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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 1 Extraits du polycopié « Croissance et développement de l’enfant » par Jean-Pierre Geslin. I- Les étapes de l’acquisition du langage l’acquisition du langage l’acquisition du langage l’acquisition du langage : L’importance et la qualité des stimulations linguistiques que l’enfant perçoit sont des éléments fondamentaux dans le développement de ses compétences langagières. IA) Le stade prélinguistique IA) Le stade prélinguistique IA) Le stade prélinguistique IA) Le stade prélinguistique : En 1993 Jean-Pierre Lecanuet et Carolyn Granier-Deferre ont émis, à l’aide d’un haut parleur placé à 20 cm de l’abdomen maternel, avec une intensité de 95 décibels, le mot « babi ». Ils ont observé un ralentissement cardiaque du foetus de 36 semaines montrant qu’il entendait. Ensuite son rythme cardiaque n’est plus abaissé par la répétition du mot « babi » Le bébé s’est s’habitué. On intercale alors le mot « biba » dans la série des « babi » : le coeur du foetus ralentit ! La différence « babi » - « biba » a donc été perçue… Quelques minutes après la naissance, l’enfant peut repérer d’où vient un son. Pour « interroger » le bébé, on lui envoie une stimulation répétitive d’une même syllabe, « PA » par exemple... puis on change brusquement le « PA » en « BA ». Si le nourrisson réagit en suçant sa tétine avec plus d’énergie, c’est qu’il a perçu une différence. De nombreux spécialistes affirment que le bébé peut faire une discrimination auditive entre différentes syllabes (ba et pa, bi et pi ...) dès le 4 ème jour (cf. la communication du Dr Julien Cohen-Solal à la 10 ème journée de formation continue de l’hôpital Robert Debré en février 1997). D’autres prétendent qu’il faut attendre 1 mois pour que « P » et « B », « B » et « D » soient distingués sans problème. « Au XIIIème siècle, l’empereur d'Allemagne, Frédéric II, s'intéressait à la science. Pour essayer de découvrir quelle pouvait être la langue naturelle innée de l'espèce humaine, celte, germain ou hébreu, il eut l'idée de séparer de leurs mères des enfants nouveau-nés, de les faire élever par des gardiens sourds-muets qui avaient comme consigne de ne donner aucune tendresse à ces bébés et de ne leur fournir que les soins d'hygiène et d'alimentation, mais les meilleurs possibles. Non seulement les bébés ne parlèrent aucune langue, mais rapidement ils dépérirent et moururent ». Extrait du livre du Dr Cohen-Solal : « Les deux premières années de la vie ». Editions Robert Laffont, 1982. Cette tétine non nutritive est reliée à un dispo- sitif électronique qui permet d’ « interroger » le bébé sur ce qu’il perçoit. Plus le son que l’enfant entend est attrayant plus il tête et une variation de pression dans le tuyau détecte chaque succion... Ces études ont montré que la parole avait un statut spécial pour le bébé. De plus, celui-ci réagit plus particulièrement aux paroles qui lui sont adressées plutôt qu’à un discours adressé à un adulte. Cette préférence serait due aux caractéris- tiques sonores employées : lorsqu’on s’adresse à un petit, notre voix est spontané- ment « plus haut perchée, un peu chantante et avec des intonations plus marquées ». « Science et vie hors série n° 177 : « Le cerveau et l’intelligence ». Décembre 1991.

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Page 1: Extraits du polycopié « Croissance et développement de l ...jpgeslin.free.fr/Langage extraits JP GESLIN.pdf« dodo » = « je veux aller au lit », « tola » = « je veux du chocolat

Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 1

Extraits du polycopié « Croissance et développement de l’enfant »

par Jean-Pierre Geslin.

I- Les étapes de l’acquisition du langagel’acquisition du langagel’acquisition du langagel’acquisition du langage :::: L’importance et la qualité des stimulations linguistiques que l’enfant perçoit sont des éléments fondamentaux dans le développement de ses compétences langagières.

IA) Le stade prélinguistiqueIA) Le stade prélinguistiqueIA) Le stade prélinguistiqueIA) Le stade prélinguistique ::::

� En 1993 Jean-Pierre Lecanuet et Carolyn Granier-Deferre ont émis, à l’aide d’un haut parleur placé à 20 cm de l’abdomen maternel, avec une intensité de 95 décibels, le mot « babi ». Ils ont observé un ralentissement cardiaque du fœtus de 36 semaines montrant qu’il entendait. Ensuite son rythme cardiaque n’est plus abaissé par la répétition du mot « babi » Le bébé s’est s’habitué. On intercale alors le mot « biba » dans la série des « babi » : le cœur du fœtus ralentit ! La différence « babi » - « biba » a donc été perçue…

� Quelques minutes après la naissance, l’enfant peut repérer d’où vient un son.

� Pour « interroger » le bébé, on lui envoie une stimulation répétitive d’une même syllabe, « PA » par exemple... puis on change brusquement le « PA » en « BA ». Si le nourrisson réagit en suçant sa tétine avec plus d’énergie, c’est qu’il a perçu une différence. De nombreux spécialistes affirment que le bébé peut faire une discrimination auditive entre différentes syllabes (ba et pa, bi et pi ...) dès le 4ème jour (cf. la communication du Dr Julien Cohen-Solal à la 10ème journée de

formation continue de l’hôpital Robert Debré en février 1997). D’autres prétendent qu’il faut attendre 1 mois pour que « P » et « B », « B » et « D » soient distingués sans problème.

« Au XIIIème siècle, l’empereur d'Allemagne, Frédéric II, s'intéressait à la science. Pour essayer de découvrir quelle pouvait être la langue naturelle innée de

l'espèce humaine, celte, germain ou hébreu, il eut l'idée de séparer de leurs mères des enfants

nouveau-nés, de les faire élever par des gardiens sourds-muets qui avaient comme

consigne de ne donner aucune tendresse à ces bébés et de ne leur fournir que les soins

d'hygiène et d'alimentation, mais les meilleurs possibles.

Non seulement les bébés ne parlèrent aucune langue, mais rapidement ils dépérirent et

moururent ».

