extrait du keldaan ou la guerre des druides

28

Upload: mikasa

Post on 23-Mar-2016

218 views

Category:

Documents


2 download

DESCRIPTION

Le récit se déroule au large de l’Irlande, il y a 3000 ans… Un petit équipage accoste sur la rive d’une île étrange à la recherche du fabuleux Trésor des Celtes ! Herrlick, le chef de l’expédition est un personnage maléfique, redouté de tous… et le seul à connaître l’île. Keldaan, jeune navigateur de 17 ans, pressent qu’Herrlick nourrit de plus sombres projets et qu’il est peut être venu chercher un bien plus précieux que l’or des Celtes… Quelque chose que nul ne pourrait imaginer ! Une seule certitude : aucun des aventuriers n’échappera au rendez-vous implacable fixé par son destin !

TRANSCRIPT

Page 1: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides
Page 2: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides
Page 3: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

La table de Pierres

Récit Premier

Page 4: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

Éditions Lokomodo4, impasse du nord

78510 Triel sur Seine

Illustration couverture Bruno Martineau

ISBN : en coursDépot légal : Octobre 2009

Page 5: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

BRUNO MARTINEAU

KELDAANou

LA GUERRE DES DRUIDES

RÉCIT PREMIERLa Table de Pierres

Éditions Lokomodo

Page 6: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

A mes enfants, Alexis,SarahA mes parents

Page 7: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

«Lorsqu’un individu est devenu un modèle de vie pour les autres, on peut dire qu’il est entré dans le domaine de la mythologie.» J. Campbell

Page 8: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides
Page 9: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

Introduction

« Généralement, on trouve des nains dans ce que vous nommez les cirques, les tavernes, les salles de spectacles ou les arènes, accoutrés de bonnets à clochettes, lançant des blagues à la cantonade, ou participant à des joutes, des concours de saut et d’acrobatie stupide...Cela, bien sûr, concerne les nains conventionnels. Mais je puis vous apprendre que la réalité recouvre une toute autre dimension...Les nains, dans l’ancien monde, n’étaient autres que des éléments extrêmement petits, constituants certains aspects de la matière... Par exemple, ce que vous nommez les ato-mes font partie de la grande famille des nains…En réalité, les nains sont au cœur de l’existence même, comme autant d’éléments et de forces que l’on peut sol-liciter ! Ils sont les indispensables fournisseurs d’énergie . Le contact avec ces créatures est rare, car les hommes sont habiles à détruire la matière, mais peu doués pour recons-truire, et absolument pas à l’écoute des « élémentaux » qui

9

Page 10: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

10

pourtant ont le pouvoir de les guérir et de les aider à ac-complir de nombreuses tâches dans leur existence !

De nos jours, l’homme les a oubliés, mieux il nie leur exis-tence ! Cependant, il faut que vous sachiez que les nains ne peuvent disparaître, qu’ils constituent une immense famille, une véritable société, à l’égale de celle des mortels.Aujourd’hui, toi le lecteur chanceux qui tiens ce livre en-tre les mains, je vais te faire le récit d’une aventure ex-traordinaire dont je puis me flatter d’être l’un des héros les plus incontournables. Puisses-tu découvrir, à travers ce récit, l’étendue du monde invisible qui soutient jusqu’à ta propre existence !...

Moi, Maël Korr, dernier Roi des Nains de la province du Nord de l’ancien monde celtique ».

Page 11: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

Il y a 3000 ans…

Une île déserte au nord de l’Irlande... Un rocher dressé vers les cieux tel la flèche d’une cathédrale, servant d’abri à quelques mouettes égarées... Un endroit isolé dont le monde ne veut plus ou qu’il a oublié et qui n’en finit pas de subir l’assaut des vagues. C’est parfois en ces lieux retirés que se trame le destin d’invisibles histoires... Et c’est bien le droit de quelques téméraires de défier le silence de ces régions perdues, quand la quête, enfin, les jette aux pieds d’un géant de granit…qui les attend, immobile !...Le vent soufflait et la mer noire était encore agitée et colé-reuse, mais elle avait permis aux six aventuriers d’accoster sans pertes. Après avoir tiré le coracle vers la rive, une embarcation d’une dizaine de mètres de long, recouverte de peau et de cuir protégeant la coque, les cinq hommes d’équipage rejoignirent le plus âgé d’entre eux qui s’était avancé sur la grève et qui fixait intensément le sommet de

