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Fiche de lecture : Le Vêtement dans la littérature La CASDEN vous propose autour de la thématique du vêtement dans la littérature, une sélection d’ouvrages de la littérature française téléchargeables gratuitement, assortis de leur fiche de lecture. Un dossier proposé par :

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Fichedelecture:

LeVêtementdanslalittérature

La CASDEN vous propose autour de la thématique du vêtement dans la littérature, unesélection d’ouvrages de la littérature française téléchargeables gratuitement, assortis de leurfichedelecture.

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Corpus:19ouvrages

Andersen Contes 1834Balzac(de) Illusionsperdues 1837

EugénieGrandet 1833SplendeursetMisèresdesCourtisanes 1838

Beaumarchais LeMariagedeFigaro 1778Flaubert MadameBovary 1856Hugo RuyBlas 1838

LesMisérablest1:Fantine 1862LesMisérablest2:Cosette 1862LesMisérablest3:Marius 1862LesMisérablest4:RuePlumet 1862LesMisérablest5:JeanValjean 1862

Marivaux LeJeudel’amouretduhasard 1730Molière LeBourgeoisgentilhomme 1670

LesPrécieusesridicules 1659Perrault Contes 1697Sand LaPetiteFadette 1849Zola

LaCurée 1871AuBonheurdesdames 1883

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!1.Textedeprésentation

Ce dossier s’intéresse à la représentation du vêtement (Voir Clin d’œil N°1) dans lalittérature.Entantquemodedecommunicationnonverbale,celui-ciparticipeàlamiseenscènequ’unindividufaitdelui-même.

1.1. Levêtementetlamodeaufildesâges

Au-delàde lanécessitédesevêtir, l’hommes’estpeuàpeusouciédesonapparenceetaalorssuccombéauphénomènede lamodevestimentaire,tendancedans lamanièredesevêtirconformémentaugoûtd’uneépoqueetdansunerégiondonnée.

1.1.1. Danslapréhistoire

Dèssanaissance,l’êtrehumainvitdanslanudité.Mais,laprotectioncontrelesintempérieset le ménagement de sa pudeur le conduit peu à peu à inventer le vêtement. Aupaléolithique, l’homo sapiens, grand chasseur porte un habit en peau de bête (cuir oufourrure), agrémentédeparuresd’ivoire,d’or,de coquillagesoud’ambre.Aunéolithique,avecladécouvertedutissagedesfibresvégétales(lin)oudesfibresanimales(poils,laine)etdelacoutureavecdesaiguillesenos,lespiècestissées,assembléesetcousuesremplacentprogressivementlapeauetlafourrure.Al’âgedebronze(2000à1000avantnotreère),leshommesportentune robeen laine, ceinturéeà la taille et tombant jusqu’aux genoux,unmanteau jeté sur l’épaule, unbonnet cylindriqueouune calottede laine. Si, audébut del’humanité, levêtementn’estque fonctionnel, trèsvite il sepersonnalisepourmarquer latribu,lafamille,lesexeetlepouvoir.

1.1.2. Dansl’Antiquité

EnEgypte,sousl’ancienetlemoyenempire,leshommesportentunpagnedelin(lashenti),drapéautourdesreinsetmaintenuparuneceinture.Vers1580avantnotreère,ilsportentunetuniquede lin (lacalasiris)etunmanteau(lesindon), serasent la têteetportentdesperruques(pourlesplusaisés)oudesbonnetsdefeutres(chezlepeuple).

Dans laGrèceclassique, leshommeset les femmesportentune tunique (l’exomide), faitedansdiversesmatières(laine,lin,cotonousoie),decouleurstrèsvives,drapéeetfixéeparuneagrafesur l’épaule.AumilieuduVI°avantnotreère, les Ioniens introduisent lechiton(oukhiton),largetuniqueenlinouenlaine,decouleurbrune,àtailleunique,coususuruncôté et agrafé sur l’épaule par une fibule. Sur ce vêtement, les Grecs portent le péplos,rectangledetissudrapéetaussiretenusurlesépaulespardesfibules.Hommesetfemmesportent un manteau, l’himation, composé d’un rectangle d’étoffe drapée ou bien lachlamyde, sorte de manteau drapé et attaché par une fibule, formant une capuche àl’arrièredelatête.Ilsportenttousdessandales.

ARome,leshommesportent:lepagnedelin(lesubligalicum),deuxtuniquessuperposées(lasubuculaetlatunicaexterior),latoge(togeprétexteoutogevirileselonlescérémonies)

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ou la caracalla (toge courte). Les femmes portent le pagne, une toge (la stola) et lestrophium(l’ancêtredusoutien-gorge).

Avantladominationromaine,leshommesdetouteslestribusgauloisesportentàpeuprèslemêmehabillement:desbraies,pantalonadaptéàlaformeetauxmouvementsducorps;unetunique,chemiseàmanchestombantjusqu’aumilieudescuisses;lasaie,blouseportéepar-dessus les braies et la tunique, avec ou sans manches, percée d’une ouverture pourpasserlatête;d’épaislainages;desgallicae,souliersfermésencuiretàfortessemellesenbois.Quant à l’habillement féminin, il se composededeuxéléments: la tunique, largeetplissée,sansmanchesouavecmancheslonguesetétroites,ceinteau-dessusdeshanchesetdescendant jusqu’aux pieds; le manteau qui s’agrafe sur l’épaule. Sous la dominationromaine,lesgauloislesplusrichesadoptentl’habit(VoirClind’œilN°1)deleursvainqueurs,maislepeuplegardel’usagedesbraiesetdelatunique.

1.1.3. AuMoyenAge

Au début du Moyen Age, pendant la période romane, hommes et femmes adoptent lechainse, longue tuniquede lin auxmanchesétroites et resserrées. Endessous, ils portentunetuniquepluscourte,lebliaud,auxlonguesmanches.Lemanteaucomplètelatenue.Leshommesportentdesbraiesetdeschausses(VoirClind’œilN°2).Laceintureestutiliséepourattacherl’aumônièrequicontientargentetmenusobjets,carlesvêtementsdel’époquenepossèdentpasdepoches.Lesvêtementsfémininssonttrèslongsettraînentausol.

AuXIII°,l’apparenceextérieureprendbeaucoupd’importance.Elledevientpeuàpeusigned’appartenancesociale,maisaussidevanitéetdeplaisir.Lesfemmeslesplusrichesportentla robe justaucorps ou cotte et un long surtout, espèce de fourreau, appelé surcot. Leurscoiffessontlechaperon,lebéguinoulevoile.Leshommesportentlesbraies,leschausses,une robeoucotte,appelée lagonne, sur laquelle ilsmettentaussiunample surcot, garnid’un capuchon ou chaperon. Leurs chaussures ont des pointes longues et effilées, lespoulaines ou pointes polonaises. Les manches des surcots masculins ou féminins sontélargies, fendues ou supprimées selon la mode. Le luxe des bourgeois égale celui desnobles: l’or et les pierreries étincellent avec profusion sur les habitset les tissus sontsomptueux(hermine, soieries, etc.). En 1294, Philippe le Bel institue des lois somptuairespourréprimerl’extravagancedescostumes,empêcherlabourgeoisieurbainequis’enrichitalors de faire concurrence aux nobles et protéger l’industrie française des influencesétrangères.

AumilieuduXIV°,s’opèreunedifférentiation importanteentre lecostume(VoirClind’œilN°1) fémininqui reste longet flottantet le costumemasculinquidevient courtet ajusté.C’est ainsi que la longueur du vêtementmet en avant la différenciation sexuelle. C’est àcette époque que l’on a coutume de dater les premiers phénomènes de mode: la Courmontre lamode. Lamodemasculine incarne,de façonplusdirecteetplusostensiblequecelle de la femme, la nouvelle logique du paraître. Les hommes adoptent le pourpoint,vêtement ajusté, boutonné devant, cintré à la taille, s’arrêtant en haut des cuisses etmaintenuparuneceinturebrodée.Celui-ciestportésurunechemiseetdesbraiescourtes.Unmanteaude forme rectangulaireouparfoisarrondiecomplète la tenue. La fourrure se

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porteaumasculincommeundessignesdeprospérité. Lescroisésramènentdenouvellesétoffesetdenouveauxprocédésdeteinture.Soies,fourruresetrichesétoffeshabillentlesnobles,alorsquelatenuedespaysansestconfectionnéedansdestissusplusgrossiers.S’iln’estpaspossibleauxfemmesdedévoiler leursjambes, lespiècesdelarobeàgarnementsont plus ajustées sur les bras et le buste et le décolleté est plus marqué et dévoile lesépaules. A la fin du siècle, tous portent la houppelande (VoirClin d’œil N°3), confortablemanteau sans manches, ouverte devant et portée ceinturée chez les hommes, ferméedevantchezlesfemmes.

AuXV°,laRenaissanceitalienneinfluencelamode.Lescostumes,particulièrementélégants,sonttaillésdansdestissusrichementbrodés:soieries,damas,brocard,etc.Lagarde-robesedivise horizontalement: on porte un vêtement en haut et un en bas, en soulignant lesformes,tantmasculinesqueféminines.L’hommeportelepourpoint,deschaussessouventbicolores (chaque jambed’unecouleur)etdespoulaines. La femmes’habilled’uncorsageaux coutures cintrées et d’une jupe, allongée par une traîne. Elle se coiffe d’un hennin,chapeauenformedecône,quipeutatteindredeshauteursdémesurées.

1.1.4. AuXVI°

A partir du XVI°, le phénomène de mode s’accentue grâce à l’augmentation descommunicationsquitransportentavecelleslesmodesdanstouteslesCourseuropéennes.Acette époque, le costume est raffiné et luxueux, afin d’amplifier la beauté de celui qui leporte. La Cour donnant les tendances, ce sont les nobles qui suivent la mode. Chez leshommesetchez les femmes, lachemiseblanchedevientunemarquede richesse.Pour lamontrer,onpratiquedesouverturesdanslevêtementdedessus(crevéesoutaillades).Deplus,onendécorelespoignetsetlecoldedentelle.Lesmanchessontsouventamovibles,cequipermetdecréerplusieurstenues(VoirClind’œilN°4).Vers1580,lafraise(oucollerette),sorte de col plissé, tuyauté et amidonné est très à la mode et devient de plus en plusvolumineuse au cours de siècle. C’est à cette époque que les chausses masculines sedifférencientenhaut-de-chausses,partiequicouvre lescuisses,etenbas-de-chausses (oubas),partiequicouvre lebasdes jambes.Parcontre, leschaussesfémininesrestentd’uneseulepièce.Lesbassonttaillésdansdudrap,dulin,delalaineouencoredelasoieetsontde couleurs variées. Les bas tricotés apparaissent au milieu du siècle et sont portés partoutes les personnes aisées à la fin du siècle. Quant aux paysans, ils portent une grossechemisedetaille,uneveste,desbraies,unbonnetenhiver,unchapeaudejoncenété.Lafindusiècleestmarquéepardeux innovationsenmatièredevêtementféminin: lecorsetquiaffine la taille,écrase lapoitrineetdonneaubusteune formeconique; levertugadin(VoirClind’œilN°5),juponraidi,cerclédeboisoudefildefer,avecunbourreletquiarronditleshanchesetfaitressortirlataille.

Entre les règnesdeFrançois1eretd’Henri IV,onzeédits somptuaires tententd’enrayer lephénomène de surenchère en matière de mode vestimentaire et de contraindre lesbourgeois à plus de modestie. Ils spécifient les tissus qui doivent être portés, prohibentdentelles et ornements enor et en argent et interdisent le velours aux laboureurs et auxgensdebassecondition. Ilssontcependantrarementsuivis, lesbourgeoispréférantpayerdesamendesplutôtquedeseplierauxinterdits.

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1.1.5. AuXVII°

AuXVII°, lamodeabutprincipaldeconserver lesdifférencesdeclasses.Sous le règnedeLouisXIII, lapompeespagnoledomineaprès lemariageduroi.Lesélégants remplacent lafraiseparlejabot,immensecolcarréplat,brodédedentelle.Leroi,soucieuxdedissimulersa calvitie,met à lamode la perruque. A la cour du Roi-Soleil, lamode n’échappe pas àl’étiquetteetLouisXIVdonneleton.Lescostumesfémininsetmasculinssontcoupésdansdessoieriesdeplusenplusprécieuses.Lejabotestremplacépardeslavallières,foulardsdedentelles inventéspar LouisedeLavallière,première favoritedu roi,puispardescravatesinspiréespar lefoularddesmercenairescroates.Leshommesportent:unebrassière;unechemiseblousante; larhingrave,culotte largeà l’apparencede jupe,ornéedevolants,dedentellesetdetrès longsrubans,quiestsupplantée,à la findusiècle,par le justaucorps ;deschaussuresàtalonsrougesagrémentéesdenœuds;uneperruqueetunchapeauplat,garni de plumes d’autruche. Les femmes ont des tenues bien moins maniérées etornementées: : un corsage baleiné à manches courtes et au décolleté élargi jusqu’auxépaules; un col en four, appelé «petit four aux puces», car on pense qu’il est destiné àattirerlesinsectes;levertugadindontlebourreletestremplacéparunplateauenformedetambourouderouepourpermettreà larobedes’étaler;unmasqueouunvoilepourseprotégerlevisage.AlafindurègnedeLouisXIV,ledevantdesrobess’orned’applicationsréalisées dans des tissus colorés appelés prétintailles et les premières «mouches»apparaissent sur le visage des femmes. La mode française rayonne alors dans toutel’Europe. A la recherche d’élégance de la Cour s’oppose le costume des paysans, fait demauvaisdrapsdelaine.

1.1.6. AuXVIII°

AuXVIII°, lamodeapour fonctionessentiellede théâtraliser lahiérarchie sociale. Le rangsocial est déterminépar les vêtements. Leshabits ontunedouble fonction: la distinctionparmi la même classe et l’éloignement physique des autres classes. La Cour de Franceconstitue toujours un phare en matière de mode. Les femmes commencent à rivaliserd’éléganceavecleshommes,dontlamodesefaitunpeuplusdiscrètequ’auXVII°.Ceux-ciportent l’habitàlafrançaise,auxcouleursvivesetluxueusementbrodé,(filsd’or,d’argentet de soie, sequins), composé d’une veste ou habit, d’un gilet, pièce d’apparat la plusimportanteetd’uneculotte.Endessousdecethabit, ilsportentunechemiseblanche,unjabotetdesbasdesoie.C’estlamodedescheveuxetdesperruquespoudréesdecraieoude farine. Quant aux femmes, elles disposent de plusieurs styles de robe, mais, c’est larobeàlafrançaisequitriomphejusqu’àlaRévolution,àlacouretdanstoutel’Europe,robeàpaniersdont lesarmaturespeuventatteindre jusqu’àcinqmètresetdont lebustier trèsajustéestfermédansledos.Ellesportentaussi larobevolante, lapluspriséeaudébutdusiècle,composéed’uncorsageàplislargestombantdesépaulesjusqu’ausoletd’unjuponrond, mais indécente pour paraître à la Cour. Elles portent des coiffures atteignant deshauteursvertigineuses.

Mais, le raffinementet lasimplicité finissentpar triompher.Eneffet,àpartirdumilieudusiècle, la vague d’anglophilie, relayée par les idées de certains philosophes comme Jean-JacquesRousseau,prôneunidéaldevieplussimpleetplusprochedelanature.L’influence

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anglaise est alors très importante en matière d’habillement. Les hommes portent laredingoteàlalévite,muniedereversboutonnésdetroiscolletssuperposés,puislaléviteàl’anglaisequis’accompagned’uneculottedepeauetdelonguesbottesàreversetlefracàl’anglaiseentièrementboutonné,taillésdansuntissudecouleurunie. Ilsreviennentàdescoiffuresnaturellesetportentleurscheveuxcrêpésetbouclés.Pourlesfemmes,àpartirde1770, apparaîtla robe à l’anglaise, qui peut être portée en plein air. C’est une robe aucorsage ajusté, aux coutures baleinées dans le dos, à manches collantes longues ou mi-longues,aulargedécolletéetfermésurledevantdubustepardescrochetsouunlaçage.Lajupe,àpetitsplisestlégèrementgonfléeparunrembourragematelassé,appelé«leculdeParis» et se termine par une traine à l’arrière. Cette robe est portée avec un nouvelaccessoire, le fichu, pour cacher un décolleté un peu trop osé. La manière de le porterbouffantsurlapoitrineestlapluscourantevers1780etestalorsappelée«fichumenteur»,carellefaitsouventpasserlapoitrinepourplusgénéreusequ’ellen’est.Lesfemmesportentaussi;larobeàlapolonaise,variantedelarobeàafrançaise,trèsenvoguede1776à1787,dontlesmanchessont«ensabot»etgarniesd’unbrassardd’oùpendentdesdentellesetdont la jupe se compose de trois volants (les ailes et la queue) posés sur des panierscirculaires; la robeà lacircassienne,variantede larobeà lapolonaise,dont lesmanchessont très courtes et en entonnoir descendant jusqu’à la saignée des bras ou jusqu’auxpoignetsetornéesdemanchettes.

Sous le règne de Louis XVI (1774-1792), la reine Marie-Antoinette et sa marchande demodes, Rose Bertin, exerce une influence majeure en France et sur l’Europe entière. Audébut,lareineadoptelatendancedestoilettesluxueusesdurègnedeLouisXV:immensesrobesàpanierscouvertesdefalbalas,depierreries,deperlesetmêmedediamants.Mais,vers1780,elle revientelle-aussià la simplicité,enadoptant la robeà l’anglaiseet la robediteenGaulle,robelégère,ensoie,mousseline,percaleoutaffetas,tombantdroit,attachéeà la taille par un ruban et très décolletée. Elle apprécie particulièrement la chemise enmousseline blanche, style baptisé «chemise de la reine» en 1775 et aime se vêtir d’unesimplerobedecotonetd’unchapeaudepaille.Lemouvementverslasimplicités’accentuedonc,puisquec’estellequilancelamode:plusderobesàrichesgarnitures,plusdepaniers,plusdemanchettesàtroisrangs,plusdetraines,plusdefollescoiffures.

La révolution entraîne des changements importants. Les vêtements abhorrent plus desimplicité et les tissus sont plus légers. Avec les sans-culottes, le vêtement prend unesignificationpolitiqueetpervertit les codes vestimentairesde l’Ancien régime. Le« sans-culotte»s’habilled’unpantalon, retenuavecdesbretelles,qui remplace laculotte,d’unevestecourteappeléelacarmagnole,d’unfoulardetd’unbonnetrougeoud’untricorneaveccocardeetdessabotslourds.Leshommesportentlescheveuxcourts.Noblesetroturierssecontentent d’un costume à l’anglaise sans luxe ni ostentation, composé d’une redingoteouvertepardevant,d’ungiletetd’unelongueculottecollanteoud’unpantalon.Lajeunesses’habille de manière provocante. Les élégants sont appelés lesMuscadins à la chute deRobespierre, les Incroyableset lesMerveilleusessous leDirectoire.Les Incroyablesportentdes habits à pans carrés et les élégantes de longues robes près du corps, largementdécolletéesetàlataillehautemarquéeparunrubanappeléelaceinture-à-la-victime.Elles

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tiennentàlamainunpetitsac,leréticule.Laloidu8brumairedel’an2proclamelalibertédes’habillercommeonlesouhaite,préfigurantainsiladémocratisationdansl’habillement.

1.1.7. AuXIX°

Au XIX°, lamode a toujours pour fonction de théâtraliser la hiérarchie sociale. Autant derégimespolitiques,autantdevariationsdelamode.AprèslaTerreur,en1794,lamodeoptepourunstyleinspirédel’Antiquité.SouslePremierEmpire(1804-1814), lamodefémininese transforme complètement en se débarrassant du corset. La préférence est donnée, àl’imitationdeMarie-Antoinette, à la fine robede coton,blancheetpresque transparente,avec peu de vêtements en dessous. Cette robe évolue progressivement vers les formesraffinées et géométriques de l’antiquité gréco-romaine. Elle est agrémentée de châles encachemireetdelongsgants.Onreprendaussilesvêtementsd’extérieuranglais:lespencercourtetlaredingote.Lesvêtementsdecoursontceuxdel’Ancienrégime,maisadaptéàlanouvelle silhouette. Le manteau de cour est alors très à la mode. Cette mode est trèsinfluencéeparlesuniformesdel’arméenapoléonienne.D’autrepart,Napoléonimposequetous les vêtements de Cour soient en soie, afin de relancer la production de soie delyonnaise.

Bien que, dans le domaine masculin, la mode aille vers la réduction du costume, leraffinement de la mise est encore important pendant les années romantiques. Dans ledomainedelamodeféminine,celles-cisesontgraduellementdémarquéesdelasimplicitédu début du siècle pour atteindre une grande recherche: affinement de la taille avec leretourducorset;élargissementde la jupeavec l’apparitionde lacrinoline (VoirLeSaviez-vous?N°1);avènementdemanchestombantesrévélantlesépaules;finesseetfluiditédesdentelles;quasi-transparencedulinge;ajoutdefleursnaturelles,deplumesetdebijoux;etc.

Apartir dumilieuduXIX°, lamode commenceà sediffuser sur tout le territoire français,rendant àpeuprèsuniforme le costumedes classes supérieures (aristocratie, bourgeoisied’affaires, professions libérales et administratives). Sous le Second Empire (1852-1870), lamodeestlancéeparl’impératriceEugéniedeMontijo.C’estàcetteépoquequ’apparaissentla nouvelle position ostentatoire féminine, la réduction de lamodemasculine, l’harmoniedescouleursetquecessedesefairelascissionsocialeparlevêtement.

LaBelleEpoque,secaractériseparlarecherchedefluidité.Lacrinolineestremplacéeparlatournure(VoirLeSaviez-vous?N°1).Lajupeperddesonampleurenn’étantplussoutenuequepardesjuponsnonrigides,maiss’allongedansledos.Lataillerestefineetleshanchessontmises en valeur. La poitrine est remontée pour pigeonner tout en s’aplatissant. Parcontre, lesmanches deviennent de plus en plus volumineuses pour aboutir auxmanchesgigotsurdimensionnéesde la findesiècle.Lescorsagesontdescols trèshauts remontantjusqu’au menton dans les tenues de jour, alors que les robes de soirées sont trèsdécolletées.Lecostumemasculin,d’unegrandesobriété,secomposed’unpantalon,d’uneredingotedroiteetd’ungiletcroisé.Leshommesportentlehaut-de-formeetlesfemmesdecoquetschapeauxparticulièrementsophistiqués,ornésdedentelles,deplumesoudefleurs.

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1.2. L’histoiredesmétiersdelacoutureetdelamodeenFrance

Avant laRévolution industrielleet ledéveloppementde laconfectionauXIX°, levêtementdesplusmodestesestsouventlerésultatdutravailàdomiciledesfemmesetdesenfantsouest récupéré chez les fripiers. Les plus aisés ont recours au vêtement sur mesure ets’adressentalorsàdestailleursouàdescouturières.

1.2.1. Lestailleursetlescouturières

Depuis leMoyenAge, lecorpsmarchanddesdrapiersestorganiséencorporation.Celle-cicomprend le corpsdemétiersdes tailleurs qui confectionnent les vêtementsmasculins etféminins.Aufildel’évolutiondelamode,leursstatutschangentetlestailleursseretrouventsous différentes désignations: Tailleurs de Robes (1293),Maîtres Tailleurs Pourpointiers(1323)etMaîtresChaussetiers(1346),Maîtrestailleursd’habits(1588).Cesdernierscoupentles vêtements, tandis que leur couture est donnée aux ouvriers-couseurs (appelés encorevalets-couturiersoucouturiers)etauxcouturières,simplesexécutantssousleurautorité.Ilsfontvaloirleursdroitsàgrandrenfortdeplaintes,amendesetautressaisies,pouréradiquerl’activité clandestinedes couturièreset cellesdes fripiersquiont ledroitde retoucher lesvieux habits. On compte des tailleurs célèbres comme: Barthélemy de Laffemas, tailleur-valet du futurHenri IV, qui devient un grand économiste sous son règne;Maître Boulay,auteurd’unin-folio,LeTailleursincère(1671);Langlée,lepréférédeMmedeSévignéetdeMme de Montespan; Gaultier, maître-tailleur inventeur de la couleur «prince» (1678).Mais,lestailleursn’ontpasdeboutiquesàeux:ilstravaillentàdomicile.

En 1675, les couturières envoient une pétition au roi Louis XIV, afin d’obtenir leurindépendance. Celui-ci accepte et crée un corps demétier, distinct de celui des tailleurs,pour la couture des vêtements féminins, sous le nom deMaîtresses couturières. Ceux-ci,mécontents, obtiennent de conserver la fabrication du corps de la robe (c’est-à-dire lecorsage), privilège qu’ils perdent en 1781. Dès lors, les couturières peuvent fabriquer etvendre lesdifférentes composantesde la robe, à la commandeet surmesure.Mais, ellesn’ontpasledroitdefairelecommercedesétoffes,réservéauxmagasinsdenouveautésquileur fournissent. Certaines couturières deviennent alors célèbres: Mme Villeneuve, MmeRémond, Mme Prévost, Mme Charpentier et surtout Mme Gautier. Elles travaillent enchambreoutiennentboutique(verslafinduXVIII°). Mais,ellessontrapidementéclipséespar les marchandes de mode. Alors qu’elles prennent leur revanche après la chute del’Empire, elles sont de nouveau menacées, et ce, par l’industrie de la confection. Avecl’arrivée de la machine à coudre (1830), les utilisatrices sont appelées couturièresmécaniciennes.

A partir du XIX°, suite au développement de la confection, le métier de tailleur estmarginalisé et appartient, pour l’essentiel, à l’industrie de luxe. Le tailleur Alexis Lavigne,tailleur amazonier de l’impératrice Eugénie, à la tête de deux maisons de couture (ladeuxième étant consacrée à la clientèle féminine, 1854), ouvre une école de couture(Lavigneen1841,quidevientGuerre-Lavigne,puisESMOD)oùilenseignelacoupe,éditedesméthodes de travail pour tailleurs (dès 1841) en anglais et en français, invente diversprocédés pour la couture (bustemannequin,mètre-ruban imperméabilisé, etc.) et crée la

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première fondation des tailleurs français. Prenant une part active dans la révolutionindustrielle, qui fait de Paris la plaque tournante de laMode, il pose les bases du prêt-à-porter(VoirLeSaviez-vous?N°2).

1.2.2. Lesmarchandesdemode

Depuis le Moyen Age, un autre corps marchand est organisé en corporation: celui desmerciers. Ceux-ci font le commercede toiles, de rubans, dedentelles, demousselines, defils,etc.Danscettecorporation,apparaissentdès lafinduXVII°, lesmarchandesdemodes(appelées faiseuses de mode ou modistes, à partir de 1770), créatrices pour la toiletteféminine. Elles ne fabriquent rien, mais ornent les vêtements féminins (robes, chapeaux,bonnets, etc.) avec différentes fournitures vendues par lesmerciers. Elles acquièrent trèsviteunegrandeinfluence,carelles lancentdestendances,commeMlleGuérin.Mais,ellesne peuvent pas vraiment changer lamode qui reste l’apanage de la Cour. En 1776, ellesobtiennent ledroit de sortir de la corporationdesmerciers etde formerun corps àpart,avec les plumassiers et les fleuristes. Elles ont alors leurs propres stocks de fournitures,emploientdescouturièresettiennentboutique.Unedesplustalentueuses,MlleAlexandre,ouvresaboutiquesouslerègnedeLouisXVetatteintunegranderéputationàlaCour,maiselle est menée à la faillite, par la concurrence de Rose Bertin 1747-1813), devenue lamodisteattitréedeMarie-Antoinette.Appeléele«ministredesmodes»parLouisXVI,celle-ci brise le monopole des corporations en fabriquant, dans ses ateliers, toutes sortesd’accessoires ou de vêtements et change considérablement le costume de Cour. Elleaccueillesesclientesdanssonsomptueuxmagasindenouveautés,AugrandMongol(1770).Sous son impulsion créatrice, la couture française explose de diversité et d’invention:coiffureàlabellepoule,poufauxsentiments,chapeaufeul’Opéra,àlaMontgolfierouàlaPhiladelphie.

Au lendemain de la Révolution, lesmarchandes demode sont durement touchées par laruinedelanoblesse.Sicemétierestjusqu’alorsplutôtunmétierféminin,unhomme,LouisHippolyteLeroy,s’yimpose.C’estluiquidictelamodedel’imitationdel’Antiquité.Associéàla célèbre couturière Madame Raimbaud, il devient le «grand régisseur des modesimpériales».C’estluiquiobtientlacommandedescostumespourlesacredeJoséphinedeBeauharnais.Hommesansscrupuleetopportuniste,ilcongédiesonassociéetoutengardantsespatronsetsescouturières,débauchelepersonnelconfirmédesesconcurrents,produitdesfacturesfaramineusesetconquierttouslesrégimes.Sesrobes«Empire»entraînentledéclin de Rose Bertin. Les marchandes de modes disparaissent alors au profit descouturières.

1.2.3. Lescouturiersougrandscouturiers

Jusqu’au Second Empire, le tailleur travaille dans l’ombre, caché derrière les dames quiportentsescréations.Mais,àpartirdecetteépoque, ilapparaîtsur ledevantde lascène,grâceàun jeune tailleur (lemot«couturier»n’estemployé,pour lapremière fois, qu’en1870)d’origineanglaise,CharlesFrederickWorth(1826-1895),quis’installeàParis.IlentrecommecommisdanslamaisondenouveautésGagelin-Opigezen1846et luifaitconnaîtreun essor sans précédent. D’autre part, il gagne une belle renommée, lors des Expositions

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universelles. En 1858, il s’associe avec Gustave Bodergh et ouvre sa propre maison decouture.IntroduitàlaCourparlaprincessedeMetternich,ils’attireunpublicd’élégantesetd’élégants, demandeurs de toilettes riches et originales. Puis, il obtient la faveur del’ImpératriceEugénie,cequiluiaccordedéfinitivementuneclientèleissuedel’aristocratieetde la haute bourgeoisie. Innovant et original, il fait évoluer le vêtement en remplaçant lacrinoline par la tournure et introduit de nouvelles pratiques commerciales: le défilé demode surmannequin vivantet le conceptde«collection». En1868, il créeuneChambresyndicalede laconfectionetde lacouturepourdamesetfillettes,destinéeàprotégersesmembres contre les copies et mentionnant clairement la différence entre couture etconfection.

Ce n’est plus la Cour qui fait lamode,mais le couturier (ougrand couturier), créateur demodèles de toilettes féminines originales, directeur d’une maison dite de haute couture.Celui-ci n’estplusunartisanau servicede ses clients,mais fait partiede leurmondeet ychercheunelégitimité.Ils’imposecommeun«artistedeluxe».BienqueWorthnesoitpasle premier et le seul à œuvrer dans le monde de la haute couture parisienne, il en estconsidérécommelepère.A la finduXIX°, lescouturiers lesplusrenomméssont: JacquesDoucet(1853-1929),célèbrepourhabillerlesartistescommeRéjane,SarahBernhardtouLaBelle Otéro ; Georges Doeuillet (1865-1929), directeur commercial de la maison SœursCallotetfondateurdesapropremaison(1900);LouiseChéruit(1866-1955),fondatrice,avecsonamiecouturièreMarieHuet,delamaisonHuet-Chéruit(1898)etàlatêtedelamaisonChéruit fondée par son mari (1902); Jeanne Lanvin (1867-1946) qui ouvre son premiermagasin demode en 1885 et sa première boutique en 1889; les quatre sœurs Callot quiouvrent leurmaisondehautecouture,SœursCallot,en1895 ; JeannePaquin (1869-1936)quiouvresamaisondecoutureen1891.LaHauteCouturefrançaisefaitofficiellementsonentrée à l’exposition universelle de 1900. Madeleine Vionnet (1876-1975) et Paul Poiret(1879-1944)sontlespionniersdel’émancipationféminineensupprimantlecorseten1906.

1.2.4. Lesemployésdelaconfection

S’inspirantdesméthodesservantà laréalisationdesuniformesmilitaires, lafabricationensérie de vêtements de ville apparaît au XVIII°,mais prend vraiment son essor au XIX°. Eneffet,pendanttoutcesiècle,larévolutionindustriellefaitconvergerverslesvillestouteunepopulation nouvelle, créant d’importants besoins vestimentaires auxquels s’efforcent derépondrelessecteursdutextileetdel’habillement.Laconfectionsemetalorsenplacepourproduiredesvêtementsbourgeois,d’unequalitéégaleousupérieureàceuxdestailleursetdes couturières,maismoins chers. Les premiers industriels de l’habillement standardisentpeu à peu les méthodes de travail qui reposent sur la division des tâches: travail surmachinesàcoudredansdepetitsateliersettravailmanuelàdomicile.Lescouturières,quifauted’argentnepeuventpas s’acheterdemachineà coudre, retrouventalorsdu travail,mais il s'agit d'un travail parcellisé, coupé de longues périodes de chômage saisonnier etd'autantplusmalpayéqu'uneconcurrencesauvagelesopposeauxpetitsateliers.Danslesateliersdeconfection,travaillenthommesetfemmes,leshommesétantlesplusnombreux.

