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L’Immigration des Belges au Québec

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L’IMMIGRATIONDES BELGES AU QUÉBEC

André Vermeirre

SEPTENTRION

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Mise en pages : Gilles HermanMaquette de couverture : Bleu OutremerRévision : Jude Des ChênesIllustration de couverture : Affiche publicitaire pour la ligne Anvers – New York de la compagnieRed Star Line, Henry Cassiers, vers 1899, Affiches d’art O. De Rycker, Bruxelles.

Dépôt légal – 4e trimestre 2001Bibliothèque nationale du QuébecISBN 2-89448-301-5

© Les éditions du Septentrion1300, avenue MaguireSillery (Québec)G1T 1Z3

Diffusion au Canada :Diffusion Dimedia539, boul. LebeauSaint-Laurent (Québec)H4N 1S2

Diffusion en Europe :Librairie du Québec30, rue Gay-Lussac75005 Paris

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société dedéveloppement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leurprogramme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de créditd’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons également l’aide financière du gouvernementdu Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition(PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Si vous désirez être tenus au courant des publications desÉDITIONS DU SEPTENTRION,

vous pouvez nous écrire au1300, avenue Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

par télécopieur (418) 527-4978 ouconsulter notre site Internet

www.septentrion.qc.ca

Une partie des informations contenues dans ce livre faisait partie d’un ouvrage intitulé Histoiredes Belges au Canada réalisé dans le cadre d’une recherche effectuée dans les années 1980 pourle Secrétariat d’État du Canada. Ce projet a été abandonné depuis.

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PRÉFACE

’IMMIGRATION BELGE AU QUÉBEC est un phénomène discret. Les Belgesici sont peu nombreux. Ils ne forment pas une « minorité visible » ou

« audible »... Leur présence n’est pas amplifiée par une manifestationd’envergure équivalant au St Patrick’s Day des Irlandais. La fête du 21 juillet,jadis très en vue, est devenue, au fil des ans, une cérémonie confidentielle. LesBelges n’éprouvent généralement pas le besoin de se regrouper au seind’associations ou d’organisations. Ils s’intègrent facilement dans leur nouveaumilieu. Comme le dit joliment André Vermeirre, ils se considèrent comme desQuébécois « pure laine »… tissés avec de la laine belge. Assez curieusement, leBelge, réputé casanier et attaché à son clocher, semble, une fois le pas del’émigration franchi, rompre ses amarres plus aisément que d’autres et se fondresans peine dans son nouveau décor.

Et pourtant, combien de fois ai-je entendu : « Les Belges, ils sont partout ».Je rencontre rarement un Québécois qui ne me dise que son épouse, soncollègue, son patron, son client, son voisin est d’origine belge. Il est vrai queles Belges sont présents dans tous les segments de la société : fonctionnaires,indépendants, employés, enseignants, industriels, commerçants, artistes. Danstoutes les catégories d’âge aussi, vu les vagues successives d’immigration : lesfermiers de l’entre-deux-guerres, les « war brides », les migrants économiquesde l’après-guerre, les enseignants de la Révolution tranquille, les ancienscoloniaux des années soixante, les restaurateurs, les exportateurs de bière et dechocolat, les paramédicaux de l’époque récente.

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Mes compatriotes ont donc contribué, de façon modeste maisincontestable, à façonner le Québec tel qu’on le connaît aujourd’hui. Leurprésence a, par ailleurs, aidé à renforcer les liens multiples entre la Belgique etle Québec : nos entreprises établies ici importent des biens de chez-nous ; c’estaussi grâce à nos professeurs installés dans la Belle Province que des milliersd’étudiants belges ont passé quelques mois dans des universités et des entreprisesquébécoises et que des milliers de jeunes Québécois ont découvert notre paysdans les mêmes conditions ; parmi les nombreux festivals que compte le Québec,rares sont ceux où ne se produisent pas d’artistes belges.