11

Chapitre 1

Page 12: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

12

l’île... Tous avaient le regard grave et ressentaient une op-pression particulière due à la fatigue du voyage, puisqu’il avait fallu lutter contre des vagues agressives et les rafales incessantes d’un vent d’ouest. Mais l’atmosphère pesante tenait également à l’homme étrange qui était à l’origine de cette expédition et que personne ne connaissait réelle-ment! Les aventuriers restèrent ainsi de longues minutes, silencieux, reprenant leur souffle, tout en promenant un re-gard fiévreux sur cet endroit singulier, qui les intimidait par sa forme nettement pyramidale, comme si ce rocher avait été déposé là par on ne sait quelle puissance surhumaine au milieu de l’océan… Tous éprouvaient sans pouvoir l’expliquer, la même sensation confuse, de fouler le sol d’une terre abandonnée depuis la nuit des temps … « Et maintenant Herrlick, montre-nous le chemin qui mène au temple. Les hommes s’impatientent. » dit Kel-daan, le plus jeune d’entre eux, mais néanmoins, le naviga-teur expérimenté qui avait su les conduire jusqu’à l’île. En effet, ce jeune celte de dix-sept ans au regard clair, venait d’une famille de pêcheurs et de navigateurs ; aussi connais-sait-il les caprices et les dangers de l’océan depuis son plus jeune âge… Herrlick, l’étrange vieillard à la barbe grise, vêtu d’une longue fourrure descendant jusqu’aux pieds se re-tourna furieux vers le groupe : « Toi, Keldaan, le marin qui a su naviguer jusqu’ici, et vous autres, écoutez-moi !... Je vous ai promis une dé-couverte fabuleuse qui fera de vous des hommes riches pour le reste de vos jours ! Chacun aura la récompense qu’il mérite ! Mais n’oubliez jamais qu’il y a quelques heu-

Page 13: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

13

res encore, vous croupissiez dans des tavernes nauséabon-des d’où je vous ai tirés. Moi, Herrlick, je vous offre le luxe et la jouissance de l’or ! Et vous osez montrer des signes d’impatience ? Insolents que vous êtes ! C’est la chance unique de votre vie ! ». Puis, tournant le dos au groupe et fixant à nouveau le sommet de l’île tel un faucon observant sa proie, il ajouta : « Si l’un de vous désire ajouter quelque chose, qu’il le fasse maintenant. Sinon, qu’il se taise et me suive... Car cette île vomit les médiocres ! » Les hommes échangèrent un regard craintif mais restèrent muets. Puis ils emboîtèrent le pas d’Herrlick, qui commençait maintenant l’ascension de l’île. Keldaan bien qu’impressionné lui aussi par l’agressivité de l’intrigant voyageur, ferma la marche. Trouver de l’or n’était pas sa préoccupation, il était en quête d’autre chose, il cherchait à travers ce voyage rapidement décidé, à suivre les traces de son père disparu quinze ans auparavant. Alors que le groupe d’aventuriers se mit en marche, le jeune Keldaan se rappela les paroles d’un ancien poème qui disait : « Ne tombe pas dans la couche de la paresse, ne lais-se pas la torpeur et les brumes de l’ivresse envahir ton âme, embarque toi et traverse l’océan.... ». Il se souvint d’avoir entendu ces mots lorsqu’il n’était encore qu’un tout pe-tit enfant. C’était la voix chaleureuse de son père nommé Fergus.. Mais il ne lui restait aucun souvenir du visage de cet homme ayant disparu en mer alors que Keldaan n’était encore qu’un tout jeune enfant d’à peine trois ans… Le petit groupe d’aventuriers escalada la falaise de granit. De nombreuses stèles ornées de spirales étaient plantées dans le sol jonché de bruyères et d’herbes sauva-