Extrait du livre du Dr Cohen-Solal : « Les deux premières années de la vie ».

Editions Robert Laffont, 1982.

Cette tétine non nutritive est reliée à un dispo-sitif électronique qui permet d’ « interroger »

le bébé sur ce qu’il perçoit. Plus le son que l’enfant entend est

attrayant plus il tête et une variation de pression dans le tuyau détecte chaque

succion... Ces études ont montré que la parole avait un

statut spécial pour le bébé. De plus, celui-ci réagit plus particulièrement aux paroles qui lui sont adressées plutôt qu’à

un discours adressé à un adulte. Cette préférence serait due aux caractéris-

tiques sonores employées : lorsqu’on s’adresse à un petit, notre voix est spontané-ment « plus haut perchée, un peu chantante et

avec des intonations plus marquées ». « Science et vie hors série n° 177 : « Le cerveau et

l’intelligence ». Décembre 1991.

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 2

� Dès 2 semaines il discrimine les voix humaines des autres sons. � A 1 mois « PAT » et « TAP » peuvent être distingués mais pas « TSP » et « PST ». � Vers 5 à 6 semaines, ses cris se différencient en fonction de leur cause (faim, satisfaction, recherche du sommeil, la gêne, la douleur, l’appel ...). � A 1,5 mois l’enfant « roucoule » (bêlements, gargouillements, cris aigus ...). Ce sont des « roucoulements de voyelles émises par la bouche : e, eu, a … qui traduisent habituellement un état de bien-être et ils sont les mêmes pour les bébés du monde entier. Apparition du sourire social. � A la fin du 2ème mois il différencie les voix familières des voix étrangères et les voix féminines des voix masculines. Il devient attentif à l’intonation des voix (sourire si la voix est douce, agitation si agressive). � A 3 mois, il pousse des cris de plaisir. A 3-4 mois, les émissions vocales de syllabes déformées sont variées (jusqu'à 75 d’après Gesell) et on parle de gazouillis ou « stade des areus » ou plus exactement " aheu " ou encore de stade « oiseau » ou « jasis » ou « stade des vocalisations prolongées » : A… ree, K… ree. Tous les bébés gazouillent de la même façon quelle que soit leur patrie d’origine . Le gazouillis s’observe surtout dans les moments de détente et de satisfaction, après le repas. Il est alors possible d’établir un échange avec le bébé qui attend la réponse imitative de la mère et y fait écho… Il "parle" quand on lui parle… Il rit aux éclats. � A 5 ou 6 mois : c’est le babillage, le nourrisson tente de répondre en adoptant les intonations et rythmes et il existe un véritable échange entre la mère et l’enfant avec, ici, des différences selon les langues maternelles. Il fait aussi « agueu ». A cet âge on commence à observer une différence entre l’enfant entendant et l’enfant sourd. � A 6 mois, c’est la lallation... répétition du même son comme « MA-MA-MA-MA-MA-MA ». Il varie le volume et le débit. � A 7 mois - 7,5 mois, il reconnaît son prénom. Syllabes : ba, da, ka. � A 8 mois, il combine des syllabes : da-da, ba-ba. Il comprend la signification de « NON ». � A 9-10 MOIS, TENTATIVE D’IMITATION CONSCIENTE DES SONS même si l’enfant ne les comprend pas : c’est l’écholalie. A cet âge il comprend néanmoins 5 ou 6 mots. L'enfant réalisera peu à peu que chaque mot à un sens, et que chaque chose est désig née par un mot. � 11 ou 12 mois (aux dires des mères, parfois un peu plus tardivement : 13 ou 14 mois), est l’âge d’apparition du 1er mot servant à désigner une personne (ou un objet ou une situation). Il s’agit le plus souvent d’une syllabe redoublée : il dit maman puis viendront ensuite d’autres mots : papa ou mimi ou kiki… � 12 mois : un mot unique a plusieurs sens. C’est le « mot symbole ». Exemple : il peut dire « lo» pour désigner non seulement le lait mais tout autre liquide.

Les enfants comprennent le langage oral avant de pouvoir s’en servir. La communication verbale implique des contacts et des échanges affectifs

avec les adultes.

Tous les enfants, quelle que soit leur culture d’origine, apprennent à parler au même âge... « naturellement »

(= sans que les parents aient à développer une quelconque pédagogie).

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 3

IB) le stade linguistiqueIB) le stade linguistiqueIB) le stade linguistiqueIB) le stade linguistique ::::

� Le stade du « mot - phrase » de 1 an à 18 mois : * Des « mots » isolés ont valeur de phrases et expriment des pensées complètes... « dodo » = « je veux aller au lit », « tola » = « je veux du chocolat ». * Il y a polysémie : « pa-ti » peut signifier que maman est partie ou que l’enfant veux sortir.

� Vers 18 mois l’enfant jargonne avec de 7 à 10 mots, commence à utiliser le « NON » et devient capable de s’opposer à autrui consciemment.

� De 18 mois – 2 ans : * L’enfant dispose alors d’environ 50 mots. Il répond à des ordres simples : « assis », « debout », « montre ta bouche », « ramasse », « va chercher », « montre le train (sur le livre) ». * La pré-phrase à partir de 18 mois - 2ans : � L’article n’est pas utilisé, les phrases sont agrammatiques ("style télégraphique") et les mots sont juxtaposés : c’est le "parler bébé". � Les fins de mots ne sont pas données : « vatu » = « voiture », « api » = « parapluie », certains mots sont sim-plifiés : « tatab » pour « cartable » et les voyelles complexes sont remplacées par des voyelles simples : « ba » pour « boi ». � 2 mots (18 mois) puis 3 mots (2 ans) s’agencent (sans mot de liaison) selon l’importance affective que l’enfant leur accorde : « Moi veut to » = donne-moi du gâteau. Dans 85 % des cas on a VERBE + SUJET + MODIFIANT. � Ces structures sont renforcées par des intonations (constatation, ordre...) et précisées par des gestes.

