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    tress.fComment lentreprisepeut-elle agirface au stress de ses collaborateurs ?

    ric

    AlbertLaurence

    Saunder

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    barbarycourte.c

    om

    Codediteur:G54623

    ISBN:

    978-2-212-54623-1

    Si le stress nest pas un phnomne nouveau, il est trs rcent

    que lentreprise sy intresse et commence faire des chosespour ses collaborateurs. Encore faut-il que cela soit utile !

    En effet, depuis que le sujet est devenu un march, les experts se sont multiplis. Chacun y va de ses prconisationsavec une rigueur scientique plus ou moins srieuse.

    Cet ouvrage fait un point prcis sur ltat de la connaissance surle sujet et montre de faon trs pratique comment on peutetcomment on doitagir sur le stress au travail.

    Les auteurs ric Albert et Laurence Saunder dirigent lun descabinets de rfrence sur le stress au travail qui, depuis plus

    de 20 ans, trouve des solutions pour les entreprises en alliantrigueur et pragmatisme.

    Ce livre sadresse tous les acteurs de lentreprise, mana-gers, dirigeants, RH, partenaires sociaux, services de sant autravail Il leur offre une comprhension de ce au et des solu-tions pour y faire face.

    ric Albert,

    psychiatre, ditorialiste aux Echos,est auteur de nombreux ouvrages

    sur le stress et le management.

    Laurence Saunder,

    dirigeante, est lauteure

    de Lnergie des motions.

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    Comment lentreprisepeut-elle agir face au stress

    de ses collaborateurs ?

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    Groupe Eyrollesditions dOrganisation

    61, bd Saint-Germain75240 Paris cedex 05

    www.editions-eyrolles.comwww.editions-organisation.com

    Le Code de la proprit intellectuelle du 1

    er

    juillet 1992 interditen effet expressment la photocopie usage collectif sansautorisation des ayants droit. Or, cette pratique sest gnra-lise notamment dans lenseignement, provoquant une baissebrutale des achats de livres, au point que la possibilit mmepour les auteurs de crer des uvres nouvelles et de les fairediter correctement est aujourdhui menace. En application

    de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intgralement ou partielle-ment le prsent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisationde lditeur ou du Centre franais dexploitation du droit de copie, 20, rue desGrands-Augustins, 75006 Paris.

    Groupe Eyrolles, 2010ISBN : 978-2-212-54623-1

    Chez le mme diteur :

    D'ric Albert :

    Le manager durable

    N'obissez plus ! Pourquoi j'irais travailler

    Au lieu de motiver, mettez-vous donc coacher !

    Le manager est un psy Managers, faites-en moins !

    De Laurence Saunder :

    L'nergie des motions

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    ric Albert

    Laurence Saunder

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    Comment lentreprisepeut-elle agir face au stress

    de ses collaborateurs ?

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    Remerciements

    Nous tenons remercier dabord ceux qui crent lmulationet travaillent en proximit avec nous sur le stress, Jean-LucEmery, Marie-Christine Soula, et tout particulirement laideutile et constructive de Julie Collange.

    Merci aussi au Dr Franois Pellet pour ses conseils judicieux.

    Merci enfin toute lquipe IFAS qui nous entoure et nos

    clients qui nous challengent et avec qui nous construisons etpartageons.

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    Sommaire

    Introduction

    ................................................................. 1

    Partie I

    Comprendre le phnomne

    Chapitre 1 Gense dun concept :le stress, champ de bataille des scientifiques

    .......... 11

    Chapitre 2 Le modle IFAS

    ....................................... 25

    Partie II

    Mesurer le stress, un pralable indispensable

    Chapitre 3 Surmonter les rticences mesurer

    ..... 53

    Chapitre 4 Quels instruments utiliser ?

    .................. 57

    Chapitre 5 Que mesurer ? Stress et sur-stress

    ....... 67

    Chapitre 6 Quelles modalits ?

    ............................... 87

    Chapitre 7 De la difficult dvaluerles facteurs de stress professionnels

    ........................ 95

    Chapitre 8 Les finalits de la mesure

    ...................... 105

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    Partie III

    Agir pour prserver la sant et la performance

    Chapitre 9 Les entreprisesde plus en plus presses dagir

    ................................. 127

    Chapitre 10 Sortir des prjugspour tre au service des salaris

    ............................... 141

    Chapitre 11 Les mesures de prvention possibles

    . 155

    Chapitre 12 Agir spcifiquementsur les populations risque

    ....................................... 167

    Conclusion

    ................................................................... 179

    Annexe : le cadre juridique

    ......................................... 181

    Bibliographie

    ............................................................... 183

    Index

    ............................................................................ 191

    Table des matires

    ...................................................... 195

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    Introduction

    Pourquoi crire un nouveau livre sur le stress ? Les biblioth-ques en regorgent, les magazines abreuvent le public darti-cles sur le sujet. Et pourquoi, en tant quauteurs, accepter cenouveau stress, celui de lcriture, alors que notre vie profes-

    sionnelle est dj bien remplie, et que nous ne manquons pasdides pour nos loisirs ? En fait, la rdaction de cet ouvragenest pas vraiment un choix. Elle sest impose au fur et mesure quavanait notre rflexion, au fil des discussionsdans les entreprises dans lesquelles nous intervenons. Lundentre nous, lissue dune confrence, a t interpell parun dirigeant dentreprise lui demandant dans quel livre ilpourrait retrouver les analyses qui venaient dtre dvelop-pes. La rponse est sortie toute seule : Nous lavons entte, il ne nous reste plus qu lcrire.

    Et voil comment onajoute ses facteurs de stress quotidiens celui davoir crire.

    Pourquoi Stress.fr ? Le stress est, certes, un phnomne

    universel qui touche tous les pays et toutes les entreprises. Ilnen demeure pas moins que la faon dont les entreprisesfranaises labordent, garde de vraies spcificits. Ltatdesprit des parties prenantes, le cadre rglementaire, le jeu

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    des diffrents acteurs rendent labord de ce phnomne enFrance trs particulier.

    Nous avons ressenti la ncessit de cet ouvrage pour troisraisons :

    1.

    Comprendre le phnomne.

    Tout dabord, le besoin dedonner aux intervenants appels se saisir du sujet enentreprise (dirigeants, membres du service des ressourceshumaines et des Services de sant au travail, partenaires

    sociaux, managers) une vision claire et synthtique desconnaissances actuelles. Bien quomniprsent dans lesconciliabules de machines caf, le stress reste unenotion difficile cerner, notamment pour le grand publicqui lassimile souvent, tort, une maladie. Cette diffi-cult apprhender le phnomne peut se comprendre :lobjet du stress est si vaste quil englobe tout. la fin de

    sa vie, Hans Selye, qui est souvent considr comme lepre du concept, avait coutume de dire : Le stress, cestla vie ! Et il est vrai que dans ce mot-valise, chacun metce quil veut, et beaucoup ont tendance y associer tousles maux de la vie quotidienne. Cest ainsi que lon trouvedans les dossiers de la presse sur le stress des articles surle harclement moral, dautres sur le suicide au travail, ouencore une revue dtaille des derniers massages lamode. Cette dispersion du propos fait souvent scarterde lessentiel. On sort de ces lectures sans avoir vritable-ment compris ce quest le stress, et comment il est possi-ble dagir pour mieux y faire face.

    Or, le sujet se pose avec de plus en plus dacuit dans les

    entreprises. Lactualit rcente la hlas montr, avec lessuicides survenus dans plusieurs grandes entreprises. Lesdirigeants et les DRH sont somms par le gouvernementde se saisir du sujet : ils doivent notamment se mettre en

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    conformit avec laccord national interprofessionnel signentre patronats et syndicats en juillet 2008, qui vise laprvention du stress. Dans de nombreuses entreprises,les comits dhygine, de scurit et des conditions detravail (CHSCT) interpellent eux aussi la direction, relayantles proccupations des salaris. Do notre souhait deraliser un tat des lieux clair et didactique des connais-sances actuelles, en sappuyant sur des rfrences scien-

    tifiques. Ce travail de pdagogie nous semble essentielpour les hommes et les femmes qui ont, ou auront, la res-ponsabilit de mettre en place des plans daction sur lestress. Ce sera lobjet de la premire partie.

    2.

    Mesurer pour objectiver.

    Deuxime raison dtre de celivre, la volont de raffirmer le caractre essentiel de laphase de mesure avant toute action concernant le stress.

    Raliser un diagnostic correct de la situation est un pra-lable incontournable avant dagir. Cette vidence est pour-tant loin dtre respecte partout. Dans certainesentreprises, les dirigeants semblent saisis par la prcipita-tion. Ils souhaitent mettre en place immdiatement desmesures durgence, sans se laisser le temps de dresser untat des lieux correct du stress dans leur socit. Commesi le fait de ne pas dgainer immdiatement un plan antistress en trois points devait immanquablementapparatre, aux yeux de leurs salaris ou des syndicats,comme une manuvre dilatoire cachant une volontdenterrer le problme. En choisissant laction pourlaction, ces entreprises occupent le terrain, mais elles ne

    se donnent pas les moyens de sattaquer efficacement auproblme. Il convient, au contraire, de dmarrer par unetape de mesure quantitative du stress dans lentreprise.Dans la deuxime partie de cet ouvrage, nous explique-

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    rons comment raliser cette mesure de manire rigou-reuse, avec quels outils et selon quelles modalits. Nousdonnerons des informations prcises permettant de com-prendre partir de quel niveau on peut considrer lestress comme tant un risque pour la sant, et nous expo-serons les questions non encore rsolues que posent lesmesures. Nous expliquerons enfin pourquoi ce travail demesure quantitatif na de sens que sil est suivi dun tra-

    vail qualitatif auprs des populations de lentreprise pourlesquelles a t identifi un fort taux de sur-stress

    1

    .

    3.

    Agir.

    Enfin, nous avons souhait exposer dans ce livre lespossibilits daction de lentreprise qui relvent de sa res-ponsabilit pour prvenir le stress et le rguler.