Je constate que, depuis peu, de plus en plus de Québécois d’origine belgeresserrent, eux aussi, les liens avec leur pays d’origine. Le journal belge surTV5, la possibilité de lire chaque jour Le Soir ou De Standaard sur internet, lafaculté de renouer des contacts par courriel, le vol direct quotidien de la Sabenaentre Montréal et Bruxelles, y contribuent sensiblement. Un nombre croissantde jeunes, nés ici de parents belges, visitent la terre ancestrale et souhaitent enacquérir la nationalité. Une situation dont le Consul général de Belgique nepeut que se réjouir.

C’est le grand mérite du professeur André Vermeirre d’avoir replacél’immigration des Belges au Québec dans une perspective historique plusgénérale. Il a décrit de manière scientifique une réalité que beaucoup ressententintuitivement, corrigeant çà et là des impressions fausses ou partielles. Il aainsi permis d’enrichir la mémoire collective des Belges et des Québécois.

Qu’il soit ici remercié d’avoir écrit, dans une langue imagée, un livrerigoureux qui s’adresse aussi au grand public. C’est quand l’Histoire nous estcontée comme une histoire qu’elle devient passionnante.

Alain CoolsConsul général de Belgiqueà Montréal

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INTRODUCTION

E 21 JUILLET 1915, le journal La Presse de Montréal commémorait, enpremière page, le 85e anniversaire de l’indépendance de la Belgique.

Jamais auparavant ce petit pays d’Europe n’avait eu droit à tant d’égard de lapart des journaux canadiens. Cet intérêt soudain s’expliquait par le fait que,quelques mois plus tôt, le territoire belge avait été violé, malgré sa stricteneutralité, par les troupes allemandes. La guerre faisait rage, et les nouvelles lesplus alarmantes, amplifiées par la propagande alliée, parvenaient aux oreillesdes Canadiens. Le branle-bas de combat avait sonné. Plusieurs Belgess’enrôlaient dans l’armée canadienne pour servir en Europe, un « Jour de l’Obolebelge » (Belgian Tag Day) était organisé, différentes organisations dont le BelgianRelief Fund commençaient à canaliser l’aide destinée aux civils durementtouchés par la guerre. En l’espace de quelques mois, l’opinion publiquecanadienne, tant du côté des Prairies que des provinces de l’Atlantique,découvrait la patrie de ces immigrants que l’on avait, à tort, souvent confondusavec les Français ou avec une sorte d’Allemand, en raison de la langue qu’ilsparlaient habituellement entre eux.

Avant que le conflit n’éclate, la Belgique était une contrée jeune et prospère.Son industrie et ses capitaux avaient débordé les frontières et étaient investisdans plusieurs continents ; le pays possédait aussi une colonie en Afrique. Maiscette prospérité économique n’était pas l’image que les Canadiens connaissaientdes Belges. Pour eux, ces immigrants à l’accent particulier étaient avant toutdes gagne-petit, des cultivateurs ou de simples artisans venus au pays avec peude ressources. Bien qu’ils eussent les poches vides, ils n’en avaient pas moinsdu cœur à l’ouvrage, et c’est par leur courage et leur ténacité que ces nouveaux-venus s’étaient d’abord distingués. Contrairement à bien d’autres groupes, lesBelges ne formaient pas une « ethnie » à part, ne partageaient pas la mêmelangue ni les mêmes convictions religieuses. Ils n’avaient en commun que leur

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pays d’origine, la Belgique, dont le nom n’évoquait pour eux pas grand chosede concret : la majorité de ces gens connaissaient mieux leur village que leurpatrie. Déjà peu nombreux si on les compare aux autres groupes d’immigrants,les Belges devaient leur notoriété au malheur qui s’était abattu sur leur pays en1914.