* Entrée (quasi-simultanée quoique un peu plus tardive) dans l’âge questionneur : « ça, c’est quoi ? » � élargissement progressif du vocabulaire. � 2 ans : utilise le « MOI », le « TU », le pluriel, montre une image, montre 5 parties du corps sur lui-même. Les auteurs recensent selon les enfants un nombre de mots compris entre 50 et 300 mots à 2 ans… retenons 100 à 200 en moyenne (le nombre de mots compris est nettement plus élevé) mais 1000 - 1200 à 3 ans, 1800 mots à 4 ans, 2000 à 5 ans et 2500 à 6 ans.

� A 2,5 ans (ou 3 ans selon les enfants) : sait son nom complet (nom et prénom), distingue « dans », « dessus » / « (des)sous » puis souvent un peu plus tard « devant » : « derrière », connaît 3 à 5 couleurs… et répète sans arrêt. A partir de 2,5 - 3 ans : perte progressive du langage puéril au profit des structures syntaxiques du langage de l’adulte.

� 3 ans. L’enfant s’est désigné d’abord par son prénom seul puis par "MOI" (24 mois), il utilise maintenant "JE" (vers 3 ans mais souvent avant). Distingue « hier » et « demain ». Il commence à définir les mots. Le temps des verbes apparaît. Les conventions grammaticales s’acquièrent au prix d’un effort continu dans les milieux familiaux et scolaires. Entre 3 et 5 ans, on trouve souvent une accumulation pronom + nom : « maman, elle vient » pour « maman vient ».

� 3,5 ans : On dit qu’il y a retard de langage quand l’enfant est incapable de faire des phrases, quand il ignore la structure sujet, verbe complément. On ne peut parler de retard de langage avant 3,5 ans. Pratiquement, le médecin ou l’orthophoniste montre à l’enfant un livre de conte aux illustrations simples et claires : "Les 3 petits cochons" ou "La petite poule rousse" et demande de raconter ce qu’il voit.

De 2 à 3 ans

Attendus en production Attendus en compréhension

- Pose des questions "quoi ça ?" - Nomme les images d'un livre - Utilise les pronoms : tu, il, moi, toi puis « je » souvent un peu avant 3 ans. -Fait des phrases de 2 ou 3 mots dont 1 verbe - Utilise les pluriels - Dit " le " ou " la " devant un nom - Utilise les prépositions : à, de, pour

- Comprend des phrases avec relatives introduites par "qui " - Comprend les adjectifs et verbes courants - Différencie: gros / petit / grand, dans / sous / derrière et haut / bas.

De 3 à 4 ans (pour compléter)… voir chapitre II.

Attendus en production Attendus en compréhension

- Fait des énoncés de 4 mots en moyenne (dont un verbe) - L'enfant peut donner son nom et prénom - Pose beaucoup de questions - Utilise des prépositions spatiales sur, dans, sous. - Utilise les pronoms : je, tu, elle, on, nous...... - Raconte ce qu'il a fait - Conjugue les verbes - Utilise " être " et " avoir "

- Comprend les questions : où, pourquoi, comment ? - Utilise et comprend les notions spatio-temporelles : devant / derrière, demain / hier, bientôt.

Rédacteurs de ces tableaux : Mme V. AZZANO médecin scolaire, Mme L. BOISIER Association Avenir Dysphasie, Mme A. BERMOND Principal Adjoint, S.

DALIBARD Association des Parents d'Enfants Dyslexiques, Mme S. DARGENT médecin CDES, M. F. DEWALLY Psychologue scolaire, M. DUBY Inspecteur

d'Education Nationale, M. Ch. GUIGNE médecin conseiller technique, M. A. KAZMIERCZAK maître G, Mme M. KROSNICKI maître E, Mme D. LAURENT

Conseillère d'Orientation Psychologue, Mme M.O. TALLON médecin scolaire, Mme C. WESTER

Conseiller pédagogique. Quelques petites modifications ont été apportées.

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 4

IC) Cas particuliersIC) Cas particuliersIC) Cas particuliersIC) Cas particuliers ::::

Les enfants sourds : la surdité atteint 1 enfant sur 2500 à la naissance. Les enfants sourds émettent un babil durant les 9 premiers mois de leur vie. Ensuite faute de stimulations auditives en provenance de l’entourage et de leur propre phonation, on observe une régression de l’émission phonique. Le petit sourd devient finalement un sourd muet. Le diagnostic se fait par la méthode des "potentiels évoqués auditifs" ou "PEA" étayée par une audiométrie qui ne peut être que subjective à cet âge. Il faut appareiller le plus tôt possible, idéalement entre 4 et 6 mois avec des prothèses auditives surpuissantes (gain de 60 décibels) pourvues de contours d’oreilles. L’enfant, s’il avait cessé son babil, se remet à émettre des sons dès que l’appareillage est en place. L’espoir que nous formulons tous est celui de l’intégration scolaire en milieu normal et ceci dès le plus jeune âge. La fillette de la tribu Guayaquil :

La tribu Guayaquil vit (ou vivait ?) en Amérique du Sud dans la forêt. Elle ne construisait ni villages ni même d’habitations et la base de son alimentation était constituée par du miel sauvage. Son langage était considéré par les spécialistes comme rudimentaire. Une fillette âgée de 2 ans fut trouvée « abandonnée » par sa tribu à l’approche d’un groupe d’explorateurs. Elle fut recueillie par un ethnologue au Pérou. La mère de cet ethnologue éleva l’enfant. A l’âge de 22 ans, la jeune femme Guayaquil parlait 3 langues et terminait des études universitaires. La petite Kamala :

