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Trente arpents

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BIBLIOTHÈQUE DU NOUVEAU MONDE

comité de direction :

Roméo Arbour, Laurent Mailhot, Jean-Louis Major

DANS LA MÊME COLLECTION

Honoré Beaugrand, la Chasse-galerie et autres récits (François Ricard)

Paul-Emile Borduas, Écrits I(André-G. Bourassa, Jean Fisette et Gilles Lapointe)

Arthur Buies, Chroniques I (Francis Parmentier)

Jacques Cartier, Relations (Michel Bideaux)

Henriette Dessaulles, Journal (Jean-Louis Major)

Alain Grandbois, Poésie I, II(Marielle Saint-Amour et Jo-Ann Stanton)

Alain Grandbois, Visages du monde (Jean Cleo Godin)

Claude-Henri Grignon, Un homme et son péché(Antoine Sirois et Yvette Francoli)

Germaine Guèvremont, le Survenant (Yvan G. Lepage)

Jean-Charles Harvey, les Demi- civilisés (Guildo Rousseau)

Albert Laberge, la Scouine (Paul Wyczynski)

Lahontan, Œuvres complètes I, II (Real Ouellet et Alain Beaulieu)

Joseph Lenoir, Œuvres (John Hare et Jeanne d'Arc Lortie)

La « Bibliothèque du Nouveau Monde » entend constituer un ensem-ble d'éditions critiques de textes fondamentaux de la littérature qué-bécoise. Elle est issue d'un vaste projet de recherche (CORPUSD'ÉDITIONS CRITIQUES) administré par l'Université d'Ottawa etsubventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines duCanada.

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B I B L I O T H È Q U ED U N O U V E A U M O N D E

Ringuet

Trente arpents

Edition critique

par

JEAN PANNETON

avec la collaboration de

ROMÉO ARBOUR et JEAN-LOUIS MAJOR

Université d'Ottawa

1991Les Presses de l'Université de Montréal

C.P. 6128, suce. « A », Montréal (Québec), Canada H3C 3J7

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Le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada aaccordé une subvention pour la publication de cet ouvrage.

ISBN 2-7606-1541-3Dépôt légal, 2e trimestre 1991

Bibliothèque nationale du QuébecTous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction réservés

© Les Presses de l'Université de Montréal, 1991© Flammarion pour Trente arpents, 1938

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INTRODUCTION

Un médecin écrivain

À l'époque où Philippe Panneton rédigeait Trente ar-pents - probablement d'octobre 1929 à avril 19361 - qui auraitpu soupçonner que ce médecin montréalais consacrait ses loisirsà écrire un roman, et un roman de la terre par surcroît ? Sonservice à la Crèche de la Côte-de-Liesse à partir de 1927, saprésence chaque samedi à l'hôpital Saint-Eusèbe de Joliette àtitre de médecin consultant, son travail à l'hôpital Notre-Dame,les consultations de plus en plus nombreuses dans son cabinetprivé et, en même temps, la préparation de l'agrégation, l'en-seignement à la Faculté de médecine de l'Université de Mont-réal (1929-1950), la publication, enfin, de nombreux articlesscientifiques dans des revues médicales2 : autant d'activités pro-fessionnelles qui auraient pu suffire à accaparer tout son temps.Évoquant ces années de pratique médicale intense, il en viendraà revendiquer son titre de médecin quelque peu éclipsé par saréputation d'écrivain : « Pour moi, je suis médecin avant qued'être littérateur ou quoi que ce soit d'autre chose [...]. Médecinje suis et médecin je resterai3. »

1. La page de titre de la première dactylographie de Trente arpents portela date d'octobre 1929 (voir la Note sur l'établissement du texte, p. 47-49).

2. Entre 1924 et 1942, Philippe Panneton publia une quinzaine d'articlesscientifiques dans l'Union médicale du Canada et l'Action médicale (voir FrançoiseMagnan, « Bio-bibliographie du docteur Philippe Panneton », p. 17-18).

3. « Le docteur Philippe Panneton ausculte Ringuet », la Revue populaire,juillet 1939, p. 6.

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8 TRENTE ARPENTS

Seul le recueil Littératures... à la manière de..., qui lui avaitmérité le prix David en 1924, avait fait circuler son nom dansle petit monde littéraire du Québec. On pouvait tout au pluspenser qu'en attendant ses premiers patients, le jeune médecins'était amusé, en compagnie de son ami Louis Francœur, àpasticher quelques écrivains. Il était aussi l'auteur d'une co-médie en vers : <<Je t'aime... Je ne t'aime pas », jouée en leverde rideau, le 28 avril 1927, au Monument national, lors d'unesoirée de pièces canadiennes présentées par la Société cana-dienne de comédie4. Qui se souvenait encore que Philippe Pan-neton, en 1917, avait fréquenté l'Arche5 et que sous lepseudonyme de Sphinx d'Halifax il avait publié quelques poè-mes, dont « La tour du rêve » ? Ubald Paquin, dans une con-férence intitulée « L'âme poétique de notre quartier latin »,avait mentionné « l'apparition d'un nouveau poète au quartierlatin qui lui aussi se réclame de l'Arche6 ». Seuls vingt-six poè-mes de Philippe Panneton ont été conservés, dont dix publiésdans des revues et des journaux de 1917 à 1925. Enfin, commebien des jeunes intellectuels, il avait tâté du journalisme à partirde 19147.