1.3. L’histoireducommerceduvêtementenFrance

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LecommerceduvêtementsedéveloppedepuisleMoyen-Age,faisantl’objetd’uneactivitédiverse, effectuée par différentes professions. L’acquisition d’un vêtement passe parplusieursétapes:l’achatdel’étoffechezledrapier,l’achatdesarticlesdepassementerieetautresaccessoireschezlemercierouchezlamarchandedemodesetenfinlacouturechezun tailleur ou une couturière.Mais, au XIX°, à ce circuit corporatiste (circuit fragmenté),s’opposeunautrecircuit:celuidesmagasinsdenouveautésetdesgrandsmagasins,oùl’onpeutacheter,àlafois,lesétoffes,lesaccessoiresetmêmelevêtementconfectionné.

1.3.1. LecircuitcorporatisteLesdrapiersconstituent l’undesseptgrandscorpsdemétiersduMoyenAge. Ilssontà lafoisfabricantsetmarchandsdedraps,c’est-à-dired’étoffesdelainetissée.Pourcefaire,ilsachètent le tissu grossier auprès des tisserands et le transforment en produit fini. Par lasuite,lesétoffes,venduesdansleurdraperie,sediversifient:drapdesoie,drap«zéphyr»,drapd’argentoudrapd’or.AudébutduXIX°, lesdrapierssontnombreuxetsont installésdans les passages et les galeries parisiennes. Tout au long du siècle, ils essaient de semaintenir,enprônantlaqualitédeleurproduit.Lesmerciersconstituenteux-aussil’undesseptgrandscorpsdemétiersduMoyenAge.Ilsfontlenégocedesmarchandisesproduitesparlesautresmétiersouimportées.Ilssontsoitambulants,soitsédentaires.Parmilesdiverscommercesauxquels ilsselivrent,figureceluides articles de couture («menuemercerie»). Au XII°, apparaît lamercerie, commerce del’ensembledesarticlesservantàlacouture,àlafabricationdevêtementsetauxouvragesetaux travaux dits «de dames»: passementeries, fils, rubans, dentelles, etc. Au XVIII°, lacorporationdesmerciers s’unità celledesdrapiers (1703)etobtient ledroitde fabriquercertainesmarchandises(orfrois,broderies).AudébutduXIX°,lesmercierssontnombreuxetsont aussi installés dans les passages et les galeries parisiennes. Si les merceries semaintiennenttoutaulongduXIX°,ellessontassimiléesàuneformedecommercedépassée.1.3.2. Lecircuitmoderne

DèslafinduXVIII°,lesmagasinsdenouveautéss’opposentaucircuitcorporatiste.Eneffet,parmi les nouveautés, l’habillement et les accessoires ont une place privilégiée. Cesmagasinsvendentà la foisdesétoffesdetousgenres(soie, laine,mérinos,calicot,etc.)etdesarticlesdemercerie,en lesproposantàdesprixmoinsélevés.Sous laRestauration, ledéveloppement de la confection devient l’un de leurs atouts majeurs. Ils deviennent devéritablesentreprises, inaugurantdenouveauxliensavec laclientèle:espaceouvertsur larue,soinapportéauxvitrines,aménagementenrayons(oucomptoirs),librecirculationdanslesrayons,prix fixesaffichés,possibilitédetoucher lamarchandiseàsongré,etc. Ils fontproduire des vêtements à la mode qui s’inspirent de la Haute couture et qui sontfinancièrementplusaccessibles.

Aristide Boucicaut,marchand de bonneterie ambulant, s’installe à Paris en 1834 et entrecommevendeurdanslemagasindenouveautés,AuPetitSaint-Thomas.Alorsqu’ildevientchef du rayon châles, il se trouve remercié, suite à la faillite du magasin. Il est alorsembauchédanslemagasindenouveautés,AuBonmarché(fondéen1824),dontilprendla

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directionen1854.En1869,illemétamorphoseenunsomptueuxtemplede50000m2etenfait lepremierGrandMagasin. Ilyvendnonseulementdesobjets,mais ledésird’acheterlui-même.Ildéveloppel’usagedesprixfixesetaffichés,leconceptduclient-roi,leprincipedu rendu de la marchandise, la politique des bas prix et des soldes et le recourssystématiqueàlapublicité.Iloffre,àsaclientèlequipeutcirculerlibrementsansobligationd’achat,denombreuxagréments:ascenseurs,buffetet journauxgratuits,menuscadeaux,livraisonàdomicile,etc.Ilouvrelavoieàd’autresfiguresaudacieusesetvisionnaires:AlfredChauffard fonde les Grands magasins du Louvre (1855); Xavier Ruel crée son premiermagasin Le Bazar Napoléon (1855) qui devient Le Bazar de l’hôtel de Ville (1870); JulesJaluzotouvreAuPrintemps (1865);ErnestCognacqcréeLaSamaritaine (1870)quidevientlesGrandsMagasinsde laSamaritaine (1900);GeorgesGéraultérigeAupauvreDiableengrandmagasin (1875); Théophile Bader et Alphonse Kahn fondent lesGaleries Lafayette(1894).CesGrandsmagasinsvendentvêtements,porcelaines, faïences, literie, jouets,etc.,et mettent les nouveautés à la portée de toutes les bourses. Par exemple, Les Grandsmagasins du Louvre s’adressent aux plus aisés, La Samaritaine vise plutôt une clientèlepopulaire etAu Printemps attire les jeunes gens de la petite etmoyenne bourgeoisie. Ilsparticipent au développement de la confection, en proposant des confections en vestes,manteaux, robes et costumes et des vêtementsmi confectionnés que les clientes doiventmettreelles-mêmesàleurmesure.

Danscemondeducommerceduvêtement,apparaîtunefigureincontournableauXIX°: lecalicot(VoirLeSaviez-vous?N°3),jeunecommis-vendeurdanslesmultiplescommercesdela confection qui vont des petites boutiques d’étoffes et de nouveautés aux Grandsmagasins.Enréactionà ladémocratisationducostumeetde lamode, l’aristocratiesetournevers laHautecouturequisedéveloppedans lesateliersdesgrandscouturiers.Si lesétapesde laconfectiond’unvêtementsontlesmêmesquechezlestailleursoulescouturières,lestissusutilisés sont beaucoup plus précieux et surtout le couturier, devenu un artiste, cherche àcréerdespiècesextraordinairesquiontpourobjectifde fairebrillerdans laviemondaineceluioucellequi lesporte.A la finduXIX°, tous lesgrandscouturiersont leurmaisondecouture.

Au XIX°, grâce aux Grands magasins, la confection s’ouvre à un large public et non plusseulement à la bourgeoisie qui fréquente les magasins de nouveautés ou encore à laclientèled’élitequeconnaissent lesgrandescouturièreset lesgrands tailleurs.Mais, si lesformesetparfois les tissusélégants se retrouventdanscesdeux typesdecommerce,unedifférenceprimordialedemeure:cellede lasignatureduvêtement, lamarqueparticulièrede la maison renommée. La confection industrielle ne se confond pas avec la confectionpropreàunemaison.Lesdeuxtypesdecommerceconservent leur identitéet leurpropreclientèle.Ainsi,leprivilègedel’élégancenesedémocratie-t-ilpastotalementparlebiaisdel’industrialisationetlanaissancedesGrandsMagasins.Danslecourantdesannées1950,lemotconfectionestremplacéparlemotprêt-à-porter,calquésurl’anglaisready-to-wear.

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1.4. LadiffusiondelamodevestimentaireenFrance

En France, dès le Moyen Age, c’est la Cour qui lance la mode. La façon de s’habiller desouverains influence toute la noblesse française et même les cours étrangères. Lesphénomènesdemodecirculentd’abordgrâceauxportraitsréaliséspardegrandspeintres,puisgrâceauxmannequinsdemode,àl’illustrationdemodeetauxécritssurlamode.

1.4.1. Lesmannequins

1.4.1.1.Lesmannequins(oupoupées)demode

Dès leXIV°,apparaissent lesmannequinsdemode,poupéesfabriquéesenboisetdetaillehumaine(lemot«poupée»n’apparaîtqu’en1750).Ilssontenvoyésauxfamillesfrançaiseslesplus richesetà travers les coursd’Europe,afinde les informerdecequi seporteà laCourdeFrance.PhilippeIVenvoieàsafilleIsabelle,futurereined’Angleterre,unepoupéeavecsontrousseaucomplet.HenriIVfaitdemêmepoursafutureépouse,MariedeMédicis,afinqu’ellesefamiliariseaveclesmodesfrançaises.

AuXVII°, lesmaisonsdecoutureparisiennesutilisentdesmannequinsdemodeminiatures(en bois articulé, d’environ 60 cm et avec des cheveux humains), appelés pandores. Cespoupées permettent à l’aristocratie de visualiser en petit lesmodèles ensuite réalisés entaille humaine par les tenants de la haute couture parisienne de l’époque. Elles sont enquelquesorte lesparfaitesambassadricesdelamodeparisienne,enFranceetdanstouteslescoursd’Europeetd’ailleurs.Ellessontsipopulairesetsiindispensablesqu’ellesdisposentde laissez-passer royaux afin de franchir facilement les frontières, même en temps deguerre.OndistingueLagrandeetlapetitePandore.JeanBérain,legrandcouturierdeLouisXIVautilisésesproprespoupéespourdessinerlabasedesgravurespourleMercureGalant,verslafindesannées1670.DuXVIII°etauXIX°,lesmarchandesdemodeslesutilisentaussipour promouvoir leursmodèles et lesmontrent dans leurs vitrines. A partir de 1790, lesAnglaislancentlespoupéesdepapier,accompagnéesd’unegarde-robeamoviblequisefixepardespattesrepliables.Bonmarchéetfacilesàenvoyer,ellessontcependantfragiles.

AuXIX°,sousleSecondEmpire,lespoupéesdemodesontencoreutiliséesparlesmaisonsdecouturepourdivulguerleurscréations(VoirLeSaviez-vous?N°4).Mais,comme,àcetteépoque,lesmagazinesdemodespermettentdediffuserlestendancesdelamode,ellesnesontplusdestinéesauxadultes,maisaux jeuxdesenfants.Cesontdespoupéesadultesàl’image des critères esthétiques idéalisés de l’époque. Appelées alors parisiennes, ellesjouent lerôled’éducatricesdespetites fillesbourgeoisesauxarcanesde lamode.Lesplusfortunées peuvent même recevoir en cadeau une poupée avec un trousseau complet,habillée par une grande maison de couture, comme celle de Worth. Les plus modestestissent les vêtements de leurs poupées lors de leurs exercices de couture. Les patrons setrouvent dans les revues comme La Poupée modèle. La couturière de la famille réalisesouvent,pourlapetitefille,unerépliqueminiaturedelanouvelletoilettedelamère.

Enfin,àlaBelleEpoque,lescouturiersrivalisentderaffinementpourl’égériedutoutParis,labelle duchesse Camille de Broglie, devenue un vecteur de mode. Pour arrêter leurscollections, ils lui présentent des poupées mannequins en cire, coulée sur une armature

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métallique.Celles-ciacquièrenttrèsviteunedimensiondécorativesansprécédent,grâceàdes fabricants comme les demoiselles Daussat, sous lamarque Lafitte-Désirat, à partir de1901.

1.4.1.2.Lesmannequinsvivants

Au XVIII°, la modiste Rose Bertin utilise des «essayeuses». Celles-ci sont considéréescomme les premiersmannequins vivants. Au XIX°, lorsque le grand couturierWorth veutfaire connaître ses réalisations, il décidede recourir à des jeunes femmesqui portent sestoilettes,lesmettentenvaleur,défilentdevantlaclientesansjamaisprononcerlamoindreparole, etmultiplient les allers-retourspour les faire valoir. Lapremièreàdéfiler ainsi estMarie Vernet, vendeuse dans une boutique parisienne qui devient son épouse. Elle portepartout lescréationsdesonmari:auxcourseset lorsdesévènementsmondains.D’autrescouturiersjouentlemêmejeuetyenvoientdesdameshabilléesdeleurscréations,commeenseignepublicitaire.Eneffet,cettepratiqueestimportante,carleschroniqueursdemodesepressentàcesévènementsetendégagentlestendancesdelamode.

Lesjeunesfemmesquidéfilentdanslesmaisonsdecouturesontalorsappeléessosies,carelles doivent ressembler aux clientes (même corpulence,même taille). Leur activité jugéedéshonorante, est réservée aux classes populaires. En effet, elle est assimilée à de laprostitution,carelleconsisteàvivredesoncorpscontreunsalaire.

AudébutduXX°,JeannePaquininventelesdéfilésdemode.Lemotmannequin(1907)estalorsutilisépourdésignerunejeunefemmeportantlescréationsd’uncouturierenpublic.

1.4.2. L’illustrationdemode

L’illustration demode est l’activité artistique consistant à représenter des vêtements surdivers supports, afin de diffuser la mode vestimentaire. Elle a été le principal outil dediffusiondesmodesparisiennesenprovinceetàl’étrangerpendantplusieurssiècles.

1.4.2.1.Lesgravuresdemode

L’illustrationdemode,constituéedegravuresoud’eauxfortes (VoirLeSaviez-vous?N°5),dateduXVI°,aveclareprésentationdescostumesdeplusieurspaysdumonde.ApartirduXVII°,apparaissentlespremièresgravuresdemodevenduesdansunportfolio:LaNoblesselorraine(1624)parJacquesCallot(1593-1635);LeJardindelanoblesse(1629),LaNoblesseFrançaiseà l’Eglise(1629)parJeandeSaint-Igny(1595-1649) ;toutes lesgravuresclasséessousl’appellation«legenredesBonnart»réaliséesparlesquatrefrèresBonnart(Nicolas:1637-1718;HenriII:1642-1711;Robert:1652-1733;Jean-Baptiste:1654-1734),parJeanDieudeSaint-Jean(1655-1695)ouencoreparAntoineTrouvain(1652-1708),NicolasArnoult(actif de 1674 à 1701), Jean Mariette (1660-1742) et Jean Lepautre(1618-1682) ; DiverscostumesfrançaisdurègnedeLouisXIV(1685)deSébastienLeclerc(1637-1714);DessinsdemodeFrançais (1696)etSixModesFrançaises (1704-1708)deBernartPicart(1673-1733) ;Figuresdemode (1710)d’AntoineWatteau (1684-1721).Dès la findusiècle, lesestampessontsouventembelliesparlamiseencouleurdesplanchesouparl’ajoutdepiècesdetissus.

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Un véritable engouement traverse toutes les couches de la société pour ces gravuresdiffusantlamodeparisienneetdeflatteusesimagesdelaCourduRoiSoleil.

Aprèsunmomentd’éclipse,lagravureconnaîtsonâged’orsousLouisXVI(finduXVIII°)etc’estleretourdelagravuredemode:LaGaleriedesmodesetcostumesfrançais(1778-1787parJacquesEsnault(1739-1812)etMichelRapilly(1740-1790) ;SuitedesNouvellesModesFrançaises depuis 17 jusqu’à ce jour par Claude-Louis Desrais (1746-1816); La Parure desDames (1780) par Louis-Joseph Mondhare (1734-1799) et Louis-Sébastien Berthet (1750-1812); Etude pour les Demoiselles (1783) par Louis-Marin. Bonnet (1743-1793) et Jean-Baptiste Huet (1772-1852). Au XIX°, les gravures sont imprimées en couleur. Après laRévolution, avec l’hégémoniedu Journal desdames et desModes (1797-1839), la gravuredéclineauprofitdudessindemodeaucrayonouàl’aquarelle.

1.4.2.2.Lesdessinsdemode

L’illustrationdemode,constituéededessinsdestinésàlapublicationdansunmagazinedemodeousuruneaffichepublicitaire,estapparueaudébutduXIX°.Elleestréaliséepardespeintres et dessinateurs, appelés illustrateurs, dont le premier est Giovani Boldani (1842-1931).L’illustrationdemodeestd’abordtrèsliéeauJournaldesdamesetdesModes(1797-1839)avecdespeintrescommeHoraceVernet(1789-1863),ainsiqu’àd’autresjournauxdemodecommeLePetitCourrierdesDamesavecHyppolitePauquet(1797-1871)etlessœursColin(Héloïse Leloir (1820-1874), Anaïs Toulouse (1822-1899) et LaureNoël (1827-1892)),lestroisplusgrandesillustratricesdelamodeparisiennedumilieuduXIX°.LeursaquarellessontreproduitesdanslesjournauxàlargediffusioncommeLaModeillustrée,leJournaldesDemoisellesouLeBonTonetdansplusieursmagazinesinternationaux.Apartirde1880,laphotographieporteuncoupfatalàl’illustrationdemode.

1.4.3. Lesécritssurlamode

1.4.3.1.Lesrubriquesdanslesjournauxgénéralistes

Lepremierpériodiqueavecdesarticles illustréssur lamodeestLeMercureGalant (1672-1825),créeparJeanDonneaudeVisé.Cejournalquitraited’actualitépolitique,decultureetdelittératureetquin’estpasdestinéspécifiquementauxfemmes,publiedesgravuresdemodes.En janvier1678, il sortunnumérospécialet invente«lessaisonsde lamode»endonnant des informations utiles: couleurs et étoffes à porter, accessoires pour chaquesaison. LeJournal de Paris(Poste de Parisou Poste du soir), premierquotidien français(1777-1840), fondé parAntoine-Alexis Cadet de Vaux,Jean Romilly,Olivier deCorancezetLouis d'Ussieuxsur le modèle duLondon Evening Post, couvre l'actualitélittéraire, signale les spectacles du soir, relate quelques faits divers parisiens et desanecdotes surdespersonnagesenvueetdonnedes informationsconcernant lamode. Lejournal La Feuille Sans Titre (créé en 1777) prend comme modèle le Journal de Paris etpropose,àpartirduN°100,danssarubrique«Modes»,unegravuredecoiffuresurbuste.AuXIX°,larubrique«mode»estdevenueincontournablepourlesjournauxgénéralistes.Leschroniqueurs tiennent les lectrices au courant des nouvelles tendances et des nouveauxlieux où il faut se rendre et donnent des conseils et des astuces (comment cacher sesrondeurs,recyclersesvêtements,etc.).

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1.4.3.2.Lapressedemode

Les premiers périodiques de mode font leur apparition au XVIII°. Ce sont des cahierscontenant des articles et plusieurs planches de gravures présentant les nouveautés de lamodedeParispour lesdiffuserdans toute laFrance, l’Europeetmême lesAmériques.Leplus ancien journal de mode est Le Cabinet des Nouvellistes (1728). On trouve ensuited’autres périodiques :Courrier de la Nouveauté (1758), Journal du goût ou courrier de lamode (1768-1770),Galeriedesmodesetcostumes français (àpartirde1778),Cabinetdesmodes (1785-1786), Magasin des modes (1786-1789); Magasin des modes nouvellesfrançaises et anglaises (1786); le Journal de la mode et du goût (1790), etc. Ils secaractérisentparlalégèretéetlalibertédutonemployé.

AuXIX°,apparaissentlespremiersmagazinesàforttirageproposantdesgravuresdemode:Journaldesdamesetdesmodes(1797-1839),journalleplusimportantdelapremièremoitiéduXIX°, créépar LaMésangère; L’Observateurdesmodes (1818-1823);Petit courrier desdames(1821-1868);LaMode(1829-1855);LeFollet(1829-1882);LeMoniteurdelamode(1843-1913); La Mode illustrée (1860-1937); Le Petit Echo de la Mode (1880); etc. Lanouvelleétenduedecettepresse,tantquantitativementquegéographiquement,estdueàun usage de plus en plus grand de la publicité qui réduit le coût du journal. En effet, lesmaisons de nouveautés, les fabriques de tissus, les merceries, etc., y font paraître leursannonces, qui sont directement intégrées à la rubrique «Modes». La montée de labourgeoisie remet en question la frivolité originelle des journaux féminins. Aussi, ceux duXIX°s’intéressent-ilsnonseulementà la toilettede la femmebourgeoise,maisaussiàsonfoyeretàsa famille.Dans lasecondepartieduXIX°,apparaissentdesmagazinesdemodes’adressant exclusivement aux femmes: La Mode illustrée (1860-1937) qui offre à seslectrices des ouvrages de dames; La DernièreMode, Gazette duMonde et de la Famille(septembreàdécembre1874),crééeparMallarméetquitraitedel’éléganceféminine;LePetit Echo de la Mode (1880-1883), journal féminin et familial; etc. La fin du XIX° estmarquée par l’apparition de plusieurs revues: L’Art et la Mode (1881-1883), qui devientL’Artetlamode,journaldelaviemondaine(1883-1972),LaVieélégante(1882-1883),Vogue(1892),etc.Ainsi,lapressedemodedevient-elleauXIX°unoutilimportantdediffusionpourlecommerceduvêtement:gravuresdemode,dessinsdepatrons,publicitésdemaisonsdecouture, promotions de modistes ou de couturières, annonces d’évènements comme lesexpositionsdemarchandisesoulessortiessaisonnièresdevêtements,etc.C’estlachroniquemondaine,présentedanstouscesjournaux,quiestlepilierdelapublicitéduvêtement.

Ajoutonsàcettepressedemode: lesalmanachs,petits livrespouvantsemettredansunepoche,publiésannuellement,quisonttotalementoupartiellementdédiésà lamode,avecdesarticlesetdesgravuresde lamodedu jour (surtoutavant LaRévolution), commeparexempleL’Almanachdelatoilette (1777); lescataloguesdeventeparcorrespondancedesgrandsmagasins.

1.4.3.3.Lesouvragesthéoriques

LeDictionnaire du galant (1690) évoque les lois de lamode contemporaine. Lamode secaractérisantalorsparsamultiplicitéetsonrenouvellementconstant,lapremièreéditiondu

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Dictionnairedel’Académie(1694)mentionnel’expression«esclavesdelamode».En1719,on parle des «reines de lamode». L’Encyclopédie (1751-1772) de Diderot et d’Alembertfournitdenombreusespagessurlamode.

Dans lapremièremoitiéduXIX°, certainsécrits, s’inscrivantdans lecontexteduprolifiquejournalisme demode, connaissent un grand succès: L’Art demettre sa cravate en seizeleçons(Balzac,1827),LaPhysiologiedelatoilette(Balzac,1830),LeTraitédelavieélégante(Balzac, 1830), La Théorie de la démarche (Balzac, 1833), Théorie de l’élégance (EugèneChapus,1844),VieéléganteàParis(BarondeMortemartdeBoisse,1857),etc.Lepremierremporteunvéritablesuccèsd’éducationvestimentairepour lesélégantsetesttraduitenplusieurslangues.

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Extraitsducorpus

Leclassementutilisépourprésenterlesextraitsdenotrecorpusportentsurlesdifférentesfonctionsassignéesauvêtementdanslesœuvresétudiées.D’autrepart,levêtementesticipris au sens large: il comprend non seulement le vêtement principal, mais aussi lesaccessoiresdemode:lingerie,chapeauxetcoiffes,chaussures,gants,cravates,etc.

2.1.Levêtement,indicateurd’informationssurlepersonnage

Unedespremièresfonctionsduvêtementestd’informerlelecteursurlepersonnagequileporte:classesociale,étatdesarichesse,métier,caractère,etc.

2.1.1.Levêtement,révélateurdumilieusocio-économiquedupersonnage

2.1.1.1.Saclassesociale

Danslatenuevestimentaired’unindividu,lanatureetlaqualitédestissusutilisés(laine,lin,soie, etc.), la coupe, les couleurs, l’étatd’usureoud’ancienneté, laprésenced’ornementsfins (dentelles,broderies, filsd’or,perles,sequins,etc.)etd’accessoiresdemode(cravate,gants,mouchoirs,éventail,etc.)dressentunehiérarchiesociale.Balzacl’abiencompris,luiqui,dansLeTraitédelavieélégante,ainventélavestignomonie,science,qui,àlamanièredelaphysiognomoniedeGalletdeLavater,étudielesrapportsentrelevêtementetl’étatsocialdeceluiquileporte.Ainsi,danslevêtement,peut-onretrouverleshabituellesstratessocialesqueconstituentlespaysans,lesouvriers,lesbourgeoisetlesaristocrates.

Lespaysans

DansMadame Bovary, Flaubert décrit le monde paysan d’où est issue Emma et qu’elleexècre.Lespaysanssontdesgensquis’habillentavecbonsens,carlestravauxquotidiens,aux champs pour les hommes, à la ferme pour les femmes, nécessitent des vêtementssolidesetdontlacoupen’entravepaslesmouvements.Telestlecasdelagrosseblousedetoilebleue,exclusivementmasculine:

«Legarçondelaposte,qui,chaquematin,venaitpanserlajument,traversaitlecorridoravecsesgrossabots;sablouseavaitdestrous,sespiedsétaientnusdansdeschaussons.»(p.42)«Cependantonsortaitdel’église.Lesfemmesensabotscirés, lespaysansenblouseneuve, lespetitsenfantsquisautillaientnu-têtedevanteux,toutrentraitchezsoi.»(p.45)«Girardpassasablouseneuve,nouasonmouchoirautourdesabricots,etmarchantàgrandspaslourdsdanssesgrossesgalochesferrées,prittranquillementlechemind’Yonville.»(p.151)«Enrentrant,Charlessedéshabilla,et lepèreRouaultrepassasablousebleue.Elleétaitneuve,et,commeils’était,pendantlaroute,souventessuyélesyeuxaveclesmanches,elleavaitdéteintsursafigure;etlatracedespleursyfaisaitdeslignesdanslacouchedepoussièrequilasalissait.»(p.252-253)Lemouchoirestindissociabledelablouse.Ils’agitd’uncarrédetissunouéautourducouetavec lequel on se mouche, on s’éponge, on bande une plaie ou bien on préserve sonchapeau:«(…) lesmaris,aucontraire,afindeménager leurschapeaux,gardaientpar-dessusdesmouchoirsdepoche,dontilstenaientunangleentrelesdents.»(p.97-98)

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Lors du mariage d’Emma, bien que les dames soient vêtues à la façon de la ville, ellesportentencorelesvestigesducostumepaysan(pèlerines,fichus):

«Lesdames,enbonnet,avaientdesrobesà lafaçonde laville,deschaînesdemontreenor,despèlerinesàboutscroisésdanslaceinture,oudepetitsfichusdecouleurattachésdansledosavecuneépingle,etquileurdécouvraientlecouparderrière.»(p.18)Lespaysansnesontpasenclinsaujeuaveclesapparences.Poureux,lesjoursdefêtessontl’occasion de s’habiller somptueusement. Aisés ou non, on s’endimanche et on n’est pasridiculedes’habillerainsi:«Suivantleurpositionsocialedifférente,ilsavaientdeshabits,desredingotes,desvestes,deshabits-vestes:–bons habits, entourés de toute la considération d’une famille, et qui ne sortaient de l’armoire que pour lessolennités;redingotesàgrandesbasquesflottantauvent,àcolletcylindrique,àpocheslargescommedessacs; vestes de gros drap, qui accompagnaient ordinairement quelque casquette cerclée de cuivre à sa visière ;habits-vestestrèscourts,ayantdansledosdeuxboutonsrapprochéscommeunepaired’yeux,etdontlespanssemblaientavoirétécoupésàmêmeunseulbloc,parlahacheducharpentier.Quelques-unsencore(maisceux-là,biensûr,devaientdîneraubasboutdelatable)portaientdesblousesdecérémonie,c’est-à-diredontlecolétaitrabattusurlesépaules,ledosfroncéàpetitsplisetlatailleattachéetrèsbasparuneceinturecousue.Etleschemisessur lespoitrinesbombaientcommedescuirasses !Tout lemondeétait tonduàneuf, lesoreilless’écartaientdestêtes,onétaitrasédeprès(…)»(p.18-19)Onserase,onmetunpantalonneuf,onsortdesarmoireslesplusbellestenues.Onnedoitpasêtrenégligé,maisonnedoitpasnonpluss’écarterdesréférenceshabituelles,commelesoulignel’extraitsuivant:«– La filleaupèreRouault,unedemoiselledeville !Allonsdonc ! leurgrand-pèreétaitberger, et ilsontuncousinquiafaillipasserparlesassisespourunmauvaiscoup,dansunedispute.Cen’estpaslapeinedefairetantdefla-fla,nidesemontrerledimancheàl’égliseavecunerobedesoie,commeunecomtesse.»(p.12)Lesouvriers

Latenuevestimentairedesouvrierssecaractériseaussiparl’omniprésencedelablouse.

