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POÈTES

ANTHOLOGIE

DES

LA N. R. F.DE

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ANTHOLOGIE

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Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptationréservés pour tous les pays, y compris la Russie.

1 © 1958 Librairie Gallimard.

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Note de l'éditeur. 10

QUESTIONS DE POÉSIE, par Paul VALÉRY. 11

Henri ALAiN-FoURNIER 23

Maxime ALEXANDRE 25

François-Paul ALIBERT 28Roger ALLARD. 31Guillaume APOLLINAIRE 40

Louis ARACON 48

Antonin ARTAUD 56

Bertrand D'AsTORG. 58AUDIBERTI. 60

Jacques BARON. 68MarcelBÉALU. 70

Lucien BECKER. 72René BIZET 75Édith BoissoNNAS. 77AlainBORNE. 80HenriBosco. 83

Alain BOSQUET. 86Joe BOUSQUET 88Louis BRAUQUIER. 91Jacques BRENNER 96André BRETON. 98Francis CARCO 107

Jean CAU 111Blaise CENDRARS. 113Aimé CÉSAIRE 120

Louis CHADOURNE 123

Gaston CHAissAc 125RenéCHAR 127

Georges CHENNEVIÈRE 133Georges-Emmanuel CLANCIER 138Paul CLAUDEL 141

JeanCocTEAU. 148Louis CODET. 157Tristan CORBIÈRE. 159

CharlesCROS. f63Léon-Gontran DAMAS 167RenéDAUMAL. 170

Robert DESNOS. 173

TABLE

Pages

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ANTHOLOGIE DES POÈTES DE LA N. R. F.

DRIEU LA ROCHELLE. 178Luc DURTAIN 181

Paul ÉLUARD 184Louis ÉMIÉ 193Luc ESTANG. 198

Lucien FABRE 203

Léon-Paul FARGUE 205

Charles-Théophile FÉRET 212RenéFERNANDAT. 217

Lucien FEUILLADE 219

FIESCHI 222

Fernand FLEURET 225

Jean FOLLAIN 228Maurice FOMBEURE. 232

Henri FRANCK 237

André FRÉDÉRIQUE. 240André FRÉNAUD. 244

Georges GABORY 248AlfredoGANGOTENA. 250

Robert GANZO. 252

Georges GARAMPON. 256Henri GHÉON 259

André GIDE 262

Roger GILBERT-LECOMTE 270Robert GOFFIN. 273

Jean GROS.JEAN 275Marius GitoUT .281

GUILLEVIC. 283

Franz HELLENS 287

Robert HoNNERT. 289

VictorHuco. 291

Max JACOB 296

Philippe JACCOTTET. 302Alfred JARRY 304René LACOTE 307

Valery LARBAUD 310Olivier LARONDE. 315

Patrice DE LA TOUR DU PIN. 317

Jean LEBRAU 322

Marcel LECOMTE 325

Michel LEIRIS 328

Henry-J.-M. LEVET. 335RenéLEYNAUD. 338

Armen LUBIN .340

Pierre MAC ORLAN 343

Stéphane MALLARMÉ. 350Robert MALLET 357

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TABLE

Jean MARCENAC 360Charles MAURRAS. 363MÉLOT DU Dy 365

Henry MICHAUX 368Henry de MONTHERLANT 374Pierre MORHANGE. 379

Georges NEVEUX 381NORGE. 385

Germain NOUVEAU. 389

Pierre OSTER. 396

Charles PÉGUY. 399

Jean PELLERIN. 406

Benjamin PÉRET 411Odilon-Jean PÉITIER 414

Francis PONGE 417

François PORCHÉ. 422Henri POURRAT 425

Jacques PRÉVERT. 429Marcel PROUST. 434

Raymond QUENEAU 438Pierre REVERDY 444

Georges RIBEMONT-DESSAIGNES 449Rainer Maria RILKE. 452

Louis ROCHÉ. 454

A.-ROLLAND DE RENÉVILLE 458

Jules ROMAINS. 461Jean-Pierre ROSNAY. 469Claude Roy 472

JulesRoy. 475SAINT-JOHN PERSE. 477André SALMON. 490

Marcel SAUVAGE. 496

Georges SCHEHADÉ 500Robert SÉBASTIEN 503Jean SÉNAC 505PiusSERVIEN 507René DE SOLIER. 510André SPIRE 513

Jules SUPERVIELLE 516Jean TARDIEU 522Henri THOMAS 526Paul VALÉRY 530Marianne VAN HIRTUM 536Francis VIELÉ-GRIFFIN 539Charles VILDRAC 542Louise DE VILMORIN 546

Roger VITRAC 551

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Cette anthologie ne comprend que les poètes édités par la N. R. F;;elle ne prétend pas présenter un tableau complet de la poésie contem-poraine, et son choix ne doit pas être considéré comme un jugement.