À la production de cette époque, trop mince pour établirune réputation d'écrivain, s'ajoutent deux œuvres inédites : unjournal et un recueil de réflexions morales. Il s'y révèle beau-coup plus qu'il ne le fera plus tard dans Confidences. Cependant,il fut toujours d'une grande discrétion au sujet de ces manu-scrits. En 1942, lorsqu'il permit qu'on fît l'inventaire de sespapiers en vue de sa bio-bibliographie8, il en avait retiré ces

4. «Je t'aime... Je ne t'aime pas» connut deux représentations: les28 avril et 19 mai 1927. Voir Jean Nolin, « Trois auteurs canadiens se fontapplaudir, hier soir », la Patrie, 29 avril 1927, p. 14. Le texte intégral en a étépublié sous un autre titre : « Jouons à l'amour », dans Premier amour, Montréal,Stanké, « 10/10 », 1988, p. 191-205.

5. Sur l'Arche, voir Jean Chauvin, Ateliers, Montréal, Carrier, 1928,p. 101 ; Ringuet, Confidences, p. 51-57.

6. Ubald Paquin, « Ce qu'est notre Quartier latin et ce que sont ses poètes »(conférence prononcée le 26 avril 1917 à la salle Saint-Sulpice), le Canada,27 avril 1917, p. 5.

7. Ringuet, Confidences, p. 59-60. II n'y mentionne pas sa critique théâtraleau Nationaliste, du 17 février au 31 mars 1918.

8. Françoise Magnan, « Bio-bibliographie du docteur Philippe Panne-ton », École des bibliothécaires, Université de Montréal, 1942, xvi, 81 f.

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INTRODUCTION 9

deux documents. Une seule fois il fit allusion à l'existence deson journal, au cours d'une interview accordée à Vie étudiante :« Pendant mon séjour en Europe, je me suis astreint à rédigermon journal. Je ne souhaitais ni le faire éditer, ni même lerelire plus tard. Il s'agissait pour moi de pratiquer la phrasefrançaise9. » Quant à l'essai philosophique intitulé « Le carnetdu cynique », ce fut un secret bien gardé. Il n'en parla jamais.

Dans son état actuel, le « Journal » compte treize cahierscartonnés, écrits à l'encre. L'écriture, qui n'est pas d'une lecturefacile, porte très peu de ratures. La plupart des pages du jour-nal furent probablement rédigées d'après de brèves notationsdans des calepins que Philippe Panneton emportait envoyage10. Les quelques feuillets conservés de ces calepins sontpresque indéchiffrables : phrases incomplètes et souvent motsjuxtaposés. L'intervalle entre les notations du calepin et la ré-daction du journal est parfois considérable. Ainsi note-t-il le6 juillet 1929 : «Je vais continuer à la date du 10 janvier 1927la relation de cette aventure aux Bermudes, si lointainedéjà11. » Retards explicables puisqu'il ne s'agissait pas simple-ment de recopier ses notes informes. À ses yeux, son journalparticipe de la littérature, comme le laisse entendre ce passageen date du 6 juillet 1929 : « Reprendrai-je jamais le cours deces notes ? j'en doute et en accuse l'atmosphère de ce pays siinclémente aux lettres et si impropice au développement de lapersonnalité12. »

Commencé « le dix-septième jour du radieux mois de sep-tembre mil neuf cent vingt13 », le «Journal » relate ses der-nières heures à Montréal, son départ pour l'Europe le 28 août,sa traversée à bord du S.S. Mélita, son bref séjour en Angleterreet son installation à Paris. Telles sont les circonstances excep-tionnelles qui l'ont incité à tenir son journal de bord. « Si j'écrismaintenant, observe-t-il en décembre 1920, c'est que les jours

9. L.L. et J.L., « Ringuet », Vie étudiante, n° 3, mars 1944, p. 9.10. Les calepins, de 7,5 X 13 cm, étaient des agendas publicitaires de

compagnies pharmaceutiques.11. «Journal », XIII, f. 1. Les chiffres romains indiquent l'ordre des

cahiers.12. Ibid.

13. «Journal » I, f. 1.