«(…), une espèce de jeune ouvrier, maigre, blême, petit, marqué de taches de rousseur, vêtu d’une blousetrouéeetd’unpantalondeveloursàcôtesrapiécé(…)»(t.4,p.250)

Les ouvriers vont souvent nu-pieds et leurs habits sont usés, comme ceux des quatrehommes, lors du guet-apens préparé par Jondrette (alias Thénardier) àM. Leblanc (aliasJeanValjean),dansLesMisérables:

«Unhommevenaitd’entrer,sidoucementqu’onn’avaitpasentendutournerlesgondsdelaporte.Cethommeavaitungiletdetricotviolet,vieux,usé,taché,coupéetfaisantdesbouchesouvertesàtoussesplis,unlargepantalon de velours de coton, des chaussons à sabots aux pieds, pas de chemise, le cou nu, les bras nus ettatoués,et le visagebarbouillédenoir. (…)– Qu’est-cequec’estquecethomme?ditM. Leblanc.– Ça? fitJondrette,c’estunvoisin.Nefaitespasattention.Levoisinétaitd’unaspectsingulier.CependantlesfabriquesdeproduitschimiquesabondentdanslefaubourgSaint-Marceau.Beaucoupd’ouvriersd’usinespeuventavoirlevisage noir. Toute la personne deM. Leblanc respirait d’ailleurs une confiance candide et intrépide.(…) Un

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secondhommevenaitd’entreretdes’asseoirsurlelit,derrièrelaJondrette.Ilavait,commelepremier,lesbrasnusetunmasqued’encreoudesuie.»(t.3,p.217)«Il yavaitmaintenantquatrehommes, troisassis sur le lit, undeboutprèsdu chambranlede laporte, tousquatrebrasnus,immobiles,levisagebarbouillédenoir.Undeceuxquiétaientsurlelits’appuyaitaumur,lesyeux fermés, et l’on eût dit qu’il dormait. Celui-là était vieux, ses cheveux blancs sur son visage noir étaienthorribles.Lesdeuxautressemblaientjeunes.L’unétaitbarbu,l’autrechevelu.Aucunn’avaitdesouliers;ceuxquin’avaientpasdechaussonsétaientpiedsnus.Jondretteremarquaquel’œildeM.Leblancs’attachaitàceshommes.– C’estdesamis.Çavoisine,dit-il.C’estbarbouilléparcequeçatravailledanslecharbon.Cesontdesfumistes.»(t.3,p.218)Lesbourgeois

Lesbourgeoissontvêtusdefaçonnonprovocante,maisconfortable.Lestissussontmoinsgrossiersquelestissusutilisésparlespaysans.Leveloursestl’undestissusleplussouventemployé.Ilenestainsipourlesnotablesassissurl’estrade,dansMadameBovary:

«Touscesgens-làseressemblaient.Leursmollesfiguresblondes,unpeuhâléesparlesoleil,avaientlacouleurdu cidre doux, et leurs favoris bouffants s’échappaient de grands cols roides, quemaintenaient des cravatesblanchesàrosettebienétalée.Touslesgiletsétaientdevelours,àchâle;touteslesmontresportaientauboutd’un long rubanquelquecachetovaleencornaline ;et l’onappuyait sesdeuxmains sur sesdeuxcuisses,enécartantavec soin la fourchedupantalon, dont le drapnondécati reluisait plusbrillammentque le cuir desfortesbottes.»(p.103-104)

Ouencoredupharmacien,M.Homais:

«Unhommeenpantouflesdepeauverte,quelquepeumarquédepetitevéroleetcoifféd’unbonnetdeveloursàglandd’or,sechauffaitledoscontrelacheminée.Safiguren’exprimaitrienquelasatisfactiondesoi-même,etilavaitl’airaussicalmedanslaviequelechardonneretsuspenduau-dessusdesatête,dansunecaged’osier:c’étaitlepharmacien.»(p.53)

Le bourgeois, lorsqu’il est avare, change peu souvent d’habit, comme les époux GrandetdansEugénieGrandetdeBalzac:

«Toujours vêtu de lamêmemanière, qui le voyait aujourd’hui le voyait tel qu’il était depuis 1791. Ses fortssoulierssenouaientavecdes : cordonsdecuir ; ilportaiten tout tempsdesbasde lainedrapés,uneculottecourte de gros drapmarron à boucles d’argent, un gilet de velours à raies alternativement jaunes et puces,boutonné carrément, un large habit marron, grands pans, une cravate noire et un chapeau de quaker. Sesgants,aussisolidesqueceuxdesgendarmes,luiduraientvingtmois,et,pourlesconserverpropres,illesposaitsurleborddesonchapeauàlamêmeplace,parungesteméthodique.»(p.8)«MadameGrandetmettait constamment une robe de levantine verdâtre, qu’elle s’était accoutumée à fairedurer près d’une année ; elle portait un grand fichu de cotonnade blanche, un chapeau de paille cousue, etgardaitpresquetoujoursuntablierdetaffetasnoir.Sortantpeudulogis,elleusaitpeudesouliers.»(p.16)Les bourgeoises sont vêtues élégamment, mais simplement, comme Cosette, dans LesMisérables:

«(…)c’étaitunepersonnebienmiseavecunesorted’élégancesimpleetricheetsansmanière.Elleavaitunerobededamasnoir,uncamaildemêmeétoffeetunchapeaudecrêpeblanc.Sesgantsblancsmontraient lafinessedesamainquijouaitaveclemanched’uneombrelleenivoirechinois,etsonbrodequindesoiedessinaitlapetitessedesonpied.»(t.3,p.128)

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Touteslesbourgeoisesportentunchapeau,aucoursdessortiesenpleinair,carunefemmeen cheveu est une femme du peuple. C’est pourquoi, dans La Curée, Renée se pare dedifférentschapeaux:

Sesétrangescheveuxfauvespâles,dontlacouleurrappelaitcelledubeurrefin,étaientàpeinecachésparunmincechapeauornéd’unetouffederosesduBengale.»(p.1)«(…)unepetitetoque,àgrandevoiletteblanche(…).»(p.146)Lesaristocrates

Levêtementdesaristocratesesttaillédansdestissusfinsetprécieuxauxcouleursclaires.Ilest de plus accompagné de nombreux ornements, comme celui des dames au bal de laVaubeyssard,dansMadameBovary:

«Surlalignedesfemmesassises,leséventailspeintss’agitaient,lesbouquetscachaientàdemilesouriredesvisages,etlesflaconsàbouchond’ortournaientdansdesmainsentrouvertesdontlesgantsblancsmarquaientla formedesongleset serraient lachairaupoignet.Lesgarnituresdedentelles, lesbrochesdediamants, lesbracelets àmédaillon frissonnaient aux corsages, scintillaient aux poitrines, bruissaient sur les bras nus. Leschevelures,biencolléessurlesfrontsettorduesàlanuque,avaient,encouronnes,engrappesouenrameaux,desmyosotis,dujasmin,desfleursdegrenadier,desépisoudesbluets.Pacifiquesàleursplaces,desmèresàfigurerenfrognéeportaientdesturbansrouges.»(p.35-36)Les habits des aristocrates brillent grâce à l’emploi de satins et de fils d’or et d’argent,comme la robe de la duchesse de **** dans Le Plus bel amour de Don Juande Barbeyd’Aurevilly:

«(…) mince et idéale comme une arabesque et comme une fée, dans sa robe de velours vert aux refletsd’argent,dont la longue traîne se tordaitautourde sa chaise, et figuraitassezbien laqueuede serpentparlaquelleseterminaitlacroupecharmantedeMélusine.»(p.45)

OucelledelaComtessedeSavigny(aliasChaireHautassin)dansLeBonheurdanslecrimedumêmeauteur:

«Lesatin,c’étaitlafemme,quiavaitunerobedecetteétoffemiroitante–unerobeàlonguetraîne.(p.61)

Quant aux hommes, c’est le plus souvent la façon de porter leur habit qui trahit leurappartenanceàl’aristocratie,commechezleComteSavignydansLeBonheurdanslecrime:

«L’homme,élancéetaussipatriciendanssaredingotenoirestrictementboutonnée,commecelled’unofficierde cavalerie, que s’il avait porté un de ces costumes que le Titien donne à ses portraits, ressemblait par satournurebusquée,sonairefféminéethautain,sesmoustachesaiguëscommecellesd’unchatetquiàlapointecommençaientàblanchir,àunmignondutempsdeHenriIII;etpourquelaressemblancefûtpluscomplète,ilportait des cheveux courts, qui n’empêchaient nullement de voir briller à ses oreilles deux saphirs d’un bleusombre,quimerappelèrentlesdeuxémeraudesqueSbogarportaitàlamêmeplace…»(p.60)

Sil’habitnoirlaissepeudepossibilitéàl’ornementationetàlafantaisie,c’estlemaintienetle port qui classe inévitablement dans la haute société. Aussi, au XIX°, les arrivistes,dissimulent-ilsleurmanquedegrâceenexhibantdesbijouxvoyants,alorsquelesmanuelsdesavoir-vivrede l’époquenepréconisentque latabatière, lamontreet le lorgnonenor,commeenpossèdeCharlesGrandet:

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«MonsieurCharles,ainsi senommait le filsdemonsieurGrandetdeParis,ens’entendant interpeller,pritunpetitlorgnonsuspenduparunechaîneàsoncol,l’appliquasursonœildroitpourexamineretcequ’ilyavaitsurlatableetlespersonnesquiyétaientassises(…)»(p.22)

2.1.1.2.Sesressourcesfinancières

Lespauvres

DansLesMisérables,levêtementestunemarqueessentiellepourdirel’étatdesressourcesd’un personnage. Les nécessiteux sont le plus souvent représentés avec des habitsdéchiquetés laissant voirdespartiesdu corps, commeGavroche, l’archétypedugamindeParis:

«Iln’apasdechemisesurlecorps,pasdesouliersauxpieds,pasdetoitsurlatête;ilestcommelesmouchesducielquin’ontriendetoutcela.Iladeseptàtreizeans,vitparbandes,batlepavé,logeenpleinair,porteunvieuxpantalondesonpèrequiluidescendplusbasquelestalons,unvieuxchapeaudequelqueautrepèrequilui descend plus bas que les oreilles, une seule bretelle en lisière jaune, court, guette, quête, perd le temps,culottedespipes, jure commeundamné,hante le cabaret, connaîtdesvoleurs, tutoiedes filles,parleargot,chantedeschansonsobscènes,etn’ariendemauvaisdanslecœur.»(t.3,p.1-2)«N’exagérons point, ce chérubin du ruisseau a quelquefois une chemise, mais alors il n’en a qu’une ; il aquelquefoisdessouliers,maisalorsilsn’ontpointdesemelles»(t.3,p.3)«Cet être braille, raille, gouaille, bataille, a des chiffons comme un bambin et des guenilles comme unphilosophe(…)»(t.3,p.5)«Il y a deux choses dont il est le Tantale et qu’il désire toujours sans y atteindre jamais : renverser legouvernementetfairerecoudresonpantalon.»(t.3,p.13)«Cetenfantétaitbienaffubléd’unpantalond’homme,maisilneletenaitpasdesonpère,etd’unecamisoledefemme,maisilnelatenaitpasdesamère.Desgensquelconquesl’avaienthabillédechiffonsparcharité.»(t.3,p.22«Ilétaitnuitclose.Cetenfantétaitpâle,maigre,vêtudeloques,avecunpantalondetoileaumoisdefévrier,etchantaitàtue-tête.»(t.3,p.244).Les vagabonds et lesmendiants sont surtout représentés avec des haillons, comme Jean-Valjean:

«Unecasquetteàvisièredecuirrabattuecachaitenpartiesonvisagebrûléparlesoleiletlehâleetruisselantde sueur. Sa chemise de grosse toile jaune, rattachée au col par une petite ancre dʹargent, laissait voir sapoitrinevelue;ilavaitunecravatetordueencorde,unpantalondecoutilbleu,uséetrâpé,blancàungenou,trouéàlʹautre,unevieilleblousegriseenhaillons,rapiécéeàlʹundescoudesdʹunmorceaudedrapvertcousuavecde la ficelle, sur ledosunsacdesoldat fortplein,bienboucléet toutneuf,à lamainunénormebâtonnoueux,lespiedssansbasdansdessouliersferrés,latêtetondueetlabarbelongue.»(t.1,51)«Ilavaitunchapeaurond fortvieuxet fortbrossé,uneredingote râpée jusqu’à lacordeengrosdrap jauned’ocre,couleurquin’avaitriendetropbizarreàcetteépoque,ungrandgiletàpochesdeformeséculaire,desculottesnoiresdevenuesgrisesauxgenoux,desbasdelainenoireetd’épaissouliersàbouclesdecuivre.»(t.2,p.90)Defaçongénérale,c’estl’usureduvêtementquitrahitlapauvretéd’unpersonnage,commecelledeMarius:

«(…)l’habitpercéaucoude,levieuxchapeauquifaitrirelesjeunesfilles,laportequ’ontrouveferméelesoirparce qu’on ne paye pas son loyer, l’insolence du portier et du gargotier, les ricanements des voisins, leshumiliations,ladignitérefoulée,lesbesognesquelconquesacceptées,lesdégoûts,l’amertume,l’accablement.Mariusappritcommentondévoretoutcela,etcommentcesontsouventlesseuleschosesqu’onaitàdévorer.À cemoment de l’existence où l’hommea besoin d’orgueil, parce qu’il a besoin d’amour, il se sentitmoqué

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parcequ’ilétaitmalvêtu,etridiculeparcequ’ilétaitpauvre.Àl’âgeoùlajeunessevousgonflelecœurd’unefiertéimpériale,ilabaissaplusd’unefoissesyeuxsursesbottestrouées,etilconnutleshontesinjustesetlesrougeurspoignantesdelamisère.»(t.3,p.103-104)»«Lesoir,enrentrantdanssongaletas,Mariusjetalesyeuxsursonvêtement,ets’aperçutpourlapremièrefoisqu’il avait lamalpropreté, l’inconvenance et la stupidité inouïe d’aller se promener au Luxembourg avec seshabits«detouslesjours»,c’est-à-direavecunchapeaucasséprèsdelaganse,degrossesbottesderoulier,unpantalonnoirblancauxgenouxetunhabitnoirpâleauxcoudes.»(t.3,p.130)OubienencoreSalomonetsonépouse:

«Cethommeavaitune longuebarbegrise. Il était vêtud’une chemisede femmequi laissait voir sapoitrinevelue et ses bras nus hérissés de poils gris. Sous cette chemise, on voyait passer un pantalon boueux et desbottesdontsortaientlesdoigtsdesespieds.»(t.3,p.173)«Unegrosse femmequipouvaitavoir quaranteansou centansétait accroupieprèsde la cheminée sur sestalonsnus.Ellen’étaitvêtue,elleaussi,qued’unechemise,etd’unjupondetricotrapiécéavecdesmorceauxdevieuxdrap.Untablierdegrossetoilecachaitlamoitiédujupon.»(t.3,p.174)Desvêtementsnonadaptésàlatailledupersonnagetrahissentaussisapauvreté.Celui-cilesasoitreçusd’uneautrepersonne,soitachetésàunfripier,commec’estlecasdeThénardier:

«Cethomme,vieuxdureste,avait lenezgros, lementondanslacravate,des lunettesvertesàdoubleabat-jourdetaffetasvertsurlesyeux,lescheveuxlissésetaplatissurlefrontaurasdessourcilscommelaperruquedescochersanglaisdehighlife.Sescheveuxétaientgris.Ilétaitvêtudenoirdelatêteauxpieds,d’unnoirtrèsrâpé,maispropre;untrousseaudebreloques,sortantdesongousset,yfaisaitsupposerunemontre.Iltenaitàlamainunvieuxchapeau. Ilmarchaitvoûté,et lacourburedesondoss’augmentaitde laprofondeurdesonsalut.Cequifrappaitaupremierabord,c’estquel’habitdecepersonnage,tropample,quoiquesoigneusementboutonné,nesemblaitpasfaitpourlui.»(t.5,p.257)«SiMariusavaitétéfamilieravec les institutionsoccultesdeParis, ileûttoutdesuitereconnu,sur ledosduvisiteurqueBasquevenaitd’introduire, l’habitd’hommed’ÉtatempruntéauDécroche-moi-çaduchangeur.»(t.5,p.258)Thénardieresttoutdenoirvêtu.Onretrouveici,chezVictorHugo,uneidéechèreàBalzac:les couleurs foncées, conjuguées aux matières pauvres et grumeleuses indiquent lapauvreté,alorsquelesrichessontvêtusd’habitsauxcouleursclaires.Lepauvrevitdansdusombre,lerichedansduclair.

Enfin,lesfemmespauvress’habillentelles-aussidecouleurfoncée,commelenoirdelarobedeDenisedansAuBonheurdesdamesdeZola:

«Denise,dontlesvingt-cinqfrancsd’appointementsfixesétaientchaquemoisdévorésparlesenfants,n’avaitpuquerafraîchirsavieillerobede lainenoire,en lagarnissantdebiaisdepopelineàpetitscarreaux;etelles’étaitfaitelle-mêmeunchapeau,avecuneformedecapoterecouvertedesoieetornéed’unrubanbleu.Danscette simplicité, elle avait l’air très jeune, un air de fille grandie trop vite, d’une propreté de pauvre, un peuhonteuseetembarrasséeduluxedébordantdesescheveux,quicrevaientlanuditédesonchapeau.»(p.108)Mais,pauvreténevapassansélégance.IlenestainsidelapetiteFadette,quiessaiedetirerpartideseshabitsdepauvresse:

«C’étaitbien toujours sonpauvredressage, son jupondedroguet, sondevanteau rougeet sacoiffede lingesansdentelle ;maiselleavait reblanchi, recoupéet recousutoutceladans lecourantde lasemaine.Sarobeétait plus longue et tombait plus convenablement sur ses bas, qui étaient bien blancs, ainsi que sa coiffe,

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laquelleavaitpris laformenouvelleets’attachaitgentimentsursescheveuxnoirsbien lissés ;sonfichuétaitneufetd’unejoliecouleurjaunedouxquifaisaitvaloirsapeaubrune.Elleavaitaussirallongésoncorsage,et,aulieud’avoirl’aird’unepiècedeboishabillée,elleavaitlataillefineetployantecommelecorpsd’unebellemoucheàmiel.»(p.81-82)

George Sandmontre ici que la personnalité dépasse l’accoutrement, puisque l’héroïne, simalvêtuelorsdubalpaysan,comprendl’opportunitédes’habillerraisonnablementetsaitaccorderl’êtreetleparaître.

Lesriches

AuXIX°, lorsque lebourgeois veutmanifester sonopulence, il utilise sonépouseet/ou samaîtresse qu’il pare des plus beaux atours. Une femme dumonde qui veut respecter lesarcanesdelabienséancevestimentairedoitdisposerdeseptàhuittoilettesparjour:robede chambre du matin, toilette de cheval pour la promenade, toilette pour le déjeuner,toilettedeville,toilettedevisite,toilettedepromenadesiellevaauBois,toilettedesoirée,etc.DansLaCurée,Renéeestunevéritableenseignedelarichessedesonmari,Saccard:

AuBois:«Elleportait,surunerobedesoiemauve,àtablieretàtunique,garniedelargesvolantsplissés,unpetitpaletotdedrapblanc,auxreversdeveloursmauve,quiluidonnaitungrandairdecrânerie.»(p.1)

Al’heuredudîner:«QuandRenéeentra,ilyeutunmurmured’admiration.Elleétaitvraimentdivine.Surunepremièrejupedetulle,garnie,derrière,d’unflotdevolants,elleportaitunetuniquedesatinverttendre,bordéed’une haute dentelle d’Angleterre, relevée et attachée par de grosses touffes de violettes ; un seul volantgarnissait le devant de la jupe, où des bouquets de violettes, reliés par des guirlandes de lierre, fixaient unelégèredraperiedemousseline. Lesgrâcesde la têteetdu corsageétaientadorables, au-dessusde ces jupesd’une ampleur royale et d’une richesse un peu chargée. Décolletée jusqu’à la pointe des seins, les brasdécouvertsavecdestouffesdeviolettessurlesépaules,lajeunefemmesemblaitsortirtoutenuedesagainedetulleetdesatin,pareilleàunedecesnymphesdontlebustesedégagedeschênessacrés;etsagorgeblanche,soncorpssouple,étaitdéjàsiheureuxdesademi-liberté,queleregards’attendaittoujoursàvoirpeuàpeulecorsageet les jupesglisser, comme levêtementd’unebaigneuse, folledesachair.Sacoiffurehaute, ses finscheveux jaunesretroussésenformedecasque,etdans lesquelscouraitunebranchede lierre,retenueparunnœuddeviolettes,augmentaientencoresanudité,endécouvrantsanuquequedespoilsfollets,semblablesàdesfilsd’or,ombraientlégèrement.Elleavait,aucou,unerivièreàpendeloques,d’uneeauadmirable,et,surlefront,uneaigrette faitedebrinsd’argent,constellésdediamants.Etellerestaainsiquelquessecondessur leseuil,deboutdanssatoilettemagnifique,lesépaulesmoiréesparlesclartéschaudes.»(p.14-15)

Danslaserre:«Danssarobedesatinvert,lagorgeetlatêterougissantes,mouilléesdesgouttesclairesdesesdiamants, elle ressemblait à une grande fleur, rose et verte, à un des Nymphéa du bassin, pâmée par lachaleur.»(p.31)

Alapatinoire:«Unedeleursgrandespartiesfutdepatiner;cethiver-là,lepatinétait,àlamode,l’empereurétantalléundespremiersessayerlaglacedulac,auboisdeBoulogne.RenéecommandaàWormsuncostumecompletdePolonaise,veloursetfourrure;»(p.142)

2.1.1.3.Saprofession

Dans notre corpus, les personnages, dont le vêtement révèle le métier, sont plusparticulièrementleshommesd’Etat,lesmilitaires,lespoliciersetlesreligieux.

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Levêtementdeshommesd’état

L’homme d’état se reconnaît principalement aux parures et accessoires complétant soncostume:couronne,cordons,décorations,etc.

LeroiLouisXVIII,dansLesMisérables:«Onvoyaitdansl’angledufondàdroite,surdescoussinscapitonnésdesatinblanc,unefacelarge,fermeetvermeille,unfrontfraispoudréàl’oiseauroyal,unœilfier,duretfin,unsouriredelettré,deuxgrossesépaulettesàtorsadesflottantessurunhabitbourgeois,latoisond’or,lacroixdeSaint-Louis,lacroixdelalégiond’honneur,laplaqued’argentdusaint-esprit,ungrosventreetunlargecordonbleu;c’étaitleroi.HorsdeParis,iltenaitsonchapeauàplumesblanchessursesgenouxemmaillotésdehautesguêtresanglaises ;quand il rentraitdans laville, ilmettait sonchapeausur sa tête, saluantpeu. Il regardaitfroidementlepeuple,quileluirendait.»(t.2,p.91)

L’empereur dans La Curée: «Il était en habit, avec l’écharpe rouge du grand cordon. Renée, reprise parl’émotion,distinguaitmal,etcettetachesaignanteluisemblaitéclaboussertoutelapoitrineduprince.»(p.97)

«Derrièreeux,ilslaissaientunvide.Alorsdanscevide,l’empereurparut.Ilétaitaufondd’unlandau,seulsurlabanquette.Vêtudenoir,avecsaredingoteboutonnéejusqu’aumenton,ilavaitunchapeautrèshautdeforme,légèrementincliné,etdontlasoieluisait.(p.224-225)Levêtementdeshommesd’argent

DansLaComédiehumaine,leshommesd’argentportenttouslesmêmesvêtements,dontlacaractéristique essentielle est d’être anti-mode: forts souliers quand la mode est auxchaussures finesouauxbottes; culottesau lieudepantalons; gilets simplesquand toutel’élégance masculine du moment se concentre sur le gilet; couleurs sombres. Ils sontl’antithèse des dandys. Chez eux, le cumul de l’argent est incompatible avec lerenouvellementdispendieux impliquépar lamode.Leurpouvoirestd’autantpluspuissantqu’ilestdissimulésousdesdehorssimples.IllusionsPerduesenmetenactionplusieursquiœuvrentautourdulivre:

Chaboisseau, libraire : «Chaboisseau, petit homme à cheveux poudrés, à redingote verdâtre, gilet couleurnoisette,décoréd’une culottenoireet terminépardesbas chinésetdes souliersqui craquaient sous lepied(…)»(p.299)

LePèreSéchard,imprimeur:«Jérôme-NicolasSéchardportaitdepuistrenteanslefameuxtricornemunicipal,qui dans quelques provinces se retrouve encore sur la tête du tambour de la ville. Son gilet et son pantalonétaientenveloursverdâtre.Enfin,ilavaitunevieilleredingotebrune,desbasdecotonchinésetdessouliersàbouclesd’argent.Cecostumeoùl’ouvrierseretrouvaitencoredanslebourgeoisconvenaitsibienàsesvicesetà ses habitudes, il exprimait si bien sa vie, que ce bonhomme semblait avoir été créé tout habillé : vous nel’auriezpasplusimaginésanssesvêtementsqu’unoignonsanssapelure.»(p.5)

Doguereau,libraire:«Iltrouvadanslaboutiqueunsinguliervieillard,l’unedesfiguresoriginalesdelalibrairiesousl’Empire.Doguereauportaitunhabitnoiràgrandesbasquescarrées,etlamodetaillaitalorslesfracsenqueuedemorue.Ilavaitungiletd’étoffecommuneàcarreauxdediversescouleursd’oùpendaient,àl’endroitdugousset,unechaîned’acieretuneclefdecuivrequi jouaientsurunevasteculottenoire.Lamontredevaitavoir la grosseur d’unoignon. Ce costumeétait complétépar des basdrapés, couleur gris de fer, et par dessouliers ornés de boucles en argent. Le vieillard avait la tête nue, décorée de cheveux grisonnants, et assezpoétiquementépars.LepèreDoguereau,commel’avaitsurnomméPorchon,tenaitparl’habit,parlaculotteetparlessouliersauprofesseurdebelles-lettres,etaumarchandparlegilet,lamontreetlesbas.»(p.140-141)

LegrandCointet,imprimeur:«Quoiquesataillenefûtqu’unpeuau-dessusdelamoyenne,ilparaissaitgrandàcausedesamaigreur,quiannonçaitunenatureaccabléedetravail,unepenséeencontinuellefermentation.

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Saphysionomiejésuitiqueétaitcomplétéeparunechevelureplate,grise,longue,tailléeàlafaçondecelledesecclésiastiques,etparsonvêtementqui,depuisseptans,secomposaitd’unpantalonnoir,debasnoirs,d’ungiletnoiretd’unelévite(lenomméridionald’uneredingote)endrapcouleurmarron.»(p.354)

Samanon,bouquinisteetprêteursurgages:«Unepetiteredingoterâpéearrivéeàl’étatd’amadou,unecravatenoiredéteinte,uséeparsabarbe,etquilaissaitvoiruncouridécommeceluid’undindon,annonçaientpeul’enviederacheterparlatoiletteunephysionomiesinistre.»(p.300)

Levêtementdesmilitaires

L’habitmilitaire est reconnaissable entre tous, comme celui du simple soldat et celui desofficiers,rencontrésdansLesMisérables.

Unsoldat:«C’étaituninvalidetoutcourbé,toutridéettoutblanc,enuniformeLouisXV,ayantsurletorselapetite plaque ovale de drap rouge aux épées croisées, croix de Saint-Louis du soldat, et orné en outre d’unemanched’habitsansbrasdedans,d’unmentond’argentetd’unejambedebois.»(t.3,p.141)

LecolonelGeorgesPontmercy:«Larestaurationl’avaitmisàlademi-solde,puisl’avaitenvoyéenrésidence,c’est-à-direensurveillance,àVernon.LeroiLouisXVIII,considérantcommenonavenutoutcequis’était faitdanslesCent-Jours,neluireconnutnisaqualitéd’officierdelalégiond’honneur,nisongradedecolonel,nisontitredebaron.Lui,desoncôté,nenégligeaitaucuneoccasiondesignerlecolonelbaronPontmercy.Iln’avaitqu’un vieil habit bleu, et il ne sortait jamais sans y attacher la rosette d’officier de la légion d’honneur. Leprocureurdu roi le fitprévenirque leparquet lepoursuivraitpour«port illégaldecettedécoration».» (t.3,p.43)

Théodule Gillenormand: «(…) un fort bel officier de lanciers, taille de guêpe, ravissant uniforme, joues dejeunefille,sabresouslebras,moustachescirées,schapskaverni.»t.4,(p.98)

Deplus,lorsqu’unmilitairequittelaviemilitaire,ilgardetoujoursdanssonvêtementetsonallurequelquechosequitrahitsonancienneprofession,commelepréciseBarbeyd’AurevillydansAundînerd’athées:«Cesofficiers,anciensbeauxdel’Empire,oùilyeuttantdebeaux,avaient,certes!delabeautéetmêmedel’élégance ; mais leur beauté était régulière, tempéramenteuse, purement ou impurement physique, et leurélégance soldatesque.Quoiqueenhabitsbourgeois, ilsavaient conservé le raidede l’uniforme,qu’ilsavaientportétouteleurvie.Selonuneexpressiondeleurvocabulaire,ilsétaientunpeutropficelés.»(p.142)Levêtementdespoliciers

Lepolicierétantunpetitfonctionnaire,ilchangepeudevêtement.Celui-ciesttoujoursnoiret peu attirant, afin de pouvoir passer inaperçu. Il paraît lui-même rigide. Mais, s’il estpresquetoujoursusé, ilrestepropreetcorrectementendossé.DansSplendeursetMisèresdescourtisanes,BalzacnousmontrecombienilestaisédedécouvrirqueContensonestunespion,justeendéchiffrantsoncostume:

«Etquelscommentairesdesavieetdesesmœursn’étaientpasécritsdanssoncostume,pourceuxquisaventdéchiffreruncostume?Quelpantalonsurtout!unpantalonderecors,noiretluisantcommel’étoffeditevoileaveclaquelleonfaitlesrobesd’avocats!ungiletachetéauTemple,maisàchâleetbrodé!…unhabitd’unnoirrouge ! … Et tout cela brossé, quasi propre, orné d’une montre attachée par une chaîne en chrysocale.Contensonlaissaitvoirunechemisedepercalejaune,plissée,surlaquellebrillaitunfauxdiamantenépingle!Le col de velours ressemblait à un carcan, sur lequel débordaient les plis rouges d’une chair de caraïbe. Lechapeaudesoieétait luisantcommedusatin,maislacoiffeeûtrendudequoifairedeuxlampionssiquelque

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épicierl’eûtachetépourlefairebouillir.Cen’estrienqued’énumérercesaccessoires,ilfaudraitpouvoirpeindrel’excessive prétentionqueContenson savait leur imprimer. Il y avait je ne sais quoi de coquet dans le col del’habit, dans le cirage tout frais des bottes à semelles entrebâillées, qu’aucune expression française ne peutrendre.Enfin,pourfaireentrevoircemélangedetonssidivers,unhommed’espritauraitcompris,àl’aspectdeContenson,que,siaulieud’êtremouchardileûtétévoleur,toutescesguenilles,aulieud’attirerlesouriresurleslèvres,eussentfaitfrissonnerd’horreur.Surlecostume,unobservateursefûtdit:–Voilàunhommeinfâme,ilboit,iljoue,iladesvices,maisilnesesoûlepas,maisilnetrichepas,cen’estniunvoleur,niunassassin.EtContensonétaitvraimentindéfinissablejusqu’àcequelemotespionfûtvenudanslapensée.»(p.75-76)

Lechapeaupeutindiqueraussiquel’onàfaireàunpolicier,commeceluideJavert,dansLesMisérables:

«Souvent,quandM.Madeleinepassaitdansune rue,calme,affectueux,entourédesbénédictionsde tous, ilarrivaitqu’unhommedehautetaillevêtud’uneredingotegrisdefer,arméd’unegrossecanneetcoifféd’unchapeaurabattu,seretournaitbrusquementderrièrelui,etlesuivaitdesyeuxjusqu’àcequ’ileûtdisparu(…).»(t.1,p.144)

Levêtementdesreligieux

DansSplendeursetMisèresdescourtisanesdeBalzac,JacquesCollin,bagnardévadé,abienétudiél’habitdesprêtrespourpouvoirl’endossersansêtredémasqué:

«Iln’estpasindifférentdefaireobserverqueJacquesCollin,vêtucommeunecclésiastiquequines’astreintpasau costume, portait un pantalon noir, des bas noirs, des souliers à boucles en argent, un gilet noir, et unecertaineredingotemarronfoncé,dontlacoupetrahitleprêtrequoiqu’ilfasse,surtoutquandcesindicessontcomplétés par la taille caractéristique des cheveux. Jacques Collin portait une perruque superlativementecclésiastique,etd’unnaturelexquis.»(p.322)

Les religieuses ont aussi un habit reconnaissable entre tous. Dans Les Misérables, VictorHugodécritceluidesbernardines-bénédictinesdeMartinVerga:

«Ellessontvêtuesdenoiravecuneguimpequi,selonlaprescriptionexpressedesaintBenoît,montejusqu’aumenton.Unerobedesergeàmanches larges,ungrandvoilede laine, laguimpequimonte jusqu’aumentoncoupéecarrémentsurlapoitrine,lebandeauquidescendjusqu’auxyeux,voilàleurhabit.Toutestnoir,exceptélebandeauquiestblanc.Lesnovicesportentlemêmehabit,toutblanc.»(t.2,p.180)

2.1.1.4.Sonintégrationsociale

Lesparias

Levêtementd’unpersonnagepeutmontrerledegrédesonintégrationdanslasociétédanslaquelleilvit.Ceuxquisonttenusàl’écartsontreconnaissablesàleurshabits.Ilenestainsidetouslesparias:reprisdejustice,prisonniers,bagnards,galériens,etc.

DansSplendeursetMisèresdescourtisanes,Balzacdécritlesvêtementsdesprisonniers:

«L’hommedesclassesmoyennesétantlàl’exception,etlahonteretenantdansleurscellulesceuxquelecrimey envoie, les habitués du préau sont généralementmis comme les gens de la classe ouvrière. La blouse, lebourgeron, lavestedeveloursdominent.Cescostumesgrossiersousales,enharmonieaveclesphysionomiescommunesou sinistres,avec lesmanièresbrutales,unpeudomptéesnéanmoinspar lespensées tristesdontsont saisis les prisonniers, tout, jusqu’au silence du lieu, contribue à frapper de terreur ou de dégoût le rarevisiteur,àquidehautesprotectionsontvaluleprivilègepeuprodiguéd’étudierlaConciergerie.»(p.315)

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DansLesMisérables,VictorHugodécritceuxdeshommesenpartancepourlesgalères:

«Ilsétaientlividesdufrissondumatin.Ilsavaienttousdespantalonsdetoileetlespiedsnusdansdessabots.Leresteducostumeétaitàlafantaisiedelamisère.Leursaccoutrementsétaienthideusementdisparates;rienn’estplusfunèbrequel’arlequindesguenilles.Feutresdéfoncés,casquettesgoudronnées,d’affreuxbonnetsdelaine,et,prèsdubourgeron,l’habitnoircrevéauxcoudes;plusieursavaientdeschapeauxdefemme;d’autresétaient coiffés d’un panier ; on voyait des poitrines velues, et à travers les déchirures des vêtements ondistinguaitdestatouages,destemplesdel’amour,descœursenflammés,desCupidons.»(t.4,p.82)Lesprostituées,lescourtisanes

Ilestunautregenredepersonnagetenusàl’écartparlabourgeoisie,c’estlaprostituéeoulacourtisane.Sielleestsouventreconnaissableparsestenuestropvoyantesouindécentes,son vêtement est attaché à une couleur particulière, le jaune. En effet, soucieux dedistinguer les prostituées des femmes honnêtes, les législateurs ont créé des codes devisibilité.Cefutd’abordl’obligationdeporteruneceinturedoréequifutremiseencauseparSaint-Louis. Par la suite, les prostituées ont fréquemment emblématisées par la couleurrouge(robe,aiguillette,écharpe,chaperon,manteauselonlesvillesetlesdécennies).Mais,dans la rivalité entre cesdeux couleurs, le jaune semble avoir gagnéet est restédans lesesprits au XIX°, comme on peut le constater dans La Vengeance d’une femme de Barbeyd‘Aurevilly:

«(…) quoique ce jeune homme, qui s’appelait Robert de Tressignies, fût horriblement blasé et qu’il revîntd’Orient,–oùilavaitvul’animalfemmedanstouteslesvariétésdesonespèceetdesesraces,–àlacinquièmepassedecettedéambulantedusoir,ill’avaitsuivie…(…)Tressigniessedisaitconfusémenttoutcela,enmettantsonpasdans lepasdecettefemme,quimarchait le longduboulevardsinueusement,etcoupaitcommeunefaux,plusfièrequelareinedeSabaduTintoretlui-même,danssarobedesatinsafran,auxtonsd’or,–cettecouleur aimée des jeunes Romaines, – et dont elle faisait, en marchant, miroiter et crier les plis glacés etluisants, comme un appel aux armes ! Exagérément cambrée, comme il est rare de l’être en France, elles’étreignait dansunmagnifique châle turc à larges raies blanches, écarlate et or ; et la plume rougede sonchapeaublanc–splendidedemauvaisgoût–luivibraitjusquesurl’épaule.Onsesouvientqu’àcetteépoqueles femmes portaient des plumes penchées sur leurs chapeaux, qu’elles appelaient des plumes en saulepleureur.Maisriennepleuraitencettefemme;etlasienneexprimaitbienautrechosequelamélancolie.(…).Larobed’or,perdueuninstantdanslesténèbresdecetrounoir,aprèsavoirdépassél’uniqueréverbèrequilestatouaitd’unpointlumineux,reluisitauloin,etils’élançapourlarejoindre.»(p.173-175)Lacouleurjaunedelarobeesticiunelumièredanslanuit,unrepèrevisible.Ellefonctionnecommesignedereconnaissanceàl’égardduclient.Notonsquelechâle,aulieudecouvrirlesépaulesd’unebourgeoise,esticil’accessoired’unefemmequiseprostitue.LespeintresetlesécrivainsduXIX°ontfaitdecechâlejaune,symboledelabourgeoisie,unaccessoirepermettantàlaprostituéedesortirdel’invisibilitédanslaquellesonsièclelaconfine.