Page 14: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

14

ges, ressemblant à une armée de gardiens énigmatiques, ce qui intrigua tous les hommes. Keldaan s’interrogeait durant leur marche silencieuse, interrompue par les hurlements du vent puissant qui soufflait depuis plusieurs heures sur la région. Les vagues venaient se fracasser sur les récifs et des mouettes affolées semblaient danser au dessus des étranges voyageurs. Un ciel gris et bas menaçait d’accrocher le som-met de l’île et sa crête de pierres effilées. Keldaan n’avait jamais entendu parler de cet endroit désolé, ce rocher de granit planté au milieu de la mer et dont le sommet for-mait une sorte de pic tendu vers le ciel. Certains voyageurs étaient peut être passés par cette voie mais aucun récit ne relatait l’existence de ce lieu désert. Les pêcheurs de Lemo, le village de Keldaan, n’empruntaient jamais cette direc-tion, car leur territoire de pêche se situait beaucoup plus au sud ; les bancs de sardines et de thons pullulaient et parfois, d’étranges créatures à la chair tendre, des phoques descendant de régions nordiques, venaient s’échouer sur la rive... Mais le temps avait passé. Keldaan, dont la longue mèche rousse tressée volait au vent, se demandait qui était ce redoutable Herrlick, si enfiévré d’atteindre l’île… A tel point qu’il lui semblait que sa vie en dépendait ! Il n’avait eu aucun mal à recruter les quatre autres hommes de main, le vertige de la fortune étant leur unique objectif . Tous avaient remarqué sans oser poser la moindre question, que le sinistre vieillard était pris parfois, de violentes quintes de toux et des gouttes de sueurs perlaient sur son front.. Mais il parvenait aux prix d’efforts répétés à retrouver sa vitalité et il était difficile de savoir quel mal intérieur le secouait ainsi. Ce qu’ils remarquèrent alors qu’ils se dirigeaient vers le sommet, c’est que le vieillard semblait de plus en plus

Page 15: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

15

oppressé et que l’irascibilité de son caractère, acceptable au départ pour des hommes de leur espèce, faisait place à une dégradation inquiétante de l’ensemble de sa personnalité . En effet, ils l’entendirent à plusieurs reprises parler en lui même et vociférer des mots et des lambeaux de phrases, dont personne ne connaissait la langue ni aucun dialecte ! Comme s’il s’adressait à des êtres invisibles, repliés dans les recoins de son cerveau maléfique ! Oui, cet homme, ou devrions nous plutôt le nommer : cette créature à l’ap-parence humaine, impressionnait terriblement les hommes qui le suivaient, par ses crises, heureusement de courte durée, mais de plus en plus fréquentes et intenses dans leurs manifestations. On eut juré que ce mal allait le terrasser mais chaque fois, il se redressait, vainqueur ! Jusqu’où ses forces lui permettraient il de tenir et d’abord, d’où pro-venaient-elles donc, de quelle source invisible tirait-il sa volonté ?… Autant de questions sans réponses chassées aussitôt par les bourrasques de vent venant déséquilibrer les marcheurs…Les oiseaux, mouettes et goélands, seuls maî-tres des lieux, semblaient se moquer éperdument de ces pauvres inconscients…Et leurs cris stridents maintenaient en éveil leurs esprits obscurcis par la fatigue du voyage . Keldaan eut la sensation aiguë, à plusieurs reprises, que les oiseaux l’avertissaient d’un danger imminent et qu’il devait rester plus que jamais sur ses gardes. Herrlick faisait pres-ser le pas du groupe et l’ascension dura près d’une heure. Chacun devant reprendre son souffle à intervalles régu-liers. Mass était un géant de deux mètres, fort et lourd, au crâne rasé, qui venait de lointaines contrées.. C’était un ancien esclave affranchi, grâce à ses nombreux exploits de lutteur. Il descendait de familles anciennes des plateaux

