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Extrait des MELANGES DE L'ECOLE FRANCAISE 3 DE ROME MOYEN AGE

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Extrait des

MELANGES DE L'ECOLE FRANCAISE 3

D E R O M E

MOYEN AGE

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BARBARA OBRIST

LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS, SON CONTENU PHYSIQUE

ET LES REPRESENTATIONS FIGURATIVES

Compilk entre 612 et 613, le De rerum natura d'Isidore de Skville constitue l'kpine dorsale de la cosmologie du haut Moyen Age, en meme temps qu'il jette Une vive lumiere sur celle de I'epoque romaine'. Ce texte refiete ainsi un quotidien scolaire dont les traces sont par ailleurs tknues, les compilations i usage courant ayant dispatu avec la fin de l'Antiquite2, de meme que des manuels de base qui pourtant avaient servi des siecles durant, comme le Pratum de naturis rerum de Suetone et le Disciplinarum

Liber IX de Varronj. Jusqu'a la Renaissance carolingienne, le De rerum

tzatura d'Isidore fut le pnncipal canal de transmission des connaissances et conceptions cosmologiques anciennes4.

Une importance particuliere revient donc a ce document en ce qu'il

'J. Fontaine, ed. trad., Isidore de Seville. Traitd de la nature, Bordeaux, 1960. Fontaine a montrG qu'lsidore s'appuyait avant tout sur des manuels scolaires 616- mentaires : lsidore de Sdville er la culture classique dans I'Espagne wisigotlzique, 2 t., Pans, 1959 (2' Gd. rev., Paris, 1983), 11, p. 750 s.

Pour I'ampleur des pertes, cf. W. H. Stahl, Roman Science : Origins, Develop- menl, and Inpuence to the Laie Middle Ages, Madison, Wisc., 1962. Fontaine, La culiure, 11, p. 750-762.

M. Manitius, Geschichte der laieinischen Literatur des Mittelalters. Erster Teil : von Juainian bis zur Mitte des zehnten Jahrhunderts, Munich, 1911, p. 55-56. W. H. Stahl, Martianus Capella and the Seven Liberal Arts, Neu- York, 1971, vol. 1, p. 4-5. Se- Ion les deux auteurs, Isidore aurait encore connu ces oeuvres. Fontaine est d'avis contraire, Isidore de Sdville et la culture classique, 11, p. 749.

' Pour i'Gtat actuel de la recherche, C. McCluskey, Astronomies in the Latin Wes1 from ihe Fifth to the Ninth Centuties; B. Eastwood, 7ke Asironomies of Pliny, Martia- nus Capella and 1sidol.e o f Sevilla iiz tlze Carolingiaalz WorM, dans Scie~zce in Western and Eutern Civilization in Carolingian T i m , P. L. Butzer, D. Lohrmann ed., Bale, Boston, Berlin, 1993, p. 139-160; 161-180. B. English, Die Artes Liberales i m frühen Mittelalter ( 5 9 . Jh.), Sudhoffs Archiv, Beiheft 33, Stuttgart, 1994. J. Contreni, Lear-

MEFRM - 108 - 1996 - 1, p. 95-164.

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transmit au Moyen Age des notions physiques considerees essentielles i la fin de l'ilntiquite. Le seul titre est Une indication quant i son orientation : la philosophie de la nature avait pour objet les causes determinant la nature des phenomenes et substances5; en fait, <ccausen et «nature» pou- vaient Etre des notions equivalentes. Dans la preface au De rerunz natura, Isidore souligne ainsi que le roi Sisebut le presse de l'aider a connaitre quaedam e x rerum natura vel causisO. Or les causes et natures des suhs- tances corporelles ne sont nen d'autre que les qualites primaires, ou 616- mentaires, actives du chaud et du froid, passives du sec et de l'humide, dont les combinaisons et les proportions changeantes diterminent les caract6ristiques distinctives, ou natures, des choses. Quand, au chapitre XI. 1 du De verum natuva, Isidore aff ime que les quatre klements consti- tuent les quatre parties du monde, et annonce un Passage sur leur #nature>,, il enumhre les qualites 61ementairesi. Plus pricisement, la notion de philosophie de la nature, ou de physique, recouv~ait a la fois la science dont le domaine d'investigation etaient la sphere celesie, ou des apparences ceiestes - l'astronomie-, et a la fois celle qui pourraii etre appelee la phy- sique dans le sens restreint du terme. Cette demihre etait concemee, avant tout, par le domaine sublunaire8.

Comprise comme la recherche des causes naturelles suivant les catego- ries des qualites elementaires, la physique compte parmi les aspects les moins etudies de la cosmologie romaine9 aussi bien que de celle du haut

ning in the early Middle Ages, Pm parution, dans Carolingian Leaming, Masters and Manuscnpfs, Collected Studies Series, 363, Aldeßhot, 1992, p. 1-21.

Cf., Lucrece, De rerum natura, I. 25; I. 710 s. (W. H. D. Rouse 4d. trad., Cam- hridge, Londres, 1975). Vitruve, Dearchitectura, I. 7 (P. Fleury ed. trad., Pans, 1990). Seneque, Nafurales quaestiones, 111. Praef. 18 - 111. 1. 1 (Th. H. Corcoran 4d. trad., Camhridge, Londres, 1971).

6Praef. I . 2-3. Les references au De rerum nafura se rapporteront toujours A 1'4- dition de Fontaine. P:]. Mincini, Causa er ses ddrids, Pans, 1951, p. 71. Pour Theo- doric comme possihle modele de roi philosophe a la recherche de la connaissance de la nature des choses, cf. P. Courcelle, La Consolation de Philosophie dans la tradition littdraire. Anfeke'denrs er posfdef4 de Boece, Paris, 1967, p. 62. Fontaine, La culture, p. 659. P. Riche, Les dcoles er l'enseignement dans I'Occidenf chrdtien de la fin du V. siecle au milieu du XIc siecle, Pans, 1979, p. 14.

Infra, note 50. B Pour des precisions concemant 1es decoupages des domains, cf. infra, note 54.

I1 n'y a pas lieu d'aborder ici la discussion de la classification des sciences, car elle n'apporte pas grand chose par rapport a notre prohl4matique. M. Diaz y Diaz, Les arts iib4rarcr d'apres les krivains espagnols et insulaires aun VIP el VIIIcsiecles, dans Arts libdraux e f philosophie au Moyen Age, Actes du quatneme Congrts international de philosophie medikvale, 1967, Montreal, Pans, 1969, p. 37-46.

° Recemment, quelques traits de celle du Ier siecle ont fait l'ohjet d'analyses : M.

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LE DIAGRAMME ISIDORlEii DES SAISONS 97

Moyen Age'o. En raison de la position centrale qu'occupait alors l'astro- nomie, celle-ci a accapark l'intkrst des historiens d e la science, des reli- gions, d e l'enseignement e t de l'arl". Aussi le De r e m m natura n'kchappe-t-il pas a l'orientation privilkgiant l'astronomie - l'ouvrage a ktk compile s u r la demande d u ro i Sisebut qui dksirait avant tout des explications concemant les kclipses, peut-6tre i la suite d e celles suwenues e n 611 e t 612"-, mais il comporte neanmoins d e substantielles port ions s e rapportant a u monde d a n s sa dimension ~ o r p o r e l l e ' ~ .

Beagon, Ronzan Naiure. Tke Thoughr o f Pliny the Elder, Oxford, 1992. Plutarco e le scienze, I. Gallo ed., Genes, 1992. N. Gross, Senecas Naturales Quaestiones. Koniposi- tion, naturphilosophische Aussagen und ihre Quellen, Palingenesis XXVII, these, Wiesbaden, Stuttgart, 1989. R. Frencb, F. Greenaway ed., Science in the Early Roman Enzpire : Pliny the Elder, his Sources and lnfluence, Totowa, New Jersey, 1986. F. P. Waiblinger, Seizecas Naturales Quaestiones. Griecliische Wissenschafi und römische Fom, Zetemata LXX, Munich, 1977.

'O Pour I'Irlande du VI1' siecle, M. Smyth : Tlze Physical World in Seventh-Centu- ry Hibemo-Latin Texts, dans Peritia, 5, 1986, p. 201-234. -, Understanding the Uni- verse in 7th Ceittuty Ireland, Woodbndge, Rochester, N.Y., 1994. W. M. Stevens, BedeS Scientific Achievement, Jarrow Lectures, Newcastle upon Tyne, 1985, p. 5 s. Version revisee dans Cycles of Time und Scientific ieami~zg in Medieval Europe, Col- lected Studies Series, 482, Aldershot, 1995, no. 11. Le jugement tout rbcent sur le De natura rerum d'Isidore emis par B. S. Eastwood peut servir d'exemple de la perspec- tive neo-positiviste dedaigneuse des pr6occupations intellectueiles anciennes qui ne correspondent pas aux criteres modernes de scientificite : Isidorek work #On the Na- ture of thingsx is izeai~ily laden with Christian allegoty und reinarkably devoid o f wlzat we coirld call scientific conreizt, especially nzathenzatical conteitt (?ke As1rononz.y of Macrobius in Caroliugian Europe : Duizgak Letrer of 811 to Charles ihe Great, dans Early i7zedieval Europe, 3, 1994, p. 117-134; CF. p. 117). Mis a Part d'etre vague, la for- mule simpliste sheavily laden» est inadequate. Au sujet des methodes d'allegorisa- tion d'lsidore, les analyses du grand oumage de J. Fontaine n'ont rien perdu de leur actualite : cf. La culture, 11, ch. IV, p. 541-70. Ainsi que le souligne Fontaine en conclusion, lhlldgorisnze religieux, au nzoins dans i'ordre de la nzdihode et dans in ma- ,tigre dont il se inanifiste a ivavevs la composition de Iouvrage, y est secoizd pur rapport U l'exposd cosnzographique er astronomique (11, p. 568).

" Contrairement a ce que laisserait supposer le titre du bref ouvrage d'A. Stüc- kelberger, Bild und M'ori. D a illustrierte Fachbuch in der antiken Natunniissenrchafi, Mediziiz und Technik, Mayence, 1994, la question de la physique 2 proprement parler est 2 peine effleurse. Pour ce qui est des figures, seuls les diagrammes aristoteliciens des vents et de I'arc-en-ciel sont mentionnes: CF. p. 14-17

l2 Fontaine, Traitd de In nature, p. 4-5. Ces passages, ainsi que ceux dispersi-s dans les compilations rn6dievales de

comput et les commentaires sur Macrobe, Martianus Capella, Boece et le Timie de Platon, pourraient contribuer 2 etabiir les bases de I'enseignement de la physique a I'epoque du haut Moyen Age, tout comme ils pourraient contribuer a eclairer celui de I'epoque romaine. Envisageant Le problerne de la science romaine dans sa glohali-

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98 BARBAFU OBRIST

Le De rerum natura pennet de se faire Une idee non seulement du contenu et de l'organisation des manuels elementaires antiques dont s'etait servi l'eveque de Sevilie, mais aussi des modes de transmission du savoir assures i l'aide de diagrammes. Ainsi, la serie de sept i huit figures" accompagnant le texte temoigne de pratiques de schematisation graphique qui avaient du etre courantes dans i'enseignement romain de la cosmo- logie, mais plusieurs de celles incorporees dans le De rerum natura semblent e n presenter le reflet le plus ancien", sinon unique. Elles condensent des informations jugees essentielles, a l'interieur d'un texte qui lui-mEme presente de facon comprimee des extraits de m a n u e l ~ ' ~ .

Etroitement liees au texte qui les annonce dans chaque cas, les figures avaient du Etre choisies par le compilateur en mEme temps que les passages textuels; elles se trouvent dans les exemplaires les plus anciens du De remm natura, qui remontent i la seconde moitie du VIF si&clei7; plusieurs datent du VIIP'S, Une profusion indiquant l'importance que revetait cette c~smographie '~. Dans l'ensemble, les copistes respec- taient l'unite entre textes et figures, et reproduisaient ces dernieres sans

te, W. H. Stahl a deja estime que ...g reater attention must be paid than heretofore to the medieval texts in order to reconsrmct Roman science, Martianus Capella, 1971, p. 4. Le travail de depouillement des recueils de comput reste a faire.

" Fontaine, Traird de la nature, en publie sept, nombre correspondant, ainsi que l'a releve W. M. Stevens, a la premiere rkdaction (The Figure of rhe Earth in IsidoreS- eDe natura rerumn, dans Isis, 71, 1980, p. 268-277); repr. dans Cycles of Time, 1995, no. 111. Dans la seconde a ite ajouti un chapitre giographique accompagne d'une mapppemonde. P. Gautier Dalche doute que la mappemonde ait eti ajoutee par Isi- dore lui-meme (De la glose a la contemplation. Place et fonction de la carre dans les manuscrits du haut Moyen Age, dans Tesro e inzmagine izell'alto medioevo, Settimane di Studio del Centro italiano di siudi sullillto Medioevo, XLI, Spolete, 1994, p. 693- 764; cf. p. 707-708).

l5 Fontaine trace brievement les origines possibles pour chacune d'elles, Traite! de la nature, p. 15-18.

l6 Dans la presentation de son ouvrage au roi Sisebut, Isidore souligne qu'il note 1es ~henomenes celestes et te11-estres brevi tabella. Cf. De remm natura, Praef 2. 13.

l 7 Fontaine place en tete de liste le fragment de 1'Escorial. ms. R. 11. 18 (H), avec deux figures, les raues des planetes et vents. Paris, Bibliotheque nationale, lat. 6400 G (P) est dati du VIIc ou du VIII* s. (Traird de la ilature, p. 20; 25).

'slbid., p. 23-35. "J. Fontaine, La diffusion de l'euvre d'lsidore de Sdville dans les scriproria helvd-

tiques du Haur Moyen Age, dans Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, 12, 1962, p. 305-327. - La diffusion caroli~igieniie du De natura rerunz d'lsidore de Sdville da- pr2s les manuscrirs conservds en Ilalie, dans Studi medievali, 7, 1966, p. 108-127. B. Bischoff, Die europäische Verbreitung der Werke Isidors von Sevilla, dans Mittelalter- liche Studien. Augewählre Aufiätze zur Schnfikunde und Literaturgeschichte, 3 vol., Stuttgart, 1966-1981. Vol. 1, p. 171-194; cf. p. 175-188. M. Smyth, Isidore aivi Early

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LE DfAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 99

les soumettre, & i'interieur du De rerum natura, a des modifications et elaborations ulteirieures"!

La pridominance des diagrammes cosmologiques circulaires avait valu a u De rerum izatura d'etre appele Liber rotamrn probablement des le VIP siecle. La reponse d u roi Sisebut a u traite, un poeme sur les eclipses ridig6 en 613, porte ainsi le titre Epistula Süebtrti regis Gothorum missa a d Zsidorum de Libro rotarum". Dans i'ordre, ces roues sont les suivantes :

1. la roue des mois 2. la roue de l'annie e t des saisons 3. la roue des cercles d u monde 4. le cube des elements 5. la roue du monde, de l'annee et de l'homme 6. la roue des planetes 7. la roue des vents 8. la carte de la terre habitee en T-0"

InSh Cosmopphy, dans Cambndge Medieval Celtic Studies, 14, 1987, p. 69-102. M. Herren, On the earliest Irish Aquaintance wifh Isidore of Seville, dans Visigothic Spain : New Approaches, E. James Od., Oxford, 1980, p. 243-250; cf. p. 246. J. N. HiU- garth, Ireland a d Spain in the Seventh Century, dans Periria, 3, 1984, p. 1-16; cf. P. 8-9.

'" I1 en est de meme de la plupart des figures isidoriennes qui avaient migre Vers les 6crits deBede. Le sujet n'apas et6 etudie. Ch. W. Jones (ed. BedaeVenerabilis Ope- ra didascalica I, CCSL CXXIII A, Tumhout, 1975, p. 186) estime que Bede lui-meme n'avait pas inclu de figures dans son texte duDe rerum natura. Pour Une mise a jour de la liste des manuscrits, cf. W. Stevens, Bade's Scienfific Achievemenr, p. 33 s.

" Fontaine ed., Traitd de la nature, p. 329. Le catalogue fragmentaire de la bi- bliotheque de Fulda (avant 800). comporte ce titre : B. Bischoff, Die Bibliothek in2 Dienste der Schule, dans Mirzelalterliche Studien, vol. 3, 1981, p. 213-233; cf. p. 216. Mittelalterliche Büchewerzeicltnisse des Klosters Fulda und andere Beiträge zur Ges- chichte des Hosfers Fulda im Mittelalter, G. Schrimpf ed., Francfort s. M., 1992, p. 8, no. 23. Le titre Rotaninz liber y est associe, de facon etronee, au De ordine creatura- rum; le manuscrit balois avec la liste de titres (F I n 15 a, Vers 800) comporte juste- ment le De rerum natura avec ses figures circulaires. En outre, le De rerum natura est appele Liber rotarunn dans Laon, Bibliotheque municipale, ms. 423, fol. 1; 79v (VIII' s.). S. Martinet, 'Sainfe-Marie-Saint-Jean'de Laon, dans Enluminure carolingienne et romane, dans L a dossiers de lhrchdologie, 17, 1976, p. 26-34; cf. p. 28. En principe, tout schema circulaire pouvait etre appele rota, quel que f5t son contenu. Mais l'as- sociation entre orbis et rota est basee sur le type suivant d'&tymologie : Orbis a rotun- ditate circuli dictus, q ~ ~ a s i sicut rota es?; unde brevis etiam rotella orbiculus appellatur. Undique eninz Oceanus circumfluens eius in circulo ambir fines. Isidore, Etyniologies, Xni. 11. I (Isidori Hispaliensis Episcopi Etymologiarum sive originum libn X X , W. M. Lindsay &d., Oxford, 1911; reed., 1957, 1962).

" A I'exception des diagrammes 2 et 5, nous reprenons les designations de Fon- taine.

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100 BARBARA OBRIST

Quatre de ces figures relevent de la physique du monde sublunaire : la roue de l'annie et des saisons, le cube des elements, la roue de l'annee, du monde et de l'homme, ainsi que la roue des vents.

Parmi les figures a contenu physique, une importance particuliere revient a la roue de l'annee et des saisons en ce que, composee d'un minimum d'elements signifiants, elle mene au ceur meme de la cosmo- logie physique antique et de ses prolongements medievaux : rythmant la geniration et la destruction des choses terrestres, le cycle Saisonnier y est mis en relation avec les combinaisons changeantes des qualites primaires, de l'humide et du chaud, du chaud et du sec, du sec et du froid, du froid et de l'humide. Plus pricisement, les saisons sont presentees comme rbultant des combinaisons de ces qualites, en meme temps qu'elles en sont compo- Sees. Par contre, dans l'iconograpbie antique Courante, notamment sur les pavements de so], elles soni associees plut6t au Zodiaque2' et, avec lui, soit au cours du soleil, soit 2t Aion faisant toumer le cercle du Zodiaque'". Sur un plafond de la villa San Marco (1" s. ap. J.-C.), 2 Castellammare di Stabia, elles sont representees a l'interieur d'un globe structure par les cercles c61estes2? N'etant pas mis en relation avec le cours du soleil, mais

2'Voir la copie d'un modele antique dans Pans, Bihliotheque nationale, ms. lat. 7028, Col. 154 : Le huste de Sol invicrus se trouve au centre du Zodiaque. les medail- Ions avec les hustes masculins des quatre saisons 6tant disposes tout autour (Fig. 9). CI. I;, .'uinp.>i;iicon 3 , c ~ I3 rnd,;iiqiic dii %.,dinqiis dc l.i \ i i J e r i p i i c . ~ r llnniniil Tihc- ri3, iu~irCr?c D:,! i; A I . -2 Il;>rimann. 7 1 ~ C<;ii.iiiz<,ii ,,I ( ' l i . ~ . ~ i < < i l Iri ( . ~ u / i u > ~ ~ \ f ~ i l ?

UU . , , , , and Faith, dans Age ofSpirituality : A Syinposiunz, E. Kitzinger ed., New York, 1980, p. 75-99; ills. 12 et 13. E. Wickersheimer, ies nzanuscrits latins de nzedecine du Haut Moyen Age dans les biblioth4ques de France, Paris, 1966, pl. V. -, Figures nzddico- astmlogiques des M, XX. et X(. siecles, dans Jaizus, 19 (1914). p. 163-64, fig. 2. Lc ma- nuscrit provient de I'abbaye de Saint-Hilaire de Poitiers.

'%. G. Gundel, Zodiakos. Tierkreubilder in1 Alrert~lm, Mayence, 1992, CF. cat. 4c, p. 234 s. D. Pamsh, Season Mosaics of North Afnca, Rome, 1984. -I Annus-Aion in Roman Mosaics, dans Mosayque romaine tardive. L'iconographie du teinps, Y. Duval kd., Paris, 1982, p. 11-25. M. Le Glay, Aion, dans Lexicon iconographicum mytholo- giae classicae, I, Zurich-Munich, 1981. L. Ahad Casal. Horai, Ibid., V, 1990; -, ICairoiI Tenzpora anni, Ibid., V, 1990.

lS G.-Ch. Picard, Lhrt roi?zaiiz, Paris, 1968, p1. 57. D. Camardo, A. Ferrara, N. Longohardi, Stabiae : ie ville, Castellammare di Stahia, 1989, p. 67, pl. XXI. P. Ar- naud, L'image dzi giohe danr ie monde romain. Science, iconographie, symbolique, dans Mdlanges de I'Ecoie francaise de Rome. Antiquitd, 96, 1984, p. 53-113; CF. p. 74- 75.

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LE DIAGRAMME 1SlDORlEN DES SAISONS 101

avec les qualitis primaires, le cycle saisonnier du diagramme isidorien releve en premier lieu de la physique suhlunaire.

11 esi tout a fait surprenant que, apparemment, aucun temoin antique de Schemas des qualitis, sans ou avec les divers effets de leurs combinai- sons, n'ait suwecu. Les opposes avaient pourtant fait I'objet de specula- tions intenses dans la medecine et la philosophie grecques depuis le Vc siede av. J.-C.26; la schematisation aristoteliciennez7 avait valu aux deux couples d'opposes du chaud et du froid, de I'humide et du sec, Une vie qui s'etait prolongee, dans certains domaines, jusqu'au XVIII. siede. L'une des raisons de cette carence reside sans doute dans le fait que ce type de dia- gramme avait du rester confine dans les manuels, specialises ou &lernen- taires, et n'avait apparemment que rarement ete repris dans la dicoration monumentale ou sur les objets mobiles, ou predominaient les representa- tions astronomiques, astrologiques'~ de ca1endrie1-s" et des ventsjO. Or, non seulement les manuscrits antiques de manuels susceptibles d'avoir renferme des Schemas a contenu physique ont disparu, mais les exem- plaires de luxe copies par les Carolingiens se rapportent avant tout a I'astronomie3' et aux c a l e n d r i e r ~ ~ ~ .

Au Moyen Age, le diagramme isidorien de I'annee et des saisons (no. 21, ainsi que celui du monde, de l'annee et de I'homme (no. 5). qui en presente Une extension, sont omnipresents dans les passages de cosmo-

26Hippocrate, La nature de I'izomnze, J. Jouanna ed. trad. comm., Corpus medi- comm graecorum, I. 1, 3, Berlin, 1975 (env. 420-400 av. J.-C.).

l' F. Solmsen, AridotleS System of rhe Physical World. A Compatison with his Predecessors, Ithaca, New York, 1960.

2S Outre les exemples dans le catalogue de Gundel, Zodiakos, voir les tahlettes d'ivoire de Grand : Les tablettes astrologiques de Grand (Vosges) er i'astrologie en Gaule romaine, Actes de la Tahle-Ronde, 1992, J.-H. Abry ed., Centre d'itudes ro- maines et gallo-romaines de 1'Universite Lyon 111, Collection, n.s., 12, Lyon, 1993.

. stieg und Niedergang der römischen Welt, 11. Prinzipat, 12. 2, Berlin, 1981, p. 432-475.

'O Pour ces demiers, voir i'anemoscope en marbre de Boscovich (env. 200) (Pe- saro, Musie Olivenano), 0 . A. W. Dilke, Greek and Roman Maps, Londres, 1985, ill. 21.

"Aratea. Kommentar zum Aratus des Germanicw Ms. Voss. lat. Q. 79, Biblio- theek der Rijksuiziversiteit Leiden, B. Bischoff, B. Eastwood, Th. A.-P. Klein, F. Mü- therich, P. F. J. Obbema, Luceme, 1989, 2 vol. (facs.). E. Rosenthal, Classical Ele- ments in Carolingian Illustration, dans La Bibliofllia, 55, 1953, p. 85-106; cf. p. 92.

Le calendner de 354 n'est connu que gr2ce a une copie carolingienne, elle meme perdue depuis. M. R. Salzman, On Roman Time. The Coda-Calendar of 354 and the Rhythms of Urban Life in inte Aiztiquify, Berkeley, Los Angeles, Oxford, 1990. H. Stern, Le calendrier de 354, Pans, 1953.

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102 BARBARA OBRIST

logie physique. On peut raisonnablement supposer Une fdquence sem- blable de diagrammes pour les manuels de l'htiquite. L'absence de per- sonnifications de concepts physiques ou de forces de la nature, en l'occurrence, des saisons, des mois et des vents, dans les schemas isidoriens des manuscrits les plus anciensj3, indiquerait que les exemplaires dont s'etait servi Isidore avaient du etre des manuels elementaires peu 6labores du point de vue esthetique.