À l’aube de ce troisième millénaire, l’opinion publique les ignore encore,d’autant plus que ce sont des ressortissants des régions extérieures à l’Europeoccidentale qui occupent maintenant l’avant-scène de l’immigration québécoise.Il est par conséquent rare que les medias montent les immigrants belges enépingle : c’est le cas des chocolatiers, des pâtissiers ou des restaurants belgesque l’on découvre au hasard de nos promenades. C’est aussi, par exemple, lecas de Michel de Groote qui débuta comme cueilleur de tabac en Ontario etqui figurait en 1988 parmi les dix plus grandes fortunes canadiennes. À l’inverse,c’est croire que les cafés Van Houtte sont belges, ce qu’ils ne sont pas ! Mais àpart ces quelques exceptions notoires, combien d’inconnus restent cachés parmila masse, comme le père oblat Frans Van de Velde qui vécut cinquante ansparmi les Esquimaux du Grand Nord, ou ces ingénieurs, ces hommes d’affairesou ces membres de professions diverses ?

À notre époque, les recherches généalogiques sont populaires, et nombreuxsont les Québécois qui désirent connaître leurs racines. En venant en Amérique,leurs aïeux avaient un passé, une culture, un pays d’origine. Mais qu’en est-ildes Belges ? Qu’est-ce qui les distingue des autres nations ? La langue, biensûr : les uns revendiquent le français comme langue maternelle, les autres leflamand. Cette distinction fondamentale reflète le partage du territoire nationalen deux principales zones linguistiques. Au nord, les Flandres peuplées deFlamands ; au sud, la Wallonie d’expression française. Au moment del’indépendance de la Belgique, en 1830, les citoyens de ce pays partageaientdepuis longtemps une histoire commune. C’est pourquoi, être belge c’est aussiappartenir à un territoire quel que soit le nom de l’État qui l’a dirigé dans lepassé. Cette étude est centrée sur les XIXe et XXe siècles, et ce choix s’expliquepar le fait que bien peu de Belges vinrent au Canada avant cette période. Uncoup d’oeil sur l’histoire des Pays-Bas méridionaux (la Belgique de l’AncienRégime) permet de comprendre les raisons qui peuvent justifier cette absenceen terre d’Amérique.

Lorsqu’on se penche sur les motifs qui poussèrent les premiers Européensà s’intéresser, dès le XVIe siècle, à l’Amérique, il en est deux qui retiennentl’attention. Le premier concerne la religion. On remarque, en effet, que plusieursgroupes traversèrent l’Atlantique pour fuir les persécutions religieuses dont ilsétaient les victimes. L’histoire des premières colonies anglaises en Amériqueillustre ce phénomène. Or, comment se fait-il que les Belges ne participèrentpas à ce mouvement ? Pour y répondre, il faut se rappeler que la question

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religieuse avait été résolue aux Pays-Bas dès la fin du XVIe siècle par ledétachement des provinces du nord de celles du sud. Quittant un territoireexclusivement catholique, les Protestants belges avaient trouvé refuge aux Pays-Bas du Nord, où ils participèrent à la prospérité économique de ces provinces.Une fois cette séparation accomplie, il n’y avait donc plus de raisons d’ordrereligieux pour fuir le continent.

Le second motif, qui explique l’expansion européenne en Amérique,concerne la volonté de découvrir une route maritime menant au marché desépices et aux gisements de métaux précieux. Là aussi, l’absence des Belges enNouvelle-France peut s’expliquer par le contexte politique. N’étant pas sujetsdu roi de France, ils dépendaient de la couronne d’Espagne, dont l’intérêt sefixait sur des régions plus méridionales. Ce raisonnement s’applique aussi pourle XVIIIe siècle, lorsque les Pays-Bas du Sud (la future Belgique) furent gouvernéspar des souverains autrichiens qui n’avaient aucun empire colonial.

Il fallut attendre le dernier quart du XIXe siècle pour qu’un nombre assezimportant de Belges, mus par des impératifs économiques, songent à s’installerau Canada. Jamais cependant, ils ne se déplacèrent en nombre suffisant pourcréer « une vague d’émigration ». Cette attitude fut d’ailleurs maintes foisdénoncée par plusieurs Québécois qui la déploraient, car ils voyaient en euxdes immigrants de choix, une expression que l’on retrouve dans les documentsofficiels émanant du Canada. Nous devons néanmoins reconnaître que lesBelges ne répondirent que bien timidement aux avances que leur firent lesCanadiens puisque leur nombre fut toujours inférieur à un pourcent del’ensemble des immigrants.

