le compagnon fidèle de l’Opéra Grand Avignon dont il accompagne toute la
saison lyrique et chorégraphique.
Grâce à sa politique artistique, l’Orchestre Régional Avignon-Provence offre une profonde
intelligence musicale et une rare souplesse dans l’approche des œuvres, quels que soient leur
époque et leur style.
Sollicité pour participer à de prestigieux festivals comme le Festival d’Avignon et le Festival
International de Piano de la Roque d’Anthéron, l’Orchestre Régional Avignon-Provence est
présent aussi bien en France qu’à l’international.
De grands chefs le dirigent et de prestigieux solistes viennent se produire à ses côtés, qu’ils
soient musiciens ou chanteurs.
Parallèlement, la mise en place d’une politique discographique dynamique atteste de la haute
qualité de cette formation orchestrale. Fidèle à son approche du jeune public, l’Orchestre a
réalisé un livre disque pour le centenaire de Peter Pan à partir d’une œuvre commandée au
compositeur Olivier Penard. En 2013, il a édité un enregistrement du Docteur Miracle, opéra-
comique de Bizet, salué unanimement par la critique (Choc Classica). En juin 2014, est
paru L’Amour Masqué de Messager, premier volet d’une collection Le Guitry musical chez
Actes Sud. Le deuxième volet, La SADMP a été édité fin 2016, ainsi que l’Homeriade de Dimítris
Dimitriádis avec Robin Renucci. En mai 2015, un disque avec le harpiste Emmanuel Ceysson
est paru chez Naïve. En 2017 sortira un disque avec Nathalie Manfrino chez Decca Universal.
Soutenu par l’État (Ministère de la Culture et de la Communication), le Conseil Régional
Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Conseil Général de Vaucluse, la Communauté
d’Agglomération du Grand Avignon et la Ville d’Avignon, l’Orchestre Régional Avignon
Provence apporte son concours à un territoire régional dont le patrimoine culturel et l’histoire
musicale, tant passés que présents, sont parmi les plus riches d’Europe.
Sous l’impulsion de Philippe Grison, son Directeur Général et de Samuel Jean, son Premier
Chef Invité, l’Orchestre Régional Avignon-Provence rayonne désormais sur son territoire, en
France et à l’international.
Orchestre Régional Avignon-Provence
Samuel Jean, direction
Samuel Jean, nommé Premier Chef Invité en
2012, contribue largement au rayonnement
de l’Orchestre Régional Avignon Provence. Il
a entre autre dirigé les enregistrements
de Peter Pan d’Olivier Penard, paru en
novembre 2012 (Le Sablier), du Docteur
Miracle de Bizet (Timpani), paru en mai 2013
(Choc Classica), de L’Amour Masqué de
Messager, paru en janvier 2014 chez Actes
Sud, du disque « Belle Epoque » avec le
harpiste Emmanuel Ceysson (Naïve, 2015) et
plus récemment la SADMP de Louis Beydts
et la création mondiale Homériade de Martin
Romberg avec le comédien Robin Renucci à
paraitre fin 2016.
Après une riche expérience de chef de chant,
chef de chœur et assistant dans des maisons
telles que l’Opéra National de Paris, le
Théâtre du Châtelet, le Festival d’Art Lyrique
d’Aix en Provence ou le Grand théâtre de
Genève, Samuel Jean décide de se consacrer
à la direction d’orchestre dès 2006.
Lauréat du concours de jeunes chefs de l’orchestre National d’Ile de France en 2006, il est dès
lors engagé par l’orchestre Philharmonique de Radio-France, l’orchestre National de
Montpellier, l’orchestre National d’Ile de France, l’orchestre National des Pays de la Loire,
l’orchestre de l’Opéra de Rouen, l’orchestre de Cannes PACA, l’orchestra La verdi di Milano,
l’orchestre Lamoureux, l’orchestre national de Lille pour n’en citer que quelques-uns…
Dans le domaine lyrique, Samuel Jean est un invité régulier du théâtre Royal de la Monnaie où
il dirige Cendrillon, Rigoletto et Béatrice et Bénédict. Il dirige également au Théâtre du
Châtelet (On the town), à l’Opéra-Comique (La Périchole, La Veuve Joyeuse), à l’Opéra National
de Bordeaux et à l’Opéra de Marseille (Orphée aux Enfers) mais aussi aux Opéras de Rouen,
Saint-Etienne, Toulon ou Dijon…
Samuel Jean est également invité à diriger prochainement l’Orchestre Philharmonique de
Liège, l’Orchestre National de Lille, l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, l’Orchestre de
Picardie, l’orchestre Pasdeloup à la Philharmonie de Paris, mais aussi Anna Bolena et
les Dialogues des Carmélites à l’Opéra du Grand-Avignon et Barbe-Bleue de Bartók au
théâtre Royal de la Monnaie.