Mais il existe un petit groupe de schemas circulaires des saisons qui

releve d'une tradition picturale differente de celle transmise par les manus- crits pre-carolingiens du De remm natura d'Isidore de SGville. I1 s'agit de roues des saisons p o u m e s de personnifications dont les pieds convergent Vers le centre. La structure des roues et le style des personnages trahissent l'influence de l'art monumental antique. Le temoin le plus ancien de ce type de ligure connu i ce jour est atteste dans le manuscrit ~ 422 de la - Bibliotheque municipale de Laon, du premier tiers du I F siecle et peut-

.,._J_,., , ,.. 1-= 6 ? 6 ? Z ? ? ~ ~ o ~ e ' ~ ä ' X o i r e (Fig. 7)'*. I1 s'y substitue, a la fin du chapitre

" Les tetes et hustes d'hommes au centre des diagrammes circulaires de deux manuscrits conserves a la Bibliotheque nationale, lat. 6400 G (Fleury, VIF ou VIIF

. . p. 19-34), sont d'un autre ordre que les personnifications de concepts philosophiques et de forces de la nature. Ainsi que l'a bien vu Teyssedre, la presence de ces figures humaines est a interpreter dans le sens dune emergence du courant anthropocen- trique, prksent dans la cosmologie antique aussi bien paienne que chretienne, et qui place i'homme microcosme au centre des choses, ou de l'univers. Dans la skrie des schkmas isidoriens, la 5' figure est spkcialement consacree au theme de la relation entre micro - et macrocosme. Mais dans les deux manuscrits prksentes par i'auteur, la dimension anthropocentnque a en quelque sorte envahi les autres figures, ce dont temoigne la prksence de tetes ou hustes d'hommes au centre de la plupart des fi- gures. Des tetes se trouvent kgalement dans les manuscrits salzbourgeois clm 16128 et clm 14300 et (vers 800), Bayerische Staatsbilbiothek, Munich. K. Bierbrauer, Die

. posterieurs du De remm natura. Ces manuscrits comportent kgalemem Une figure d'atlante soutenant le cube des elkments (cf. Teyssedre, fig. 8 : ms. lat. 6413, fol. 4 V)

qui, dans le manuscrit munichois, s'est transformee en ange. l4 D'apres J. Contreni, le manuscrit ne pnrte pas de marque d'utilisation de cette

kcole et n'y aurait pas ete produit ( n e Cathedral Schooi of Laon from 850 to 930. Its Manusc?+pts and Masters, Munich, 1978, p. 31; 48). Les figures des saisons et surtout des vents de ce manuscrit snnt signalees dans les travaux suivants : 0:K. Werck- meister, I*ch-northunzbrische Buchmalerei des 8. Jahrhundem umi monastische Spiritualität, Berlin, 1967, p. 150-151; ill. 44c. J. Hubert, J. Porcher et W. F. Volbach, Lempire carolingien, Pans, 1968, ill. 176. A. C. Esmeijer, Divina quatemiras, A preli- minary Srudy in the Method and Application of visual Exegesis, Amsterdam. 1978.

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LE DIAGRAMME ISIDONEN DES SAISONS 103

isidorien De temporibus du De remm natura, au diagramme courant de l'annee et des saisons. Dans un second manuscrit, un manuel computiste du debut du XF siecle (Bibliotheque Vaticane, ms. Reg. lat. 1263, de Micy, ..̂ _...._I,.__.-~.., pres d'orleans), Une image semblable, mais de qualite tres infgrieure, accompagne le De temporibus des Etymologies d'Isidore (Fig. 5)35. Les per- sonnifications des saisons de ces deux manuscrits se distinguent par la par- ticularite d'2tre divisees longitudinalement en deux moities aux couleurs

differentes. Egalement omees de personnifications, les roues des vents des deux manuscrits sont construites d'apres un schema semblable.

Les saisons divisees en deux, leurs pieds convergeant Vers le milieu de la roue, se retrouvent dans un psautier conserve a la Bibliotheque Lauren-

du troisieme quart du XIF s. Elles y sont tions des 12 vents, qui surgissant d'ouver-

tures placees aux quatre coins du monde, ainsi qu'avec celle de l'annee, placee dans un medaillon central (Fig. 15)j6. Le modele de cette figure releve d'une tradition picturale differente, selon toute vraisemblance egale- ment d'origine antiquej7.

p. 33, ill. la, b. W. F. Laufner et P. K. Klein, Trierer Apokalypse, facs., 2 vol., Graz, 1975, p. 98, ill. 46. Th. Raff, Die Ikonographie der mittelaltedicben Windpersonifika- tionen, dans Aachener Kunstblätter, 48, 1978-79, p. 71-218; cf. p. 133, 157; ill. 114. A. Dell'Era, Una rielaborazione de1lXrato latino, dans Studi Medievali, skr. 3, 20, 1979, p. 269-301; cf. p. 271. B. Kühnel, From the Earthly to the Havenly Jerusalem. Repre- sentations of the Holy City in the Art of the first Millenium, dans Römische Quartals- chrift für christliche Altertumskunde und Kirchengeschichte, 42. Supplementhek, Rome, Fnhourg, Vienne, 1987, p. 136-7; ill. 137 (vents). E. Fleury, Les manuscrits a miniatures de la Bibliotheque de iuon dtudids au point de vue de leur illusrration, 2 vol., Paris, 1863; cf. vol. 1, p. 28, pl. 3h.

3s L'aspect plutät repoussant des personnifications des saisons de cette figure lui a valu des remarques nkgatives de la part de J. C. Webster, nie Labors of tlie Months in antique and nzedieval Art to the end ofthe Twelflh Cennlv, Pnnceton, 1938, p. 50-51; 133-134. G. M. A. Hanfmam (The Season Sarcophagus in Dumbarton Oaks, Cambridge, Mass., 1951.11, p. 127.128) l'inclut dans son catalogue. Sur le manuscrit, L. Delisle, Notice sur vingt manuscripts du Vatican, dans Bibliotheque de I'Ecole des chartes, 37, 1876. p. 471-527; cf. p. 489-490.

I6Fol. 1. Le manuscrit provient de S. Michele a Marturi (prh de Poggibonsi). P. D'Ancona, La miniatura fiorentina (secoli XI-mI), Florence, 1914, pl. 11, p. 4-5. K. Berg, Studies in Tuscan TweIfih Century Illumination, Oslo, Bergen, Tromsoe, 1968, p. 123, cat. 21, fig. 148. Berg confond les saisons avec les vents et appelle cette image, de facon erromee, une <<reprksentation des quatre ventsn.

" Hanfmann (nie Season Sarcophagus, 11, p. 128) suppose sans raison que les persomifications du manuscrit Reg. lat. 1263 sont, bien qu'ktant inspirkes de l'Anti- quitk, dknvees de reprksentations des qualitks, plutät que de celles des saisons, en faisant etat de Pahsence de tkmoins antiques des saisons diviskes en deux.

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Enfin, des figures circulaires avec personnifications des saisons en forme de bustes de sages sont inseries dans des manuscrits contenant le De ratione tempomm de Bhde, ainsi que, entre autres, des extraits de son De remm natura. Tout comme ceci est le cas des personnifications du manuscrit de Laon, celles-ci se distinguent par leur caractere antiqui- sant. Ce demier type de figure est atteste dans au moins deux manus- crits. dont le ~ remie r . conserve a I'abbave de la Sainte Trinite de Cava

--̂~---.-__l ................. dei Tirreni (ms. 3, fol. 199), date du milieu du X F ~ i e c l e ' ~ (Fig. 38) et Te

-__-.X- _ I_--- second, i Madrid, --.- - Bibliothhque .............. nationale, ms. 19 (A 16), fol. 121, du XIIe ............ . . . . . . . . (Fig. 39)39.

Ce groupe de schemas figuratifs des saisons du haut Moyen Age semble indiquer I'existence d'une iconographie physique antique plus kla- boree que celle dont temoigne le De remm natura d'lsidore, telle qu'elle avait pu se developper dans les manuscrits de luxe, ou dans I'art monu- mental.

En comparaison aux roues des vents personnifies, qui subirent, au Moyen Age, de multiples variationsdO, les schemas omes de personnifica- tions des saisons sont restes peu nombreux et n'ont guhre connu de deve- loppement avant le XIIF sihcle". I1 en va tout autrement de la figure isido-

'W. Rotili, La n~iniatura nella Badia di Cava, I, Naples, 1976, no. 1, p. 101; pl. 111; p. 21-27. P. McGurk, Catalogue of astrological and mytltological illuininared Ma- nuscripts of the Latin Middle Ages, IV, Londres, 1966, p. 16-17. Ch. W. Iones gd., Be- dae Opera didascalica I (De natwra remm), CCSL, XXXllI A, 1975, no. 24; Ch. W. Iones bd., Bedae Opera didascalica I1 (De temporunz ratione), CCSL, XXXIII B, Tumh-t, 1977, no. 47.

'9Codex Diplomaticus Cavensis, bd. M. Morcaldi, M. Schiani et S. De Stephano, 8 vol., Milan, Naples, Pise, 1873-1892. Cf. vol. V : D. B. Gaetani D'Aragona, I manos- critti nzembranacei della Biblioteca della SS. Trinita di Cava de8Tirueni, App., p. I-X, 1- 91. S. De Stephano, La Badia della Tn'nit6 dei PP. Benedirtini in Cava dei Tirreni, Ca- va, 1903, p. 77. Mosrra srorica nazioizale della miniatura. Palazzo di Venezia, Cat. exp., Florence, 1953, no. 91, p. 67 Invenrario general de Manuscriios de la Biblioteca national, I, Madrid, 1953, p. 20-23. A. Cordoliani, Un iiianuscrit de conzput ecclkias- tique nzal connu de la Bibliotheque nationale de Madrid, dans Revisra de Archii.os, Bi- bliotecas y Museos, 57, 1951, p. 5-35. -, Les ntanuscrits de comput ecclisiastique des Bibliotheques de Madrid 12 Serie), dans Hispania sacra, 8, 1955, p. 177-207; p. 178. Les iiiustrations qui nous intgressent ne sont pas mentionnees par ces auteurs.

B. Obrist, Wind Diagranu and the Medieval World Order, A paraitre dans Spe- culunz, 1997.

'' Mais cf., outre les exemples discutes, Montpellier, Faculte de Mkdecine, ms. 48, fol. 23 (1"' moitig du XI' s.) : Annus couronnb est entourk de quatre personnages masculins nus. L'image accompage le chapitre sur les saisons. Pour le XIII. s. : Bre- viaire d'Amowr de Matfre Ermengaud (env. 1288-92) : K. Laske-Fix, Der Bildzyklus des Breviari d'ilmor. these, Munich, 1973, ill. 32. Les pieds des saisons reposent sur

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LE DlAGRnMME lSlDORlEN DES S4ISONS 105

rienne abstraite des saisons. Preseniant, au moyen d'un minimum d'klements graphiques, I'essentiel d'un enseignement physique deja presque millenaire i l'epoque de sa transmission au Moycn Äge, elle fut inlassablement reproduite. En tant que condensk des conceptions phy- siques, le diagramme de l'annie et des saisons merite une attention toute particuliere. Pourtant, chose surprenante a premiere vue, les liens de ce diagramme avec la philosophie antique de la nature n'ont guere fait l'objet d'analyses. Quant aux images avec les personnifications des saisons, celles des manuscrits de Laon, du Vatican (et de Florence) ont bien occasionelle- ment itk evoquees, mais sans jamais avoir ete etudikes. Le dessin du manuscnt de Cava dei Tirreni a ete reproduit dans le catalogue de M. Rotili, celui de Madrid semble inedit.

Avant d'aborder l'analyse des diagrammes et des reprksentations figu- ratives des saisons, s'imposent quelques prkcisions concernant la cosmo- logie antique, astronomique et physique, dont herite le De reutrnz natura. Elles permettront de mieux cemer l'importance historique du document et de ses figures, en meme temps qu'elle aideront i orienter leur etude.

La cosmologie grecque dans le sens etroit du terme s'etait constitue!e, a partir du V siecle av. J.-C., sur la base de modeles geometnques, qui ren- daient possibles des explications justes d'un certain nombre de phkno- menes astronomiques". Ces modeles constituent ce que l'on pourrait appeler le noyau dur de la cosmologie occidentale. Simultanement, ou en tout cas tres vite, ils firent l'objet de modifications et de simplifications. Depuis Aristote, le modele le plus repandu et le plus largement accepte est celui de l'univers xa deux spheresx, c'est-a-dire de l'univers scomposk d'une sphere interieure pour I'homme et d'une sphere exterieure pour les ktoilesn, represente par la roue des planetes dans le De rerum izatura4j. I1 s'agit 1 i d'elaborations dans le Sens d'image du monde, les choix operes dans les modeles cosmologiques mathematiques, ainsi que leur mise en forme, s'ktant faits en fonction de l'evolution des divers contextes sociaux, d'interets politiques et d'exigences des cultes religieux. ~Noyau d u n de la

un cercle central, tandis que leurs index s'appuient sur un cercle placb a la hauteur de leurs tailles.

"D. R. Dicks, Early Greek Asironomy to Aristolle, Londres, 1970; 0. Neuse- bauer, A History of Ancient Mathematical Astronomy, New York, 1975, 3 vol.

"Th. C. Kuhn, La r&olution cope!micienne, A Hayli trad., rbbd., Paris, 1973 (Prc bd., 1957). p. 42.

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106 BARBARA OBRISI

cosmologie et ximage du monde;.> ne representent cependant guere que des poles ideaux; dans la realite, ils connaissent Une infinite de formes inter- mediaires".

Par rapport a cette polarisation, la cosmologie des manuels de l'Anti- quite romaine et celle du Haut Moyen Age, a commencer par le De rerum

natunz d'Isidore, relevent avant tout de l'image du monde, les grands sys- temes cosmologiques grecs n'y subsistant qu'a l'etat residuel. Ce qui en est retenu est presente sous forme de doxai coupes de leur arriere-fond spi- culatif et le plus souvent amputes des demonstrations. N'etant pas concemes par l'itablissement de thiories, d'hypotheses, de modeles aptes a rendre compte des phenomenes observes, les compilateurs les presentent comme autant de transcriptions dUn etat de choses nalurellement donni. Et cette presentation correspond a un Consensus social. La simplification qu'ont subi les theories dans leur transmission scolaire permet de juger de l'etendue de leur acceptation.

Dans 1'Antiquite romaine et au Moyen Age, la cosmologie astrono- mique avait la primaute sur la cosmologie physique, d'abord en ce Sens que ce fut elle qui determina de facon mathematique la forme et la structure de l'univers, et ensuite en ce que l'on s'accordait a imputer aux mouvements des spheres celestes et des astres les causes ultimes des phenomenes phy- siques du monde sublunaire. Du cours du soleil depend le processus de generation et corruption dans la sphere de la nature, car c'est lui qui pro- voque les combinaisons des qualites elementaires et, a travers ceux-ci, des element~'~. Ces eliments etaient censes eire compris dans un processus incessant de transformation les uns dans les autres, leur mouvement a la fois local - les elements se transmutent en accomplissant un circuit de la piripherie au centre et du centre 2 la peripherie de l'univers sublunaire - et a la fois qualitatif - en se recombinant dans un mouvement incessant, les paires de qualites attribuees a chaque ilement entrainent la transformation mutuelle et circulaire de ceux-~i-'~.

La cosmologie astronomique envisage l'univers en termes de cercles celestes qui sont, ainsi que le rappelle Martianus Capella dans son Mariage

M Pour les homologies entre modeles g6ometriques er le developpement de la polis grecque, c f . J.-P. Vernant, Gdomdtrie er astronomie sphdrique dans la cosmologie grecque, dans Mythe er pem& chez les Grecs, reed., Paris, 1985, p. 202-215.

4i Comp. Aristote, Mei4orologiques, W . 1 (378b 10) : On a fud a quarre le nombre des causes des dldments, et de la combinaison (syzygias) de ces causes, il r&ulte que les dldments sont eux aussi au nombre de quarre.

'61nfra, notes 90, 91, 106, 115-117.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 107

de Philologie et de Mercure (410-429), des abstractions mathematiques illus- trant les mouvements des planetes et des astres tels qu'il se prisentent a l'observateur, et non pas des substances". La cosmologie physique definit le monde en termes d'entites corporelles. I1 est compose de quatre parties concentriques selon la tradition platonicienne, identifiies aux quatre 616- ments, cinq selon la tradition aristotelicienne : Les philosophes de la nature diclarent que la premiere enveloppe <du globe terrestre> est de l'eau, la seconde de l'air, la troisieme d u fi~....'~.

La definition de mundus d'Isidore dans les Etymoiogies est issue de ces distinctions. Le ciel y est identifie au monde dans la mesure il constitue l'enveloppe exterieure de i'univers, dont la revolution est a l'origine de tous les mouvements ultirieurs des spheres et des astres, ainsi que des enve- loppes ilementaires sublunaires, ceiles de l'air et de i'eau : E n latin, les phi- losophes appellent emonde>j ce qui se meut dans un mouvement sempitemel, comrne le ciel, le soleil, la lune, l'air, 1es mers. Aucun repos nks t concddi a ses iliments, et pour cette raison, il est toujours en m o ~ v e m e n t ' ~ . Celle donnee dans le chapitre XI. 1 du De rerum natura, De partibus mundi , se rattache tout particulierement a la cosmologie physique : I1 y a quatre parties dans le monde, <celle du> feu, <celle de> l'air, <celle de> l'eau, ce l l e de> la tewe. Voici leur nature : le feu est mince, pointu et mobile Une variante de cette definition est donnee dans un chapitre pricident, le monde y etant defini comme l'ensemble de toutes choses, qui se compose d u ciel et de la terrei'. Dans la perspective physique, scielx et xterre,, sont couramment assimiles aux iliments du feu et de la terre, entre lesquels se situent les elkments intermidiaires, l'eau et l'airs2. Au debut de son De rerum natura (vers

" Martianus Capella, De nuptiis philologiae et Mercurii, VIII. 815.16 ( J . Willis ed., Leipzig, 1983).

'81bid., VIII. 814. Suivant l'usage des manuels, Martianus Capella mentionne les dem traditions.

Isidore, Etymologies, XIII. 1. 1-2 : Mundus latine a philosophis dictus, quod in sempitemo motu sit, ut caelum, so/, luna, aer, maria. Nuila enim requies eius ele- mentü concessa est, ideoque semper in motu est. Macrobe, Satumalia, I. 9. 11-12 : Alii mundum id es? caelum esse voluerunt Ianumque ab eundo dicrum, quod mundus semper uzt, dum in orbem volvitur.. ( J . Willis ed., Leipzig, 1963). Aristote, De caelo, 283b 26.

501sidore, De rerum natura, XI. 1 : Partes mundi quattuorsunt : ignis, aer, aqua, rerra. Quarum haec est natura : ignis teizuis, acutus et mobilis ... Fontaioe traduit parfes par dldmenrs. Cependant, il est preferable de garder, dans ce cas, la dimension topologique du mot.

Ibid., IX. 1 : Mundus est universitas omnis quae comtat ex caelo et tena. 12La source uitime est le Timde, 31B. Cf. F. M. Comford, Plaro's Cosmology. The

'Timaeus'of Plato, Se ed.; repr., Indianapolis, 1975.

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703-5), Bkde donne ainsi la definition suivante, derivee de Pline : ~ ~ M u n d u s est universitas omnis, quae constat ex caelo et ternr, quattuor eiementis in speciem orbis absoluti globatan".

La cosmologie physique comprise comme l'investigation des causes et principes des processus de changement et de transformationsi ne semble avoir O C C U ~ ~ qu'une place modeste dans l'ecole romaineS5. La dispropor- tion entre documents iconographiques astronomiques et physiques par- venus de l'Antiquite reflete cet etat de choses. E n tant que science du monde corporel soumis au changement, la philosophie de la nature occupait une place inferieure dans la hierarchie du savoir dont le but etait le depassement de la sphere du changement, du devenir, pour aboutir la contemplation de YEtre, de la vkrite immuable. En revanche, la cosmologie astronomique retenait la place d'honneur dans l'enseignement du quadri- vium dont le r6le consistait a detourner l'ame des pr~occupations terrestres et de la preparer a s'elever vers les regions celestes, par l'etude de I'ordre cosmique tel qu'il se manifeste dans la disposition des spheres et le cours reguliers des astres. De f a ~ o n significative, les cosmologies de Martianus Capella et de Macrobe sont des cosmologies avant tout astronomiques, les opinions des plzysici concernant la composition ilementaire des choses n'dtant mentionnees que ponctuellements6.

Dans l'ensemble, le haut Moyen Age se place dans la tradition cosmo- logique romaine privilegiant l'astronomie, en vue de l'etablissement de calendriers. A l'epoque carolingienne, Le Mariage de Philologie et de Mercure par Martianus CapellaS7, et le Commentaire sur le Songe de Scipion de

*'Bede, De remm natura, 111. 2-4 (Iones Cd., 1975). Comp. Pline, Nur. hist., 11. 11. 5; 11. IV. 10. Martianus Capella, De nuptiis, VIII. 814.

" I1 existe une tradition d'hierarchisaiion des sciences qui pose comme science premiere la physique, i'astronomie lui etant subordonnee (pour une esquisse des di- vers courants, cf G. Aujac, Strabon er 1a science de son tenzps, Paris, 1966, p. 94 s.). Pour les neo-platoniciens, le Tinzde de Platon itait ainsi la physique par excellence (Proclos). Cf. M. Baltes, H. Dörrie, Der Platonismus im 2. und 3. Jahrhundert itach ChrÜ-tu, Stuttgaii-Bad Cannstadt, 1993, p. 280 s. Pour Jean Scot grigene, lesphisici, un terme fr6quemment utilise comme synonyme de philosophi, s'occupent tantöt des phenomenes cClestes, tant6t des elements et des liens les unissant; Annotationes in ,Marcianum, 3.5; 18. 15; esp. 454. 13 (C. E. Lutz Cd., Cambndge, Mass., 1939, p. 4; 29; 180).

"I. Hadot, Arts libe'raux et philosophie dans la pense'e anrique, Pans, 1984, p. 252-253.

s6Macrobe, Cominentani in Somniuiiz Scipionis, I. VI. 37 (J. Willis ed., Leipzig, 1983). Trad. W. H. Stahl, Co~nmentary on the Dream of Scipio, New York, 1964, p. 107. Martianus Capella, De nuptiis, VIII. 814.

s'Bien que ce texte n'ait t~aisemblablement jamais entierement disparu, ce

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 109

Macrobe (vers 400)j8 deviennent les piliers de I'enseignement des arts libe- raux, en meme temps que les manuels astronomiques romains richemcnt illustres d'AratosS9 et d'HyginM, sont copies et connaissent Une grande Vogue.

Cependant, 1a encore, on constate que non seulement des traites astro- nomiques furent remis en circulation, mais que l'effort de reacquisition du savoir ancien s'etendait egalement au domaine de la physique qualitative$'.

Si, en theorie, la difference entre cosmologie astronomique et mathe- matique et cosmologie physique est clairement etablie dans les definitions des domaines respectifs, la realite est complexe et pose de nombreux pro- blkmes de raccord. Dans les manuels elementaires, cette problematique n'est que rarement explicitee, les doxai tires des divers domaines y etant simplement juxtaposes. Ainsi, le De remm natuua s'etend longuement sur les effets du cours du soleil, mais sans relier de facon prkcise la perspective astronomique & la physique. Aussi, contrairement a ce que pourraient sug- gerer la legende de la figure de l'annee et des Saisons (Fig. 1, 2). ainsi que celle de la figure du monde, de I'annee et de l'homme (mundus annus Izomo) (Fig. 3, 4), les digrammes et textes correspondants relient le cycle annuel et Saisonnier non pas au cours du soleil, mais aux combinaisons des qualites primaires ou elementaires, dont l'etude relkve de la physique

n'est qu'a i'epoque carolingienne qu'il commenca a avoir un impact. C. Leonardi, 1 codici di Marziano Capella, dans Aevuin 33, 1959, p. 433-489; 34, 1960, p. 1-99; 411- 524. Le manuscrit le plus ancien semblerait Etre celui de Karlsruhe, Landesbiblio- thek, ms. LXXIII (I' tiers du iXc s.).

'$B. C. Barker-Benfield, The Manuscriyts of Macrobius' Conznzeiztary on the 'Somiziui?z Scipionis', thkse manuscr., Corpus Christi College, Onford, 1975, p. 160. Le manuscrit le plus ancien de ce dernier auteur daterait du premier tiers du I X sikcle, Paris, Bibliothkque nationale, lat. 6370. En dernier lieu, A. Hüttig, Macrobius im Mittelalter. Ein Beitrag zur Rezepfionsgeschichte der 'Comnzentarii in Soi7znium ScipionU-', dans Freiburger Beiträge zur nzittelalterlichen Geschichte, vol. 2, Franc- fortlM, Beme, New York, Paris, 1990, p. 42 s.

59 Pour les manuscrits, cf. Aratea, 1989. "G. Vire, La transmission du 'De astrononzia'd'Hygin jusqu'au XllI~sie?cie, dans

Revue d'histoire des textes, 11, 1981, p. 159-276. A. Le Boeuffle ed. trad., Hygin, Astro- nonzie, Paris, 1983, p. xlvi-lvi.

6' Des irudits ayant probablement appartenu au cercle de Jean Scot Erigene tra- duisirent ainsi du grec Une compilation de textes philosophiques itahlie peu de temps apres la fermeture de PEcoie d'Athknes, en 529, et qui inclut, en matikre de philosophie de la nature, d'importants extraits des Mir4orologiqiies dXristote, et aus- si de Thkophraste : Priscianus Lydus, Solutiones ad Chosroem, I. Bywater id., dans Supplementum Aristotelicui7z. I, Berlin, 1885, p. 41-104. Pour les manuscrits, cf. M.- Th. d'Alvemy, Les ~~Solutioizes ad Chosroeins de Priscianus Lydus et Jean Scot, dans Jean Scot Eriggize et i'histoire de la philosophie, Paris, 1977, p. 145-160.

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110 BARBAR4 OBRIST

sublunaire6'. De la chaine causale cosmique, debutant par le mouvement de la sphere exterieure, le diagramme isidorien des qualites et des saisons ne presente que la tranche ultime et inF&ieure, taut en omettant la relation causale ecliptique-qualites primaires; au contraire, ils montrent i'effet des combinaisons des qualites tel qu'il se manifeste a travers le cycle saison- nier.

Les deux courants physiques principaux representis dans le De remm natura sont celui issu de la physique qualitative aristotelicienne et celui de la physique neo-platonicienne, qui rattache des notions de phy- sique qualitative au modele cosmologique platonicien mathematique. En revanche, la physique stoicienne du Pneuma est absente du De remm natura, ce qui est d'autant plus surprenant que celle-ci, bien que souvent reduite a de simples lieux communs, est par ailleurs tr&s repandue dans les manuels et ency~lopidies~~' . ainsi que dans la poesie cosmologique de la fin de i'Antiquit&".

Le De rerum natura expose les deux traditions principales de cosmo- logie physique, peripateticienne et neo-platonicienne, non seulement par le texte, mais les resume egalement sous forme dia,ammatique. La premiere est representee dans la figure des saisons, le changement saisonnier y etant present6 comme la manifestation sensible du processus incessant de combinaison et de desagregation des qualites, ainsi que dans la roue, du monde de l'annee et de l'homme. La seconde tradition trouve son expres- sion graphique dans la figure du solide des ilements.

La compilation isidorienne sur la nature des choses se distingue donc par la place qu'elle accorde aux questions physiques, bien que sa cosmo- logie soit fondee en demier lieu sur les presupposis astronomiques. Des la priface, l'auteur se propose ainsi d'exposer

" L'image du cours du soleil a ete ajoutee a certaines representations du cube des elements, la plus developpee itant celle du ms. Ross. 247, fol. 60 (XI'S.) de la Bi- bliotheque Vaticane. Cf. L. Pressouyre, Le cosnzos plazonicien de la cuth4drule d'A- nagni, dans Mdlanges diirchdologie et d'histoire, 78, 1966, p. 551.593. fig. p. 561. Comp. Fig. 36. J. E. Murdoch, Album of Science. Anliqwity und the Middle Aga, New York, 1984, no. 247, p. 280-281.