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qui s'égrènent sont différents de ceux dont est tissée la trameordinaire de ma vie14. » Et dans le dernier cahier, commencéen juillet 1929 : « II semble bien que la stimulation des paysageschangeants et de cette sensation d'étrangéité [sic] que donne levoyage soit nécessaire à la compréhension, à la réalisation et àl'expression de mon moi le plus intéressant15. » De fait, un peuplus des onze premiers cahiers relatent son séjour de trois ansen Europe ; 380 pages y sont consacrées à un voyage de vingt-trois jours en Italie.

De retour à Montréal en juin 1923, il ne s'astreint plus àla notation systématique, se contentant d'inscrire parfois uneimpression, au hasard d'une rencontre. Seuls un voyage auxÉtats-Unis et un autre aux Bermudes ranimeront l'écriture. En1930, un voyage au Portugal, en Espagne, au Maroc et enFrance lui fera retrouver le goût des longs récits circonstanciésqu'il avait cultivé lors de son premier séjour en Europe.

S'il reconnaît que les voyages « forment surtout la matièrede ces cahiers », Philippe Panneton n'en souhaite pas moinsque son journal soit « autre chose qu'une relation de voyage16 ».Des notes en style télégraphique de ses carnets, il tire de longsrécits où trouvent à se manifester sa culture et ses opinions.L'esprit critique toujours en éveil, il regarde, il écoute et il juge,se méfiant surtout des « admirations classiques17 ». Dans lesdescriptions de paysages ou de monuments, dans les réflexionssur les mœurs d'un peuple ou dans le jugement sur une ci-vilisation observée, il se livre sans cesse.

À ces récits auxquels la subjectivité confère un ton de con-fidence se juxtaposent parfois des analyses de la vie intérieure,tel ce passage intitulé justement « Analyse » et portant les in-tertitres « Passé » et « Présent » (f. 16-25 du treizième cahier),où le diariste fait le point. Ailleurs il note qu'il s'« auto-analyse[...] en lieu de cinéma18 », cherchant, ce soir-là, à comprendrel'instabilité qui le pousse à partir sitôt installé quelque part.

14. «Journal » II, f. 158.

15. «Journal » XIII, f. 16.

16. Ibid.

17. «Journal » VI, f. 125.

18. «Journal »> XII, f. 133.

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D'autres pages, qui datent des périodes entre les voyages, con-signent des impressions sur des rencontres, des échos dediscussions, des commentaires de lecture. Hésitations,contradictions et préjugés fourmillent dans les treize cahiersdu «Journal», permettant ainsi de retracer l'itinéraire qu'asuivi Philippe Panneton à la recherche de sa vérité, jusqu'àl'époque de la rédaction de Trente arpents.

Le « Carnet du cynique » est un recueil de pensées etd'opinions sur les sujets les plus divers, sous la forme tantôtd'aphorismes, tantôt de réflexions développées. Le manus-crit, dactylographié, comprend un liminaire de six feuillets(21,5 X 28 cm) non paginés et 90 feuillets de même format,paginés en chiffres arabes. La page de titre porte la signature(Philippe Panneton), le titre (« Le carnet du cynique »), unsous-titre entre parenthèses (« Notes pour servir à l'histoired'Anthistène le Jeune, philosophe du Néo-Cynosargue ») etl'indication du lieu (Montréal). La date manque et rien ne per-met d'en avancer une précise. Tout au plus peut-on situer le« Carnet » avant décembre 1929, puisque à cette date PhilippePanneton y fait allusion dans son journal : « [...] comme je ledis dans la préface d'un livre qui ne semble pas devoir êtrejamais complété [...]19- »

Le manuscrit n'a rien d'un brouillon : la pagination estexacte, les espaces sont respectés, chaque réflexion est séparéepar une série de traits, toutes les erreurs de frappe ont étécorrigées à l'encre, les pages portent les signes habituels de lacorrection d'épreuves. Mais le livre est peut-être inachevé,comme le laissent croire l'absence de toute conclusion et, sur-tout, les nombreuses indications à l'encre dans la marge, pourmarquer la nature des pensées : « Esthétique », « Religion »,« Psychologie », « Canada », « Vérité », « Français », « Prover-bes ». On pourrait y voir une intention de regrouper les ré-flexions par sujets.

Sur la foi du « Liminaire » (« Les dialogues que je retraceici de mémoire me furent précieux20 »), il semblerait que lespages du « Carnet » sont nées de rencontres avec un person-nage énigmatique du nom d'André Deschênes. Pourtant, il n'en

19. «Journal » XIII, f. 16.20. « Le carnet du cynique », f. 1.

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est rien. À l'exception de quatre pages, « Le carnet du cynique »se compose d'extraits du «Journal », auxquels l'auteur n'a ap-porté que des corrections de style, de syntaxe ou de vocabulaire.Ainsi :

Quand on s'est renducompte une fois pour toutesque tout service ne se rendque par plaisir et trouve parconséquent en lui-même sarécompense immédiate il estamusant de constater l'éton-nement où sont plongés laplupart devant le manque dereconnaissance, ou simple-ment le manque d'enthou-siasme dans la reconnais-sance.