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2.1.2.Levêtement,indicateurducadrespatio-temporeldupersonnage

2.1.2.1.L’époqueoùilvit

Lecostumehistorique

A travers certains ouvrages de notre corpus, il est possible de faire une reconstitutionhistoriquedescostumesportésàtelleoutelleépoque. Parexemple,dansLesMisérables,VictorHugodécritlecostumedesincroyablesduDirectoire:

«LevêtementdeM.Gillenormandn’étaitpasl’habitLouisXV,nimêmel’habitLouisXVI;c’étaitlecostumedesincroyablesdudirectoire.Ils’étaitcrutoutjeunejusque-làetavaitsuivilesmodes.Sonhabitétaitendrapléger,avecdespacieuxrevers,unelonguequeuedemorueetdelargesboutonsd’acier.Aveccelalaculottecourteetles souliers à boucles. Il mettait toujours lesmains dans ses goussets. Il disait avec autorité : La révolutionfrançaiseestuntasdechenapans.»(t.3,p.28)

DansRuyBlas,Hugoindiquedanslesdidascalieslescostumesdesespersonnages:

«Don Salluste est vêtu de velours noir, costume de cour du temps de Charles II. La toison d’or au cou. Par-dessusl’habillementnoir,unrichemanteaudeveloursclair,brodéd’oretdoublédesatinnoir.Épéeàgrandecoquille.Chapeauàplumesblanches.Gudielestennoir,épéeaucôté.RuyBlasestenlivrée.Haut-de-chaussesetjustaucorpsbruns.Surtoutgalonné,rougeetor.Têtenue.Sansépée.»(DébutActeI,p.2)

«Lareineestvêtuedeblanc,robededrapd’argent.»(DébutActeII,p.33)

DonGuritan: «(…)minede vieuxmilitaire, quoique vêtuavecuneéléganceexagéréeet qu’il ait des rubansjusquesurlessouliers.»(DébutActeII,p.33)

Le costume évoque l’époque et le statut des personnages décrits. L’importance desdidascalies initiales créent un cadre défini(la cour d’Espagne), inscrit dans une époquemoderne(leXVIII°).

DansSplendeursetmisèresdescourtisanes,Balzacdécritlecostumeportédanslesannées1811-1820, en l’occurrence celui dupèreCanquoëlle, qui n’est autrequePeyrade, ancienfonctionnaire,issudelapetitenoblesseetutilisécommeespionparCorentin:«Aujourd’hui lamisedupèreCanquoëllesembleraitétrange;maisde1811à1820,ellen’étonnaitpersonne.Cevieillardportaitdessouliersàbouclesenacieràfacettes,desbasdesoieàraiescirculairesalternativementblanchesetbleues,uneculotteenpoude-soieàbouclesovalespareillesàcelledessouliers,quantàlafaçon.Ungiletblancàbroderie,unvieilhabitdedrapverdâtre-marronàboutonsdemétaletunechemiseàjabotplissédormantcomplétaientcecostume.Àmoitiédujabotbrillaitunmédaillonenoroùsevoyaitsousverreunpetittemple en cheveux, unede ces adorables petitesses de sentiment qui rassurent les hommes, tout commeunépouvantaileffraielesmoineaux.Laplupartdeshommes,commelesanimaux,s’effraientetserassurentavecdes riens. La culotte dupère Canquoëlle se soutenait par uneboucle qui, selon lamodedudernier siècle, laserrait au-dessus de l’abdomen. De la ceinture pendaient parallèlement deux chaînes d’acier composées deplusieurschaînettes,etterminéesparunpaquetdebreloques.Sacravateblancheétaittenueparderrièreaumoyen d’une petite boucle en or. Enfin sa tête neigeuse et poudrée se parait encore, en 1816, du tricornemunicipal que portait aussi monsieur Try, Président du Tribunal. Ce chapeau, si cher au vieillard, le pèreCanquoëlle l’avait remplacé depuis peu (le bonhomme crut devoir ce sacrifice à son temps) par cet ignoblechapeaurondcontrelequelpersonnen’oseréagir.Unepetitequeue,serréedansunruban,décrivaitdansledosdel’habitunetracecirculaireoùlacrassedisparaissaitsousunefinetombéedepoudre.»(p.80)

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Leseffetsdemodespécifiques

Silesécrivainsneprécisentpastoujoursàquelleépoqueappartientteloutelcostumequ’ilsdécrivent, il est néanmoins possible de retrouver cette époque, en repérant dans lesdescriptionsdeseffetsdemodeconnuscommeétantspécifiquesàtelleoutelleépoque.

Au XVII°, la couleur bleue est à lamode. C’est la couleur de la royauté. Il n’est donc pasanodin que la première robe de l’infante, dans Peau d’âne, soit bleue, de la couleur dutemps:

«Laprincesseremerciabiensamarraine ;etdès le lendemainmatinelleditauroisonpèreceque la fée luiavaitconseillé,etprotestaqu’onnetireraitd’elleaucunaveuqu’ellen’eûtunerobecouleurdutemps.Leroi,ravidel’espérancequ’elleluidonnait,assemblalesplusfameuxouvriers,etleurcommandacetterobe,souslacondition que, s’ils ne pouvaient réussir, il les ferait tous pendre. Il n’eut pas le chagrin d’en venir à cetteextrémité;dèslesecondjourilsapportèrentlarobesidésirée.L’empyréen’estpasd’unplusbeaubleulorsqu’ilestceintdenuagesd’or,quecettebellerobelorsqu’ellefutétalée.»(p.49)

Au XIX°, la bourgeoisie instaure un nouveau code vestimentaire enmatière de vêtementmasculin. C’est le triomphe du noir, de la raideur, de l’austérité et de l’ascétisme. Levêtementmasculincivilsesingulariseparunesobriétéetundépouillementquisymbolisentunnouvelordreéconomiqueetpolitique.Lesromanszolienssontpeuplésd’unemultituded’hommesennoir,commedansLaCurée:«Il yavait, de l’autre côté, le longde la chaussée, çàet là, despromeneursattardés, desgroupesdepointsnoirs,sedirigeantdoucementversParis.»(p.13)«CommeRenée poussait la porte du vestibule, elle se trouva en face du valet de chambre de sonmari, quidescendait aux offices, tenant une bouilloire d’argent. Cet hommeétait superbe, tout de noir habillé, grand,fort, la face blanche, avec les favoris corrects d’un diplomate anglais, l’air grave et digne d’unmagistrat.»(p.12)«Et,aumilieudeslonguestraînesétaléessurletapis,deuxentrepreneurs,deuxmaçonsenrichis,lesMignonetCharrier,aveclesquelsSaccarddevaittermineruneaffairelelendemain,promenaientlourdementleursfortesbottes,lesmainsderrièreledos,crevantdansleurhabitnoir.»(p.18)«(...)Maxime,quivenaitd’entrer,adorablementpincédanssonhabitnoir(…)»(p.16)«Puis,quand tout lemondeeut trouvé sonnom,écrit sur le reversde la cartedumenu, il yeutunbruitdechaises,ungrandfroissementdejupesdesoie.Lesépaulesnuesétoiléesdediamants,flanquéesd’habitsnoirsquienfaisaientressortirlapâleur,ajoutèrentleursblancheurslaiteusesaurayonnementdelatable»(p.17)«Lagalerieétaitpleined’habitsnoirs,debout,causantàdemi-voix,etdejupes,étaléeslargementlelongdescauseuses.»(p.25)«(…) elle s’habituait à l’air chaud, aumurmure des voix, à cette cohue d’habits noirs et d’épaules blanches,lorsque l’empereur parut. (…) Les épaules se rangèrent sur deux haies, tandis que les habits noirs reculèrentd’unpas,instinctivement,d’unairdiscret.»(p.97)«Ellesecroyaitdanssonsalon,parmoments,lorsqu’ellesetrouvaitenfaced’ungrouped’habitsnoirssouriant(…)»(p.102)«Les rangées de fauteuils offraient la plus étonnante cohue de marquises, de châtelaines, de laitières,d’Espagnoles, de bergères, de sultanes ; tandis que lamasse compacte des habits noirsmettait une grandetachesombre,àcôtédecettemoired’étoffesclairesetd’épaulesnues,toutesbraisillantesdesétincellesvivesdesbijoux.»(p.178)«Elle laissait derrière elle un sillage d’habits noirs étonnés et charmés de la transparence de sa blouse demousseline.»(p.192)«Maisonnel’écoutaitpas.Lasalleàmangerétaitpleine,etdeshabitsnoirsinquietssehaussaientàlaporte.»(p.193)

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«MaisM.Simpsonnevoulaitpaslâcherlesdeuxtailles.AdelineetSuzanneserenversaientdanssesbrasavecdes rires. On jugeait le coup, les dames se fâchaient, le tapage se prolongeait, et les habits noirs, dans lesembrasuresdesfenêtres,sedemandaientcommentSaffréallaitsortiràsagloiredececasdélicat.»(p.197)Toutefois, il s’élabore, chez les personnages zoliens, unebienséancemasculine sans cesseaffinée,afindepareraudangerdunivellementquimenacelesclassessocialesaisées.Si,lorsdesréceptions,l’habitendrapnoir(lefrac)estderigueur,ilrévèle,parlechoixdesétoffesetdesdétailsdecoupe,lesnuancesdefortuneoud’originesociale.DansMadameBovary,Emmaporteplusieursaccessoiresquitémoignentdesonéléganceetde son appropriation de la mode contemporaine. Il en est ainsi du lorgnon, accessoiremasculin,faisantpartieintégrantedelagarde-robeféminineduXIX°:

«Elleportait,commeunhomme,passéentredeuxboutonsdesoncorsage,unlorgnond’écaille.(…)Unefois,paruntempsdedégel,l’écorcedesarbressuintaitdanslacour,laneigesurlescouverturesdesbâtimentssefondait.Elleétaitsurleseuil; elleallacherchersonombrelle,ellel’ouvrit.L’ombrelle,desoiegorgedepigeon,quetraversaitlesoleil,éclairaitderefletsmobileslapeaublanchedesafigure.Ellesouriaitlà-dessousàlachaleurtiède;etonentendaitlesgouttesd’eau,uneàune,tombersurlamoiretendue.»(p.11)

Dans Illusions Perdues, tous les accessoires à lamode apparaissent dans le portrait de lacomtesseduChâtelet: coiffe, fichu,écharpe,bagatelles,braceletetcassolette,éventailetmouchoir:

«Elle portait un charmantbonnetdedentelles et de fleursnégligemmentattachéparuneépingleà têtedediamant. Ses cheveux à l’anglaise lui accompagnaient bien la figure et la rajeunissaient en en cachant lescontours.Elleavaitunerobeenfoulard,àcorsageenpointe,délicieusementfrangéeetdontlafaçondueàlacélèbreVictorinefaisaitbienvaloirsataille.Sesépaules,couvertesd’unfichudeblonde,étaientàpeinevisiblessous une écharpe de gaze adroitement mise autour de son cou trop long. Enfin elle jouait avec ces joliesbagatellesdontlemaniementestl’écueildesfemmesdeprovince:unejoliecassolettependaitàsonbraceletpar une chaîne ; elle tenait dans unemain son éventail et sonmouchoir roulé sans en être embarrassée.»(p.423)

AuXIX°,c’estaussilamodedelacrinoline,commeenportentlesclientesdansAuBonheurdesDames:«Enhaut,lajeunefilletombadroitdanslerayondesconfections.C’étaitunevastepièce,entouréedehautesarmoires en chêne sculpté, et dont les glaces sans tain donnaient sur la rue de la Michodière. Cinq ou sixfemmes,vêtuesderobedesoie,trèscoquettesavecleurschignonsfrisésetleurscrinolinesrejetéesenarrière,s’yagitaientencausant.»(p.38)Sous le Second Empire, le haut-de-formedevient le symbole de l’homme-séducteur et del’hommeimportantdanssonrôlesocialreconnu.IlenestainsidansLaCurée:«Cesmessieurs,avecleursbottesbiencirées,leursredingotesetleurschapeauxdehauteforme,mettaientunesingulièrenotedanscepaysageboueux,d’unjaunesale,oùnepassaientquedesouvriersblêmes,deschevauxcrottésjusqu’àl’échine,deschariotsdontleboisdisparaissaitsousunecroûtedepoussière»(p.213)Inversement,dansLaBelleauboisdormant,dePerrault,laprincesse,ayantdormicentans,n’estplusàlamodelorsqu’elleseréveille:

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«Leprinceaidalaprincesseàserelever:elleétaittouthabillée,fortmagnifiquement,maisilsegardabiendeluidirequ’elleétaithabilléecommemamère-grand,etqu’elleavaituncolletmonté;ellen’enétaitpasmoinsbelle.»(p.29)

L’époquedesdandys

Ilestunphénomèneimportantquipermetdepréciseràquelleépoquevitunpersonnage,c’estledandysmequis’étendtoutaulongduXIX°(Voirdossier«Ledandysme»).Eneffet,silesdandysnesuiventpas lesmodes, ils lescréent.Leuréléganceest intemporelle.C’estàleurvêtementetàleurallurequ’onlesreconnaît.

ChezBalzac, ledandyestune figure récurrente.Dans IllusionsPerdues,onencomptepasmoinsdequatre:EugènedeRastignac,MaximedeTrailles,HenrydeMarsayetLuciendeRubempré.Charlesestledandyd’EugénieGrandet.Voicisagarde-robe:

«Charlesemportadoncleplusjolicostumedechasse,leplusjolifusil,leplusjolicouteau,laplusjoliegainedeParis. Ilemportasacollectiondegiletslesplusingénieux: ilyenavaitdegris,deblancs,denoirs,decouleurscarabée,àrefletsd’or,depailletés,dechinés,dedoubles,àchâleoudroitsdecol,àcolrenversé,deboutonnésjusqu’enhaut,àboutonsd’or.Ilemportatouteslesvariétésdecolsetdecravatesenfaveuràcetteépoque.IlemportadeuxhabitsdeBuissonetsonlingeleplusfin. Ilemportasajolietoiletted’or,présentdesamère. Ilemporta ses colifichets de dandy (…). Afin de débuter convenablement chez son oncle, soit à Saumur, soit àFroidfond, ilavait fait la toilettedevoyage lapluscoquette, laplussimplementrecherchée, laplusadorable,pouremployerlemotquidanscetempsrésumaitlesperfectionsspécialesd’unechoseoud’unhomme.ÀTours,uncoiffeurvenaitdeluirefrisersesbeauxcheveuxchâtains; ilyavaitchangédelinge,etmisunecravatedesatin noir combinéeavec un col rond, demanière à encadrer agréablement sa blanche et rieuse figure.Uneredingotedevoyageàdemiboutonnée luipinçait la taille,et laissait voirungiletdecachemireàchâle souslequel était un second gilet blanc. Sa montre, négligemment abandonnée au hasard dans une poche, serattachaitparunecourtechaîned’oràl’unedesboutonnières.Sonpantalongrisseboutonnaitsurlescôtés,oùdesdessinsbrodésensoienoireenjolivaient lescoutures. Ilmaniaitagréablementunecannedont lapommed’or sculptée n’altérait point la fraîcheur de ses gants gris. Enfin, sa casquette était d’un goût excellent. UnParisien,unParisiendelasphèrelaplusélevéepouvaitseulets’agencerainsisansparaîtreridicule,etdonneruneharmoniedefatuitéàtoutescesniaiseries,quesoutenaitd’ailleursunairbrave,l’aird’unjeunehommequiadebeauxpistolets,lecoupsûretAnnette.»(p.23-24)

LedandyestaussiunefigurerécurrentedesDiaboliquesdeBarbeyd’Aurevilly: levicomtede Brassard, le comte de Ravila de Ravilès («Don juan»), Serlon de Savigny,Marmor deKarkoel,MesnilgrandetRobertdeTressignies.LeChevalierdeMesnilgrand,dansAundînerd’athéesest sans aucun doute celui qui se rapproche le plus du dandy idéal, qui, commeBrummell,faitdesoncostumeuneœuvred’art:

«Saredingoteouverte,coupéeparStaub,laissaitvoirunpantalondeprunelleàrefletsscabieuseetunsimplegiletdecasimirnoiràchâle,sanschaîned’or;car,cejour-là,Mesnilgrandn’avaitdebijouxd’aucunesorte,sicen’est un camée, antique d’un grand prix, représentant la tête d’Alexandre, qui fixait sur sa poitrine les plisétendusdesacravatesansnœud,–presquemilitaire,–unhausse-col.Rienqu’enlevoyantencettetenue,d’ungoûtsisûr,onsentaitquel’artisteavaitpasséparlesoldatetl’avaittransfiguré,etquel’hommedecettemisen’étaitpasde lamêmeespèceque lesautresquiétaient là,quoiqu’il fûtà tuetà toiavecbeaucoupd’entreeux.»(p.142-143)

L’imagedudandyvieillissant,quigardesabeauté,estpermanentechezBarbeyd’Aurevilly.Danssonimpassibilitéfroideetstoïque,ledandyaurevilliendéfieletemps.IlenestainsiduvicomtedeBrassard,dansLeRideaucramoisi:

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«Le vicomte de Brassard, qui aurait pu entrer dans l’armure de François Ier et s’y mouvoir avec autantd’aisancequedanssonsveltefracbleud’officierdelaGarderoyale,neressemblait,niparlatournure,niparlesproportions,auxplusvantésdesjeunesgensd’àprésent.»(p.7)

En général, lorsqueBarbeyd’Aurevilly peint ses dandys, il ne s’attardepas sur leur tenuevestimentaire. Il secontentede lesclasserdans lesélégantsoude leurdonner lenomdegants jaunes.C’estainsiqu’ilagitpourdésignerRobertdeTressignies,dansLaVengeanced’unefemme:

«C’était un élégant que ce jeune homme, - un gant jaune, comme on disait des élégants de ce temps-là.»(p.173)«(…)l’élégantauxbottesvernies(…).»(p.175)Les dandys sont très souvent appelésgants jaunes car lamode des gants jaunes leur estspécifique.Lacouleurdesgantspeutdoncrévélerundandy,commeceuxdeRodolphedansMadameBovary:

«(…)elleaperçutunmonsieurvêtud’uneredingotedeveloursvert.Ilétaitgantédegantsjaunes,quoiqu’ilfûtchaussédefortesguêtres(…)»(p.93)OuceuxdesjeunesélégantsaperçusauthéâtreparEmma:«Lesjeunesbeauxsepavanaientauparquet,étalant,dansl’ouverturedeleurgilet,leurcravateroseouvert-pomme;etmadameBovarylesadmiraitd’enhaut,appuyantsurdesbadinesàpommed’orlapaumetenduedeleursgantsjaunes.»(p.165)

Enfin,lesgantspeuventrévélerledandyparleurcoupecaractéristique,commeceuxdeM.deKarkoëldansLeDessousdecartesd’unepartiedewhistdeBarbeyd’Aurevilly:

«Dans son empressement à se mettre au jeu, M. de Karkoël n’ôta pas ses gants, qui rappelaient par leurperfectioncescélèbresgantsdeBryanBrummell,coupéspartroisouvriersspéciaux,deuxpour lamainetunpourlepouce.»(p.103)

2.1.2.2.Lesmomentsdelaviequetraverselepersonnage

Certainsmomentsparticuliersdelavienécessitentunetenueparticulière:lebal,lemariageetledeuil.

Lebal

Larobedebalest,depuisl’âgeclassiqueetsurtoutauXIX°, l’objetd’unefortevalorisationdans la hiérarchie des valeursmondaines et son acquisition est indispensable pour entrerdanslemonde.C’estpourquoi,lepassagedelatenuequotidienneàlarobedebalestvécucomme une métamorphose quasi-magique. Pour la jeune fille, c’est aussi le passage del’enfance et de l’adolescence à l’état de femme. L’un des référents imaginaires les plusprégnants de la robe de bal est dans le conte de Perrault, où Cendrillon voit, grâce à samarrainelafée,seshabitsdepauvressechangésen«habitsdedrapd’oretd’argent,toutchamarrésdepierreries»(p.35),devenusaujourd’huidevéritablesarchétypes.ToutejeunefemmeaubalestdoncuneCendrillon,mueparlamagiedesesrêves,métamorphoséeparunchangementdetoilette.

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A laVaubeyessard, chez lemarquisd’Andervilliers,EmmaestelleaussiuneCendrillonquicroitentrerdansunmondemerveilleuxetsepareminutieusementdanssarobedebal:

«Emmafitsatoiletteaveclaconscienceméticuleused’uneactriceàsondébut.Elledisposasescheveuxd’aprèsles recommandations du coiffeur, et elle entra dans sa robe de barège, étalée sur le lit. (..) Ses bandeaux,doucementbombésvers lesoreilles, luisaientd’unéclatbleu ;une roseà son chignon tremblait surune tigemobile,avecdesgouttesd’eaufacticesauboutdesesfeuilles.Elleavaitunerobedesafranpâle,relevéepartroisbouquetsderosespomponsmêléesdeverdure.»(p.35)

Dans La Curée, Zola dresse, à travers les tenues de Renée, un tableau quasi-complet destoilettesdebalduSecondEmpire:

RenéeauxTuileries:«Elleavaitunetoiletteprodigieusedegrâceetd’originalité,unevraietrouvaillequ’elleavaitfaitedansunenuitd’insomnie,etquetroisouvriersdeWormsétaientvenusexécuterchezelle,soussesyeux.C’étaitunesimplerobedegazeblanche,maisgarnied’unemultitudedepetitsvolantsdécoupésetbordésd’un filet de velours noir. La tunique, de velours noir, était décolletée en carré, très bas sur la gorge,qu’encadraitunedentellemince,hauteàpeined’undoigt.Pasunefleur,pasunboutderuban;àsespoignets,desbraceletssansuneciselure,etsursatête,unétroitdiadèmed’or,uncercleuniquiluimettaitcommeuneauréole.»(p.97)

RenéeaubalduMinistère:«Quandelletraversalessalons,danssagranderobedefayeroseàlonguetraîneLouisXIV,encadréedehautesdentellesblanches,ilyeutunmurmure,leshommessebousculèrentpourlavoir.Et les intimes s’inclinaient, avec un discret sourire d’intelligence, rendant hommage à ces belles épaules, siconnuesdutoutParisofficiel,etquiétaientlesfermescolonnesdel’empire.Elles’étaitdécolletéeavecuntelméprisdesregards,ellemarchaitsicalmeetsitendredanssanudité,quecelan’étaitpresqueplusindécent.»(p.126)

DansAuBonheurdesdames,lesrobesdebalprivilégientleblanc:«(…)enfin,dessortiesdebal,encachemireblanc,enmatelasséblanc,garniesdecygneoudechenille.»(p.3).

Le bal marque un approfondissement de la conscience de soi, chez toutes les classessociales. Lorsque la petite Fadette prend part au bal paysan, elle est en complètedéconnexionaveclanouvellemodedupays:

«Elleavaitunecoiffetoutejaunieparlerenfermé,qui,aulieud’êtrepetiteetbienretrousséeparlederrière,selon lanouvellemodedupays,montraitdechaquecôtédesatêtedeuxgrandsoreillonsbien largesetbienplats;et,surlederrièredesatête,lacayenneretombaitjusquesursoncou,cequiluidonnaitl’airdesagrand-mèreet luifaisaitunetêtelargecommeunboisseausurunpetitcoumincecommeunbâton.Soncotillondedroguetétaittropcourtdedeuxmains;et,commeelleavaitgrandibeaucoupdansl’année,sesbrasmaigres,toutmordus par le soleil, sortaient de sesmanches comme deux pattes d’aranelle. Elle avait cependant untablierd’incarnatdontelleétaitbien fière,maisqui lui venaitde samère, etdontellen’avaitpoint songéàretirer labavousette,que,depuisplusdedixans, les jeunessesneportentplus.Carellen’étaitpointdecellesqui sont tropcoquettes, lapauvre fille, ellene l’étaitpasassez,et vivait commeungarçon, sans soucide safigure,etn’aimantquelejeuetlarisée.Aussiavait-ellel’aird’unevieilleendimanchée,etonlaméprisaitpoursa mauvaise tenue, qui n’était point commandée par la misère, mais par l’avarice de sa grand-mère, et lemanquedegoûtdelapetite-fille.»(p.55-56)

Lemariage

Préparersonmariageest,pourtoutejeune-fille,l’occasiondepréparersontrousseau.DansLesMisérables,M.GillenormandaideàlapréparationdeceluideCosette:

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«Pendant que Jean Valjean construisait à Cosette une situation normale dans la société et une possessiond’état inattaquable, M. Gillenormand veillait à la corbeille de noces. Rien ne l’amusait comme d’êtremagnifique.IlavaitdonnéàCosetteunerobedeguipuredeBinchequiluivenaitdesapropregrand-mèreàlui.–Cesmodeslàrenaissent,disait-il,lesantiquaillesfontfureur,etlesjeunesfemmesdemavieillesses’habillentcommelesvieillesfemmesdemonenfance.IldévalisaitsesrespectablescommodesdelaquedeCoromandelàpansebombéequin’avaientpasétéouvertesdepuis des ans. – Confessons ces douairières, disait-il ; voyons ce qu’elles ont dans la bedaine. Il violaitbruyammentdestiroirsventruspleinsdestoilettesdetoutessesfemmes,detoutessesmaîtresses,etdetoutessesaïeules.Pékins,damas,lampas,moirespeintes,robesdegrosdeToursflambé,mouchoirsdesIndesbrodésd’un or qui peut se laver, dauphines sans envers en pièces, points de Gênes et d’Alençon, parures en vieilleorfèvrerie, bonbonnières d’ivoire ornées de batailles microscopiques, nippes, rubans, il prodiguait tout àCosette. Cosette, émerveillée, éperdue d’amour pour Marius et effarée de reconnaissance pour M.Gillenormand,rêvaitunbonheursansbornesvêtudesatinetdevelours.Sacorbeilledenocesluiapparaissaitsoutenueparlesséraphins.Sonâmes’envolaitdansl’azuravecdesailesdedentelledeMalines.(t.5,p.177-78)(…) Chaque matin, nouvelle offrande de bric-à-brac du grand-père à Cosette. Tous les falbalas possibless’épanouissaient splendidement autour d’elle.(…) Et le lendemain une magnifique robe de moire antiquecouleurthés’ajoutaitàlacorbeilledeCosette.»(t.5,p.178)LarobedemariagedeCosetteestàlahauteurdesesespérances:

«CosetteavaitsurunejupedetaffetasblancsarobedeguipuredeBinche,unvoiledepointd’Angleterre,uncollierdeperles fines, une couronnede fleursd’oranger ; tout celaétait blanc, et, dans cetteblancheur, ellerayonnait.C’étaitunecandeurexquisesedilatantetse transfigurantdans laclarté.Oneûtdituneviergeentraindedevenirdéesse.»(t.5,p.198)Ledeuil

Le cérémonial vestimentaire de l’enterrement est décrit dans LesMisérables, à l’occasiond’unfauxenterrement,puisquec’estJeanValjeanquisecachedanslabière:

«Dans ce corbillard il y avait un cercueil couvert d’un drap blanc sur lequel s’étalait une vaste croix noire,pareilleàunegrandemortedontlesbraspendent.Uncarrossedrapé,oùl’onapercevaitunprêtreensurplisetun enfant de chœur en calotte rouge, suivait. Deux croque-morts en uniforme gris à parements noirsmarchaientàdroiteetàgaucheducorbillard.Derrièrevenaitunvieuxhommeenhabitsd’ouvrier,quiboitait.LecortègesedirigeaitverslecimetièreVaugirard.»(t.2,p.247)

Lorsd’undeuil,ilestcoutumedeporterdesvêtementsparticuliers.DansEugénieGrandet,àlamortdupèredeCharles,Eugénieetsamèreveulentporter ledeuil,maisGrandet, fortavare,leurrétorqueque:«Ledeuilestdanslecœuretnondansleshabits(p.58)».QuantàCharles,ilsecommandedeshabitsdecouleurnoire,couleurtraditionnelledudeuil:

«Enfin, quand arrivèrent les simples vêtements de deuil que Charles avait demandés à Paris, il fit venir untailleurdeSaumur,etluivenditsagarde-robeinutile.CetacteplutsingulièrementaupèreGrandet.–Ah!vousvoilàcommeunhommequidoits’embarqueretquiveutfairefortune, luidit-ilenlevoyantvêtud’uneredingotedegrosdrapnoir.Bien,trèsbien!»(p.87)Demême, lorsqueJeanValjeanvachercherCosettechez lesThénardier, il luiapportedesvêtementsnoirs,carsamèreFantinevientdemourir:«Cepaquetcontenaitunepetiterobedelaine,untablier,unebrassièredefutaine,unjupon,unfichu,desbasdelaine,dessouliers,unvêtementcompletpourunefilledeseptans.Toutcelaétaitnoir.»(t.2,p.118)

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2.1.2.3.Lelieuoùvitlepersonnage

Le lieuoùvit lepersonnageesttoujoursprésentéparoppositionàunautre: lacampagneparrapportàlaville,etsurtoutlaprovinceparrapportàParis.