    La grandemajorit des ouvrages sur le sujet laborde sous un angleindividuel, sappliquant fournir au lecteur une poigne

    de recettes pour grer au mieux son stress. Nous avonssouhait, au contraire, nous attarder sur la dimension col-lective

    du phnomne, sans tabou ni prjug. Nous nousrefusons estimer, comme certains, que lentreprise estncessairement coupable si certains de ses salaris souf-frent dun niveau de stress excessif. Mais nous pensonsquelle peut avoir une part de responsabilit. Cest danslidentification de cette part de responsabilit, et desvoies damlioration qui en dcoulent, que la phase demesure se rvle essentielle : elle permet de cartogra-phier dans lentreprise les populations les plus vulnra-bles au sur-stress, et dentamer avec elles un travailadapt pour mettre au jour les facteurs de stress qui leur

    sont spcifiques. La situation tant diffrente selon cha-que entreprise, nous exposerons donc une mthode, et

    1. Le terme est dpos par lIFAS.

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    non des recettes qui seraient transposables dune socit lautre. Il importera nanmoins de rappeler quelquesprceptes utiles, quelle que soit la situation tudie : sor-tir de lidologie qui paralyse trop souvent les dbatsentre direction et syndicats ; distinguer prvention etmesures curatives ; instaurer une collaboration troiteavec le CHSCT Ces points seront abords dans la troi-sime et dernire partie de cet ouvrage.

    Le stress au travail est classiquement class comme une sous-partie de lensemble des risques pour la sant globale (mentaleet physique) des salaris, appels risques psychosociaux (RPS). Cette appellation est de plus en plus utilise. Outre lestress, les risques psychosociaux incluent notamment les harc-lements moral et sexuel, les incivilits provenant des collguesou de la clientle, voire la violence au travail Le lecteur le cons-

    tatera, nous avons fait le choix, dans cet ouvrage, de ne pas oupeu voquer ce concept, et de concentrer notre approche sur lestress. Nous pensons en effet que chacun de ces risques est dif-frent, et doit mener des conduites tenir spcifiques. Notonscependant que le stress est la pierre angulaire des risques psy-chosociaux, car il est lui-mme un facteur de risque pour ledclenchement du harclement ou de la violence au travail. De

    plus, les dangers lis au stress concernent une proportion desalaris beaucoup plus leve. Voil pourquoi il nous sembleque la lutte contre les risques psychosociaux passe dabord parla lutte contre lexcs de stress en entreprise.

    Pour autant, le sujet des risques psychosociaux reste essen-tiel. Nous sommes dailleurs souvent sollicits pour aider lesentreprises mettre en place un plan de prvention et lins-crire dans le Document Unique (DU, dont nous reparleronsplus tard).

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    Le mtier concernant la prvention du stress est rcent. Il nesenseigne pas la facult. Nous lavons appris force de lepratiquer, et cet ouvrage est dabord un ouvrage de prati-ciens. Il livre lexprience et lexpertise accumules au sein delIFAS, lInstitut Franais dAction sur le Stress, depuis sa cra-tion il y a plus de vingt ans. Lune des spcificits de lIFAS,que nous animons, tient ses deux ples dintervention : luncentr sur le stress et la sant ; lautre sur les comportements

    managriaux. Cette double comptence est indispensablepour aider les entreprises agir sur le stress.

    LIFAS se distingue galement par son approche scientifiqueet rigoureuse. Nous nous basons sur des corpus thoriquesqui ont fait leur preuve dans le monde mdical pour les trans-mettre aux managers de faon simple, pragmatique et opra-tionnelle. Forts de la conviction que ce qui ne se mesure pas

    ne peut samliorer, nous sommes devenus leaders dans lamesure du stress et le suivi en entreprise avec la plus grossebase de donnes franaise. Pour les traiter, LIFAS a mis enplace des analyses statistiques de haut niveau en laborantun partenariat avec un laboratoire du CNRS.

    Par la force des choses, nous sommes devenus galement

    chercheurs sur le sujet du stress. Nous avons mont un dpar-tement recherche pour avancer sur la comprhension du ph-nomne, rpondre aux questions qui se posaient nous, etdvelopper nos connaissances sur le stress (dans les domai-nes de la mesure et de la prvention notamment) et les com-portements managriaux rgulateurs de stress. Enfin, noussommes aussi devenus des pdagogues du stress. Ces der-

    nires annes, nous avons men des centaines daudits destress, form des milliers de managers au stress et, enfin,nous avons accompagn plus dune cinquantaine de comitsexcutifs en menant des missions de conseil en stratgie

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    managriale (ces dernires permettent daligner les objectifsbusiness avec la dimension humaine). Nous avons aussiaccompagn et form des CHSCT et des quipes des Servicesde sant au travail (SST).

    Cette double approche, scientifique et managriale, tout entant au plus prs du terrain, constitue la force de lIFAS. Ellenous incite galement rester humbles : mme si les connais-sances ont fortement progress ces vingt dernires annes, le

    stress est un sujet dont les chercheurs et les praticiensdentreprise sont encore loin davoir une parfaite matrise.Partout dans le monde, des centaines dquipes scientifiquesplanchent sur tel ou tel aspect du concept, et publient ensuiteleurs rsultats. Nous avons donc le souci permanent dactua-liser nos connaissances, de rester en veille pour confronternotre grille de lecture aux rsultats des travaux de recherche

    les plus rcents.

    Le lecteur dsireux de se tenir au courant surce point, ainsi que sur les interventions de lIFAS, pourra seconnecter utilement sur le site stress.fr.

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    ARTIE

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    C

    OMPRENDRE

    LE

    PHNOMNE

    Nous avons avant tout souhait que ce livre soit utile pourcomprendre et faire face ce phnomne omniprsent dansla vie quotidienne quest le stress. Mais cette approche prag-matique suppose au pralable la matrise des connaissances

    scientifiques de base sur le sujet. Notre volont nest pasdentraner le lecteur dans les arcanes de la recherche, maisde lui donner des points de repre sur les diffrents courantset leur discours sur le sujet. Comprendre la grille de lecture deceux qui prennent la parole sur le stress est en effet essentielpour les dirigeants dentreprise, les directions des ressourceshumaines et les lus du CHSCT

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    amens se saisir de cette

    question.

    1. CHSCT : comit dhygine, de scurit et des conditions de travail.

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    Chapitre 1Gense dun concept :

    le stress, champ de batailledes scientifiques

    Il est peu de sujets sur lesquels les scientifiques se sontaffronts avec autant de virulence. Lune des raisons de cesconfrontations passionnelles rside dans le caractre multidi-mensionnel du stress. Celui-ci fut notamment soulign lorsdun congrs co-organis par lINSERM et le CNRS en 2003,qui a dcrit le stress comme

    un concept linterface dessciences de la vie, et des sciences humaines et sociales . Cecaractre multidimensionnel a amen diffrentes disciplinesscientifiques tenter de le conceptualiser avec leur propreregard, en minimisant celui des autres.

    Ce sont dabord les physiologistes

    qui ont dfini le concept enfonction de la raction interne de lindividu. Puis les sociolo-gues

    ont, eux, abord le sujet partir des facteurs de stress.

    Enfin, les psychologues

    ont montr que la subjectivit de cha-cun tait essentielle. Nous nentrerons pas dans les querellesentre psychologues car elles relvent souvent de chapellesplus dogmatiques que scientifiques. Les neurosciences ont

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    galement contribu mieux comprendre certains phnom-nes en validant ou invalidant certaines thories.

    En fait, chaque discipline a amen sa pierre qui nous permetaujourdhui davoir une vision plus claire du stress, mme sinous ne sommes pas dans lillusion de le comprendre parfai-tement. Lenjeu est videmment de faire une synthse de cesdiffrentes approches dans une perspective pragmatique,notamment dans lentreprise.

    LES PHYSIOLOGISTES : TOUT COMMENCEPAR LES RATS DE LABORATOIRE

    Cest Walter Cannon, un physiologiste amricain des annes1930, qui emploie le mot pour la premire fois. lpoque, cechercheur travaille sur lhomostasie, cest--dire sur les

    mcanismes qui permettent un mammifre de maintenir sonquilibre intrieur alors quil est soumis des agressionsextrieures. Cest ainsi quil peut, par exemple, garder unetemprature intrieure constante alors quil est confront des environnements froids ou chauds. Trs vite, ses travauxsont relays par Hans Selye, souvent considr comme le pre du concept de stress. Celui-ci approfondit la compr-hension des mcanismes physiologiques de ladaptation. Ildcrit notamment le rle des hormones corticodes qui sontsecrtes lors dun stress chronique. Pour lui, la productionde ces hormones, en raction aux situations de stress, est lorigine dun affaiblissement des dfenses de lorganisme,voire lorigine des ulcres de stress et dautres maladies,

    quil nomme maladies de ladaptation .Les thses de Selye ont eu un grand retentissement. Ses tra-vaux sur les rats ont t transposs un peu rapidement lhumain. Comme il tait constat que celui-ci tait soumis

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    de plus en plus de contraintes, cela a entran llvation dustress au rang de maladie du sicle .

    Lapproche de Selye est celle dun physiologiste. Il provoquedes situations exprimentales de contraintes pour les rats(chocs lectriques, chocs thermiques, etc.) et mesure leursractions physiologiques. Il a t dmontr par la suite que cequil mesurait tait surtout une raction de peur de lanimalmis en situation dexprience. Mais surtout, la grande critique

    qui fut faite par la suite aux travaux de Selye reste quil consi-dre lanimal comme un pur objet subissant : un rcepta-cle de la contrainte, une victime laquelle il fait subir sesexprimentations et qui produit une raction physiologique.Des expriences postrieures, menes par dautres quipesde chercheurs, mettront en vidence que les conditions delexprimentation (selon, par exemple, que lanimal peut pr-

    voir ou pas quil va recevoir un stimulus) ont un effet dtermi-nant sur la raction physiologique produite.

    Le modle de Selye repose sur le paradigme stimulus-rponse. Ce modle, dit linaire , suppose quil existe unlien automatique quasi mcanique entre un stimulus ext-rieur et une raction interne lindividu. Ce schma ne se vri-fie en ralit que dans les situations de menace brutale, quidclenchent la fameuse dcharge dadrnaline. Ces situa-tions ne reprsentent quune toute petite partie de ce que lonappelle le stress.