Or la reconnaissance, sile service est un plaisir, la re-connaissance est toujours uncalcul. Elle est le geste de celuiqui passe son assiette pouren redemander («Journal »,f. 57-58).

Lorsqu'on s'est renducompte une fois pour toutesqu'un service est un plaisir ettrouve ainsi en soi sa proprerécompense immédiate, il estamusant de constater l'éton-nement des gens et leur in-compréhension devant une« preuve d'ingratitude », ousimplement le manque d'en-thousiasme dans la recon-naissance.

Or, en même temps quel'obligeance est un art d'agré-ment, la reconnaissance esttoujours un calcul. C'est legeste de celui qui passe sonassiette pour en redemander(« Le carnet du cynique »,f.3).

D'entrée de jeu, le « Carnet » se place sous le signe ducynisme. Alors que le « Journal » est émaillé de descriptions etd'anecdotes, les extraits qui composent le « Carnet » sont touscommandés par une même attitude de départ, un parti pris dedurcissement. Comme l'indique le sous-titre, il s'agit d'uneœuvre ostensiblement philosophique. Réfractaire à tout sys-tème de pensée, Philippe Panneton ne semble pas moins serallier à une école. Ses dispositions intérieures correspondentà celles du cynique : « J'ai dépassé les conventions, laissé der-rière moi les rites. [...] Si aujourd'hui j'agis souvent à la façondes hommes, je parle fréquemment de façon différente, et jepense presque toujours à l'opposé21. » Mais même en cela, il

2l. « Le carnet du cynique », f. 7.

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se garde bien de l'orthodoxie : « Où commence l'hétérodoxiec'est lorsque tout en les méprisant [les conventions sociales],j'agis selon ces mêmes conventions, du moment qu'il y va demon intérêt22. » Ainsi devra-t-il avouer : « Au fond, bien queje me plaise à signer 'Kunikos', je ne suis qu'un demi-cynique23. »

En février 1957, nommé ambassadeur au Portugal,Philippe Panneton fit un inventaire de ses papiers, à la veillede son départ. Il conserva peu de choses : des coupures dejournaux, des pages de revues, des textes de conférences, descontes inédits, quelques poèmes. On imagine l'autodafé qu'ilfit de la documentation accumulée pour ses travaux historiques.Mais les dactylographies de Trente arpents furent épargnées,ainsi que les treize cahiers du « Journal » et la chemise où avaitété glissé « Le carnet du cynique ». Pourtant, il avait décidé desoustraire aux yeux des autres ces pages d'une franchise parfoisbrutale : « Ils s'offusqueraient de ma liberté de langage sur ceschoses intangibles que sont leur religion et leur morale24. » Àquelle intention secrète ou inconsciente obéissait-il en préser-vant ces manuscrits ? Songeait-il à une publication posthume ?

Un romancier de la terre

En septembre 1938, Max Fisher, directeur littéraire deFlammarion, de passage à Montréal, déclara à la presse qu'ilemportait avec lui le manuscrit d'un écrivain canadien-françaisqui connaîtrait le succès en France : « un romancier de chezvous, qui a écrit un authentique chef-d'œuvre25 ». Il s'agissaitde Trente arpents, qui parut en décembre 1938 sous le pseu-donyme de Ringuet, patronyme de la mère de l'auteur26.

Du coup Philippe Panneton s'imposa comme romancier.Désormais ce sont des romans que l'on attendra de lui. Lestravaux d'histoire auxquels il consacrera beaucoup de temps et

22. « Le carnet du cynique », f. 5.

23. Ibid.24. «Journal» II, f. 97.25. Le Canada, 31 août 1938, p. 1.26. Marie-Éva Ringuet naquit à Louiseville, le 20 janvier 1856, et mourut

à Trois-Rivières, le 31 mai 1950.

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14 TRENTE ARPENTS

d'énergie, spécialement ses recherches sur les civilisations pré-colombiennes, qui le conduiront à la publication d'Un mondeétait leur empire (1943), décevront les admirateurs de Trente ar-pents. Ringuet reviendra au roman avec Fausse monnaie (1947)et avec le Poids du jour (1949), après avoir publié un recueil decontes, l'Héritage (1946). Mais dans notre histoire littéraire ildemeurera toujours l'auteur de Trente arpents, et ses autres œu-vres seront jugées à l'aune de ce premier roman. Un an avantsa mort, dans une lettre à Romain Légaré, il semble entérinercette appréciation des lecteurs : « Ce qui peut être le meilleurde mon œuvre, c'est, comme vous le dites, d'abord Trentearpents21. » Et depuis, la critique a été unanime à considérer cepremier roman comme son ouvrage le mieux réussi. « Dans laproduction de l'auteur [...] Trente arpents constitue unsommet28. »