Aux Indes, pour des raisons religieuses, les loups étaient rarement chassés. La célèbre histoire de Mowgli (de l’auteur britannique Rudyard Kipling) ne semble pas être de la pure fiction et il arrivait parfois que des loups capturent des enfants mais ne les dévorent pas. Ils étaient même quelque- fois nourris et élevés. Zingg a étudié des récits et des rapports concernant des « enfants-loups » et l’un de ces textes semble digne de foi ; le révérend Singh de Midnapore captura 2 enfants-loups et tenta d’éduquer l’un d’entre eux : une petite fille. Au moment de sa capture, la petite Kamala avait environ 7 ans. Sa démarche était quadrupède ce qui n’empêchait pas une locomotion très rapide. Elle ignorait tout du langage humain et n’émettait que des sons produits par les loups. Elle se nourrissait comme eux, avait une activité nocturne, fuyait la lumière du jour et sa vision semblait s’être adaptée. Les progrès de l’enfant furent très lents. A l’âge de 16 ans (âge de son décès), elle avait acquis la station debout et la marche bipède à grand renfort de massages mais reprenait la quadrupédie pour ses déplacements rapides. Elle ne possédait qu’une 40 aine de mots et avait un comportement correspondant à un niveau humain de 4 ou 5 ans. Il semble qu’il ait fallu bien des années pour qu’elle accepte de ne plus se nourrir de viande crue. Les travaux de Davis en 1940 :

L’auteur a rapporté l’observation d’une fillette dont les 6 premiers mois s’étaient déroulés en pouponnière et son développement s’était alors avéré normal. Ensuite, sous prétexte qu’elle était illégitime, elle fut enfermée par ses grands-parents dans un grenier de ferme, ne recevant que les soins les plus élémentaires (lait 2 fois par jour). Ce cas de maltraitance devait se poursuivre jusqu'à l’âge de 6 ans de l’enfant. Lors de sa découverte, elle ne parlait pas et son âge mental était celui d’un enfant de 1 an. Par la suite, elle fréquenta une école pour arriérés et fit quelques progrès. Néanmoins, à l’âge de 8 ans, elle ne possédait toujours aucun mot.

Si diverses études montrent que des enfants abandonnés ou « sauvages » recueillis avant l’âge de 6 ans ont pu apprendre à parler, passé cet âge, le langage reste toujours extrêmement

rudimentaire malgré les efforts des éducateurs. L’ensemble des travaux permet de conclure que l’homme naît polyvalent et largement indéterminé. Seul un contact avec l’humanité, un

contact aimant, permet un développement spécifiquement humain.

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L’Autisme :

L’autisme ou plus exactement le “ spectre autistique ” ou le “continuum autistique” regroupe une trentaine d’anomalies du développement neurologique à l’origine d’un dysfonctionnement du système de communication.

Le syndrome autistique se définit par une triade apparaissant avant 36 mois : - déficit qualitatif de l’interaction sociale - déficit qualitatif de la communication non verbale et verbale

- anomalies dans le domaine moteur : mouvements stéréotypées, répétitifs, TOC1.

Un retard mental est associé dans 80% des cas et une épilepsie dans 30% des cas.1 personne sur 1000 est affectée dans une proportion de 4 garçons pour 1 fille. Les maladies autistiques ne sont pas dues à un dysfonctionnement de la relation entre la mère et l’enfant. Elles présentent une composante génétique importante.

Selon la métaphore de Donna William, « soumis à un stress émotionnel, le fusible des normaux saute parfois et ceux-ci se

retirent; celui des schizophrènes ne saute jamais et ceux-ci sont envahis ; celui des autistes saute constamment. Tout contact avec

autrui est une source immense d’angoisse ». « Les autistes ne comprennent pas que leurs désirs soient soumis à des contraintes ; leurs besoins sont immédiats, et ils ont tendance à prendre ce qu’ils veulent quand ils le veulent. On avait appris à cet enfant, au terme d’éprou-vantes répétitions, qu’il ne devait pas se servir tout seul lorsqu’il voulait un biscuit. Son père l’avait entraîné à

montrer du doigt ce qu’il voulait, et à attendre qu’un adulte le lui donne. Cela fonctionnait en général assez bien, et l’en-fant semblait s’adapter sans problème aux nouvelles rè-gles qu’on lui imposait. Cependant, il entrait parfois dans des accès de fureur épouvantables, sans motif apparent ». « Un jour, le père aperçut son fils à travers la fenêtre. Le garçon, seul dans la cuisine, montrait du doigt le placard à provisions. Il ne se savait pas observé, et le père décida de rester un peu à la fenêtre. Après cinq minutes d’inutile insistance, le garçon montrait des signes d’énervement; au bout de dix minutes, il était affolé; en quinze minutes, il suffoquait de rage. L’enfant attendait qu’on lui donne

un biscuit. Mais il n’avait pas compris que cela n’arriverait pas en l’absence d’un adulte obligeant, que son geste devait servir à transmettre cette idée à l’esprit d’un autre. Il n’avait pas compris cela parce qu’il ne pouvait concevoir l’existence d’un esprit chez autrui ». www.uqac.ca/~flabelle/ psycholing/utAsp.htm. 1 « Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) font partie des pathologies de l’anxiété. Les personnes qui en sont victimes sont confrontées à des pensées préoccupantes qui reviennent sans cesse (obsessions). Elles sont contraintes, pour les chasser ou les empêcher de survenir, de se livrer à des rituels particuliers (compulsions) ». Parmi les plus fréquentes des obsessions figurent : * La crainte permanente des germes ou de la saleté, qui entraîne comme rituel de se laver les mains des dizaines de fois par jour, de ne pas pouvoir serrer la main des gens, de nettoyer son bureau ou son logement en permanence ; * Les doutes sur ce qu’on vient de faire (a-t-on bien fermé la porte à clef avant de partir, par exemple), qui obligent à vérifier des dizaines de fois des actes simples de la vie quotidienne ; * Des pensées de violence, ou d’actes sexuels envers des proches, pensées auxquelles on craint de céder et qui font mettre en place des rituels pour ne pas y succomber ; * L’obsession de l’ordre, de la symétrie, qui conduit à effectuer des opérations de rangement incessantes.

Dr Christian Duchène.

AUTISME : LES SIGNES D’ALERTE Sans être exclusivement spécifiques à l’autisme, certains déficits doivent alerter : � pas de babillage à 12 mois ; � pas de geste type pointage ou au revoir de la main à 12 mois ; � pas de mots à 16 mois ; � pas de combinaison spontanée de deux mots à 24 mois ; � n’importe quelle perte de compétence (de langage ou sociale) à tout âge.