    Si son approche appartient aujourdhui lhistoire, Selye aconsidrablement marqu les esprits avec son modle, quimet lindividu en posture de subir les contraintes et leurs con-

    squences sans possibilit de raction. Cette victimisationpar rapport au stress est reste, pour beaucoup, le schma derfrence. On ne pourrait que subir son environnement sansmarge daction. Ds lors, tout un courant sest logiquement

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    dvelopp en se concentrant sur les facteurs de stress, cest--dire les causes du stress. Ce courant sest intress princi-palement aux vnements de vie, et dans le domaine de la vieprofessionnelle, il sest centr sur les facteurs de stress,appels galement stresseurs (issu du terme anglo-saxonstressors).

    LAPPROCHE SOCIOLOGIQUE :

    LE POIDS DES FACTEURS DE STRESS

    Dans la ligne de Selye, cest tout naturellement quun courantde chercheurs sest intress aux facteurs de stress auxquelssont soumis les individus, et a cherch mesurer leur impact.Les premiers avoir fait une tentative de ce type, dans lesannes 1960, taient Thomas Holmes et Richard Rah. Ils ont

    cherch, dune part, identifier quels taient les types dv-nements qui constituaient des facteurs de stress et, dautrepart, en quantifier les effets sur les individus qui les subis-saient. Pour cela, ils ont tabli une liste dvnements de vieles plus frquents (licenciement, dcs dun proche, difficultavec son patron, etc.) et ont demand un chantillon repr-sentatif de la population dvaluer lintensit du changementsur une chelle de 0 100. Comme point de rfrence, ils ontfix le mariage 50. Lchelle ainsi cre partir des moyen-nes constitues grce lchantillon reprsentatif permet chacun, en fonction des vnements rcents quil a subis, decalculer le score de changement auquel il a t soumis.

    De nombreuses critiques ont t faites Holmes et Rah. La

    plus importante tait que la dimension subjective de lvne-ment nest pas prise en compte par leur modle. Ainsi, undmnagement pour un individu donn peut provoquer uneintensit motionnelle et supposer des efforts dadaptation

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    beaucoup plus importants que pour un autre. Mais leurchelle ne fait pas cette diffrence.

    Dans le domaine du stress professionnel, cette approche a treprise par les sociologues qui ont dvelopp diffrentesthories plaant le contexte comme origine du stress. Cesmodles, qui se focalisent sur les interactions entre les con-traintes et la raction ces contraintes, sont appels inter-actionnistes . Ils sont construits de manire linaire, bass

    sur un principe de causalit (modle de cause effet) endcomposant la situation afin disoler les facteurs que lonpeut incriminer dans la gense des problmes de sant. Leurdfaut reste quils ne prennent pas suffisamment en compteles spcificits individuelles qui font varier chez chacun denous la manire de sadapter ou de faire face aux situations.

    Enfin, ces modles interactionnistes sinscrivent dans la pers-pective des thories normatives de lorganisation visant dfinir une bonne organisation du travail dans labsolu. Lencore, la ralit est plus complexe et nuance

    Lune des premires approches de ce type fut celle deRobert Karasek, sociologue amricain qui, en 1979, sest int-ress aux situations professionnelles comme source de ten-

    sions. Son modle se focalise sur linteraction entre lescontraintes de la situation de travail et les marges dautono-mie ou de contrle laisses au salari, ce que Karasek appelleles demandes psychologiques et la latitude dcision-nelle :

    les demandes psychologiques font rfrence la quantitde travail accomplir, aux exigences mentales et aux con-traintes de temps lies ce travail ;

    la latitude dcisionnelle renvoie la possibilit pour lesalari dexercer un certain contrle sur le travail rali-

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    ser, mais aussi dtre cratif et de dvelopper ses comp-tences.

    la fin des annes 1980, le concept de soutien social au tra-vail a t ajout au modle de Karasek. Ce terme regroupelensemble des interactions sociales utilitaires qui sont dispo-nibles sur le lieu de travail, tant de la part des collgues quedes suprieurs hirarchiques (nous dvelopperons ce con-cept un peu plus loin dans cette partie).

    Au final, ce modle montre que les situations o les exigencessont leves, alors que le niveau de contrle est faible et quilexiste de surcrot peu de soutien social, comportent des ris-ques pour la sant.

    La prise en compte conjointe des dimensions de contrle etde demande a permis daboutir une catgorisation en qua-tre grands types de situations de travail (cf. le tableau ci-dessous) :

    lessituations dtendues , caractrises par un faibleniveau de demande et un niveau de contrle lev ;

    les situations actives , dfinies par de fortes demandeset un niveau de contrle lev ;

    lessituations passives , elles correspondent un fai-ble niveau de demandes et un faible niveau de contrle ;

    les situations tendues ou dejob strain, un niveaude demande lev concide avec un niveau de contrle fai-ble.

    Demande psychologique

    Faible leve

    Latitude dcisionnelleFaible Travail passif Travail tendu

    leve Travail dtendu Travail actif

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    Lautre approche, trs utilise dans les tudes pidmiologiquessur le stress au travail, est le modle du dsquilibre rcom-pense/efforts dvelopp par lquipe deJohannesSiegristenAllemagne, partir de 1986. Selon ce modle, ltat de stress sur-vient lorsquil y a un dsquilibre entre les efforts quune per-sonne consent fournir dans son travail et les rcompensesquelle reoit en retour (voir schma ci-dessous). Dans cemodle, deux types defforts sont considrs :

    les efforts extrinsques correspondent aux exigencespsychologiques dj dveloppes dans le modle deKarasek (contraintes de temps, interruptions, responsabi-lits, heures supplmentaires, charge physique, augmen-tation de la demande) ;

    les efforts intrinsques reprsentent des facettes de lapersonnalit (besoin dapprobation, comptitivit et hos-

    tilit latentes, impatience et irritabilit disproportionnes,incapacit prendre de la distance avec son travail).

    Quant aux rcompenses, elles peuvent tre de trois sortes :les gains montaires (salaires, primes, etc.), lestime dontfont preuve les collgues et les suprieurs, et le degr de con-trle sur son statut professionnel (perspectives de promotion,

    scurit de lemploi).

    EffortEffort

    Surinvestissement

    Faible rcompenseArgentEstimeStatut

    Ractions physiologiqueset motionnelles pathologiques

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    Bien que trs utiliss par certains cabinets qui travaillent surle stress en entreprise en France, les modles de Karasek etde Siegrist comportent des lacunes, du fait en particulier deleur rigidit excessive. Cest ce que souligne notamment lachercheuse Marilou Bruchon-Schweitzer : Cette conceptioninteractionniste (que ce soit celle de Karasek ou de Siegrist)est mcaniste. Elle ne fait rfrence qu des configurationsde prdicteurs qui seraient en elles-mmes protectrices ou

    pathognes. De tels modles occultent compltement ladynamique du processus par lequel lindividu et le contexte seconfrontent, se modifient lun et lautre1.

    LES PSYCHOLOGUES,ET LA SPCIFICIT DE CHACUN FACE AU STRESS

    la fin des annes 1960 et dans les annes 1970, les psycho-logues se sont empars du thme du stress. Lquipe qui aprobablement le plus marqu les esprits est celle de RichardLazarus et Susan Folkman. Ils ont montr que le stress corres-pondait une transaction entre lindividu et son environne-ment. Lindividu value la situation et les ressources pour yfaire face, et dveloppe partir de cette valuation une stra-

    tgie dadaptation (appele coping par les Anglo-Saxons).Cette valuation de la situation peut tre dcompose endeux phases :

    lvaluation primaire, qui correspond aux questions : Quest-ce qui est en jeu dans ce contexte ? , La situa-tion prsente-t-elle une menace ou un dfi pour moi ? La

    rponse ces questions contribue la qualit de lmo-tion et son intensit ;

    1. M. Bruchon-Schweitzer, Psychologie de la sant, Dunod, 2002.

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    lvaluation secondaire, o linterrogation porte sur : Que puis-je faire ? , Quelles sont mes options pourfaire face ? , et Comment lenvironnement rpond-il mes actions ? La rponse influe sur les types de strat-gies dadaptation qui seront employes pour affronter lasituation1.

    Ce modle, dit modle transactionnel , peut tre rsumselon le schma ci-dessous :

    Ce modle montre la spcificit individuelle dans la faon de faireface au stress. La grande nouveaut est quil met bas lideselon laquelle les facteurs de stress ont le mme effet sur tous lesindividus. Chacun fait face la situation qui se prsente lui enfonction de son apprciation des circonstances, de ses motions,de ses comptences, etc. Ce sont dailleurs les psychologues qui,in fine, ont permis daboutir une dfinition consensuelle du

    1. A. Monat, R.S. Lazarus, Stress and coping cognitive appraisal inA. Monat& R.S. Lazarus (Eds.), Stress and Coping : an Anthology, New York, ColombiaUniversity Press, 1985.

    *valuation primaire: concerne la perception de danger ou la menace que reprsentepotentiellement cette situation.*valuation secondaire: correspond la perception qua lindividu des ressources dontil dispose pour faire face cette menace.