Comme romancier, Ringuet demeure tout à fait étranger— comme la plupart de ses contemporains français et cana-diens - aux courants nouveaux qui, à partir de 1920, com-mencent à circuler en Europe. Marcel Proust lui apparaît —faut-il s'en étonner ? — comme un chroniqueur de la vie mon-daine au style alambiqué. « Après les excès délicieux d'ailleursde Mallarmé, et ceux déplorables parce que maladroits desHermant et des Proust, une réaction nette se dessine vers lalangue du xvme siècle29. » Une langue claire et élégante qu'ilretrouve chez Voltaire, chez Anatole France et même chezRémy de Gourmont. Mais son grand maître, c'est Zola, chezqui la science et l'observation ont plus de part que l'intuitionet la fantaisie, et qu'il préfère à Balzac :

II est curieux de constater combien le cyclope de Meudon, « SaintZola », est aujourd'hui bas dans l'estime des lettrés, du moinsofficiellement. Après avoir connu un succès sans précédent, aprèsavoir été le chef d'une solide école, ne plus être lu que par desbourgeois ou des potaches en mal de sensations violentes.Mais cela n'explique nullement, à mes yeux, pourquoi Balzacoccupe un si déplorable poste dans les cours de littérature tandisque Zola est si fort décrié ; celui-ci fut pourtant un autre bâtisseur

27. Lettre à Romain Légaré, le 14 octobre 1959, publiée dans le Bienpublic, 19 mai 1961, p. 6.

28. Antoine Sirois, « Trente arpents », Dictionnaire des œuvres littéraires duQuébec, t. II, p. 1082.

29. « Le carnet du cynique », f. 29.

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INTRODUCTION 75

plus grand que son devancier. De plus il savait écrire, cequ'ignorait complètement l'imprimeur30.

Jugement péremptoire, qui tient à certains traits de caractèrecomme la hantise de la lucidité, le sens de l'expérimentation,l'estime de la volonté, la méfiance à l'égard du mystère et duclair-obscur. Les critiques ont parlé de son œil de clinicien. Plusprofondément, c'est une démarche de l'esprit, une attitude ob-jective devant le réel que la profession de médecin, toujoursaimée31, a favorisée en lui. Au moment de la création, cela setraduit par l'esprit d'observation, par le goût du document etde l'enquête sur le terrain, par la narration objective des faits.

Quand il commence à écrire Trente arpents, la littératuredu terroir a déjà connu une assez longue histoire, depuis sonprototype, la Terre paternelle (1846) de Patrice Lacombe, enpassant par Jean Rivard (1862) d'Antoine Gérin-Lajoie, Restonschez nous (1908) et quelques autres romans de Damase Potvin,ainsi que de nombreux contes et récits comme Chez nous (1914)et Chez nos gens (1918) d'Adjutor Rivard et surtout les Rapaillages(1916) de Lionel Groulx.

Dans toutes les littératures, les écrivains rustiques tantôtidéalisent la campagne en présentant le paysan comme un êtreaccordé à la nature, tantôt en brossent un sombre tableau oùil est un misérable brise-mottes, à mi-chemin entre l'instinct desbêtes et la raison humaine. Ainsi, dans la Terre, les personnagesde Zola sont violents et pervers, aux antipodes de ceux deGeorge Sand, simples et bons. Au Québec, avant Trente arpents,les romans de la terre avaient exalté la vie campagnarde commeun haut lieu de vertu et de bonheur. Rappelons que la visionidéalisée du monde campagnard servait le mouvement de pro-pagande pour un retour à la terre. À l'époque de la compositionde Trente arpents, on en arriva même à une certaine mystiquede la paysannerie32, qui agaçait Ringuet. Il constatait avec hu-meur : « Nous sommes rendus à ignorer Nelligan, tandis queles Rapaillages font des secondes éditions33. »

30. « Le carnet du cynique », f. 34.

31. « Médecin pour de vrai, par le goût [...]. Médecin par l'habitudeprise » (Confidences, p. 7l).

32. Mireille Servais-Maquoi, le Roman de la terre au Québec, p. 151-188.

33. «Journal » IV, f. 144.

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16 TRENTE ARPENTS

Allergique à ces pastels naïfs de la vie paysanne, Ringueta choisi d'atteindre à la vérité du monde rural québécois d'avantl'ère industrielle. En témoigne cette profession d'objectivitéqu'il plaça au début de son manuscrit :

Ce livre n'est pas un roman « régionaliste » ; les paysans que j'aiconnus n'étaient pas des héros. Ce livre n'est pas un roman « na-turaliste » ; les paysans que j'ai connus n'étaient pas des brutes.