04/03/2003 Dr Isabelle Eustache

Rainman est un film du réalisateur Barry Levinson avec Tom Cruise et Dustin

Hoffman. L’autiste de type « Rainman » joué par Dustin Hoffman est très rare.

Il est néanmoins exact que certains autistes présentent des talents exceptionnels, en

mathématiques et calcul mental, en musique ou en dessin.

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ID) Les théories du langageID) Les théories du langageID) Les théories du langageID) Les théories du langage ::::

a) Le behaviorisme (de l’anglais behaviour = comportement) : L’école behavioriste a été fondée par le psychologue américain John Broadus Watson

(1878-1958). Ce sont des facteurs externes à l’individu qui constituent les éléments essentiels à l’apprentissage.

Le langage est un produit culturel qui s’apprend de génération en génération. « L’acquisition du langage s’explique…, dans la lignée du courant béhavioriste, comme

celle de n’importe quelle autre technique : par essais, erreurs, "récompenses" (= renforcements positifs) et "punitions" (= renforcements négatifs).

« L’enfant apprend sa langue par simple imitation en écoutant et en reproduisant ce que l’adulte dit » en se guidant sur les réactions de ce dernier, c’est une forme de

conditionnement opérant2 = conditionnement instrumental tel qu’il a été définit par Burrhus Frederic Skinner (1904-1990).

b) La théorie innéiste du linguiste américain Noam Chomski : « Chaque phrase qu’un locuteur produit ou comprend

peut-être une combinaison totalement nouvelle de mots »… « L’acquisition du langage ne peut donc être, comme le supposent les behavioristes, un répertoire de

réponses à des stimuli »… Si les enfants développent aussi rapidement ce savoir faire complexe qu’est le langage, c’est parce qu’ils disposent de

principes innés, d’une prédisposition spécifique, d’une connaissance à priori qui les guident dans l’élaboration de

la grammaire de la langue qu’ils apprennent…

« Nous utilisons un code pour traduire les agencements de mots en combinaison d’idées et inversement »… « Ce code

ou ensemble de règles s’appelle une grammaire générative »… Elle correspond « à l’ensemble des règles qui font, par exemple, que l’on peut dire "J’ai vu tous les bateaux"

et pas "J’ai tous vu les bateaux". Pour qu’une telle théorie soit exacte, il faudrait que l’ensemble des 5000 à 6000 langues3 humaines possèdent des propriétés structurales

communes, « partagent un ensemble de règles et de principes syntaxiques », « un plan commun aux grammaires de toutes les langues ».

En d’autres termes : il existerait une « grammaire universelle ». La "technique de la succion non nutritive" (voir page 93) a permis de découvrir que les bébés de quelques jours

étaient capables de distinguer les phonèmes de toutes les langues mais qu’ils perdaient ensuite la capacité de distinction de certains phonèmes étrangers vers 1 an. Ainsi, un enfant japonais de 1 an ne distingue plus « loi » et

« roi »… contrairement à un petit français. Cette observation renforce la thèse de Chomski d’un dispositif préexistant (circuits neuronaux) de traitement linguistique. Les phrases entre guillemets de cette page sont de Jean-Philippe Bricka (2004).

2 Le conditionnement opérant est à distinguer du « conditionnement répondant = conditionnement classique » du médecin et physiologiste russe Yvan Petrovich Pavlov (1849-1936) prix Nobel 1904. Dans le « conditionnement répondant », le comportement réflexe est déterminé par le stimulus qui le précède. Dans le « conditionnement opérant », il l’est par le stimulus qui le suit (récompense ou punition). 3 Langue : système de signes et de règles qui permet aux individus d’une même communauté de se comprendre.

Noam Chomski

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 7

IE) Un entraînement prénatal intensif peutIE) Un entraînement prénatal intensif peutIE) Un entraînement prénatal intensif peutIE) Un entraînement prénatal intensif peut----il favoriser il favoriser il favoriser il favoriser

le développement linguistiquele développement linguistiquele développement linguistiquele développement linguistique ????

Les nouveaux-nés de moins d’un an discriminent4 mieux les syllabes (on pourrait dire les accents) que leurs parents.

Ainsi un nouveau-né espagnol distingue le « pa » et le « ba » anglais » alors que cette distinction n’existe pas en espagnol. Idem pour un nouveau-né kikuyu (tribu du Kenya). Pourtant, les parents de ces 2 nationalités, eux, ne font pas la différence… même si on leur fait subir un

entraînement intensif ! Les nouveaux-nés anglophones de moins de 6 mois distinguent des phonèmes existant en

Tchèque, en Hindi ou en Inslekamps (une langue amérindienne) alors que leurs parents en sont totalement incapables…

D’où l’idée d’exploiter ces facultés étonnantes des bébés « pour faciliter et enrichir leur accès au langage »… En d’autres termes ; peut-on réaliser un

apprentissage linguistique prénatal par exemple afin d’obtenir un

plurilinguisme ?... Par exemple en utilisant des cassettes posées sur le ventre des

futures mères. Pour l’instant (2004), aucune étude n’a pu

confirmer cette hypothèse.

Il existe même, d’après la psycho-linguiste Bénédicte de Boysson-Bardies, un risque de diminuer prématurément la flexibilité du cerveau des

nourrissons. On peut en effet craindre que des excès de stimulations puissent altérer l'évolution fonctionnelle normale.

4 Cf. méthode de la succion non nutritive.

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 8

Quelques exemples de situations de langage en maternelle pour

« prendre la parole pour de vrai » :

Apport par l’enseignant(e) ou un enfant d’un objet insolite

« Lecture » par un enfant d’un livre connu à la maîtresse, à un autre enfant ou à d’autres enfants.

« Mises en scène » avec des marionnettes, théâtre d’ombres avec figurines

Situations liées à l’action : – toutes les activités de fabrication et d’expérimentation ; – visites : au marché, au zoo, en forêt, au musée… – activités motrices et rythmiques ; – activités de lecture/écriture, de mathématiques, jeux de société.

Images descriptives (scènes, thèmes de la flore et de la faune, du cirque, de la vie quotidienne…) Supports : imagiers, affiches, photographies, diapositives, dessins figuratifs…

Dessin, tableau, sculpture d’un artiste, figuratif ou non.

