facteurs de vulnÉrabilitÉ et psychopathologie des addictions j. adÈs
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FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ ET PSYCHOPATHOLOGIE DES ADDICTIONS
J. ADÈS
I - ALCOOLISME
• Déterminisme complexe de l’abus d’alcool et de l’alcoolo-dépendance.
• Action synergique de facteurs :– biologiques– psychologiques et psychopathologiques– socioculturels et environnementaux
• Inégalité face au « risque alcool »
Vulnérabilité biologique (I)
• Vulnérabilité génétique– Agrégation familiale– Jumeaux : risque MZ > DZ– Adoption : poids de l’alcoolisme chez les
parents biologiques– Enfants d’alcooliques : plus d’alcoolisme. Plus
grande résistance aux effets de l’alcool (SCHUCKIT) moins d’effets négatifs
plus d’effets positifs après ingestion modérée
• Vulnérabilité génétique (suite)
– Facteurs de protection isoenzymes ALDH
accumulation d’Acétaldéhyde « flush » chez lez orientaux (Japon)
• Vulnérabilité génétique (suite)– Etudes de génétique moléculaire– Transmission polygénique– Etudes positives avec Allèle A1 D2– Gènes codant pour transporteur de la
Sérotonine– Nombreux autres gènes impliqués ?– Vulnérabilité génétique plus marquée :
• Hommes (Type II de CLONINGER)• Age de début précoce• Plus de complications somatiques
Vulnérabilité biologique (II)
• Facteurs neurobiochimiques– Nombreux neurotransmetteurs impliqués dans
l’appétence et la dépendance à l’alcool• Dopamine appétence
• Sérotonine
• Systèmes de récompense : opiacés endogènes (Naltréxone, antagoniste des récepteurs opiacés)
• GABA
• Glutamate - récepteurs NMDA
Les facteurs de personnalité (I)
• Difficulté méthodologique : différencier une éventuelle « personnalité pré-alcoolique » des traits liés aux conséquences psychologiques de l’alcoolisation.
Les facteurs de personnalité (II)
• Approches psychanalytiques
– Oralité, plaisir oral archaïque (Freud)– « Orgasme pharmacogénique » (Rado, 1926)– Plaisir oral, prééminence de l’oralité,
dépendance orale (Fouquet)– Dimension auto-destructrice, dépression
« élation maniaque » de l’ivresse
• Approches psychanalytiques (suite)– Homosexualité inconsciente (Abraham,
Ferenczi)– Pathologie narcissique
recherche d’un état narcissique passif dans l’ivresse restauration narcissique
– J. Mac Dougall : « désaffectation » dans les addictions. « Court-circuit » par le toxique et le corps.
Les facteurs de personnalité (III)
• Approches structurelles– Les types de personnalité le plus souvent
associés à l’alcoolodépendance :• Sociopathie - Psychopathie (30 % des alcooliques)• Dépendante• Evitante• Hystérique• Limite (15 %)• Narcissique
Les facteurs de personnalité (IV)
• Approches dimensionnelles– Recherche de sensations (Zuckerman)
• 4 facteurs :– danger aventure– recherche d’expériences– désinhibition– susceptibilité à l’ennui
– Bas niveau d’activation cérébrale– Facteur des premières alcoolisations (corrélées à
impulsivité, intolérance à la frustration)– Corrélation entre niveau élevé de RS et alcoolisations
précoces et massives chez l’adolescent.
Les facteurs de personnalité (V)
• Approches dimensionnelles (suite)– Modèle psychobiologique de CLONINGER– T I Q (3 dimensions)
• Recherche de nouveauté hyperactivité dopaminergique
• Evitement du danger neuromodulation sérotoninergique
• Dépendance à la récompense neuromodulation noradrénergique
Les facteurs de personnalité (VI)
• Le modèle de CLONINGER (suite)– Alcoolisme Type II :
• exclusivement masculin
• facteurs génétiques ? (alcoolisme du père)
• début précoce
• recherche nouveautés - évitement danger - dépendance récompense
recherche du « flush », de la désinhibition - polytoxicomanie.