Pourtant, Ringuet ne révéla jamais clairement ses motifsd'auteur. Quand par hasard on l'entraînait sur le sujet, l'im-précision et le vague de la confidence en disaient moins queson silence. « Un soir, chez moi, à Montréal, confia-t-il à AndréLangevin, j'écrivis une scène paysanne dont l'action se situaitvers 1885 ; j'allais continuer quelques années à écrire l'histoiredes mêmes personnages jusqu'à leur faire atteindre l'époqueactuelle34. »

Une question se pose ici : Philippe Panneton a-t-il suffi-samment connu le monde rural pour le représenter en con-naissance de cause ? Son père, le docteur Éphrem Panneton,était né et avait vécu toute sa jeunesse sur la ferme familiale,dans le rang Sainte-Marguerite, aux limites de Trois-Rivières.Cette ville, où Philippe naquit le 30 avril 1895 et à laquelle ilresta si attaché, n'avait rien, au début du siècle, d'une cité mo-derne. Quoique presque tricentenaire, elle comptait à peine10 000 habitants, dont la plupart avaient grandi sur des fermes.Sur les trottoirs de bois, les nouveaux citadins avaient gardé ladémarche un peu raide du laboureur et du faucheur. Les mai-sons étaient en rangs plus serrés que sur le chemin du roi, lesmagasins plus nombreux, mais dans la campagne proche et rueRoyale ou rue Bonaventure la vie était aussi calme et les mœurssensiblement les mêmes. C'est dans un tel milieu que PhilippePanneton vécut jusqu'à l'âge de 18 ans. Entre son père installérue Royale et son oncle Joseph resté sur la ferme, située auxlimites de la ville, la différence de mentalité devait être assezmince.

Les vacances d'été étaient pour lui un véritable retour à laterre. À maintes reprises, lors d'interviews et dans Confidences,Philippe Panneton évoquera le cadre rustique de la Pointe-du-Lac.

34. Cité par André Langevin, « Nos écrivains », Notre temps, 8 mars 1947,p. 2.

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INTRODUCTION 17

À cette époque des premières années 1900, mon père avait ac-coutumé de louer une maison paysanne en plein bled à deuxbonnes lieues de notre logis citadin [...]Enfin nous allions renouer avec les enfants du fermier. Nousles trouvions extraordinairement grandis, oubliant que nousaussi... Nous les invitions à partager nos jeux. Beaucoup paramitié, assurément. Mais un peu aussi, hélas ! par calcul [...] C'estque nous songions à juillet, à la fenaison, aux charretées de foinrevenant des champs et sur lesquelles nous aimions tant nousfaire bercer dans l'odeur entêtante de la luzerne et du pâturin35.

Puis les études, les voyages, son installation à Montréal, sonstyle de vie, tout sembla l'éloigner de la campagne. Nulle tracedans son journal d'un intérêt quelconque pour le paysan. Mêmequ'au spectacle d'hommes aux champs lui revient le passageoù La Bruyère qualifie les paysans d'animaux farouches36. Cer-taines pages de son premier livre, Littérature... à la manièrede...37, qui ridiculisent le « pépère » campagnard et le charmede la vieille maison grise, le plaçaient bien en marge de l'espritdu « terroir ».

Pourtant, Philippe Panneton était demeuré un homme dela nature. Parfois son goût, sa passion des paysages l'emportaitmême sur son intérêt pour les œuvres d'art. Ainsi, à Madrid,il choisit d'admirer les fleurs, les oiseaux et le ciel de Madridplutôt que les tableaux de Velasquez, de Goya ou de Murilloque lui offrait le Prado38. Et le contact avec les cultivateurs étaitmaintenu puisqu'une partie des clients qui défilaient dans soncabinet de consultation étaient des paysans qui prenaient letemps de « jaser » de leur terre avant de parler de leurs ma-ladies.

Chaque semaine, il prenait le train pour Joliette où il faisaitfonction de médecin consultant à l'hôpital Saint-Eusèbe. Il enprofitait pour recueillir des matériaux pour son roman :

Plusieurs des épisodes qui y sont contés m'ont été fournis pardes conversations de paysans. Ces années-là j'avais un bureau à

35. Confidences, p. 180, 182-183.36. «Journal » VIII, f. 28.

37. Littérature... à la manière de..., p. 77-82, 111-112.38. «Journal » XIII, f. 345.

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Joliette où je me rendais chaque semaine. Je m'installais dans lewagon des fumeurs avec les cultivateurs qui revenaient de la villeet je les écoutais parler39.