Le rôle du chef d’orchestre
[…] Le but du chef d'orchestre est d'unifier le jeu des instrumentistes en tenant compte de sa
propre vision musicale, pour servir l'œuvre du compositeur devant le public. Pour cela, les
connaissances musicales nécessaires sont très vastes, et le rôle du chef est multiple.
La technique, parfois appelée gestique, répond à des conventions générales, mais doit être
appliquée particulièrement à chaque partition. La fonction primordiale du bras droit, tenant
la baguette, est d'assurer le tempo et ses variations éventuelles […] ou par volonté, de
souligner la mise en place rythmique des différents instruments, d'indiquer la nuance
dynamique par l'amplitude du geste et simultanément l'articulation musicale [rôle que peut
aussi jouer la main gauche] (staccato, legato, etc.). Le bras gauche rappelle les entrées des
instruments [quand les mains sont déjà occupées ça peut être le regard voire même une autre
partie du corps] et exprime le sentiment musical. La symétrie entre les deux bras reste donc
exceptionnelle chez les chefs bien formés. Cependant, ces critères sont généraux, et les
fonctions sont fréquemment interverties ou modifiées suivant les exigences de la musique. Le
fait que cette action ne puisse être décrite d'une manière à la fois globale et précise indique
en même temps l'impossibilité d'une pédagogie rationnelle et unifiée : les plus grands maîtres
ne sont pas issus d'écoles de direction. L'observation des répétitions d'autrui, l'étude des
partitions et une longue expérience personnelle [travail avec les orchestres amateurs
notamment] sont des facteurs déterminants.
Le chef d'orchestre doit ajouter à une gestique efficace de sérieuses connaissances
psychologiques. Arrêter un orchestre et dire la chose juste n'est rien sans le « bien-dire ». Le
chef doit, en effet, s'assurer une collaboration, compliquée du fait que l'on ne s'adresse pas
avec le même vocabulaire à un hautboïste, un corniste ou un timbalier. Cet art difficile rejoint
la question de l'autorité, dont Gounod dit qu'elle émane de celui qui s'attire non l'obéissance à
contrecœur, mais la soumission volontaire, l'adhésion du consentement intime. […]
Le public favorisé par une place située en arrière de l'orchestre aura eu la chance de
comprendre l'importance du regard ou de l'absence de regard d'un chef sur les musiciens. Le
rayonnement de sa présence, sensible au concert, trouve ici un puissant moyen d'expression.
[…] au début du XXème siècle, la plupart des chefs dirigeaient-ils très droits, figés dans une
position qui laissait subsister une énergique battue. Les jeunes chefs plus décontractés ont
été accusés d'être des danseurs gesticulateurs, mais l'excès en ce sens souvent inefficace et
gênant pour les musiciens a été freiné par la radio et le studio d'enregistrement, d'où le public
est absent. Quelques chefs, par conviction personnelle, ont abandonné la baguette pour ne
diriger qu'avec les mains. Ce moyen a pu servir la métrique complexe de certaines pages
contemporaines, mais la baguette bien employée comme prolongement du bras est d'une
lecture plus aisée pour l'orchestre, et surtout les musiciens éloignés.