Page 16: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

16

d’Asie et ses ancêtres avaient accompagné les migrations celtes d’est en ouest. Sean était un homme du pays, aux cheveux noirs tels le plumage d’un corbeau, c’était un va-gabond. Tout comme Mc Kin son frère, à la longue mous-tache. Ces deux là, n’avaient comme seule ambition que de trouver l’or et le bronze ; ils ne rechignaient pas non plus aux plaisirs de la boisson . Quelques breuvages forts qui leur procuraient l’ivresse et la rage , avaient fait d’eux les bannis de toute communauté depuis fort longtemps. Enfin, Ogan, au visage tatoué de symboles guerriers, était un ancien mercenaire, n’ayant ni dieu ni maître, il avait of-fert ses services à de nombreux seigneurs .. En rencontrant Herrlick, il pensait avoir l’occasion d’exercer son métier de tueur, car il ne savait rien faire d’autre. Pourtant pour la première fois, il rencontrait l’inquiétude face à l’aura malé-fique qui se dégageait d’Herrlick : il le craignait ! Keldaan savait qu’il était entouré de brutes épaisses mais son désir de partir s’était définitivement ancré en lui à la mort de sa mère. Orphelin, et bien qu’aimé de ses oncles et cousins, son esprit exigeait le départ, vivre une nouvelle existence puisque ses parents n’étaient plus, ayant rejoints le Tir Na Nog, la terre mystique.. Il était seul désormais à choisir son chemin ! Il sentait qu’il devait connaître le monde, avancer et s’éprouver afin de devenir un homme. On lui avait dit que son père était un être bon et sage qu’il avait combattu pour la liberté et la paix en maints endroits du monde et qu’il possédait des talents de guérisseur, plus étonnants que les druides les plus expérimentés. C’est en tout cas ce que prétendaient les gens de son village bien qu’on ne sache en définitive que peu de choses concernant la jeunesse de cet homme, arrivé tar-

Page 17: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

17

divement à Lemo… Lorsqu’il disparut, ce fut une grande perte pour tous et il fut longtemps pleuré, car il était de-venu le druide protecteur de la communauté… La mère de Keldaan en voulait à Mananan Mac Lir, divinité des îles lointaines, de lui avoir pris son époux, lorsque ce-lui-ci était parti seul en mer pour chercher de nouveaux territoires de pêche, mais personne ne le revit depuis ce jour ; et c’était la raison essentielle qui avait décidé Kel-daan à conduire l’embarcation, car le chemin que voulait emprunter Herrlick était celui qu’avait suivi son père et qu’aucun autre navigateur et pêcheur du village ne désirait fréquenter par peur de l’inconnu, par superstition ou plus simplement en connaissance des vents violents et soudains qui entraînaient un naufrage quasi certain pour l’impru-dent qui s’y aventurait !!! Cette région de l’océan était re-doutée de tous. Son père, pensait Keldaan, avait sans doute bravé les vents et avait péri comme tant d’autres . Le jeune homme espérait retrouver quelques traces de son passage ou du moins, souhaitait il rechercher dans le vent et le voyage, des réponses inspirées par des dieux cléments… Bien qu’il fut saisi, tout comme ses proches, d’une sourde inquiétude lorsqu’ Herrlick fit son apparition, Kel-daan voulait en savoir plus sur cette destination mystérieuse que vantait ce personnage au regard sombre. Il ressentait la force maléfique qui se dégageait de cet homme mais aussi une tension palpable, comme s’il s’agissait d’une bête sau-vage, blessée et traquée !!! L’occasion de partir, malgré les raisons vénales d’Herrlick, l’emporta donc sur le doute et la crainte . Kel-daan devait prendre un risque car il voulait montrer son courage, mais surtout apaiser son chagrin et ressembler