6'Outre des auteurs comme Ciceron, Seneque et Manilius, cf. Pline, Nai. hkt., 11. 1V. 10.

M. Lapidge, A Sroic Meraphor in Late Laiin Poetry : llre Binding of the Cosmos, dans Laromus, 39, 1980, p. 817-837.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 111

... le calcul des joun et des mois, ainsi que les bomes de I'annee, la suc- cession des saisons, et aussi la nature des elements, enfin le cours du soleil et de la lune et les propri6ti.s de cenains astres -je veux dire les pronostics du temps et des vents, - sans oublier la position de la terre et les bouillonnements alternes des mar6esbi.

Cette enumeration des sujets est doublee par celle de la Sagesse de Salomon (Sap. 7. 17), qui presente de facon plus incisive la division entre connaissance astronomique et physique, en commengant par mentionner la science de l'ordre harmonieux du ciel et celle des vertus des elements :

C'est Lui qui m'a donne la science veritable de ce qui est, afin que je sache I'ordre harmonieux du ciel et les vertusM. des elements, les phases suc- cessives des r6volutions astrales et les divisions des saisons, le coun des annees et les differentes positions des etoiles.6'.

Le De rerum natura presente le domaine physique comme fonction- nant de facon autonome, l'all~gorisation chretienne ne faisant que se superposer a un expose sur la nature qui tient a lui tout ~ e u l " ~ . Le De rerum natura a pour sujet le rythme nature1 des choses dans le Sens ou la sphkre sublunaire de la nature embrasse tout ce qui est mi3 par le cours annuel du soleil et se contente de donner u n aper* des procrssus tels qu'ils se repetent r&guli+rement depuis le debut du monde, auquel Isidore ne fait qu'une brkve allusion tant il semble aller de soi. Ce n'est que dans le De rerunz natura de Bkde, que la doctrine creationniste est presentee en intro- duction69, cependant que les allCgorisations sont omises. Et si les allegori- sations dans un Sens ecclesiastique et chretien n'affectent pas la structure et le contenu de l'expose physique du De rerum natuva d'I~idore'~, aucun diagramme ins&& dans ce traite ne comporte des elements picturaux des- tines & renvoyer a un sens spirituel.

Une comparaison avec le De universo de Raban Maur permet de

"Isidore, Traitdde la Nature, Pr& 1.6-11 : ... rafionem diemm ac mensuunz, anni quoque meta er temporum vicissirudhzem, naturam etianz elementorum, solis deitique ac lunae cursus et quorundanr Causa actrorum, tempestatum scilicet sipza atque ven- tomm, necnon et terrae postirionein aitemosque nzaris aestus.

M eQua1iti.s specifiques,> dans la traduction de Fontaine. 671bid., Prif 1. 18-20 : ... ut sciain dispositionenz caeli er virtutes elementorum,

conversionunz mutafiones er divisiones teilzporum, annorunz cursus er stellarum dis- positiones.

6s En cela, nous nous raitachons au jusement emis par Fontaine, cf. supra, note 10.

69De natura rerunz, 1-11 (Jones Ed., 1975). 'Var exemple, Isidore ajoute le paragraphe suivant a son exposi. sur les sai-

sons : Mais d'aprk l'alldorie, l'hiver s'eiztend au Sens de tribulation iemporelle ... Quant au printemps, c'est le renouveau ou la paix de la foi ... (ch. VII. 6).

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112 BARBARA OBRIST

mesurer le degre d'independance de l'expose isidorien vis-a-vis du spirituel chretien : dans ce dernier texte, la nature est reduite a Une fonction de signe corporel renvoyant au spirituel. Les diagrammes du De laudibus sanctae crucis traduisent cette inversion de perspective". Mais la fonction de ce poeme n'etait pas l'instmction en matiere de physique. Aussi importe-t-il de souligner que l'essor, a l'epoque carolingienne, de l'allegon- sation de l'univers physique n'avait pas pour contre-partie la diminution de l'intergt dans des phenomenes naturels. La diffusion des De remm natura d'Isidore et de Bede, ainsi que la multiplication des recueils astronomiques et de comput, attestent suffisamment l'interet des Carolingiens pour la nature des choses celestes et terrestres en tant que te l~ '~ .

Reduit au minimum, le savoir transmis par les manuels est facilement transcriptible dans Une forme diagrammatique, les aspects essentiels du squelette conceptuel se condensant ainsi dans les diagrammes. Envisage dans cette perspective, le diagramme isidorien de l'annee et des saisons d'une part, de celui des planetes de l'autre, ont trait aux aspects centraux de la cosmologie physique et astronomique. 11s sont l'expression figurative de ce que Thomas Kuhn appelle, au sujet de el'univers a deux spheres,,, des schemes conceptuels, dont Ia forme simplifiee obeit a la necessite de l'economie conceptuelle, et permettent nombre de deductions nouve1les7'.

Pour les diagrammes cosmologiques medievaux se pose des lors la question des choix operes dans les divers couranis cosmologiques anti- ques, des omissions, et des recombinaisons, ainsi que du sens qui en emerge. En ce qui concerne le De rerum natura, le problerne reste relative- ment simple : dessinees dans ce qui pourrait Sire appelee Une enclave romaine de transmission du ~avoir '~, ies figures isidoriennes se presentent comme des copies d'exemplaires antiques, tout comme le texte est un tissu d'extraits de manuels. Mais, pour l'epoque carolingienne, il s'agit, en plus, d'itablir des criteres susceptibles de permettre Une distinction entre copies et adaptations medievales plus ou moins libres de modeles antiques - le psautier d'utrecht presente un cas exemplaire de ce genre de probleme - . De facon plus generale, il s'agit d'en an-iver a reconnaztre les traits distinc-

"Cf. infra, note 152.

Carolil?giaizs und tl?e Wnfren Mlord, Cambridse, etc., 1989. "Kuhn, La ri~>olution, p. 54 s.

POUT un tableau nuanc6 du contexte culturcl, cf. Fontaine, La culrure, 11, ch. v-m1.

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LE DIAGRAMME ISIDORTES DES SAISONS 113

tifs relevant d'une cosmologie proprement medievale, au-dela du noyau antique.

Telles qu'elles se presentent dans les manuscnts mediivaux les plus anciens, la fonction des figures isidonennes est soit tabnlatnce, soit combi- natoire, ou les deux a la fo i~ '~ . En meme temps, ces diagrammes ne sont pas depounius d'une certaine dimension mimetique, les cercles, ou roues, ayant et i consideres comme des images des globes celeste et terrestre, ou de la terre habitee schematisee sous forme de cercle, ainsi que des pro- cessus cycliques. Les roues isidoriennes montrent ainsi des aspects cosmo- logiques juges essentiels, au moyen de combinaisons changeantes entre les unites et leurs subdivisions. A i'interieur du De rerum natuua d'Isidore, le nombre d'klements signifiants dont se composent les figures reste reduit. Mais, repns dans d'autres traites et extraits de traites, les diagrammes peuvent s'ennchir de tant d'unites et de subdivisions qu'ils finissent par donner Une image complete et synthetique de I'universi6. Plus ces schimas s'enrichissent d'eliments signifiants, plus ils posent un problerne a la fois de designation et d'interpritation. En fait, dija le cas des diagrammes apparemment les plus simples, a commencer par celui de I'annee et des sai- sons, n'est simple qu'en apparence. Au centre des cercles sont en general places les noms des unites, dans le cas de la roue de i'annee, celui d'annus. Les noms des saisons, qui en constituent les subdivisions, ou les parties constitutives, sont disposes le long de la circonference (Fig. 1, 2). Aussi ponr designer ce diagramme, est-il utile de mentionner non seulement I'annee, mais egalement les saisons, car I'annee pourrait se subdiviser en mois. Mais il reste que la designation uoue de I'annee et des saisonsn a Une connotation astronomique, alors que la correlation de ces unites tem- porelles avec les qualites primaires dans la figure du De revtlm natuua ren- voie en realite i la physique. I1 est plus difficile encore de dksigner de facon adiquate et exhaustive les diagrammes combinant plusieurs unites avec leurs subdivisions respectives. Dans le cas du 9 diagramme, les mots de mundus, annus, homo sont places au centre du cercle (Fig. 3, 4). Les par- ties constitutives de ces unites sont les quatre elements, les quatre saisons,

'j Murdoch, Album of Science, ch. qTabulated information>), p. 32 s. " Pour le haut Moyen Age, le diagramme de Byrthferth (autour de I'an 1000) est

reprksentatif. 111. en frontispice dans C. J. Crawford, Byrthfirthk Manual, EETS 177, Londres, 1929; rkkd. avec tables d'errata par N. R. Ker, Londres, 1966. Ch. et D. Sin- ger, A Restoration : Byrthfirth of fai?zseyS Diagram of the Physical und Physiological Four, dans Bodleian Quarterly Record, 2, 1917-19, p. 47-51. Murdoch, Album of Science, no. 290, p. 365.

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les quatre humeurs. En plus de ces subdivisions y Figurent les qualitks d u chaud et d u froid, d u sec et de l'humide, qui entrent dans la constitution de toutes les autres parties et unites. D'autre part, depuis l'kpoque carolin- gienne s'ajoute le Logos avec ses subdivisions, i savoir les quatre Evange- listes distribuant le Verbe dans les quatre parties de l'univers7'. Ainsi, 2 moins d'aligner toute Une serie de mots-clks, la designation des schemas complexes pose toujours un probleme de choix qui, s'il est trop arbitraire, peut mener i un faux classement.

LE DIAGRAMME ISIDORIEN DE L ' A N N ~ E ET DES SAISONS

ET SON CONTENU PHYSIQUE

La figure abstraite de l'annee et des saisons (Fig. 1,2) est inserke dans le chapitre V11 d u De rerum natura, De temponbus. Les trois premiers para- graphes e n sont consacres au cours d u soleil, cause d u cycle ~aisonnier '~ , le quatrieme, 5 i'expose physique sur les saisons. La figure correspondante se rapporte exclusivement a cette derniere partie d u chapitre.

Puisquen precisant leurs differentes nous avons rEsum6 la succession des saisons suivant les deiinitions des anciens, exposons maintenant de quelle maniere ces memes saisons sont unies entre elles par des liens naturels. Le printemps se compose d'humidite et de feu, l'ete de feu et de secheresse, l'au- tomne de secheresse et de froid, l'hiver de Froid et d'humidite. Par suite, les saisons (tempora) tirent leur nom du m6lange (temperamentum) de ce qui leur est commun, dont voici la figure?

?' Pami les nombreux exemples, cf . le Christ en Majeste de la Bible de Vivien (en~:. 845-6) (Pans, BN, ms. lat. 1, fol. 330~) . C. R. Dodwell, The Pictorial Arts of the West 800-1200, New Haven, Londres, 1993, ill. 58. Pour l'epoque romane, cf., entre autres, Bnixelles, Bibliotheque Royale, ms. Roy. 11. 1639, €01. 6v. H. Bober, Inprinci- pio : Creation before Time, dans De artibus opuscula XL : Essays in Honor of Emin Panofsky, 2 vol., New York, 1961; vol. I , p. 13-28. Murdoch, Album of Science, na 283, p. 350-351. Pour la fin du XIIF siecle, mais toujours dans l'ancieme tradition de la culture monastique, Munich, clm 2655, fol. 105v (Fig. 33). Murdoch, n" 291, p. 366- 367.

'"sidore, De remm nQturQ, ViI. 1. 1-4 : Sic ait Ambrosius : tempora sunt vices murarionum, in quibus so1 certa cursus sui dimensione anni orbenz inconfusa varie- tate distinguit. Tempora autem a motu siderum sunt.

'glbid., ViI. 4. 34-41 : Qnoniam certü- dü-tinctionibus vicissitudines tempomm iuxta priorum definitiones praestrinximus, nunc qualiter eadem tempora naturaiibus vinculis sibi invicem coniigantur expediamus. Ver quippe coi?stat ex humore et igni, aestas ex igni et siccitate, autumnus ex siccitate et f ~ g o ~ e , hienzps er fngore er hu,v201e. Unde eriam sunt tempora a communionis temperamento dicta, cuius communionis haec est figura. Nous avons remplace la traduction de Fontaine .du melange de leurs

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 115

La figure circulaire de l'annee et des saisonsa0 comporte, au centre, le mot d'annus. Les mots suivants, repetes chacun deux fois, sont disposes le long de la circonfirence du cercle : calidm, caldidus / sicca, sicca / frigidus, frigidus / humidus, humidus. Quatre arcs de cercle renferment ces paires de mots. Dans leur intervalle sont places les noms des quatre saisons et, en- dessous, ceux des quatre directions du monde : en haut, dans I'axe, ver, oriens; a droite, estas, meridies en bas, autumnus, occidens; a gauche, hiemps, septentrio. Une seconde serie de quatre arcs de cercle regroupe les noms des saisons flanques de ceux des deux qualites qui les caracterisent : humide et chaud pour le printemps, chaud et sec pour l'ete, sec et froid pour l'automne, froid et humide pour l'hiver. Contrairement a ceux de la premiere serie, ces arcs se touchent (manuscrit de Laon) (Fig. 1) ou s'entre- croisent (manuscrit de Munich) (Fig. 2) de facon 2 former Une suite cir- culaire continue.

Le theme du lien entre les saisons qu'expose le texte se decompose en trois elements : 1. Les saisons sont unies entre elles par des liens naturels, l'humidite, la chaleur, etc. 2. Ces memes liens sont ce en quoi consistent les saisons. 3. Les saisons sont un melange - temperamentum - de ce qui leur est commun, c'est-a-dire de respectivement deux qualites qu'elles partagent avec les saisons voisines. En somme, les qualites sont a la fois les liens entre les saisons et a la fois leurs parties constitutives.

Par rapport au texte qu'elle accompagne, la figure des saisons comporte des elements signifiants supplementaires, d'abord par la disposi- tion circulaire de la liste des qualites, et ensuite par les arcs de cercle les regroupant deux par deux en se touchant ou en s'entrecroisant. Les notions centrales de lien et de melange se trouvent ainsi specifiees dans le sens de circularite et de continuite.

elernents communsn par sde ce qui leur est cornmunn, parce que le terme d'eliment est equivoque, suggkrant la presence des quatre ilkrnents alors que ceux-ci sont jus- ternent absents de ce chapitre. Si, dans cette version, Isidore parle de .<feu», il s'agit en realite de chaleur indiquant la nature du feu, et non pas de l'elernent feu. Cornp. Isidore, Etym., V. xxxv. I : Dicta sunt aurem tempora a communionis temperamento, quod invicem se humore, siccitate, calore et frigore temperent.

" Les manuscnts Laon, Bibliothkque municipale, ms. 423 (milieu du VIIP s.) et Munich, Bayerische Staatsbibliothek, clrn 14300 (fin du VIII' s.) seront h la base de l'analyse des schbmas abstraits du De remm natura. Pour Laon, ms. 423, cf. E. A. Lowe, Codices iutini antiquiores, VI, Oxford, 1953, no. 766. Pour Munich, clm 14300, C€. Fontaine, Traite! de la nature, p. 24-25. Bierbrauer, Die vorkarolingischen und ka- rolingischen Handsch*en, 1990, no. 134. Dans son edition du De natura rerum, Fon- taine donne les schemas de clrn 14300 (M). Les figures de ce manuscrit presentent la mtme forme que celles de clm 16128, egalement copik vers 800.

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Les quatre arcs de cercle formant une suite continue montrent les combinaisons possibles entre les qualites, ainsi que l'ordre circulaire dans lequel elles se realisent. Les arcs discontinus ne font que rehausser ce que montrent ceux qui se touchent ou s'entrecroisent : les saisons sont inex- tricablement liees entre elles par leurs qualites communes, le printemps i l'ete par celle de la chaleur, et ainsi de suite. Occasionnellement, on trouve dans les manuscrits la seule suite continue d'arcs de cercle, soit que le schema n'a pas ete termines', soit que l'accent est mis intentionnellement sur la seule idee de Iiens2.

En ce qu'ils entourent les noms des qualites dont se composent les sai- sons respectives, les arcs de cercle qui forment Une suite ininterrompue sont l'expression iconique de leurs definitions. Cet aspect de la figure res- sort clairement d'un passage sur les saisons de Bede, dans le De tempomm ratione, Une variante de celui d'Isidore. Bede y note que l'hiver est froid et humide, le printemps humide et chaud, et ainsi de suiteRi. Donc, dans la mesure ou la definition fait connaitre les attributs d'une essence, et que mqualitea est l'equivalent de la caracteristique distinctive d'une substance, la roue des saisons est la representation de leurs natures. Et, comme le souligne Basile par exemple, dans un passage sur les quatre 616- ments de son Honze!lie sur l'Hexae!me!ron, varie par saint Ambroise et repris, dans cette demikre forme, par Isidore, *la secheresse n'est pas Une qualite ajoutee ulterieurement i la terre, elle est i'un des caractkres qui, des l'ori- gine, constituent son essencen; le sec es? =ce q i ~ j la ferait r e c ~ n n a i t r e » ~ ~ . Manifestes aux Sens, les qualites font connaitre I'essence des saisons.

Ces saisons sont, dans le diagramme isidorien, caracterisees par res- pectivement deux natures, et non pas par Une seule. De ce fait, le schema se presente comme etant modele sur la theorie aristotelicienne des quatre 616- ments, qui leur attribue resepctivement deux qualites pour rendre compte de leur transformation cyclique les uns dans les autree6. Et, 1a ou se

La figure composee de quatre arcs de cercle continus se trouve par exemple en marge du Dragmaticon de Guillaume de Conches, dans le manuscrit du Vatican, Pal. lat. 1042, fol. 11 (XIF s.). Cette ebauche accompagne la definition de zyzygia que donne le texte pnncipal : zyzygia est eomm (elements) quae in qualitaribus differunt, per medium coniunctio (Diaiogus de subsiantiis physicis, Strashourg, 1567, repr., Francfort, 1967, p. 50).

$'Cf. Murdoch, Album of Science, ills. p. 362 8'Bede, De tempomm ratione, XXXV. 10 s. (Jones ed., 1977). De temporibus,

VIII. 2-5 (Ch. W. Jones ed., CCSL, Cm11 C, Turnhout, 1980). %Camp. supra, notes 7, 50. 85Cf. infm, note 91.

Mais Aristote precise : Er cependanr, absolument parlanr, les e!le!ments, dtant au

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LE DIAGRAMME ISIDORIEX DES SAISONS 117

trouvent, dans les diagrammes des elementsp7, les noms des elements, sont places ceux des saisons. La roue isidorienne de l'annee et des saisons pre- sente ainsi l'apparence du cycle des elements, mais sans que ceux-ci n'y figurent. Ayant A l'esprit la theorie de la transfomation des elements, on constate que la roue des saisons n'est pas seulement un diagramme de la nature des saisons, mais aussi, et surtout, un schema montrant les dif- ferent~ types de combinaisons entre les qualites dont resulte leur trans- fomation circulaire.

En fait, i'absence des quatre elements du feu, de l'air, de l'eau et de la terre est tout 2 fait remarquable : en tant que premiers corps sensibles resultant des combinaisons des qualites, les elements et leurs proportions changeantes survenant i travers les recombinaisons de leurs qualites etaient censes Etre a la base de tout phenomene de transforrnation. Les combinaisons cycliques des elements deteminent ainsi les processus de generation et de destruction dans le monde sublunaire, les changements saisonniers n'en etant que les manifestations les plus reguliere$ et les plus directement perceptibles. Mais, dans le diagramme isidorien, les saisons sont prisenties comme la combinaison et le melange des seules qualitis : il y manque donc le chainon des elements, qui devrait se placer entre les qua- lites et les saisons. De mEme que le diagramme se presente sous la f omc d'un schema des elements, de mEme, dans le texte isidorien qu'ac- compagne la figure, le discours sur les elements est transpose sur les sai- sons. Aussi le texte ne designe-t-il pas ces qualites, le chaud et le froid, etc., par un nom generique, mais se limite 2 les caracteriser a travers leur fonc- tion : elles relient les saisons entre elles, en mEme temps qu'elles foment le melange dont celles-ci se composent.

Deux possibilitis se presentent pour expliquer l'absence des elements dans la roue isidorienne : ou bien, I'extrEme contraction de theories complexes, tipique des rnanuels, a entraine leur omission, alors que leur presence est sous-entendue, ou bien, il s'agit effectivement d'un resume de theories physiques dans lesquelles le r6le de principes ne revient pas aux

nonzbre de quatre, ont charui? une seule qualirdpropre : pour la terre, czest le sec plutdt que le froid, pour l'eau, c'est le fioid pluzdt que i'humide (!), pour Ioir, I'humide plutdr que le chaud, et pour le feu, 1e chaud plutdt que le sec (De la g4n4ration et de la conup- tion, 11. 3; 331a 2-5).

Le cycle des 616ments suivant la schematisation isidorienne se trouve da- les commentaires sur le Tu elen~enta ~zumeris 1iga.S ... de La Consolation de Philosophie de Botce. Cf. infra, note 252. Autre exemple, Saint-Gall, Stiftsbibliothek, cod. 238 (IXe s.), p. 338 : la Suite ininterrornpue des quatre arcs de cercle ne comporte que les noms des quatre 6l6ments.

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klements, mais aux qualites, qui acquierent alors le statut de causes agis- sant en tant que forces independantes.

Dans I'un ou dans l'autre cas, Ia thkorie du cycle 6Iimentair-e est sous- jacente au diagramme des saisons. Accompagne dune roue structuree de la m2me facon que celle des saisons (Fig. 3, 4), le De rerum natura en donne un resume. Toutefois, cette roue ne comporte pas seulement les noms des etkments et de leurs paires de qualites respectives, mais aussi ceux des sai- sons et des quatre humeurs. Les noms des elements sont places a l'endroit qu'occupent ceux des saisons dans la roue de l'annee et des saisons, dans les intervalles entre les arcs de cercles isoles; en-dessous, s'ajoutent les sai- sons et les quatre humeurs (il est a noter que, au sommet du cercle ne se trouve plus le printemps, mais l'ete et la bile, colera, suhordonnes au feu). Au centre de la roue se trouvent les noms de, cette fois-ci, trois unites, mundus, annus, homo. Ceci signifie que la roue montre les elements en tant que parties constitutives du macrocosme et du microcosme, ainsi que l'effet de leur cycle annuel de transfonnation, perceptihle dans Ie pheno- mkne saisonnier. Cependant, le texte lui-meme qu'accompagne cette figure ne fait &tat que des ilements et des combinaisons de qualites dont ils resultent. Ni les saisons, ni la composition du microcosme n'y sont men- tionnes. Isidore avait da combiner un texte et une figure qui ne correspon- daient pas dans ses sources.

Le Passage sur les qualites et les 6Iiments qu'Isidore associe avec la figure mundus annus homo, un extrait du Commentaire sur la Genese d'Arnbroise, merite d'2tre cite en entier car, outre le fait qu'il resume la theorie de la gkneration des elements, il a egalement Une importance par rapport aux roues des saisons omees de personnifications en ce qu'il inclut des metaphores de lutte et d'amitie (les bras joints des elernents) et de la ronde de danseurs :

Voici d'ailleurs en quels termes Amhroise distinwe les memes elements, selon les qualites qui leur permettent de se melanger en vertu d'une cenaine participation mutuelle de leur naturea8 : La terre, dit-il, est seche et froide, ieau froide et humide; l'air est chaud et humide, le feu chaud et sec. Car c'est par ces qualites susceptihles de s'unir entre elles que toutes choses se melent ainsi I'une 2 l'autre. En effet, la terre, etant seche et froide, est unie a I'eau par la qualite froide qui les apparente. L'eau a son tour a Pair par I'humidite, car l'air est humide. Et l'eau, ayant en quelque sorte deux bras, celui du froid et celui de I'humide, semhle en ernhrasser respectivement la terre et l'air, la terre avec celui du froid, I'air avec celui de I'humide.

L'air, lui aussi intermediaire entre deux 616rnents naturellement en lutte, l'eau et le feu, se concilie a lon et a l'autre de ces 6lements. car il est uni a I'eau

" Fontaine traduit rracurae cornrnunione par afiirzit4 ~zaturelle

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LE DIAGRAMME lSlDORlEN DES SAISONS 121

I'histoire, celle transmise par Isidore se placant dans la tradition aristoteli- cienne.

Dans la philosophie pr6-socratique et dans les courants philoso- phiques qui la prolongent tout au long de YAntiquite, les contraires, ou opposes, sont concus comme des forces, des dynamis9" Le nombre et la nature de ces opposes vane, mais a pariir du V siecle, il est reduit a quatreg7, en meme temps qu'en tant que qualites, ces forces deviennent les attributs des corps elementaires. Le chaud caracterise donc le feu, le froid, la terre, et ainsi de suiie9R.

La correlation entre qualiies et 6Iements est systematisee par Aristote : en assignant a chaque 6lernent non pas Une seule qualite tactile, mais Une combinaison binaire, il reussit a rendre compte 2 la fois de leur constitu- tion et a la fois de leur transformation continuelle et cyclique les uns dans les autresg9. Schematise de cette facon, le concept de la genesis des 616- ments s'imposa comme le paradigme le plus fondamental de la cosmologie physique de I'epoque pre-industrielle.

Cependant, bien qu'irnmensement Fonctionnelle pour rendre compte du cycle de transformation des elements, la corr&lation aristotelicienne entre qualites et elements posait des problernes. Aristote lui-meme n'am- vait pas a I'appliquer de faron systematique et parlait des qualites cornme pnncipes independants dans le domaine de la b i o l ~ g i e ' ~ ~ . Aussi la tradition cosmologique reposant sur les seules qualites comme forces constitutives ne disparut-elle jamais compl&tement.

Syste~n, p. 321 s; 336 s. G. Viastos, Eqirality and Justice iiz Eariy Greek Cosmoiogies, dans Classical Plzilology, 42, 1947, p. 156.178 G. E. R. Lloyd, Hot and Cold, Dry. aizd Wer in Early Greek Thought, dans Journal of the Hisrory of Science, 84 (1964), p. 92- 106. D. J. Furley, R. E. Allen 6d.. Siudies in Presocratic Pl~ilosophy, vol. 1 : The Be~ in - nings o f ~ h i l o s ~ ~ l z y , Londres, 1970, p. 56-91. G. Freudenthai, The Theory. ofrhe 0$o- sites aizd aiz Ordered ihziverse : Phvsics arid Metazilzssics in Aizaxii?zaizdel.. dans Phro- . , nesis, 31, 1986, p. 197-228.

95 Solmsen, ArirtotleS. System, p. 342 s. F. M. Cornford, Plaro's Theoly of K??otu- ledge, Londres, 1935 (etc.), p. 234-238. H. W. Miller, Dynairzis a~zd Physis in 'On an- ciei~t Medicine', dans Trnnsnctio,zs and Proceedings of the Ainericai? Pliilological Asso- ciation, LXXXIII, 1952, p. 184.198.