Au début du chapitre consacré à chaque auteur figure la liste deses ouvrages publiés à la N. R. F.

NOTE DE L'ÉDITEUR

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QUESTIONS DE POÉSIE

Depuis quelque quarante-cinq ans, j'ai vu la Poésie subir bien desentreprises, être soumise à des expériences d'une extrême diversité,essayer des voies tout inconnues, revenir parfois à certaines traditions;participer, en somme, aux brusques fluctuations et au régime de fré-quente nouveauté qui semblent caractéristiques du monde actuel. Larichesse et la fragilité des combinaisons, l'instabilité des goûts et lestransmutations rapides de valeurs, enfin la croyance aux extrêmes etla disparition du durable, sont les traits de ce temps, qui seraient encorebien plus sensibles s'ils ne répondaient très exactement à notre sensi-bilité même, qui se fait toujours plus obtuse.

Pendant ce dernier demi-siècle, une succession de formules ou demodes poétiques se sont prononcés, depuis le type strict et facilementdéfinissable du Parnasse, jusqu'aux productions les plus dissolues etaux tentatives les plus véritablement libres. Il convient, et il importe,d'ajouter à cet ensemble d'inventions. certaines reprises, souvent trèsheureuses emprunts, au X VIe, au XVIIe et au XVIIIe siècle, deformes pures ou savantes, dont l'élégance est peut-être imprescriptible.

Toutes ces recherches ont été instituées en France; ce qui est assezremarquable, ce pays étant réputé peu poétique, quoique ayant produitplus d'un poète de renom. Il est exact que depuis trois cents ans environ,les Français ont été instruits à méconnaître la vraie nature de la poésieet à prendre le change sur des voies qui conduisent tout à l'opposé deson gîte. Je le montrerai facilement tout à l'heure. Ceci explique pour-quoi les accès de poésie qui, de temps à autre, se sont produits cheznous, ont dû se produire en forme de révolte ou de rébellion; ou bien,se sont, au contraire, concentrés dans un petit nombre de têtes ferventes,jalouses de leurs secrètes certitudes.

Mais, dans cette même nation peu chantante, une surprenante richessed'inventions lyriques s'est manifestée, pendant le dernier quart du sièclepassé. Vers 187.5, Victor Hugo vivant encore, Leconte de Lisle et lessiens accédant à la gloire, on a vu naître les noms de Verlaine, de Sté-phane Mallarmé, d'Arthur Rimbaud, ces trois Rois Mages de la poé-tique moderne, porteurs de présents si précieux et de si rares aromatesque le temps qui s'est écoulé depuis lors n'a altéré l'éclat ni la puissancede ces dons extraordinaires.

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ANTIIOLOGIE DES POÈTES DE LA N. R. F.

L'extrême diversité de leurs ouvrages s'ajoutant à la variété desmodèles offerts par les poètes de la génération précédente a permis etpermet de concevoir, de sentir et de pratiquer la poésie d'une quantitéadmirable de manières fort différentes. Il en est aujourd'hui qui, sansdoute, suivent encore Lamartine; d'autres prolongent Rimbaud. Lemême peut changer de goût et de style, brûle à vingt ans ce qu'il adoraità seize; je ne sais quelle intime transmutation fait glisser d'un maîtreii l'autre le pouvoir de ravir. L'amateur de Musset s'orne et l'aban-donne pour Verlaine. Tel, nourri précocement de Hugo, se dédie toutentier à Mallarmé.

Ces passages spirituels se font, en général, dans un certain sensplutôt que dans l'autre, qui est beaucoup moins possible il doit êtrerarissime que le Bateau ivre transporte à la longue vers le Lac. Enrevanche, on peut ne pas perdre, pour l'amour de la pure et dure « Héro-diade », le goût de la Prière d'Esther.

Ces désaffections, ces coups de la foudre ou de la grâce, ces conver-sions et substitutions, cette possibilité d'être successivement sensibilisésà l'action de poètes incompatibles, sont des phénomènes littéraires depremière importance. On n'en parle donc jamais.