Lacampagne/Laville

DansMadameBovary,endécrivantl’entréedeCharlesàl’école,Flaubertmontrecommentl’ondécouvrelelieud’origined’unpersonnageàpartirdeseshabits:

«Nousétionsàl’Étude,quandleProviseurentra,suivid’unnouveauhabilléenbourgeoisetd’ungarçondeclassequiportaitungrandpupitre.Ceuxquidormaientseréveillèrent,etchacunselevacommesurprisdanssontravail.LeProviseurnousfitsignedenousrasseoir;puis,setournantverslemaîtred’études:– MonsieurRoger,luidit-ilàdemi-voix,voiciunélèvequejevousrecommande,ilentreencinquième.Sisontravailetsaconduitesontméritoires,ilpasseradanslesgrands,oùl’appellesonâge.Restédansl’angle,derrièrelaporte,sibienqu’onl’apercevaitàpeine,lenouveauétaitungarsdelacampagne,d’unequinzained’annéesenviron,etplushautdetaillequ’aucundenoustous.Ilavaitlescheveuxcoupésdroitsurlefront,commeunchantredevillage,l’airraisonnableetfortembarrassé.Quoiqu’ilnefûtpaslargedesépaules,sonhabit-vestededrapvertàboutonsnoirsdevaitlegênerauxentournuresetlaissaitvoir,parlafentedesparements,despoignetsrougeshabituésàêtrenus.Sesjambes,enbasbleus,sortaientd’unpantalonjaunâtretrèstiréparlesbretelles.Ilétaitchaussédesouliersforts,malcirés,garnisdeclous.»(p.1)Charles,devenuadulte,adapteseshabitsaumilieudanslequelilvit:

«Il portait toujours de fortes bottes, qui avaient au cou-de-pied deux plis épais obliquant vers les chevilles,tandisquelerestedel’empeignesecontinuaitenlignedroite,tenducommeparunpieddebois. Ildisaitquec’étaitbienassezbonpourlacampagne.»(p.30)

Lesprovinciaux/Lesparisiens

AuXIX°, lapositiondePariscommecapitalemondialedelamodeestindéniable.Aussi,nefaut-ilpass’étonnerdevoirque,dansLaComédiehumaine,lamodeparisienneestl’uniquecanondugoût.PourBalzac,ParisetlesParisienssontlesseulsdétenteursdelamodeetdugoût.DansIllusionsperdues,ildécritMmedeBargeton,provincialeparexcellence:

«EncemomentmadamedeBargetonsemontradanstoutl’éclatd’unetoiletteétudiée.Elleportaitunturbanjuif enrichi d’une agrafe orientale. Une écharpe de gaze sous laquelle brillaient les camées d’un collier étaitgracieusementtournéeàsoncou.Sarobedemousselinepeinte,àmanchescourtes,luipermettaitdemontrerplusieursbraceletsétagéssursesbeauxbrasblancs.CettemisethéâtralecharmaLucien.»(p.55)

BienqueMmedeBargetons’habilleaugoûtdujour(turbanjuifetagrafeorientale,robedemousseline),sesexagérations (collieràcamées,nombreuxbracelets) trahissentprétentionetprovincialisme.Balzacsignalequ’elleestridicule (misetropétudiée, théâtrale),car il luimanque le charme du naturel. En fait, tous les notables d’Angoulême étalent le ridiculevestimentaireprovincial:

«(…)MonsieurdeChandour(…)seregardaitcontinuellementavecunesortedesatisfactiondehautenbas,envérifiantlenombredesboutonsdesongilet,ensuivantleslignesonduleusesquedessinaitsonpantaloncollant,en caressant ses jambes par un regard qui s’arrêtait amoureusement sur les pointes de ses bottes.Quand ilcessaitdesecontemplerainsi,sesyeuxcherchaientuneglace,ilexaminaitsisescheveuxtenaientlafrisure;il

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interrogeaitlesfemmesd’unœilheureuxenmettantundesesdoigtsdanslapochedesongilet,sepenchantenarrière et se posant de trois-quarts, agaceries de coq qui lui réussissaient dans la société aristocratique delaquelleilétaitlebeau.»(p.55-56)«Lesdeuxfemmes,Lolotte(madameCharlottedeBrebian)etFifine(madameJoséphinedeBarcas),égalementpréoccupées d’un fichu, d’une garniture, de l’assortiment de quelques couleurs hétérogènes, étaientdévoréesdudésirdeparaîtreParisiennes,etnégligeaientleurmaisonoùtoutallaitàmal.Silesdeuxfemmes,serréescommedespoupéesdansdesrobeséconomiquementétablies,offraientsurellesuneexposition de couleurs outrageusement bizarres, les maris se permettaient, en leur qualité d’artistes, unlaisser-allerdeprovincequilesrendaitcurieuxàvoir.Leurshabitsfripésleurdonnaientl’airdescomparsesquidanslespetitsthéâtresfigurentlahautesociétéinvitéeauxnoces.»(p.57)Monieur de Séverac:«C’était sans doute quelque maire de canton recommandable par de bellespropriétés; mais satournureet samisetrahissaientunedésuétudecomplètedelasociété: ilétaitgênédansseshabits,ilnesavaitoùmettresesmains,(…)»(p.59)Tous ces provinciaux s’opposent nettement à M. Sixte du Châtelet, Parisien exilé àAngoulême,fortélégant:

«Sixte du Châtelet portait un pantalon d’une blancheur éblouissante, à sous-pieds intérieurs qui lemaintenaientdanssesplis.Ilavaitdessouliersfinsetdesbasdefilécossais.Sursongiletblancflottaitlerubannoirdesonlorgnon.Enfinsonhabitnoirserecommandaitparunecoupeetuneformeparisiennes.C’étaitbienlebellâtrequesesantécédentsannonçaient;maisl’âgel’avaitdéjàdotéd’unpetitventrerondassez difficile à contenir dans les bornes de l’élégance. Il teignait ses cheveux et ses favoris blanchis par lessouffrances de son voyage, ce qui lui donnait unair dur. Son teint autrefois très délicat avait pris la couleurcuivrée des gens qui reviennent des Indes ; mais sa tournure, quoique ridicule par les prétentions qu’ilconservait,révélaitnéanmoinsl’agréableSecrétairedesCommandementsd’uneAltesseImpériale.»(p.54)EnsepromenantauxTuileries,LuciendeRubempré,lehérosd’IllusionsPerdues,s’aperçoitquesoncostumedeprovincialestuneaberranceàParis:

«LucienpassadeuxcruellesheuresdanslesTuileries:ilyfitunviolentretoursurlui-mêmeetsejugea.D’abordilnevitpasunseulhabitàcesjeunesélégants.S’ilapercevaitunhommeenhabit,c’étaitunvieillardhorslaloi,quelquepauvrediable,un rentier venuduMarais,ouquelquegarçondebureau.Aprèsavoir reconnuqu’il yavait unemise dumatin et unemise du soir, le poète aux émotions vives, au regard pénétrant, reconnut lalaideur de sa défroque, les défectuosités qui frappaient de ridicule son habit dont la coupe était passée demode,dontlebleuétaitfaux,dontlecolletétaitoutrageusementdisgracieux,dontlesbasquesdedevant,troplongtempsportées,penchaientl’uneversl’autre;lesboutonsavaientrougi,lesplisdessinaientdefataleslignesblanches.Puissongiletétaittropcourtetlafaçonsigrotesquementprovincialeque,pourlecacher,ilboutonnabrusquementsonhabit.Enfinilnevoyaitdepantalondenankinqu’auxgenscommuns.Lesgenscommeilfautportaient de délicieuses étoffes de fantaisie ou le blanc toujours irréprochable !D’ailleurs tous les pantalonsétaient à sous-pieds, et le sien semariait trèsmal avec les talons de ses bottes, pour lesquels les bords del’étofferecroquevilléemanifestaientuneviolenteantipathie.Ilavaitunecravateblancheàboutsbrodésparsasœur,qui,aprèsenavoirvudesemblablesàmonsieurdeHautoy,àmonsieurdeChandour,s’étaitempresséed’enfairedepareillesàsonfrère.Nonseulementpersonne,exceptélesgensgraves,quelquesvieuxfinanciers,quelquessévèresadministrateurs,neportaientdecravateblanche lematin;maisencore lepauvreLucienvitpasserde l’autrecôtéde lagrille,sur letrottoirde laruedeRivoli,ungarçonépiciertenantunpaniersursatête, et sur qui l’hommed’Angoulême surprit deux bouts de cravate brodés par lamain de quelque grisetteadorée.(…)J’ail’airdufilsd’unapothicaire,d’unvraicourtauddeboutique!sedit-ilàlui-mêmeavecrageenvoyantpasser lesgracieux, les coquets, lesélégants jeunesgensdes famillesdu faubourgSaint-Germain,quitousavaientunemanièreàeuxquilesrendaittoussemblablesparlafinessedescontours,parlanoblessedelatenue,parl’airduvisage;ettousdifférentsparlecadrequechacuns’étaitchoisipoursefairevaloir.(…)Plusiladmiraitcesjeunesgensàl’airheureuxetdégagé,plusilavaitconsciencedesonairétrange,l’aird’unhommequi ignore où aboutit le chemin qu’il suit, qui ne sait où se trouve le Palais-Royal quand il y touche, et quidemandeoùestleLouvreàunpassantquirépond:–Vousyêtes.Luciensevoyaitséparédecemondeparun

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abîme, il se demandait par quelsmoyens il pouvait le franchir, car il voulait être semblableà cette svelte etdélicatejeunesseparisienne.(p.113-115)»

Dans Eugénie Grandet, Balzac oppose les provinciaux aux parisiens, en les comparant àl’élégancedeCharles:

LesCruchot:«Touslestroisprenaientdutabac,etnesongeaientplusdepuislongtempsàéviternilesroupies,ni lespetitesgalettesnoiresquiparsemaient le jabotde leurschemisesrousses,àcolsrecroquevillésetàplisjaunâtres.Leurscravatesmollesseroulaientencordeaussitôtqu’ilsselesétaientattachéesaucou.L’énormequantitédelingequileurpermettaitdenefairelalessivequetouslessixmois,etdelegarderaufonddeleursarmoires, laissait le temps y imprimer ses teintes grises et vieilles. Il y avait en eux une parfaite entente demauvaisegrâceetdesénilité.Leursfigures,aussiflétriesquel’étaientleurshabitsrâpés,aussiplisséesqueleurspantalons, semblaient usées, racornies, et grimaçaient. La négligence générale des autres costumes, tousincomplets, sans fraîcheur, comme le sont les toilettes de province, où l’on arrive insensiblement à ne pluss’habillerlesunspourlesautres,etàprendregardeauprixd’unepairedegants,s’accordaitavecl’insouciancedesCruchot.L’horreurdelamodeétaitleseulpointsurlequellesGrassinistesetlesCruchotinss’entendissentparfaitement.»(p.24-25)

CharlesGrandet:«Afindedébuterconvenablementchezsononcle,soitàSaumur,soitàFroidfond,ilavaitfaitlatoilettedevoyagelapluscoquette,laplussimplementrecherchée,laplusadorable,pouremployerlemotquidanscetempsrésumaitlesperfectionsspécialesd’unechoseoud’unhomme.ÀTours,uncoiffeurvenaitdeluirefrisersesbeauxcheveuxchâtains;ilyavaitchangédelinge,etmisunecravatedesatinnoircombinéeavecuncolrond,demanièreàencadreragréablementsablancheetrieusefigure.Uneredingotedevoyageàdemiboutonnée lui pinçait la taille, et laissait voir un gilet de cachemire à châle sous lequel était un secondgiletblanc.Samontre,négligemmentabandonnéeauhasarddansunepoche,se rattachaitparunecourtechaîned’oràl’unedesboutonnières.Sonpantalongrisseboutonnaitsurlescôtés,oùdesdessinsbrodésensoienoireenjolivaient les coutures. Ilmaniait agréablement une canne dont la pommed’or sculptée n’altérait point lafraîcheurdesesgantsgris.Enfin,sacasquetteétaitd’ungoûtexcellent.UnParisien,unParisiendelasphèrelaplusélevéepouvaitseulets’agencerainsisansparaîtreridicule(…)»(p.24)DansLesMisérables,Cosettedevientunevéritableparisienne:

«Aveclafoiensabeauté,toutel’âmeféminines’épanouitenelle.Elleeuthorreurdumérinosethontedelapeluche.Sonpèreneluiavaitjamaisrienrefusé.Ellesuttoutdesuitetoutelascienceduchapeau,delarobe,dumantelet,dubrodequin,delamanchette,del’étoffequiva,delacouleurquisied,cettesciencequifaitdelafemmeparisiennequelquechosedesicharmant,desiprofondetdesidangereux.Lemotfemmecapiteuseaétéinventépourlaparisienne.En moins d’un mois la petite Cosette fut dans cette thébaïde de la rue de Babylone une des femmes, nonseulementlesplusjolies,cequiestquelquechose,mais«lesmieuxmises»deParis,cequiestbiendavantage.Elleeûtvoulurencontrer«sonpassant»pourvoircequ’ildirait,et«pourluiapprendre!»Lefaitestqu’elleétait ravissante de tout point, et qu’elle distinguait à merveille un chapeau de Gérard d’un chapeaud’Herbaut.»(t.4,p.69)2.1.3.Levêtement,révélateurdelapsychologiedupersonnage

Le vêtement peut être le reflet de la personnalité du personnage, ses états d’âmes, soncaractère. Cela est vrai pour ceux dont la tenue vestimentaire reflète exactement l’étatpsychologique. Le choix que ceux-ci font d’un vêtement ou d’un accessoire est alorsreprésentatif de l’imagequ’ils ont d’eux-mêmes, de leur individualité, de leur identité, deleurappartenanceàungroupe(ouplusieurs)etdurôlesocialqu’ilsyjouent,ainsiquedelalibertéqu’ilss’octroientparrapportauxrèglesétabliesouadmisesauseindecegroupe.

DansLesMisérables,lagaietédeFantinetransparaîtdanssatenuevestimentaire:

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«Toutesatoiletteavaitonnesaitquoidechantantetdeflambant.Elleavaitunerobedebarègemauve,depetitssoulierscothurnesmordorésdontlesrubanstraçaientdesXsursonfinbasblancàjour,etcetteespècede spencer en mousseline, invention marseillaise, dont le nom, canezou, corruption du mot quinze aoûtprononcéàlaCanebière,signifiebeautemps,chaleuretmidi.»(t.1,p.109)

A l’inverse, les couleurs ternes et foncées de la tenue de M. de Lamothe révèlent sasévérité:

«LecomtedeLamothe,qui,en1815,étaitunvieillarddesoixante-quinzeans,n’avaitderemarquablequesonair silencieux et sentencieux, sa figure anguleuse et froide, ses manières parfaitement polies, son habitboutonnéjusqu’àlacravate,etsesgrandesjambestoujourscroiséesdansunlongpantalonflasquecouleurdeterredeSiennebrûlée.Sonvisageétaitdelacouleurdesonpantalon.»(t.3,p.39)

Silenoirestl’apanagedeshommes,lorsqu’onlerencontrechezlesfemmes,ilrévèleleplussouventlanoirceurdel’âme,commedansleportraitdeMmeSidonie,quiselivre,dansLaCurée,àdesactivitésclandestines:«Sidonie Rougon, femmemaigre, doucereuse, sans âge certain, au visage de ciremolle, et que sa robe decouleuréteinteeffaçaitencoredavantage»(p.14)«Elleportaituneéternellerobenoire,liméeauxplis,frippéeet blanchie par l’usage, rappelant ces robes d’avocats usées sur la barre. Coiffée d’un chapeau noir qui luidescendaitjusqu’aufrontetluicachaitlescheveux,chausséedegrossouliers,elletrottaitparlesrues,tenantau bras un petit panier dont les anses étaient raccommodées avec des ficelles.» (p.41) «Petite, maigre,blafarde,vêtuedecettemincerobenoirequ’oneûtdittailléedanslatoged’unplaideur,elles’étaitratatinée,et,àlavoirfilerlelongdesmaisons,onl’eûtprisepourunsaute-ruisseaudéguiséenfille.»(p.43)Enfin,l’habillementpeutenregistrerlesétatsémotifsdespersonnages.C’estainsique,dansLa Curée, Zola peint la condition physique et psychologique de Renée, au moment oùMaximeluifaitunevisiteàl’improviste:

«Dansledemi-jourdelaserre,Renéeluiapparut, lescheveuxdénoués,àpeinevêtue,commesielleallaitsemettreaulit.Elleétaitnu-pieds.Ellelepoussaversundesberceaux,descendantlesmarches,marchantsurlesabledesallées,sansparaîtresentirlefroidnilarudessedusol.–C’estbêtedesifflersi fortqueça,murmura-t-elleavecunecolèrecontenue…Jet’avaisditdenepasvenir.Quemeveux-tu?–Eh!montons,ditMaximesurprisdecetaccueil.Jetediraiçalà-haut.Tuvasprendrefroid.–Mais,commeilfaisait un pas, elle le retint, et il s’aperçut alors qu’elle était horriblement pâle. Une épouvante muette lacourbait.Sesderniersvêtements, lesdentellesdesonlinge,pendaientcommedes lambeauxtragiques,sursapeaufrissonnante.»(p.157-158)Dans ce roman, l’exhibition de la presque nudité de Renée est le plus souvent liée auxsentimentsdehonte,demépriset,parfoisdecolèrequ’elleéprouvetantôtpourlesgensdumonde,tantôtpourelle-même:

«Elles’aperçutdanslahauteglacedel’armoire.Elles’approcha,étonnéedesevoir,oubliantsonmari,oubliantMaxime,toutepréoccupéeparl’étrangefemmequ’elleavaitdevantelle.Lafoliemontait.Sescheveuxjaunes,relevéssurlestempesetsurlanuque,luiparurentunenudité,uneobscénité.Laridedesonfrontsecreusaitsiprofondément, qu’ellemettait une barre sombre au-dessus des yeux, lameurtrissuremince et bleuâtre d’uncoup de fouet. Qui donc l’avait marquée ainsi ? Son mari n’avait pas levé la main, pourtant. Et ses lèvresl’étonnaientpar leurpâleur,sesyeuxdemyope luisemblaientmorts.Commeelleétaitvieille!Ellepencha lefront,etquandelle sevitdanssonmaillot,danssa légèreblousedegaze,elle secontempla, lescilsbaissés,avec des rougeurs subites. Qui l’avait mise nue ? que faisaitelle dans ce débraillé de fille qui se découvrejusqu’auventre?Ellenesavaitplus.Elleregardaitsescuissesquelemaillotarrondissait,seshanchesdontelle

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suivaitleslignessouplessouslagaze,sonbustelargementouvert;etelleavaithonted’elle,etunméprisdesachairl’emplissaitdecolèresourdecontreceuxquilalaissaientainsi,avecdesimplescerclesd’orauxchevillesetauxpoignetspourluicacherlapeau.»(p.204-205)

Enfin par leurs vêtements, Emma dansMadame Bovary et Renée dans La Curée veulentaffirmerleurindépendancedanslasociétéduXIX°.

2.2.Levêtementetl’identitédupersonnage

Silevêtementfonctionnecommeunélémentidentitaire,ilpeutaussipermettrel’inventiond’une autre identité (déguisements ou travestissements) ou bien être utilisé à des finsd’illusion(règnedel’apparence).

2.2.1.Levêtementetlechangementidentitaire

Le changement identitaire peut se faire à travers le déguisement, le travestissement oul’apparencetrompeuse.Ilpeutêtreludiqueousérieux.

2.2.1.1.Levêtementetledéguisement

Ledéguisementetlejeudesquiproquosauthéâtre

Lethéâtreestlelieuprivilégiédudéguisement.Eneffet,lesacteursassument,aucoursdeleurcarrière,ungrandnombredepersonnagesdifférents.L’unedespremièresfonctionsducostumeestdedésigner le typedepersonnageetde le rendrevisibleauxyeuxdupublic.Celaestvraidansd’Antiquité,dans laCommediadell’arte,maisencoredans le théâtredeMolière, de Marivaux ou de Beaumarchais, avec des types connus comme Arlequin,Matamore,ScapinouIsabelle(Voir ledossier«LeshéritiersdelaCommediad’elleArte»).Mais, les personnages eux-mêmes sont souvent amenés par l’intrigue à adopter undéguisement vestimentaire. La pratique du déguisement est le plus souvent utilisée pourprovoquerdesquiproquos.

ChezMolière,ontrouvedenombreusesscènesdedéguisements,commedansLeBourgeoisgentilhomme lorsque Cléonte se fait passer pour le fils du Grand Turc pour demander, àMonsieur Jourdain, lamain de sa fille Lucile, et lorsqueM. Jourdain lui-même est promuMamamouchi, lors d’une cérémonie turqueburlesque.Dans Les Précieuses ridicules, deuxjeunesgens,LaGrangeetDuCroisyqueGorgibus,lemaîtredemaisondestinecommemarisàsafilleMagdelonetàsanièceCathos,sontéconduitsparlesdeuxprécieuses.Ilsdécidentalorsdesevengerenenvoyantleursvaletsrespectifs,MascarilleetJodelet,séduirelestropfièresjeunesfilles.Ceux-ciseprésententcommedeshommesnoblesdevantlesprécieusesquineréfléchissentpasetlescroientaveuglément.Ilsontl’airnobledansleurdéguisement,etcelasuffitpourcesfemmesprécieusesquijugenttoutd’aprèssonapparence.Ellessonttropoccupéespar leurpréciositépourvoir cequi se trouvederrière lesapparences, c’estpourquoiilestfacilepourlesvaletsdelestromper.

Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux repose sur un quadruple déguisement quiprovoqueunesériedequiproquos.Silvia,filledeMonsieurOrgon,craintd’épouser,sansleconnaîtreDorante,lejeunehommequesonpèreluidestine.Aussi,décide-t-elled’échanger

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sonhabitavecsafemmedechambre,Lisette,pourpouvoirmieuxobserversonprétendant.MaisDorantealamêmeidéeetseprésentechezMonsieurOrgondéguiséenunserviteurnomméBourguignon,alorsquesonvalet,Arlequin,sefaitpasserpourDorante.Dèslafindupremier acte et au cours de l’acte II, les rencontres entremaîtres et valets déguisés sontautantdesurprisesdel’amouretdequiproquos.Eneffet,SilviaetDorantes’étonnentd’êtresensiblesauxcharmesd’unepersonned’unrangsocialinférieur.LisetteetArlequin,deleurcôté, s’émerveillent et profitent de leur pouvoir de séduction sur celui ou celle qu’ilsprennent pour unmaître ou unemaîtresse.Dans cette pièce, les protagonistes ne saventplusqui ilssontetqui ilsaimeraientêtre.Seuls lesspectateurspeuventdémêlercenœudcréeparlescostumeseux-mêmesquiprennentlepassurlavolontédeceuxquilesportent.Ilsdirigentlediscours,chacundevanttenirlesproposcorrespondantàsonhabitetnonàsavéritableidentité.

LeMariagedeFigarodeBeaumarchais,Figaro,entréauserviceducomteAlmaviva,doitsemarieravecSuzanne,premièrecaméristedelacomtesse.Mais,lecomteattiréparSuzanne,veutrétablirledroitdecuissage.Ilfaitalorsfaceàtouteunecoalitionquival’enempêcher.La pièce s’achève dans une explosion de quiproquos, machinés par Suzanne vêtue encomtesse,elle-mêmevêtueenSuzanne,recevantainsileshommagesdesonpropreépoux.L’obscurité,lesdéguisementsetlejeud’espionnageauquelselivrentSuzanneetFigarofontducostumel’undesaccessoiresessentielsdecetépilogue,commedansl’extraitsuivantoùlaComtesseestdéguiséeenSuzanne:

«Chérubin,enhabitd’officierarriveen chantantgaiement la reprisede l’airde la romance:La, la, la, etc.J’avaisunemarraine,Quetoujoursadorai.LaComtesse,àpart:Lepetitpage!Chérubins’arrête:Onsepromèneici;gagnonsvitemonasile,oùlapetiteFanchette…C’estunefemme!LaComtesseécoute:AhgrandsDieux!Chérubinsebaisseenregardantdeloin:Metrompai-je?Àcettecoiffureenplumesquisedessineauloindanslecrépuscule,ilmesemblequec’estSuzon.LaComtesse,àpart:Silecomtearrivait!…LeComteparaîtdanslefond.Chérubins’approcheetprendlamaindelacomtessequisedéfend:Oui,c’estlacharmantefillequ’onnommeSuzanne.Eh!pourrais-jem’yméprendreàladouceurdecettemain,àcepetittremblement qui l’a saisie ; surtout au battement demon cœur ! (Il veut y appuyer le dos de lamain de lacomtesse;ellelaretire.)(…)»(ActeV,Scène6,p.167)»Ledéguisementpourtromper

Souslevêtement,masquefluide,levéritableêtrepeutsecacher.Alors,sessombresdésirsnepeuventpasêtredevinésetilselaissealleràdesperversionsqu’ilnecommettraitpass’ilétaitvêtunormalementavecseshabits.

DansLepetitChaperonRougedePerrault, le loup,quiamangé lagrand-mère,sedéguisepourpouvoirmangeraussilapetitefille:

«LepetitChaperonrougesedéshabille,etvasemettredanslelit,oùellefutbienétonnéedevoircommentsamère-grandétaitfaiteensondéshabillé.»(p.18)

DansLeBonheurdans le crime deBarbeyd’Aurevilly,HauteclaireTassin, jeuneprofesseurd’escrime,sefaitengagercommefemmedechambredel’épouselégitimedesonamant,le

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comteSerlondeSavigny.Poursefaire,ellechangesonprénomenceluid’Eulalieetchangeaussisoncostume,commeleconstateledocteurTortyvenuauprèsdelacomtessemalade:

«Hauteclaire,devenueEulalie,et la femmedechambrede lacomtessedeSavigny !…Sondéguisement– sitantestqu’unefemmepareillepûtsedéguiser–étaitcomplet.ElleportaitlecostumedesgrisettesdelavilledeV…,etleurcoiffequiressembleàuncasque,etleurslongstirebouchonsdecheveuxtombantlelongdesjoues,–cesespècesdetirebouchonsquelesprédicateursappelaient,danscetemps-là,desserpents,pourendégoûterlesjoliesfilles,sansavoirjamaispuyparvenir.–Etelleétaitlà-dessousd’unebeautépleinederéserve,etd’unenoblesse d’yeux baissés, qui prouvait qu’elles font bien tout ce qu’elles veulent de leurs satanés corps, cescouleuvresdefemelles,quandellesontlepluspetitintérêtàcela…»(p.73)

Hauteclaire, parfaite comédienne, efface son identité, son physique athlétique sous undéguisementetdesmanièresdefemmedechambre.Maissonêtrevéritablereparaîtlanuit,où elle redevient elle-mêmepour retrouver son amant. Elle finit par tuer samaîtresse etvivreaveclecomte.C’estlafemmefataledevenuefemmedechambrepourparveniràsesfins.

Dans Ruy Blas d’Hugo, on retrouve aussi le thème du valet déguisé pour tromper. DonSalluste,grandd’Espagneestdisgraciéparlareine.Poursevenger,ilfaitarrêtersoncousindonCésardeBazanetpoussesonvalet,RuyBlas,amoureuxdelareine,àprendresaplace:

«(…)Onvientdem’apporteruneépée.Ah!tenez,Elleestsurcefauteuil.Ildésignelefauteuilsurlequelilaposél’épéeetlechapeau.Ilyva,etprendl’épée.L’écharpeestd’unesoiePeinteetbrodéeaugoûtleplusnouveauqu’onvoie.Illuifaitadmirerlasouplessedutissu.Touchez.–Quedites-vous,RuyBlas,decettefleur?LapoignéeestdeGil,lefameuxciseleur,Celuiquilemieuxcreuse,augrédesbellesfilles,Dansunpommeaud’épéeuneboîteàpastilles.IlpasseaucoudeRuyBlasl’écharpe,àlaquelleestattachéel’épée.Mettez-ladonc.–Jeveuxenvoirsurvousl’effet.–Maisvousavezainsil’aird’unseigneurparfait!Écoutant.Onvient…oui.C’estbientôtl’heureoùlareinepasse.––LemarquisdelBasto!Laportedufondsurlagaleries’ouvre.DonSallustedétachesonmanteauetlejettevivementsurlesépaulesdeRuyBlas,aumomentoùlemarquisdelBastoparaît;puisilvadroitaumarquis,enentraînantavecluiRuyBlasstupéfait.»(ActeI,ScèneIV,p.27)RuyBlas,liéàDonSalluste,doitséduirelareine.Toutecettepiècereposesurlechangementd’identité.

DansLaComédiehumainedeBalzac,ilexisteunpersonnageprotéiforme,letruandVautrin,alias Jacques Collin. Apparu dans Le Père Goriot comme bourgeois, il est l’abbé CarlosHerreradans Illusions perdues et dansSplendeurs etMisères des courtisanes, romandanslequel ilsedéguiseencoreenAnglaisetenWilliamBacker,Sesagentssontaussid’habilescomédiens,commeAsie,aliasJacquelineCollin,satante,venuelevoirenprison:

«Bientôtunedame,agitantunpapierbleu,seprésenta,suivied’unvaletdepiedetd’unchasseur,àlagrilleduguichet.Vêtuetoutennoir,etmagnifiquement,lechapeaucouvertd’unvoile,elleessuyaitseslarmesavecunmouchoirbrodétrèsample.JacquesCollinreconnutaussitôtAsie(…).Lepapier,parsacouleur,impliquaitdéjà

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depuissantes recommandations ; car ces permissions, comme les billets de faveur au spectacle, diffèrent deformeetd’aspect.Aussi leporte-clefsouvrit-il leguichet,surtoutenapercevantcechasseuremplumédont lecostumevertetor,brillantcommeceluid’ungénéralrusse,annonçaitunevisiteusearistocratiqueetunblasonquasiroyal.(…)Latante,dontlatoilettedevaitétourdirlegreffe,ledirecteur,lessurveillantsetlesgendarmes,puaitlemusc.Elleportait,outredesdentellespourmilleécus,uncachemirenoirdesixmillefrancs.»(p.344)

DansLesMisérables, Thénardierprendplusieurs identitéspour tromper sonmonde.Alorsqu’ilvientdéguiséchezMariuspourluisoutirerdel’argent,ilestdécouvert:

«– EtjevousdisquevousêtesThénardier.– Jelenie.– Etquevousêtesungueux.Tenez.EtMarius,tirantdesapocheunbilletdebanque,leluijetaàlaface.– Merci!pardon!cinqcentsfrancs!monsieurlebaron!Etl’homme,bouleversé,saluant,saisissantlebillet,l’examina.– Cinqcentsfrancs!reprit-il,ébahi.Etilbégayaàdemi-voix:Unfafiotsérieux!Puisbrusquement:– Ehbien,soit,s’écria-t-il.Mettons-nousànotreaise.Et,avecune prestesse de singe, rejetant ses cheveux en arrière, arrachant ses lunettes, retirant de son nez etescamotantlesdeuxtuyauxdeplumedontilaétéquestiontoutàl’heure,etqu’onad’ailleursdéjàvusàuneautrepagedecelivre,ilôtasonvisagecommeonôtesonchapeau.L’œils’alluma;lefrontinégal,raviné,bossupar endroits, hideusement ridé en haut, se dégagea, le nez redevint aigu commeun bec ; le profil féroce etsagace de l’homme de proie reparut. – Monsieur le baron est infaillible, dit-il d’une voix nette et d’où avaitdisparutoutnasillement,jesuisThénardier.»(t.5,p.262)

Ledéguisementpourseprotéger

M.deFauchelevent,aliasJeanValjean,considèrelevêtementdegardenationalcommeunbondéguisement,luipermettantdeprotégersavéritableidentité:

«Troisouquatrefoisl’an,JeanValjeanendossaitsonuniformeetfaisaitsafaction;trèsvolontiersd’ailleurs;c’étaitpourluiundéguisementcorrectquilemêlaitàtoutlemondeenlelaissantsolitaire.JeanValjeanvenaitd’atteindresessoixanteans,âgedel’exemptionlégale;maisiln’enparaissaitpasplusdecinquante;d’ailleurs,iln’avaitaucuneenviedesesoustraireàsonsergent-majoretdechicaner lecomtedeLobau ; iln’avaitpasd’étatcivil;ilcachaitsonnom,ilcachaitsonidentité,ilcachaitsonâge,ilcachaittout;et,nousvenonsdeledire,c’étaitungardenationaldebonnevolonté.Ressembleraupremiervenuquipayesescontributions,c’étaitlàtoutesonambition.Cethommeavaitpouridéal,audedans,l’ange,audehors,lebourgeois.»(p.59)

Dans Peau d’âne de Perrault, l’infante veut échapper au mariage avec son père. Sur lesconseils de sa marraine, elle lui demande, pour dot, des robes incroyables (couleur dutemps,couleurdelalune,puiscouleurdutemps)qu’ilfinitparluioffrir.Alors,elleserésoutàluidemanderlapeaudel’ânequ’ilaimepassionnément:

«Le pauvre âne fut sacrifié, et la peau galamment apportée à l’infante, qui, ne voyant plus aucun moyend’éluder sonmalheur, s’allait désespérer, lorsque samarraineaccourut. «Que faites-vous,ma fille ?dit-elle,voyantlaprincessedéchirantsescheveuxetmeurtrissantsesbellesjoues;voicilemomentleplusheureuxdevotre vie. Enveloppez-vous de cette peau ; sortez de ce palais, et allez tant que terre pourra vous porter :lorsqu’on sacrifie tout à la vertu, les dieux savent en récompenser. Allez, j’aurai soin que votre toilette voussuivepartout;enquelquelieuquevousvousarrêtiez,votrecassette,oùserontvoshabitsetvosbijoux,suivravospassousterre;etvoicimabaguettequejevousdonne:enfrappantlaterre,quandvousaurezbesoindecettecassette,elleparaîtraàvosyeux;maishâtez-vousdepartir;etnetardezpas.»(p.50)

C’estainsique,vêtuedelapeaudel’âne,ellesesauvepouréchapperàsonpèreettrouveunemploideservantedansunemétairied’unautreroyaume.