G. E. R. Lloyd, Polarity and Analogy, Camhridge, 1966, p. 15-16; 83. 9S Solmsen, A~isiotle's System, p. 346-347; J . Longrigg, Elenzeittary. Physics in

the Lyceuirz and Stoa, dans Isis, 66, 1975, p. 211-229; cf. p. 216. 99Aristote, De la ginirution el de la cormptioiz, 11. 4-5. '"Cf. Solmsen, Aristorle's Sysrenz, p. 347, ou l'auteur cite le De pariibus al?ii?za-

lium, 646a 14-17 : L'hutnide, le sec, 1e chaud et 1e froid sonl la nzatiirc des cOP7JS conzpos&. Longrigg, dans Isis, 1975, p. 213-217.

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122 BARBAR4 OBRIST

Qu'il s'agisse des opposes corporels elementaires ou des opposes quali- tatifs, ils Finissent donc par former un ensemble. Cette reunion devient pos- sible par les intermediaires. Le terme utilise par Aristote pour designer les combinaisons des memes qualites assurant les liens entre les kiements, est celui de s y m b ~ l o n ' ~ ' , en traduction latine, c o m m u n i s qualitas, ou communis natura'O2, ou iuguabilis qualitas, dans le cas du De rerum natura'03. Dans les textes latins, le terme aristotelicien pour designer le lien entre les quatre ilernents, syzygia, est souvent maintenu, les traductions latines synonymes en etant : coniugatio, coniunctio, connexio, copuiatio'"'.

L'identification entre melange de choses corporelles et liens entre les qualites que l'on a pu constater dans le texte isidonen sur les saisons et qui est egalement exprimee par le diagramme, est Une constante dans la littera- ture, bien qu'en principe, il s'agisse de niveaux de discours differents, pby- sique et logique. Les differenciant en thkorie, Aristote lui-meme n'amve pas toujours 2 respecter les frontieres entre les niveaux. Ainsi, il ne se lasse pas a repeter qu'il est impossible qu'en tant qu'attnbuts, des qualites se transforment les unes dans les autres, mais que c'est le substrat dans lequel ils sont inherents qui hange'^^. Et en tant que corps, ce sont les elements qui se transforment en se melangeant, et non pas leurs attnbutsio6. Si deux qualites se combinent pour donner au substrat la forme d'un element, il n' s'agit pas pour autant d'un melange.

Dans les textes mkdicaux, i'identification des combinaisons logiques et du melange de substances corporelles est systematique. Les notions de melange, mixis, crasis, temperamentum, commixtio, s'y rapportent 2 la fois au milange des elements ou des humeurs et a la fois a i'union, ou la combi- naison des qualites primaires au sein des corpslo7. En fait, si Isidore associe les saisons, les tempora, a temperantia, un melange, la difinition du cycle des quatre saisons est tres proche de celle de Sante, Une notion construite sur l'idee d'equilibre harmonieux entre les forces opposees constitutives du microcosme : Sanitas est integritas corporis, et temperantia naturae ex calido et humido. Si les qualites ne se contrebalancaient pas les unes les

'O' Aristote, De la gdndration erde la comption, 11. 4 (331a 24). '02 P. Vossen, Ueber die Elenzenten-Syzygien, dans Liber floridus. Festschrift Paul

Lehniann, St. Ottilien, 1950, p. 33-46; cf. p. 35. 10'Isidore, De rerum natura, XI. 2. 18. lMVossen, Ueber die Elementen-Syzygien. p. 35. losAristote, De 1a gdndration er de la comption, 322 1 ; 329a 30. '"Ibid., 11. 4 (331 a 26 ss). jO' D. Jacquart, De crasis 3% conzpiexio : nore sur ie i>ocabuiaire du tempdramenr en

larin mddidval, dans Centre Jean Paleme. Mdmoires V. Textes mddicaux latins anti- ques, saint-Etienne, 1984, p. 71-76.

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LE DIAGRAMME ISlDORlEN DES SAISOiVS 123

autres, le corps (de l'homme) ne pourrait subsister : si calidum non contemperetur ex fngido et sicco ex humorum corpo" temperamento ... corpus struendum stare non potestJo8.

Au niveau microcosmique aussi bien qu'au niveau macrocosmique, la doctnne du melange equilibre des parties assurant l'unitk de l'ensemble est celle de l'kquilibre des opposes, que cela soient les seules qualitis ou les 614- ments avec leurs qualitis. Et la nature entiere est concue comme un equi- libre dynamique des forces opposees. En s'avancant et en se retractant, elles acquierent bien Une Suprematie successive les unes sur les autres, mais comme ce processus est cyclique, il ne mene jamais i la domination complete de l'une d'entre elles, ce qui signifierait la destruction de i'en- semble. Ceci vaut en tout cas pour le macrocosme qui, contrairement au microcosme, a Une duree indeterminee.

Pour completer I'evocation du cadre philosophique dont est issu le schema isidonen et des commentaires qu'il a pu susciter, il est utile de citer les passages-cles aristoteliciens sur la genesis des elements et du pheno- mkne saisonnier qui en risulte, suivant l'enchainement d'arguments pro- pese par le Philosophe lui-meme. Ceci permettra d'kviter la circulantk du risumk des resumes et de mesurer un peu mieux le fond philosophique des divers resumes physiques, ainsi que leur degre de dependance et d'eloigne- ment. Dans le De la gdndration et de la comption, Aristote pose les opposes tangibles comme principes d'explication du cycle de transformation des iliments. Et, au chapitre I. 6, «Le contact,,, est exposk que ... l'union, c'est Une mixtion ...log. Ensuite, ... toutes les choses qui admettent la mixtion doivent pouvoir entrer en contact rkciproque.. . Le contact appartient seu- lement aux etres qui sont dans un lieu ... Le contact, c'est la coincidence des extrkmite~"~. Les etres qui sont dans un lieu sont des corps et les corps sont ... naturellement en contact l'un avec l'autre quand, etant des gran- deurs siparkes, ils coincident par leurs extrimitks et sont capables d'etre mus et de se donner mutuellement le mouvement ... sont entre eux comme moteur et mfi les corps qui sont douis d'action et de passion"'.

Le chapitre suivant, I. 7, <<L?zction er la passions, expose le r6le des opposes dans la gkneration et la corruption : peut agir et patir seulement ce qui est contraire ou renferme Une contranete. L'agent et le patient, en effet, sont des contraires et la gineration a pour terme le contraire. Necessaire-

'081sidore, ~tymologies, W . 1. 5; N. 7. 26. Anstote, De la gdndralion et de la cormplion, 322b 8. Nous empmntons la tra-

duction de J. Tricot, rked., Pans, 1971, p. 57. "Olbid., 322a 27 - 323a 4. "' Ibid., 323a 10 - 323a 24.

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LE DIAGRAMME lSlDORIEN DES SAISONS 125

une generation circulaire, il en est de meme, a leur tour, pour les choses qui en dependentl's.

A la lumiere des passages qui viennent d'etre invoquis, on constate donc que la figure isidorienne des saisons se rapporte surtout au postulat de base de la pbysique qualitative qui pose, comme principes et causes du processus de la generation et de la destmction, deux paires d'opposes, le chaud et le froid, le sec et l'humide, cependant que les Corps elementaires eux-memes sont ecartes. La figure montre de quelle facon ces opposes sont relies entre eux par des intermediaires. En principe, ce type de relation est illustr4 par le celebre carre des oppos6sn9. Dans le cas present, le schema combinatoire est appliqui au domaine de la nature ou il sert a classifier les manifestations sensibles des associations et dissociations des principes, dans le changement saisonnier. Plus precisiment, tel qu'il se manifeste dans la succession des saisons, le processus d'association et de dissociation des qualites-principes est continu et cyclique, en sorte que le carre se trans- forme en cercle des opposks avec leurs intermediaires. I1 existe ainsi des figures circulaires des iliments qui sont encore proches du cane des O ~ ~ O S ~ S ~ ~ ~ .

Les noms des points cardinaux suggerent la dimension cosmique; cependant, I'implication topologique n'est pas mise en evidente. C'est-a- dire, les quatre elements en tant que parties constitutives du monde et en tant que principes de division du lieu cosmique n'y jouent aucun r6le. Quand intemient cette dimension dans les diagrammes (Fig. 3; 4), la distri- bution des elements dans I'univers est parfois faite sur la base des opposes lourd-leger, le feu occupant la position la plus elivie, la terre la plus basse, suivant la tradition plationicienne et surtout aristotelicienne (Fig. 32; 33)"'. Dans les manuels, les deux ty-pes d'opposes sont souvent juxtap~ses '~~. Quand, dans les diagrammes, les dessinateurs tentent d'etablir la correla- tion entre les opposes servant a expliquer le cycle de generation et de cor- mption et ceux semant a rendre compte de la distribution des elements

'Is Ibid., 338h 1 s. "9Murdoch, Album of Science, p. 62 s. Murdoch interprete dans ce sens la fi-

gure du manuscrit Munich, clm 210, fol. 132 v (p. 352.353) (Fig. 17). "OAvec ses diagonales designees comme contrarin, la roue des elements de

Cambndge, Gonville et Caius College, ms. 428, fol. 3". en est un exemple; infra, note 126. Vatican, ms. Reg. lat. 1222, fol. 6. Pour un .carrin des elements aux c6tks hom- bis (Oxford, Bodleian Library, ms. Digby 75, €01. 129r, XV' s.), cf. Murdoch, Album of Science, p. 353.

"' Anstote en a etahli la theorie dans le De caelo. "'Bede, De Matura remm, N (Jones ed. 1975).

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126 BARBAR4 OBRIST

dans I'univers, il en resulte des incompatibilites : le feu et l'eau se donnent la main (Fig. 33).

Le cercle de l'annee et des saisons renvoie donc en premier lieu a la cir- cularite de I'association et de la dissociation des qualites telle qu'elle se manifeste dans les changements Saisonniers. Le Schema combinatoire des saisons et de leurs qualites se rapporte exclusivement a l'ordre temporel du monde sublunaire, au monde physique perceptible dans le deroulement temporel, le mouvement. Tout est le resultat des combinaisons des opposes tangibles que sont les qualites du chaud et du Froid, de l'humide et du sec, les elements, le monde, le microcosme, un theorie resumee par Raban Maur par la formule omnk machina mundi temporalis est"'.

Dans la figure avant tout comhinatoire qu'est le diagramme isidorien des saisons, le centre n'est qu'un centre nominal. I1 n'indique pas celui de l'univers, mais l'unite temporelle, I'annee, a laquelle se rapportent les combinaisons. Parallilement, les indications des directions du monde ne se rapportent pas en premier lieu aux parties, ou regions, du monde mar- quees par les points solsticiaux et equinoxiaux, mais a des points indiquant un equilibre ideal des qualites primaires qui, dans la rialite, n'a jamais lieu puisque dans ce cas, il n y aurait plus de changement provoquant la genera- tion et la destmction des choses. Dans le schema isidorien, les contraires et leurs intermediaires se tiennent dans un equilibre parfait, geles dans le moment ideal de la construction logique. Le diagramme ne revele rien en ce qui conceme les causes naturelles celestes (l'eciiptique et la translation des spheres celestes) ou divine (le Logos), du cycle des qualites.

Bien que t&s suggestive, la metaphore des bras du Passage ambrosien sur les i l e m e n t ~ ' ~ , ainsi que celle, semblable, du Commentaire sur le Songe de Scipion par Ma~robe"~, n'ont pas souvent ete transposees au niveau pic- turalu6. Aussi les figures humaines des roues du IX au XI' siicle accompa-

"I Infra, note 152. "'Isidore, De reru?n nQtUrQ, XI. 2. Supra, note 90. "sMacrobe, Commentarii in somnium Scipionis, I. VI. 24, Willis ed., 1983. Cf.

infra, note 157. "e Cf. le Tractatus de quatemario. Cambridge, Gonville and Caius College, ms.

428, fol. 3v (debut du XIP s.; vers 1130 d'aprks P. Dutton, Man and Nature in the Middle Ages, Sewanee, 1995, p. 147). M. R. James, A descriptive Cataiogue of the Ma- nuscripts in the Librafy of Gonville and Caius College, Cambridge, 1908, vol. 2, p. 500- 502. Le dessin de la roue, bien que tr6s cm, est interessant : les bras des elements

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LE DIAGRAMME ISIDORlEN DES SAISONS 127

gnant des passages du De reruin natura (Isidore ou Bede) ou des Etymo~o- gies, sont-elles des personnifications des saisons (ou des vents), et non pas des ilements. 11 en est ainsi de celles du manuscrit - ......................... municipale de Laon (1% s.) (Fig. 7)"?, et de celles d . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Saint-Mesmin i Micy de la Bibi<ÖiLkque Vaticane, Reg. lat. 1263 (debut XF

._...-L. . __ s.) (Fig. 5)128. Le Schema circulaire d'un manuscrit du XF sikcle renfermant le De ratione temporum de Bede suivi d'extraits divers (Abbaye de la Sainte- Trinite de Cava, ms. 3, fol. 199 (Fig. 38) presente un cas analogue; toute-

........._..__.W. . ..... _ .._ fois, i en juger par les Egendes, le scribe semblait avoir hesite entre les sai- sons et les elements dans l'attrihution de leur identite aux personnifica- t i o n ~ ' ~ ~ .

Les personnifications dans la roue d u manuscri t d u Vatican accompagnent le chapitre De temporibus des ~ t ~ m o l o ~ i e s d'Isidore, celles du manuscrit de Laon, le De temporibus de son De rerum natura. Dans le texte de ce dernier manuscrit, la phrase tempora naturalibus vinculis sibi invicem conligantur a subi une legere modification : vinculis (liens) a 6te remplace par circulis (cer~les)"~. Si, dans ce cas, la substitution apparait

personnifies dont les hustes emergent d'un medaillon central ressemblent Ades ten- tacules sur lesquels sont inscnts les noms des qualites. Les hustes des elements sont prolonges, a l'inteneur du cercle, par des formations approximativement triangu- laires. Celles entre le feu et l'eau comnortent les noms des oualites calidus et fiieidus. , et sont designees de contraria. Celles entre Pair et la teme porient egalement la d6- signation contrana, en plus de celles d'humida et de siccus. Pour les penonnifica- tions des parties du monde, des humeurs et des saisons, dont les pieds convergent dans tous les cas Vers le centre, cf. F. Sax1 et H. Meier, Catalogue of astrological und mythological Manuscripts of the Middle Azes I11 : Manuscripts in Enylish Libraries, ~nndres, 1953, ill. 222-224. Munich, ~ a ~ e n s c h e ~taatsbihliithek, clmi655, fol. 105" (fin XIIIc s.) : le macrocosme et le Christ arche-e. Thomas de Cantimprt, De natu- ris remm (Fig. 34).

'i'D'apr& J. Contreni (The CathedraiSchool ofLaon, 1978, p. 31; 48), le manus- crit 422 n'a irraisemhlahlement pas 6t6 produit a Laon. Cf. supra, note 34.

'"Ce cycle commence en 1007. L. Delisle, Notice sur vingt manuscrits du Vati- can, dans Bibliothtque de l%cole des chartes, 37, 1876, p. 471-527; cf. p. 489-490. A. Riegel, Die mittelalterliche Kalenderillustration, dans Mitteilungen des Instituts für ösrerreichische Geschichtsforschung, 10, 1889, p. 1-74; cf. p. 51. G. M. A. Hanfmann, The Season Sarcophagus in Dumbarton Oaks, Cambndge, Mass., 1951,11, p. 127-128. J. C. Wehster, The Labors of the Monrhs in antique and medieval Art to the End of the Twelfih Century, Princeton, 1938, p. 50-51; 133-134. H. Otte et E. Aus'm Weerth, Zwei frühmittelalterliche Windrosen, dans Römische Quartalschrifi, 8, 1884, p. 295-307; cf. p. 301-305. Raff, Aachener Kunstblätter, 1978-79, p. 147.

'** Comp. inta, note 240. Laon, Bihl. munic., ms. 422, fol. 5.

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128 B A R B A U OBRIST

comme Une transcription fautive, la roue des saisons de celui du Vatican montre qu'elle peut etre investie d'un Sens precis : les personnifications des quatre saisons y sont reliees entre elles par quatre cercles eniaces, au centre de la figure circulaire, et sur lesquels leurs pieds prennent appui. Les vents sont egalement places sur des arcs de cercle, disposes en quadri- lobe autour d'un medaillon central.

1) Les saisons du recueil computiste de Saint-Mesmin de Micy

Bien que l'image des saisons du Vatican soit posterieure et trks infe- rieure en qualite L celle de Laoni3', elle sera discutee en premier car, accompagnes de la legende annus, les cercles enlaces y renforcent l'idee de circularite temporelle, tandis que le motif central de la figure des saisons du manuscrit de Laon, d'ou la designation annus est par ailleurs ahsente, met en avant un aspect cosmologique quelque peu diflerent.

Suivant un usage courant, le recueil computiste de Saint-Mesmin regroupe des textes choisis, kequemment extraits d'lsidore. Ainsi, le cha- pitre De reinporibus anni et la roue correspondante des saisons sont prk- cedks des passages suivants : Aux fols. 65.74~ figure la partie la plus connue du manuscrit, un calendrier illustre"'; fol. 75-76v : Une serie de diagrammes dont le dernier reprksente la sphere dite de Pythagore; fol. 77 : un schema non figuratif des vents, avec texte; fol. 78 : le schema figuratif des douze vents, entoure du poeme Quaiuor n rjzladro co>zsurguizt limite veizti ...'j5. Une troisieme roue des vents occupe le fol. 80, un *Th en divi- sant le midaillon central. Au fol. 78v commence le chapitre De tempouibus anni : Tenzpora anni iiii szrnt : ver, aestas, autui~znus et hiems. Dicta sunt autem tempora a communioni.~ tempevanzento quod invicenz se 1zumore, sic- citate, calore et f?igore tenzperent. Haec curricula dicuntur, quia izon stant sed curvent. Constat autenz post factum nzuizdunz ex qualitate cursus solis teinpora in ternos menses fuisse divisa. Quorum teinporum discretionem talein veteres faciunt ut prima mense ver novunz dicatur ... Haec tempora

"' Webster, T7ze Labors of ihe Moizihs, p. 51-52, note qu'elle a peut-eire 6t6 co- pike d'un manuscnt italien de bien meilleure qualitt, et que le style du copisie re- prisente le stade ultime dans la degenerescence de Part latin.

"21bid., p. 50; 133, cat. no. 31; pl. 15. "' Pour ce pohme, connu au VIP siecle et tres souvent associ.4 aux diagrammes

des vents, CF. Obrist, Wind Diagrams und rhe Medievai World Order a paraitre dans Speculum, 1997.

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VII7IVLI iu>,Ja.,

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Fig. 9 - Paris, Bibliotheq~ie nalionale, ms. lat. 7028, T. 154. XI. Fig. 10 - Vatican, Bibliotheqiie Vaticane, Rcg. lat. 123, f. 36. siecie. Sol invicli<s. Lc Zoiliaque et ies quatrc saisons. Florilkge XP sihcle. Le pofme Lnils renpor~im qtrnrrrior.

midical.

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Fig. 11 - Göttingen, Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek, ms. Theol. 231, F. 250 V. Vers 975. La personnification de I'annee avec lune et soleil; les quatre

eliments. les saisons et les mois. Psautier.

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Fig. 14 - Dijon, Bibliotheque municipale, ms. 488, T. 80. 1061-62. Roue du microcosme, des saison et des elements, avec pcrsonnifications des vents cardinaux.

Recueil computiste et rnedical.

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Fig. 17 - Munich, Bayerische Staatsbibliothek, clm 210, T. 132 V. La terre canee. Vcrs 818. Recueil encyclop6dique.

Fig. 18 - Dijon, Bibliotheque municipale, ms. 488, f. 74. 1061- 62. Mundus et le cours du soleil. Recueil computiste.

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Fig. 19 - Ostie, Tcimc dei Cisiari. II' siecle. Mosaique de pavement.

Fig. 20 - New York, Pierpont Morgan Library, ms. 644, 1. 222 v Milieu du F siecle, Espagne. La Jerusalem celeste. Beatus de Liebana, Iii Apocalypsilz.

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Fig. 21 - Vatican, Bibliotheque Vaticane, ms. gr. 699, F. 89 V. IX' siecle. Projeciion de luniuers. Cosmas Indicopleustes,

Topographie chrdtieizne.

Fig. 22 - Vatican. Bibliotheque Vaticane, ms. gr. 699, f. 39 V. IXc siecle. L'univers. Cosmas Indicopleust~s, Topographie

chriiienne.

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Fig. 23 - Rome, Saint-Jean du Latran, Baptistere, Chapelle Saint-Jean I'~vang6liste. Ca. 448-461. Mosaique de voflte. Medaillon central avec I'Agneau et la couronne de fleurs et de

huits saisonniers.

Fig. 24 - Florence, Bibliotheque Laurentienne, cod. Plut. D(. 28, f. 98 V. XI. siecle. Les antipodes. Cosmas Indicopleust&s, Topographie chretienne.

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Fig. 27 - Rome, Sainte-Prasskde, Chapelle Saint-Zenon. Ca. 817-824. Mosalque de voüte. Medaillon avec huste du Christ soutenu par quatre anges.

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Fig. 30 - Treves, Stadtbibliothek, ms. 10841315 40, f. 99. XI' siecle. Diagiamme de i'oikoumene, des mois et des vents.

Recueil computiste.

Fig. 31 - Einsiedeln, Stiftsbibliothek. ms. 167, Fig. 32 - Cologne, Erzbischöfliche Diözesan- und P. 92. Xe sieclc. La roue nzundus ar?nus honzo. Dom- Bibliothek, ms. 83 11, f. 84. Autour de 800.

Isidore de S6ville. De rerunz natura. Kocnzoc mundus annus honzo, 1es saisons, 1es 616ments et les vents. Recueil computiste.

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Fig. 33 - Munich, Bayerische Staatsbibliothek, clm 2655, f. 105 V. Fin du XIII' siicle. Le macrocosme et le Christ archetype. Thomas de Cantimpre. De naiuris remm.

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Pig. 34 - Dijon, Biblioth&que municipale, ms. 488, 1'. 63 V. 1061- 62. Sph5rcs plan6taires autour de la tcrre. Recucil computistc.

Fig. 35 - Cologne, Schnütgen-Museum, ms. XII. 4, 1. 12 V. X- siscle. Spli&res pla116taires aritoui. du globc tcrrcstre. Macrobe,

Coiizi~zenl(irii in Sofnniurn Scij~ioi~is.

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Fig. 36 - Pans, Bibliotheque nationale, ms. lat. 6413, f. 4 V. Milieu du VIIF siecle. Solide des 414ments. Isidore de Seville, De rrmm natura.

Fig. 37 -Paris, Bibliotheque nationale, ms. lat. 6 (I) , f 6. XE-XP siecle. Genese. Bible de Rodas

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'1ui7~a.1 ' V I I U ~ a a np sa!i.red ia wiuodtuar auorjur a a 'apqa iuenlsu! ia[!.~old 'siuaw?[? sap la suos!es sap saisna 'apa!s .IX '661 'J

'sw 'ei!u!.i~ aiues q a p eveqqv '!uai.r!L !ap ehe3 - 8~ .B!.J

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Fig. 40 - Beyrouth, Mus&. IIF siecle, Souidie-Baalheck. Mosaique des Sages.

Fig. 41 - Berlin, Staatliche Museen. Fin IIF siecle, Gerasa. Bustes de l'Et6 et dun philosophe. Mosaique de pavement.

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.iuau~a.ked ap anbiesom .suos!e~ sap asuea .auuanex .ap?!s .fi '[euo!ieu a?snm 'auua~e-d - zp -8!s

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-.. . - * .- m- . ~. .*p '. . i

Fig. 43 -Pans, Bibliotheque nationale, lat. 15104, f 194 V. Deb. XII' siecle. Les liens entre les 616ments suivant les nombres solides et plans. Commentaire anonyme sur

Boece, La Consolation de Philosophie.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 129

singulis etiam celi partibus adscribuntur :ver quippe onenti datwr, quia tunc ex tevis omnia oriuntur"'.

Dans la roue correspondante, les personnifications des quatre saisons, nues, sont placees dans les axes vertical et horizontal du cercle. Celles dans laxe vertical, le printemps en haut et I'automne en bas, sont divisees en Une moitie gauche jaune et en Une moitie droite en bleu fonci. La personnifica- tion de I'hiver, dans la partie gauche de I'axe horizontal, est entierement en bleu fonci, celle de I'&, de l'autre c6t6, jaune. Toutes sont d6pourvues de cheveux et aux bras ballants. La forme des poitrines semblerait indiquer le sexe feminin. Ces quatre personnifications sont debout sur un groupe de quatre anneaux de couleur orange, au centre du cercle; quatre bandes aux bordures incolores dont les pointes aboutissent dans les angles form& par les cercles enlaces les separent I'une de l'autre. Les deux bandes separant les saisons dans la partie droite du cercle sont jaunes, celles de la partie gauche. en bleu fonce. La couleur bleu fonce se trouve donc du c6te gauche du cercle, le jaune du c6te droit. De plus, la moitie droite de la bande entourant le cercle est orange, la moitie gauche, bleu ciair.

Ayant a l'esprit le chapitre du De remm izatura sur les saisons, le lec- teur s'attendrait a trouver quatre saisons divisees en deux moities, puisque chacune se compose de deux qualites. Ei, bien que cette caracteristique des saisons ne soit pas evoquee dans le Passage des Etymologies qu'ac- compagne la figure, les noms des paires respectives de qualites sont places de part et d'autre des teies des personnifications. Malg~-6 tout, celles de I'hiver et de rite, dans i'axe horizontal, n'ont qu'une seule couleur.

Pour expliquer ce choix, il importe de tenir compte des couples d'op- position qui interviennent dans la construction de la figure. De toute evi- dence, l'opposition predominante est celle entre la partie gauche et la partie droite du cercle, entre des bleus fonce et clair, le jaune et I'orange. Cette demiere moitik est la sphere, ou plutot, la demi-sphere, de I'ete, la partie gauche, celle de I'hiver. La division en deux des personnifications de I'hiver et de i'ite a ite sacrifiee pour que I'opposition entre les deux saisons ressorte plus clairement. La distribution des couleurs sur le pourtour du cercle ne fait que renforcer la division entre les deux rnoities de i'annee. L'aspect combinatoire dans la representation des qualites est ainsi relkgue au second plan.