Mais, de quoi parle-t-on, quand on parle de « Poésie »?

J'admire qu'il ne soit point de domaine de notre curiosité dans lequell'observation des choses mêmes soit plus négligée.

Je sais bien qu'il en est ainsi en toute matière où l'on peut craindreque le regard tout pur ne dissipe ou ne désenchante son objet. J'ai vu,non sans intérêt, le mécontentement excité par ce que j'ai nagiière écritsur l'Histoire, et qui se réduisait à de simples constatations que toutle monde peut faire. Cette petite ébullition était toute naturelle et facileti prévoir, puisqu'il est plus facile de réagir que de réfléchir, et que ceminimum doit nécessairement l'emporter dans le plus grand nombredes esprits. Quant à moi, je me reprends toujours de suivre cet empor-tement des idées qui fuit /'objet observable, et de signe en signe, voleirriter le sentiment particulier. J'estime qu'il faut désapprendre à neconsidérer que ce que la coutume, et surtout, la plus puissante de toutes,le langage, nous donnent à considérer. Il faut tenter de s'arrêter end'autres points que ceux indiqués par les mots, c'est-à-dire parles autres.

Je vais donc essayer de montrer comme l'usage traite la Poésie, etcomme il en fait ce qu'elle n'est pas, aux dépens de ce qu'elle'est.

On ne peut presque rien dire sur la « Poésie » qui ne soit directe-ment inutile à toutes les personnes dans la vie intime desquelles cettesingulière puissance qui la fait désirer ou se produire, se prononcecomme une demande inexplicable de leur être, ou bien compte sa réponsela plus pure.

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QUESTIONS DE POÉSIE

Ces personnes éprouvent la nécessité de ce qui ne sert communémentà rien, et elles perçoivent quelquefois je ne sais quelle rigueur dans cer-tains arrangements de mots tout arbitraires à d'autres yeux.

Les mêmes ne se laissent pas aisément instruire à aimer ce qu'ellesn'aiment pas, ni à ne pas aimer ce qu'elles aiment, ce qui fut, jadiset naguère, le principal effort de la critique.

Quant à ceux qui de la Poésie ne sentent bien fortement ni la pré-sence ni l'absence, elle n'est, sans doute, pour eux que chose abstraiteet mystérieusement admise, chose aussi vaine que l'on veut, quoi-qu'une tradition qu'il est convenable de respecter attache à cette entitéune de ces valeurs indéterminées, comme il en flotte quelques-unes dansl'esprit public. La considération que l'on accorde à un titre de noblessedans une nation démocratique peut ici servir d'exemple.

J'estime de l'essence de la Poésie qu'elle soit, selon les diverses naturesdes esprits, ou de valeur nulle ou d'importance infinie, ce qui l'assimileà Dieu même.

Parmi ces hommes sans grand appétit de Poésie, qui n'en connaissentpas le besoin et qui ne l'eussent pas inventée, le malheur veut que figurebon nombre de ceux dont la charge ou la destinée est d'en juger, d'endiscourir, d'en exciter et cultiver le goût; et, en somme, de dispenser cequ'ils n'ont pas. Ils y mettent souvent toute leur intelligence et toutleur zèle de quoi les conséquences sont à craindre.

Sous le nom magnifique et discret de « Poésie », ils sont inévitable-ment ou conduits ou contraints à considérer de tout autres objets quecelui dont ils pensent qu'ils s'occupent. Tout leur est bon, sans qu'ilss'en doutent, à fuir ou à éluder innocemment l'essentiel. Tout leurest bon qui n'est pas lui.

On énumère, par exemple, les moyens apparents dont usent les poètes;on relève des fréquences ou des absences dans leur vocabulaire; ondénonce leurs images favorites on signale des ressemblances de l'unà l'autre; et des emprunts. Certains essayent de restituer leurs secretsdesseins, et de lire, dans une trompeuse transparence, des intentionsou des allusions dans leurs ouvrages. Ils scrutent volontiers, avec unecomplaisance qui fait bien voir comme ils s'égarent, ce que l'on sait(ou que l'on croit savoir) de la vie des auteurs, comme si l'on pouvaitjamais connaître de celle-ci la véritable déduction intime; et d'ailleurs,comme si les beautés de l'expression, l'accord délicieux, toujours pro-videntiel, de termes et de sons, étaient des effets assez naturels desvicissitudes charmantes ou pathétiques d'une existence. Mais tout lemonde a été heureux et malheureux; et les extrêmes de la joie commeceux de la douleur n'ont pas été refusés aux plus grossières et aux moins

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ANTIIOLOGIE DES POÈTES DE LA N. R. F.

chantantes des âmes. Sentir n'emporte pas rendre sensible, et encoremoins bellement sensible.