Malgré son atavisme campagnard, du côté grand-paternel,ses étés à la Pointe-du-Lac, ses relations professionnelles avecles paysans, il n'en est pas moins toujours resté un « monsieurde la ville », un citadin raffiné. Mais il connaissait et aimait lanature, la campagne et les gens simples. En évoquant le monderural, il voulait lui rendre justice : « La nature de notre paysest assez séduisante, le caractère de nos gens assez particulierpour qu'on raconte leur vie sans se croire obligé à la magni-fier^. »

La chronologie et la durée de Trente arpents

Certains romanciers semblent laisser vivre leurs person-nages à leur guise, leur permettant d'aller librement dans letemps et l'espace. Ringuet appartient plutôt à la race des cons-tructeurs, dans la tradition de Flaubert et de Zola. Trente arpentsest composé de façon rigoureuse : rien n'est laissé au hasard.La chronologie y suit l'horloge et le calendrier, l'action s'ydéroule dans un cadre géographique précis. Tout semble obéirà un plan bien arrêté par l'auteur, maître des personnages etdes événements.

L'examen des dactylographies de Trente arpents vient con-firmer les impressions de la critique interne. Les deux plansdu roman, où figurent les dates correspondant aux événementsrelatés, et le tableau des familles Moisan et Branchaud, piècesinsérées en tête des dactylographies41, montrent à quel pointRinguet s'est préoccupé de la chronologie. L'action du romans'étendant sur quarante-cinq ans, soit de 1887 à 1932, il dutsentir le besoin, pour assurer la cohérence du récit, de fixerclairement la suite des événements.

39. Cité par André Langevin, « Nos écrivains », Notre temps, 8 mars 1947,p. 2.

40. Ringuet, « Lettres canadiennes », Nouvelles littéraires, 21 décembre1938, p. 6.

41. Pour le tableau des familles, voir illustrations, p. 51 et 61.

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INTRODUCTION 19

Cela ne s'est pas fait sans tâtonnements. Le premier plan42

(quatrième feuillet liminaire) présente, avec les dates corres-pondantes, vingt-huit épisodes ou groupes d'épisodes, chacundevant être le sujet d'un chapitre. Sur ce plan les deuxième ettroisième parties du roman sont jointes en une seule — pardistraction, probablement, puisque le chiffre IV précède la der-nière partie. On peut noter plusieurs ratures et ajouts de dateset d'épisodes, à la machine à écrire, à la mine de plomb et àl'encre verte. La division en quatre parties a été ajoutée aucrayon rouge dans la marge de gauche. Aucune mention ducycle des saisons. Au bas de ce plan, Ringuet a dressé une listedes enfants d'Euchariste et d'Alphonsine, avec leur date denaissance ainsi que, pour les uns, décédés en bas âge, la datede leur mort, et, pour les autres, un mot résumant leur des-tinée : prêtre, É.-U., ville, artiste, ferme... Cette liste comporte,comme le plan, des ratures et des ajouts, qui apparaissentcomme le reflet des modifications effectuées par Ringuet surles dactylographies et que l'on trouvera dans les variantes decette édition : le deuxième enfant, Joseph, devient Héléna ; letroisième, Malvina, devient Etienne ; le sixième, Etienne, de-vient Malvina ; le nom d'Armanda, qui suit celui de Napoléon,est raturé...

Comme les épisodes de la première partie demeurerontinchangés sur le second plan, sauf deux exceptions mineures,et que, dans la marge de gauche, Ringuet a inscrit à la minede plomb : « 113 1/2 pages » (ce qui correspond à la paginationde la première dactylographie), on peut imaginer que ce pre-mier plan a été établi après la rédaction de la première partie.

Le second plan (deuxième feuillet liminaire), établi selonles quatre saisons, comporte, comme le premier, vingt-huit épi-sodes ; mais de l'un à l'autre quelques changements sont in-tervenus. Sur le premier plan, Ringuet avait inséré à la minede plomb le dixième épisode (chapitre I de la deuxième partie) :« Départ d'Oguinase », entraînant le décalage des trois épisodessuivants ; sur le second, le dixième épisode devient : « Décisiond'Oguinase » et le départ pour le séminaire est reporté au on-zième épisode. Le douzième épisode, qui, sur le premier plan,

42. Transcrit au verso d'un document de la Montréal Chemical Company,daté du 30 mars 1927.

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est daté de 1902 et s'intitule : « S'enrichit. Développement.Sœur bénéd. [raturé] » et, ajouté à la mine de plomb : « famille,voyage, vacances, autos », porte la date de 1907 sur le secondplan et n'a aucun titre. De plus, la fin de la deuxième partie ettoute la troisième subissent des transformations importantesd'événements et de dates. Ainsi, dans le premier plan, Lucindapart en 1911 et meurt en 1917 ; Moisan gagne son procès en1918 et perd sur appel en 1922 ; après une bonne récolte, sagrange brûle en 1919 ; Etienne se marie et Oguinase meurt en1925. Or, sur le second plan, le dernier épisode de la deuxièmepartie s'intitule « Départ d'Albert » ; suivent les sept épisodesde l'automne : 1917 : « Départ Lucinda » ; 1918 : « DépartÉphrem » ; 1919 : « Procès. Mort d'Oguinase » ; 1920 : « Au-dition. Perd » ; sans date, avec point d'interrogation43 : « In-cendie de la grange » ; 1921 : « Conspiration » ; 1923 :« Départ du notaire ». Enfin, ce plan révèle le souci qu'avaitRinguet de centrer son roman sur la courbe de vie de sonhéros : sans le nommer, il inscrit au début de chaque partie, àcôté de la date, l'âge d'Euchariste : Printemps 1887, 32 ans ;Été 1890, 35 ans ; Automne 1917, 52 ans ; Hiver 1928, 63 ans.