Commentaires, réflexions, interventions

– à partir d’un mot, d’une expression,

– à partir d’une situation hypothétique (ex. : la plus grosse

bêtise, le loup).

Continuer une histoire dont les 1ères étapes sont connues.

Création d’un poème.

Coins de jeux d’imagination (jeu symbolique) : cuisine, marchand, déguisement…

Bibliothèque de classe, BCD et « coin documentation »

Conte, poésie

Entretien, conversation à propos de la définition, de la mise en œuvre, de la régulation d’un projet (de classe ou d’école),

Entretiens, conversations lors de tous les moments d’interclasse, lors du coucher et du lever (la sieste)

Surtout en moyenne et la grande section Toutes les sections (pour les petits, plutôt en fin d’année) Toutes les sections, et particulièrement en section de petits

Hélène Ali-Ouanas In Jeux de langage et dialogues à l’école maternelle, sous la direction de Frédéric François, CRDP Midi-

Pyrénées. http://www.cndp.fr/zeprep/oral/art_hao.htm

IIIIIIII---- Le Développement du langage de 3 à 6 ansLe Développement du langage de 3 à 6 ansLe Développement du langage de 3 à 6 ansLe Développement du langage de 3 à 6 ans ::::

IIA) Les étaLes étaLes étaLes étapes en fonction de l’âgepes en fonction de l’âgepes en fonction de l’âgepes en fonction de l’âge ::::

« L’apprentissage du langage est le cœur des activités à l’Ecole Maternelle »… « Le plus vite possible l’enfant est mis en situation de découvrir le conte. Les grands thèmes de la littérature orale, les grands mythes sont abordés régulièrement dès l’âge de 3 ans ». « La meilleure manière » de prendre « conscience des réalités sonores de la langue » est « de lui permettre de dire ou de chanter souvent des comptines, des chansons, des poésies, des jeux de doigts ». « Dès 3 ou 4 ans, l’enfant s’intéresse aux différentes écritures qui l’entourent et à la manière dont les mots écrits expriment le langage ». « La dictée à l’adulte offre à l’enfant qui ne sait pas encore écrire la possibilité de bénéficier de l’aide d’un secrétaire (le maître) pour construire des messages et des textes ». « L’apprentissage d’une langue vivante commence en Grande section »5.

3 ans :

Le contenu informatif est pauvre, l'argumentation est quasi inexistante. Il joue à faire semblant. Il y a interpénétration de l’imaginaire et du réel si bien que l’enfant fabule (= présente comme réels des faits purement ima-ginaires) et produit un mélange de réalité et de fantaisie. Il existe, en parallèle, de nombreux gestes et mimiques. 1000 à 1200 mots. Comprend "avant", "pendant", "après", "maintenant" ; "lente-ment", "rapidement" ; "hier" (passé), "bientôt" (avenir proche), "demain" (avenir lointain).

5 Instructions officielles 2002 : « Le langage au cœur des apprentissages ».

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 9

4 ans : 1800 mots. Le pronom personnel « tu » est acquis. Les pronoms possessifs sont utilisés. Construit une phrase de quelques mots exemple : « le chien mange un os ». Les notions de haut/bas, grand/petit sont maîtrisées. Comprend c’est "le matin", "la nuit", "le jour". Début de l’orientation dans la semaine. L’enfant sait comparer, il dira par exemple que tel trait est plus large que l’autre. Souvent bavard et bruyant, il sait raconter des histoires avec une abondance de personnages imaginaires et des situations invraisemblables qu'il jure avoir vues.

5 ans : 2000 mots. Il sait nommer les couleurs. Les pronoms relatifs et les conjonctions apparaissent. Il conjugue les verbes. Il distingue le matin et l’après-midi. Il organise un petit récit à partir de sa journée vécue ou de photographies. Distingue les saisons et leurs caractéristiques (froid, chaud, vacances).

6 ans : 2500 mots. Il nomme et décrit les jours de la semaine. Apprentissage de la lecture et de l’écriture. Il reconnaît sa droite et sa gauche. Il connaît son adresse et son téléphone.

De 3 à 4 ans De 4 à 5 ans De 5 à 6 ans

Attendus en production

Attendus en compré-hension

Attendus en production

Attendus en compré-hension

Attendus en production

Attendus en compré-

hension - Fait des énoncés télégraphiques de 4 mots en moyenne (dont un verbe). - L'enfant peut donner son nom et prénom. - Pose beaucoup de questions. - Utilise des prépositions spatiales sur, dans, sous (comprises souvent dès 30 mois). - Utilise les pronoms : je, tu, elle, on, nous... - Raconte ce qu'il a fait. - Conjugue les verbes. - Utilise " être " et " avoir ".

- Comprend les questions : où ? pourquoi ? comment ? - Utilise et comprend les notions spatio-temporelles (devant / derrière, demain / hier, bientôt).

- Parle sponta-nément. - phrases de 4 à 5 mots. - Questionne sans cesse. - Joue avec les mots, en invente. - Utilise le passé et le futur. - TOUS LES SONS sont acquis (mais il arrive que ch, j, s et z soient acquis plus tard). - Accorde les noms avec les adjectifs. - Peut utiliser le langage de l'évocation. - Adapte son discours à son interlocuteur.

- Comprend les questions : comment, quand ? - Utilise les notions de nombre, de différence : pareil / pas pareil.

- Fait des phrases complexes (de 6 à 8 mots) avec des expansions : alors, et puis, ensuite…

- Conjugue les verbes correctement.

- Utilise toutes les notions de temps et d'espace : demain, après, au milieu, le dernier...

- Raconte de façon claire et ordonnée

- Maîtrise le tableau articu-latoire ch, j, s et z

- Fait preuve d'une bonne conscience phonologique (rimes, comptage des syllabes, suppression des syllabes).

- Comprend toutes les consignes notamment les relatives introduites par " que ".

- S'intéresse au sens des mots- Comprend les notions de "manque", de "diffé-rence".