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Ledéguisementpourespionner

Ledéguisementesttrèssouventutiliséparlespolicierspourlesbesoinsdeleursenquêtes.Voici ceux de Peyrade, de Contenson et de Corentin, dans Splendeurs et Misères desCourtisanes:

Contenson:«Soncynismeenfaitdecostumeavaitunsens:iltenaitaussipeuàsonhabillementdevillequelesacteurstiennentauleur;ilexcellaitàsedéguiser,àsegrimer;ileûtdonnédesleçonsàFréderickLemaître,carilpouvaitsefairedandyquandillefallait.»(p.76)

ContensonetPeyrade:«Aprèsavoirsavourélebonheurdesapaternitépendantquelquesheures,Peyrade,lescheveux lavés et teints (sa poudre était un déguisement), vêtu d’une bonne grosse redingote de drap bleuboutonnée jusqu’aumenton,couvertd’unmanteaunoir,chaussédegrossesbottesà fortessemellesetmunid’une carte particulière,marchait à pas lents le long de l’avenueGabrielle, où Contenson, déguisé en vieillemarchandedesquatresaisons,lerencontradevantlesjardinsdel’Élysée-Bourbon.»(p.90)

Peyrade en Anglais et Contension en mulâtre: «À midi, le mulâtre de monsieur Samuel Johnson servaitgravement sonmaître, qui déjeunait toujours trop bien, par calcul. Peyrade voulait se faire passer pour unAnglais du genre Buveur, il ne sortait jamais qu’entre deux vins. Il avait des guêtres en drap noir qui luimontaient jusqu’aux genoux et rembourrées demanière à lui grossir les jambes ; son pantalon était doubléd’unefutaineénorme;ilavaitungiletboutonnéjusqu’aumenton;sacravatebleueluientouraitlecoujusqu’àfleurdes joues ; il portait unepetiteperruque roussequi lui cachait lamoitiédu front ; il s’était donné troispoucesdeplusenviron;ensortequeleplusancienhabituéducaféDavidn’auraitpulereconnaître.Àsonhabitcarré,noir,ampleetproprecommeunhabitanglais,unpassantdevaitleprendrepourunAnglaismillionnaire.Contensonavaitmanifestél’insolencefroideduvaletdeconfianced’unnabab,ilétaitmuet,rogue,méprisant,peu communicatif, et se permettait des gestes étrangers et des cris féroces. Peyrade achevait sa secondebouteillequandungarçondel’hôtelintroduisitsanscérémoniedansl’appartementunhommeenquiPeyrade,aussibienqueContenson,reconnutungendarmeenbourgeois.»(p.161-162)

Corentin en valet de chambre: «Deux heures avant le moment où Peyrade allait être réveillé dans samansarde de la rue Saint-Georges, Corentin, venu de sa campagne de Passy, se présentait chez le duc deGrandlieu, sous le costumed’unvaletde chambredebonnemaison.Àuneboutonnièrede sonhabitnoir sevoyaitlerubandelaLégion-d’honneur.Ils’étaitfaitunepetitefiguredevieillard,àcheveuxpoudrés,trèsridée,blafarde.Sesyeuxétaientvoiléspardeslunettesenécaille.Enfinilavaitl’aird’unvieuxchefdebureau.Quandil eut dit son nom (monsieur de Saint-Denis) il fut conduit dans le cabinet du duc deGrandlieu, où il trouvaDerville, lisant la lettre qu’il avait dictée lui-même à l’un de ses agents, le Numéro chargé des Écritures.»(p.186)

Corentin en petit vieux: «Le magistrat échangea soudain un regard avec Corentin. Ce regard, qui ne putéchapperàTrompe-la-Mort,dontl’attentionétaitportéesurmonsieurdeGrandville, luifitapercevoir lepetitvieux étrange, assis sur un fauteuil, dans un coin. Sur-le-champ, averti par cet instinct si vif et si rapide quidénoncelaprésenced’unennemi,JacquesCollinexaminacepersonnage; ilvitdupremiercoupd’œilquelesyeux n’avaient pas l’âge accusé par le costume, et il reconnut un déguisement. Ce fut en une seconde larevanche prise par Jacques Collin sur Corentin, de la rapidité d’observation avec laquelle Corentin l’avaitdémasquéchezPeyrade.(VoirSplendeursetMisères,IIepartie.)»(p.386-387)

Enfin,uneapparencenaturellepeutparfoisfairepenseràundéguisement,commepourlejeuneMaximedansLaCuréeaumomentoùilrencontreRenéepourlapremièrefois,alorsquecelle-cis’affaireàtransformerlarobequevientdeluienvoyerlecouturierWorms:

«Undomestiquevenaitdel’amenerdelagare,etilétaitdanslegrandsalon,raviparl’ordel’ameublementetduplafond,profondémentheureuxdeceluxeaumilieuduquelilallaitvivre,lorsqueRenée,quirevenaitdechezsontailleur,entracommeuncoupdevent.Elle jetasonchapeauet leburnousblancqu’elleavaitmissursesépaulespourseprotégercontrelefroiddéjàvif.ElleapparutàMaxime,stupéfaitd’admiration,danstoutl’éclat

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desonmerveilleuxcostume.L’enfant lacrutdéguisée.Elleportaitunedélicieusejupedefayebleue,àgrandsvolants, sur laquelle était jetée une sorte d’habit de garde-française de soie gris tendre. Les pans de l’habit,doublédesatinbleuplusfoncéquelafayedujupon,étaientgalammentrelevésetretenuspardesnœudsderuban;lesparementsdesmanchesplates,lesgrandsreversducorsages’élargissaient,garnisdumêmesatin.Et,commeassaisonnementsuprême,commepointerisquéed’originalité,degrosboutonsimitantlesaphir,prisdansdesrosettesazur,descendaientlelongdel’habit,surdeuxrangées.C’étaitlaidetadorable.»(p.69)

2.2.1.2.Levêtementetletravestissement

Setravestir,c’estporterl’habitdel’autresexe.Letravestissementestunesous-catégoriedudéguisement.

Letravestissementauthéâtre

Au théâtre, il existe deux rôles de travesti: le travesti féminin, rôle représentant unpersonnage d’homme joué par une femme; le travesti masculin, rôle représentant unpersonnagedefemmejouéparunhomme.Danslepremiercas,ilarrivequ’unauteurayantàmettreenscèneunadolescent,lefassejouerparunefemmepourluidonnerplusdegrâceet de naturel. C’est ce que fit Beaumarchais pour Chérubin dans LeMariage de Figaro.Ilpeutaussis’agirdefairejoueràunefemmelerôledel’amoureuxpassionné,poursauverceque certaines situationspourraientprésenterd’unpeuexcessif etd’unpeudangereuxenscène.Lesrôlestravestisregroupentdespersonnagesaugenretrouble(àlafoismasculinset féminins) et pour lesquels la bienséance ne tolèrerait pas qu’ils soient sexualisés. Enconfiant le rôleàune femme,oncherchenonpasàaccentuer la féminitédupersonnage,maisàneutralisersasexualité.C’estbiendanslesidéesdelabourgeoisieduXIX°.

DansLeMariagedeFigaro,ActeII,Scène6,SuzanneetlaComtessetravestissentChérubinenfille,afindelecacherauxyeuxduComtequiveutl’envoyerfairelaguerre:

«(…)Suzannevaposerlaguitaresurunfauteuil.:Oh!pourdusentiment,c’estunjeunehommequi…Ahçà,monsieurl’officier,vousa-t-onditquepourégayerlasoirée,nousvoulonssavoird’avancesiundemeshabitsvousirapassablement?LaComtesse:J’aipeurquenon.Suzannesemesureaveclui:Ilestdemagrandeur.Ôtonsd’abordlemanteau.(Elleledétache.)LaComtesse:Etsiquelqu’unentrait?Suzanne:Est-cequenousfaisonsdumaldonc?jevaisfermerlaporte(Ellecourt.);maisc’estlacoiffurequejeveuxvoir.(ActeII,Scène4,p.45-46)LaComtesse:Surmatoilette,unebaigneuseàmoi.(Suzanneentredanslecabinetdontlaporteestaubordduthéâtre.)«(…)LaComtesse:C’estcequejedisais.Est-celàmabaigneuse?Suzannes’assiedprèsdelacomtesse:Etlaplusbelledetoutes.(Ellechanteavecdesépinglesdanssabouche.)Tournez-vousdoncenversici,JeandeLyra,monbelami.(Chérubinsemetàgenoux.Ellelecoiffe.)Madame,ilestcharmant!LaComtesse:Arrangesoncolletd’unairunpeuplusféminin.Suzannel’arrange:Là…maisvoyezdonccemorveux,commeilestjolienfille!j’ensuisjalouse,moi!(Elleluiprendlementon.)Voulez-vousbienn’êtrepasjolicommeça?LaComtesse:Qu’elleestfolle!Ilfautreleverlamanche,afinquel’amadisprennemieux…(…)»(ActeII,ScèneVI,p.48)(…)Suzanne:(…)–Ahqu’ilalebrasblanc!c’estcommeunefemme!plusblancquelemien!regardezdonc,madame?(Ellelescompare.)(p.49)

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Le travestissement a toujours revêtu une connotation plus ou moins subversive, vul’interdictionbibliquedeprendrel’habitdusexeopposé.Letransvestismefémininesttolérétant que la femme n’a pas pour but d’usurper le rôle ou le pouvoir masculin. Quant autransvestismemasculin,depuis laRévolution, il suscitedeplusenplusd’intoléranceetderépugnance,carl’hommequisetravestitsedéviriliseetseféminise.Versladeuxièmemoitiédu XIX°, avec l’émergence du discours psychiatrique, s’installe la notion de sexualité,établissant ainsi une forte association entre le travestissement et l’homosexualité.Désormais,letravestissementégaleladéviancesexuelle.

DansLaCurée,Renéeadeuxjoursderéception.Lelundiestréservéauxamiesintimes.Leshommesnesontpasadmis,àl’exceptiondesonbeau-filsMaxime.Unsoir,Renéeal’idéedeletravestir:«Un soir, elle eut l’étonnante idée de l’habiller en femme et de le présenter comme une de ses cousines.Adeline,Suzanne, labaronnedeMeinhold,et lesautresamiesquiétaient là,se levèrent,saluèrent,étonnéesparcettefigurequ’ellesreconnaissaientvaguement.Puislorsqu’ellescomprirent,ellesrirentbeaucoup,ellesnevoulurent absolument pas que le jeune homme allât se déshabiller. Elles le gardèrent avec ses jupes, letaquinant,seprêtantàdesplaisanterieséquivoques.»(p.141)Cetravestissementestpourelletout-à-faitnormal,carMaximeestefféminé.C’estunêtreandrogyne:«Renée,avecdesyeuxhabituésauxgrâcesprovinciales,auraitvuque,toutfagotéqu’ilétait, lepetittondu,commeellelenommait,souriait,tournait lecou,avançait lesbrasd’unefaçongentille,decetairféminindesdemoisellesdecollège.(…)Sescamaradessependaientàsablouse,commeàunejupe,etilseserraittellement,qu’ilavaitlataillemince,lebalancementdehanchesd’unefemmefaite.Lavéritéétaitqu’ilrecevaitautantdecoups que de caresses» (…)Mais lamarque de ses abandons d’enfant, cette effémination de tout son être,cette heure où il s’était cru fille, devait rester en lui, le frapper à jamais dans sa virilité. Renée l’appelait «mademoiselle, sans savoir que, sixmois auparavant, elle aurait dit juste.» (p.72) «Ce queMaxime adorait,c’étaitdevivredanslesjupes,dansleschiffons,danslapoudrederizdesfemmes.Ilrestaittoujoursunpeufille,avec sesmains effilées, son visage imberbe, son cou blanc et potelé. » (p.75) Selon lamarquise d’Espanet:«Voilàungarçonquiauraitdûnaîtrefille(…)»(p.76)

Dansceroman,Zolaposeleproblèmedel’androgynieavecacuité.Levêtementycontribueaussi:portéparLouisedeMareuiletRenée,ilmetenvaleurleurcôtémasculin;portéparMaxime,ilfaitressortirsoncôtéféminin.

LouisedeMareuilapparaîtplusgarçonquefille:

«Et, en vérité, dans sa robede foulardblancàpois rouges, avec son corsagemontant, sapoitrineplate, sapetitetêtelaideetfûtéedegamin,elleressemblaitàungarçondéguiséenfille.»(p.28)

Renée,êtreandrogynemasculiniséestl’hommeducouple:

«Elle continuaità cligner les yeux,avec saminedegarçon impertinent, son frontpur traverséd’unegranderide,sabouche,dontlalèvresupérieureavançait,ainsiquecelledesenfantsboudeurs.Puis,commeellevoyaitmal,ellepritsonbinocle,unbinocled’homme,àgarnitured’écaille,etletenantàlamain,sansseleposersurlenez,elleexaminalagrosseLaured’Aurignytoutàsonaise,d’unairparfaitementcalme.»(p.1-2)«–Jetedisque j’aime l’odeurdutabac,s’écria-t-elle.Gardetoncigare…Puis,nousnousdébauchons,cesoir…Jesuisunhomme,moi.(…).Satêtenue,couverted’unepluiedepetitsfrisons,coifféed’unsimplerubanbleu,ressemblaitàcelled’unvraigamin,au-dessusdelagrandeblousedesatinnoirquiluimontaitjusqu’aucou.»(p.100-101)

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Renée a un appétit sexuel insatiable et son pouvoir tyrannique se fait sentir à travers saposition sexuelle dominante. La posture sexuelle soumise deMaxime est indicative de safaiblesse et de son manque de virilité. Le pouvoir de Renée atteint son point culminantlorsquelesdeuxamantsfontl’amourdanslaserre:

«Ilseurentunenuitd’amourfou.Renéeétait l’homme,lavolontépassionnéeetagissante.Maximesubissait.Cetêtreneutre,blondetjoli,frappédèsl’enfancedanssavirilité,devenait,auxbrascurieuxdelajeunefemme,unegrandefille,avecsesmembresépilés,sesmaigreursgracieusesd’éphèberomain. Ilsemblait liéetgrandipouruneperversiondelavolupté.Renéejouissaitdesesdominations,ellepliaitsoussapassioncettecréatureoù le sexe hésitait toujours. C’était pour elle un continuel étonnement du désir, une surprise des sens, unebizarresensationdemalaiseetdeplaisiraigu.Ellenesavaitplus;ellerevenaitavecdesdoutesàsapeaufine,àsoncoupotelé,àsesabandonsetàsesévanouissements.Elleéprouvaalorsuneheuredeplénitude.Maxime,en lui révélantun frissonnouveau, compléta ses toilettes folles, son luxeprodigieux, savieàoutrance. Ilmitdanssachairlanoteexcessivequichantaitdéjàautourd’elle.Ilfutl’amantassortiauxmodesetauxfoliesdel’époque. Ce joli jeune homme, dont les vestons montraient les formes grêles, cette fille manquée, qui sepromenaitsurlesboulevards,laraieaumilieudelatête,avecdepetitsriresetdessouriresennuyés,setrouvaêtre,auxmainsdeRenée,unedecesdébauchesdedécadencequi,àcertainesheures,dansunenationpourrie,épuiseunechairetdétraqueuneintelligence.Etc’étaitsurtoutdanslaserrequeRenéeétaitl’homme.Lanuitardentequ’ilsypassèrentfutsuiviedeplusieursautres.Laserreaimait,brûlaitaveceux.»(p.135)

IlexistebiendansLaCurée,uneinversionsexuelle.LetravestissementpeutyêtreconsidérécommeundessignesdeladécadencedusecondEmpire,dansuneépoqueoùlapuissancenationaleestsynonymedemasculinité.

2.2.2.Levêtementetlerègnedel’apparence

Silevêtementestlerefletdel’appartenancesocialedeceluiquileporte(Cf.2.1.1.1.),ilpeutêtreutiliséàdesfinsd’illusion,c’est-à-direpourfairecroirequel’onappartientàuneclassesociale qui n’est pas la sienne ou pas encore la sienne. Dans ce cas, lamise en scène del’individuparlevêtementfausselejeusocial,puisqu’ellefaitcroireàunepositionélevéedupersonnagequienréalitéestautre.Mais,pouropérercechangementdecatégoriesociale,ilest nécessaired’intégrer les codesqui régissent lemondedans lequel onpénètreou l’onespère s’intégrer: codes vestimentaires, comportementaux, etc. Par un processus desocialisationanticipative, l’enrichi imite leshabitudes, lesgoûtset lesmanièresdugroupesocialdontilaspireàdevenirmembre.L’archétypeduparvenunousestdonnéparMolièreavecMonsieurJourdain.Maîtreàdanser,maîtred’armes,maîtretailleur,maîtredemusiqueetmaître de philosophie viennent livrer leur savoir à ce riche bourgeois désirant paraîtregentilhomme.LeBourgeoisGentilhommesertdesatireàcetteprédispositiondeshommesàjugersurlesapparences.LanouvelleconditiondegentilhommedeM.Jourdainpassedoncparlacommanded’unhabitplusadéquat.Mais,celui-cineconvientpasparfaitement:

«Maître tailleur, garçon tailleur, portant l’habit de M. Jourdain, Monsieur Jourdain, laquais. MONSIEURJOURDAINAhvousvoilà!jem’allaismettreencolèrecontrevous.MAÎTRETAILLEURJen’aipaspuvenirplustôt,etj’aimisvingtgarçonsaprèsvotrehabit.MONSIEURJOURDAINVousm’avezenvoyédesbasdesoiesiétroits,quej’aieutouteslespeinesdumondeàlesmettre,etilyadéjàdeuxmaillesderompues.MAÎTRETAILLEURIlsnes’élargirontquetrop.MONSIEUR JOURDAINOui, si je romps toujours desmailles. Vousm’avez aussi fait faire des souliers quimeblessent furieusement.MAÎTRETAILLEURPointdu tout,Monsieur.MONSIEUR JOURDAINComment, pointdutout?

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MAÎTRETAILLEURNon,ilsnevousblessentpoint.MONSIEURJOURDAINJevousdisqu’ilsmeblessent;moi.MAÎTRETAILLEURVousvousimaginezcela.MONSIEURJOURDAINJemel’imagine,parcequejelesens.Voyezlabelleraison!»(p.30)Cette réplique adressée au tailleur condense le conflit douloureux entre le corps et lemasque,lavéritédupersonnageauxprisesavecsonrêveinapproprié.Souvent,l’usurpationd’uneidentitéquin’estpasnaturelleaupersonnagesesoldeparunmal-êtreenportantcesvêtements.

Pour gravir les échelons, il faut changer de vêtements en conséquence. Cet aphorismebalzacienestlepivotd’Illusionsperdues:

«Laquestionducostumeestd’ailleursénormechezceuxquiveulentparaîtreavoircequ’ilsn’ontpas;carc’estsouventlemeilleurmoyendeleposséderplustard.»(p.114)

LuciendeRubemprése lancedansunvéritableparcoursducombattantpourdevenirnonseulementunélégant,maisdandy.IldoitintégrerseullescodesduparaîtredanslasociétéaristocratiquedelaRestauration.Poursefaire,ilsepromènedanslesJardinsdesTuileries,lieudepromenadeparexcellencedesélégantsetdesdandys,lieuoùilfautsemontreretsemettre en scène et observe comment ils sont habillés et se comportent.C’est alors qu’ilprendconscienceduridiculedesa tenue. Il s’achètealorsunetenuetrèschère,bienqu’iln’enaitpas lesmoyens,mais ilresteridicule,car ilmanqued’aisancedanssesvêtements.Enfin,grâceàLousteau,ilfinitparintégrertouslescodesdelavieparisienneetdevenirundandy:

«Lucien vit pendant un mois son temps pris par des soupers, des dîners, des déjeuners, des soirées, et futentraîné par un courant invincible dans un tourbillon de plaisirs et de travaux faciles. Il ne calcula plus. Lapuissanceducalculaumilieudescomplicationsdelavieest lesceaudesgrandesvolontésquelespoètes, lesgens faiblesoupurementspirituelsnecontrefont jamais. Commelaplupartdes journalistes,Lucienvécutaujourlejour,dépensantsonargentàmesurequ’illegagnait,nesongeantpointauxchargespériodiquesdelavieparisienne,siécrasantespourcesbohémiens.Samiseetsatournurerivalisaientaveccellesdesdandieslespluscélèbres. Coralieaimait, comme tous les fanatiques, àparer son idole ; elle se ruinapourdonnerà son cherpoète cetélégantmobilierdesélégantsqu’ilavait tantdésirépendant sapremièrepromenadeauxTuileries.Lucien eut alors des cannesmerveilleuses, une charmante lorgnette, des boutons en diamants, des anneauxpoursescravatesdumatin,desbaguesàlachevalière,enfindesgiletsmirifiquesenassezgrandnombrepourpouvoirassortirlescouleursdesamise.Ilpassabientôtdandy.Lejouroùilserenditàl’invitationdudiplomateallemand, samétamorphoseexcitaunesorted’enviecontenuechez les jeunesgensqui s’y trouvèrent,etquitenaient lehautdupavédans le royaumede la fashion, tels que de Marsay, Vandenesse, AjudaPinto,Maximede Trailles, Rastignac, le ducdeMaufrigneuse,Beaudenord,Manerville, etc. Les hommesdumondesontjalouxentreeuxàlamanièredesfemmes.LacomtessedeMontcornetetlamarquised’Espard,pourquiledînersedonnait,eurentLucienentreelles,etlecomblèrentdecoquetteries.»(p.278-279)Pour la femme aussi, l’apparence est très importante. Si certaines cachent sous lasomptuositédeleursvêtementsuneprofondecorruptionmorale,d’autres,grâceauluxedeleurs toilettes, aspirent à captiver l’attention masculine, afin de s’affirmer sur la scènethéâtraledelahautesociété.C’estainsique,dansIllusionsPerdues,MmeBargeton(Marie-Louise-Anaïs de Nègrepelisse), «une femme grande, sèche, couperosée, fanée, plus querousse, anguleuse, guindée, précieuse, prétentieuse, provinciale dans son parler, mal

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arrangéesurtout.»(p.117)esttransforméeparletalentdesacousineMmed’Espardenunefemmeséduisante:

«Lafiles’arrêtaparsuited’unencombrement,LucienputvoirLouisedanssatransformation,ellen’étaitpasreconnaissable : les couleursde sa toilette étaient choisiesdemanièreà faire valoir son teint ; sa robeétaitdélicieuse ; ses cheveux arrangés gracieusement lui seyaient bien, et son chapeau d’un goût exquis étaitremarquableàcôtédeceluidemadamed’Espard,qui commandait à la mode. Ily a une indéfinissablefaçondeporterunchapeau:mettezlechapeauunpeutropenarrière,vousavezl’aireffronté;mettez-letropen avant, vous avez l’air sournois ; de côté, l’air devient cavalier ; les femmes comme il faut posent leurschapeaux comme elles veulent et ont toujours bon air.Madame de Bargeton avait sur-le-champ résolu cetétrange problème. Une jolie ceinture dessinait sa taille svelte. Elle avait pris les gestes et les façons de sacousine;assisecommeelle,ellejouaitavecuneélégantecassoletteattachéeàl’undesdoigtsdesamaindroiteparunepetitechaîne,etmontraitainsisamainfineetbiengantéesansavoirl’airdevouloirlamontrer.Enfinelles’étaitfaitesemblableàmadamed’Espardsanslasinger;elleétaitladignecousinedelamarquise,quiparaissaitêtrefièredesonélève.»(p.127)Le luxe est donc non seulement un signe de distinction, mais aussi l’instrument del’affirmationsocialedelafemme.

Dans LaCurée, Renée vit dansune folie constantede la représentation lors desmultiplesbalsbourgeoisetimpériauxauxquelselleprendpart.Atraversl’abondanceetl’originalitédesestoilettes,elletriomphetoujoursparsabeauté.Dansceroman,Zolanousmontrequelacourse de lamode et la somptuosité de l’habillement féminin devient une garantie de lavaleur bourgeoise pour les époux. Une brutal réification de la femme qui a lieu dans lasociétéfrançaiseduXIX°.Lesmagasinsdenouveautésmontrentbiencombienlafemmeestréduiteàl’étatd’unobjetvenduetmarchandé.

DansLesMisérables,Cosetteaussisoignesonapparence:

«LepremierjourqueCosettesortitavecsarobeetsoncamaildedamasnoiretsonchapeaudecrêpeblanc,elle vint prendre le bras de Jean Valjean, gaie, radieuse, rose, fière, éclatante. – Père, dit-elle, commentmetrouvezvousainsi?JeanValjeanréponditd’unevoixquiressemblaitàlavoixamèred’unenvieux:–Charmante!–Ilfutdanslapromenadecommeàl’ordinaire.EnrentrantildemandaàCosette:– Est-cequetuneremettrasplustarobeettonchapeau,tusais?Ceci sepassaitdans la chambredeCosette.Cosette se tournavers leporte-manteaude lagarde-robeoù sadéfroquedepensionnaireétaitaccrochée.– Cedéguisement!dit-elle.Père,quevoulez-vousquej’enfasse?Oh!parexemple,non,jeneremettraijamaisceshorreurs.Aveccemachin-làsurlatête,j’ail’airdemadameChien-fou.JeanValjeansoupiraprofondément.Àpartir de cemoment, il remarquaqueCosette, qui autrefoisdemandait toujoursà rester, disant : Père, jem’amusemieuxiciavecvous,demandaitmaintenanttoujoursàsortir.Eneffet,àquoibonavoirunejoliefigureetunedélicieusetoilette,sionnelesmontrepas?»(t.4,p.69-70)Le vêtement peut aussi aider à paraître honnête, alors que l’on et profondémentmalhonnête. C’est ce que nous explique Hugo, dans LesMisérables, en nous décrivant laprofessiondechangeur:

«Il y avait à Paris, à cette époque, dans un vieux logis borgne, rue Beautreillis, près de l’Arsenal, un juifingénieuxquiavaitpourprofessiondechangerungredinenhonnêtehomme.Paspourtroplongtemps,cequieûtpuêtregênantpourlegredin.Lechangementsefaisaitàvue,pourunjouroudeux,àraisondetrentesouspar jour, aumoyen d’un costume ressemblant le plus possible à l’honnêteté de tout lemonde. Ce loueur decostumess’appelait leChangeur; lesfilousparisiens luiavaientdonnécenom,etne luienconnaissaientpas

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d’autre. Ilavaitunvestiaireassezcomplet.Les loquesdont ilaffublait lesgensétaientàpeuprèspossibles. Ilavaitdes spécialitésetdescatégories ;àchaquecloudesonmagasin,pendait,uséeet fripée,uneconditionsociale ; ici l’habitdemagistrat, là l’habitdecuré, là l’habitdebanquier,dansuncoin l’habitdemilitaireenretraite, ailleurs l’habit d’homme de lettres, plus loin l’habit d’homme d’État. Cet être était le costumier dudrameimmensequelafriponneriejoueàParis.Sonbougeétaitlacoulissed’oùlevolsortaitetoùl’escroquerierentrait. Un coquin déguenillé arrivait à ce vestiaire, déposait trente sous, et choisissait, selon le rôle qu’ilvoulait jouer ce jour-là, l’habit qui lui convenait, et, en redescendant l’escalier, le coquin était quelqu’un. Lelendemainlesnippesétaientfidèlementrapportées,etleChangeur,quiconfiaittoutauxvoleurs,n’étaitjamaisvolé. Ces vêtements avaient un inconvénient, ils « n’allaient pas », n’étant point faits pour ceux qui lesportaient, ilsétaientcollantspourcelui-ci, flottantspourcelui-là,etnes’ajustaientàpersonne.Tout filouquidépassaitlamoyennehumaineenpetitesseouengrandeur,étaitmalàl’aisedanslescostumesduChangeur.Ilne fallaitêtreni tropgrasni tropmaigre. LeChangeurn’avaitprévuque leshommesordinaires. Ilavaitprismesureàl’espècedanslapersonnedupremiergueuxvenu,lequeln’estnigros,nimince,nigrand,nipetit.DelàdesadaptationsquelquefoisdifficilesdontlespratiquesduChangeursetiraientcommeellespouvaient.Tantpis pour les exceptions ! L’habit d’homme d’état, par exemple, noir du haut en bas, et par conséquentconvenable, eût été trop large pour Pitt et trop étroit pour Castelcicala. Le vêtement d’homme d’état étaitdésignécommeilsuitdanslecatalogueduChangeur;nouscopions:«Unhabitdedrapnoir,unpantalondecuirde lainenoir,ungiletdesoie,desbottesetdu linge.» Ilyavaitenmarge :Ancienambassadeur,etunenotequenoustranscrivonségalement:«Dansuneboîteséparée,uneperruqueproprementfrisée,deslunettesvertes, des breloques, et deux petits tuyaux de plume d’un pouce de long enveloppés de coton. » Tout celarevenaità l’hommed’État,ancienambassadeur.Toutcecostumeétait, si l’onpeutparlerainsi,exténué ; lescouturesblanchissaient,unevagueboutonnières’entrouvraitàl’undescoudes;enoutre,unboutonmanquaitàl’habitsurlapoitrine;maiscen’estqu’undétail;lamaindel’hommed’État,devanttoujoursêtredansl’habitetsurlecœur,avaitpourfonctiondecacherleboutonabsent.»(t.5,p.257-258)

L’enviedeparaîtreestchezcertainssigrandequ’Andersentrouvelàsujetàunconte.DansLes Habits neufs du Grand-Duc, il présente un homme de pouvoir riche et puissant, enl’occurrence unGrand-Duc, qui a un amour immodéré pour les habits neufs.Or, il arrive,dans la capitaledu royaume,deux friponsqui seprétendent tisserands, se vantentd’êtrecapablesdetisserlaplusbelleétoffedumondeet«lesvêtementsconfectionnésaveccetteétoffepossédaientunequalitémerveilleuse:ilsdevenaientinvisiblespourtoutepersonnequinesavaitpasbienexercersonemploiouquiavait l’esprittropborné.»(p.5). Ilcommandedonc laprécieuseetmerveilleuseétoffeauxdeuxescrocs,quisemettentàfairesemblantde tisser, sans fil, sur leursmétiers vides.Voulant savoiroù ils en sont, il dépêcheauprèsd’euxsonvieuxministre,puisunfonctionnairedontl’honnêteténefaitpasdedoute,mais,nevoyantrien,ceux-cidécidentdeneriendire,c’est-à-diredetaireauxtisserandsescrocsetauGrand-Ducqu’ilsn’ontrienvu.Lamêmeaventurearriveauroi,quin’osepasplusquesessujetsdirequ’ilnepeutrienvoir.Arrivealorslejourdelaprocession,oùleGrand-Ducdoitparaderdansseshabitsneufs:«Quelsuperbecostume!Commelaqueueenestgracieuse?Commelacoupeenestparfaite!»Nulnevoulaitlaisservoirqu’ilnevoyaitrien;ilauraitétédéclaréniaisouincapablederemplirunemploi.Jamaisleshabitsdugrand-ducn’avaientexcitéunetelleadmiration.»(p.8)Nulnepeutrienvoiretchacunfaitsemblantdevoir,craignantquel’onneremarquequ’ilnepeut rien voir. Seul un petit enfant observe: «Mais il me semble qu’il n’a pas du toutd’habit.»(p.8).