Enfin, la question du « par cœur » revient périodiquement depuis son introduction par le grand
chef allemand Hans Richter. Ce procédé est désavoué par ceux qui savent son influence
déterminante sur le public, enthousiasmé de prouesses touchant à l'acrobatie. En réalité, la
malhonnêteté serait foncière si le chef ne faisait que suivre par la battue une ligne mélodique
prépondérante mémorisée. Or Toscanini, par exemple, dont la mémoire était légendaire,
dirigeait ses répétitions par cœur, prouvant ainsi sa connaissance des partitions jusque dans
les moindres détails. Les grands chefs actuels trouvent deux avantages à ce système : d'une
part, la sensation de posséder tout à fait la partition permet d'en suivre le déroulement mental,
tout en la réalisant avec l'orchestre ; d'autre part, un contact permanent avec les musiciens
assure la continuité expressive de l'œuvre. Cependant, le grand E. Ansermet dédaignait le « par
cœur », en lui reprochant de renforcer le côté spectaculaire de la direction. Ce dernier aspect
prend, de nos jours, une importance croissante, car le public s'identifie volontiers au chef
d'orchestre, incarnation de l'activité musicale au-dessus de l'anonymat de l'orchestre. Son
prestige en vient à attirer dans cette activité des interprètes ayant acquis leur renommée dans
d'autres disciplines (M. Rostropovitch, D. Fischer-Dieskau).
La direction d'orchestre n'est donc pas une, mais multiple, et les différentes personnalités
qui s'y intéressent lui apportent des réponses aussi variées que sont leurs tempéraments. À
cette richesse s'oppose un avenir compromis par le dédain des compositeurs vivants à
l'encontre de l'orchestre symphonique, institution musicale historique qui ne répond plus tout
à fait à leurs besoins d'expression.1
Quelques pistes pour découvrir le rôle du chef d’orchestre Écouter différents enregistrements d’une même œuvre pour réaliser l’importance des choix effectués
par le chef d’orchestre
Exemple : Scherzo de la 9ème symphonie de Beethoven
Partir à la découverte… De l’importance des expressions du visage dans la direction
- Visionner la Symphonie n°88 de Haydn dirigée par Leonard Bernstein (sans les bras !) https://www.youtube.com/watch?v=oU0Ubs2KYUI
Du parcours d’un chef d’orchestre
- Interview d’Oswald Sallaberger
https://www.youtube.com/watch?v=S3T1UCX6Aps
De l’exigence du chef d’orchestre dans une scène humoristique
- La grande vadrouille, scène de la répétition
https://www.youtube.com/watch?v=l30ONNO50So
Du métier de directeur artistique exercé par certains chefs d’orchestre
- Portrait de Valéry Gergiev
https://www.youtube.com/watch?v=b48XPO2cC8A
1 Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Thomas Enhco, piano
Né en 1988, Thomas Enhco commence la musique par le violon et le piano et étudie le classique
et le jazz. À l’âge de 9 ans, il est invité par Didier Lockwood à jouer au festival de Jazz d’Antibes
Juan-les-Pins. À 12 ans, il entre au CMDL et intègre à 16 ans le CNSM de Paris en Jazz et
Musiques Improvisées.
En 2006, il compose et enregistre son premier album, Esquisse chez Ames/Harmonia Mundi.
Lors d’une tournée au Japon en 2008, il est repéré par Itoh « 88 » Yasohachi, l’un des plus
grands producteurs de jazz japonais, qui décide de réaliser son deuxième album, Someday My
Prince Will Come, sorti en 2009 au Japon (Blue in Green/Universal) et en 2010 en France
(Ames/Harmonia Mundi).
En 2010, Thomas Enhco remporte le 3eme prix du Concours international de piano jazz Martial
Solal et le Django d’Or 2010 « Nouveau Talent ». En 2012, un nouvel album en trio avec Chris
Jennings et Nicolas Charlier, Fireflies, voit le jour chez Label Bleu. En 2013, il est « Révélation
Jazz de l’Année » aux Victoires de la Musique et joue pour la première fois au Festival
International de Piano de la Roque d’Anthéron et au Festival Piano aux Jacobins.
En 2014, Thomas Enhco se produit notamment à la Folle Journée de Nantes et de Tokyo, à New
York, en Italie, en Chine, à Hong Kong, en Turquie, en Bulgarie, au Japon, au Danemark et en
Finlande. Il signe en septembre 2014 chez Universal Music/Decca Records et enregistre son
premier album piano solo, intitulé Feathers chez Verve. L’album est nommé aux Victoires du
Jazz 2015 dans la catégorie « Album de l’Année ».
Depuis 2009, il forme avec la percussionniste classique bulgare Vassilena Serafimova un duo
explosif (piano et marimba/percussions) qui fait l’unanimité dans les plus prestigieuses
programmations de musique classique et de jazz. En avril 2016 sort leur premier album
Funanbules pour le légendaire label de musique classique Deutsche Grammophon.