La province de Québec peut être considérée, à juste titre, comme le berceaudu Canada. Porte d’entrée toute désignée pour accéder à l’intérieur ducontinent, le Saint-Laurent permettait aux navires d’accoster à Québec et àMontréal. Jusqu’à ce que l’avion supplante le navire, la plupart des immigrantsvenus d’Europe passèrent d’abord par le Québec avant de se diriger vers l’Ouest.Cette situation semblait avantageuse pour cette province. Mais le Québecpouvait-il, comme New York, retenir jusqu’à 70 % des immigrants qui ydébarquaient ? Il n’appartenait qu’à lui de les influencer pour qu’ils se fixentdans cette partie du continent. Hélas, les résultats ne furent pas à la hauteurdes espoirs exprimés par les « apôtres » de l’immigration. Pour les Belges, leQuébec offrait un avantage majeur, celui de la langue. De plus, la religioncatholique était, du moins jusqu’à la Révolution tranquille, un élément quipouvait rapprocher les Québécois et la majorité des Belges.

Point de départ d’un pays qui allait devenir le Canada, la Nouvelle-Francefut le premier territoire à accueillir des hommes et des femmes en provenancede régions qui allaient constituer, en 1830, le royaume de Belgique. Commela plupart de ceux qui font partie de la mosaïque « ethnique » canadienne,

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certains Belges aimeraient connaître celui qui a été le premier compatriote àfouler le sol canadien, et cet événement aurait d’autant plus d’éclat s’il se situaitloin dans le passé. Ils pourraient ainsi se vanter d’avoir, eux aussi, participé à lanaissance du pays. Une fois rassurés, ils proclameraient que « bien sûr, nousaussi, nous étions là » ! Mais hélas pour ces rêveurs, ni marin, ni explorateurbelges n’apparaissent en Nouvelle-France avant le XVIIe siècle ; ces rôles sontl’apanage des Scandinaves, des Portugais et des Français.

C’est à l’époque où la couronne de France confiait à des compagnies privéesla responsabilité de peupler l’Amérique qu’arrivèrent les premiers ressortissantsdes Pays-Bas méridionaux. Le 26 novembre 1652, les Iroquois blessaient unhomme. Son nom : Thierry Delestre dit Levallon, c’est à dire originaire deWallonie. En 1655, il servait avec le grade de caporal au Fort Saint-Louis.L’année suivante, il se mariait et obtenait une terre sur laquelle il s’installait.En 1666, il était devenu « maître-tailleur d’habits », un signe qui nous permetde déduire qu’il avait définitivement renoncé au métier des armes. Le Cataloguedes immigrants1 répertorie encore Pierre Dubry (dit Laverdure), un fondeur de25 ans engagé pour trois ans en 1655 ; Marguerite Thomas, 22 ans, et MarieJamare, 20 ans. Toutes deux épousèrent des colons canadiens-français dont lesdescendants portèrent le nom des Trudel ou des Duval jusqu’à notre époque.Vers 1661, on notait aussi la présence de deux domestiques flamands à Montréal.Il s’agit de Robert Numan, dit Flamand, et de Guillaume Simon Holier.L’histoire a encore retenu le nom de Joseph de l’Estre de Vallon, l’architecte dupresbytère de la paroisse de Québec en 1725.