    Feed-back

    La transaction au cur du processus de stressLe modle de Lazarus (1984)

    Ressourcespersonnelles

    Ressources

    sociales

    Stratgiesde coping

    Issuespsychologiques &

    somatiques

    Perception et valuationsdes vnements de vie- valuation primaire*- valuation secondaire*

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    stress, qui sert dsormais de rfrence au niveau europencomme au niveau franais : Un tat de stress survient lorsquil

    y a un dsquilibre entre la perception quune personne a descontraintes que lui impose son environnement et la perceptionquelle a de ses propres ressources pour y faire face. Lindividuest capable de grer la pression court terme, mais il prouve de

    grandes difficults face une exposition prolonge ou rpte des pressions intenses. () Le stress nest pas une maladie, mais

    une exposition prolonge au stress peut rduire lefficacit autravail et peut causer des problmes de sant.1

    En parallle des tudes menes par lquipe de Lazarus, JohnMason va creuser la piste des motions. Pour lui, les motionssont au cur du processus de stress. Sil est dclench parune situation donne, le stress est amplifi par ltat motion-nel du sujet et les motions induites par le contexte. De leur

    ct, deux autres chercheurs, Weiss et Dantzer, font le lienentre les expriences initiales de Selye (dimension physiolo-gique) et la dimension psychologique : cest la rgulationcognitive du stress. Ils montrent que la raction physiologi-que au stress dpend de deux paramtres cognitifs : la capa-cit prvoir et celle contrler la situation. Le rat quidispose dans sa cage dune ampoule lumineuse annonantune dcharge lectrique na pas la mme raction au stressque celui qui ne lattend pas. Mme phnomne pour le ratqui dispose dune petite pdale pour rduire les dchargeslectriques par rapport celui qui ne peut que les subir.

    Ces conclusions sont mises en uvre de faon trs pratiquedans la vie quotidienne. Elles ont, par exemple, entran lins-

    tallation de panneaux daffichage lectroniques sur les auto-

    1. Accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008, reprenant laccord euro-pen de 2004 sur le mme sujet.

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    routes, panneaux qui indiquent le temps dattente en casdembouteillage. Les automobilistes sont en effet moinsstresss lorsquils sont informs de la dure de lembou-teillage. Dans le mtro parisien, la RATP sefforce de faire demme : lorsquune rame simmobilise en pleine voie, il estdemand au conducteur de sadresser rapidement aux voya-geurs pour leur donner la cause de larrt et une premire va-luation de sa dure. L encore, tre inform diminue le niveau

    de stress.

    UNE APPROCHE SYNTHTIQUE :LE MODLE BRUCHON-SCHWEITZER

    Chacune des approches du stress voques ci-dessus con-tient une part de vrit, mais aucune ne dcrit le phnomne

    dans sa totalit. Sans prtendre chercher englober toutesles dimensions du stress (ce qui serait illusoire), des tentati-ves ont t faites pour les intgrer dans un seul modle. Nousnous sommes arrts sur celui propos par Marilou Bruchon-Schweitzer, qui offre lavantage dune relative simplicit touten prenant en compte la complexit du stress.

    Cette chercheuse a labor un modle intgratif en psycho-logie de la sant intgrant les facteurs prdicteurs du stress,la transaction de lindividu face son environnement et, enfin,les consquences de cette interaction. Ce modle, dit bio-psycho-social , est aujourdhui celui qui englobe le mieuxces diffrentes dimensions. LOrganisation mondiale de lasant (OMS) a fait sienne ce modle. En France, un tout rcent

    rapport du Conseil danalyse stratgique sur la sant mentaleen a soulign la pertinence : Alors que jusque dans lesannes 1990 prvalait une juxtaposition de thories et demodles, dans les annes 2000, lanalyse de la sant mentale

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    savre plus intgrative et consensuelle. Le modle fonction-nel le plus largement admis pour la sant mentale est lemodle dit bio-psycho-social, selon lequel la sant mentalecorrespond un processus dynamique rsultant de facteursbiologiques, psychologiques et sociaux en interaction cons-tante1.

    Le modle de Marilou Bruchon-Schweitzer comprend troiscatgories :

    Dabord, les facteurs prdicteurs.En simplifiant, on pour-rait dire que ce sont tous les lments qui psent surlindividu. Cela inclut les lments externes constitus desfacteurs de stress, mais aussi le contexte gnral danslequel il volue, sa situation familiale par exemple. Celaprend galement en compte les lments internes lindi-vidu, comme ses traits de personnalit ou encore son tatde sant. Ces facteurs sont appels prdicteurs car ilssont censs avoir un impact sur ltat de lindividu aprsquil ait fait face au stress.

    Ensuite, la transaction.On dsigne sous ce terme la faondont lindividu fait face au stress, dans le langage couranton dirait gre le stress . Cette gestion du stress com-

    porte une dimension interne lindividu avec, notam-ment, son mode de traitement et dinterprtation desinformations, mais aussi les comptences quil met enuvre et les plans daction quil choisit. Noublions pas enoutre la raction physiologique, dont les effets sont enconstante interaction avec la dimension psychologique. La

    1. Rapport remis Nathalie Kosciusko-Morizet, secrtaire dtat en charge de laProspective et du Dveloppement de lconomie numrique, le 17 novembre2009. Groupe de travail Sant mentale et dterminants du bien-tre , pr-sid par Viviane Kovess-Mafesty.

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    transaction comporte aussi une dimension interaction-nelle avec lentourage : comment celui-ci est (ou nestpas) utilis pour faire face la situation. Cette dimensionest appele le soutien social .

    Enfin, les consquences.Elles concernent principalementla sant, le bien-tre et la qualit de vie. Ce sont les crit-res qui permettent dvaluer si la transaction est efficaceou coteuse pour lindividu.

    Outre les qualits dj voques, ce modle offre lavantagede poser un cadre simple pour la recherche : si lon agit sur lesprdicteurs, obtient-on un effet concret et mesurable sur lesconsquences ? Avec ses trois catgories, il permet de bienmontrer les trois niveaux de prvention que lon peut faire surle stress : la prvention primaire, qui consiste agir sur lesprdicteurs ou lensemble des facteurs de risque sur le plan

    tant individuel que collectif pour empcher la survenue demaladie ; La prvention secondaire est la prise en charge du

    problme au tout dbut de lapparition du trouble qui peutainsi tre enray1, Les diffrentes formes de dpistage oudidentification de groupes exposs en font partie2 ; et,enfin, la prvention tertiaire, dont lobjet concerne la rhabili-tation des personnes atteintes de pathologies. Nous revien-

    drons dans la troisime partie de ce livre sur les diffrentesfacettes de la prvention.

    1. OMS : http://www.who.int/whr/2001/chapter3/fr/index3.html.2. Trait Environnement et sant publique , Edisem, 2003.

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    En rsum

    Le stress est un phnomne multidimensionnel, ce qui a amen plu-sieurs disciplines scientifiques tenter de le conceptualiser selon leur

    propre grille de lecture. Pionniers en la matire, les physiologistes ont

    mis en vidence les consquences physiques du stress. Les sociolo-

    gues se sont, eux, concentrs sur les causes, les facteurs de stress.

    Quant aux psychologues, ils ont mis en vidence la dimension subjec-

    tive du stress, cest--dire la spcificit de chacun dans la raction

    une situation donne. Cest la synthse de ces diffrentes approches

    dans un seul modle qui permet lapproche la plus complte du ph-nomne, mme si lon est encore loin den avoir identifi tous les

    mcanismes.

    Le modle qui nous parat reflter le mieux cette complexit est celui

    propos par Marilou Bruchon-Schweitzer : il est intgratif et multifac-

    toriel.

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    Chapitre 2Le modle IFAS

    Notre exprience de terrain et nos recherches nous ont ame-ns adapter le modle de Marilou Bruchon-Schweitzer, pourle complter avec des dimensions spcifiques la vie profes-

    sionnelle (les facteurs de stress professionnels), en distin-guant notamment sur quels facteurs lentreprise peut et doitagir (en gris dans le schma ci-dessous) et ceux qui ne rel-vent pas de son primtre. Ce modle peut tre rsum ainsi :

    Schma global du stress

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    PRDICTEURS(Antcdents et contextuels)

    TRANSACTION INDIVIDU-CONTEXTE(Rle mdiateur ou modrateur)

    CONSQUENCES(Ou critres)

    Bien-tresubjectif

    Performancesintellectuelles

    tat de santphysique etpsychique

    Performances

    relationnelles

    Sociodmographiquesge, sexes

    valuation

    - De la situation- Des ressources

    Stratgies dajustement

    Gestion de lmotionEfficacit des plans daction

    Usage du soutien social

    - Soutien social professionnel

    - Soutien familial

    Socio-conomique

    Conditions de vie

    Personnalit etgntique

    - Personnalit- Biologique.

    Facteurs de stresspersonnels et sociaux

    - Familiaux- Financiers- Rseau social

    Facteurs de stressprofessionnels

    - Contextuels- Organisationnels- Ergonomiques- Conditions de travail- Managriaux- Comptences

    Conditions gnraleet hygne de vie

    - tat de sant- tat de fatigue- Pratique sportive- Alimentation

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    Ce modle reprend les trois grandes catgories mises enplace par Bruchon-Schweitzer (prdicteurs, transaction etconsquences), mais en prcise les contours et les diffrentesdimensions. Il constitue la base thorique de nos interven-tions en entreprise. Nous allons lexaminer en dtail.

    LES PRDICTEURS

    Il est possible de classer les prdicteurs en six grandes cat-gories.

    1. Les caractristiques sociodmographiquesOn regroupe sous ce terme lge, le sexe, la situation de famille,la situation professionnelle, la position occupe dans lentre-

    prise, etc. Le caractre prdictif de ces caractristiques a ttrs souvent dmontr dans la littrature scientifique. Il estgalement rgulirement mis en vidence dans les mesuresque nous effectuons en entreprise. Le fait dtre une femme,par exemple, entrane une probabilit plus forte de souffrir dunniveau de stress lev. De mme, contrairement une idereue, les salaris en bas de lchelle hirarchique, comme les

    employs ou les oprateurs dans une usine, sont globalementplus susceptibles dtre victimes du stress que les cadres.

    2. Les caractristiques socio-conomiquesElles refltent les conditions de vie du sujet (materielles et socia-les). On y trouve aussi bien lexposition au bruit, la pollution, le

    niveau dinscurit, la promiscuit (densit dhabitation) Tou-tes les tudes ralises dans diffrentes parties du monde lesoulignent : plus une population subit des conditions de vie diffi-ciles sur ces aspects, plus le taux de maladie est lev.