Page 18: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

18

ainsi à l’homme qu’était son père . En recherchant la trace de son géniteur, il voulait comprendre ce qu’il était lui même et avec beaucoup de chance, découvrir d’où il ve-nait et quelles étaient ses racines… La seule famille qui lui restait, était du côté maternel et rien ne subsistait de son père qui était venu de loin, ayant décidé de fonder une famille, après une longue existence parsemée de hauts faits guerriers mais aussi de longues pérégrinations ! Ses oncles, après avoir vanté à Herrlick les qualités indéniables de na-vigateur de Keldaan, furent pris de doute lorsqu’ils eurent connaissance du chemin de l’expédition; ils tentèrent en vain de convaincre leur jeune neveu des risques d’une telle entreprise. Une bourse d’or précieux qu’Herrlick leur jeta dédaigneusement sur la table, payant au centuple le prix de l’embarcation, détourna leur attention momentanément mais ne convainquit personne sur le danger qui subsis-tait… Des nappes de brouillard épais entouraient l’île, ce qui était sans doute une des raisons ayant empêché les quelques marins de passage, d’en connaître plus sur son existence … Herrlick connaissait bien cet endroit fantastique et son austérité s’accentuait au fur et à mesure que le coracle de Keldaan s’approchait du rivage . On eut dit que ce vieil homme sans âge, ruminait ce projet depuis sa naissance lointaine ... C’est toujours lui qui avait guidé la trajectoire de l’équipage par on ne sait quel instinct, comme aimanté par ce lieu connu de lui seul ! Keldaan avait pu alors di-riger la navigation au mieux, se réservant la lutte contre les vagues folles de la région. Tous avaient au cours de la traversée, succombés à l’autorité qui se dégageait d’Herr-

Page 19: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

19

lick… Keldaan, bien que parfaitement clairvoyant sur les motivations malsaines du vieil homme à la lourde cape brune, sentait néanmoins que celui-ci, connaissait parfai-tement le parcours et la durée du voyage. Aussi, jusqu’à l’arrivée, il n’y eut pas de contestation à bord . Seul Kel-daan, par sa science de la navigation, donna quelques ordres visant à préserver l’équilibre de l’embarcation et à éviter que les hommes ne tombent à la mer… Le bateau ne pou-vait accoster qu’en un seul point de l’île, minuscule plage de graviers et de sable semé d’algues sèches ; tout le reste n’était que récifs coupants et roches creusées de galeries et d’aspérités que l’eau avait sculpté depuis des temps immé-moriaux ! Cette île avait l’aspect d’une citadelle de pierres déchiquetées, à la flèche élancée vers le ciel . Il était certain qu’aucun humain n’avait à fréquenter pareil endroit. Tous les hommes du groupe avaient ressenti alors une même impression : cette architecture inconnue forçait leur ad-miration en même temps qu’ils étaient saisis d’effroi, par les impressionnants et menaçants remparts de granit et les crêtes découpées sauvagement. Comme pour leur signifier qu’ils arrivaient au bout du monde connu ! Où donc se trouvaient-ils ? Qu’étaient ils venus chercher en un lieu aussi désolé ? L’or vraiment ?... Seul Herrlick connaissait la réponse. Au cours de la traversée, n’avait-il pas évoqué à demi-mots, l’existence d’une sorte de temple abrité dans le ventre de l’île ? Il avait ajouté qu’un mystérieux tré-sor, connu de lui seul, y dormait depuis des générations et qu’il avait besoin de quelques bras solides pour y accéder. Alors que l’ascension était presque achevée, Kel-daan se retourna pour contempler le fantastique paysage qui s’offrait à lui : un soleil rougeoyant, déclinant à l’ho-