D'autre part, un element du texte ambrosien, qui pourtant semble Une raison essentielle de la prksence des personnifications, a savoir la cornpa-

'" Vatican, ms. Reg. lat, 1263, fol. 78"-79. CI. Isidore, Ef.ymologies, V. xxxv. 1-2; 7-8.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 131

transparaitre un type supplimentaire de distnbution des qualites, oh chaque element ne possede que la seule qualite caractkrisant sa nature propre : au feu revient la chaleur, a l'eau, le froid (et non pas l'humide!)"', a l'air et la terre, l'humide et le sec. Appliques 2i l'ordre temporel tel qu'il se manifeste dans les changements saisonniers, Ces oppositions, dont avant tout celle entre l'kte et l'hiver, sont des oppositions droite-gauche et donc horizontales dans la mesure eil les saisons sont assignees aux points cardi- n a w . Celle entre le haut et le bas - le bas etant le centre de l'univers sphe- r i q ~ e " ~ - est reservee a la reprksentation de la stratification cosmique des elements, laquelle est basee sur le couple d'opposition du leger et du lourd tel qu'il prkdomine dans la tradition cosmologique issue du Tim& et dans celle du De caelo d'Aristote. Le feu, element le plus eleve, et la terre, au centre, sont les ilkments extremes, le premier se portant Vers la peripherie de la sphere, le second en occupant le centre; l'eau et l'air occupent une place intermediaire. Dans les textes cosmologiques mkdi&vaux, les deux traditions sont souvent presentkes ensemble, mais sans qu'une synthese entre les deux ne soit tentke.

I1 reste que, en tant que debut du cycle annuel, le printemps, bien que n'etant qu'un intermediaire au niveau de l'opposition ete-hiver, occupe la place d'honneur au sommet de la roue, tout comme, dans l'iconographie antique d'Aion et des saisons, il est le premier a traverser le cercle tenu par le Temps'39. Les Etymologies et le De rerum natura placent le debut de

porary Philosophy, G. Schnmpf ed. : A new Suwey, V I : Philosophy and Science in the Middle Ages, Dordrecht, Boston, Londres, 1993, p. 19-73; p. 30-31.

"; Pour ce probleme, cf. Longngg, Elementav Physics, dans Isis, 1975, p. 216. Pour la tradition stoicienne, ibid., p. 227; M. E. Reesor, The Stoic Concept of Quality, dans American Journal of Philolo,q>, 75, 1954, p. 10-58. Dans un manuscrit du XIe siecle de la Philosophia de Guillaume de Conches, Bibliotheque Vaticane, Reg. lat. 1222, fol. 6, le Passage sur la si~uugin (coniunctio) solida et sur la sinsugia plana des qualites elementaires est accompagne d'un schema combinant un cercle comportant quatre arcs de cercle dont chacun circonscrit Une seule qualit6 d'un element avec un schema combinatoire dans lequel chaque element possede trois qualites. Le cercle symbolise la sinsugia piana et I'autre figure, la sinsugia solida. Pour cette derniere opposition, CL infra, notes 252, 253. Pour bien marquer les opposes, les mots de cali- dus (feu) et frigida (eau) dans les Segments de laxe vertical (marqu6 par Une ligne couleur ocre) du cercle sont ecnts en bleu, ceux des qualitgs calidus et siccus (relies par une ligne bleue), en rouge.

"B Macrobe, Commentarii in Somnium Scipionis, I. XXII. 4; 8. Martianus Capel- la, Le Mariage de Philolngie et de Mercure, VI. 599-600. Bede, De rerum natura, 111. 5-6.

D. Levi, Aion, dans Hesperia, 13.4, 1944, p. 260-314; cf. p. 285-287, fig. 11 Du- val id., Mosaique romaine rardive, 1981, pl. 11, fig. 3.

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l'annee a l'equinoxe de printemps, sselon l'usage des Hebreux>>, et non pas au solstice d'hiver (coutume latine)I4O. En outre, les ~ t y m o l o ~ i e s attribuent le printemps a ?Orient, parce qu'a ce moment, ~ t o u t sort de terreni4'.

C'est ainsi que le debut de la ebonnes partie de l'annie, celle dans laquelle, liee 2 i'humidite, la qualite chaude du printemps fait renaitre toute chose, tout en 6tant graduellement renforcee pour atteindre sa force maximale au milieu de l'ete, commence en haut, et son declin se consomme au point inferieur du cercle. La distribution des valeurs posi- tives et negatives sur le cycle y est concue en premier lieu selon le cntere &

proprement parler physique des effets de l'ecliptique sur la terre, et non pas selon la conception astronomique de la lonseur croissante des jours, a partir du solstice d'hiver. L'orientation des schemas des saisons correspond a celle, usuelle, des cartes circulaires de la surface habitee du globe ter- restre, orientee a l'est'"'.

A lui seul, le groupe de personnifications des saisons du manuscrit de Saint-Mesmin ne suggere en rien un processus de transfonnation cyclique. Ce rale echoue aux anneaux enlaces au centre de la roue. L'idee de symbo- liser par un cercle entier non seulement i'unite du cycle saisonnier, l'annee, mais aussi les subdivisions, est exprimee dans les textes antiques et leurs extraits medievaux, le cercle etant le symbole de tout phenomene recurrent. Ainsi, aussi bien l'annee que les mois et les saisons peuvent etre compares a des cercles. Pour ce qui est de l'annee, Isidore note dans le De rerum natura : Anizuin autem quasi anuin dici quidam putant, id est cir- culum. Unde er anuli dicti sunt diminutive; dans les Etymologies : Annus autenz dictus quia mensibus iiz se recurrentibus volvitur. Unde et anulus [diciturl, quasi anizuus, id est circulus, quod in Se redest“'. Ce type de defi- nition est 6tendu aux mois. La vaste compilation lat. 123 de la collection de .. . . . , .. l a g ~ - k ~ ~ . B b ! g t ~ . q ~ ~ , . ~ a ~ i c ~ n ~ - W i e ~ du s.1, en presente un exemple. Place en-dessous de la copie d'un cartouche inser4 de facon plutot incongrue dans un cercle, et qui comporte le poeme Laus temporunz quat- tuor (inc. Carpit blanda suis ver a lmum dona rosetis ... ) (Fig. 10)": le long

'"Isidore, De remnz natura, VI. 2. 12-13. "' Isidore, E~~moiogies, V . XXX. 'U' M . Destombes, Mappei?zondes. A.D. 1200-1500, Amsterdam, 1964; J . B. Har-

ley, D. Woodward, Cario:raphy in Preh~sronc, Ancieni, and Medieimi Europe nnd the Mediterranean, Chicago, Londres, 1987, cf. p. 297; 343 s.

'431sidore, De rerum natura, W. 2. 10-12. -, ~~~nto log ies , V. 36. 1. Varron, De iin- gua ialina, 6. 8 : ... vocatur aiznus, quod ur pawuii circuli anuii, sic ntagni dicebanfur circites ani, unde annus.

'" Bibliotheque Vaticane, ms. Reg. lat. 123, fol. 36. A. Wilmart, Codices re- gineilses latiizi bibiiothecae aposrolicae Vaticailae, Vatican, 1937, p. 292. Anihologia

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 133

chapitre sur l'annee consistant en une enumeration de toutes les defini- tions et subdivisions disponibles, commence par des citations de Macrobe (Satumales) et de Caton, en partie a travers le chapitre XXXVI, De annis naturalibus, du De tenzporum ratione de BedeMi, suivies de : Item Zsidorus dicit : annum quasi anum quidam dici putant, idem circulum, unde et anuli diininutivi menses dicti ~ u n t " ~ .

Bien que n'eiant pas imbnquees les unes dans les autres, les quatre rouelles associees a l'annee dans la belle image cosmologique d u n psautier provenant de Fulda, des environs de 975 (Göttingen, Niedersächsische

, -. ,, ,- . .. . . . ., ., ,.. . ,. Staats - und Universitätsbibliothek, .... ms:Theol. . .. ..,. . lat. .,. ,,.. 231 ...- I : fol. ._ 250v) (Fig. ll), symbolisent certainement les quatre Saisons. Elles flanquent, a la hauteur du siege, la personnification de l'annee assise dans le medaillon ~entral '~ ' . Les bustes des quatre elements qui sont disposes tout autour, ceux des sai- sons et les demi-figures des mois, trahissent un modele a n t i q ~ e " ~ . Ces quatre rouelles se retrouvent dans Une image cosmologique semblable sur la tapisserie d'Ewald de saint Cunibert de Cologne (XKF s.)'".

...-, _I_lr_ Ajoutkes ulterieurement a son poemes figure Ue laudibus cmcis (entre

814 et 8311, les explications de Raban Maur foumissent des indications pre- cieuses sur le symbolisme du cercle et permettent de voir a quel point les schemas figuratifs qui pourtant presentent des formes d'une extreme sim- plicite pouvaient susciter Une foule d'associations basees sur la connais- sance danciens doxai cosmologiques. Le septieme poeme y est consacre aux quatre elements, symbolises par quatre cercles de couleurs differentes (en haut, rouge; en bas, ocre (jaune); 2 gauche, bleu clair; a droite, noir),

veterum Iatinorum epigrammatum et poetamm, 11, H. Meyer ed., Leipzig, 1835, no. 1035; Poetae latini minores, E. Baehrens kd., Leipzig, 1881, no. 304.

Mi Jones kd., 1977. "6Biblioth&que Vaticane, ms. Reg. lat. 123, fol. 36. "'W. Meyer, Die Handschrifien in Göttingen, Bedin, 1893; Hildesheim, New

York, 1980. P. Springer, Trinitas-Creator-Annus. Beiträge zur mittelalterlichen Trini- tätsikonographie, dans WallrafRichartz Jahrbuch, 38, 1976, p. 17-46; cf. p. 38-41.

Iw8 La composition de la miniature de Fulda peut eire compade a celle conser- vke dans le ms. gr. 1291, fol. 9, a la Bibliotheque Vaticane (ca. 813-820). dont le mo- dele daterait du 11' ou 111' siecle apres J.-Chr., (Gundel, Zodiakos, 1992, pl. 6).

'" Pour leur interpretation, il n'est pas hesoin d'invoquer le commentaire de Ru- pert de Deutz sur Ezkchiel, ainsi que le font W. Nyssen (Die Ewaldi-Decke aus Sankt Kuniberr in Köln, dans WallrafRichartz Jahrbuch, 38, 1956, p. 70-90, ill. 70, 73) et A. Van Run (Annus quadriga mundi. Over de adaptarie van een klassiek thema in de vroegmiddleeuwse kunst, dans Annus quadriga mundi. Opstellen over nziddeleeuwse kunst opgedragen aan Prof Dr. Anna C Esmijer, Zutphen, 1989, p. 152-179; cf. p. 166). L'ensemhle se rapporte exlusivement a la dimension naturelle de l'univers.

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134 BARBARA OBRIST

dans le manuscri 2)'s0. Dans la mesure ou ntoute la mac auteur associe a des cercles aussi bien les elements en tant que parties constitutives de I'univers que tous les processus temporeis a proprement parier. Tout mouvement est reduit a un mouvement circulaire.

Le sujet central du poeme de Raban Maur etant la signification cos- mique de la croix, il y associe la theorie des elenents. Ces passages meritent d'stre cites dans leur quasi-totalite parce qu'ils jettent une vive lumiere sur la maniere dont les brihes de doctnnes cosmologiques pou- vaient se combiner dans I'esprit des contemporains. Entre autres, le fait que Raban Maur finit par reduire tous les types de mouvements a des cercles (mouvements circulaires) rappelle etrangement les chapitres 10 et 11 du second libre du De la generation et de la comption d'ilnstote lesquels, bien entendu, il ne connaissait plus. Raban distribue les ilements dans I'es- Pace suivant les axes de la croix dressee et donc selon les opposes leger- lourd, haut-bas. Quand il s'agit de rendre compte des processus circulaires de combinaison des elkments selon les opposes tangibles, il choisit de les distrihuer sur les axes de la croix couchee, dont les extremites touchent l'horizon. Les axes horizontaux sont ceux de la temporalite.

.A juste titre, personue ou presque n'ignore que le nombre quatre est sau6 par sa perfection ... Manifestement, le monde est compose de quatre 616- ments : le feu, l'air, I'eau et la teme. Et l'on sait que le monde est dktermine par quatre parties ou quatre coins : l'orient et l'occident, le midi et le nord. Il y a aussi quatre saisons : le printemps, l'ete, l'automne, l'hiver, et quatre quarts du jour nature1 ... 11 faut comprendre comment cette disposition peut s'adapter convenablement a la croix. Si donc nous voulions contempler la croix dressee, nous mettrions 3 son sommet le feu, parce qu'il est le plus haut des elements; nous placerions l'air et I'eau, les 6Iements intermediaires, sur le bois horizontal ... a la partie inferieure de la croix, nous assignerions la terre, la plus lourde des creatures et celle qui tient le lieu le plus bas. Tous ces 616- ments se melent entre eux, pour ainsi dire, par Une certaine proximitk de leur nature's', afin qu'ils puissent parfaire l'integralite du monde ... Et si nous vou- lions rapporter la croix aux quatre zones du monde, nous devons I'imaginer gisant 2 terre, pour assigner sa premiere partie a l'Orient .. . De meme aussi les quatre alternances ou les quatre parties du jour nature1 peuvent etre reunies par la meme disposition dans la croix, en sorte qu'un unique aspect de l'annee et du jour puisse etre convenablement montr6 en elles ... Et si j'ai dessink dans les cercles les quatre klements, les quatre saisons et les quatre regions de i'uni- Vers, la raison en est que toute la machine du monde est temporelle, variable et changeante a cause du melange des elements et de la succession des sai- sons. .. Tant6t le feu asskche l'air, I'eau le rend plus humide ... Car I'eau est

llOFacs. K. Holter kd., Graz, 1973. 'i'Comp. Bkde, De naiura remnr, W. 9-10 (Iones ed., 1975)

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 135

mobile par nature et decnt un cercle complet par sa Course ... Le feu aussi a un mouvement naturellement semblable ... Les saisons decnvent des cercles, et le retour des douze mois se fait en cvcles. L'annee aussi tire so0 nom de ce qui toume sans cesse et qui revient sur soi. Le globe terrestre et la revolution du ciel, dit-on, entourent les terres et les mers~'~ ' .

Les phrases sur le pourtour des cercles du poeme Figur6 sont donc composees chacune de trente-six lettres : Voici le premier Vers dans le cercle en haut. Le printemps, I'orient, le Feu, l'aurore, brillent de ce c6te ... (ver oriens ignis aurora hac parte rel~cent) '~' . Si, dans le texte de Raban Maur, les cercles servent a symboliser le monde dans son aspect spatial et temporel - a cause de la mutabilite de i'ensemble des choses-, les quatre anneaux du recueil computiste de Saint-Mesmin sur lesquels se balancent les personnifications des saisons kvoquent exclusivement son aspect tem- porel, le mouvement incessant des quatre saisons en ktant l'expression la plus manifeste. La combinaison ingenieuse du motif des anneaux enlaces avec celui des pieds apparait ainsi comme l'equivalent pictural de la phrase que les saisons <<ne s'aretent pas, mais courenb - haec et c ~ r n c u l a dicta sunt, quia non stant sed cum.int.

2) Les saisons du nDe natura remmx de Laon

Tout autre est le motif central de la roue des saisons du manuscrit de Laon C_.._.-- (Fig:-J). Les pieds des personnifications, aux caractkristiques plus spk- cifiquement Feminines que celles du manuscrit du Vatican - elles sont pour- vues de cheveux longs et de seins - ont pour support Une surface c a d e , et non pas des anneaux. Les quatre totes de ce carre sont entoures de bandes

'J2Raban Maur, Louanges de la sainte croix, trad. M. Perrin, Paris, Amiens, 1988, p. 114. Nous reproduisons la traduction de M. Pemn, tout en y apporiant des

~ ~~

modifications occasionnelles. <Recte igitur quatemarium numerum per/ectione sacra- tum aene nullus ionorat ... Siauidem mundum auaruor elementis consrare manifestum est, id est, igne, aere, aqua er terra. Et fotum orbem quatuor terminari partibus sive an- gulis notum est, oriente scilicet et occidente, aquilone et meridie. Quatuor quoque sunt vicissirudines temporum, id est, ver, aestas, auulmnus, hiems; er quatuor quadranres naturalis diei. .. Haec quippe omnia elementa sicut quadam naturae propinquitare sibi- met commiscenrur, ur mundi integritatem per/iciant ... Cur vero in rods quatuor ele- menta sive quatuor tempora seu quatuorplagas mundi depimerim, haec ratio est, quia omnis mundi nrachina temporalis est, et quadam permisfione elementorum atque suc- cessu remnorum variabilis sive mutabilis ... Nunc ienis aerem siccat, aaua humidiorem facit ... Tempora namque circulls rranseunr, er vicissitudines quatuor temorum men- sium orbibus eunt. Annus quoque ab eo quod semper vertatur, et in se redeat nomen accepit. Dicitur et orbis terrae et vertigo poli lerras atque aequora circumvolvere» (Pa- trologie latine, 107, col. 177 A-178 C).

's'Ibid., col. 175-176.

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136 BARBARA OBRIST

couleur ocre; de leurs angles se detachent quatre socles desquels jaillissent des faisceaux de respectivement trois bandes reliant les socles a la circonfe- rence du cercle. Dessinis en perspective, les socles suggkrent un voiume. L'il- lusion de perspective plongeante est renforcee par la forme des bandes qui s'en detachent en s'elargissant Vers la peripherie, ainsi que par la facon dont sont places les pieds aux talons joints mais ecartis dans un angle d'environ quarante cinq degris. Les personnages semblent ainsi solidement campes sur la surface. Le printemps et l'automne, dans l'axe principal, sont places 2 l'interieur du carri central, en sorie que leurs pieds dessinent a leur tour une forme approximativement camee, en diagonale par rapport au support. Ceux de Yeti et de l'hiver sont places sur les bordures gauche et droite du came cen- tral. Ainsi, le printemps et l'automne semblent constituer Une unite, en meme temps qu'ils forment Une barriere supplementaire a celle suggeree par l'emplacement de l'eti et de l'hiver sur les bordures opposees.

Les personnifications des saisons etendent leurs bras dont les index exa- giriment longs tentent d'atteindre les nervures composees de trois bandes separant leurs quartiers. Celles dans l'axe vertical, le printemps et l'automne, sont divisees en Une partie gauche bleue foncie, et en Une partie droite ocre foncee. Les personnifications dans l'axe horizontal sont, a gauche, bleue- blanche, a droite, ocre. Les bandes devant lesquelles passent les bras sont de la meme couleur que celle des moities respectives des personnages. Dans la partie droite du cercle, les bandes centrales des deux faisceaux sont en ocre clair, celles de part et d'autre de la femme, en ocre fonce, de meme que celles bordant les c6t6s ocres des personnages verticaux. Dans la partie gauche du cercle, les bandes centrales sont en ocre fonci, celles entourant le person- nage horizontal, de la meme couleur que lui, bleu-blanc, celles paralleles aux personnages disposes verticalement, en bleu fonce. La personnification de l'hiver, ainsi que les deux bandes qui l'entourent, sont donc nettement plus claires que les moities adjacentes du printemps et de l'automne. Cette fois-ci, les qualitis dont se composent les saisons ne sont pas marquees.

Des legendes indiquant le debut des saisons aux solstices et equinoxes, ainsi que leur duree, sont disposees le lang de la circonference du cercle. Elles accompagnent successivement, dans le sens de la montre, les figures du printemps, de l'ete, de l'automne et de l'hiver. I1 s'agit dune transposi- tion du paragraphe qui suit immediatement la figure de l'annee et des sai- sons, l'interieur du chapitre De t emponbus du De rerum natura :

- Haec est Figura quomm tempomm haec sunt pnncipia : ver exoritur ...%

'5'Isidore, De rerum narura, VII. 5. 52-57. Reprod. en couleur dans H. Pirenne (et al.), Mohnm~ned und Kar1 der Grosse. Die Geburt des Abendlandes, Stuttgart, Zur- nch, 1987, ill. 185.

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LE DIAGRAMME ISIDORlEN DES SAISONS 137

La signification de la distribution des couleurs sur les personnifica- tions de saisons ayant ete suffisamment discutee par rapport a l'illustration du Vatican, le carrk, ou plut6t le cube, au centre du cercle, ainsi que le motif des hras etendus, Eeront maintenant l'objet de l'analyse.

Cette fois-ci, la metaphore ambrosienne des bras se saisissant des bras voisins a 6t6 retenue au niveau pictural. D'aprks le texte cite par le De remm natura, l'eau, ayant en quelque sorte deux bras, celui du froid et celui de l'humide, semble en embrasser respectivement la terre et l'air, la terre avec celui du froid, I'air avec celui de l ' h ~ m i d e ' ~ ~ . Dans le texte de Basile sur lequel s'appuie Ambroise, l'eau tend les deux mains aux elements voisins. Si ces auteurs n'emploient la metaphore des bras et des mains qu'au sujet d'un seul 6Ikment. ils l'ktendent indirectement 2 tous les autres par l'evoca- tion d'une ronde de danseurc : et par cette ronde, comparable a celle d'un chceur de danse, les elements s'assemblent en Une harmonieuse a l l i a n ~ e ' ~ ~ . D'autre part, dans un important Passage sur la theorie platonicienne des intermediaires entre les elements opposes, Macrobe utilise kgalement la comparaison des bras, en l'appliquant a tous les elements'j'.

Cependant, les pieds des saisons du manuscrit de Laon sont loin d'es- quisser des mouvements de danse'sa. Au contraire, le dessinateur a pris un soin particulier a kvoquer la stabilitk de leur position. Aussi le motif central contraste-t-il fortement avec celui de la roue des saisons du manuscrit du Vatican, ou les cercles enlaces Foment un Support parfaitement instable.

Iss Ibid., XI. 2. 21-23. '"Basile, supra, note 91. Isidore, De remm natura, XI. 3. 34-35. Ii' Macrobe, Comnzentani in somnium Scipionis, I. VI. 27 : Et ita fit (Deus), ui

singula quaeque elementomm, duo sibi hinc inde vicina singulis qualitaribus velut quibusdam amplectanrur ulnis. Aqua terram fngore, aerem sibi necrii umore ... Texte repns in extenso par Bovo de Corvey, comme commentaire au Tu elemenfis ligas ... de Boece, PL, 64, col. 1241B-C. R. B. C. Huygens, Mittelalterliche Komnzenrare zum '0 qui perpetua ...', dans Sacris emdiri. Jaarboek voor Godcdiensrwetenschappen, 6, 1954, p. 373.427. cf. p. 387-388.

'iWoir, en comparaison, la ronde des douze mois autour du medaillon central avec une figure acephale qui semble etre la personnification de i'annee, dont le bras leve semble mettre en mouvement le cercle oui i'entoure. sur la mosafoue des sai- sons de Carthage, disparue (IIe au IV siecle). G. Ackerström-Hougen, The Calendar and Hunting Mosaics of the Villa of rhe Falconer in Argos. A Sfudy in EarIy Bysantine Iconography, Stockholm, 1974, p. 143, fig. 80. H. Stern, Les calendriers romains illus- tr&, dans Aufstieg und Niedergang der romische~z Welt, 11. Prinzipiat, 12. 2, Berlin, 1981, p. 432-475; pl. XXXIX, ill. 102. Pour les saisons dansantes, mais apparemment sans exemple de ronde, cf. L. Abad Casa, Horae; Kairoilternpora anni, dans Lexicon iconographicunz nzythologiae classicae, Zurich, Munich, V, 1990.

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Les saisons font bien un geste en etendant leurs bras, mais leurs pieds restent immobiles, chaque paire etant comme soudee a un c6t6 du c a r k

La partie centrale de la roue des vents du manuscrit de Laon (Fig. 8)'59 est construite de facon analogue, alors que les vents du recueil computiste de Saint-Mesmin sont poses eux aussi sur des arcs de cercle (Fig. 6). Ici, les pieds des quatre vents cardinaux, egalement dans les axes vertical et hori- zontal, prennent appui sur un card. Dans le can-6 que forment a leur tour leurs pieds ecartes de la meme facon que ceux des saisons, en est inscrit un deuxieme, renfermant un petit cercle entoure de Sept points. Cette fois-ci, il n'y a pas eu de tentative de construction en perspective. Ces carres sont entourks d'un cercle qu'une inscription prolongeant leurs diagonales designe de kocmoc - mundus. Entre ce dernier et la circonference de la roue est inser6 un cercle ulterieur. Outre par la position de leurs pieds, la stabilite des vents principaux est suggeree par leur rigoureuse frontalite, une position contrastant avec celle des vents secondaires qui, tenus par leurs tetes au bout de bras des vents principaux, se contorsionnent sans pouvoir se degager, et sans pouvoir poser leurs pieds.

Dans les roues du recueil computiste de Saint-Mesmin, seuls des cercles ou des arcs de cercles entraient dans la composition du diagramme. Dans celles du manuscrit de Laon, le cercle est combine avec le c a d qui, ainsi que le suggkre la figure des saisons, n'est que le fond d'un solide, apparemment un cube. Pour en aniver 2 Une approximation du Sens que peuvent r e c o u ~ i r le c a d et le cube, ainsi qiir 1eur.c combinaisons avec des cercles, il est necessaire de tout d'abord brievement passer en revue leurs principales occurrences. Les motifs angulaires appraissent en effet a l'epoque carolingienne, vers la fin du VIII' siecle et, par la Suite, s'intro- duisent meme occasionellement dans les roues isidoriennes (Fig. 31).

La structure de la roue des vents etant semblable a celle des saisons, et les vents et les saisons ayant kte etroitement associes, la representation des forces koliennes presente un bon point de depart pour l'analyse de la partie centrale, car Une legende vient y guider la lecture du Schema : le cercle qui entoure les carr6s centraux renferme I'inscription kocmoc-mundus. dis- posee en croix. De plus, les figures des vents mettent en relief de facon par- ticulierement nette un problerne qui se pose constamment dans l'analyse des schemas cosmologiques : les glissements entre fonction tabulatrice et fonction mimetique. Selon que l'un ou l'autre aspect predomine, l'interpre- tation de l'ensemble peut varier considerablement. Dans les roues des vents

'i'Raff, Aachener Kuns~blälier, 48, 1978-79; cf. p. 148, ill. 114

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 139

les plus anciennes, le premier aspect l'emporte, les listes des noms grecs et latins des vents y etant separees par un cercle intermediaire qui se retrouve encore dans la roue des vents de Laon, mais sans fonction precise. Te1 qu'on le voit Dar exemole dans Une roue non-fimirative des vents conservee - a Beme (Burgerbibliothek, . . _ _ . , ., cod. . ,, .. A ....., 92/20, ..., fol. 2) (Fig. 13)I6O, ce type de . ,. schema est avant tout Une tableZ6'. Neanmoins, la distribution des legendes implique un aspect mimetique en ce que la disposition des mots kocmoc- mundus fait ressortir la division du monde en quartiers. Dans la plupart des diagrammes, la disposition des noms des quatre vents principaux cor- respond aux axes du monde et aux points cardinaux; les vents cardinaux sont attribues aux quatre regions du mondeZb2. Dans le cas des roues figura- tives des vents de Laon et du Vatican (Fig. 8; 6), les personnifications occupent simplement l'emplacement des noms, dans les axes nord-sud. est- ouestL6'; il en va de meme pour les saisons, egalement associees aux quatre directions du monde : tempora caeli Partes adscr ibunt~r '~~.

