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Extrait de la publication

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MÉTAMORPHOSEEN BORD DE CIEL

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DU MÊME AUTEUR

38 mini-westerns (avec des fantômes), Pimientos, 2003.Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi,

Flammarion, 2005, J’ai lu, 2006.La Mécanique du cœur, Flammarion, 2007, J’ai lu,

2009.

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Mathias Malzieu

MÉTAMORPHOSEEN BORD DE CIEL

Flammarion

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© Flammarion, 2011ISBN : 978-2-0812-4906-6

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Pour toi Endorphine, qui m’aidesà me transformer en moi-même.

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Les oiseaux, ça s’enterre en plein ciel. Même leplus élégant des nuages est truffé de leurs petitscadavres raidis.

On raconte que 1 goutte de pluie sur 10 180serait une larme d’oiseau mort et que 1 flocon deneige sur 16 474 serait un fantôme d’oiseau décro-ché du placenta céleste.

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Je m’appelle Tom « Hématome » Cloudman. Onprétend que je suis le plus mauvais cascadeur dumonde. Ce n’est pas complètement faux. Je suis douéd’une maladresse physique hors du commun, j’ai lepouvoir de me cogner comiquement aux choses. Laliberté des oiseaux m’impressionne, je les regardepeut-être un peu trop. Déjà dans la cour de récréa-tion, je portais des rollers pour espérer voler et subti-liser quelques baisers à ces mini-femmes trop grandespour moi. Je tombais beaucoup et volais peu, si cen’est en éclats bleus. Mais au moindre signe d’intérêtde mon « public », une sensation d’invincibilité aussiridicule qu’agréable m’envahissait. J’ai tout fait pourla faire perdurer : dégringoler du toit de l’école, juchésur un vieux skate en secouant des ailes en carton.Essayer de m’envoler à vélo. (J’ai serti un pare-brisede dents cassées.) Et j’en passe. Plus je tombais, plusje devenais populaire. Certains me lançaient des défisuniquement pour me voir chuter. On riait beaucoup

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de moi. Je me suis rendu compte que j’adorais ça,ce mélange d’émotions et d’adrénaline qu’on appelle« spectacle ». Parfois je me relevais entouré de sou-liers vernis multicolores. Je n’ai jamais su résister àces voix de souris murmurant « encore »… Maistomber n’a jamais été une fin en soi. Ce qui m’inté-resse, c’est le court moment aussi épique qu’incongruqui précède : l’envol.

Plus les années passaient, plus j’éprouvais le besoind’échapper au quotidien. Mon esprit réagissaitcomme une pellicule à émotion photosensible oùl’amour et la mort pouvaient s’imprimer dans lamême seconde. Je me suis mis à développer une véri-table phobie des situations normales. Les longs repasnotamment provoquaient chez moi des tremble-ments. J’oubliais, perdais, cassais téléphones, porte-feuilles et autres cartes magnétiques. Ces bêtisesd’enfant, on a logiquement commencé à ne plus meles pardonner. Je recherchais les shoots d’adrénaline :sauter du haut d’un arbre avec un parapluie commeseul amortisseur, descendre une rivière gelée sur unbateau pneumatique percé, escalader la cheminée decette fille qui me faisait tant vibrer. Faire tomberdans le conduit ce bracelet d’argent que j’avais eutoutes les peines du monde à lui acheter. Me pencherun peu trop pour le récupérer, et atterrir dans sonsalon couvert de suie alors qu’elle réveillonnait enfamille. Il m’en fallait toujours plus. Plus haut, plusvite, plus loin, plus longtemps. Je vivais comme une

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toupie de chair et de sang, mon équilibre ne se main-tenait qu’en mouvement. Mon comportement com-mençait à inquiéter mes proches.

J’ai fait de mon mieux pour m’adapter, mais mesuis fait virer de partout. Même de l’école du cirque :trop maladroit. Le jury appréciait ma façon de sautersur le trampoline sans jamais retomber sur le filet,mais m’expliqua qu’un clown devait pouvoir tomberdes centaines de fois sans se faire mal – c’était loind’être mon cas.

Il fallait que je trouve un moyen de m’intégrer etde gagner un peu ma vie. Et pourquoi pas un spec-tacle d’arts populaires et de cascades ratées ? Racon-ter des histoires, jouer de l’harmonica, sauter,chanter, voler peut-être, tomber sans doute, maisdans un élan de partage. Partir. Maintenant.

Je décidai de prendre la route quelques instantsseulement après y avoir pensé. Une vieille tente cana-dienne, un sac de couchage et le champ des possiblestassés dans un sac à dos trop petit, et c’était parti. Jene m’étais jamais senti aussi léger.