Lorsque le pays s’ouvrit à l’homme blanc, la conquête du sol alla de pairavec celle des âmes. L’histoire de la colonisation de la Nouvelle-France seconfond avec l’évangélisation et ce phénomène a existé dès le XVIIe siècle.Quelques hommes d’Église, originaires de la Flandre et des régions qui relevaientà la fois de la France et des Pays-Bas méridionaux, participèrent à ce mouvement.Ils ne furent pas nombreux, d’autant plus que le critère d’origine nationale quenous avons établi nous oblige à tenir compte d’une frontière qui n’existait pasencore à cette époque. Il y eut donc bien peu de « Belges » parmi ces Récolletset ces Jésuites venus évangéliser les « Sauvages ». Le défi était de taille, et lesrelations que les missionnaires firent de leur expérience nord-américaine nouspermettent, au-delà de certaines exagérations, de découvrir quel était leur genrede vie. C’est le cas du père Philippe Pierson, natif de Ath, qui était à Québecen 1666 et qui partit vivre parmi les Amérindiens regroupés autour de Montréalou de Québec. Le plus connu parmi ces missionnaires est, sans conteste, lepère Louis Hennepin dont les écrits relatifs aux années qu’il passa au Nouveau-Monde eurent un succès considérable à la cour de France2. En ce qui concernele Canada, il est cependant avare de commentaires, si ce n’est sa fameuse

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description des chutes du Niagara dont il fut le premier à révéler l’existenceaux Européens. Les vues qu’il exprime dans son livre, en faveur de l’établissementd’une colonie qui allierait la conversion des Amérindiens avec le développementdu commerce, méritent d’être soulignées. Les fourrures, le bois pour les navireset le minerai étaient des richesses qui pouvaient garantir l’avenir de cetétablissement. Non seulement souhaitait-il intégrer la Nouvelle-France dansun circuit commercial qui aurait englobé la métropole et ses colonies, mais ilespérait aussi relier le bassin du Saint-Laurent et les Grands Lacs à la coloniede New York afin de contenir l’expansion de la Nouvelle-Angleterre.

Si l’on se situe dans une optique purement belge, force est de reconnaîtreque les hommes qui œuvrèrent au sein des ordres religieux en Nouvelle-Franceconstituent des cas marginaux. Peu nombreux, il aurait été surprenant qu’ilsinfluencent leurs ouailles par des habitudes ou une mentalité propres à leurpays d’origine. Quant à susciter un mouvement d’émigration, la question nese pose même pas, là n’étant pas leur rôle. Il faut attendre la seconde moitié duXIXe siècle avant que le rideau ne se lève sur l’immigration belge. Cette démarcheest facilitée grâce aux recensements officiels.

Une première constatation s’impose, celle que le Québec est un lieu detransit. Sans accorder une valeur absolue aux données des recensements officiels(beaucoup d’imprécisions demeurent), force est de reconnaître l’ampleur del’écart existant entre le nombre de Belges enregistrés par les bureaux de cetteprovince et ceux qui choisirent de s’y établir. Ainsi, sur les 5 199 Belges admispar les bureaux du Québec entre 1871 et 1901, il en reste à peine 612 en1901. De même, il en restera 2 438 en 1921 sur les 12 288 qui émigrèrent auQuébec entre 1871 et 1921. Ces chiffres sont effectivement très éloquents, carils font apparaître la mobilité comme un des traits caractéristiques desimmigrants, les Belges en particulier. En simplifiant à l’extrême, on serait tentéd’affirmer qu’environ un Belge sur dix se fixa, d’une manière définitive, auQuébec avant 1901. Combien d’entre eux cherchèrent fortune ailleurs sur lecontinent américain ? Mais combien aussi rentrèrent en Belgique après unséjour plus ou moins long ?

Il faut reconnaître que cette évaluation du courant migratoire qui traversele Québec est assez sommaire, mais elle est dictée par les chiffres mêmes. Eneffet, pour la période comprise entre 1871 et 1913, l’Annuaire statistique decette province se plaît à souligner l’imprécision des données relatives au nombred’immigrants inscrits au Bureau de Montréal. C’est ainsi que les chiffres decette ville ne tiennent pas uniquement compte de ceux qui arrivèrent par lavoie des États-Unis. Ils concernent aussi « dans une mesure inconnue, lesimmigrants débarqués à Québec, placés dans la province, et qui, après abandonou perte de leur emploi », se présentèrent au Bureau d’immigration de Montréal.

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C’est pourquoi le total que l’on obtient en additionnant les chiffres de Québecet de Montréal ne correspond pas au nombre réel de Belges entrés dans laprovince. Néanmoins, c’est l’image la plus précise que l’on puisse obtenir et ilfaut se satisfaire de cette approximation.