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    3. La personnalit et le patrimoine gntique

    Nous mettons dans cette catgorie les caractristiques quirendent un individu unique, et qui restent peu prs constan-tes tout au long de sa vie. Il sagit de traits psychologiques quiconstituent la personnalit et qui voluent peu au cours de lavie. Ce sont eux qui nous font dire un ami retrouv aprsavoir t perdus de vue pendant des annes : Tu nas paschang ! On retrouve chez lui, par exemple, la mme joie de

    vivre, la mme autodrision et la mme dsinvolture.

    4. La condition physique et lhygine de vieOn sait combien lune et lautre sont prdictives de lesprancede vie et de la sant. Les acteurs les mieux informs sur cepoint sont les compagnies dassurances qui garantissent les

    emprunts. Leurs tarifs varient en fonction de ces deux param-tres. De mme, de trs nombreux travaux rcents, popularisspar David Servan-Schreiber1, ont montr limportance de lapratique dun sport, du sommeil et de lalimentation sur lesperformances cognitives mais aussi motionnelles, notam-ment par rapport au risque de dpression.

    5. Les facteurs de stress personnels et sociauxLa vie amoureuse et familiale, dont la premire finalit est denous rendre heureux, peut galement tre source de conflits,de ruptures et de deuil. De mme, lenvironnement amical etsocial peut faire lobjet de soubresauts. Les uns et les autres

    1. D. Servan-Schreiber, Gurir le stress, lanxit et la dpression sans mdica-ments ni psychanalyse,Robert Laffont, 2003.D. Servan-Schreiber,Anticancer : Prvenir et lutter grce nos dfenses natu-relles, Robert Laffont, 2007.

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    peuvent fragiliser par moments lindividu, ou au contraire lerenforcer sur le plan motionnel.

    6. Les facteurs de stress professionnelsCest la catgorie qui a t la plus tudie, ou du moins la plusthorise. Peu de certitudes ont t acquises, mais de nom-breuses hypothses ont t formules pour expliquer lestress des travailleurs. Plusieurs centaines de facteurs destress potentiels ont t identifies, et la liste ne sera jamaisexhaustive. Pour autant, il est indispensable de les prendre encompte, et surtout de comprendre sur lesquels dentre eux ilest pertinent dagir pour rduire le stress des salaris.

    En thorie, pour prvenir le stress, il faut identifier les dimen-sions sur lesquelles on peut agir. Or, en pratique, non seule-

    ment on ne peut pas agir sur certaines variables, par exemplele sexe et lge, mais en plus lentreprise ne peut et ne doitpas intervenir sur celles qui relvent de la vie prive. Dans leschma prcdent, nous avions soulign en gris les dimen-sions sur lesquelles il existe une marge de manuvre. Cestsouvent en agissant sur plusieurs dentre elles que lon peuttre efficace. Le principal risque rside dans la tentation sim-

    plificatrice de considrer une seule de ces dimensions commetant responsable de toutes les consquences. Nous revien-drons sur cette difficult apprhender correctement les fac-teurs de stress dans la deuxime partie de cet ouvrage.

    LA TRANSACTION

    La transaction comprend trois dimensions que sont : ltatperceptif de lindividu, sa stratgie dajustement et la percep-tion de son soutien social.

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    1. Ltat perceptif

    Au moment o survient un facteur de stress, notamment pro-fessionnel, les auteurs saccordent considrer que lappr-ciation qui est faite de la situation est essentielle. Lazarus etFolkman insistent, par exemple, sur la perception dun dangercomme facteur dcisif de la faon de faire face des individus.Cette perception est cruciale, dans la mesure o elle active lesmotions du sujet. Or, les motions apparaissent comme

    dterminantes sur le type de plan daction et de raction quilva dvelopper, comme le rsume le schma ci-dessous :

    Ce schma peut se lire ainsi : un individu sest construit tout aulong de sa vie avec des principes, des rgles morales et ducati-ves renforces par des expriences, des habitudes et descroyances (ce qui est rsum dans la notion de contexte pass).Une situation donne (contexte actuel) provoque des motions(ce que lon ressent), nourries par des perceptions (comment on

    value ou on se reprsente la situation). Cette valuation de lasituation engendre notre comportement (ce que nous faisons).

    De par son importance, la notion de perception voquedans ce schma mrite dtre affine et dveloppe.

    Le mcanisme du stress

    Sensationsphysiques

    Contexte pass Contexte actuel

    Individu

    Perception motions

    Situation

    Comportement

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    chaque instant, chacun dentre nous dispose dun tatperceptif du contexte dans lequel il volue. Cet tat va duplus gnral au plus particulier. Sur le plan gnral, il sagit,par exemple, de la situation conomique du secteur auquelappartient son entreprise, puis de la situation de son entre-prise elle-mme, puis de la reprsentation quil se fait desvnements dans les prochains mois, puis du positionne-ment du service auquel il appartient dans lentreprise, etc.

    Sur le plan particulier, le sujet se peroit par rapport sescollgues, ses comptences et son exprience, sa relation sa hirarchie, son ge, etc. On le comprend, certaines deces perceptions peuvent tre partages par un grand nombrede collaborateurs (la situation conomique de lentreprise,par exemple). Dautres, au contraire, sont propres chacundentre eux.

    Les baromtres sociaux, ces enqutes dopinion qui se sontgnralises dans les grandes entreprises, visent donner unaperu de cet tat perceptif au niveau de lentreprise.

    En dehors des grands vnements (comme un rachat ou unplan social), cet tat perceptif volue relativement lentement.Il constitue une base partir de laquelle slabore la maniredont va tre peru un vnement stressant. Prenons un sala-ri qui son manager annonce quil ne sera pas augment.Dans le premier cas, sa perception est que son entreprise vo-lue dans un secteur difficile, perception alimente par diff-rents plans sociaux au cours des dernires annes. Il sait quelentreprise perd de largent et que sa survie est menace.Dans le second, le salari considre au contraire que lentre-

    prise est particulirement florissante. Il estime galementque sa contribution aux rsultats est importante, et quil sestbeaucoup investi pour cette russite. Il parat clair que la rac-tion motionnelle de lun et de lautre ne sera pas de mme

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    catgorie ni de mme intensit. Ds lors, la faon de faire facesera diffrente et plus ou moins coteuse pour lindividu.

    Les paramtres qui influent sur ltat perceptif au travail sur leplan collectif sont innombrables, citons-en quelques-uns :

    la situation conomique globale ;

    la situation conomique du secteur ;

    la situation conomique de lentreprise ;

    le risque de fusion ou de rachat ; le risque de licenciements ;

    les rsultats de lentreprise ;

    etc.

    Sur le plan individuel, on peut mentionner :

    la scurit ;

    la qualit de larticulation entre contribution et rtribution ; le sentiment dutilit ;

    le dveloppement personnel et les perspectives davenir ;

    la qualit des relations humaines et de lambiance ;

    limage personnelle ;

    la qualit de la relation avec la hirarchie ;

    lautonomie et la latitude de dcision ;

    le soutien social ;

    les comptences personnelles et le jugement port surson employabilit ;

    la capacit apprendre ;

    etc.Cette liste nest pas exhaustive. De mme, le poids de ces dif-frents paramtres peut tre diffrent selon les individus. Cer-tains accordent par exemple peu dimportance limage quils

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    donnent, et valorisent en revanche beaucoup lutilit de leurtravail, alors que dautres sont trs attachs la scurit.

    Ltat perceptif global se constitue partir dun ensemble deperceptions lies lenvironnement et linstant prsent. Ilrend plus ou moins ractif sur le plan motionnel un mmevnement. Cest une dimension que les managers ont toutintrt prendre en compte dans leur communication avecleurs quipes. Il peut, par exemple, tre plus pertinent de

    faire un point avec les quipes en janvier plutt quen dcem-bre. Les points abords sont les mmes, mais une fois pas-ses les vacances de Nol, ltat perceptif de tous nest plus lemme. Les collaborateurs sont plus dtendus, plus rceptifs,et la rflexion collective est de meilleure qualit. De la mmemanire, les remarques dlivres au cours dun entretiendvaluation seront plus ou moins bien acceptes selon ltatperceptif du collaborateur, qui peut notamment tre impactpar sa charge de travail ou ses soucis professionnels dumoment.

    2. Les stratgies dajustementOn utilise galement le terme de coping, ce verbe dsi-gnant en anglais la manire de faire face ou de sajuster.

    Classiquement, le copingdsigne les stratgies dajustementutilises pour diminuer la tension induite par un stresseur1.Dans un premier temps, les auteurs comme Lazarus et Lau-

    1. Les stratgies de coping dsignent lensemble des comportements et pen-

    ses quun individu interpose entre lui et un vnement peru comme mena-ant en vue de matriser, tolrer ou diminuer limpact de celui-ci sur son bien-tre physique ou psychologique (Fleishman, 1984 ; Folkman & Lazarus, 1984& 1988). Le terme de coping a t traduit en franais par stratgiedajustement (M. Bruchon-Schweitzer, Dantzer, Goodall & Maes, 1994).

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    nier, ou Lazarus et Folkman ont dfini le coping commelensemble des efforts cognitifs et comportementaux destins matriser, rduire ou tolrer les contraintes qui dpassentles ressources de lindividu. On parle de rponse adaptativedes sujets aux modifications de leurs environnements. Ils ontdistingu deux types de stratgies dajustement, celles cen-tres sur le problme et celles centres sur lmotion :

    les stratgies dajustement centres sur le problme

    visent rduire les exigences de la situation ou augmen-ter ses propres ressources pour y faire face (recherchedinformations, de soutien, de ressources, rsolution duproblme, augmentation des connaissances) ;

    les stratgies dajustement centres sur lmotionvisent rguler la tension motionnelle induite par la situation.Cela peut se faire de plusieurs manires : lvitement du

    problme, sa minimisation ( Ce nest pas si grave ),lautoaccusation ( Cest de ma faute ), la recherche dunsoutien motionnel auprs dun proche, ou encore la rva-luation positive ( Je suis sorti plus fort de cette preuve ).

    Si cette distinction est utile, elle ne doit pas faire perdre devue que dans tous les cas, lmotion est prsente. Cest eneffet cette motion qui dtermine nos comportements, etdonc nos plans daction. Plus lintensit motionnelle estforte, plus la raction qui en dcoule est intense, et cela aussibien sur le plan physiologique (augmentation du rythme car-diaque, de la nervosit) que mental (risque de rumination etde surcharge mentale).