Le vent glacé lustrait les illuminations de Noël, lesétoiles semblaient plus proches que d’habitude. Uneodeur de crêpes s’échappait d’une maison, exaltationsuprême… Je me voyais déjà découvrir des contréesqui n’existent pas, apprendre toutes les langues, eninventer de nouvelles. Mais j’ai rencontré un sensinterdit. Ce fourbe se dissimulait derrière son ombre

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à la sortie du village. Il boxa mon arcade sourcilièrede toute sa puissance métallique. Tour du monde enquatre-vingts secondes. Je tremblais comme ungrelot. Envie d’un bon bain et d’une aspirine géante.Retour à la case maison.

Ce faux départ me permit de réfléchir à mes velléi-tés de fugue. Il me fallait un véhicule, une carapacedans laquelle je pourrais m’abriter plus facilement.Une voiture eût été trop dangereuse. La caisse àsavon que j’utilisais pour dévaler mon lotissement,trop fragile. Ainsi naquit l’idée d’un cercueil montésur roues.

Les mois suivants furent consacrés à la préparationde mon vaisseau. Contreplaqué verni à l’extérieur,literie et coussins à l’intérieur. Petite étagère pourposer un livre de poche, un paquet de gâteaux et secogner la tête, trous d’aération au plafond, façonboîte pour animal domestique. Roues de BMX,pignon de vélo de course dix vitesses à l’avant del’appareil, selle molle et guidon large. Après plusieursessais terriblement décourageants, au printemps sui-vant, il était fin prêt : rutilant, décoré d’autocollantsdes Pixies et de nuages assez mal peints.

L’heure du grand départ avait sonné. Je m’éloignaide la sortie du village. Franchir le panneau indiquantle prochain hameau fit frissonner ma colonne verté-brale. Je pouvais m’arrêter n’importe où pour dormir.Même au cimetière.

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Mon cercueil roulant se révéla être un véritableaimant à curieux. Même les vieux décorant les bancspublics s’intéressaient à moi. Généralement, je megarais sous un platane et jouais un peu d’harmonica,caché dans l’habitacle. Quand le frémissementambiant m’indiquait la présence d’une audience suf-fisante, je bondissais en crachant des confettis.J’improvisais autour de la mort du Père Noël en fai-sant des claquettes sur un air de Johnny Cash1. Puisje grimpais sur ce que je pouvais trouver : un arbre,le capot d’une voiture, un abribus. Je déployais mesailes de carton et prétendais que je pouvais voler. Jetombais, me faisais plus ou moins mal et terminaismon spectacle allongé dans mon cercueil roulant. Jene me montrais jamais au public sans mon masquede Zorro. Je l’avais trouvé dans un magazine. Il mepermettait de vaincre mes inhibitions et de garderune part de mystère un peu désuète. Même pourembrasser, je le gardais.

De village en village, ma réputation commençaità me précéder. L’affluence augmentait, on m’appor-tait de quoi manger, des pansements, et même deslivres. Je m’étais fixé une règle : ne pas rester plus devingt-quatre heures au même endroit. Je passais lanuit près des lieux du spectacle et, dès l’aube, je

1. Chanteur folk américain dont la voix donne envie deprendre des trains. (N.d.A.)

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reprenais la route. Il arrivait que la fatigue et les mau-vaises chutes me tiennent allongé quelques heures deplus dans mon cercueil, mais je m’accrochais à monélan. Le flot de liberté qui coulait dans mes veinesme rendait heureux. Chaque jour mon esprit sem-blait rajeunir. Mon corps, lui, vieillissait. Vite. Poursatisfaire le public, je m’essayais à des cascades tou-jours plus risquées. Quelle bizarrerie quand on ypense, de nourrir son âme avec le bruit de quelquesmains qui s’entrechoquent. On me prévenait, plusou moins sympathiquement, que je risquais de nepas tenir longtemps à ce rythme. La liste des bles-sures et diverses commotions s’allongeait de jour ennuit, et mon dos craquait comme une vieilleplanche pourrie.

Mais je ne me lassais pas de ces chemins de tra-verse, champs magnétiques et autres campagnesdésolées de me voir me cogner contre leurs arbres.Mon cerveau est un disque dur rempli de crépusculesdéguisés en aurores boréales, de renards qui tra-versent les routes telles des fusées rousses. Ce modede vie était une machine à fabriquer des surprises.Escargots collés à mon oreiller, hérissons cachés àl’intérieur de mon lit, ou cette fille à l’allure gothiquequi voulait dormir dans mon cercueil. Moi derépondre que malheureusement il n’y avait pas deplace pour deux. Elle de rétorquer qu’elle ne comp-tait pas y dormir avec moi.