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« – Seigneur Dieu, entendez la voix de l’innocence ! » dit le père. Et bientôt on chuchota dans la foule enrépétantlesparolesdel’enfant.«Ilyaunpetitenfantquiditquelegrand-ducn’apasd’habitdutout!–Iln’apasdutoutd’habit!»s’écriaenfintoutlepeuple.»(p.8)Enfin, chez la femme, levêtementpeutaideràparaîtrebien faite.DansEugénieGrandet,Madame d’Aubrion voulant marier sa fille, laide et plate, en tire un parti satisfaisant enjouantsurlatenuevestimentairepourmasquerlesaspectscorporelsnégatifs:

«Aumoyen demanches larges, de corsagesmenteurs, de robes bouffantes et soigneusement garnies, d’uncorsetàhaute-pression,elleavaitobtenudesproduitsfémininssicurieuxque,pourl’instructiondesmères,elleauraitdûlesdéposerdansunmusée.»(p.123-124)

Beaucoupdefemmesutilisent,àdetellesfins,lecorset,emblèmeféticheetfaitdesociété,qui asservit la chair, l’envahit et l’emprisonne, grâce à ses lacets, qui finissent par cassercommedansCendrillon:

LessœursdeCendrillon«(…)furentprèsdedeuxjourssansmanger,tantellesétaienttransportéesdejoie.Onrompitplusdedouzelacets,àforcedelesserrer,pourleurrendrelatailleplusmenue,etellesétaienttoujoursdevantleurmiroir.»(p.34)

DansLaCurée,MmeSidonie,faitl’éloged’uneinventiondestinéeàremplacerlecorset:

«Elleétaitàlaporte,lorsqu’ellerevintencore,et,droitedanslalueurrosedubrasier,avecsafacedecire,ellesemitàfairel’éloged’uneceintureélastique,uneinventiondestinéeàremplacerlescorsets.–Çavousdonneune taille absolument ronde, une vraie taille de guêpe, disait-elle… J’ai sauvé ça d’une faillite. Quand vousviendrez,vousessayerezlesspécimens,sivousvoulez…»(p.126)

Si lechangementd’habitpermetdechangerdecatégoriesociale, ilestpossibledelefairepar personne interposée. C’est ainsi qu’agit Saccard dans La Curée, en se servant de sonépouse comme d’une devanture. Cette notion de femme-objet, femme-marchandise estprésente tout au long du roman. C’est ainsi que, juste après son mariage avec Renée,AristideSaccard:

«(…)regardaitunpeucommeunedecesbellesmaisonsquiluifaisaienthonneuretdontilespéraittirerdegrosprofits. Il lavoulaitbienmise,bruyante, faisant tourner la têteà toutParis.Cela leposait,doublait lechiffreprobable de sa fortune. Il était beau, jeune, amoureux, écervelé, par sa femme. Elle était une associée, unecomplice sans le savoir.Unnouvel attelage, une toilette dedeuxmille écus, une complaisancepour quelqueamant,facilitèrent,décidèrentsouventsesplusheureusesaffaires.»(p.82)

LesuccèsdestenuesdeRenéefaitlaréussitedeSaccard(Cf.2.1.1.2.et2.1.2.2.)etEugèneRougonl’encomplimente:

«EugèneRougon,legrandhommepolitiquequisentaitcettegorgenuepluséloquenteencorequesaparoleàlaChambre,plusdouceetpluspersuasivepourfairegoûterlescharmesdurègneetconvaincrelessceptiques,allacomplimentersabelle-sœursursonheureuxcoupd’audaced’avoiréchancrésoncorsagededeuxdoigtsdeplus. Presque tout le Corps législatif était là, et à la façon dont les députés regardaient la jeune femme, leministresepromettaitunbeausuccès,lelendemain,danslaquestiondélicatedesempruntsdelaVilledeParis.Onnepouvaitvotercontreunpouvoirqui faisaitpousser,dans leterreaudesmillionsunefleurcommecetteRenée,unesiétrangefleurdevolupté,àlachairdesoie,auxnuditésdestatue,vivantejouissancequilaissaitderrièreelleuneodeurdeplaisirtiède.»(p.126-127)

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Dansceroman,Zolamontrebiencomment lamodeduSecondEmpire faitducorpsde lafemmeunspectacle,unobjetd’art.

LesvêtementsjouentunrôleprimordialdanslesContesdePerrault,commedanslasociétéde l’Ancien Régime. Dans Cendrillon et Peau d’âne, il s’agit de vêtements magiques quichangent la destinéede celles qui les portent.Mais, il ne s’agit pasd’undéguisement. Latransformation demeure. En changeant d’habit, la personne acquiert instantanément lesqualitésinhérentesàcellequi leportehabituellement.Grâceauxhabitsdeparadedonnésparsamarrainelafée,Cendrillonséduitleprinceetcelui-cilaretrouvegrâceàlapantoufledevairqu’elleaperdueenquittantlebal.QuantàPeaud’âne,elleséduitsonprincegrâceauxtroismerveilleusesrobesdesacassettequ’ilavuparletroudelaserruredesacabane.En faisant la galette demandée par le princemalade, elle laisse tomber sa bague dans lapâte. Celui-ci demande immédiatement que toutes les femmes et demoiselles du paysviennentessayerlabague.Aucunenepeutpasserlabague.Enfin,onfaitvenirPeaud'âne.Son doigt entre dans la bague et le prince peut alors l'épouser. Une belle apparenceconstituedonclaclédusuccèsamoureux.

2.3.Levêtement,élémentdel’intrigue

Le vêtement peut avoir un rôle narratif: être propulseur de l’intrigue ou bien source decomique.

2.3.1.Levêtement,propulseurdel’intrigue

Le vêtement peut être un déclencheur de drame, comme, par exemple, dans Illusionsperdues,lesbottesdeLucien,observéesparCamusotchezCoralie:

«Lucien se dressa, pensant avec une générosité innée à ne pas nuire à Coralie.Bérénice levaunrideau. Lucien entra dans un délicieux cabinet de toilette, où Bérénice et samaîtresse apportèrent avec uneprestesse inouïe les vêtements de Lucien. Quand le négociant apparut, les bottes du poète frappèrent lesregardsdeCoralie;Bérénicelesavaitmisesdevantlefeupourleschaufferaprèslesavoirciréesensecret.Laservanteet lamaîtresseavaientoubliécesbottesaccusatrices.Bérénicepartitaprèsavoiréchangéunregardd’inquiétudeavecsamaîtresse.Coralieseplongeadanssacauseuse,etditàCamusotdes’asseoirdansunegondoleenfaced’elle.Lebravehomme,quiadoraitCoralie,regardaitlesbottesetn’osaitleverlesyeuxsursamaîtresse.– Dois-jeprendrelamouchepourcettepairedebottesetquitterCoralie?Laquitter!ceseraitsefâcherpourpeudechose.Ilyadesbottespartout.Celles-ciseraientmieuxplacéesdansl’étalaged’unbottier,ousurlesboulevardsàsepromenerauxjambesd’unhomme.Cependant,ici,sansjambes,ellesdisentbiendeschosescontrairesàlafidélité.J’aicinquanteans,ilestvrai:jedoisêtreaveuglecommel’amour.Celâchemonologueétaitsansexcuse.Lapairedebottesn’étaitpasdecesdemi-bottesenusageaujourd’hui,etquejusqu’àuncertainpointunhommedistraitpourraitnepasvoir;c’était,commelamodeordonnaitalorsdelesporter,unepairedebottesentières,trèsélégantes,etàglands,quireluisaientsurdespantalonscollantspresque toujours de couleur claire, et où se reflétaient les objets comme dans un miroir. Ainsi, les bottescrevaientlesyeuxdel’honnêtemarchanddesoieries,et,disons-le,ellesluicrevaientlecœur.»(p.223-224)LesbottesrévèlentaucommerçantlavéritablenaturedesrelationsdeCoralieetdeLucien.Jaloux etmortifié, il finît par abandonner Coralie qui, à son tour, ne peut plus entretenirLucienquisombre.

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Levêtementpeutêtreàlabasedel’action,grâceauxdéguisementsqu’ilpermetetauxjeuxdespersonnagesdoubles.DansRuyBlas,ledéguisementduvaletdeDonSallusteluipermetd’approcher la reine, le manteau usurpé par don César permet tous les quiproquos, ledéguisementdeDonSallusteenvaletluipermetdereveniraupalaisincognitoetderéalisersavengeanceetledéguisementdedonCésaravecleshabitsqu’iltrouvedanslecoffredeRuyBlaspermetàDonSallustedelefairearrêtercommevoleur:

«DONSALLUSTE,àpart:Jegagnetoutengagnantvingt-quatreheures.Al’alcade.Cethommeoseenpleinjourentrerdanslesdemeures.Saisissezcevoleur.LesalguazilssaisissentdonCésaraucollet.DONCÉSAR,furieux,àdonSalluste.Jesuisvotrevalet,Vousmentezhardiment!L’ALCADE.Quidoncnousappelait?DONSALLUSTE:C’estmoi.DONCÉSAR:Pardieu!c’estfort!L’ALCADE:Paix!jecroisqu’ilraisonne.DONCÉSAR:MaisjesuisdonCésardeBazanenpersonne!DONSALLUSTE:DonCésar?–Regardezsonmanteau,s’ilvousplaît.VoustrouverezSallusteécritsouslecollet.C’estunmanteauqu’ilvientdemevoler.Lesalguazilsarrachentlemanteau,l’alcadel’examine.L’ALCADE:C’estjuste.DONSALLUSTE:Etlepourpointqu’ilporte…DONCÉSAR,àpart:Oh!ledamnéSalluste!DON SALLUSTE, continuant. Il est au comte d’Albe, auquel il fut volé… –Montrant un écusson brodé sur leparementdelamanchegauche.Dontvoicileblason!DONCÉSAR,àpart:Ilestensorcelé!L’ALCADE,examinantleblason.Oui,lesdeuxchâteauxd’or…DONSALLUSTE:Etpuis,lesdeuxchaudières.EnriquezetGusman.(…)»(ActeIV,Scène8,p.120-121Dansleromanréaliste,levêtementestsouventunélémentfondateurdel’intrigue,reflétantl’amour,l’intrigue,lesambitionspersonnellesdespersonnagesetparfoisleurdéchéance.

2.3.2.Levêtement,sourcedecomique

Le vêtement peut être source de comique, surtout au théâtre. Dans Le Bourgeoisgentilhomme,àtraverslaprétentiondeMonsieurJourdaindes’habillercommelesgensdequalité,Molière raille l’extravagance de la Cour de Louis XIV, où la profusion de détail etl’outrancesontàlamode.Pourcefaire,lecostumedeMonsieurJourdain,confectionnéparleMaîtretailleur,estdemauvaisgoût,afindelemieuxridiculiser:

«MAÎTRE TAILLEUR: Tenez, voilà le plus bel habit de la cour, et lemieux assorti. C’est un chef-d’œuvre qued’avoirinventéunhabitsérieuxquinefûtpasnoir;etjeledonneensixcoupsauxtailleurslespluséclairés.MONSIEUR JOURDAIN:Qu’est-ce que c’est que ceci ? vous avezmis les fleurs en enbas.MAÎTRE TAILLEUR:Vousnem’aviezpasditquevouslesvouliezenenhaut.MONSIEURJOURDAIN:Est-cequ’ilfautdirecela?MAÎTRE TAILLEUR: Oui, vraiment. Toutes les personnes de qualité les portent de la sorte. MONSIEURJOURDAIN:Lespersonnesdequalitéportentlesfleursenenbas?MAÎTRETAILLEUR:Oui,Monsieur.MONSIEURJOURDAIN:Oh!voilàquiestdoncbien.

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MAÎTRETAILLEUR:Sivousvoulez,jelesmettraienenhaut.MONSIEURJOURDAIN:Non,non.MAÎTRETAILLEUR:Vousn’avezqu’àdire.MONSIEURJOURDAIN:Non,vousdis-dis-je;vousavezbienfait.Croyez-vousquel’habitm’aillebien?MAÎTRETAILLEUR:Belledemande!Jedéfieunpeintre,avecsonpinceau,devousnefaireriendeplusjuste.J’aichezmoi un garçon qui, pour monter une rhingrave, est le plus grand génie du monde ; et un autre qui, pourassemblerunpourpoint,estlehérosdenotretemps.MONSIEURJOURDAIN:Laperruque,etlesplumessont-ellescommeilfaut?MAÎTRETAILLEUR:Toutestbien.»(ActeI,Scène5,p.30-31)Pourne rien risquerpar sacaricature,Molièredonne ici au rireunevaleuruniverselle. Leproblèmesocialethistoriqueposéparsapièce,estégaréparmileséclatsderire.Jourdainéchoueàcausedesabalourdiseetdesonmanquederaffinement.Saprétentionreprésenteunoutragesigrandqu’ilnepeutqueprovoquerlerireetleridicule,d’oùlaturqueriefinale,oùilestdéguiséenmamamouchi.Alafin,toutlemondeparticipeàsafolie.

DansLesPrécieusesridicules,cesontlesaristocratesqui,pourlapremièrefois,jouentlerôledupersonnageridicule.C’est levêtementquiparticipeà ladynamiquefarcesque,comme,parexemple,danslaScène10,oùMascarillefaitadmirerseshabits:

«(…)MASCARILLE:Quevoussembledemapetiteoie?Latrouvez-vouscongruenteàl’habit?CATHOS:Toutàfait.MASCARILLE:Lerubanestbienchoisi.MADELON:Furieusementbien.C’estPerdrigeontoutpur.MASCARILLE:Quedites-vousdemescanons?MADELON:Ilsonttoutàfaitbonair.MASCARILLE:Jepuismevanteraumoinsqu’ilsontungrandquartierplusquetousceuxqu’onfait.MADELON:Ilfautavouerquejen’aijamaisvuportersihautl’élégancedel’ajustement.MASCARILLE:Attachezunpeusurcesgantslaréflexiondevotreodorat.MADELON:Ilssententterriblementbon.CATHOS:Jen’aijamaisrespiréuneodeurmieuxconditionnée.MASCARILLE:Etcelle-là?(Ildonneàsentirlescheveuxpoudrésdesaperruque.)MADELON:Elleesttoutàfaitdequalité;lesublimeenesttouchédélicieusement.MASCARILLE:Vousnemeditesriendemesplumes,commentlestrouvez-vous?CATHOS:Effroyablementbelles.MASCARILLE:Savez-vousquelebrinmecoûteunlouisd’or?Pourmoi,j’aicettemaniedevouloirdonnergénéralementsurtoutcequ’ilyadeplusbeau.MADELON:Jevousassurequenoussympathisons,vousetmoi.J’aiunedélicatessefurieusepourtoutcequejeporte;etjusqu’àmeschaussettes,jenepuisriensouffrirquinesoitdelabonneouvrière.(…)»(p.25-26)EtdanslaScène16,lorsquelaGrangeetDuChoisyrévèlentqueMascarilleetJodeletsontleursvaletsetqu’ilsleurfontretirerleursatours:«DU CROISY: Comment,mesdames ! nous endurerons que nos laquais soientmieux reçus que nous ; qu’ilsviennentvousfairel’amourànosdépens,etvousdonnentlebal?MADELON:Voslaquais!LA GRANGE: Oui, nos laquais : et cela n’est ni beau ni honnête de nous les débaucher comme vous faites.MADELON:Ôciel!quelleinsolence!LAGRANGE:Maisilsn’aurontpasl’avantagedeseservirdenoshabitspourvousdonnerdanslavue;etsivouslesvoulezaimer,cesera,mafoi,pourleursbeauxyeux.Vite,qu’onlesdépouillesur-le-champ.JODELETAdieunotrebraverie.MASCARILLE:Voilàlemarquisatetlavicomtéàbas.

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DUCROISY:Ah!ah!coquins,vousavezl’audaced’allersurnosbrisées!Vousirezchercherautrepartdequoivousrendreagréablesauxyeuxdevosbelles,jevousenassure.LAGRANGE:C’esttropquedenoussupplanter,etdenoussupplanteravecnospropreshabits.MASCARILLE:ÔFortune!quelleesttoninconstance!DUCROISY:Vite,qu’onleurôtejusqu’àlamoindrechose.LAGRANGE:Qu’onemporte toutes ceshardes, dépêchez.Maintenant,mesdames, en l’étatqu’ils sont, vouspouvezcontinuervosamoursaveceuxtantqu’ilvousplaira;nousvouslaissonstoutesortedelibertépourcela,etnousvousprotestons,monsieuretmoi,quenousn’enseronsaucunementjaloux.»(p.36-37)Dépouillésdeleursvêtementsilsfontfaceàdeuxjeunesfemmespareillementdépouilléesdeleursuffisanceetdeleurprétention.Ainsi,lamiseànuphysiquedesunscorrespond-elleàlamiseànumoraledesautres.DansRuyBlas,Hugocréedescasillustratifsdugrotesque(Cf.lapréfacedeCromwell).Ceux-cipeuventreleverdelatenuevestimentaire,commelessouliersdedonGuiritan,couvertsderubans,selonlanouvellemodeetraillésdonCésarZafary,cousindeDonSalluste:

«DON CÉSAR Il examine d’un air goguenard les souliers de don Guritan, qui disparaissent sous des flots derubans,selonlanouvellemode.Jadison semettaitdes rubans sur la tête.Aujourd’hui, je le vois, c’estunemodehonnête,Onenmet sur sabotte,onsecoiffelespieds.C’estcharmant!»(ActeIV,Scène5,p.112-113)

Dansleromanréaliste,latenuevestimentairepeutaussiquelquefoisprêteràrire.IlenestainsidelacravatedeM.deChandourdansIllusionsperdues:

«Le mari d’Amélie, la femme qui se posait comme l’antagoniste de madame de Bargeton, monsieur deChandour, qu’on nommait Stanislas, était un ci-devant jeune homme, encoremince à quarante-cinq ans, etdont la figure ressemblait à un crible. Sa cravate était toujours nouée demanière à présenter deux pointesmenaçantes,l’uneàlahauteurdel’oreilledroite,l’autreabaisséeverslerubanrougedesacroix.Lesbasquesdesonhabitétaientviolemmentrenversées.Songilet trèsouvert laissaitvoirunechemisegonflée,empesée,ferméepardes épingles surchargéesd’orfèvrerie. Enfin tout son vêtementavait un caractère exagéréqui luidonnaitunesigranderessemblanceaveclescaricaturesqu’enlevoyantlesétrangersnepouvaients’empêcherdesourire.»(p.55-56)

2.4.Levêtementetlaséduction

2.4.1.Levêtement,exacerbationdel’érotisme

Les couches superposées des vêtements qui recouvrent le corps féminin, contribuent àexacerber l’érotismede la femme. Le corps féminin, à la foismontré et caché, enflammel’imaginairemasculin.Latailleféminine,accentuéeparlecorset,est,parexemple,devenulefoyer des fantasmes masculins. Dans La Comédie humaine, le vêtement joue un rôleimportantdanslecadredelaséduction.Mais,selonBalzac,s’ilaccentuelepouvoirérotiquedu corps, il doit être accompagné d’une gestuelle adéquate, comme «le trémoussementserpentin (p.35)» de Madame Bergeton, dans Illusions Perdues. En effet, l’ignorance decelle-cinuitàlagrâceducorpsetéliminecelleduvêtement.

DansMadameBovary,c’estparlebiaisdesessavantestoilettesqu’Emmaattireetfixesurelle les regardsmasculins. L’attentionqu’elleporteàsa toilette,ycompris sesaccessoires(camail,capote, lorgnoncercléd’or,voilette,gants,ombrelle,mincesbottines),garantitsa

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coopérationamoureuseetassurelanaturesensuellequ’onluiattribue.Objetsd’admirationtoutd’abord,puisdefantasmes,lesvêtementsd’Emmasontprésentsàtouslesstadesdelaséduction amoureuse. Charles voit dans les vêtements d’Emma le bonheur de la vieconjugale.Pourlui,labeautéetl’éléganced’Emmasontlasourced’unamourinépuisable.«Mais,àprésent, ilpossédaitpour laviecette jolie femmequ’iladorait.L’univers,pour lui,n’excédaitpas letoursoyeuxdesonjupon;etilsereprochaitdenepasl’aimer,ilavaitenviedelarevoir;ils’enrevenaitvite,montaitl’escalier,lecœurbattant.Emma,danssachambre,étaitàfairesatoilette;ilarrivaitàpasmuets,illabaisaitdansledos,ellepoussaituncri.Ilnepouvaitseretenirdetouchercontinuellementàsonpeigne,àsesbagues,àsonfichu;quelquefois, il luidonnaitsurlesjouesdegrosbaisersàpleinebouche,ouc’étaientdepetitsbaisersàlafiletoutlelongdesonbrasnu,depuisleboutdesdoigtsjusqu’àl’épaule;etellelerepoussait,àdemisourianteetennuyée,commeonfaitàunenfantquisependaprèsvous.»(p.24)PourRodolphe,lechicdeshabitsd’Emmacomblesesappétitsdejouissanceetflattentsonorgueiletsasensualité.Mais,enluiôtantsesvêtements,Emmaperdsesattraits:«Emmaressemblaitàtouteslesmaîtresses;etlecharmedelanouveauté,peuàpeutombantcommeunvêtement,laissaitvoirànul’éternellemonotoniedelapassion,quiatoujourslesmêmesformesetlemêmelangage.»(p.141)Quant à Léon, pour ce fétichiste, Emma et ses vêtements forment un tout et sontinséparablesdel’idéequ’ilsefaitdel’amourromantique:«Il savourait pour la première fois l’inexprimable délicatesse des élégances féminines. Jamais il n’avaitrencontré cette grâce de langage, cette réserve du vêtement, ces poses de colombe assoupie. Il admiraitl’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe. D’ailleurs, n’était-ce pas une femme dumonde, et unefemmemariée!unevraiemaîtresseenfin?»(p.196)Mais,pourluiaussi,Emmafinitparperdresesattraits:«Il s’ennuyaitmaintenant lorsqueEmma,toutàcoup,sanglotaitsursapoitrine ;et son cœur, comme lesgensquinepeuventendurerqu’unecertainedosedemusique,s’assoupissaitd’indifférenceauvacarmed’unamourdontilnedistinguaitpluslesdélicatesses.»(p.215)Quant au petit Justin, il s’éveille à la sensualité, en regardant Félicité repasser la lingeried’Emma.Pourlui,lesvêtementssesubstituentaucorpsinaccessibledelafemmeidolâtrée:«Le coude sur la longue planche où elle repassait, il considérait avidement toutes ces affaires de femmesétalées autour de lui : les jupons de basin, les fichus, les collerettes, et les pantalons à coulisse, vastes dehanchesetquiserétrécissaientparlebas.– Àquoicelasert-il?demandaitlejeunegarçonenpassantsamainsurlacrinolineoulesagrafes.»(p.139)Face à l’opinion des hommes sur les tenues d’Emma, les Yonvillaises jugent Emmasévèrement et véhiculent un discours péjoratif transmettant les normes sociales de ladécence,de lamoralitéetde labienséance(bagagemoralpetit-bourgeoisetconservateurduXIX°)etlesmaintenantdansleurrôledegardiennesdelavertu.Emmaelle-mêmedévoile

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ses appétits sexuels à travers ses vêtements et ses sous-vêtements, comme lorsqu’elle sedéshabillebrutalementdevantLéon:« Elle se déshabillait brutalement, arrachant le lacetmince de son corset, qui sifflait autour de ses hanchescommeunecouleuvrequiglisse.Elleallait sur lapointede sespiedsnus regarderencoreune fois si laporteétait fermée, puis elle faisait d’un seul geste tomber ensemble tous ses vêtements ; – et, pâle, sans parler,sérieuse,elles’abattaitcontresapoitrine,avecunlongfrisson.»(p.209-210)Lorsquelevêtementrévèleunecertainenudité(décolletés,dentellesàmêmelapeau,tissustransparents,etc.),ilexacerbel’érotismeféminin.Ainsi,quand,dansLaCurée,Renéeentreaubaltravestiencostumed’Otaïtienne,leshommessont-ilssubjugués:«Ce costume, paraît-il, est des plus primitifs : unmaillot couleur tendre, qui luimontait des pieds jusqu’auxseins,enlui laissantlesépaulesetlesbrasnus;et,surcemaillot,unesimpleblousedemousseline,courteetgarniededeuxvolants,pourcacherunpeuleshanches.Danslescheveux,unecouronnedefleursdeschamps;auxchevillesetauxpoignets,descerclesd’or.Et rienautre.Elleétaitnue.Lemaillotavaitdessouplessesdechair, sous la pâleur de la blouse ; la ligne pure de cette nudité se retrouvait, des genoux aux aissellesvaguement effacée par les volants, mais s’accentuant et reparaissant entre les mailles de la dentelle, aumoindremouvement.C’étaitunesauvagesseadorable,une fillebarbareetvoluptueuse,àpeinecachéedansunevapeurblanche,dansunpandebrumemarine,oùtoutsoncorpssedevinait.» (p.191) (…)«Elle laissaitderrière elle un sillage d’habits noirs étonnés et charmés de la transparence de sa blouse de mousseline.»(p.192)DansLesMisérables,MariusestfurieuxqueleventaitlaissévoirlesjarretièresdeCosette:«Toutàcoupunsouffledevent,plusengaîtéquelesautres,etprobablementchargédefairelesaffairesduprintemps,s’envoladelapépinière,s’abattitsurl’allée,enveloppalajeunefilledansunravissantfrissondignedesnymphesdeVirgileetdes faunesdeThéocrite,et soulevasa robe,cette robeplussacréequecelled’Isis,presque jusqu’à la hauteur de la jarretière. Une jambe d’une forme exquise apparut. Marius la vit. Il futexaspéréetfurieux.»(t.3,p.140)Lesvêtements (surtout lespiècesde lingerie)de la femmeaiméepeuventdéclencher,parleurvue,maissurtoutpar leurpossession,unehyperesthésiedelasensualité.C’est lecas,dans LeMariage de Figarode Beaumarchais, où Chérubin, amoureux de la comtesse, estheureuxdeluiravirunruban:«(…)Chérubin:Tusaistropbien,méchante,quejen’osepasoser.Maisquetuesheureuse!àtousmomentslavoir,luiparler,l’habillerlematinetladéshabillerlesoir,épingleàépingle…ah,Suzon!jedonnerais…qu’est-cequetutiensdonclà?Suzanne,raillant:Hélas,l’heureuxbonnet,etlefortunérubanquirenfermentlanuitlescheveuxdecettebellemarraine…Chérubin,vivement:Sonrubandenuit!donne-le-moi,moncœur.Suzanne,leretirant:Ehquenonpas:–Soncœur!Commeilestfamilierdonc!sicen’étaitpasunmorveuxsansconséquence.(Chérubinarracheleruban)Ah,leruban!Chérubintourneautourdugrandfauteuil:Tudirasqu’ilestégaré,gâté;qu’ilestperdu.Tudirastoutcequetuvoudras.(…)»(Acte&,Scène7,p.17-18)Mouretl’abiencompris,luiquiréservetouteunesuitedesallesduBonheurdesdamesàlalingerieféminine:

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«Toutlelingedelafemme,lesdessousblancsquisecachent,s’étalaitdansunesuitedesalles,classéendiversrayons.Lescorsetset les tournuresoccupaientuncomptoir, lescorsetscousus, lescorsetsà taille longue, lescorsets cuirasses, surtout les corsets de soie blanche, éventaillés de couleur, dont on avait fait ce jour-là unétalagespécial,unearméedemannequinssanstêteetsansjambes,n’alignantquedestorses,desgorgesdepoupée aplaties sous la soie, d’une lubricité troublante d’infirme ; et, près de là, sur d’autres bâtons, lestournures de crin et de brillanté prolongeaient cesmanches à balai en croupes énormes et tendues, dont leprofilprenaituneinconvenancecaricaturale.Mais,ensuite,ledéshabillégalantcommençait,undéshabilléquijonchait les vastes pièces, comme si unpeuple de jolies filles s’étaient dévêtuesde rayon en rayon, jusqu’ausatinnude leurpeau. Ici, lesarticlesde lingeriefine, lesmanchetteset lescravatesblanches, lesfichuset lescols blancs, une variété infinie de fanfreluches légères, une mousse blanche qui s’échappait des cartons etmontait enneige. Là, les camisoles, les petits corsages, les robes du matin, les peignoirs, de la toile, dunansouck,desdentelles,de longsvêtementsblancs, libresetminces,où l’onsentait l’étirementdesmatinéesparesseuses,aulendemaindessoirsdetendresse.Etlesdessousapparaissaient,tombaientunàun:lesjuponsblancsdetoutesleslongueurs,lejuponquibridelesgenouxetlejuponàtraînedontlabalayeusecouvrelesol,unemermontantedejupons,danslaquellelesjambessenoyaient;lespantalonsenpercale,entoile,enpiqué,leslargespantalonsblancsoùdanseraientlesreinsd’unhomme;leschemisesenfin,boutonnées,aucoupourlanuit,découvrantlapoitrinelejour,netenantplusque;pard’étroitesépaulettes,ensimplecalicot,entoiled’Irlande,enbatiste,lederniervoileblancquiglissaitdelagorge,lelongdeshanches.C’était,auxtrousseaux,ledéballageindiscret,lafemmeretournéeetvueparlebas,depuislapetitebourgeoiseauxtoilesunies,jusqu’àladame richeblottiedans lesdentelles, unealcôvepubliquementouverte, dont le luxe caché, lesplissés, lesbroderies,lesvalenciennes,devenaitcommeunedépravationsensuelle,àmesurequ’ildébordaitdavantageenfantaisies coûteuses. La femme se rhabillait, le flot blanc de cette tombée de linge rentrait dans lemystèrefrissonnantdesjupes, lachemiseraidiepar lesdoigtsdelacouturière, lepantalonfroidetgardantlesplisducarton,toutecettepercaleettoutecettebatistemortes,éparsessurlescomptoirs,jetées,empilées,allaientsefaire vivantes de la vie de la chair, odorantes et chaudes de l’odeur de l’amour, une nuée blanche devenuesacrée,baignéedenuit,etdontlemoindreenvolement,l’éclairrosedugenouaperçuaufonddesblancheurs,ravageaitlemonde.Puis,ilyavaitencoreunesalle,leslayettes,oùleblancvoluptueuxdelafemmeaboutissaitaublanccandidede l’enfant :une innocence,une joie, l’amantequi se réveillemère,desbrassièresenpiquépelucheux, des béguins en flanelle, des chemises et des bonnets grands commedes joujoux, et des robes debaptême, et des pelisses de cachemire, le duvet blanc de la naissance, pareil à une pluie fine de plumesblanches.»(p.320-321)

Laséductionn’estpasl’apanagedesfemmes.ChezBalzac,lesdandysnesontpasseulementpréoccupés par leurs toilettes, mais se conduisent comme des femmes entretenues enutilisant souvent les mêmes stratagèmes. Cette séduction par le corps, accentuée par levêtement,seretrouventchezplusieursdandys,commeLuciendeRubemprédans IllusionsPerdues. Sa semi-féminité et ses vêtementsmoulants parfaitement coupés séduisent à lafoishomme(JacquesCollin)etfemmes(MmedeBargeton,Coralie).Luciendevientlui-aussiunhommeentretenuquin’estplusqu’unemarionnetteentrelesmainsdeJacquesCollin.

2.4.2.Levêtement,premiercontactaveclecorpsC’estsurlestissusdesrobesqueconvergentlesattentionsetlesdésirsfrustrésdel’homme.Plusilssontprécieux,pluslafemmeestdifficile,voireimpossible,àatteindre.Lasoieestletissuquiexalteauplushautdegrélaféminité.Elleconfèreàlafemmecetartdeséductionsichère à la gente masculine, surtout que, vers la fin du siècle, elle est employée pour lalingerie féminine. Dans Au Bonheur des dames, les étoffes deviennent sensuelles, enévoquantlesnuditésfémininesetensuggérantlecontactphysiqueducorpsetdesdoigts.Onassisteàunevéritablecorporalisationduvêtement:

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«Uneexpositiondesoies,desatinsetdevelours,yépanouissait,dansunegammesoupleetvibrante,lestonslesplusdélicatsdes fleurs :ausommet, lesvelours,d’unnoirprofond,d’unblancde lait caillé ;plusbas, lessatins,lesroses,lesbleus,auxcassuresvives,sedécolorantenpâleursd’unetendresseinfinie;plusbasencore,lessoies,toutel’écharpedel’arc-en-ciel,despiècesretrousséesencoques,plisséescommeautourd’unetaillequisecambre,devenuesvivantessouslesdoigtssavantsdescommis(p.2)«Etlesétoffesvivaient,danscettepassiondutrottoir:lesdentellesavaitunfrisson,retombaientetcachaientlesprofondeursdumagasin,d’unairtroublantdemystère;lespiècesdedrapelles-mêmes,épaissesetcarrées,respiraient, soufflaient une haleine tentatrice ; tandis que les paletots se cambraient davantage sur lesmannequinsquiprenaientuneâme,etquelegrandmanteaudevelourssegonflait,soupleettiède,commesurdesépaulesdechair,aveclesbattementsdelagorgeetlefrémissementdesreins»(p.11)«Le rayon des soieries était comme une grande chambre d’amour, drapée de blanc par un capriced’amoureuseàlanuditédeneige,voulantlutterdeblancheur.Touteslespâleurslaiteusesd’uncorpsadoréseretrouvaient là, depuis le velours des reins, jusqu’à la soie fine des cuisses et au satin luisant de la gorge.»(p.323)C’est avec les gants que Zola réussit à suggérer le passage de l’état de vierge (les gantsexposésdanslavitrine)àceluidefemme:

« (…)enfin, sur ledrapde l’étagère,desgantsétaient jetéssymétriquement,avec leursdoigtsallongés, leurpaumeétroitedeviergebyzantine,cettegrâceraidieetcommeadolescentedeschiffonsde femmequin’ontpasétéportés.»(p.2)«À laganterie, touteune rangéededamesétaientassisesdevant l’étroitcomptoir, tendudeveloursvert,àcoinsdemétalnickelé;etlescommissouriantsamoncelaientdevantelleslesboîtesplates,d’unrosevif,qu’ilssortaient du comptoirmême, pareilles aux tiroirs étiquetés d’un cartonnier.Mignot surtout penchait sa joliefigurepoupine,donnaitdetendresinflexionsàsavoixgrasseyantedeParisien.DéjàilavaitvenduàmadameDesforgesdouzepairesdegantsdechevreau,desgantsBonheur,laspécialitédelamaison.Elleavaitensuitedemandé trois paires de gants de Suède. Et,maintenant, elle essayait des gants de Saxe, par crainte que lapointure ne fût pas exacte. –Oh ! à la perfection,madame ! répétaitMignot. Le six trois quarts serait tropgrandpourunemaincommelavôtre.Àdemi-couchésurlecomptoir,illuitenaitlamain,prenaitlesdoigtsunàun,faisaitglisserlegantd’unecaresselongue,repriseetappuyée;etillaregardait,commes’ileûtattendu,sursonvisage,ladéfaillanced’unejoievoluptueuse.»(p.77)

Enfin,lesmannequinsnesontpasloind’évoquerl’universdelaprostitution.