Rédigé par Mme V. AZZANO médecin scolaire, Mme L. BOISIER Association Avenir Dysphasie, Mme A. BERMOND Principal Adjoint, S. DALIBARD Association des Parents d'Enfants Dyslexiques, Mme S. DARGENT médecin CDES, M. F. DEWALLY Psychologue scolaire, M. DUBY Inspecteur d'Education Nationale, M. Ch. GUIGNE médecin conseiller technique,M. A. KAZMIERCZAK maître G, Mme M. KROSNICKI maître E, Mme D. LAURENT Conseillère d'Orientation Psychologue, Mme M.O. TALLON médecin scolaire, Mme C. WESTER Conseiller pédagogique. Quelques petits ajouts.

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 10

IIB) Troubles articulatoires, retard de parole,

du retard de langage aux dysphasies :

Introduction : Les troubles du langage oral regroupent les troubles articulatoires6 (l’articulation concerne l’organisation des sons pris isolément. On dit qu’une personne est atteinte de troubles articulatoires quand elle est incapable de prononcer un ou plusieurs sons), le bégaiement4 (trouble du débit avec blocages et répétitions saccadées et signes moteurs : tics, crispations… en l’absence d’anomalies organiques), le retard 7 de parole (la parole concerne l’organisation, l’enchaînement des sons au sein des mots), le retard 5 de langage oral = retard5 simple de langage oral (le langage concerne l’organisation des mots au sein de la phrase, le retard de langage correspond à une altération de la structure de la phrase), les dysphasies (retards de langage oral plus persistants).

B1 : Le retard de parole L'enfant prononce bien les phonèmes8 isolément mais déforme les mots au point que son langage peut être parfois peu intelligible. Pour être plus précis : le retard de parole se caractérise par un

stock lexical correct, l’absence d’anomalies syntaxiques, la capacité à produire chaque son isolément mais souvent le maintien d’un parler bébé au delà de 4-5 ans et des altérations de phonèmes dans des mots reconnus : raccourcis ("feur" pour "fleur") y compris des finales

("voitu" pour "voiture"), inversions ( "bourette" pour "brouette"), assimilation ("nunette" pour "lunette"), interversion ("pestacle" pour "spectacle", "tacalogue" pour "catalogue" ou "cocholat"

pour "chocolat"), simplification ("papluie" pour "parapluie", "tatine" pour "tartine").

La cause la plus fréquente est une immaturité au niveau des mouvements des joues, de la langue, du voile du palais et une mauvaise coordination avec la respiration. Il existe aussi des retards de

parole liés à une mauvaise perception des sons et ceci sans que l’enfant soit sourd (l’enfant entend "lababo" au lieu de "lavabo" ou ne différencie pas "pluie" et "puis"). Un retard de parole à

3 ans et demi, a fortiori plus tard, doit donner lieu à un bilan orthophonique.

Le traitement doit permettre une prise de conscience de la place des sons dans les mots, de leur succession dans le temps. Les orthophonistes emploient souvent des jetons de couleurs

différentes qui symbolisent les syllabes d’un mot : on joue sur l’ordre, on remplace un jeton par un autre, on cherche la conséquence du retrait d’un jeton…

B2 : Le retard de langage On parle de retard de langage lorsque la première phrase apparaît après 3 ans, lorsque la syntaxe est altérée avec agrammatisme et omissions de mots (Exemple : "je vais prendre la

brosse " devient "la brosse moi va prendre"), lorsqu’il n’existe pas de formes déviantes (par ex. "flûte" qui deviendrait "slufe") et lorsque le trouble ne persiste pas après 6 ans.

Un retard de langage peut s’accompagner d’un retard de parole lorsque qu’à une syntaxe non respectée s’associe une déformation des sons dans les mots. Exemple : "j'ai pris la brosse sur la

table" devient non pas " pris la brosse la table moi" mais "pri a bro a tab moi".

6 Lire les polycopiés : « Bégaiements » et « Les troubles articulatoires » par J-P Geslin. 7 Le "retard" sous-entend rattrapage et évolution vers la normalisation. 8 Le phonème est la plus petite unité, dénuée de sens en elle-même, que l’on puisse délimiter dans la chaîne parlée. On peut aussi dire que c’est un « son » de la chaîne parlée. La phonologie est étude des phonèmes.

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 11

B3 : Les dysphasies « On estime à 7% environ des enfants de 3 ans et demi, la fréquence des troubles

spécifiques du développement du langage oral. La grande majorité guérit avant ou autour de 6 ans et constitue ce qui est appelé en France "un retard de langage". Une plus petite partie (environ 1% des enfants) ne guérit pas dans ces délais et constitue "les dysphasies de développement" ».

Catherine Billard , Neuropédiatre, Unité de rééducation neuropsychologique et motrice de l'enfant Hôpital du Kremlin-Bicêtre

« Les dysphasies de développement se définissent comme un trouble sévère et spécifique du développement du langage oral (TSDLO). Le trouble du langage oral y est spécifique car il n’est expliqué ni par une déficience mentale, ni par un trouble sensoriel (surdité) ou neurologique moteur (Infirmité motrice cérébrale), ni par un trouble de la communication (autisme) ou une déprivation sociale ou psychoaffective. Le trouble y est sévère car il perdure bien au-delà de 6 ans ». « La communication de l’enfant (hormis celle passant par le langage oral) est normale avec, en particulier, souvent une richesse de communication gestuelle. Il n’existe pas de troubles relationnels massifs. Cependant une hyperkinésie9 est fréquente, laquelle peut être liée aux difficultés de l’enfant et de ses parents devant ce trouble de l’expression et la souffrance liée à l’échec qui en résulte ».

Catherine Billard , Neuropédiatre.

« La dysphasie se définit par l’existence d'un déficit durable des performances verbales, significatif en regard des normes établies pour l'âge. Cette condition n'est pas liée à un déficit auditif, à une malformation des organes phonatoires, à une insuffisance intellectuelle, à une lésion cérébrale acquise au cours de l'enfance, à un trouble envahissant du développement, à une carence grave affective ou éducative » (Gérard). « Ce n'est pas de l'autisme sous une forme atténuée. Un enfant

dysphasique ne refuse pas le contact, il a des difficultés à s'exprimer par le langage mais recherche quand même le contact et souffre de ne pouvoir s'exprimer correctement. D'où souvent

des problèmes psychologiques ». « Ce n'est pas un retard intellectuel, les enfants dysphasiques ont des fonctions intellectuelles tout à fait normales, un QI comparable à celui des autres enfants de

leur âge, pour peu que l'examinateur utilise des tests ne faisant pas appel au langage ». Philippe MICHEL Médecin et père d'un enfant dysphasique.