    Cette motion est en lien direct avec la perception du sujet :

    plus la situation laquelle il est confront est dcale parrapport sa perception, plus lintensit motionnelle estforte. Un manager qui sattend recevoir dun de ses collabo-rateurs un projet dment ficel et qui ne rceptionne quun

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    brouillon incohrent en concevra plus de colre et damer-tume que sil avait anticip la situation. Cest tout le pro-blme des perfectionnistes, qui exigent deux-mmes (et desautres) des performances qui ne sont pas toujours au rendez-vous, et qui en retirent de la dception, de la frustration oude linquitude.

    Notre exprience sur le terrain avec lIFAS nous a amens complter cette approche des stratgies dajustement en dis-

    tinguant les stratgies immdiates et les stratgies dcales.Il nous parat utile, dune part, de prciser le tempo de miseen place de laction et, dautre part, les ressources dajuste-ment auxquelles le sujet fait appel. Enfin, il convient bien srde se demander dans quelle circonstance une stratgiedajustement est efficace ou ne lest pas.

    Commenons par la situation la plus frquente, celle de

    laction immdiate.

    Laction immdiate

    Un facteur de stress dclenche une raction sur le moment.Par exemple, la rception dun courriel qui agace par sa mau-vaise foi induit une rponse qui rappelle les faits et rtablit la

    ralit (du moins telle quon la peroit). Ce modle est celuide lmotion/action. Cette motion est plus ou moins cons-cientise par le sujet. La marge daction du sujet est notam-ment en lien avec sa capacit identifier son motion.Lmotion non reconnue induit la plupart du temps un plandaction automatis : le sujet ragit comme il la dj fait dansune situation similaire ou proche. Cest un modle de rpti-

    tion qui permet souvent dattnuer lmotion par une actionimmdiate. Il arrive que cette action soit sans aucune effica-cit sur la situation, mais agir donne une illusion de contrlesur la situation qui soulage court terme. Par exemple, le

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    manager qui demande un reportingplus frquent nagit passur la situation, mais se donne lillusion de la contrler.

    Ce mode daction est efficace sil calme durablement lmo-tion, cest--dire si laction choisie ne produit pas de rumina-tion et ninduit pas de ractions en chane comme autant denouveaux facteurs de stress. Par exemple, jai dit ses quatrevrits un collgue qui exagrait. Cela ma fait du bien maisdepuis, il en a parl dix personnes qui toutes viennent me

    dire que je naurais pas d.

    La non-action : lattente avec ou sans prise de recul

    On peut aussi choisir de ne rien faire. Soit parce que lon nesait pas quoi faire, soit parce que lon redoute les consquen-ces de ce que lon pourrait faire. Cette attente permet de pren-dre du recul par rapport son motion immdiate et dutiliser

    ce temps pour rflchir. Il arrive que certains problmes sersolvent deux-mmes ou quil soit urgent dattendre .

    Cette stratgie est efficace deux conditions : quelle ne pro-duise pas de rumination et que labsence daction ninduisepas de ractions qui deviennent autant de nouveaux facteursde stress.

    La rumination

    Dans de nombreuses situations, le facteur de stress ninduit

    pas de plan daction immdiat, mais provoque une motion

    qui conduit une rumination. Cette rumination est lorigine

    de ce que lon appelle la charge mentale. La vie serait trop

    simple si lon pouvait traiter les problmes de faon squen-

    tielle, lun aprs lautre. En ralit, les problmes se prsentent

    nous en parallle. Alors que nous sommes dj proccups

    par une relation tendue avec un collgue, ou une tche pour

    laquelle nous navons pas la solution, on se trouve confront

    un dysfonctionnement inattendu qui menace les rsultats (une

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    imprimante qui tombe en panne par exemple). Autrement dit,

    un facteur de stress est toujours une goutte supplmentaire

    qui tombe dans un rcipient dj partiellement plein. Chaquenouvelle goutte comporte une temprature motionnelle qui

    nous pousse la classer dans une hirarchie implicite par

    ordre de traitement.

    On pourrait penser que cette charge mentale est nuisible. En

    fait, dans certains cas, elle nous conduit dvelopper une

    certaine efficacit de traitement. En effet, en gardant en tte

    certains problmes, on y rflchit et on les mrit, ce qui per-

    met, au bout dun laps de temps plus ou moins long, dima-giner une solution. Mais dans dautres cas, la rumination est

    purement motionnelle ; on tourne autour de lmotion

    produite sans pouvoir sen distancer. Les consquences sont

    connues : troubles du sommeil, difficult investir ses autres

    champs de vie, dsquilibre entre vie professionnelle et vie

    personnelle, etc.

    La nouvelle actionElle consiste mettre en uvre un comportement ou un plandaction qui na pas t automatis. La plupart du temps, ellencessite un temps dlaboration. Mais parfois, elle se fait defaon quasi immdiate, comme dans les exercices dimprovi-sation o les reparties rebondissent sur une remarque quinavait pas t prvue. La caractristique de la nouvelle actionest de tenir compte des spcificits du contexte pour trouverla meilleure adaptation.

    De mme que pour laction automatique, les deux critresdefficacit se mesurent lmotion du sujet et aux cons-quences de laction. Un troisime critre peut tre introduitqui est le cot de mise en place du nouveau plan daction. Sil

    rsulte defforts importants, il est probable que le sujet nyaura pas beaucoup recours.

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    Les ressources dadaptation

    Pour mettre en place ces diffrentes stratgies daction, cha-cun dispose de ressources quil a plus ou moins bien appris dvelopper. Il en existe de trs nombreuses, nous en citeronsdeux pour illustrer notre propos :

    laprise de reculconsiste prendre de la distance par rap-port un vnement et ne pas ragir sous le coup delmotion. Toute la difficult est didentifier ses motionspour les mettre distance. Cela permet de remettre enperspective les diffrents facteurs de stress et de lesrehirarchiser par rapport ses valeurs pour les classer encatgories traiter. Le risque est de se complaire dans larflexion sans agir ;

    le recours au soutien socialpermet dutiliser son entou-rage pour prendre du recul, mais aussi dtancher son

    En rsum

    Face aux situations, il y a diffrentes faons de ragir :1. Laction automatise, cest le comportement automatique de rou-

    tine dclench par lmotion : on fait ce que lon a lhabitude de faire

    face pareille situation. Ce mode automatique offre lavantage dune

    considrable conomie de moyens. Son risque principal rside dans

    une dconnexion progressive avec la spcificit des situations.

    2. La non-action : elle est souvent utile pour retourner un problme

    dans tous les sens et permettre lmergence dune solution. Mais

    elle peut amener une surcharge mentale.3. Laction nouvelle : cela consiste adopter un nouveau comporte-

    ment ou une nouvelle manire de faire, afin de sajuster de faon

    plus efficace la spcificit de la situation. Le risque est de se met-

    tre en situation dincomptence.

    Il est probable quune gestion du stress efficace passe par une combi-

    naison entre ces diffrentes stratgies. Lenjeu de chacun sera de se

    demander quelle stratgie il a intrt dvelopper, et quel moment.

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    motion, de demander (et parfois de trouver) de laide, desentir un support, etc. Le risque pourrait tre de se perdredans les avis, et peut-tre de rester dans linaction. Cetteressource est essentielle, notamment au travail, et justifieque lon sy arrte un peu plus longuement.

    3. La perception du soutien socialLe rseau social recouvre lensemble des contacts avecdautres individus, leur dure, leur frquence, etc. Une forteintgration sociale semble avoir un effet bnfique sur lasant, alors que lisolement entrane un risque accru de mor-bidit et de mortalit, ce risque saccentuant avec lge.

    Ce que lon appelle soutien social , cest laide apporte parlentourage pour faire face aux situations de stress rencon-

    tres. Chacun le peroit dans sa vie prive, o le soutien socialconcerne aussi bien des aspects matriels, comme la garde desenfants par les grands-parents, que des aspects psychologi-ques avec lcoute attentive dun ami qui lon peut raconterses soucis. De nombreuses tudes1ont montr limportance decette aide comme rgulateur du stress, tout comme le fait desavoir que lon peut y recourir le cas chant. Certains auteurs

    estiment dailleurs que lon peut la considrer comme une stra-tgie dajustement part entire. Dans la vie professionnelle,le soutien social est galement primordial face au stress.

    Il faut noter, en ce qui concerne les relations amicales, quelimportant nest pas le nombre en valeur absolue damis,mais la manire dont on peroit ces relations et le soutien

    quon peut en attendre le cas chant. Compter 250 amis surFacebook ne sera pas dun grand rconfort si pas un seul

    1. M. Bruchon-Schweitzer, Psychologie de la sant, op. cit.

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    dentre eux ne se dplace pour vous aider dans votre dmna-gement. linverse, ne disposer que dune poigne damis,mais sur qui lon sait que lon peut compter en cas de coupdur, sera beaucoup plus efficace en termes de soutien.

    En dcomposant plus finement le concept, le soutien socialperu correspond pour lindividu la perception de laidequautrui peut lui apporter dans quatre registres1; motion-nel, informatif, matriel et destime de soi :

    1. Registre motionnel: manifestation de confiance, dempa-thie, damour, ou encore de bienveillance. Dans le mondeprofessionnel, cest loreille attentive dun collgue quipermet dexprimer les diffrents chocs motionnels pro-duits par certains vnements ( Tu te rends compte, il aos me dire cela, en pleine runion , etc.).

    2. Registre de linformation et de la rflexion: il sagit daider lesalari rflchir et/ou de lui donner de linformation pourrsoudre les problmes quil rencontre. Par exemple en pre-nant le temps de poser des questions lautre pour laider avancer dans sa rflexion, ou encore en lorientant vers untiers qui lui donnera la bonne information recherche

    3. Registre matriel: dans lunivers professionnel, lenjeu est

    daider le salari trouver les moyens dont il a besoin(humains, matriels, temps, budgtaires) pour atteindreses objectifs. Par exemple, cest le stagiaire qui va donnerun coup de main prcieux dans lexcution dun travailrptitif, le changement dordinateur dont les capacitsvont permettre de travailler plus efficacement, la rallonge

    budgtaire avec laquelle on pourra emmener son quipe ensminaire pour la remobiliser et attnuer les tensions, etc.