En 2016-2017, Thomas Enhco fait ses débuts en concerto avec l’Orchestre National de
Lorraine, l’Orchestre de Pau Pays de Béarn et l’Orchestre Régional Avignon-Provence.
Propositions d’écoutes Interview sur son parcours, la liberté d’expression et sa manière de concevoir la musique
https://www.youtube.com/watch?v=wSJ0JcJy8ok Live at Jazz sous les pommiers, 2016
https://www.youtube.com/watch?v=csS02Zu0_fs
En solo
- Letting you go
https://www.youtube.com/watch?v=M95r1LRw00E
- You’re just a ghost
https://www.youtube.com/watch?v=Cd34E-YxZVo
En duo avec Vassilena Serafimova
- Variations on a Bulgarian folk
https://www.youtube.com/watch?v=Zvebvei-42A
- Le Carnaval des Animaux, Saint-Saëns
https://www.youtube.com/watch?v=Jc5vK-zCNYA
Wolfgang Amadeus Mozart Mozart voulait plaire, et d’ailleurs Mozart avait besoin de plaire, premier musicien de l’histoire de la musique qui, rompant avec le service des Grands, ait pris le risque d’aller chercher son argent dans la poche du public payant. Mais il entendait plaire dans ses termes propres
André Tubeuf
André Tubeuf écrit ceci à l’occasion du bicentenaire du compositeur. Celui-ci se définit lui-
même, dans une lettre à son père, de la façon suivante, en 1777 :
Papa chéri, Je ne puis écrire en vers, je ne suis pas poète. Je ne puis distribuer des phrases assez artistement pour leur faire produire des ombres et des lumières, je ne suis pas peintre. Je ne puis non plus exprimer par des signes et une pantomime mes sentiments et mes pensées, je ne suis pas danseur. Mais je le puis par les sons : je suis musicien.
Musicien. Un musicien engagé, même s’il ne théorise jamais sur sa musique.
En 1878, au moment où il compose Don Giovanni, Mozart a 31 ans. Il ne lui reste que quatre
années à vivre. Quatre années pendant lesquelles les embarras financiers qui sont depuis
longtemps son lot ne cessent de le harceler. Les années les plus noires de sa vie, au cours
desquelles il compose ses ultimes chefs d’œuvre.
Sa carrière a commencé, incroyablement, 29 ans plus tôt. Grâce à son père, Leopold, violoniste
compositeur, maître de chapelle du Prince-Archevêque de Salzbourg et auteur du plus
important manuel de violon du XVIIIème siècle, le jeune Mozart, à peine âgé de six ans, parcourt
alors l’Europe entière en compagnie de sa sœur : Paris, Londres, où il se lie avec Jean-Chrétien
Bach, l’Italie, Vienne et Munich, Amsterdam... Il compose sa Première symphonie à huit ans,
puis, quatre ans plus tard, un singspiel Bastien et Bastienne et son premier opéra, La finta Semplice.
Des voyages successifs en Italie entre 1770 et 1773 confirment sa renommée de musicien
prodige. Son opéra Mitridate, re di Ponto reçoit un accueil triomphal à Milan. De retour à
Salzbourg, les Mozart doivent subir les humeurs et les caprices du nouveau Prince-
Archevêque, le comte de Colloredo. En dépit de cette situation difficile, Mozart n’arrête pas de
composer : six quatuors viennois, un opéra-bouffe La Finta Giardiniera (La Fausse jardinière),
son Premier concerto pour piano.
En 1777, Mozart excédé par le comportement de Colloredo, se démet de ses fonctions et ce,
contre l’avis de son père. Un voyage à Mannheim puis à Paris lui réserve pourtant quelques
désillusions : l’enthousiasme d’autrefois cède la place à un accueil plutôt mitigé de la part du
public. Le décès de sa mère, l’année suivante, le ramène dans sa ville natale. Mozart s’aperçoit
alors qu’il n’est plus l’enfant prodige qui a tant ému les foules. Il doit donc à vingt-trois ans, se
plier de nouveau à la volonté paternelle et à l’autorité du Prince-Archevêque.
Tout en occupant, à contrecœur, un poste d’organiste à la Cour de Colloredo, Mozart compose
la Symphonie concertante pour violon et alto et achève l’opéra Thamos, Roi d’Egypte.