La généalogie des familles Moisan et Branchaud (troisièmefeuillet liminaire), écrite à l'encre noire, a été établie après lepremier plan, puisque l'ordre des enfants et les dates de nais-sance y figurent d'après les changements apportés sur ce plan.Certaines disparités demeurent pour les derniers enfants. Surle premier plan, Éva est née en 1902, Orpha en 1903 et Marie-Louise en 1908 ; dans la généalogie, Éva est née en 1897, Orphaen 1898 et Marie-Louise en 1909. On remarque aussi ces dis-parités dans un petit tableau généalogique que Ringuet a placéau bas du premier feuillet liminaire, qui porte le cadastre desterres de Saint-Jacques et dont nous parlerons plus loin. Ladate de naissance de Lucinda est reportée de 1898 à 1899 ; ony ajoute un innommé en 1899 : Orpha remplace en 1902 Éva,qui disparaît de la liste44 ; la date de naissance de Marie-Louiseest reportée de 1907 à 1909.

43. Les dates à partir de « Départ Éphrem «jusqu'à « Départ du notaire »sont toutes suivies d'un point d'interrogation, preuve d'une hésitation à cestade de la rédaction.

44. Voir p. 214, la variante 12, et p. 259, la variante 190 : le nom d'Évaa été raturé et remplacé par celui d'Orpha.

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INTRODUCTION 27

Pour bien enraciner ces familles terriennes, Ringuet, danscette généalogie, remonte jusqu'à Barthélémy Moisan (1767-1792) et Josaphat Lauzon dit Branchaud (1774-1800), mettanten relief le lignage direct : Euchariste, fils d'Honoré, fils deJean-Baptiste, fils de Joseph, fils de Barthélémy ; Alphonsine,fille de Xavier, fils de Léon, fils de Josaphat Branchaud.

Même si la trajectoire et la destinée de la famille Moisanétaient déjà fixées dans son esprit, c'est donc en cours de ré-daction, soit pour marquer avec l'étranger Albert un contrasteentre ce milieu fermé et les pays lointains, soit pour accentuerle malheur d'Euchariste en devançant la date de la mortd'Oguinase après le départ d'Éphrem, ou encore pour pro-voquer en Euchariste la suprême brisure par la fuite du notaire,que Ringuet a été conduit à modifier ou à déplacer considéra-blement certains épisodes, à en ajouter d'autres, à changer iciet là l'ordre chronologique des événements, sans arriver chaquefois à un résultat bien net. Toutes ces variations, qui ont eulieu durant les années de gestation et d'écriture de Trente ar-pents, illustrent les efforts de romancier pour fixer une tramecontinue d'événements.

Première constatation : aucune date n'apparaît dans letexte de Trente arpents. Sur la foi des plans, nous avons établique l'action du roman se déroule de 1887 à 1932. Un événe-ment relaté dans le texte, soit le début de la Grande Guerre,permet de fixer une date : juin 1914. C'est alors que l'engagéfrançais, Albert Chabrol, quitte les Moisan, après « onze anspassés sur les mêmes trente arpents de terre, cette terre-ci »(p. 267). Il serait donc arrivé chez Euchariste en 1903, soit« l'année d'après le départ du fils aîné » (p. 198) entré au sé-minaire à l'automne 1902, d'après le plan.

Quant à Euchariste, dont l'existence forme la trame del'action romanesque, Ringuet multiplie les occasions de préciserson âge en cours de récit. Nous avons déjà relevé que, dans ledeuxième plan, il était indiqué au début de chaque partie. Onnote un écart de trois ans entre l'âge d'Euchariste exilé auxÉtats-Unis, selon le deuxième plan, et l'âge d'Euchariste aumême moment dans le roman, où on lit : « Depuis soixante anscette cadence naturelle était la sienne... » (p. 431). Or le planindique pour la quatrième partie : soixante-trois ans. Si, en1887, à la mort de son oncle Éphrem, Euchariste avait vingt-

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction 7

Note sur l'établissement du texte 47

Chronologie 53

Sigles et abréviations 59

Trente arpentsPrintemps 67Été 165Automne 279Hiver 379

Appendice 467

Notes linguistiques et glossaire 473

Bibliographie 487

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Photocomposition et montage :Typo Litho composition inc.

Achevé d'imprimeren mai 1991 sur les presses

des Ateliers Graphiques Marc Veilleux Inc.Cap-Saint-Ignace, Que.

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