Dans quelle mesure le pouvoir d’attraction du Québec se compare-t-il àcelui des autres provinces ? Les recensements effectués à dix ans d’intervallefont ressortir le fait que le Québec a occupé, jusqu’à la décennie 1956-1965, ledeuxième rang parmi les provinces canadiennes qui attirent le plus grandnombre de Belges. Si, jusqu’en 1921, le Manitoba arrivait en tête, ce fut ensuiteau tour de l’Ontario de prendre le relais. Toutefois, depuis 1956, le Québecest, sans conteste, le point de chute de la majorité des Belges qui ont choisid’émigrer au Canada.

Dans le même ordre d’idées, nous pouvons remarquer que la province deQuébec a attiré vers elle entre 17 % et 37 % des Belges qui se fixèrent auCanada depuis le début de ce siècle. Mais quelle est la place qu’occupent lesBelges parmi les immigrants du Québec ? Très minime, puisqu’ils nereprésentent jamais plus que un à deux pourcents de l’ensemble. Trop peunombreux pour se regrouper, c’est une des causes pour lesquelles ils s’intègrentsi facilement à la population. Au Québec, les Belges saupoudrent littéralementla société, ils sont partout mais peu nombreux. Cette caractéristique s’exprimeà la fois dans leur répartition sur le territoire et par la diversité des emploisqu’ils occupent.

La ville attire un grand nombre de Belges. Entre 1911 et 1941, plus destrois quarts avaient élu domicile à Québec ou à Montréal, qui devançait debeaucoup sa rivale. Cette caractéristique n’a pas cessé de s’affirmer. Pour ce quiconcerne les régions rurales, les Belges ont essaimé un peu partout, sauf dansles zones situées en aval de Québec, où ils sont pratiquement absents. Seulesles riches terres qui s’étendent au sud-est de Montréal ou celles des environs deJoliette, propices au tabac, en ont séduit plusieurs à la fin des années 1930 ; cesont, cependant, des cas exceptionnels.

Tout au long de cette démarche historique, on reste frappé par la faibleproportion que les Belges ont constitué au sein de l’ensemble québécois, mêmeentre 1906 et 1914, période durant laquelle le nombre d’immigrants fut leplus important. En l’absence d’un phénomène comparable à une « vagued’immigration », le Belge se signale à l’attention de la population par des actionsindividuelles. L’anonymat de ces Néo-Québécois ne peut s’expliquer que parleur volonté farouche de vouloir s’intégrer aux autres ; il faut s’attarder aux casisolés si l’on veut découvrir les caractéristiques éventuelles de ce groupe. Selonune métaphore simpliste, disons que pour découvrir l’espèce rare il faut labourertout un paysage. Une documentation éparpillée, parcimonieuse et inutilisée,

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très peu d’études relatives au sujet traité, tels sont les principaux obstacles qu’ilfaut surmonter pour approfondir le sujet.

Le regard rapproché que l’on pose sur la présence des Belges au Québec nedevrait pas nous aveugler au point d’altérer la réalité historique que l’on essayed’appréhender. En effet, ne nous faisons pas d’illusion, ce coup d’oeil n’embrassequ’une fraction d’une réalité plus vaste, celle de l’histoire du Canada, celle del’Humanité même ! Faire l’histoire des Belges du Québec, c’est faire de la micro-histoire, c’est observer une goutte portée par une vague qui oscille au rythmelent d’un océan. Il serait donc prudent que l’on replace ces Belges parmi tousceux qui, depuis des siècles, font partie du courant migratoire qui se déversesur l’Amérique. Gardons-nous aussi d’oublier que ce même mouvement s’inscritdans le comportement général des êtres humains qui ne cessent de se déplacerà la surface de notre planète afin d’assurer leur survie d’abord et de s’épanouirensuite.

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PREMIÈRE PARTIE

LA BELGIQUE ET L’ÉMIGRATION

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CHAPITRE I

POURQUOI PARTIR ?