« La dysphasie est une anomalie du développement du langage en lien avec un dysfonctionnement des structures cérébrales spécifiquement mises en jeu lors du traitement de l'information langagière». Mazeau

La dysphasie se manifeste comme un trouble sévère p ar un retard de langage et

des altérations déviantes des composantes phonologi ques (sons des mots), syntaxiques (structure des phrases), sémantiques (s ens donné aux mots et aux

phrases) ou pragmatiques (utilisation du langage se lon le contexte). http://www.ais.edres74.ac

Groupe départemental de pilotage sur les troubles du langage, septembre 2003.

9 Hyperkinésie = instabilité psychomotrice.

« La survenue de difficultés d’apprentissage du langage écrit (dyslexie de développement) est rare dans l’évolution d’un retard de langage (environ 10 %) mais

est beaucoup plus fréquente dans les dysphasies (quasi 90%

des cas) ».

Logo québécois de la dysphasie.

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 12

En fait, il n’existe pas une dysphasie mais des dysphasies : « Les auteurs s’entendent pour différencier les dysphasies d’expression, de loin les plus fréquentes, où le trouble du langage touche avant tout le versant expressif du langage, et les dysphasies réceptives, rares voire très rares, mais plus graves… Le sens de « dysphasies réceptives » varie selon les auteurs : pour certains, elles n’affectent que le versant réceptif (Fortin) alors que pour d’autres elles touchent « à la fois le versant expressif et réceptif » (Catherine Billard) ce qui les fait nommer parfois "dysphasies mixtes" (Fortin).

2 grands types de dysphasies d’expression : * Le syndrome de trouble de la programmation phonologique : Le débit est normal mais la prononciation des sons est si déformée que le langage oral devient inintelligible * La dysphasie lexico-sémantique : Il y a répétition sans difficulté de mots et de phrases. Le langage spontané est correct mais il existe des difficultés à élaborer un récit sur demande, à commenter les propos de l’interlocuteur ou des images présentées. « Souvent le mot adéquat semble… manquer ».

2 grands types de dysphasies mixtes : * "l’agnosie verbale" = incapacité à reconnaître les sons du langage malgré une audition normale : « Du point de vue clinique, les enfants se comportent comme des enfants sourds. Lors des tests d’audiométrie… ils prétendent ne pas percevoir certains sons. Pourtant la réalisation de potentiels évoqués auditifs montre un fonctionnement électrique normal du nerf auditif et des aires concernées du cortex cérébral. Ces enfants… ne parlent pas du tout ou très peu. Généralement des stratégies de compensation existent : communication à l’aide d’onomatopées, de mimiques ou d’une gestuelle particulière. D’autres enfants peuvent adopter une attitude de repli qui évoque fortement un syndrome autistique, ce qui peut perturber le diagnostic ». * "dysphasie phonologico-syntaxique" (la + fréquente). « Le langage des enfants est très pauvre, le vocabulaire restreint et surtout caractérisé par la non-utilisation des mots de fonction, des articles et des propositions. En outre, lors de la prononciation d’un mot, ces enfants oublient souvent une ou plusieurs lettres ». « A la différence de l’agnosie verbale, la non compréhension des mots… porte sur un domaine particulier du langage » (par exemple des substantifs ou des adjectifs).

J-B Gouyon : Science et vie n° spécial : "Du langage aux langues". Juin 2004.

Dysphasies réceptives pures (ce que l’enfant comprend) dites parfois « dysphasies inclassables » :

Dans le déficit sémantique-pragmatique on n’observe aucun trouble de la production du langage (l’articulation

est en particulier bonne) mais il existe un trouble manifeste de la compréhension. L’enfant comprend mal

les mots, les situations et les tâches. Ce sont des enfants pourvus d’une bonne mémoire et qui

retiennent des phrases toutes faites mais qu’ils n’analysent pas correctement. Ils utilisent ces phrases

textuellement, de façon rigide et figée, comme s’il s’agissait de mots.

Schémas : Bouchard et al, Aqeta 2002)

Logo Copyright Jean-Marc Elzingre et dysphasie.ch. Suisse dysphasie.

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Jean-Pierre Geslin, professeur à l’IUFM de Livry-Gargan. 13

Le diagnostic de trouble du langage oral ne peut pas être porté avant 3 ans. La clef de la

réussite d’un traitement reste néanmoins le dépistage précoce. « Et à cet égard, la classe de

grande section de maternelle est un lieu privilégié. D’autant plus qu’il est capital de corriger ces troubles avant l’entrée en cours

préparatoire… ». Jean-Baptiste Gouyon (2004).

- Le repérage incombe aux enseignants qui se doivent d'identifier au sein du groupe classe, les enfants en difficulté de langage. - Le dépistage systématique revient aux services médicaux (de PMI pour les enfants de 3 - 4 ans, de santé scolaire dès 5 ans), dépistage qui repose sur une formation spécifique et l'utilisation d'outils validés et étalonnés pour identifier les enfants en difficultés langagières. - Le diagnostic est une démarche pluridisciplinaire (au minimum un orthophoniste, un médecin et un psychologue) comprenant un bilan de langage, un examen médical et un examen psychologique.

Remarque : La dyslexie se définit comme la difficulté durable

d'apprentissage de la lecture (mais aussi de l’écriture et de l’orthographe) et d'acquisition de son automatisme

chez un enfant normalement intelligent, indemne de troubles sensoriels ou psychologiques. Il faut distinguer

enfants dyslexiques et enfants mauvais lecteurs/mauvais orthographieurs.

Nous n’aborderons pas ici ce sujet… lire notre polycopié spécialisé « La dyslexie » (72 pages).