La legende kocmoc-mundus indique donc que le medaillon central de la roue des vents de Laon ne fait que syrnboliser Une unite, celle de l'uni- vers. En aucun cas ce motif n'implique-t-il une dimension topologique, car si ceci etait le cas, les vents secondaires seraient plac6s a l'exterieur de l'univers. Or d'apres la theorie meteorologique Courante, les vents sont de l'air en mouvement et occupent donc l'espace entre la terre (et l'eau) et la sphere de la l ~ n e ' ~ ~ , d'ou ils influent sur les s a i ~ o n s ' ~ ~ . Les images cosmo- logiques medievales illustrent de facon parfois trks suggestive cette rela- tion. Dans l'important recueil de comput du XI' siecle consewe $",Dij-s,,,",,_

inseree Une figure circulaire illus- aisons et les elernents assignes aux

~aisons '~ ' (Fig. 14). Dans cette roue, qui presente Une variante de celle du

' M 0. Homburger, Die illustrierren Handschnfien der Burgerbibliothek Bem. Die vorkarolingischen und karolingischen Handschriften, Berne, 1962, p. 41-42, pl. N, ill. 12.

"1 Sur cette categone de diagrammes, cf. Murdoch, Album of Science, 1984, P. 32 s.

'62 Par ex., d'apres Pline (Hisioire naturelle, 11. XLVI. 119), le nombre des vents cardinaux correspond a celui des quatre parties du monde.

Ib3 Comp., Cologne, Bihliotheque de la Cathedrale, ms. 83 11, fol. 141 (autour de 800).

Isidore, Erym., V, XXYV, 7. '6sIsidore, De remm natura, XXXVI; Etym., XIII, XI; Bede, De remm natura,

xxvi (CCSL, CXXIII A, Turnhout, 1975). 'MIsidore, De rerum natura. VII. 2. 16-18; XXXV1I. Pline, Hisioire naturelle, 11.

XLVII. Aristote, Mdtdorologiques, 11. 5; 6. Y. Zaluska, Manuscnrs enlu~ninds de Dijon, Pans, 1991, pl. III-E. C. Jeudi, Y:

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140 BARBARA OBRIST

monde, de l'annee et de l'homme d'Isidore de Seville, les vents personnifies - dont la barbarie du dessin surpasse encore celle du manuscrit du Vatican-, ont les jambes ecartees, solidement plantees dans les champs des arcs de cercle delimitant chaque saison et element composes de deux qua- lites'68. Dans la belle miniature de I'annee, des saisons et des vents qui se trouve en debut d'un psautier du XII' siecle (Florence, Bibliotheque Lau-

.; rentienne, cod. Plut. -XX. 3, fol. I), ou les .&:; ' ^ _ . _ -

moities taut comme ceci est le cas de celles des m Laon, leurs cheveux sont soulevis par le souffle des ventsIb9 (Fig. 15).

Si le cercle de la roue des vents de Laon, ainsi que les representations semblables, symbolisent le monde dans sa tri-dimensionnalite, d'autres schemas des vents comportent comme seul motif central un cercle delimi- tant la surface de la terre delimitee par la ligne de l'horizonno. Cette fois-ci, la dimension topologique est bien presente : les vents soufnent sur la terre. C'est ainsi que les midaillons centraux des raues des veiits, isidoriennes et autres, comporient occasionnellement le trace des cartes en T-0, sans ou avec les noms des trois continents, Dar exemole dans le diagramme anti- . . - quisant du manuscrit carolingien de Treves, ..,. ... . ., , . , Stadtbibliothek, . . , ms. . 2500, . . fol. 20 (1"" m. IX' s.) (Fig. 16)'". -

Ainsi que le suggerent ces exemples, le cercle symbolise tantot le monde et tantot la seule surface terrestre. Places au centre des schemas, les cards pourraient avoir Une fonction similaire puisqu'il existe Une tradition cattographique mkdikvale dans laquelle la terre affecte une forme rectan- gulaire ou carree. Dans l'ensemble, le Moyen Age latin donnait la pre-

F. Riou, Les manuscrirs classiques latins des biblioth&ues publiques de France, I, Pa- ris, 1989. E. Wickenheimer, Manuscnrs latins de medecine du Haut Moyen Age dans les biblioth&ues de France, Paris, 1966, no. 12, pl. 11.

16$ Pour son analyse, cf. Obrist, Wind Diagranzs und the Medieval World Order, a paraitre dans Speculuin, 1997.

'"Supra, note 36. Oo Ce type de representation schematisee de la terre habitee est tres ancien, ain-

si que l'attestent les critiques d'Aristote. Cf. Mdtdorologiques, I1 5 (3626) : ... ilest ri- dicule de rracer la carte de la tewe comme on le fait de nos jours. On dessine, en efet, la terre habitde comme un cercle, ce qui est inzpossible ... la terre est beaucoup plus longue que large .., etc. Woodward, Cartog~aphy, 1987, p. 145. Mais ensuite. pour le dessin de la roue des vents, Aristote a recoun lui-meme A ce type de schkmatisation, qpour etre plus clairn (11. 6; 363a 26 s.).

"' Karolingische Beda-Handschriften aus St. Maximin, Stadtbibliothek Trier, Treves, 1990, p. 14 s., ill. p. 19. Le dessin du XI. siecle ajoute au manuscrit Phill. 1830, fol.3v, Berlin, Staatsbibliothek, ecrit a Metz au IX' siecle, relhve du meme mo- dele. Pour un diagramme avec des tetes de vents soufflant sur la terre, au milieu, cf. Paris, Bibliotheque nationale, ms. lat. 7028, fol. 156 (XI'S.).

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LE DIAGRAMhnE lSIDORlEN DES SAISOXS 141

ference au cercle (cartes en T-O)'", ainsi que ceci est le cas de la carte des vents de Treves. Les cartes carrees etaient nettement moins frequentes. Dans celles des deux encyclopidies computistes et cosmographiques du debut du 1% siecle, conserves respectivement ?+ Vienne et i Munich (Fig. 17)I7j, le T separe les trois continents les uns des autres, tout comme ceci est le cas des cartes en T-0. Les cartes carries se presentent soit comme Une formule schematisee des cartes rectangulaire~"~ qui, elles, risultaient de la projection des zones celestes d'abord sur le globe terrestre et ensuite sur le plan"" soit comme des dirives des reprisentations de I'orbis qua- dratus, soit comme Une combinaison des deux tradi t ion~"~.

De fait, si le cercle peut symboliser aussi bien le monde dans sa tri- dimensionnalite que la surface du monde habite, les rectangles et les carris

en font de meme. L'exemple des schimas astronomiques representant les points de levers et de couchers du soleil aux equinoxes et aux solstices d'ete et d'hiver illustre particulierement bien cette double tradition picturale. Dans I'un des cas, ces points sont relies entre eux par par des lignes

courbes formant le cercle de l'horizon, dans I'autre, par des liznes droites; les courbes correspondant aux cours du soleil sont rabattues dans le plan"'. Dans le florilege du XP sikcle conseri-e i Dijon est inser6 ce dernier

Ii' Destombes, Mappeino>zdes, 1964, p. 29-34; 54-64. '"jVienne, Oesterreichische Nationalbibliothek, ms. 387, fol. 134. G. Swarzens-

ki, Die Salzburger Malerei von den ersten Anfängen bis zur Blütezeil des romanischen Stils, Leipzig, 1913; Stuttgart, 1969, p. 13-21. H.-J. Hermann, Die fruhen Handschrifi ten der Natioi?albibliofhek i;? Wie~z, I, Leipzig, 1923, no. 43, p. 145-152. Le nianuscrit de Munich, Staatsbihliothek, clm 210 (fol. 132") est une copie de celui conserv6 a Vienne. Bierhrauer, 1990, no. 335. Destombes, Mappen~ondes, 1964 (Bide, type A, 6.1). pl. H.

" T e processus de schematisation est semblable a celui des cartes circulaires. Les cartes rectangulaires se trouvent avant tout dans l'art byzantin et dans les ma- nuscrits d'ongine hispanique du commentaire sur I'ApocaIypse de Beatus : E. Kit- zinger, Mosaic Paventents in the Greek Easr and iize Question ofa mRen<iicsancen un- der Justinian, repr. dans nie Art of Byzantium aizd the Medievai West ; Selected Stu- dies, W. E. Kleinbauer ed., Bloomington, Ind., 1976, p. 49-63. H. Maguire, Earrh and Ocean. nie ten.eslr?ai World iiz early Byzantine Art, Londres, 1987, p. 22-23. J. Wii- liams, The illusrrated Beafus. A Corpus of the Illuszrafions of tlze Comnzentarv on the Apocalypse, vol. 1 : Introduction, New York, 1994, ill. 75.

"'Strahon, Gdographie, 11. 5. 10 (G. Aujac ed. trad., Pans, 1966) discute les pro- cedes de projection orthogonale et les deviations par rapport & la rkalite qui en de- coulent. G. Aujac, Strabon et ia science de so>, tenips, Paris, 1966, p. 192-195. G. Au- jac, Claude Ptoldinde, astroizonze. astrologue, gdographe. Connaüsaizce et reprLse~zta- tion du ~nonde habiti, Paris, 1993, p. 48 s.; 133 s.

'iVnfra, note 250. "'Le beau recueil computiste incluant les ecrits de Bede consen-e a Strasbourg

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type de diagramme (Bibliotheq~e -. . ... . municipale, ms. 468, fol. 74)178. Le rec- tangle sur lequel sont disposes les points des levers et des couchers y entoure un second rectangle sur lequel sont inscrits les noms des trois continents, ainsi que mundus. Les noms des vents occupent l'espace entre les deux c a d s (Fig. 18). Apparemment, dans cette illustration, ainsi que dans d'autres, la legende mundus se rapporte a l'ensemble des formes dont se compose le diagramme'7g.

Ces exemples de diagrammes cosmologiques semblent confirmer l'hy- pothese que les carres centraux des roues de Laon denotent la surface ter- restre au milieu de l'univers spherique en tout cas dans la roue des vents. Mais, dans celle des saisons, le cercle kocmoc-muizdus autour du carre fait defaut. En revanche, le cercle exterieur est relie 2 un motif plus complexe qui doit correspondre a Une volonte illusioniste. Ce semblant de cube oMe en effet des similitudes frappantes avec les representatious architecturales dans lesquelles les quatre c6tes lateraux sont rabattus dans le plan, dans le sens de ce qui a ete appele la perspective r a y ~ n n a n t e ' ~ ~ , et dont la represen- tation d'une ville des Terme dei Cisiari, a Ostie (2e m. Ii" s.) (Fig. 19)'81, ou encore celles de la Jemsalem celeste dans I'art mozarabe (New,,.Y.ork,.Ligr:~ pont Mo~gan Libuay, ms. 644, fol. 222v, E s.)'~' (Fig. 20), prisentent des ___ : . , . ,,

exemples. Dans touS les Lai, le sbeciateur a Une w e plongeante vers la p i k e centrale, carree, de la constmction.

Les representations en perspective rayonnante ne sont pas reservees

(Bihliotheque nationale et universitaire, ms. 326, Xc s.), reunit sur la meme page les versions circulaire et rectanglaire, cette demihre 6tant pourvue de la legende mun- dus (fol. 118~). Le schema circulaire fair partie des recueils computistes des la fin du VIII' siecle (par. ex., Bale, Universitätsbibliothek, ms. F I11 15a, fol. 19 v, de Fulda, Vers 800). Une variante interessante se trouve dans Laon, Bihliotheque municipale, ms. 422, fol. 43 V).

'"Pour le manuscrit, cf. supra, note 167. "* Parfois, le rectangle central n'est marque que par mundus, tandis que les de-

signations des continents manquent (Madrid, Bibliotheque nationale, ms. 9605, fol. 88v, XII' s.). Les noms des douze vents sont disposes le long des cät6s lateraux. A. Cordoliani, Un autre manuscrit de comput ecclisiastique mal connu de la Biblio- thique nationale de Madrid, dans Revista de Archives, Bibliofecas y Musas, 61, 1955, P. 435-481.

A. Grahar, Plotin et les origines de Iesthitique niididvale, dans Cahiers archdo- logiques, 1, 1945, p. 15-34; cf. p. 26.

I8'G. Becatti. Scavi di Ostia. Mosaici e vavimenti marmorei. N. Rome. 1961. . . n" 64, p. 42-44, pl. CVII, ill. 64. T. Kraus, DL römische Weltreich, Propyläen ~ u n s t ; geschichre, reed., Francforr-Berlin, 1990, ill. 343a.

'"A Spanish Apocalypse : The Morgan Beatus Manuscnpt, facsim., J. Williams ed., New York, 1991. Kühnel, Front the Earthly to the Heavenly Jerusalem, 1987, p. 142 ss.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 143

aux constructions architecturales a proprement parler, mais sont egale- ment appliquees a l'univers concu sur le modele d'un edifice. Ainsi, dans la Topographie chritienne (entre 547 et 549) de Cosmas Indicopleustes, les dessins en perspective et en coupe de l'univers cubique se prisentent comme le reflet direct d'une conception correspondante, d'apres laquelle l'univers, identifie au tabernacle, n'est pas de forme spherique, mais cubique's3. Projetis dans le plan (Fig. 211, la base et les quatre murs de cet edifice, en principe oblong, reveient Une forme carrie; les murs lateraux sont surmontis de demi-cercles indiquant le ciel en forme de coupole (comp. Fig. 22)'8'. Le motif central de la roue des saisons de Laon est suffi- samment proche de la projection de Cosmas pour que l'on puisse y deceler Une intention identique : representer l'univers cubique dans le plan.

Par rapport au scbema des saisons de Laon, la Topographie chreiienne de Cosmas Indicopleustes prisente un interet non seulement en ce qu'elle renferme Une projection dans le plan d'un univers cubique, mais aussi en ce que ses figures permettent de s u i m le processus de schematisation auquel sont soumises les representations de la terre habitie. Bien que le texte soit forme1 en ce qui conceme la forme allongee de la terre habitee et qu'il soit accompagni de cartes correspondantes (tout comme Strabon, Cosmas fait remonter ce type de carte 2 Ephore)'85, les copies manuscntes byzantines contiennent neanmoins le dessin d'une terre habitee carree et non pas re~tangulaire '~~.

En tenant compte ?i la fois de la combinaison du motif circulaire kocmoc-mundus de la roue des vents incluant un carri et a la fois des conceptions et representations de l'univers cubique, il est possible d'kmettre l'hypothese que le motif central de la roue des saisons de Laon symbolise le monde dans sa tn-dimensionnalite avec, comme centre, la surface de la terre. On aurait donc un carre avec Une connotation topolo-

18'Cosmas Indicopleust~s, Topographie chretienne, I. 4 s.; N. 1 s. (W. Wolska- Conus kd. trad., Sources chrktiennes, no 141, 159, 197, Pans, 1968, 1970, 1973). Pour

, . Jerusaiem, 1987, p. 152-156.

'" Cosmas Indicopleust&s, Topographie chrdienne, VI. 34: N. 3. !STbid., 11. 80 (carte d'apres kphore. Florence, Bibl. Laurentienne, ms. Plut. 9.

28, fol. 45v; Bibl. Vaticane, ms. gr. 699, fol. 46v); N. 7 (carie terrestre avec distnbu- tion des eaux). Strabon, Giozraplzie, I. 2. 28; note complkmentaire, P. 195-96 (Auiac - ~

kd. trad., Pans, 1969). 'X* Wolska kd., Topographie chririenne, I, p. 221, a cru utile d'en donner un des-

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gique entouri d'une forme cubique denotant l'univers en tant qu'unite. Reste la question du niveau semantique du cercle exteneur. Est-ce qu'il delimite un espace ou est-ce qu'il s'agit a nouveau plut6t d'une unite?

Dans ce cas encore, Une possible reponse ne peut se cristalliser qu'au terme de comparaisons avec des structures semblables. Par la presence de faisceaux reliant le cube et son fond carri au cercle exterieur, la roue des saisons presente Une ressemblance Frappante avec les vofites de l'Antiquite tardive. En particulier, elle s'apparente a celle de la chapelle de Saint-Jean I'~vange1iste (W s.), dans le baptistere de Saint-Jean du Latran, i Rome (Fig. 23). A son sommet, Une couronne de fiuits et fleurs saisonniers entoure l ' a g n e a ~ ' ~ ~ . Cette couronne est inscnte dans un carre dont les coins constituent les points de convergence des diagonales de la voute, mises en valeur par des bandes ornementales. Comparees a ces bandes, celles de la roue des saisons de Laon se prksentent comme des projections planes de ce type de nervures, tandis que les quatre personnifications marquent l'em- placement des mediatnces.

Les ressauts rectangulaires desquels se detachent les bandes dans le dessin de Laon rappellent ceux qui, dans l'espace architectural, servent de support aux nervures de la coupole. Les inversions de perspective que l'on note dans la roue des saisons pourraient etre un indice que le modele ultime du dessin n'etait pas Une vofite, mais Une mosaique de pavement de so1 refletant Une telle structure'". L'hypothese d'un modele de pavement de so1 est renforcee par le fait que le modele trks schematise de la musculature des personnifications de Laon ressemble a celui des personnages qui peuplent les mosaiques romaines. La diminution de differentes entre femmes et hommes s'y observe egalement. De toute evidente, des person- nages masculins ont sen-i de modele a ceux du manuscrii de Laon (ou au modele manuscrit de celui-ci), la musculature du ventre itant dans tous les cas, malgre des distorsions quelque peu expressionnistes, derivee de figures d'hommes. Le trace des muscles, des saisons et celui des vents sont

'"J. Wilpert et W. I\'. Schumacher, Die rÖ~?zisc1ze1z Mosaiken der kirchlicherz Bau- ten von2 IV. - XI11 Jahrhunderi, Fnbour~, Bäle, Vienne, 1976, pl. 80.

'$"ur ce sujet, G. Ch. Picard, ioir Mosaiques refldtaizt des vofites en Gaule, dans Mosaique. Recueil d7zomnzages 6 Heivi Stenz, Paris, 1983, p. 307-310 cf. p. 308. G. Ch. Picard, Ln rizosaique des ihennes d'orticoli, dans I11 Colloquio iiztemasionale sul i?zosaico aiitico, Ravenne, 1980, Ravenne, 1983, I, p. 33-37, ill. 1. Les enemples dis- cutis par Picard ne se prstent pas a une comparaison avec le dessin du manuscrit de Laon. La mosaique qui s'en rapprocherait le plus - iouie proportion sardie - est celle de Ganymede, de E1 Jem (IIF s.), dans laquelle les quatre saisons sont disposees en diagonale, a l'int6rieur ce qui est peut-eire un reflet de trompes de voiite. Cf. Par- rish, Season Mosaics, 1984, no. 32, pl. 49.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 145

identiques. Aussi des muscles pectoraux fortement d6veloppes et arrondis du type de ceux que i'on voit par exemple sur les atlantes du pavement de la Cour centrale des Tenne dei Cisiari a Ostie (Fig. 19), n'avaient qu'a etre incurves un peu plus pour donner l'illusion de sein^'^" Dans la partie du manuscrit de Laon consacree aux constellations, les pectoraux des person- nages masculins d'Hercule et d'kcas sont en forme de grappe, tandis que ceux d'hdromede sont plus ramasses (fol. 26 V; 27; 28). D'autre part, les possibles hesitations sur le sexe des saisons peuvent egalement s'expliquer par la nature des modeles antiques des saisons, lesquelles pouvaient eire des putti, des femmes, ou, plus rarement, des hommes, sans compter les ephebes 2 la chevelure longue et bouclee qui ornent le sarcophage bien connu de Dumbarton Oakslgo.

Non seulement le solide central, mais aussi les personnifications des saisons sont disposees suivant Une perspective plongeante, ou mrayon- nante,). Les antipodes places autour du globe ter~estre '~ ' (Fig. 24) et les musiciens groupes autour de David dans la Topographie chretienne de Cosmas Indicopleustes (Fig. 25) en presentent des exemples paralleles'"";l en va de meme pour la copie carolingienne de la roue des vents personni- fies dont les pieds convergent Vers le centre, dans un manuscrit du 1% siecle des Anfiquifates Judaicae de Flavius Josephe, de Saint-Gall, (Milan, , . . . ,..

fol. 1) (Fig. 26). Les jambes des ns un midaillon central en sorte

qu'elles semblent coupees 2i la hauteur des mollets19j. Tout comme ceci est le cas des figures de la roue laonnoise, la chevelure et le trace des muscles refletent un modele antique.

Par rapport aux anges places dans les medianes ou les diagonales des votites de chapelles d'eglises, la position des saisons de Laon est inversee.

189Supra, note 35. Parmi beaucoup d'autres exemples, voir egalement les figures des Tennes de Neptune, Becatti, Scavi di Ostia, IV, 1961, pl. CXXIV. 70.

'" Sur le changement de sexe des saisons, de feminin a masculin, a partir du 11' sikcle, les combinaisons de figures feminines et masculines, CF. Hanfmann, The Dumbanon Oaks Sarcophagus, 171, 214 s. Pamsh, Season A40saics. p. 20.

"' Cosmas Indicopleusiks, Topographie chrdtienne, N. 25. L'image n'existe plus que dans le manuscrit conserve a la Bibliotheque Laurentienne (XIc s.), ms. Plut. U<. 28, fol. 9 8 ~ . Dans les autres manuscrits, cette Page aurait ete arrachee. W. Wolska, La .Topographie chr4tiennen de Cosmns Indicopleustb. Theologie et science au VF siecle, Paris, 1962, pl. VII.

'92Cosmas Indicopleust~s, Topographie chrktienne, V. 121. "'Raff, dans Aachener Kunstblätter, 48, 1978-79, p. 163; ill. 133. R. Cipriani, Co-

dici miniati delmmbrosiana, Vicence, 1968, p. 157. R. Revelli, I codici ambrosiani di contenuto geografico, Milan, 1929, no. 15. -, Una rosa dei venti del seculo K dans Bol- letino della Societa geografica italiana, 17, 1910, p. 269-279.

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146 BARBAR4 OBRIST

Dans celle de Saint-Zenon de l'eglise Sainte-Praxede (817-824)'9VFig. 27), au palais de l'archeveque de Ravenne, ou encore dans celle de Saint-Vital a Ravenne (annies 40 du VE s.)I9', des anges soutiennent un medaillon cen- tral avec le buste du Christ, la croix ou l'agneau. En levant la tete, le regard humain se dinge ainsi Vers le sommet de l'univers, la cle de voute y etant occupee par le Sauveur.

D'autre part, il existe un type de roues des vents qui reproduit la dispo- sition des personnages caracteristique dans les voiltes : leurs tetes et non pas leurs pieds convergent vers le centre (Fig. 28). Cette tradition picturale est attestee dans l'<<Astronomie de Nemrot,>, un traite inedit dont l'un des manuscrits illustres date du debut du XII. siecle (Vatican, ms. Pal. lat. 1417), l'autre, de la Ein (Venise, Saint-Marc, ms. 2760)'96. Dans ce cas, ce ne sont pas des etres spirituels angeliques, mais aeriens, qui soutiennent la voilte celeste s.ymbo1ise par un medaillon central. D'apres le texte que cette figure accompagne, les vents assurent ainsi la stabilite de l'univers.

Ayant a l'esprit les voiltes d'edifices religieux - dont le symbolisme cos- mique est bien connu-, la combinaison de la perspective renversee et <<plongeanten avec des personnages dont les pieds convergent vers le centre dans la roue des saisons de Laon se prisente comme le resultat d'un choix precis de la part du dessinateur, plut6t que comme la simple copie plus ou moins habile d'une modele antique. Son intention etait de toute evidence de donner l'illusion d'une sutface terrestre au fond de l'univers : le specta- teur regarderait alors le fond et le centre de l'univers cubique dans le cas de la roue des saisons, spherique dans celui de la roue des vents. Le dessin en perspective rayonnante se presenterait donc comme l'expression picturale du lieu commun des manuels d'apres lequel la terre est a la fois le centre et

R. Wisskirchen, Die Mosaiken der Kirche Santa Prnssede in Rom, dans Antike Welt, Sondernummer, 23, 1992, ill. 9, 48.

'W K. Lehmann, The Dome of Heaven, dans Ar1 Bulletin, 27, 1945, p. 1-27, ill. 44- 45.

'" Reposant, en tout cas en partie, sur des textes de la Basse Antiquite, la date de la compilation inedite pose problerne. B. Obrist, Les vents dans I'astronomie de Nemrot, dans Publicatiuns de 1'Obsemaroire astronomique de Strasbourg, serie Astro- nomie ef sciences humaines, 10, 1994, p. 57-76. Les figures du manuscrit du Vatican (Pal. lat. 1417) sont trop effacees pour se preter & une bome reproduction. S. J. Live- sey, R. H. Rouse, Nimror the Astronomer, dans Traditio, 37, 1981, p. 203-266. F. Saxl, Verzeichnis astrologischer und m.vtholog¿-che illustrierter Handschrifien des lateinis- chen Mittelalters in römischen Bibliotheken, Sb. Akad. Heidelberg, Vieme, 1915, P. 30-31. P. McGurk, Catalogue o f Astrological and Mythological illuminated Manus- cripts o f the Latin Middle Ages. Astrological Manuscnpts in Italian Libraries (other than Rume), Londres, 1966, p. 84-85.

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LE DIAGRAMME ISWORIEN DES SAISONS 147

le fond de l'univer~'~'. Ainsi s'explique mieux la position des personnages : dans un cas, les anges (ou les vents) soutiennent l'envelopp celeste du monde; dans l'autre, disposes de facon inverse, vents et saisons exercent Une force non seulement en direction de la terre, mais aussi horizontale- ment et lateralement : les saisons tentent de se saisir des mains des saisons voisines, Ies vents cardinaux tiennent leurs collat~raux au bout des bras etendus. Et comme vents et saisons sont des phenomenes de la nature s u b l ~ n a i r e ' ~ ~ , la question de la signification des cercles exterieurs des roues trouve Une reponse claire : ils ne peuvent signifier que la limite de l'espace spherique sublunaire.

On aurait donc, pour les deux roues de Laon : le cercle central et le cube comme unites symbolisant l'univers; le carre central, comme image de la surface terrestre; enfin, le cercle exterieur de la roue delimitant l'es- Pace sublunaire dans un Sens egalement topologique.