• Le modèle de CLONINGER (suite)– Alcoolisme Type I :
• hommes et femmes
• début plus tardif
• moins d’antécédents familiaux
• recherche nouveautés - évitement danger (anxieux) - dépendance récompense (dépendante)
recherche de réduction de l’anxiété, des affects dépressifs.
Le modèle de CLONINGER
Age de début Type I
Après 25 ans
Type II
Avant 25 ans
Sexe H et F H
Dépendance psychologique (perte du contrôle)
Fréquent Rare
Culpabilité Fréquent Rare
Comportements antisociaux Rares Fréquents
Facteurs génétiques Peu présents Oui
Poids de l’environnement Très fort Moindre
Les facteurs de personnalité (VII)
• Les études prospectives– Jones (1972). Suivi sur 30 ans.– Mc Cord et Mc Cord (1960). Suivi sur 20 ans de 9 à 30
ans.– Etude suédoise (1990). Suivi de 10 ans
• Les garçons, futurs alcooliques :– Impulsivité Agressivité Hyperactivité
Autonomie – Confiance en soi excessive
traits du Type II Relations avec Hyperactivité et Trouble Déficitaire
de l’attention
La vulnérabilité psychopathologique (I)
• Quels troubles mentaux favorisent-ils l’alcoolo-dépendance ?– Co-occurence fréquente Alcoolisme-Troubles
mentaux.– Troubles psychiques primaires alcoolisme
secondaire [Automédication d’une souffrance psychique par l’alcool]
– Troubles psychiques secondaires conséquences des effets pharmacologiques, psychiques, somatiques de l’intoxication alcoolique chronique.
La vulnérabilité psychopathologique (II)
• Les symptômes psychiatriques sont plus fréquents chez les alcooliques que dans la population générale (80 % vs 20 %).
• Les maladies mentales ont une prévalence comparable chez les alcooliques et en population générale ( 17 %) (N. Miller).
• Dans la plupart des cas, les symptômes psychiques rencontrés chez les alcooliques (anxiété, dépression…) sont secondaires à l’intoxication.
La vulnérabilité psychopathologique (III)
• Les relations dépression-alcoolisme (1)– Fréquence des symptômes dépressifs chez
l’alcoolique.– Dépressions secondaires dans 80 % des cas
• Disparition après 4 semaines de sevrage (SCHUCKIT) sans traitement antidépresseur.
• Etude COGA (2713 alcooliques ; 919 contrôles). Prévalence sur la vie des troubles affectifs indépendants inférieure chez l’alcoolique/sujets contrôles.
• Les relations dépression-alcoolisme (2)
– Une exception : les troubles bipolaires indépendants sont plus fréquents chez les alcooliques. La maladie bipolaire est un facteur de vulnérabilité. Association manie-alcoolisation, état mixte-alcoolisation.
• Les relations entre troubles anxieux et alcoolisme– Co-occurrence importante– Fréquence de l’anxiété secondaire à l’intoxication
alcoolique (anxiété liée au sevrage, effet anxiogène de l’éthanol à fortes doses)
• 2 troubles sont plus fréquents chez l’alcoolique– Trouble Panique (4.2 % vs 1 %)– Phobies sociales (3.2 % vs 1.4 %) N.C.S.
Les comorbidités de l’alcoolisme
• Etude NESARC – Arch. Gen. Psychiatry 2004• 43 093 sujets en population générale• Prévalence 12 mois de Troubles anxieux et
dépressifs indépendants chez les sujets ayant un abus de substance :– 17,7 % anxiété
– 19,6 % dépression
– (phobies, dépression majeure)
L ’anxiété comme facteur de vulnérabilité (I)
Automédication par l’alcool (effet anxiolytique à court terme et à faibles doses)
Trouble Anxieux Généralisé, Trouble Panique, Anxiété Sociale +++
L’anxiété comme facteur de vulnérabilité (II)
Effet biphasique de l’éthanol : anxiogène en cas d’intoxication prolongée et de consommation importante.
Anticipation cognitive d’un effet anxiogène, anticipation erronée, qui rend compte de la poursuite de l’intoxication malgré l’absence d’effet .