    1. J.S. House, 1981.

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    4. Registre de lestime de soi: cette dimension concerne lafonction miroir dont chacun a besoin pour structurer sapropre image. Au travail, cela touche lapprciation de laperformance, au renforcement de lidentit profession-nelle. Cela consiste rassurer quelquun sur ses comp-tences et sa valeur, aprs, par exemple, un expos faitdevant le reste de lquipe. Ces encouragements permet-tent lindividu de renforcer sa confiance en lui-mme

    dans les moments de doute, lorsquil craint que les exi-gences de la situation nexcdent ses ressources ou sescapacits (changement de fonction ou de responsabilit)1.

    Dans lentreprise, on peut obtenir ces quatre formes de sou-tien principalement auprs de trois sources :

    1. La hirarchie (dont le manager direct) ;

    2. Les collgues ;3. Les fonctions supports : ressources humaines, service

    informatique.

    Le manager direct, on ne le rptera pas assez, a un rle pr-pondrant en tant quinstance rgulatrice du stress. En effet,tout lenjeu managrial est de rflchir leffet produit chezautrui. Malheureusement, on ne peut que le constater, les

    managers sont peu ou pas assez forms la prise en comptede ces dimensions motionnelles et relationnelles. De plus, latendance trs marque loptimisation dans lentreprise,notamment dans lutilisation du temps, a pour consquenceune forte rduction de la disponibilit des uns et des autrespour procurer du soutien social. Cela se vrifie particulire-

    ment pour le management : coinc entre les exigences crois-santes de reportingset les runions incessantes, le suprieur

    1. J. A. M. Winnubst, 1988.

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    hirarchique direct dispose de moins en moins de temps poursoccuper de ses collaborateurs. Nous verrons dans la troi-sime partie comment les managers peuvent tre dvelop-ps et sensibiliss la gestion du stress.

    Les collgues, viale soutien motionnel, ont un rle majeur jouer. Les changes avec un pair sur les difficults rencon-tres avec le manager ou avec un service voisin sont quasiquotidiens. L encore, le management peut avoir un impact et

    contribuer la qualit relationnelle du travail en quipe en neplaant pas les collaborateurs dans une logique de compti-tion interne et de rivalit. Il faut, hlas, souligner que lvalua-tion de la performance, base presque exclusivement sur descritres individuels, nencourage pas consacrer beaucoupde temps aider son voisin de bureau.

    Les fonctions supports, par la qualit de leur travail et leur

    ractivit, peuvent galement contribuer rguler le stress.Votre tat ne sera pas le mme si le technicien du serviceinformatique intervient sur votre ordinateur une demi-heureaprs que vous en ayez fait la demande, ou trois jours aprsQuant aux membres du service ressources humaines, ils onteux aussi un rle de soutien important dvelopper dans unedynamique de prvention (que nous dvelopperons dans ladernire partie du livre).

    LES CONSQUENCES

    Cest la troisime partie de notre modle. Elle value si lestress est dommageable ou non pour lindividu. En effet, le

    stress nest ni bon ni mauvais en soi. Chacun a pu constaterquune certaine dose de stress amliorait la performance.Cest notamment vident pour les sportifs qui battent desrecords et parviennent se surpasser lors des comptitions

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    importantes. Forts de cette constatation, certains ont pu tretents de considrer le stress uniquement comme un facteurpositif. Mais partir dune certaine intensit et frquence, lestress peut avoir des effets nfastes en termes de sant, tantsur le plan de la sant physique que mentale. De cela est nela psychoneuro-immunologie, une nouvelle discipline tu-diant les relations entre les facteurs psychosociaux et les sys-tmes nerveux, endocriniens et immunitaires. Dans quelques

    annes, nous serons trs probablement plus informs sur lacomprhension des mcanismes du stress et les effets sur lasant. Ltat actuel des connaissances nous permet dores etdj didentifier les consquences ngatives du stress sur laperformance intellectuelle, les relations avec autrui et ltatphysiologique.

    Limpact sur la performance intellectuelle :la charge mentalePour illustrer ce quest la charge mentale, on peut comparernotre cerveau cognitif un disque dur dordinateur. Commecelui-ci, il a une capacit limite ; quand on le remplit lexcs de donnes, il tourne vide, ou lentement. Le

    sablier qui remplace le curseur indique quil mouline ,mais il faut attendre pour obtenir ce que lon veut. Qui napas ressenti, par moments, des difficults se concentrer,limpression de se disperser et de ne pas avancer, de tour-ner en rond ?

    Les symptmes qui permettent didentifier une surcharge

    mentale lie un fort niveau de stress ou un dbordementmotionnel touchent la manire dont le cerveau va traiterles informations, les mmoriser, la manire de raisonner etenfin la vigilance (lattention, la concentration) :

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    troubles de la mmoire, aussi bien de la mmoire de tra-vail (celle qui permet de faire une addition de tte) que dela mmoire long terme (celle o nous avons stock ladate danniversaire dun proche, des numros de tl-phone, des noms). Dans ce domaine, ce qui compte,cest la diffrence par rapport dhabitude, cest la baissede nos performances mnsiques, cest--dire la facult mmoriser puis se rappeler linformation ;

    rumination des problmes professionnels, cest--direincapacit dconnecter la fin de la journe de travailpour passer un autre centre dintrt (vie familiale, loi-sirs). Au-del du temps de travail effectif, ce temps deproccupation professionnelle correspond ces phaseso lon pense ses soucis au travail alors que lon est, parexemple, chez soi ou chez des amis en train de dner. Cela

    entrane notamment des difficults de rcupration et destroubles du sommeil ;

    anticipation excessivede ce qui pourrait arriver, sans pourautant tre dans une rflexion productive et constructive ;

    zapping, dispersion, impossibilit de travailler et de seconcentrer sereinement dans la dure ;

    hyperactivit mentale, qui peut conduire avoir du mal dconnecter ou sendormir le soir, voire provoquer desinsomnies ;

    difficults de concentration et dattention, qui conduisenttrs souvent tre plus dans laction que dans la rflexion ;

    baisse de la vigilance, qui conduit commettre deserreurs, oublier, hsiter, douter

    Enfin, le manque de disponibilit ou dcoute peut tre aussiun indicateur.

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    Limpact sur les comportements

    et les relations avec autruiComment tes-vous lorsque vous tes stress ? Dsagrable !Sur le plan motionnel, les consquences du stress peuventtre dlicates identifier, car nous navons pas pour habitudede le faire. Cependant rappelons que le stress peut se traduirepar de lirritabilit, de lagacement, ou encore de linquitude,autant dmotions qui ont videmment un impact ngatifdans la relation avec autrui.

    Cela nuit la performance professionnelle. Sans relation, lecollectif dans lentreprise ne peut pas exister. Si les comporte-ments sont domins par la prcipitation, lagressivit et/oulisolement, les salaris ayant ce type dattitude sont proba-blement stresss.

    La prcipitation

    La prcipitation est devenue un mode de travail extrmementrpandu. Chacun travaille dans lurgence, avec le sentimentdtre dbord par la multitude des tches. On cherche larapidit dexcution, mais on ne trouve souvent que la prci-pitation.

    Or, la prcipitation est loin dtre une chance pour lentreprise.Elle rduit lefficacit des salaris. force de vouloir faire tropde choses et trop vite, ils se cantonnent souvent brasser delair . De plus, cette obsession du court terme les empche deprendre du recul sur leur activit. Ils ne savent plus anticiper nirflchir. La prcipitation induit une inefficacit du travail en

    quipe. Elle se traduit par des tensions entre les salaris quisaccusent mutuellement dincomptence. Ce qui engendre uncercle vicieux, la dgradation des relations entre salaris cons-tituant le premier facteur de stress dans les entreprises.

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    Lagressivit

    force de courir, on fait preuve dimpatience vis--vis desautres, on devient irritable ; lagressivit nest pas loin. Celle-cinest pas toujours extriorise, sous forme de retentissantescolres, par exemple. Elle peut tre contenue et sexprimer indi-rectement par la propagation de rumeurs sur la vie prive ou lavie professionnelle des uns et des autres. Ailleurs, ce sera luti-lisation du langage non verbal : au cours dun expos dun col-

    lgue, on hausse les paules, on lve les yeux au ciel, on prendune attitude qui exprime ouvertement que lon sennuie. Cetype de communication a un impact motionnel trs fort. Celuiqui est en position de rcepteur linterprte (parfois tort)comme trs agressive son gard. Mais comme il sagit dunconflit non verbalis, on ne peut pas sexpliquer ni donc serconcilier. Cela engendre des inimitis trs fortes et trs dura-

    bles sans que lon puisse souvent expliquer pourquoi.

    Lisolement

    Dernier stade de lexpression du stress collectif dans uneentreprise, lisolement peut prendre des formes diffrentesselon les endroits et les niveaux hirarchiques (absentisme,congs maladies, retards, dmissions, dcouragement,dmotivation, erreurs dinattention, baisse de la productivit,voire alcoolisme). Cet isolement traduit un besoin de se dta-cher de lentreprise et de son environnement. Dune manireou dune autre, le salari sent quil doit se protger de sonmilieu de travail, parfois du fait dune surcharge ou dune sur-sollicitation, mais le plus souvent en raison dune dception.

    Le travail ne rpond pas (ou plus) ses attentes (qui sont par-fois excessives) et il met en place un systme de dfense quipeut tre inconscient. La cause de cette dception peut tretrs diffrente dun endroit lautre. La mode actuelle est

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    dincriminer le manque de reconnaissance . Cette expres-sion et le flou des situations quelle recouvre, sont rvlateursdun mal-tre dans lentreprise.