Dans l'enluminure carolingienne, on cherche en vain des exemples paralleles ou proches de la roue des saisons de Laon. La tentative de representer un espace cubique a l'interieur d'un schema cosmologique reste isolee. En revanche, les carres et rectangles pourvus d'une legende les identifiant comme mundus ne sont pas rares, c'est-i-dire, les corps tn-dimensionnels sont couramment symbolises par des figures planes. I1 s'agit des lors de se representer mentalement, ainsi que le suggkrent nombre de textes, la figure plane comme Une figure tn-dimensi~nnelle'~~; ou la figure plane dinote effectivement Une surface. Ceci concerne autant les figures angulaires que circulaires, ces demieres pouvant sym- boliser l'oikoumine dklimitee par l'horizon, tout comme elles peuvent renvoyer a un corps spherique, le globe terrestre, ou la sphere de Suni- vers : dans l'une et l'autre des variantes, mundus et terra figurent de facon interchangeable. Cette ambiguite tient a Une double cause : d'abord, les figures planes representent des solides20! Ensuite, les delimi-

19' Par exemple, Macrobe, Comm. in Somn. Scipionis, I. XXII. 8. Pour la theorie, voir Aristote, Du ciel, IV. 1 (P. Motauc 6d. trad., Paris, 1966).

198Ceci n'est pas toujours le cas pour les vents. Cf. Obrist, Wind Diagrams and the Medieval World Order, A paraitre dans Specuium, 1997.

'"Pour le problerne, cf. Macrobe, Comm. in Somil. Scipionis, 11. Vi. 7. lrn Les manuscrits du D<. siecle d'un chapitre sur les elements (Inc. : Nunc ceme

ut media mundi Corpora, zd es? aqua et aer, ita docuimus in numeris vigorem et inge- nium sumpserint ... ), probablement ajout6 au second livre des Inslituriones de Cas- siodore au cours du VIP siecle, illustrent bien la tendance de s'en tenir aux figures planes. Deux graphies s'y rapportent aux elements : la premiere illustre la maniere dont ils sont lies entre eux, selon les proportions numeriques et leurs qualites, le se- cond, la forme des 6lements separes. Bien que les legendes d6signent les figures des

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148 BARBARA OBRIST

tations circulaires, rectangulaires ou carrees de la surface terrestre, ainsi que ses subdivisions en quartiers, sont des projections sur la terre des divisions de la sphere celeste, astronomiques et astrologiques (aspects quadrants, Ptolemee, Titrabiblos, 11. 3).

Dans un certain nombre de schemas, la legende mundus exclut toute ambiguite quant i la signification des formes angulaires. Par exemple, les manuscnts carolingiens viennois et munichois mentioiines plus haut ren- ferment Une carte des zones climatiques dans laquelle celles-ci, represen- tees sous forme de cercles entiers projetes dans le planz0', sont groupees autour d'un c a h e central symbolisant l'unite mundus (Fig. 29). Ailleurs, ces mEmes cercles des zones peuvent eire groupes autour d'un cercle designe comme teruaio2.

Dans la figure de la terre rectangulaire avec les points equinoxiaux et solsticiaux mentionnee plus haut, le monde (mundus) et la terre sont des formes rectangulaires imbnquees l'une dans l'autre (Fig. 18). Dans d'autres variantes, le carr i mundus renferme la carte en T-0. Ainsi, dans un manus- cn t du XI. siecie conserve i Trkves (qui repose sur un modele carolin- gien)'O: le carre mundus est inscnt dans un cercle divise en 12 comparti- ments assignes aux vents. Ce carre renferme a son tour la carte du monde en T-0. Le carre est designe par la legende suivante : mundus iiii angulos hubet et iiii Partes diversas (le monde comporte quatre angles et quatre parties diff&entes) (Fig. 30).

elements stpares comme pyramis, dans le cas du feu, cornrne sphera dans celui de l'air, comme ikosahedron dans celui de l'eau, et comme cybos dans celui de la terre, les figures correspondantes ne sont qu'un triangle, un cercle et deux rectangles (Beme, Burgerbiblothek, cod. 212 I, fol. 90v; I*; tiers du D('%, Mayence), Hombur- ger, Die Handschrifien der Burgerbibliothek, p. 85. Ed. du texte par R. A. B. Mynors, dans Cassiodori Senatoris Institutiones, Oxford, 1937, p. 167-168; Mynors dome 13 manuscrits. Gene par l'identite des formes de l'eau et de la terre, le dessinateur du manuscrit de Berne a modifie les conteurs du carrb de l'eau par un trace ondule. Re- haussees de couleurs, ces figures se trouvent dans le rnanuscrit du Vatican, Reg. lat. 123, fol. 129. Pressouyre, Le cosmos plaronicien, dans Melange5 dSarch6ologie et d'hs- toire, 78, 1966, p. 570; ill. p. 571.

Ceci est la raison de cette disposition qui semble, a premiere vue, etrange. Comp. Macrobe, Comm. in Somn. Scipionis, 11. V. 15.

lo2 Isidore, De rerum natura, Beme, cod. 610, fol. 21, Homburger, Die illustrierten Handschriiten der Burgerbibliothek Bem, ill. 130.

"'Karolingi5che Beda-Handschriften aus St. Maximin, 1990, na 33, ill. p. 63. Une image de ce type fair partie des roues disposees autour de la carte planetaire mentio- nee plus haut, Boulogne-sur-Mer, Bibliotheque municipale, ms. 188, fol. 30. Aratea, 1989, ill. 6.

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LE DIAGR4MME iSIDORlEN DES SAISONS 149

Reste k savoir la raison pour laquelle le dessinateur du manuscnt de Laon a donne la preference aux formes angulaires. On peut raisonnable- ment supposer que ce choix correspond i I'intention de mettre en evidence un aspect cosmologique specifique. Or les motifs carre et cubique ont tou- jours une connotation de solidite et d'immobilite. Mais il s'agit 1a de carac- teristiques qui, en principe, ne peuvent se rapporter qu'au globe terrestre et 3 i'oikoumen&, la seule partie immobile dans un univers ou par ailleurs tout toume. I1 n'est qu'i rappeler I' etytnologie de m u n d u s rapportee par Macrobe et Isidore, d'apr&s laquelle le monde avance toujours en mar- chant, tandis que les saisons, les curricula, courentmM.

Mais alors, pourquoi les personnifications des saisons, les syrnboles memes de la mutabilite circulaire, sont-elles associees 2 un motif pictural denotant la stabilite et l'immobilite? Un regard sur les variations dans les schemas isidoriens apporte un premier element d'explication. Dans le manuscrit conserv s.), les noms des u central (Fis 31)205. Ce motif Se trouve dans un schema carolingien du . - . - monde (83 11, fol. 84, de la Bibliotheque de la Cathedrale, 3 Cologne, ter-

"~ , . . , ,.. . mine en 805m6), oU sont disposees des legendes le loig des totes du carre central indiquant qu'ils symbolisent les quatre elements (Fig. 32). Ces legendes permettent de comprendre la raison de l'introduction du motif : il sagissait de bien mettre en evidence que kocmoc-mundus , ainsi que anizus et le microcosme (homo) se composent des quatre elernents. Et, comme l'idee de transfonnation cyclique etait, dans ce cas precis, secondaire, les noms des qualites en sont absents. Le carri des elements est inscnt dans un cercle, a son tour entoure d'un carre divise diagonalement en quartiers auxquels sont assignes les quatre fois trois vents2".

loi Macrohe, Sarumales, I . 9; 1.12. Isidore, Erymologies, XIII. 1. 7-10. Supra notes 49. 134.

'" Pressouyre, Le costnos platonicien, dans Mdlanges d'archdologie er d'histoire, 78, 1966, P. 560.

2 0 T o u ~ Une descriotion du contenu : A. V o n Euw. Die künstlerische Gestaltun~ "

der asrronomischen und komputistischen Handscllnfien des Westens, dans Science in Western and Eastem Civilization in Carolingian Times, 1993, p. 251-269; c f . p. 252; 255-258. Monumenra Annon& : Köln und Siegburg : Welrbild und Kunsr im hohen Mittelalter, cat. exp. Schnütgen Museum, Cologne, 1975, n" A 32, ill. p. 95.

ioi La legende au-dessus de i'ensemble esi la suivante : Hic est mundus divisus in quatuor partes : oriens, occidens, meridies, septentno, er nomina veniorum scripra er quantos pedes umbra habet in unoqoque inense ad horac inveniendas er quantas dis- crescif et excrescit unoquoque n2ense.

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150 BARBAR4 OBRIST

Lexemple pictural le plus explicite pour ce qui est de l'association du ca rd avec les quatre elements date du XIP siecle (Munich, Bayensche Staatsbibliothek, clm 2655, fol. 105v) : les bustes des cersonnifications du f....,..;,..-..,.. eu de l'eau; dela t'erre e t ~ d e l'airZo8 reposent sur les quatre c6tes du c a r e

m u n d u s , les bras etendus et les mains jointes formant a leur tour Une forme approximativement carree, esquissee, dans les roues de Laon, non pas par les mains, mais par les pieds (Fig. 33).

Plusieurs manuscrits associent donc les noms et les personnifications des elkments aux quatre c6tes d'un carre symbolisant le monde. La legende de celui de Treves (Fig. 30) apporte la precision que les quatre angles du monde correspondent aux quatre parties dont il se composeZog. Or ces par- ties etaient toujours les quatre elements du feu, de l'air, de l'eau et de la terre. Les eliments pouvaient, ainsi que ceci a ete souiigne a plusieurs reprises, Etre representes soit du point de vue de leur transformation cyclique, soit comme parties constitutives du monde, la dimension spatiale l'emportant alors sur celle de la temporaliti. Dans le premier cas, les 616- ments sont a la base de tout type de changement, le cycle saisonnier etant, au niveau cosmique, la manifestation la plus immediatement perceptible des proportions toujours changeantes de leurs qualites. Dans le second, l'accent est mis sur le fait que c'est d'eux que se compose tout corps. Mais, dans I'un ou I'autre cas, l'idee d'harmonie est fondamentale : l'equilibre entre des couples d'opposition constitutifs de l'univers est la condition sine qua non a toute stabilite de l'ensemble des choses. Pendant toute l'Anti- quite, la regularite du cycle saisonnier etait consideree comme le signe manifeste de la permanente de cet e q ~ i l i b r e ~ ' ~ .

Si les personnifications des saisons reposent sur un carri, c'est que le

los A noter que le feu et l'eau sont adjacents. Pour quelques remarques sur cette paze, jamais analysee dans son ensemble, Esmeijer, Divina quatemitas, 1978, p. 61, 173. B. Obrist, Cosmoloa and Alchemy in an illustrated 13th Centufy alchemicai Tract : Constantine o f Pisa, .The Book o f the Secreis o f Alchenzyn, dans Micrologus, 1, 1993, p. 115-160; cf. P. 158.

' 09 Supra, note 203. Sur ce sujet, cf. G. L. Bertolini, I quattro angoli del niondo e ia fomza della rerra nei passo di Rabano Marrro, dans Bolletino della Socieri Geo- graphica iraliana, 47, 1910, p. 1447-1439. Dans le Passage initial d'une compilation medicale assez repandue dans le haut Moyen Äge, on lit : Quaruor sunt venri quat- tuor anguli celi ... in quattuor angulos est capur hunzanum positum, in quinto autem stat. L. Thorndike et P. Kibre, A Catalogue o f Incipits ofMediaeval scientific Wntings in Latin, Londres, 1963, col. 1182. Epistola Ypogratis, M. WlaschS. ed., Sapientia Ar- tis Medicinae. Ein frühmittelalterliches Kompendium der Medizin. dans Kyklos, 1, 1928, p. 103-113; cf. p. 104, 1. 1-3; 106, 1. 12.

"OCf les remarques de M.-H. Quet, La mosazque cosmologique de Md&, pro- positons de lecture, Pans, 1981, p. 145.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 151

cycle saisonnier est representk en tant que manifestation de la stabilite des liens entre les quatre klkments constitutifs des quatre parties de l'univers. C'est aussi dans ce contexte que se place, en premier lieu, la metaphore des bras etendus : elle denote l'idke d'amitie, de l'arrangement harmonieux des elements du rkcit cosmogonique platonicien, reprise Une infinite de fois dans la litterature. Ei bien qu'aucune legende ne vienne designer les 616- ments, le motif des bras etendus, celui du c a d sur lequel sont ~ O S ~ S les pieds des personnifications, ainsi que la forme cubique du motif central de la roue, suggerent leur presence. Transposee dans l'ordre temporel des manifstations saisonnieres, l'idke de stabilite des liens entre 6lements est nuancee : la cohesion de l'ensemble rkside dans la transformation conti- nuelle des parties constitutives de l'univers.

Les diverses combinaisons entre les motifs figuratifs, dont chacune fait ressortir certaines variantes de contenu, trouve Une correspondance dans celles des elements textuels des manuels. Les liens entre relations temporelles et spatiales y sont rarement expiicites; le plus souvent, les assertions concernant l'une ou l'autre categone sont simplement juxta- posees dans des propositions lapidaires, en sorte que les affirmations qui en resultent ne sont guere, pour le lecteur moderne, plus immediatement compr6hensibles que les combinaisons des formes geometnques. Ainsi, dans un commentaire anonyme du debut du X" siecle se trouve un debut de phrase qui peut eire considere comme l'equiCalent textuel de la roue des saisons de Laon : on y lit que le nzonde se coinpose de quatre i l iments et de quatre saisons ...>". De toute evidente, les interprktes mkdievaux du dia- gramme isidorien des saisons avaient du mal a raisonner sans faire inter- venir, en plus des qualites, les corps elementaires.

Mais il reste que, a travers le motif du cube, la notion d'immobilite est associee au monde dans son ensemble, ce qui est contraire a la notion de mouvement circulaire qui entre dans la definition meme du monde sphe- rique. Que signifie donc, dans les roues de Laon, la combinaison de la forme cosmique circulaire avec les formes cubique et carree? Pourquoi avoir choisi le cube pour symboliser l'ensemble cosmique des quatre 616- ments?

La reponse est qu'il s'agit d'une superposition des deux traditions cos- mologiques qui faisaient, dans l'ensemble, bon menage et ne furent ressen-

i"Sicut enim mundus quattuor eleinentis er quattuor temponbus constat, ita et homo quattuor hurnorihus et quattuor aetatibus. H . Silvestre, ie cominentaire inedit de Jean Scot Erigene au nzetre IXdu Livre III du rDe coirsolatione philosophiae» de Boece, dans Revue d'histoire eccl&iastique, 47, 1932, p. 44-122; CF. p. 60. Pour la date et l'auteur, cf. Courcelle, La Consolation, 1967, p. 291.

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152 BARBXRA OBRIST

ties comme contradictoires qu'occasionnellement : celle de la cosmologie astronomique pour l'univers spherique, et celle de ia cosmologie physique neo-platonicienne pour l'univers cubique. Ainsi, tout en attaquant son contemporain Cosmas Indicopleustes pour avoir abandonne la conception de l'univers spherique en faveur de celle d'un univers en forme d'edifice sis sur une surface plane, meme Jean Philipon, demier grand commentateur antique d'Aristote (F moitie du W s.), retient la notion d'un univers cubique parce que la forme du cube constitue la abase immuable de toutes les formes solides.. Se riferant a Job. XXXVIII, 37-38, Philipon ecrit :

eLes geometres qualifient cette forme (du ciel et de la terre pris ensemble) de cube (...). Chaque corps forme se trouve, de tous totes, cir- conscrit par cette forme (...). Je crois que Job a pris i'ensemble du cuhe, et non d'une autre forme, parce que c'est le cube qui est a la base immuable de toutes les formes solides. Pour cette raison, Platon, lui aussi, attribue a la terre la forme cubique; en effet, la terre est immobile, alors qu'aucun autre corps ne i'est (...). Si personne ne pense que la forme du ciel soit cubique - et elle oe peut l'etre car elle na pas d'assises - il reste (a admettre) que Job, pour la raison exposee par nous, appelle ecubebb le ciel et la terre, c'est-a-dire tout hniversn"'.

En revanche, dans les schemas purement astronomiques, ob l'univers est c o n p en termes de spheres planetaires entourant la sphere terrestre, celle-ci est toujours representee sous forme de cercle. Le globe terrestre, au milieu, est designe soit par terra (Fig. 34). soit par globz~s terrae, en accord avec la tradition des diagrammes macrobiens (Fig. 35)";.

Ainsi, les formes geometriques du carre et du solide cubique qui fai- saient, a partir de l'epoque carolingienne, l'objet de combinaisons appa- remment purement ludiques etaient, en realite, issues de discussions d'ordre philosophique. Dans un Passage du De universo jadis releve par Bertolini, et qui presente des paralleles avec celui de Jean Philipon, Raban Maur essaie d'expliquer la raison pour laquelle l'Ecriture sainte parle de la terre a la fois comme cercle et a la fois comme carre, cette derniere forme eiant suggkree, d'apres Raban, par les frequentes refkrences aux aquatre anglesx du monde :

eAinsi, j'estime que c'est avec raison qu'il faut chercher 2 comprendre comment peui-ent convenir a la terre et le card et le cercle, alors que d'apres les geometres, ces schemas different entre eux. L'Ecriture appelle donc

"'Nous reprenons la traduction de W. Conus (La ~Topographie chrdziennen de Cosinas Indicopleuste%, 1962, p. 133), qui a attire l'attention sur ces passages (De opi- ficio ntundi; De aeiemiiaie mundi).

"'Cologne, Schütgen-Museum, ms. XII. 4, fol. 121:. A. Von Euur et J. M. Plotzek, Die Handschefien der Sanimlung Ludwig in Kobz, vol. 3, Cologne, 1982, p. 154 s.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 153

"cercle" la forme de la teme parce qu'elle appärait toujours a ceux qui contemplent son extremite comme un cercle, lequel cercle est appele .horizon. par les Grecsn.

D'apres i'auteur, c'est en reliant entre eux les points cardinaux a l'inte- rieur du cercle de i'horizon, par des lignes droites, que i'on obtient un c a d Z 4 .

Des reflexions de ce genre peuvent faire partie de courants speculatifs precis, en tout cas a partir de la seconde moitie du 1% siecle, le contexte philosophique etant alors celui du neo-platonisme pour lequel le Timie , est i'autorite supr2me en matiere de philosophie de la nature2'j.

Ayant eu un impact considerable a partir du I X siecle, les passages clis de cette tradition philosophique relatifs aux formes geometriques des elements meritent d'etre brievement passes en revue, car ils permettront d'approfondir le cadre theorique que les formes picturales ne font que sug- gerer et de comprende comment on en etait amve, dans la tradition phy- sique neo-platonicienne, a attribuer un solide cubique au monde. Enfin, i'examen de cette tradition jette une lumiere sur le probleme de la repre- sentation des figures planes et solides, egalement central pour i'interpreta- tion des formes geometriques constitutives des schemas cosmologiques.

Au IXe siecle, le Tirnie est connu dans la version latine partielle (elle s'ar&te a 53C) de Calcidius, accompagnee de son commentaire (env. 400)"'. Les speculations carolingiennes sur les formes gkometriques se

"' Raban Maur, ~e universo, XI. 2 (De orbe) : rappelle d'abord I6tymologie 81- sidore (orbir a rorundirare circuii dictus quia siciir rota es!...). Ensuite, commentant Matth. XXN (Enzitret angelos suos cunz ruba er voce magia er congrezabit a quatuor angulis rerraej, il ecrit : Unde nzerito aesrinzo perquirendunz quemadmodum ierrae possit er quadrario er circultrs coizvenire, durn scheinara ipsa (sicut geometrici dicuntj iudicantur esse diversa. Fornianz rerrae ideo Scriprura orbem iiocat eo quod respicienti- bus exrrenzitate>n eius circuius seniper apparet, quenz circulum Graeci horizonra vo- Cant. Quatuor aurein cardinibus eanz fomzari dicit, quia quaruor cardbzes quaiuor an- guios quadrati sipificanr, qui iiztra praedictum terrae circuium contiizeiziur. Nanz si ab Orienris cardine in Ausrrunz er in Aquilonein singulas recras liizeas ducas : sintiliter quoque er si ab Occidentis cardine ad praedicros cardines, id est Ausrrum er Aquilo- nem, singulas rectas lineas iendas, facis quadratui?Z ierrae infra orbenz praedicrunz. Sed quomodo quadraius isre demonstrativus inter circ~ilum scribi debeat, Euclides in quar- ro libro Elementomi?i evidenter insinuai : quaproprer recte Scriprura sancfa facienz rer- rae er orbem vocat ei airaruoreanz dicir cardiizibus contineri (Patroloeie larine, 111, col. "

333B-C). M. Baltes et H. Dömc, Der Pl~toiiismus in1 2. und 3. Jahrhundert nach Chris-

tus, Stuttsafi-Bad Cannstadt, 1993, p. 280. Comm. sur le Timde : p. 209-224. Comme exemple de Iattitude medievale, ci. Bovo de Comey, qui parle de Platon, auteur du Tirnie, en termes d'e*ceilentissiinus, et cite ensuite Macrohe. Supra, note 157.

?Ie Pour les manuscrits, cf. J. H. Wäszink, Tii?zaeus a Calcidio translatus, conz-

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154 BXRBAM OBRIST

placent egalement dans la continuite des neo-platonismes de Macrobe, Martianus Capella, de Boece et, a travers l ' i l r i t h i ~ ~ i t i ~ u e de Boece, du plato- nisme pythagorisant de Nicomaque de Gerasa. S'y ajoutent les doctnnes platonisantes transmises par les Peres.

Platon et Ses commentateurs assignent des significations prkcises aux formes cubique et carree. Le cube en revet deux : d'abord, selon le Timie, cette figure revient la terren7. Ensuite, dans les commentaires neo-plato- niciens du Timie, le solide cubique symbolise egalement l'ensemble des quatre elements, c'est-2-dire le monde apprehende dans Une perspective proprement physique. Et, fait notable, le cube elementaire des neo-platoni- ciens constitue Une des figures du De rerum natura, le & de la serie.

La theorie platonicienne de la forme des ilements avait pose de nom- breux problernes aux commentateurs, un fait qui se ripercule sur leurs representations diagrammatiques. En particulier, il etait difficile de la relier de facon consistante a celle des liens entre les parties elementaires constitutives de l'univers, exposees par Platon au debut de son mythe cos- mogonique. 11 etait tout aussi difficile d'expliquer la transformation cyclique des ces elements. Dans le Passage initial sur la formation du <<corps du mondea , Platon parle des quatre elements relies entre eux non pas au moyen de qualites comme chez Anstote, mais de proportions :

=Ce qui a commenci d'etre doit nicessairement Etre corporel et ainsi visible et tangible: mais, sans feu, rien ne saurait Etre visible, ni tangible sans quelque chose de solide, ni solide sans terre. Aussi est-ce du feu et de la terre que le dieu prit d'abord, quand il se mit a Composer le corps de l'univers. Mais, si I'on n'a que deux choses, il est impossible de les combiner conve- nablement sans une troisieme; car il faut qu'il y ait entre 1es deux un lien qui les ~ n i s s e ~ ' ~ . Et, poursuit le Timie, le meilleur lien est celui qui forme une unite, la proportion. Lorsqu'en effet de trois nombres quelconques, cubiques ou c a i ~ i s , ie moyen est au dernier Ce que 1e premier est au moyen et qu'inver- sement le moyen est au premier ce que le dernier est au moyen, le moyen devenant tour a tour le premier et le dernier, ... ils formeront a eux tous un

nientarioque instructus. Plato latinus, IV, R. Klibansky ed., Londres, 1962, reed., Londres-Leiden, 1975. Pour quelques observations sur la difhsion du Timie au E siecle, CF. B. Eastwood, Plato and Circumolar planetav Motion in the Middle Ages, dans Archives d'histoire doctnnale er liüeraire du Moyen Age, 60, 1993, p. 7-26 ; cf. p. 8. R. McKitterick, Knowiedge of Platok Timaeus in the iiinth Centuq aizd the Im- plications of Valenciennes, Bibliothhque municipale MS 293, dans From Athens to Chartres, Neoplatonism und Medieval Ilzought. Srudies in Honour of Edouard Jeau- neau, H. J. Westra ed., Leyde, 1992, p. 85-95. -, Script andBook Production, dans Ca- rolingian Culture : Emulation aizd Innovatio>t, R. McKitterick ed., Cambridge, 1994, p. 221-247; cf. p. 227-228.

"'Platon, Tim&, 55D (E. Chambiy trad., Paris, 1969). "SIbid., 31B.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 155

touti". Si donc le corps de l'univers avait dü etre Une simple surface, sans pro- fondeur, un seul terme moyen aurait suffi pour lier ensemble les deux extremes et lui-meme. Mais, en fait, il convenait que ce Fut un corps solide. Aussi, comme les solides sont toujouß joints par deux medietes, et jamais par Une seule, le dieu a mis l'eau et i'air entre le feu et la terre et les a fait propor- tionnes l'un ä l'autre ... et c'est ainsi qu'il a lie ensemble et compose un ciel visible et tangible. C'est de cette maniere et de ces elements, au nombre de quatre, que le corps du monde a etk forme. Accorde par la proportion, il tient de ces conditions I'amitie, si bien que, parvenu ä I'unite complete, il est devenu indissoluble par tout autre que celui qui l'a uninZ0.

Abordant plus loin la question de la forme des elements, Platon affirme qu'en tant que corps, ils ont de Ia profondeur, et que la profondeur est, de toute necessite, enclose par la nature de la surface, et toute surface de formation rectiligne est composie de triangles"'. Les corps des elements sont donc delimites par des surfaces composees de triangles, les elements irreductibles de toute entite corporelle. Au feu revient ainsi le tetrahedron, 2 I'air, I'octabedron, a I'eau, I'icosahedron, a la terre, le cube. Le cube est delimite par des surfaces carrees, mais qui peuvent neanmoins se diviser en triangles. Cependant, Platon exclut la terre du cycle de transformation qui se produit, pour les autres elements, i travers leurs configurations triangulaires changeantesn2, la raison en itant qu'il tient a sa stabilite et immobilite : des quatre especes, la terre est la plus difficile a mouvoir et le plus tenace des corps ... ; elle est le corps qui a les bases les plus stablesZz3. En somme, l'element terre est tellement stable et immuable qu'il reste tou- jours plus ou moins identique a lui-meme.

C'est en essayant de resoudre le problerne du raccord entre la theorie des intermediaires, ou medieties, exposee au dehut du Timie, et celle de la forme geometrique des elements, que les commentateuß du Timde en am- vaient a attribuer un solide cubique a l'ensemble des elements. Dans le cha- pitre 20 de son commentaire sur le Timie, Calcidius expose le probleme comme suit : si le cycle des elements ne comprend pas tous les elements, il n'y a pas formation d'un tout, de l'univers. Pour relier entre eux deux corps solides, il faudrait, d'apres Platon, deux rnedietes. Mais, ohjecte-t-il, ceci est impossible dans le cas du feu et de la terre, puisque le feu a la forme d'une pyramide, cependant que la terre est un cube. N'ayant pas les memes angles, ces deux formes ne peuvent donc se joindre dans un rapport de pro-

"'Ibid., 31C. "0 Ibid.. 32A - 32C,

Ibid., 53C. >"Ibid., 54B-C. Aristote, De calo, 111. 7-8 : cntique de Platon. "'Platon, Tim&, 55D-E; 56D. Cornford, Plato's Cosnzolo,q~ p. 216, 225.