Les troubles de la personnalité favorisant l’alcoolisme (I)
• Personnalité sociopathique ou antisociale– Trouble le plus corrélé à l’alcoolisme (odds
ratio : 21 dans l’étude ECA).– Sociopathes primaires conduites d’abus ou
d’alcoolo-dépendance.– Comportements sociopathiques secondaires
chez les alcooliques.
Les troubles de la personnalité favorisant l’alcoolisme (II)
• Personnalité sociopathique ou antisociale (suite)– Alcoolisme + P A S :
• Addiction plus précoce
• Scores Recherche de Sensations • Plus d’anxiété et de dépression
• Violence, Recherche du Danger
• Plus de troubles cognitifs
• Plus d ’ADHD dans l’enfance
• Type II de CLONINGER
Les troubles de la personnalité favorisant l’alcoolisme (III)
• Personnalité limite 14 % chez les alcooliques (NACE).
• L’abus d’alcool/alcoolo-dépendance fait partie des critères de GUNDERSON.
• Alcoolisations massives et intermittentes, associées à toxicophilie, toxicomanie.
• Alcoolismes graves de la femme.
Les facteurs socioculturels et environnementaux (I)
• Facteurs généraux :
– Incitation culturelle à la consommation d’alcool– Pression moins forte (campagnes sur sécurité
routière, alcool au volant) régulière de la consommation d’alcool en
France.
Les facteurs socioculturels et environnementaux (II)
• Poids des facteurs socioéconomiques
– Plus d’abus d’alcool, alcoolo-dépendance dans
les milieux sociaux défavorisés.– Carte de la morbidité-mortalité alcoolique
superposable à celle du niveau socioéconomique des régions.
Les facteurs socioculturels et environnementaux (III)
• Rôle des facteurs d’environnement
– Carences affectives dans l’enfance– Séparations précoces– Carences parentales
facteurs de vulnérabilité vis à vis de toutes les pathologies mentales, non spécifiques.
Résumé (I)
• Les facteurs de vulnérabilité de l’alcoolisme
– Biologiques : vulnérabilité génétique probable
alcoolisme masculin, début précoce. Polytoxi-
comanies.
plus grande résistance aux effets négatifs de l’alcool
plus d’effets positifs
Résumé (II)
• Personnalité :– Extraversion– Impulsivité– Hyperactivité ADHD
• Psychiatriques :– Trouble bipolaire ; Manie +– Trouble Panique ; Phobie sociale– Sociopathie ; Personnalité limite
• Recherche de sensations
Résumé (III)
• Facteurs socioculturels et
environnementaux peu spécifiques
– Carences parentales– Séparations précoces– Milieu socioéconomique défavorisé
II – Toxicomanies
• Pas de « personnalité toxicomaniaque »
• Etudes cliniques et épidémiologiques :– 25 à 50 % de personnalités antisociales– Personnalités border-line égocentrisme
– Narcissique impulsivité
– Histrionique labilité émotionnelle
Parmi les études
• F. FACY
103 toxicomanes/témoins/suicidants- Corrélations entre Recherche de Sensations, échelle Pt et Dep. du MMPI
- Profils psychopathiques plus fréquents chez les toxicomanes.