N'est-il pas admirable que l'on cherche et que l'on trouve tant demanières de traiter d'un sujet sans même en effleurer le principe; eten démontrant par les méthodes que l'on emploie, par les modes del'attention qu'on y applique, et jusque par le labeur que l'on s'inflige,une méconnaissance pleine et parfaite de la véritable question?

Davantage dans la quantité de savants travaux qui, depuis dessiècles, ont été consacrés à la Poésie, on en voit merveilleusement peu(et je dis « peu» pour ne pas être absolu) qui n'impliquent pas unenégation de son existence. Les caractères les plus sensibles, les pro-blèmes les plus réels de cet art si composé, sont comme exactementoffusqués par le genre des regards qui se fixent sur lui.

Que fait-on? On traite du poème comme s'il fûtdivisible (- et qu'ildût l'être) en un discours de prose qui se suffise et consiste par soi, etd'autre part, en un morceau d'une musique particulière, plus oumoins proche de la musique proprement dite telle que la voix humainepeut la produire, mais la nôtre ne s'élève pas jusqu'au chant, lequel,du reste, ne conserve guère les mots, ne s'attachant qu'aux syllabes.

Quant au discours de prose, c'est-à-dire discours qui mis end'autres termes remplirait le même office, on le divise à son tour.On considère qu'il se décompose, d'une part, en un petit texte (quipeut se réduire parfois à un seul mot ou au titre de l'ouvrage) et,d'autre part, à une quantité quelconque de paroles accessoires orne-ments, images, figures, épithètes, « beaux détails », dont le caractèrecommun est de pouvoir être introduits, multipliés, supprimés adlibitum.

Et quant à la musique de poésie, à cette musique particulière dontje parlais, elle est pour les uns imperceptible; pour la plupart, négli-geable pour certains, l'objet de recherches abstraites, parfois savantes,généralement stériles. D'honorables efforts, Je sais, ont été exercés contreles difficultés de cette matière; mais je crains bien que les forces n'aientété mal appliquées. Rien de plus trompeur que les méthodes dites « scien-tifiques» (et les mesures ou les enregistrements, en particulier) quipermettent toujours de faire répondre par « un fait » une questionmême absurde ou mal posée. Leur valeur (comme celle de la logique)dépend de la manière de s'en servir. Les statistiques, les tracements surla cire, les observations chronométriques que l'on invoque pour résoudredes questions d'origine ou de tendance toutes « subjectives », énoncent

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QUESTIONS DE POÉSIE

bien quelque chose; mais ici leurs oracles, loin de nous tirer d'em-barras et de clore toute discussion, ne font qu'introduire, sous les espèceset l'appareil du matériel de la physique, toute une métaphysique naï-vement déguisée.

Nous avons beau compter les pas de la déesse, en noter la fréquenceet la longueur moyenne, nous n'en tirons pas le secret de sa grâceinstantanée. Nous n'avons pas vu, jusqu'à ce jour, que la louable curio-sité qui s'est dépensée à scruter les mystères de la musique propre aulangage « articulé» nous ait valu des productions d'importance nou-t'elle et capitale. Or, tout est là. Le seul gage du savoir réel est le pou-voir pouvoir de faire ou pouvoir de prédire. Tout le reste est Litté-rature.

Je dois cependant reconnaître que ces recherches que je trouve peufructueuses ont du moins le mérite de poursuivre la précision. L'in-tention en est excellente. L'à peu près contente aisément notre époque,en toutes occasions ou la matière n'est pas en jeu. Notre époque setrouve donc à la fois plus précise et plus superficielle qu'aucune autreplus précise malgré soi, plus superficielle par soi seule. L'accident luiest plus précieux que la substance. Les personnes l'amusent et l'hommel'ennuie; et elle redoute sur toute chose ce bienheureux ennui, qui dansdes temps plus paisibles, et comme plus vides, nous engendrait deprofonds, de difficiles et de désirables lecteurs. Qui, et pour qui, pèseraitaujourd'hui ses moindres mots? Et quel Racine interrogerait son Boi-leau familier pour en obtenir licence de substituer le mot misérableau mot infortuné, dans tel vers, ce qui ne fut pas accordé.