Page 20: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

20

rizon, parvenait encore à diffuser ses derniers rayons de lumière, pendant qu’une immense armée de nuages gris couvraient le ciel . Le vent fouettait le visage du jeune navigateur depuis des heures et il ressentit les vertiges de la fatigue l’envahir . Il prit sa gourde et étancha sa soif quand soudain, la voix rauque et quasi animale d’Herrlick tonna : « Regardez, et admirez ce que vos yeux n’ont jamais vu !!! » Les aventuriers qui atteignaient un à un le sommet, furent cloués de stupeur ! Là, devant eux, de l’autre côté du versant, quelque chose d’impossible s’offrait à leurs regards incrédules et désemparés.. Oui, un immense vaisseau, une construction gigantesque, une sorte d’animal de pierres colossal, haut comme cinquante hommes était posé là, ses quatre pieds massifs ancrés dans le sol ! Autour des piliers, de lourdes nuées de brume humide circulaient, comme le ferait un serpent sur son tas de pierres… Le sommet des quatre piliers, survolé par quantité d’oiseaux, était coiffé d’une immense pierre plate, jetée comme une pesante table graniteuse, recouverte de mousse et de lichens qui grimpaient sur toute la surface de l’édifice et qui donnait à celui-ci un aspect terrifiant. Tel ces animaux voraces surgis du fond des âges, qui régnaient sur le monde ancien et dont parlaient abondement les druides, lors des veillées… L’ombre de la pierre enveloppait les hommes au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient, hésitants…Keldaan, l’instant de stupeur passé, s’avança en scrutant avec effare-ment la taille de la créature de pierres : « Par les dieux du ciel, quelle sorte d’hommes a pu bâtir un tel mastodonte ? dit-il, incrédule.. - Nous ne l’avons pas aperçu, malgré avoir fait le tour de l’île » renchérit Mc Kin ! »

Page 21: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

21

Herrlick, dont l’œil se mit à briller d’un étrange éclat ajouta : « Voici La Table des Dieux ! » Sean posa alors sa main sur l’épaule d’Herrlick et s’écria : « Si ce mégalithe est aussi imposant, c’est qu’il doit abriter un trésor fantastique ! Hé, hé, hé, finalement, tu m’es très sympathique, Herrlick, hi, hi , hi… - Ne me touche pas CLOPORTE !!! » cria rageu-sement Herrlick. Le gloussement de Sean s’étrangla dans sa gorge : Herrlick se retournant soudainement, lui assena un coup de poing si violent, que le vagabond fut projeté trois pas en arrière, le visage tuméfié et à moitié inconscient ! Un éclair ! Voilà tout ce qu’avait distingué Sean.. Mc Kin aida aussitôt son frère à se relever, sous le regard médusé de ses compagnons. « Je ne sais quel âge a ce vieux fou mais il a encore une sacrée poigne ! » dit Ogan à voix basse, tandis que Mc Kin secouait son frère afin qu’il reprenne ses esprits : « Relève toi bougre d’idiot !Tu nous fait perdre un temps précieux !! ». Sans attendre, Herrlick s’adressa à ses cinq hommes tel un maître à ses esclaves, terrorisés par la puissance se-crète qu’il possédait : « Maintenant, faites pivoter ce menhir en exerçant une poussée et ne posez aucune question !!! » dit-il d’un ton lugubre, en désignant du doigt une pierre levée, dressée à quelques pas des piliers du gigantesque monument . Keldaan réprima sa colère et murmura les dents serrées : « Je n’aime guère tes méthodes Herrlick… Et, par

Page 22: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

22

tous les dieux, je percerai le mystère de tes sombres pro-jets ! » Sean, retrouvant ses esprits peu à peu, et s’essuyant la mâchoire ensanglantée avec un morceau de tissu de son ample tunique eut une réaction attendue : « Je jure de me venger de celui-ci ! » Keldaan s’em-pressa de lui répondre discrètement : « Tais toi, si tu veux vivre !… ». Les hommes dévalèrent la courte pente qui les mena devant le menhir. Après s’être observés brièvement, comme des enfants égarés dans un monde inconnu, ils s’exécutèrent et posèrent leurs mains sur la pierre levée ! Ils se mirent à pousser fortement, les corps arqués, les bras tendus pour certains, alors que d’autres préféraient pousser des épaules . Un son couvert sortit de terre, tel un crisse-ment de métal ou de pierres. « Ecoutez, quelque chose roule sous nos pieds, il s’agit d’un mécanisme! Cela doit déclencher une ouver-ture ! » cria Keldaan . On entendit nettement le crissement s’accentuer pendant que les hommes poursuivaient leurs efforts . Au même instant, dans une cavité souterraine et sombre de l’île, apparut faiblement le visage énigmatique d’un vieil homme à la barbe blanche, aux yeux clos, allongé tel un gisant, enveloppé d’une large fourrure… Portant une couronne ornée de symboles celtiques anciens, témoignant de sa dignité : des cerfs, et des sangliers gravés finement sur la pierre d’ornement… On entendit le menhir pivoter et le crissement de lourdes chaînes métalliques résonner dans la petite cavité… A la surface, Mass le chauve, motivé par l’effort physique qui lui convenait le plus, ses bras puissants en té-