Parmi les études (suite)
• BALL –1997 – 370 sujets– TCI– NEO 5 facteurs Costa
Troubles de la personnalité chez les toxicomanes32 % PAS
21 % border-line 14 % évitantes 11 % paranoïaques 8 % narcissiques
TCI évitement danger
persistance détermination
Recherche de sensations dans la toxicomanie
• Multiples études avec l’échelle SSS de Zuckerman• Résultats généraux :
– Usage de drogue chez les lycéens corrélé avec scores élevés SSS (69 % vs 33 %)
– Scores SSS élevés : favorise l’usage de toutes les drogues
– Les sujets aux scores les plus élevés polytoxicomanes
– Usages de cocaïne : scores SSS élevés comorbidité avec alcool et autres drogues + PAS + histoire familiales ADHD
• ADHD – plus fréquemment retrouvé chez– Futurs toxicomanes– Alcooliques type II– Addictions comportementales
Personnalité et toxicomanie
• Etudes prospectives
• Sur 8 ans depuis la préadolescence (Newcomb)– Facteurs prédictifs de l’usage de drogues dures
• Usage « précoce » de drogues
• Manque de « conformité » sociale
• Impulsivité, agressivité
Personnalité et toxicomanie (suite)
• Etudes de CLONINGER (1988)– Cohorte d’enfants suivis 0 à 28 ans en Suède– Les prédicteurs de l’usage de drogues à l’âge
adulte :• Recherche nouveautés • Faible dépendance à la récompense
• Bas niveau d’évitement du danger
Personnalité et toxicomanie (suite)
• Recherche de Sensations– Corrélation RS et abus de drogues (+ alcool et
tabac)– Echelles désinhibition et Recherche
d’Expériences – Neuroticisme – Anxiété aucune relation à l’usage de drogues sauf
sédatifs : BZD - Barbituriques
Recherche de sensations (suite)
• Etude israëlienne (1989)– RS prédit usage d’alcool, haschich,
dépresseurs du SNC. Aucun facteur de dépression (trait ou état) n’est corrélé à l’usage de substances sédatives.
Recherche de sensations (suite)
• Zuckerman (1970) 74 % sujets RS (étudiants, collégiens)
usage d’au moins 1 drogue illicite
RS chez les adultes ayant 1 abus de drogues tous types de drogues.
Scores les plus élevés polytoxicomanies
Personnalité et toxicomanie (suite)
Etude ECA– 1/2 usagers d’opiacés ont une personnalité– 1/3 usagers de cocaïne antisociale
• PAS est le trouble le plus fréquent chez les usagers d’opiacés
• Troubles déficitaires de l’Attention et Hyperactivité plus fréquents chez les usagers de cocaïne.
Personnalité et toxicomanie (suite)
Etude de BRONNER (1997)• 716 usagers d’opiacés
– ♀ 34 % PAS
– Aucune autre personnalité ne représente plus de 5 %
– ♂ 15 % PAS – 9 % Border-line
– Méthadone : 61 % PAS
– Opiacés IV : 45 % PAS
– Odds ratio pour la PAS chez les usagers de drogues• 7.3 ♂ 26.6 ♀
III – Addictions comportementalesJeu, achats compulsifs, add. sexuelles…
• Forte comorbidité entre Addictions comportementales, troubles psychiatriques, autres addictions.– Jeu : Dépression ( 30 à 40 %) Toxicomanies (cocaïne) Alcool Tabac PAS ( 25%)
Autres facteurs de vulnérabilité des addictions comportementales
• Alexithymie• ADHD (étude rétrospective de CARLTON,
1997, 30 % des J.P.)• MMPI échelle Pd • Recherche de sensations (Zuckerman)
– Scores SSR • Impulsivité (échelle de Barratt)
– Scores
• Pour le Jeu Pathologique RS expliquerait l’initiation et les premières
expériences de jeu
impulsivité persistance du comportement malgré ses conséquences négatives (Zuckerman)
Conclusions générales (I)
• Forte co-occurrence entre Addictions et Troubles psychiatriques
• Addictions primaires le plus souvent– Effets dépressogènes sur le SNC des produits à
haute dose (alcool, cannabis, héroïne…) Tabac ?– Effets dépressogènes des conséquences
négatives psychosociales des addictions
Conclusions générales (II)
• Addictions secondaires à des troubles psychiatriques
Surtout pour :– Trouble bipolaire (manie, états mixtes)– Troubles anxieux, anxiété sociale+++– Schizophrénie
Conclusions générales (III)
• Pas de structure de personnalité commune aux addictions.
• Les personnalités le plus souvent présentes :– PAS– Border-line
• Dimensions psychobiologiques– Recherche de sensations– Recherche de nouveautés– Impulsivité– ADHD– Alexithymie
Conclusions générales (IV)
• Difficulté des études : question de la pré et post polarité
• Intérêt études prospectives :– Impulsivité– ADHD– Non conformisme social