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portion analogique pour Former Une unite, c'est-a-dire le corps de I'uni- versn4.

Pour sauver la theorie geometrique de Platon, les neo-platoniciens font intervenir la physique qualitative, car, ainsi que I'explique Proclos, des faits physiques sont des copies des faits mathernatiques>)"j. Cependant, les qualites qu'ils choisissent d'attribuer aux elements ne sont pas ceux d 'kis- tote, mais proviennent en partie de Platon2'*. La version proposee par Cal- cidius semble due a Porphyre, mais dont le commentaire sur le Timie est perdu : d'apres lui, il n'y a effectivement pas de similitude (similitudo, ana- logia, iugabilis competentia) entre la forme du feu et celle de la terre, et au niveau de la forme, ces elements ne peuvent donc etre relies les uns aux autres. Mais en faisant intervenir les enatures et qualites.2 des elements, ils le sont nt!anmoinsn7. La theorie des qualites est manipulee de facon a pou- voir s'accorder avec la theone mathematique : puisqu'il faut deux medietes pour I'union des solides mathematiques, le nombre des qualites assignees a chaque element est eleve de deux a trois. I1 faut deux medietes et deux qua- lites communes pour relier entre eux deux solides, Une mediete et Une qua- lite pour les surfaces.

Toutefois, la figure du Timie de Calcidius qui circulait a partir de I'epoque carolingienne est purement geometrique, sans que les noms des qualites n'y soient integres. Celle qui doit correspondre aux tentatives de raccord entre cosmologie physique et cosmologie mathematique des com- mentaires neo-platoniciens avait echoue dans le De rerum natura d'Isidore de Seville228. Tronque a l'extreme, le texte du De rerum natura qu'elle y accompagne ne comporte, quant a lui, aucune allusion aux proportions geometnques. Seules les comhinaisons entre les respectivement trois qua- lites des elements sont evoquees dans Une formulation similaire a celle du chapitre d'Arnbroise : la terre, epaisse, arrondie et immobile, s'allie a la nature epaisse et arrondie de I'eau; puis l'eau s'associe a I'air par son epais- seur et sa mobilite; l'air a son tourest lie au feu par leurs communs carac-

22Timaeus a Calcidio rranslaius, coinnzentarioque insinrctus, C. 20 (Waszink Od., Londres, 1962: 1975); J. H. Waszink, Studieiz zuin Tinzaioskommentar des Calci- dius, Leyde, 1964, p. 74.

'2sProclos, Conznzeniaire sur ie Tinzde, A. J. Festugiere trad., 5 t., Paris, 1966- 1968. CF. 111, p. 64, 67-68. P. J. O'Meara, Pytizagoras revived, Oxford, 1989, p. 190-192.

22056A; 58B. Pour le caractere flottant de l'exposO de Platon, cf. Fontaine, La cuiture, p. 658.

i*' Tii~zaeus a Calcidio iranslaius, coniinenlarioque instmctus, C. 21; Waszink, Snidien, p. 74.

"Tontaine insiste sur le fait qu'lsidorc avait connu les demiers reflets de com- mentaires du Tiinde, perdus depuis, La cullurc, p. 408 s.: 638.

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 157

teres aigu et mobile...22g. Dans le De r e m m natura, la figure est designee de la facon suivante : Haec Jigura solida est secundum geometricam rationem (Fig. 36)>'O.

Malgre les problernes evidents dans le rendu des raccourcis, les meil- leurs exemples reussissent a creer l'illusion de profondeur. Le copiste de l'epoque isidorienne devait probablement ne plus disposer d'un modele correctement constmit. I1 existe d'ailleurs Une tradition picturale hispa- nique de ce solide attachee aux Etymologies d'lsidore, dans laqueiie il est rkduit a un rectangle divise en quatre par des diagonales, les noms des 616- ments occupant les quartiers2j". Mais, meme abstraction faite du problerne de construction, la figure etait incomprehensible sans les demonstrations dont elle avait fait partie.

Detache du contexte speculatif (dont les resumes de Proclos laissent deviner le degre de sophistication), le solide des elements devint Une for- mule graphique a laquelle adhererent, depuis I'Antiquite, les notions d'har- monie cosmique assurke par les liens indissolubles entre des paires d'ele- ments pourtant opposes. Ainsi, en accord avec le ton general de la poesie cosmique de I'Antiquite tardive, dans laquelle les metaphores de coercition abondent face a un univers constamment menace de dissolution, Macrobe interprete dans ce sens les deux medietes exigees par Platon pour relier entre eux les ktements : elles exercent Une force d'autant plus puissante qu'il y en a deux, et pas Une seule, comme dans les figures plane^^^^.

Te1 qu'il survit dans le De r e m m natura, le solide des quatre elements illustre donc Une conception assez repandue dans les ecrits neo-platoni- ciens, ou d'inspiration neo-platonicienne, a savoir que le cube symbolise non seulement l'element terre, mais tout ce qui est corporel et solide, et donc compose des quatre klements.

Combine, dans la roue des Saisons de Laon, avec un cercle, le solide des elements symbolise le corps de l'ensemble, de I'univers. Dans les images cosmologiques carolingiennes et romanes, le cercle exterieur garde toujours quelque chose de sa connotation astronomique d'enveloppe celeste, Une caracteristique qui ressort clairement des images plus elaho- rees que les diagrammes des manuels de base. Ainsi, dans Une representa- tion du monde emergeant du chaos lors de la Crkation dans la Bible cata- lane m XI' s.), le ciel etoile

'19 Isidore, De remm natura, XI. 2-3. 2 '0Po~r le manuscnt lat. 6413 (Paris, Bibliotheque nationale), cf. Teyssedre,

dans Gazette des beaux-aes, 1960, p. 19-34; fig. 8. fig. 8 "' Fontaine, La cuiriu'e, p. 408 s., pl. 111. "Macrobe, Conzm. in Somn. Scipionis, I . VI. 24-25.

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158 BARBARA OBRIST

entoure la sphere sublunaire en voie de differentiation. En plus de la desi- gnation caelunz, l'enveloppe celeste est suggeree par la presence d'etoiles. A l'interieur, on voit le monde qui vient d'etre differencie en ses quatre par- ties elementaires, aux couleurs diverses, apparemment encore recouvertes d'eau (lignes ondulees). Au centre, un c a d ocre semble symboliser la terre aride emergeant des eaux; a son tour, il renferme un tout petit cercle (Fig. 37)Zj;.

3) Les saisons des manuscyits de Cava er de Madrid

Bien qu'absents du texte isidorien sur les saisons et de la figure corres- pondante, les quatre elements occupent Une place centrale dans le cadre cosmologique dont les roues medievales des saisons font panie. Aussi dans celle de Laon, les klements ont-ils discretement fait leur entrke sous la forme d'un cube. Mais c'est dans un type de figure appartenant 2 une tradi- tion picturale differente que les elements sont nommes et directement associes aux saisons.

Cette illustration des saisons se trouve dans au moins deux manus- crits, des florileges dont le noyau est constitue de traites de Bede, a commencer par le De ratione tempomm, et d'extraits d'autres ecrits, dont le De rerum natura. Le premier manuscrit, du milieu du XF siecle, avait ete ecrit a l'abbaye de la Sainte-Trinite a Cava dei Tirreni, dont il renferme ega-

" ..,..,..,. . . , . , . .. . lement les annales (ms. 3) (Fig.'38)23: Datant du XII. siecle, le second est

,,.- ... , conserve 2 la Bibliotheque nationale de Madrid - @,s. 19) (Fig. 39); sa prove- nance est incertaine, mais en ;out cas les traits stylistiques de certaines figures (Abraham et les philosophes egyptiens) font penser a un artiste de l'Italie meridi~nale '~~.

";MM. Mentrk, Cktion et Apocalypse, hisroire d'un regard lzumain sur le divin, Paris, 1984, p. 224-5.

2MM. Rotili, La miniatura nella Badia di Cava, I, Naples, 1976, no. 1, p. 101; pl. 111; p. 21-27. P. McGurk, Catalogue of astrological und mythological illuminared Ma- nuscripts ofthe Latiit Middle Aga, N, Londres, 1966, p. 16-17. Jones, Bedae Opera di- dascalica I, 1975, no. 24; Jones, Bedae Opera didascalica 11, 1977, no. 47. Codex Diplo- maticus Cavensis, 6d. M. Morcaldi, M. Schiani, S. De Stephano, 8 vol., Milan, Naples, Pise, 1873-1892. Cf vol. V : D. B. Gaetani D'Aragona, I nvlnoscritti membra- nacei della Biblioteca della SS. Trinitü di Cava de'iirreni, App., p. I-X, 1-91. S. De Ste- phano, La Badia della Trinitü dei PP. Benedittini in Cava dei Tirreni, Cava, 1903, p. 77. Mostra storica nazionale della miniatura. Palazzo di Venezia, Cat. exp., Florence, 1953, n. 91, p. 67.

"* Inventario general de Manuscritos de la Biblioteca national, I, Madrid, 1953, p. 20-23. A. Cordoliani, Un manuscrit de conzput ecclesiastique mal connu de 1a Bi- bliothdque nationale de Madrid, dans Revuta de Archives, Bibliotecas y Museos, 57,

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LE DIAGRAMME ISIDORIEI~ DES SAISONS 159

Dans les deux manuscrits, la figure circulaire des saisons fait partie d'une sirie d'illustrations, la premiere etant Une roue des vents du t p e de celle que l'on retrouve dans le rotulus no. 1 de l'Exultet de la cathedrale de Ban (Cava, ms. 3, £01. 198v; Madrid, ~. ms. ~ 19, £01. 120)"" Illustrant le cha- pitre isidonen sur l'origine de l'astronomie (&&zologies, 111. XXV), la seconde comporte Abraham enseignant cette discipline aux philosophes egptiens (Cava, ms. 3, fol. 199; Madrid, ms. 19, fol. 120 v)'37. La troisieme a pour sujet un astronome montrant la sphere celeste; il est accompagne, dans le manuscnt de Cava, du debut d'un poeme habituellement attnbue a Pacificus de Virone : Spera celi quatersenis horis dum revolbitur (sic). Dans les meilleures copies de cette image souvent associee au poeme, l'astro- nome pointe un n o c t ~ r l a b e ~ ~ ~ . Le manuscrit de Cava reunit sur Une meme page les deux Sujets astronomiques et la figure des saisons (Fol. 199) (Fig. 38) dont la signification est explicitee par Une inscnption centrale, ainsi que par un Passage dispose en forme de legende le long de sa circonfk- rence. Surmontie de la seule deuxieme image dont le sens a apparamment echappe au copiste, la reprisentation des saisons du manuscnt de Madrid (Fol. 121) est depourvue de legendes, si bien qu'elle semble faire partie des chapitres sur l'astronomie qui l'entourent. Le poeme Spera celi dont l'image de Cava inclut le debut est donne integralement par les deux r n a n u s ~ r i t s ~ ~ ~ .

La figure des saisons en est stnicturee d'une facon qui diffkre sensibie- ment de celle des roues isidonennes les plus anciennes en ce qu'elle est divisee en quartiers dans lesquels sont places les bustes masculins des sai- sons personnifies, tous identiques, et qui joignent leurs mains pour former Une ronde. Dans le manuscrit de Cava, ces bustes sont accompagnes, dans le Sens de la rnontre, de leurs noms respectifs, hiemps (en haut, a droite), ver, aesfas, aufumnus. En outre, les noms des quatre parties du monde et

1951, p. 5-35. -, Les manuscrits de coniput eccl4siasiique des bibliothe!ques de Madnd (Zes4rie), dans Hispania sacra, 8, 1955, p. 177-207; p. 178. Cordoliani suppose que le manuscrit a ete ecnt au monastere de Ripoll, en Catalogne; id. Jones, 1975 (Bedae Opera didnscalica I) no. 53; en 1977 (Bedae Opera didascalica 11). Jones marque «Ri- pol1 ou Montecassino$> (no. 107).

"6Rotili a attiri l'attention sur cette similitude, La nzinialura, vol. 1, p. 24 (fig. 3). Le buste du Christ dans le medaillon central a ete substitue par ceux de Sol et Lu- na dans le manuscrit de Cava, par des sirenes dans celui de Madrid. 111. de la roue des vents du manuscrit de Cava dans Rotili, La nzimtura, vol. 1, pl. 11.

"'La qualite du dessin de Madrid est superbe, celle de Cava, pauvre. Dans ce demier manuscrit, les plis sont schematists, les personnages mal proportionnes.

En demier lieu : J. Wiesenbach, Pacificus von Verona als Erfinder einer Ster- nenuhr, dans Science in Western and Eutern Civiliiation, 1993, p. 229-250; pour le manuscnt de Cava, CF. p. 242.

'J9Cava, Abbaye, ms. 3, fol. 199 V; Madrid, Bibl. nat., ms. 19, fol. 121 V.

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des quatre elements sont associes a chaque quartier : aqua-septentno a celui de l'hiver, onens-tem a celui du printemps, nzeridies-ignis a celui de I'ete, occidem-aer a celui de l'automne. Sur le pourtour est ainsi marque, toujours dans le sens de la montre :

AQUA HUMIDA ET FRlGIDA PER FRIGIDITATEM - TEM TERRE PER HUMIDITATEM AERI IUNGITUR. TERRA ARIDA ET FRIGIDA PER ARIDI- '1A1Ehl LGNlS PER FRI(;IDI'I'XI'EI AQLE 1I'XGITI:R. I(;SIS CALIDL'S EI' .AKII)LlS PER C,\I.ORE.M .%ER1 PER SICCI'l',\Ii?M TERRF CO\IIII:NIS - NICAT AER CALIDUS ET HUMIDUS SOCIATUR IGNI PER CALOREM AQUE PER HUMOREM

Les fautes de transcnption font penser a un copiste ayant en tendance a donner un sens au texte avant de l'avoir lu en eniier. De meme, l'inscrip- tion, au centre, semble se presenter comme le resultat d'une interprktation de sa part : Stihia, Une forme contracee de stoicheia, le terme grec d'6le- ment, a i te reporte sur les saisons. Dans les textes latins du haut Moyen Age, il existe un nombre considerable de d6formations du mot stoicheia, a commencer par celles des iextes du De rerum natura d'Isidore ob, vers la fin du Passage d'Ambroise, la variante du texte donnee par Fontaine est : Unde et graece 'cena' dicuntur quae latine elementa vocantuv, eo quod sibi conveniant et concinant"0. La phrase fait suite a celle sur les elements qui s'assemblent en une harmonieuse alliance en forme de chceur.

Dans la Figure circulaire du manuscrit de Cava, les noms des 6l6ments et de leurs qualites constitutives sont disposes le long de la circonference du cercle, tandis que la legende centrale trahit Une certaine perplexite de la Part du scribe devant la nature de la relation entre saisons et klements : il note que stihia <<signifie 'saisons' ou 'elements'~~ (STIHIA ID EST TEM- PORA VEL ELEMENTA).

Bien que donnant I'illusion d'etre la copie ou l'adaptation d'un disque antique de pierre, du type de celui consewi 2 I'Institut fran~ais d'archkologie du Caire (avec le Zodiaque), ou du type de celui represente par le planisphere BianchiniZd', l'image des saisons de Cava est en realite le produit d'un montage medi6val. Ce sont les rotae des actes diploma- tiques solennels qui en ont foumi la forme generale, la division en quatre secteurs, la disposition des legendes dans la circonference ainsi qu'a l'interieur des quartiers, le type d'ecnture, de meme que i'utilisation de l'encre rouge2".

Places dans les quartiers, les bustes masculins des saisons rkunissent

2401~id~re, De remm natura, XI. 3. "' Gundel, Zodiakos, 1992, cat., ill. no. 62; p. 111, ill. 51. *'> M. F. Chalandon, La diplomatique des Nownands de Sicile et de lzItalie mdri-

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LE DIAGFUM~UIE ~SIOORIEN nEs SAISONS 161

deux types de modeles antiques, celui des philosophes et celui de la ronde des saisons. Les sages philosophes sont frrquemment representes sur les mosaiques de pavements, comme par exemple sur celle provenant de Souidie-Baalbeck, du IIF sikcle (Fig. 40)2'3, ou leurs bustes sont dis- poses en cercle autour de Calliope. Quant aux bustes ou tetes de saisons, il s'agit d'un sujet banal. Sur la mosaique de Gerasa conservee a Berlin, les hordures sont ornees aussi bien de bustes de philosophes que de sai- sons (Fig. 41)2". Dans ce cas, I'&& est masculin et I'on peut supposer que les autres saisons, disparues, le furent egalement. Cependant, les exemples de personnifications masculines des quatre saisons a la fois ne sont fr6quents ni dans I'iconographie a n t i q ~ e ~ ~ ~ ni dans I'iconographie medievale246. Le motif de la ronde des saisons aux mains jointes est plus rare encore. Sur la mosaique du VP siecle recemment mise a jour a Ravenne, dans Une maison de la Via d'Azeglio, les saisons masculines, vetues de tuniques courtes (a I'exception de I'Hiver), forment Une ronde de danseurs (Fig. 42)lN7.

L'impression d'ensemble qui se degage de I'image de Cava s'appa- rente a celle de la roue figurative des saisons de Laon : les modeles anti- ques transparaissent de facon trks nette, pourtant, leur assemblage date de I'epoque m6dievale24s. Dans I'un et dans I'autre cas, elles occupent Une place a Part dans I'iconographie medievale des saisons. Avant tout, elles semblent redevables a des modeles de I'ultime fin de I'Antiquite, et

dionaie, dans M4la1zges d'archdoiogie et d'lzistoire, 20, 1900, p. 155-157; cf. p. 183-184, pl. N, iil. 3. D'aprks l'auteur, la premiere rota d'un acte normand daterait de 1129.

"'M. Chehah, Mosaiques du Liban, Paris, 1958-59, p. 32-43; pl. XV. J. Balty, La mosaique antique au Proche-Orient I. Des origines a la Teirarchie, dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, 12. 2, 1981, p. 380, pl. XX.

'"I. Kreiseleit Antike Mosaiken, Staatliche Museen in Berlin, Berlin, 1984, no. 4 (Inv. Mos. 731, ill. p. 67,68. G. Heeres et M. Kunze, Antikensamnzlung I. Grieclzüche und rönzische Plastik. Staatliche Museen zu Beriin. Führer durch die Ausstellungen, Berlin, 1984, no. 103, reconstr. p. 91, ill. 104, 105. Balty, La nzosaique antique, dans Aufirieg und Niedergang der römischen Weit, 12. 2, 1981, no. 9, p. 415-416.

"I Parrish, Season Mosaics, 1984, p. 20-23. En outre, la mosaique de Paphos (fin du IP s.), i Chypre (C. Kondoleon, Domestic and Divine. Ronzan Mosaics in the House of Dionysios, Ithaca, Londres, 1995, p. 89-96: fig. 45-55.

"6Supra, notes 23, 41. '*'M. Marini Calvini et M. G. Maioli, I mosaici di Via D'Aiegiio in Ravenna, Ra-

venne, 1995, p. 19, ill. I. '"~exception des manuscrits de Terence, les documents carolingiens non reli-

gieux qui posent ce cype de problerne n'ont guere attire l'attention des histonens de l'ari. Par. ex. : W. Oakshott, Ciassicai Inspiration in Medievai Ar?, New York, 1959, P. 45.

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162 BARBARA OBRIST

notamment du W siecle, epoque des figures cosmologiques de la Topo- graphie chrdtienne de Cosmas Indicopleustes. Kitzinger avait dkja not6 pour cette epoque, l'abondance, jusque dans les eglises de la rigion de Gerasa, de representations relatives au monde p h y ~ i q u e ~ ~ ~ .

P o u m e non seulement des noms des saisons et des kl&ments, mais aussi de ceux des quatre parties du monde, la structure de la roue empruntee aux documents legaux evoque l'orbis quadratus des geo- metres, ou agrimenseurs, qui divisaient l'orbis temrum suivant les points cardinaux. Tetragonus, ou quadrarus, signifiaient aussi bien <cdivise en quatre,> que «carr6nzSo. Pour obtenir un veritable carre, il sufisait de relier lateralement entre eux les points cardinaux, un procede qui est a l'origine des carres ou losanges a l'interieur soit d'un autre carre (Fig. 17), soit d u n cercle. La division en quartiers suggere ainsi une dimen- sion topologique absente des roues isidoriennes les plus anciennes.

La tradition picturale du monde divise en quatre parties (ou conti- nents) resurgit surtout dans les diagrammes des commentaires sur le Tu elementa numeris ligas ... (9e chant du l i > e 111) de la Consolation de Phi- losophie de Boece, 2 partir du 1% siede. Inserees dans ces textes, on trouve des roues des elements du type de celles des saisons d'lsidore, mais qui sont divisees en quartiers par Une ligne verticale et horizontale (Beme, Burgerbibliothek, cod. 179, fol. 31 v)'~'. Parmi d'autres temoins, un commentaire anonyme de La Consolation de Philosoplzie, base sur celui de Remi d'Auxerre (peu apres 902) et d'Adalbold d'utrecht (vers l'an 1000) (Paris, Bibliotheque nationale, ms. lat. 15104, fol. 194v, XIF s.) (Fig. 43) comporte Une rouc du meme type (cette fois-ci, la roue mundus annus lzomo a ete adaptee, plutot que celle de I'annee et des saisons). Elle illustre les liens entre les &lements suivant les nombres plan^^^'. Sur la r n h e page se trouve la figure des liens suivant les nombres solideszi3.

"'Mosaic Pavernenrs in the Greek East and the Questioi? of a <<Renaissance,> un- der Jtutinian, dans n?e Art of Byzantium, 1976, p. 219 : In no previous phase of Christian art had there heen such a concentration of suhjects pertaining to the phy- sical world, nor had these suhjects ever received such ohjective, even scientific treat- rnent ... Kitzinger donne une liste de representations des saisons (p. 217-8).

?joA. Szaho, Roina Quadraia, dans Maia, n.s. 4, 1956, p. 244-274. 'I' Hornburger, Die illustnerieii Hai?dsch~iften, pl. XXXVII, ill. 92, p. 130-132. '*'E. T. Silk kd., Saeculi noni auctoris in Boerii Consolationern philosophiae

Conzmerziarius, Rorne, 1932; pour le texte precedant la figure, cf. p. 172. Pour une mise au point en ce qui conceme les auteurs, cf. Courcelle, La Consolation, 1967, p. 251. Pour une hihliographie sur la littkrature plus recente, voir Schrimpf, Philo- sophia inz Bildungmresen, 1993, p. 19-73; p. 30-31.

Encadree, en haut et en has, par la designation terragonus, elle est annoncee

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LE DIAGRAMME ISIDORIEN DES SAISONS 163

L'ovbis quadratus evoque par les hexametres de Walther de Spire (983), et qui sont disposes autour de la figure un peu effacke d'un manuscrit mun i~ho i s ' ~~ offre un autre exemple de i'adaptation du cercle divise selon la maniere des geometres. Ce texte, d'aprss lequel les angles au centre du cercle illustrent les liens immediats entre les elements, aurait pu servir de commentaire a la figure de Cava, ou encore Etre un com- mentaire suscite par elle : Hic de sizzugiis quadratus pingitur ovbis / Q u a -

t uor ecce d u a s cohibent hemiciclia rigas / I n medio forme concumnt immediate / . . .2is. Ces Vers explicitent egalement le Sens de la disposition particuliere des elkments des nombreux exemples de cercles divisks en quartiers dans les illustrations de la Genese (Fig. 37)256. Mais qu'il s'agisse de la figure purement philosophique de Cava, ou de figures sem- blables inseries dans les cycles de la Genese, elles se rapportent toujours au theme dominant du discours cosmologique antique autant que medieval : i'ordre et la cohesion de i'ensemble.

Accompagnes de personnifications ou non, les diagrammes isido- riens des saisons, ainsi que ceux qui leur sont apparentes, reprgsentent des notions centrales concernant la gkneration et la corruption des subs- tances corporelles de la sphere suhlunaire. A partir de la Renaissance carolingienne, Vers la fin du VIIF siecle, ces diagrammes furent, du moins occasionellement, a nouveau percus dans le contexte philoso- phique auquel ils avaient ete rattaches dans i'htiquite. En meme temps furent copies, ou adaptks, des modhles figuratifs des saisons qui avaient probablement deja fait partie de compositions circulaires dans 1'Anti- quite, mais dont les images de manuscnts comme ceux de Laon et du

dans les tennes suivants : i n hac igitur patet descriprione qualiter terra et ignis per haec duo media quae sunt aqua er aer ad similitudinem duomm solidomin cubicomm numeromm conveniant (Silk ed., p. 170). Sicut enim illi duo solidi izumeri qzii sunt bis biiti bis, est V111 et ter iemi ter, id est XXVII , ddistanl a se tribus dinzensionibus, ita terra er ignis tribt~s qualitatibus. Silk td., p. 162.

'S4Bayerische Staatsbibliothek, clrn. 14798, fol. 70v. Mentionne par Vossen, Ue- ber die Elenzenten-Syzygien, dans Festschrifi irhmann, 1950, p. 43-46.

Zi Waltheri Spirensis Vita er Passio Sancti Ch%tophoti Marty~is, Strecker ed., M. G., Poetae, 5, I , p. 79. Vossen, Ueberdie Ele>neiiten-Syzygien, p. 45, corrige, en suivant le texte manuscrit, le rixas des editeurc en rigm.

J. Zahlten, Creatio mundi, DarsteIlungen der sechs Schöpfungsrage und natur- wissenschaftliches Weltbild in2 Mittelalter, Stuttgart, 1979, donne des exemples s'eten- dant du XIP au X V siecle (ill. 244-231).

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164 B ~ B A R A OBRIST

Vatican semblent representer les rares, voire seuls, temoins. L'hipothese d'une ongine antique des roues des saisons avec personnifications dont les pieds convergent vers le centre semble renforcee du fait que, des le debut du M" siecle, des schemas semblables des vents apparaissent dans les manuscrits.

Dans i'etat actuel de la recherche, il est difficile de se faire une idee prkcise de i'itendue des connaissances, pour le I X siede, en matiere de philosophie de la nature. Indeniablement, les doxai et parfois des pas- sages textuels plus soutenus sur la stnicture, la composition et le fonc- tionnement du monde sublunaire, ainsi que les diagrammes correspon- dants, avaient-ils seM de base & des discussions et commentaires. Mais, comme ces developpements sont, dans la plupart des cas, restes confines dans l'oralite, le niveau d'education sur le monde corporel dans les divers centres intellectuels reste mal connu. Aussi i'ktude des diagrammes de l'annee et des saisons ne prisente-t-elle qu'une premiere approche au probleme, faite dans le but de donner une idke de leur cadre philo- sophique antique, meme si celui-ci n'etait plus connu, en general, qu'a travers des sommaires de manuels.

Barbara OBRIST