En 1781, il se rend à Vienne pour la création d’Idoménée. À cette occasion, un nouveau différend
avec le Prince-Archevêque entraîne une rupture définitive entre les deux hommes. Désormais
installé à Vienne, Mozart doit donner des leçons pour vivre. Contre le gré de son père, il se marie
avec Constance Weber à qui il dédie L’Enlèvement au Sérail en 1782. Les symphonies « Haffner
» et « Linz » sont également composées à cette époque.
Le bonheur avec Constance est de courte durée. Le couple perd son premier enfant et les
dettes commencent à s’accumuler. En 1784, Mozart entre dans la franc-maçonnerie. Il
manifeste tout son génie musical en écrivant cinq concertos pour piano et six quatuors à
cordes qu’il dédie à son ami Joseph Haydn.
Il met en musique la pièce de Beaumarchais, le Mariage de Figaro qui devient Les Noces de Figaro. L’opéra obtient un succès très relatif à Vienne, mais triomphe à Prague l’année
suivante. Il compose encore la Petite musique de nuit, la Symphonie « Prague » et surtout Don Giovanni qui remporte un grand succès à Prague.
En 1787, Mozart est nommé par l’Empereur Joseph II compositeur de la Chambre Royale,
succédant ainsi à Gluck qui vient de mourir. Mais ses gages modestes ne le délivrent pas des
soucis matériels : peu à peu, la misère s’installe chez les Mozart.
C’est toujours dans les moments tragiques que Mozart écrit ses musiques les plus fortes.
Malgré le récent décès de son père, des difficultés financières inextricables et la maladie de
Constance, il compose en 1789 Cosi fan tutte, un opéra bouffe pour Joseph II. Mais la mort de
ce dernier le laisse sans protecteur. Mozart va d’échec en échec. Les concerts qu’il tente
d’organiser sont désertés. Dans les derniers mois de sa vie, Mozart, dont la santé se détériore,
trouve pourtant la force d’écrire des pages exceptionnelles : deux opéras, La Flûte enchantée
et la Clémence de Titus, un Concerto pour clarinette et un Requiem qu’il ne pourra pas achever.
Épuisé, Mozart meurt le 5 décembre 1791. Le mauvais temps oblige la dizaine d’amis venus
accompagner le cercueil à déserter le cimetière. Ses deux fils resteront célibataires, la lignée
du génie s’éteint.
Genèse Concerto n°24 pour piano et orchestre en do mineur K. 491 Trois mouvements : Allegro, Larghetto, Allegretto
Composition : achevée le 24 mars 1786
Création : le 3 avril 1786 à Vienne, par le compositeur
Durée : environ 30 minutes
Ce concerto passionné, assez sombre, a certainement influencé ceux de Beethoven, en
particulier le troisième qui est écrit dans le même ton d’ut mineur. L’orchestre plutôt dense,
qui ne craint pas de faire chanter les vents en groupes serrés et éloquents, occupe une place
importante par rapport au piano ; celui-ci s’inscrit dans une dramaturgie globale.
Le premier volet, qui présente la particularité, rare dans un mouvement initial de concerto,
d’être écrit à trois temps, privilégie son premier thème au profil ascendant, tendu et
sourdement révolté ; la longue introduction orchestrale l’impose d’emblée. L’entrée du piano,
sur une idée nouvelle et souple, inaugure bientôt une deuxième exposition plus précise où
apparaît le deuxième thème, à la grâce conciliante. Toute cette forme sonate tend à gommer
les articulations au bénéfice d’un déroulement fluide, empli de subjectivité. Le développement
met l’accent sur un motif particulièrement anguleux du premier thème que le piano, comme
poursuivi par l’insistance de l’orchestre, s’efforce d’enrober de sa virtuosité. La réexposition,
peu conventionnelle, ramène toutes les mélodies en ordre inverse et, signe d’une gravité
certaine, les garde toutes en mineur. Après la cadence du soliste, la coda laisse l’idée initiale
s’éloigner dans un flou poétique, comme un problème non résolu et reporté à plus tard.