NE FOIS QUE LA PERSPECTIVE D’AVENTURE et le goût du nouveau s’estom-pent dans l’esprit de celui qui veut quitter son pays natal, le fait de

partir apparaît généralement comme une décision difficile à prendre. Rompreavec son passé ou laisser au pays femme et enfants pour entreprendre unenouvelle vie de l’autre côté de l’océan, c’est réagir aux contraintes économiqueset sociales du milieu. C’est refuser le statu quo et croire que la vie sera plusfacile ailleurs, à la fois pour soi-même et ses enfants. Afin d’illustrer ce pointde vue, nous aimerions d’abord jeter un regard sur le contexte socio-économiquede la Belgique. Après cette entrée en matière, nous examinerons le cadre légalà l’intérieur duquel s’inscrit l’émigration en Belgique et nous nous arrêteronssur les différents organismes bénévoles qui se sont développés au Québec afind’apporter leur soutien aux Belges. Quelle a été l’attitude de l’opinion publiqueen Belgique, principalement à l’époque où le mouvement migratoire prenaitson envol, voilà la question qui retiendra encore notre attention avant quenous n’évoquions les conditions de transport de l’émigrant.

L’analyse de l’évolution démographique de la Belgique, dans le courantdu XIXe siècle, démontre que ce pays n’échappait pas à la tendance générale dela plupart des pays de l’Europe occidentale. Non seulement les Belges étaientde plus en plus nombreux, mais le taux d’accroissement annuel, particulièrementà partir de 1866, dépassait les 9 %. Cette poussée démographique de la Belgiquene connut un ralentissement qu’entre 1846 et 1866, avant de reprendre deplus belle. Ce changement d’allure s’explique par l’existence d’une criseéconomique et il souligne la corrélation entre l’économie et le comportementsocial : en temps de crise, les Belges mettent moins d’enfants au monde et semarient légèrement plus tard.

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12 | L’Immigration des Belges au Québec

Devant l’augmentation de la population et la misère des ouvriers des usineset des champs, on peut se demander dans quelle mesure l’émigration ne futpas une solution adoptée par plusieurs. Combien de gens choisirent de quitterleur domicile, d’aller ailleurs, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou au-delàde ses frontières ?

Les statistiques relatives au XIXe siècle nous apprennent que plus de gensquittaient le pays comparativement à ceux qui y entraient3 et que cette tendances’était accentuée à partir des années 1880. Nous remarquons aussi que plusdes trois quarts des émigrants s’installaient dans les pays voisins d’Europe,tandis que la proportion de ceux qui choisissaient le continent nord-américainse situait à 9,8 % (1886-1890), 10,3 % (1891-1895) et 3,3 % (1896-1900).C’est à l’intérieur de ces rapports que se place l’émigration vers le Canada, etles données dont nous disposons démontrent le peu d’attrait que ce paysreprésentait aux yeux des Belges.

Le XXe siècle se caractérise par un renversement de tendance dont lescomposantes peuvent expliquer, en partie, les fluctuations du nombred’émigrants belges vers le Canada. En premier lieu, on constate que les Belgesse reproduisent moins qu’auparavant. Les deux guerres ainsi que la criseéconomique des années 1930 constituent des périodes creuses en ce qui regardele rythme d’accroissement de la population. C’est ainsi que le taux de croissance,qui dépassait les 12 % en 1901, chute sous les 2 % à la veille du second conflitmondial, principalement en raison de la forte diminution du taux de natalité.À ce chapitre, il convient de souligner la disparité entre la région wallonne etla région flamande. Le rythme supérieur de croissance des provinces flamandesaccentue la position minoritaire de la population d’expression française ausein de l’ensemble national belge.

Une autre caractéristique de la population belge dont il faut tenir compteest celle de son vieillissement. Tout au long du XXe siècle, la proportion despersonnes âgées n’a cessé d’augmenter au détriment de la population active. Etce phénomène est plus accentué dans les régions wallonne et bruxelloise. Cettesituation a eu pour effet de provoquer, durant les périodes de repriseéconomique, un appel de main-d’œuvre étrangère qui fit de la Belgique unpays d’immigration plutôt que d’émigration. Cet effet de « pompe aspirante »est principalement attribuable à la Wallonie, où la population locale ne parvintjamais à combler la demande de main-d’œuvre du secteur minier. N’est-ce pasgrâce aux Italiens que la « bataille du charbon » fut remportée après 1946 ?