    Lindividu qui se replie ou qui sisole a tendance se placerdans la position de la victime qui subit son environnement.Ds lors, le cercle vicieux du stress est enclench : plus jesubis, plus je me replie, et plus je subis

    Cette troisime tape de lexpression du stress collectif est

    beaucoup plus facile prvenir qu gurir. Lorsquon latrouve largement rpandue dans une population, elle cotetrs cher lentreprise et il nexiste pas de solution miraclepour inverser le processus. Cest notamment ce stade quelaudit de stress trouve tout son intrt, car il permet de mettreen vidence les facteurs de stress, ses consquences compor-tementales et ses consquences pour la sant des salaris.

    En termes de comportement individuel, une exposition untrop fort stress peut entraner une modification des habitudesalimentaires : apparition dune tendance au grignotage (bon-bons, chocolat), voire dune prcipitation boulimique sur lanourriture, ou linverse dune absence dapptit ; consom-mation accrue de caf (ce qui ne favorise pas le sommeil),tabac, alcool, mdicaments ou autres drogues. Un stress accrupeut galement dboucher sur une augmentation du temps detravail, le soir et/ou le week-end (pour essayer de faire face du retard accumul par exemple), et entraner une baisse desoccasions de se distraire. Ces bouleversements, quand ilssinstallent dans la dure, contribuent aux consquences phy-siologiques ngatives occasionnes par le stress.

    La liste des modifications de comportement lies au stressnest videmment pas exhaustive. Pour certains le dcourage-ment domine, quand pour dautres lexcitation est omnipr-sente. chacun son comportement !

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    Les consquences physiologiques

    Les symptmes physiologiques lis un excs de stress sontvariables dun individu lautre. Voici quelques exemples deces symptmes :

    troubles du sommeil : insomnies, difficult sendormirou rveil dans la seconde moiti de la nuit ;

    symptmes cardio-vasculaires: le cur semballe, cognefort dans la poitrine, des palpitations apparaissent ;

    troubles respiratoires: difficult respirer, sentimentdoppression ;

    symptmesgastro-intestinaux : mal au ventre inexpliqu,nud dans lestomac ;

    douleurs et tensions musculaires : le fameux mal dedos , tensions dans la nuque ou les rgions lombaires ;

    symptmes dermatologiques: prurit ; ou encore : mal de tte, baisse de la libido.

    chacun ses symptmes, personne ne les rpertoriera tous. Au-del des symptmes, les consquences en termes de pathologievarient selon le niveau de stress, la dure de lexposition et lesindividus. De nombreuses tudes ont notamment mis en vi-

    dence des corrlations sur le plan cardio-vasculaire1

    . Nanmoins,la plus grande association de prvention cardiologique (lAmeri-can Heart) considre aujourdhui le stress comme facteur de ris-que des accidents cardiaques, mais seulement (pour le moment)comme un facteur secondaire. On sait galement maintenantque rprimer ses motions, tre en dpression et certains vne-ments de vie stressants (sparation, deuil) ont un effet ngatif

    (effet par ailleurs modeste) sur lvolution ultrieure dune

    1. Colloque du 18 septembre 2008 anim par le Pr Alain Chamoux (CCU Clermont-Ferrand), Le Stress professionnel : Nouveau facteur de risque cardiovasculaire .

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    tumeur cancreuse1. L encore, il ny a pas actuellement de con-sensus entre lensemble des experts mondiaux sur la natureexacte du lien existant entre maladies et sur-stress chronique :sagit-il dun lien de causalit (et, dans ce cas, quelle est sonampleur ?) ? Sagit-il simplement dun facteur dclencheur ?

    On le sait, il reste encore de nombreuses questions rsoudre : quelle est limportance du sur-stress chroniquecomme facteur de risque, en labsence des autres facteurs ?

    Quelles sont les interrelations entre ce facteur et dautres fac-teurs comme le tabagisme, lalcoolisme, la dittique ?

    Ces quelques lignes montrent quen 2010, on doit tre encoreextrmement prudent sur les effets de causalit du stress parrapport au dveloppement de certaines maladies, et cest larecherche dans les annes venir qui nous clairera

    1. M. Bruchon-Schweitzer, Psychologie de la sant, op. cit.

    En rsumLe modle IFAS reprend, en les adaptant lunivers professionnel, les mca-

    nismes du modle labor par la chercheuse Marilou Bruchon-Schweitzer :

    les prdicteurssont les lments qui dterminent la raction de

    lindividu face au stress. Il sagit des caractristiques sociodmogra-

    phiques et culturelles, de la personnalit, de la condition physique,

    mais aussi de la qualit des relations sentimentales et amicales, ainsi

    que des facteurs de stress ;

    la transactiondcrit le processus de raction face au stress. Ce

    processus est fonction de lvaluation de la situation faite par lindi-

    vidu, de sa stratgie dadaptation et de la perception du soutien

    qui peut tre apport par lentourage pour affronter la situation ;

    les consquencesdcrivent, comme leur nom lindique, leffet du

    stress sur celui qui le subit. Lorsque la quantit de stress est exces-

    sive, les performances intellectuelles sont altres et les relations

    avec lentourage se drglent. Les symptmes physiques sont, eux

    aussi, trs variables selon les individus.

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    PARTIE II

    MESURERLESTRESS,UN PRALABLE INDISPENSABLE

    Ce nest pas un hasard si le seul dbouch concret qua connule rapport1command par le gouvernement en mars 2008 sur

    le stress professionnel a t la mise sur pied dun groupe detravail destin tablir des critres de mesure du stress. Pen-dant des annes, labsence de dfinition consensuelle et lecaractre subjectif du stress ont en effet conduit la plupartdes acteurs considrer que lon ne pouvait pas mesurer cephnomne.

    1. Rapport sur la dtermination, la mesure et le suivi des risques psychoso-ciaux au travail , rapport remis en mars 2008 par le psychiatre Patrick Lge-ron et le magistrat Philippe Nasse.

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    Or, labsence de mesure avive les dbats et les tensions inuti-les. Sans mesure, cest une impression qui prvaut. Et cetteperception, chacun le comprendra, dpend de la positiondans lentreprise et de la fonction exerce. Un mdecin du tra-vail qui veille la sant, une assistante sociale qui fait sou-vent office de bureau des plaintes ou un reprsentant dupersonnel trs alert sur ces sujets vont recueillir des infor-mations provenant de tel service ou de tel salari. Ils auront

    naturellement tendance gnraliser ces informations et considrer quelles concernent lensemble de lentreprise. linverse, les dirigeants, qui vivent eux-mmes sous trs fortepression, seront plutt enclins considrer que le stress est normal , consubstantiel au travail, et minimiseront volon-tiers les effets du stress. Faute de mesure, cest alors un dia-logue de sourd strile qui sinstalle, o chacun accuse lautre

    de partialit.Mesurer le stress permet donc daborder le problme demanire concrte, chiffres lappui. Surtout, la mesure est unpralable indispensable avant de mettre au point un plan deprvention car on ne peut amliorer que ce qui est mesur.Cest sur la qualit du diagnostic initial que repose lefficacitdes plans daction qui seront dcids par la suite. Encore faut-il donc que cette mesure du stress soit effectue correctement.Sur cette question, fondamentale, lIFAS a accumul un savoirthorique et une exprience pratique considrables. Nousavons cr, il y a plusieurs annes, un Observatoire Mdical duStress, de lAnxit et de la Dpression (OMSAD), qui est misen place dans plusieurs grandes entreprises. Cet observatoire

    a permis de mesurer le stress de plus dune centaine de mil-liers de salaris, selon une mthodologie trs rigoureuse.Cest cette mthodologie et les rflexions qui en dcoulentque nous allons prsenter dans les pages qui suivent.

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    Mesurer le stress, un pralable indispensable

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    Lentreprise dispose dj de nombreux paramtres sur-veiller. On peut mme dire quelle croule sous les indicateursde toutes sortes, qui vont de limplication des managers labsentisme. Au-del du plaisir matriser certains indica-teurs et du sentiment de contrle quil procure, il nous paratessentiel de dvelopper vis--vis de la mesure une approchepragmatique, en gardant en permanence un souci dutilit etdefficacit. Elle doit permettre daboutir des plans daction

    concrets pour lefficacit de lentreprise et la sant de sessalaris.

    Comme nous allons le voir, notre recommandation consiste coller la dfinition du stress. Cela entrane toute une sriede questions, tant sur loutil utiliser (les chelles de mesuredu stress se comptent par dizaines, tout lenjeu est de choisirla bonne) que sur le niveau partir duquel on considrera

    quun individu prsente un stress excessif. Nous donneronsaussi quelques points de repre sur la faon dont il faut traiterles donnes sur un plan statistique, pour ne pas faire direaux chiffres nimporte quoi .

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    Chapitre 3Surmonter les rticences

    mesurer

    Si les entreprises hsitent parfois se lancer dans des opra-

    tions de mesure du stress, cest pour deux raisons princi-pales : la crainte de rsultats alarmants, et le manque decomptences.

    LA PEUR DES RSULTATS

    Et si les chiffres taient mauvais ? Quel serait notre discours ?

    Que pourrait-on rpondre au discours des partenairessociaux ? Ces questions, tous les dirigeants se les posent. Dslors, deux types dattitudes mergent.

    Dun ct, ceux qui pressentent des difficults excessivespour faire face ce que pourraient rvler les chiffres : ilsrenoncent mesurer le phnomne par peur douvrir la bote

    de Pandore, comme si les chiffres du stress allaient souleverune bronca gnralise, des revendications impossibles satisfaire, ou des menaces de grve. Cette attitude est sou-vent celle de dirigeants qui croulent dj sous les problmes

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    rgler, et qui prfrent ne pas savoir que davoir de nou-veaux sujets traiter.

    De lautre, ceux qui prfrent connatre la ralit de la situa-tion dans leur entreprise, confiants dans leur capacit trou-ver des solutions en fonction des sujets qui mergeront. Deplus en plus dentreprises adoptent cette seconde attitude ;certains sous la pression des pouvoirs publics (nous le ver-rons au dbut de la troisime partie), dautres pour sortir des

    supputations sans fondement, avoir les ides claires, etrpondre aux interrogations grandissantes de leurs salarissur le sujet.

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