Puisque j'entreprends de dégager un peu la Poésie de tant de proseet d'esprit de prose qui l'accable et la voile de connaissances tout inu-tiles à la connaissance et à la possession de sa nature, je puis bienobserver l'effet que ces travaux produisent sur plus d'un esprit de notreépoque. Il arrive que l'habitude de l'extrême exactitude atteinte danscertains domaines (devenue familière à la plupart, à cause de mainteapplication dans la vie pratique) tend à nous rendre vaines, sinoninsupportables, bien des spéculations traditionnelles, bien des thèsesou des théories, qui, sans doute, peuvent nous occuper encore, nousirriter un peu l'intellect, faire écrire, et même feuilleter, plus d'un livreexcellent; mais dont nous sentons, d'autre part, qu'il nous suffirait d'unregard un peu plus actif, ou de quelques questions imprévues, pourvoir se résoudre en simples possibilités verbales les mirages abstraits,les systèmes arbitraires et les vagues perspectives. Désormais, toutesles sciences qui n'ont pour elles que ce qu'elles disent se trouvent« virtuellementdépréciées par le développement de celles dont onéprouve et utilise à chaque instant les résultats.

Qu'on imagine donc les jugements qui peuvent naître dans uneintelligence accoutumée à quelque rigueur, quand on lui propose cer-

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ANTHOLOGIE DES POÈTES DE LA N. R. F.

taines « définitionset certains « déueloppementsqui prétendentl'introduire à la compréhension des Lettres et particulièrement de laPoésie. Quelle t n/eur accorder aux raisonnements qui se font sur le« classicisme », le « romantisme », le « symbolisme », etc., quand nousserions bien en peine de rattacher les caractères singuliers et les qualitésd'exécution qui font le prix et assurèrent la conservation de tel ouvrageà l'état vivant, aux prétendues idées générales et aux tendances « esthé-tiques » que ces beaux noms sont présumés désigner? Ils sont destermes abstraits et convenus, mais conventions qui ne sont rien moinsque « commodes », puisque le désaccord des auteurs sur leurs signi-fications est, en quelque sorte, de règle; et qu'ils semblent faits pourle provoquer et donner prétexte à des dissentiments infinis.

Il est trop clair que toutes ces classifications et ces vues cavalièresn'ajoutent rien à la jouissance d'un lecteur capable d'amour, ni n'ac-croissent chez un homme de métier l'intelligence des moyens que lesmaîtres ont mis en œuvre elles n'enseignent ni à lire ni à écrire.Davantage, elles détournent et dispensent l'esprit des problèmes réelsde l'art; cependant qu'elles permettent à bien des aveugles de discouriradmirablement de la couleur. Que de facilités furent écrites parla grâcedu mot « Humanisme », et que de niaiseries pour faire croire les gensà l'invention de la « Nature par Rousseau! Il est vrai qu'une foisadoptées et absorbées par le public, parmi mille phantasmes qui l'oc-cupent vainement, ces apparences de pensées prennent une manièred'existence et donnent prétexte et matière à une foule de combinaisonsd'une certaine originalité scolaire. On découvre ingénieusement unBoileau dans Victor Hugo, un romantique dans Corneille, un « psy-chologue» ou un réaliste dans Racine. Toutes choses qui ne sont nil'raies ni fausses; et qui d'ailleurs ne peuvent l'être.

Je consens que l'on ne fasse aucun cas de la littérature en général,et de la poésie, en particulier. C'est une affaire privée que la. beauté;l'impression de la reconnaître et ressentir à tel instant est un accidentplus ou moins fréquent dans une existence, comme il en est de la dou-leur et de la volupté mais plus casuel encore. Il n'est jamais sûr qu'uncertain objet nous séduise; ni qu'ayant plu (ou déplu) telle fois, ilnous plaise (ou déplaise) une autre fois. Cette incertitude qui déjouetous les calculs et tous les soins, et qui permet toutes les combinaisonsdes outrages arec les individus, tous les rebuts et toutes les idolâtries,fait participer les destins des écrits aux caprices, aux passions et varia-tions de toute personne. Si quelqu'un goûte véritablement tel poème,on le connaît à ceci qu'il en parle comme d'une affection personnelle,

si toutefois il en parle. J'ai connu des hommes si jaloux de ce qu'ils

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QUESTIONS DE POÉSIE

admiraient éperdument qu'ils souffraient mal que d'autres en fussentépris et même en eussent connaissance, estimant leur amour gâté parle partage. Ils aimaient mieux cacher que répandre leurs livres préfé-rés, et les traitaient (au détriment de la gloire générale des auteurs,et à l'avantage de leur culte) comme les sages maris d'Orient leursépouses, qu'ils environnent de secret.