De ce qui précède, on peut conclure que le ralentissement del’accroissement de la population conjugué au vieillissement de celle-ci sontdes facteurs qui eurent pour effet de diminuer la pression qui aurait pu s’exercersur les Belges insatisfaits de leur sort. Par conséquent, l’idée d’émigrer a moins

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE viiINTRODUCTION 1

CHAPITRE IPourquoi partir ? 11

CHAPITRE IILA RÉGLEMENTATION ET SON APPLICATION 15

Le cadre légal et la réglementation 15Le Musée commercial de l’État 16La loi sur la santé et le transport des émigrants 17La Société de protection des Émigrants. 18L’Oeuvre de l’Archange Raphaël 20La Société d’immigration française en Canada 21La Société belge de colonisation et de secours mutuel 22La Société belge de bienfaisance et de protection pour les immigrants 23Le Comité de patronage et d’assistance aux émigrants belges au Canada 24La Société Belge de Bienfaisance 26La mission Varlez-Brunin 27

CHAPITRE III

PREMIÈRE PARTIE

LA BELGIQUE ET L’ÉMIGRATION

SECONDE PARTIE

LE CANADA, LE QUÉBEC ET L’IMMIGRATION

L’OPINION EN BELGIQUE 31

CHAPITRE IVLES PREMIERS CONTACTS 43

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204 | L’Immigration des Belges au Québec

CHAPITRE VLES PROJETS DE COLONIES BELGES 49

Le père Pascal Joseph Verbist 49Sainte-Justine de Dorchester 54Namur 57Gustaaf Vekeman 60Le projet au lac Mégantic 65La période autour de 1890 67Les projets de J.V. Herreboudt et du baron de Haulleville 69La colonie de la baie des Chaleurs 74Le projet en Abitibi-Témiscamingue 77Louis Empain 79

CHAPITRE VI

LE TRANSPORT DES ÉMIGRANTS 85La voie directe ou la traversée sans escale 85La voie indirecte 86

CHAPITRE VII

LES BELGES EN MILIEU URBAIN 93L’enseignement 93Les autres métiers 100Le syndicalisme 101

CHAPITRE VIII

LES ARTISTES BELGES 105La musique 105 Jules Hone 107 Frants Jehin-Prume 107 Ernest Lavigne 109 La famille Goulet 110Les autres musiciens belges 114 Jeanne Maubourg 117 L’orgue 118Les arts plastiques 120

CHAPITRE IXLES BELGES EN MILIEU RURAL 125

Le savoir-faire 125Johan Beetz 129Gustaaf Vekeman 132

CHAPITRE XLES BELGES ET L’ÉGLISE CATHOLIQUE 135

Extrait de la publication

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Table des matières | 205

CHAPITRE XI

LA PRÉSENCE DES BELGES DANS L’ÉCONOMIE 141Les premiers contacts officiels 141Ferdinand Van Bruyssel 143Le Comptoir belgo-canadien 147La Belgo Canadian Pulp and Paper Company 149Initiatives diverses 152Louis Empain 154

CHAPITRE XII

LES ASSOCIATIONS 157

CONCLUSION 163

ÉPILOGUE 167

BIBLIOGRAPHIE 179

NOTES 181

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COMPOSÉ EN GARAMOND CORPS 11SELON UNE MAQUETTE RÉALISÉE PAR GILLES HERMAN

ACHEVÉ D’IMPRIMER EN OCTOBRE 2001SUR LES PRESSES DE AGMV-MARQUIS

À CAP-SAINT-IGNACE, QUÉBEC

POUR LE COMPTE DE DENIS VAUGEOIS

ÉDITEUR À L’ENSEIGNE DU SEPTENTRION.

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