«Lagorgerondedesmannequinsgonflaitl’étoffe,leshanchesfortesexagéraientlafinessedelataille,latêteabsente était remplacée par une grande étiquette, piquée avec une épingle dans lemolleton rouge du col ;tandisquelesglaces,auxdeuxcôtésdelavitrine,parunjeucalculé,lesreflétaientetlesmultipliaientsansfin,peuplaientlaruedecesbellesfemmesàvendre,etquiportaientdesprixengroschiffres,àlaplacedetêtes.(p.3-4)

2.5.Lecommerceetlamode

2.5.1.LemondetoutpuissantdelaHautecouture

Dans Le Bourgeois Gentilhomme, Molière montre le pouvoir du tailleur au XVII°. Dans laScène5del’ActeII,LemaîtretailleurdeMonsieurJourdaingardetoutlesavoirdelamodeet peut diriger les tendances de son patron avec cette puissance. N’étant pas admis à laCour,M.Jourdaindoitsefieràlui.Mais,celui-ciabusedelanaïvetédeM.Jourdain:«ActeII,ScèneVMaîtretailleur,garçontailleur,portantl’habitdeM.Jourdain,MonsieurJourdain,laquais.MONSIEURJOURDAINAhvousvoilà!jem’allaismettreencolèrecontrevous.

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MAÎTRETAILLEURJen’aipaspuvenirplustôt,etj’aimisvingtgarçonsaprèsvotrehabit.MONSIEURJOURDAINVousm’avezenvoyédesbasdesoiesiétroits,quej’aieutouteslespeinesdumondeàlesmettre,etilyadéjàdeuxmaillesderompues.MAÎTRETAILLEURIlsnes’élargirontquetrop.MONSIEUR JOURDAINOui, si je romps toujours desmailles. Vousm’avez aussi fait faire des souliers quimeblessentfurieusement.MAÎTRETAILLEURPointdutout,Monsieur.MONSIEURJOURDAINComment,pointdutout?MAÎTRETAILLEURNon,ilsnevousblessentpoint.MONSIEURJOURDAINJevousdisqu’ilsmeblessent;moi.MAÎTRETAILLEURVousvousimaginezcela.MONSIEURJOURDAINJemel’imagine,parcequejelesens.Voyezlabelleraison!MAÎTRETAILLEURTenez,voilàleplusbelhabitdelacour,etlemieuxassorti.C’estunchef-d’œuvrequed’avoirinventéunhabitsérieuxquinefûtpasnoir;etjeledonneensixcoupsauxtailleurslespluséclairés.MONSIEURJOURDAINQu’est-cequec’estquececi?vousavezmislesfleursenenbas.MAÎTRETAILLEURVousnem’aviezpasditquevouslesvouliezenenhaut.MONSIEURJOURDAINEst-cequ’ilfautdirecela?MAÎTRETAILLEUROui,vraiment.Touteslespersonnesdequalitélesportentdelasorte.MONSIEURJOURDAINLespersonnesdequalitéportentlesfleursenenbas?MAÎTRETAILLEUROui,Monsieur.MONSIEURJOURDAINOh!voilàquiestdoncbien.MAÎTRETAILLEURSivousvoulez,jelesmettraienenhaut.MONSIEURJOURDAINNon,non.MAÎTRETAILLEURVousn’avezqu’àdire.MONSIEURJOURDAINNon,vousdis-dis-je;vousavezbienfait.Croyez-vousquel’habitm’aillebien?MAÎTRETAILLEURBelledemande! Jedéfieunpeintre,avecsonpinceau,devous faire riendeplus juste. J’aichezmoiungarçonqui,pourmonterunerhingrave,est leplusgrandgéniedumonde;etunautrequi,pourassemblerunpourpoint, est lehérosdenotre temps.MONSIEUR JOURDAINLaperruque,et lesplumes sont-ellescommeilfaut?MAÎTRETAILLEURToutestbien.MONSIEUR JOURDAIN,en regardant l’habitdu tailleur.Ah !ah !Monsieur le tailleur,voilàdemonétoffedudernierhabitquevousm’avezfait.Jelareconnaisbien.MAÎTRETAILLEURC’estquel’étoffemesemblasibellequej’enaivoululeverunhabitpourmoi.MONSIEURJOURDAINOui,maisilnefallaitpasleleveraveclemien.MAÎTRETAILLEURVoulez-vousmettrevotrehabit?MONSIEURJOURDAINOui,donnez-moi.MAÎTRETAILLEURAttendez.Celanevapascommecela.J’aiamenédesgenspourvoushabillerencadence,etcessortesd’habitssemettentaveccérémonie.Holà!entrez,vousautres.MettezcethabitàMonsieur,de lamanièrequevousfaitesauxpersonnesdequalité.(Quatregarçonstailleursentrent,dontdeuxluiarrachentlehaut-dechaussesdesesexercices,etdeuxautreslacamisole;puisilsluimettentsonhabitneuf;etM.Jourdainse promène entre eux, et leur montre son habit, pour voir s’il est bien. Le tout à la cadence de toute lasymphonie.)GARÇONTAILLEURMongentilhomme,donnez,s’ilvousplaît,auxgarçonsquelquechosepourboire.MONSIEURJOURDAINCommentm’appelez-vous?GARÇONTAILLEURMongentilhomme.MONSIEURJOURDAIN"Mongentilhomme!"Voilàcequec’estdesemettreenpersonnedequalité.Allez-vous-endemeurertoujourshabilléenbourgeois,onnevousdirapoint:"Mongentilhomme."Tenez,voilàpour"Mongentilhomme".GARÇONTAILLEURMonseigneur,nousvoussommesbienobligés.MONSIEUR JOURDAIN "Monseigneur", oh, oh ! "Monseigneur !" Attendez,mon ami : "Monseigneur"méritequelque chose, et ce n’est pas une petite parole que "Monseigneur". Tenez, voilà ce queMonseigneur vousdonne.GARÇONTAILLEURMonseigneur,nousallonsboire tousà la santédeVotreGrandeur.MONSIEUR JOURDAIN"VotreGrandeur!"Oh,oh,oh!Attendez,nevousenallezpas.Àmoi"VotreGrandeur!"Mafoi,s’ilvajusqu’àl’Altesse,ilauratoutelabourse.Tenez,voilàpourMaGrandeur.

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GARÇONTAILLEURMonseigneur,nouslaremercionstrèshumblementdeseslibéralités.MONSIEURJOURDAINIl a bien fait : je lui allais tout donner. (Les quatre garçons tailleurs se réjouissent par une danse qui fait lesecondintermède.»(p.30-33)Danscettescène,Molièreretracel’activitéd’untailleurduXVII°quihabillesesclientsdelatêteauxpieds.Bienqu’ilnefabriquepas lessouliers, lesbaset leschapeaux, il lesachètechezlesmarchandsspéciaux.C’estleseulmoyenquetouteslespiècesduvêtementsoientbienassorties,pointessentielpour lesélégantsde l’époque.Mais, ilcritique le faitquecesoient les tailleurs, les marchands de la mode et quelques-uns de leurs clients aisés quicontrôlentlestendancesdelamode.Dans IllusionsPerdues, Balzacmontre lespérégrinationsde LuciendeRubempréentre lesdiversprofessionnelsduvêtement,àlarechercheducostumeduparfaitélégant:

«Lelendemain,versmidi,sapremièreoccupationfutdeserendrechezStaub,letailleurlepluscélèbredecetteépoque. Ilobtint,à forcedeprièresetpar lavertude l’argent comptant,que seshabits fussent faitspour lefameux lundi. Staub alla jusqu’à lui promettre une délicieuse redingote, un gilet et un pantalon pour le jourdécisif.Luciensecommandadeschemises,desmouchoirs,enfintoutunpetittrousseau,chezunelingère,etsefitprendremesuredesouliersetdebottesparuncordonniercélèbre.IlachetaunejoliecannechezVerdier,desgantsetdesboutonsdechemisechezmadameIrlande;enfiniltâchadesemettreàlahauteurdesdandies.»(p.126)«Ilrevintàsonhôtel,oùiltrouvaStaublui-même,venumoinspourluiessayerseshabits,qu’illuiessaya,quepoursavoirdel’hôtesseduGaillardBoiscequ’étaitsouslerapportfinanciersapratiqueinconnue.Lucienétaitarrivéenposte,madamedeBargetonl’avaitramenéduVaudevillejeudidernierenvoiture.Cesrenseignementsétaientbons.StaubnommaLucienmonsieurlecomte,etluifitvoiravecqueltalentilavaitmissescharmantesformesenlumière.»(p.129)DansLaCurée,àl’occasiond’unbaldonnéauxTuileriesenl’honneurdel’Empereur,Renéeserenddansunhautlieuducommerceduvêtement:lesalond’ungrandcouturierparisienduSecondEmpire,Worms.Atraverscelui-ci,Zolarenddemanièrequelquepeucaricaturalel’imagedugrandcouturierde l’époque,Charles-FrédéricWorth,dont laforcecréatriceestsansprécédent:«Maissagrandepartieétaitd’accompagnerRenéechezl’illustreWorms,letailleurdegénie,devantlequellesreines du second empire se tenaient à genoux. Le salon du grand homme était vaste, carré, garni de largesdivans. Il y entrait avec une émotion religieuse. Les toilettes ont certainement une odeur propre ; la soie, lesatin,levelours,lesdentelles,avaientmariéleursarômeslégersàceuxdescheveluresetdesépaulesambrées;etl’airdusalongardaitcettetiédeurodorante,cetencensdelachairetduluxequichangeaitlapièceenunechapelle consacrée à quelque secrète divinité. Souvent il fallait que Renée et Maxime fissent antichambrependantdesheures(…).»(p.75)«Puis, lorsque le grandWorms recevait enfin Renée, Maxime pénétrait avec elle dans le cabinet. Il s’étaitpermisdeparlerdeuxoutroisfois,pendantquelemaîtres’absorbaitdanslespectacledesacliente,commelespontifesdubeauveulentqueLéonarddeVincil’aitfaitdevantlaJoconde.Lemaîtreavaitdaignésouriredelajustesse de ses observations. Il faisait mettre Renée debout devant une glace, qui montait du parquet auplafond,serecueillait,avecunfroncementdesourcils,pendantquelajeunefemme,émue,retenaitsonhaleine,pournepasbouger.Et,auboutdequelquesminutes,lemaître,commeprisetsecouéparl’inspiration,peignaità grands traits saccadés le chef-d’œuvre qu’il venait de concevoir, s’écriait en phrases sèches : – RobeMontespanenfayecendrée…, latraînedessinant,devant,unebasquearrondie…,grosnœudsdesatingris larelevantsurleshanches…,enfintablierbouillonnédetullegrisperle,lesbouillonnésséparéspardesbandesdesatin gris. Il se recueillait encore, paraissait descendre tout au fond de son génie, et, avec une grimacetriomphantedepythonissesursontrépied,ilachevait:–Nousposeronsdanslescheveux,surcettetêterieuse,

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lepapillonrêveurdePsychéauxailesd’azurchangeant.Mais,d’autresfois, l’inspirationétaitrétive.L’illustreWorms l’appelait vainement, concentrait ses facultés en pure perte. Il torturait ses sourcils, devenait livide,prenaitentre sesmains sapauvre tête,qu’ilbranlaitavecdésespoir, et vaincu, se jetantdansun fauteuil :–Non,murmurait-ild’unevoixdolente,non,pasaujourd’hui…,cen’estpaspossible…Cesdamessontindiscrètes.Lasourceesttarie.Et ilmettaitRenéeà laporteenrépétant:–Paspossible,paspossible,chèredame,vousrepasserezunautrejour…Jenevoussenspascematin.»(p.76-77)2.5.2.Lesgrandsmagasinsetleculteduchiffon

Enmatièred’habillement, lesfemmes,plusque leshommes,fontpartiedumécanismedel’économiedemarchéengrandeexpansion.Ellescontribuentaufonctionnementdumoteuréconomique,maisellessontaussilesvictimesdecetteépoquedeladépense.Naîtalorslafièvreduchiffon,entretenueparlesgrandsmagasinscommeceluid’AuBonheurdesdames.

«C’était lafemmequelesmagasinssedisputaientparlaconcurrence,lafemmequ’ilsprenaientaucontinuelpiège de leurs occasions, après l’avoir étourdie devant leurs étalages. Ils avaient éveillé dans sa chair denouveauxdésirs,ilsétaientunetentationimmense,oùellesuccombaitfatalement,cédantd’abordàdesachatsdebonneménagère,puisgagnéeparlacoquetterie,puisdévorée.Endécuplantlavente,endémocratisantleluxe,ilsdevenaientunterribleagentdedépense,ravageaientlesménages,travaillaientaucoupdefoliedelamode,toujourspluschère.Etsi,chezeux,lafemmeétaitreine,aduléeetflattéedanssesfaiblesses,entouréedeprévenances,elleyrégnaitenreineamoureuse,dontlessujetstrafiquent,etquipayed’unegouttedesonsangchacundesescaprices.Souslagrâcemêmedesagalanterie,Mouretlaissaitainsipasserlabrutalitéd’unjuifvendantdelafemmeàlalivre:illuiélevaituntemple,lafaisaitencenserparunelégiondecommis,créaitlerited’uncultenouveau;ilnepensaitqu’àelle,cherchaitsansrelâcheàimaginerdesséductionsplusgrandes;et,derrièreelle,quandilluiavaitvidélapocheetdétraquélesnerfs,ilétaitpleindusecretméprisdel’hommeauquelunemaîtressevientdefairelabêtisedesedonner.»(p.58-59)

La fièvre du chiffon est associée à unemaladie névrotiquequi assimile l’attirancepour levêtementaudésirsexuel:

«MadamedeBoves,aprèss’êtrelongtempspromenéeavecsafille,rôdantdevantlesétalages,ayantlebesoinsensuel d’enfoncer lesmains dans les tissus, venait de se décider à se fairemontrer du point d’Alençon parDeloche.»(p.328)

IlenestainsipourEmmadansMadameBovary.Celle-ciéprouveunprofondappétitsexuelfaceàLéonet,commeellen’arrivepasàlerassasier,elletrouveunexutoireàcettefringaleérotique dans l’achat effréné d’articles de modes et de toilettes. Elle finit par se ruinerauprèsdumarchanddemodes,Lheureux.Levêtementestpourelleunexutoireàlafringaleérotique. IlenestdemêmepourRenéedansLaCurée,qui incarnebien l’espritchiffondecetteépoque,maisquil’exacerbeparsonextravagancevestimentaire.

Lamarchandisationdesvêtementsesten faitunemarchandisationdescorps féminins,oùlesfemmesperdentautonomieetraison.Oubienellesseruinent,oubienellesenviennentàvoler:

«Cependant, les deux hommes se retirèrent dans une pièce voisine, tandis que les vendeuses fouillaient lacomtesse et lui ôtaient même sa robe, afin de visiter sa gorge et ses hanches. Outre les volants de pointd’Alençon,douzemètresàmillefrancs,cachésaufondd’unemanche,ellestrouvèrent,danslagorge,aplatisetchauds,unmouchoir,unéventail,unecravate,entoutpourquatorzemillefrancsdedentellesenviron.Depuisun an, madame de Boves volait ainsi, ravagée d’un besoin furieux, irrésistible. Les crises empiraient,grandissaient, jusqu’à être une volupté nécessaire à son existence, emportant tous les raisonnements deprudence,sesatisfaisantavecunejouissanced’autantplusâpre,qu’ellerisquait,souslesyeuxd’unefoule,son

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nom, son orgueil, la haute situation de sonmari.Maintenant que ce dernier lui laissait vider ses tiroirs, ellevolaitavecdel’argentpleinsapoche,ellevolaitpourvoler,commeonaimepouraimer,souslecoupdefouetdudésir,dans ledétraquementde lanévrosequesesappétitsde luxe inassouvisavaientdéveloppéeenelle,autrefois,àtraversl’énormeetbrutaletentationdesgrandsmagasins.»(p.330)

Pour favoriser la folie acheteuse féminine, les grands magasins, comme Au Bonheur desDames,proposentdesamoncellementsd’étoffes,degarnituresetd’accessoiresdemode:

« Il yavait là,aupleinairde la rue, sur le trottoirmême,unéboulementdemarchandisesàbonmarché, latentationde laporte, lesoccasionsquiarrêtaient lesclientesaupassage.Celapartaitdehaut,despiècesdelainageetdedraperie,mérinos,cheviottes,molletons,tombaientdel’entresol,flottantescommedesdrapeaux,et dont les tons neutres, gris ardoise, bleumarine, vert olive, étaient coupés par les pancartes blanches desétiquettes.Àcôté,encadrant leseuil,pendaientégalementdes lanièresdefourrure,desbandesétroitespourgarnituresderobe,lacendrefinedesdosdepetitgris,laneigepuredesventresdecygne,lespoilsdelapindelafaussehermineetdelafaussemartre.Puis,enbas,dansdescasiers,surdestables,aumilieud’unempilementdecoupons,débordaientdesarticlesdebonneterievenduspourrien,gantsetfichusdelainetricotés,capelines,gilets, tout un étalage d’hiver aux couleurs bariolées, chinées, rayées, avec des taches saignantes de rouge.Denisevitunetartanelleàquarante-cinqcentimes,desbandesdevisond’Amériqueàunfranc,etdesmitainesàcinqsous.C’étaitundéballagegéantde foire, lemagasinsemblaitcreveret jeterson trop-pleinà la rue.»(p.2)D’autrepart,lesvitrinessontcomposéesenjouantsurlesdifférentesteinteschromatiquesdesrobesetdeshabits.L’artdel’étalagedeMouretemprunteaudomainepictural,afindefascinervisuellementlepublicetdepousserlesclientsàl’achat.Mais,siZoladécritbienlavariétédescouleursdesdifférentsvêtementsproposésdans legrandmagasin, il s’attardesurtoutsur leblanc,couleurcentraledesonroman.Le roman lui-mêmese refermesur lagrandeexpositiondeblanc:

«Rienquedublanc, tous lesarticlesblancsdechaque rayon,unedébauchedeblanc,unastreblancdont lerayonnementfixeaveuglaitd’abord,sansqu’onpûtdistinguerlesdétails,aumilieudecetteblancheurunique.(…).Et lamerveille, l’auteldecettereligiondublanc,était,au-dessusducomptoirdessoieries,dans legrandhall, une tente faite de rideaux blancs, qui descendaient du vitrage. Lesmousselines, les gazes, les guipuresd’art,coulaientàflotslégers,pendantquedestullesbrodés,trèsriches,etdespiècesde,soieorientale,laméesd’argent,servaientdefondàcettedécorationgéante,quitenaitdutabernacleetdel’alcôve.Onauraitditungrand lit blanc, dont l’énormité virginale attendait, commedans les légendes, la princesse blanche, celle quidevaitvenirunjour,toutepuissante,aveclevoileblancdesépousées.(…)Rienquedublanc,etjamaislemêmeblanc,touslesblancss’enlevantlesunssurlesautres,s’opposant,secomplétant, arrivantà l’éclatmêmede la lumière. Celapartait desblancsmatsdu calicot et de la toile, desblancssourdsdelaflanelleetdudrap;puis,venaientlesvelours,lessoies,léssatins,unegammemontante,leblanc peu à peu allumé, finissant en petites flammes aux cassures des plis ; et le blanc s’envolait avec latransparencedesrideaux,devenaitdelaclartélibreaveclesmousselines, lesguipures, lesdentelles, lestullessurtout, si légers, qu’ils étaient comme la note extrême et perdue ; tandis que l’argent des pièces de soieorientalechantaitleplushaut,aufonddel’alcôvegéante.(p.310-311).

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Textesdes«Lesaviez-vous?»

N°1:Lacrinolineetlatournure

Savez-vouscequesontlacrinolineetlatournure?

Al’origine, lacrinolineestuneétoffeépaisseetrésistante, forméed’unetramedecrindechevaletd’unechaînedefildelinoudecoton.Elleestutilisée,danslesannées1830,pourfaireun jupon,capabledesupporter lepoidsde la jupeetde luidonnerde l’ampleur.Cesous-vêtementestaussiappelécrinoline.Parlasuite,levolumedelacrinolineestaugmentépar l’ajoutd’autres jupons,deplusenplusnombreux(jusqu’àsept),empesésetgarnisdevolants et de rang de corde. Mais, comme il était difficile de marcher avec tout cetensemble, en 1856 le jupon de crin est remplacé par la crinoline «cage», formée decerceauxdebaleinesoudelamesd’acierflexiblesreliésentreeuxpardesbandesdetissusetattachésàlaceinture.Celle-ci,plusflexible,nenécessitequ’unseuljuponau-dessusetunau-dessouspourgarantir sapudeuren casd’un coupdevent.Par la suite, la formede lacrinolineévolue: crinolineelliptiqueoucône.Vers1860, lacrinolineestremplacéepar latournure(appelée«strapontin»,«pouf»ou«faux-cul»),sortedecrinolinequinecouvreplusquel’arrièreetestouvertedevant.Moinsévaséeencloche,elledonneàl’arrièredelajupeunaspectcaractéristiquequisoulignelesreinsetjustifieparsesrembourragesletermefamilierde«Faux-cul».Elleaexistéjusquevers1900.

N°2:AlexisLavigneetESMOD

Savez-vousquiacréél’écoledemodeESMOD?

ESMOD,l’Ecolesupérieuredesartsettechniquesdelamodeestuneécoleprivée,formantauxmétiersdelamode,créeen1841parletailleurAlexisLavigne.Audépart,ellesenommeLavigneetAlexisyenseignelacoupe.Parallèlement,ilpubliaitsesméthodesdecoupe,tientdeux maisons de couture (dont l’une pour dames) et gère ses ateliers de fabrication debustesmannequinsetdemètres-rubans.Parlasuite,safilleAliceGuerre-Lavigne,forméeàlacoupeauprèsdelui,devientàsontourprofesseur.EllepubliesespremierscoursdansLaModeéléganteetouvreuncourspour jeunesfemmesdésiranttravaillerdansunemaisondecoutureouuneécoleprofessionnelle.Aprèsledécèsdesonpère (1884),ellepubliesepremièreméthode(Courspratiquedecoupeetd’essayage)etfondelemagazinespécialiséL’Artdanslecostume(1885-1943).Elleestàlatêtedequatreautresjournauxdemode:LeJournal des couturières,LesNouveautésparisiennes,LaModeélégante etLa Femmeet laMode.ElledonnerégulièrementdesconférencesenAngleterreetypubliesesméthodes.Al’exposition universelle de 1900, elle reçoit trois médailles pour ses méthodes et sesmagazines de coupe. Après son décès (1935), l’école Lavigne, prend le nom de Guerre-Lavigne.Parlasuite,elledevientEsmod-Guerre-Lavigne(1972),puisESMOD(1989).

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N°3:Lecalicot

Savez-vouscequ’estuncalicot?

Le calicot est d’abord une étoffe, sorte de toile écrue en coton grossier qui sert àconfectionnerdeschemises. Il tiresonnomde lavilledeCalicut(actuellementKozhikode),situéedanslaprovinceduKeralaausud-ouestdel'Inde.AuXIX°,onautilisélemotcalicotpour surnommer le jeune commis-vendeur de nouveautés pour la clientèle féminine. Laprincipalecaractéristiqueattachéeautypeducalicot,estcelled’uneapparenteféminité,quiestinspiréeàl’époquedelaparticularitédesafonction:effectueruntravailhabituellementdévolu aux femmes et côtoyer la clientèle féminine tout au long de la journée. Lareprésentationsocialedonneducalicotuneimagecomiqueparfoisridicule,quiperduretoutaulongduXIX°ettrouveunéchoauseindelalittératureréaliste.Jeune,avecuneallurededandy,lecalicotdevientunsymbolepopulaireducommerceduvêtement.N°4:Lesnouvellespoupéesdemode,lesSybarites

Savez-vouscequesontlesSybarites?

Dans la lignée des anciennes poupées de mode, deux couturiers contemporains, CharlesFegen, couturier spécialisé en lingerie de mariées, et Desmond Lingard, spécialiste destechniquesdecouture,ontcréé,en2005,lesSybarites,poupéesmannequinsrépondantauxcritèresesthétiquesetqualitatifsquisous-tendentleurscréationsdemode.IlsontfondélasociétéSuperdoll-Collectibles.Leplussouvent,piècesuniques,personnellementhabilléesetpeintesà lamainpar lesdeuxcréateurs, cespoupéessontprésentées lorsdesoirées trèsexclusivesdanslescapitalesmondiales.EnapportantlaHautecouture,danslemondedelapoupéemannequin,lesdeuxcouturiersontfaitdesSybaritesdesréférences,commeClone0101VenusD’Royce,Sureal,SlipperouChalkWhite.

N°5:L’Illustrationdemode

Savez-vouscequesontlesgravuresetleseaux-fortes?

Letermedegravuredésigne l’ensembledestechniquesartistiquesquiconsistentà inciserouàcreuser,àl’aided’unoutil(tailledirecte)oud’unmordant(tailleindirecte),unematrice(support dur et plat, comme le bois, etc.) pour y graver un dessin, à l’encrer, puis àl’imprimersurdupapierousurunautresupport.L’œuvrefinaleobtenueestuneestampe.Ilexistetroisgrandsprocédésdegravurequirecouvrentdestechniquesdiverses: lagravureentailled’épargneougravureenrelief,employéepourlagravuresurboisetlalinogravure;la gravure en taille-douce ou gravure en creux, employée pour la gravure sur cuivre; lagravureàplatou impressionàplat,commela lithographieou lasérigraphie(quin’estpasune gravure au sens strict du terme, mais assimilée). Par abus de langage, les termes«gravure»,«estampe»et«tirage»sonttrèssouventconfondus.Le terme d’eau-forte désigne un procédé de gravure en taille douce su une plaquemétalliqueàl’aided’unmordantchimique(unacide).Parabusdelangage,leterme«eau-forte»recouvreleprocédé,lagravuresurmétaletl’estampeobtenue.

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Textesdes«Clind’œil»

N°1:Vêtement,habitetcostumeLe mot vêtement est un dérivé de vêtir, d’après le latin classique «vestimentum»(«vêtement»,puis«couverture»).Attestéen980, il désigne,dans sespremiersemplois,toutcequisertàcouvrirlecorps,puiscequileprotègeoulepare.Le mot habit est issu du latin classique «habitus» («manière d’être, maintien»), d’où«mise, tenue, vêtement). Il désigne d’abord un vêtement de religieux. Au début du XIII°,employéausingulier,ildésignel’ensembledesvêtementsquicouvrentlecorps.PuisàlafinduXIII°,ilprendlesensfiguré«d’apparence»(sensquidisparaîtavantl’époqueclassique).Le mot costume, qui apparaît en 1662 est une spécialisation du mot «coutume», paremprunt à l’italien «costume» («coutume», 1260), employé avec le sens restreint de«manièredemarquerlesdifférencesd’âge,decondition,d’époquedespersonnages».AuXVIII°, il prend le sens de «manière de s’habiller conforme à la condition sociale, àl’époque» (1747), puis, par métonymie, le sens de «ensemble des vêtements d’unepersonne.En1777,ilestutilisépourdésignerlecostumedethéâtre.N°2:Leschausses,lesbasetlescollants

AuMoyenAge, leschaussessontunélémentessentieldu costumemasculinquihabille lapartieinférieureducorps,deshanchesjusqu'auxpieds.Ellessontconstituéesdedeuxtubesdetissuextensible.Ellessefixentaupourpointgrâceàdesaiguillettes,descordonnetsoudesrubans.Ilexistedeschaussesmuniesd’unesemelledecuircousue.ApartirdumilieuduXVI°,lehaut-de-chaussesdevientlevêtementàlamodeindispensable.Ilcouvrelecorpsdela ceinture jusqu’à mi-cuisse, puis jusqu’au genou. Il remplace la partie supérieure deschausses.Aucoursdesonévolution, lehaut-de-chausses sedéclinesousplusieurs formesquipeuventserangerendeuxgrandescatégories:-leschaussesrembourréesetstructuréesallantàmi-cuissequisonttrèssouventforméesdebandesoudecrevés;c'estletypedehaut-de-chaussesgénéralementportéparlanoblesse;selonlesformesrencontrées,ellessontdésignéesparlesmotsgrègues,lodier,boulevardettrousses.- leschausses recouvrant lescuissesde laceintureauxgenoux (au-dessusouen-dessous)quiprésententleplussouventunensembleplutôtlâcheetnonstructuré;pourlesdésigner,onutiliseselonlesformes,lesmotschausseàlagigotte,chaussebouffante,chausseàgrosplis,chausseenbourse,etculotte;auXVIIesiècle,ellessupplantentlestrousses.Laréuniondedeuxhauts-de-chaussesdonnenaissanceauXV°àdescollantsrudimentaires.Par la suite, les hauts-de-chausses, en se prolongeant, donne naissance à la culotte,remplacéeensuiteparlepantalon.

Quantaubasdeschausses,quirecouvrentlajambedupiedaugenou,ilstiennentavecdesjarretières.Ilsprennenttoutsimplementlenomdebas.Lesornementsdedentelleplacésàhauteurdugenouentreleshautsdechausseetlesbass’appellentdescanons.

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N°3:L’originedelahouppelande

La houppelande est une sorte de redingoteoumieux encorede robede chambre, tantôtlongue,tantôtcourte,maisgarniedanstous lescasdemanchestraînantàterre.Uncolletdroitetmontantlatenaitassujettieaucou;elleétaitajustéedecorsageetserréeàlatailleparuneceinture.Lajupe,fenduepardevant,flottaitets’ouvraitenraisondesalongueur.Lesétymologistesnesontpasunanimessurl’originedumothouppelande.Certainspensentque l’usage du vêtement avait été importé de l’Upland, une province de la Suède.Mais,d’autres pensent que ce mot vient de l’italien. En effet, ceux-ci se servaient d’un habitappeléil pelando, et les Provençaux, intermédiaires obligés entre les Italiens et lesFrançais,cethabitportaitlenomdeloupeland.

N°4:L’expression«C’estpasunepairedemanches»L’expressionC’est pas une paire demanches est née d’une pratique courante au XVI°. Eneffet,àcetteépoque,lesnoblespossédaientplusieurspairesdemanchesetpouvaientainsicréer,selonleurenvie,différentestenues.Paroppositionàcesmanchesqu’ilétaitfaciledechanger,cetteexpressionestemployéepoursignifierquequelquechosen’estpasfacile.N°5:L’originedumot«vertugadin»Lemotvertugadinestdérivéde l’espagnol«verdugo»qui signifie«boisvert». Ildésigneune sorte de jupon, en forme de cloche, conçu, à l’origine, avec des tiges de roseau oud’osier.Parlasuite,ilaétéconçuavecdestigesdeferoudecorde.

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Quizsurlethèmedenotrecorpus

Questions

1. Quedésignelemot«braies»?2. Quelleestladifférenceentrelacrinolineetlatournure?3. QuiestconsidérécommelepèredelaHautecouture?4. QuiacréélepremierGrandmagasin?5. CitezunaccessoiremasculinàlamodeutiliséparMadameBovary.6. Quellepiècedelatenuevestimentaireestàl’origined’unsurnomdonnéauxdandys?7. Dansquellepiècedethéâtreunpersonnagemasculinesttravestienfille?8. Quelpersonnagedelalittératureestl’archétypeduparvenu?9. Dansquelouvragedenotrecorpus,lesvêtementssesensualisent?10. Quelleshéroïnesdenotrecorpuscherchentàaffirmerleurindépendanceparlevêtement

?

Réponses

1. Unpantalonadaptéà la formeet auxmouvementsdu corps,porté, à l’origine,par lesGaulois

2. La tournure est une sorte de crinoline qui ne couvre plus que l’arrière du corps et estouvertesurledevant

3. CharlesFrédérickWorth4. AristideBoucicaut5. Lelorgnon6. Lesgantsjaunes7. ChérubindansLeMariagedeFigaro8. MonsieurJourdaindansLeBourgeoisGentilhomme9. DansAuBonheurdesDames10. EmmaBovaryetRenéeSaccard

MadeleineROLLE-BOUMLIC

Mars-avril2016