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Et ce nid de canaris rouges, méticuleusement poséau bord de mon lit un beau matin. Certains sontmorts dans mon sommeil, mais j’ai gardé sept resca-pés. Je devais être la première chose qu’ils ont vue.Je suis en quelque sorte devenu leur père. Je les aitous appelés Michel Platini1. C’est bien d’avoir plu-sieurs Platini pour constituer une équipe. Ils ontrapidement fait partie du spectacle. J’en avais tou-jours dans la manche. Ils donnaient de l’ampleur àmes gestes et venaient se poser sur mes épauleslorsque je m’écroulais lamentablement. J’étudiaisleurs battements d’ailes, leurs trajectoires. Je m’eninspirais. De jour en jour mon goût pour le ciels’aiguisait. La voûte céleste m’hypnotisait, j’en auraisdévoré les nuages.

Au cours de cette épopée en cercueil roulant, je suistombé amoureux des livres. J’expliquai à un petitcouple qui venait de m’en offrir un à quel point ce par-tage d’imaginaire intime me touchait. J’en reçus deplus en plus. Manquant de place mais ne pouvant merésoudre à les abandonner, j’ai décidé d’alimenter leflux. Dès que j’en terminais un, j’écrivais ce que j’enavais pensé sur la page blanche suivant la fin du texte,précédé de cette annotation : « Si vous trouvez ce livre,

1. Michel Platini est l’un des plus grands artistes footbal-leurs de tous les temps. Ses buts, et plus encore ses passes, enont fait un authentique super-héros. (N.d.A.)

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lisez-le, et lorsque vous l’aurez terminé, écrivez vosimpressions, ainsi que la date et l’endroit de votredécouverte. Et déposez-le dans un lieu de passage, bienen évidence. » Certains de ces livres ont pris le train,d’autres la pluie. Certains se sont perdus longtemps,d’autres ont vécu une histoire d’amour avec un sac àmain. L’un d’eux est même revenu entre mes mains,annoté sept fois.

J’ai sillonné la route si vite et si fort que je n’aipas eu le temps de me voir vieillir. Jusqu’au momentoù mon corps a commencé à réclamer son dû. Lesyndicat des muscles tétanisés s’est manifesté.D’abord sourdement, puis les os se sont mis à cra-quer. Et mes nerfs se sont tendus si fort que j’en aiperdu le sommeil. J’ai compris un peu trop tard quej’aurais dû apprendre à amortir mes chutes, mêmesinvolontaires… Je sentais que je ne pouvais pluscontinuer ainsi mais ne pouvais m’en empêcher. Jevoulais mourir et renaître à chaque spectacle, ques-tion de panache ! Les alarmes avaient beau se déclen-cher, je chantais de toutes mes forces pour ne pas lesentendre et me donner le courage de grignoter encorequelques secondes d’éternité.

L’hiver venant, la logistique s’est compliquée. Lefroid rendait les chutes plus douloureuses. Le publicse clairsemait. J’ai commencé à multiplier les cascadeshors spectacle. Un jour, j’ai fracassé la devanture d’uneboulangerie-pâtisserie en ratant un virage. Des enfants

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en ont profité pour se tirer avec des éclairs au chocolat,et tout le village a cru que je l’avais fait exprès. Aprèsavoir arraché accidentellement nombre de boîtes auxlettres, rétroviseurs et autres portails innocents, j’ai dûm’initier à l’art de la fuite.

Jusqu’à ce que je me fasse attraper... C’était le len-demain d’une cascade particulièrement éprouvante.Je grimpais douloureusement un raidillon sous unepluie battante. Le verglas cirait le bitume. Mesjambes ont commencé à se raidir et j’ai senti monvaisseau repartir en arrière. Le cercueil s’est mis àprendre de la vitesse. Je me suis retrouvé au milieude la route, incapable de redresser la barre. Bruit demoteur. Klaxon. Explosion de tôle et contreplaquémarine. Klaxon. Odeur d’essence. Klaxon. Envol desMichel Platini. Klaxon.

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Remerciements

Au printemps des Olivia en fleurs – de Dieuleveultet Ruiz – sages-femmes assez folles pour m’avoir aidéà faire éclore ce livre.

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Mise en page par Meta-systems59100 Roubaix

N° d’édition : L.01ELHN000241.N001Dépôt légal : mars 2011

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