La mélodie du volet central est célèbre par sa touchante évidence ; pensive, soutenue par un
mouvement pendulaire de basses discrètes, elle résume cette délicatesse qui, chez Mozart,
semble se montrer si amicale envers l’auditeur. Le découpage épouse un rondo des plus
simples. Toute la pièce est conçue en tendres dialogues qu’échangent le piano et le groupe
des bois ; le clavier, que les cordes se contentent d’accompagner en arrière-plan, répond
volontiers aux propositions des flûtes, hautbois, clarinettes et bassons avec de gracieuses
variantes. La coda, très mozartienne dans sa mélancolie et son sourire en filigrane, nous quitte
dans un climat d’exquise évanescence.
Le troisième mouvement nous offre un thème suivi de variations, mais il ne cède jamais à cette
insouciance si habituelle dans un finale de concerto. Le thème en deux parties (et donc de
forme binaire), de caractère sérieux et un peu buté, est présenté à l’orchestre seul ; le piano le
décore aussitôt dans une première variation. Sept autres versions se suivent avec autant de
clarté que d’aisance ; toutefois, même si un peu d’humour est offert par les chœurs des bois et
dans les deux variations en majeur, le piano semble toujours talonné par un sentiment
d’urgence un peu désespéré ou par un obscur héroïsme. N’est-ce pas lui qui déclenche une
irruption martiale du thème (variation III) ou bien un solo très polyphonique où l’idée originale
est presque perdue de vue (variation V) ? La cadence de l’instrument soliste amène la
conclusion, surprenante par sa nouvelle mesure dansante à 6/8, mais qui ne se déride pas et
qui reste en mineur.2
Isabelle Werck Propositions d’écoutes Enregistrements
Mitsuko Uchida, piano
https://www.youtube.com/watch?v=PftH8FVzIRY
Evgeny Kissin, piano
London Symphony Orchestra
https://www.youtube.com/watch?v=ViTG6FZdwmk
Captations
Rudolf Buchbinder, piano & direction
Wiener Wiener Philharmoniker,
https://www.youtube.com/watch?v=POWVTXuB68I
Taide Ding, piano
Stanford Philharmonia
https://www.youtube.com/watch?v=FMJTImZHVr8
2 Note de programme rédigée par Isabelle Werck, Chamber Orchestra of Europe, Vladimir Jurowski, Radu Lupu,
Philharmonie de Paris, 2015
John Adams
3 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique
John Adams a grandi dans le Vermont et le New Hampshire où il reçoit sa première éducation
musicale de son père, avec qui il étudie la clarinette et joue dans des fanfares locales. Adams
a souvent dit combien les sonorités exubérantes et le rythme puissant de la marche ont
profondément influencé sa personnalité musicale — parcours semblable à celui de Charles
Ives à la fin du siècle dernier. En 1971, après avoir terminé ses études à Harvard avec Leon
Kirchner, Adams quitte la Nouvelle Angleterre pour la Californie. Il réside depuis dans la baie
de San Francisco.
Pendant dix ans, il enseigne et dirige au Conservatoire de Musique de San Francisco, et, de
1978 à 1985, il est très étroitement associé au San Francisco Symphony, dont le directeur
musical Edo de Waart sera le premier défenseur de sa musique.
3 Photo Margaretta Mitchell. Source : https://www.earbox.com/john-adams-photos/
Bien qu'elles n'aient jamais suivi les strictes formules du minimalisme « classique », les
premières pièces instrumentales d'Adams — comme les deux pièces pour piano solo de 1977
: Phrygian Gates et China Gates, ou encore le septuor à cordes Shaker loops de 1978 —
utilisent de brèves cellules répétitives. Elles rendent ainsi hommage non seulement
à Reich et Glass mais aussi à Terry Riley et à quelques-uns des compositeurs expérimentaux
des années soixante. Mais, même dans ses compositions les plus purement minimalistes, ce
qui rend les œuvres d'Adams incomparables est le haut degré d'imagination et d'invention
apporté à l'écriture, ainsi que la longue et puissante progression dramatique en arche qui va
bien au-delà du minimalisme.
Au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, la musique d’Adams joue un rôle décisif
dans la constitution et la diffusion d’un courant post-moderne à l’intérieur de la tradition
savante contemporaine. Réactivant le thématisme et l’harmonie issus du post-romantisme,
s’appropriant le rythme des musiques traditionnelles ou l’énergie euphorisante du jazz et du
rock, sa musique, tout autant imprégnée de l’esprit expérimental californien des seventies,
cherche à rassembler les influences multiples traversant la culture américaine, sous une
signature identifiable et en renouvelant constamment les voies d’un langage de synthèse.