Page 23: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

23

moignaient, hurla à ses compagnons : « Encore un dernier effort, je sens que la pierre se couche progressivement !!!» Les hommes poussèrent avec acharnement la lourde pierre dressée, sentant que celle-ci s’inclinait régulièrement . Herrlick observait, l’œil noir, comme s’il voulait garder ses réserves d’énergie. Il contenait une sorte de rage secrète au fond de lui…Tout à coup, la pierre bascula am-plement en arrière, faisant chuter les cinq hommes au sol entraînés par le poids de leurs propres efforts . Ils s’écriè-rent de joie !!! En se relevant et époussetant leurs vêtements, ils tendirent les bras vers le ciel comme pour se décharger de leur énergie trop longtemps contenue. C’est alors que le ciel s’assombrit , la foudre passa au dessus de leurs têtes, éclairant leurs visages émaciés d’une lumière blafarde et aveuglante. On eut dit une bande de spectres égarés dans un lieu hors du temps et de toute connaissance humaine . L’éclair leur laissa un goût de sel et de métal dans la bou-che . On entendit alors le tonnerre gronder dans le ciel comme des milliers de tambours. Le mystérieux barbu, allongé sur sa couche , écar-quilla soudainement les yeux au son d’un coup de tonnerre plus violent que les autres ! Comme si la vie venait de réin-tégrer brutalement un corps inerte, jeté là depuis un temps infini… Les six hommes, aux pieds de La Table des Dieux, regardèrent le ciel. Des gouttes d’eau frappèrent leurs crâ-nes. « Voilà la pluie maintenant , dit Sean, désabusé. - Aurions nous réveillé les dieux ? » ajouta Ogan

Page 24: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

24

d’un ton cynique . Une nouvelle fois Herrlick interrompit leurs pala-bres : « Hé vous autres, venez me rejoindre ! L’île nous a ouverts sa porte et nous convie à sa grande fête de la nuit !!! Ha, ha, ha !!! ». Le rire d’Herrlick résonna d’un écho sinistre. Les cinq hommes l’ aperçurent alors, debout près d’un pilier du dolmen et coururent le rejoindre sous les trombes d’eau qui se déversèrent violemment sur l’île. Le groupe vint se rassembler autour d’Herrlick, leur maître détesté, qui leur montra le pied du dolmen laissant apparaître l’entrée d’une galerie creusée dans la pierre. « Par les démons, un tunnel s’enfonçant dans la ter-re ! Voilà qui promet , s’écria Ogan, ne pouvant réprimer cette nouvelle découverte. - J’ai des fourmis au bout des doigts, compagnons, signe que l’or est tout proche ! » répondit Mc Kin, enthou-siasmé. Keldaan resta silencieux…

Page 25: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

95

Trois jours passèrent…

Des vagues vinrent s’étaler sur une plage… déposant la carcasse d’un corps humain gisant inerte sur la grève… A son doigt brillait un bijou à l’étrange éclat : l’Anneau de la Terre ! Alors une silhouette difforme et encapuchonnée apparut. Sa main osseuse saisit l’alliance qui scintilla sous la lumière blafarde d’une lune pâle, puis la glissa dans un petit coffret.Un rire sardonique éclata avant qu’on entende une voix aigre murmurer : « Mon Maître saura me récompenser ! ».Les pas s’éloignèrent… On distinguait dans le ciel, les nua-ges qui passaient en silence devant l’astre de la nuit… Et loin, très loin vers les étoiles, une comète filait dans le ciel sombre…

Fin du Récit Premier Récit II : Calice la Bannshee

Page 26: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides
Page 27: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides

97

Votre passeport pour la fantasy

Page 28: Extrait du Keldaan ou la guerre des druides