C’est sans doute dans le domaine symphonique que s’exprime le mieux tour à tour sa verve
humoristique, faite de sauts d’humeur et de contrastes grinçants ou sa veine élégiaque
teintée de nostalgie.
La collaboration, à partir de 1985, avec Alice Goodman et Peter Sellars donne naissance aux
opéras les plus joués dans le monde des deux dernières décennies : Nixon In China (1984-
1985) et The Death of Klinghoffer (1990-1991). Ce dernier sera porté à l'écran en 2003 par
Penny Woolcock. Suivent d'autres œuvres réalisées avec Peter Sellars : en 1995, le
« songplay » I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky, en 1999-2000, El Niño, sur
un livret multilingue célébrant le millénium et Doctor Atomic (2005). En 2006, est créé à
Vienne A Flowering Tree, opéra inspiré de la Flûte enchantée de Mozart et en 2012, John
Adams compose l'oratorio The Gospel According to the Other Mary.
John Adams est également chef d'orchestre. En 2013-2014, il dirige les orchestres suivants : le
Houston Symphony, le Toronto Symphony, le Los Angeles Philharmonic et le New World
Symphony.
2000 : Prix des Arts de l’Etat de Californie
2003 : Prix Pulitzer pour On the Transmigration of Souls.
2003 : 3 Grammy awards pour la collection de 10 Cds du label Nonesuch The John Adams Earbox : « Best Classical Recording » « Best Orchestral Performance », et
« Best Classical Contemporary Composition ».
2003 : Doctorat d’honneur de l’Université de Cambridge
2004 : Premier Prix de composition « Michael Ludwig Nemmers »
2007 : Havard Arts Medal
2012 : Doctorat d'honneur de l'Université de Havard4
4 Biographie de l’Ircam-Centre Pompidou, 2014 Sources : Marc Texier ; Site personnel du compositeur (voir
ressources documentaires) ; Site de l'éditeur (voir ressources documentaires).
Genèse Eros piano Eros Piano est un monologue tranquille et rêveur pour piano, joué contre un tissu doux et
délicieux de tableaux orchestraux et de clusters5. C'était une réponse directe de ma part à un
morceau de Toru Takemitsu, Riverrun, que j'avais entendu lors d’un concert du pianiste anglais
Paul Crossley. J'ai rencontré Takemitsu une fois quand il est venu chez moi à Berkeley avec sa
femme. D'abord j’ai été frappé par le petit homme délicat et raffiné qu’il était, prudent et
douloureusement timide. Mais au fur et à mesure que le soir allait, je le voyais plus détendu et
convivial. Un enthousiasme émergeait, révélant un espiègle et sardonique sens de l'humour
qui semblait ne pas connaître l'épuisement, me forçant à attendre 3h matin pour le supplier
de me retirer me coucher. Parmi les choses que nous avons découvert avoir commun il y avait
un amour pour le style de piano de jazz de Bill Evans. J'ai écrit Eros Piano comme un hommage
à Takemitsu, à Bill Evans, et aussi à Paul Crossley, dont l’exquis équilibre du sens de la couleur
et de l'attaque des musiques de Debussy, Ravel, Messiaen et Takemitsu m’ont si fortement
rappelé celle de Bill Evans.6
Propositions d’écoutes Captation
Bart van de Roer, piano
Hans Leenders, direction
Codarts Symphony Orchestra (1947)
https://www.youtube.com/watch?v=bfXa6zXIPLE
5 Ce mot anglais signifie « grappe », « amas ». Ces derniers sont constitués de sons très proches les uns des autres
qui forment des masses sonores dissonantes. Certains compositeurs américains tels que Henry Cowell les ont
d’abord utilisés au piano à l’aide des doigts, du point, de la main, du coude ou l’avant-bras, dès 1919. Très utilisés
par les musiciens de jazz dans leurs improvisations, ils furent plus tard appliqués à l’orchestre et au chœur et
permirent de riches effets. Les œuvres de Iannis Xenakis et de Krzysztof Penderecki ainsi que celle de Gyorgy
Ligeti (Volumina pour orgue 1961-1962) sont ici à citer. 6 Traduction d’un texte de John Adams présent sur son site internet : https://www.earbox.com/eros-piano/