Mais si l'on veut, comme le veut l'usage, faire des Lettres une sorted'institution d'utilité publique, associer à la renommée d'une nationqui est, en somme, une valeur d'État, des titres de « chefs-d'œuvre »,qui se doivent inscrire auprès des noms de ses victoires; et si, tournanten moyens d'éducation des instruments de plaisir spirituel, l'on assigneà ces créations un emploi d'importance dans la formation et le classe-ment des jeunes gens, encore faut-il prendre garde de ne pas cor-rompre par là le propre et véritable sens de l'art. Cette corruptionconsiste à substituer des précisions vaines et extérieures ou des opinionsconvenues à la précision absolue du plaisir ou de l'intérêt direct excitépar une œuvre, à faire de cette œuvre un réactif servant au contrôlepédagogique, une matière à développements parasites, un prétexte àproblèmes absurdes.

Toutes ces intentions concourent au même effet esquiver les ques-tions réelles, organiser une méprise.

Quand je regarde ce que l'on fait de la Poésie, ce que l'on demande,ce que l'on répond à son sujet, l'idée que l'on en donne dans les études(et un peu partout) mon esprit, qui se croit (par conséquence sansdoute, de la nature intime des esprits) le plus simple des esprits pos-sibles, s'étonne « à la limite de l'étonnement ».

Il se dit Je ne vois rien dans tout ceci ni qui me permette de mieuxlire ce poème, de /'exécuter mieux pour mon plaisir; ni d'en concevoirplus distinctement la structure. On m'incite à tout autre chose, et iln'est rien qu'on n'aille chercher pour me détourner du divin. On m'en-seigne des dates, de la biographie; on m'entretient de querelles, de doc-trines dont je n'ai cure, quand il s'agit de chant et de l'art subtil dela voix porteuse d'idées. Où donc est l'essentiel dans ces propos etdans ces thèses? Que fait-on de ce qui s'observe immédiatement dansun texte, des sensations qu'il est composé pour produire? Il sera bientemps de traiter de la vie, des amours et des opinions du poète, de sesamis et ennemis, de sa naissance et de sa mort, quand nous auronsassez avancé dans la connaissance poétique de son poème, c'est-à-direquand nous nous serons faits l'instrument de la chose écrite, de manièreque notre voix, notre intelligence et tous les ressorts de notre sensibilitése soient composés pour donner vie et présence puissante à l'acte decréation de l'auteur.

Le caractère superficiel et vain des études et des enseignements dontje viens de m'étonner apparaît à la moindre question précise. Cepen-dant que j'écoute de ces dissertations auxquelles ni les « documents »

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ANTIIOLOGIE DES POÈTES DE LA N. R. F.

ni les subtilités ne manquent, je ne puis m'empêcher de penser quejene sais même pas ce que c'est qu'une Phrase. Je varie sur ce quej'en-tends par un Vers. J'ai lu ou j'ai forgé vingt « définitions » du Rythme,dont je n'adopte aucune. Que dis-je Si je m'attarde seulement àme demander ce que c'est qu'une Consonne, je m'interroge; je consulte;et je ne recueille que des semblants de connaissance nette, distribuéeen vingt avis contradictoires.

Que si je m'avise à présent de m'informer de ces emplois, ou plutôtde ces abus du langage, que l'on groupe sous le nom vague et généralde « figures », je ne trouve rien de plus que les vestiges, très délaissésde l'analyse fort imparfaite qu'avaient tentée les anciens de ces phé-nomènes « rhétoriques ». Or, ces figures si négligées par la critiquedes modernes jouent un rôle de première importance, non seulementdans la poésie déclarée et organisée, mais encore dans cette poésie per-pétuellement agissante qui tourmente le vocabulaire fixé, dilate ou res-treint le sens des mots, opère sur eux par symétries ou par conversions,altère à chaque instant les valeurs de cette monnaie fiduciaire; et tantôtpar les bouches du peuple, tantôt pour les besoins imprévus de l'expres-sion technique, tantôt sous la plume hésitante de l'écrivain, engendrecette variation de la langue qui la rend insensiblement tout autre. Per-sonne ne semble avoir même entrepris de reprendre cette analyse. Per-sonne ne recherche dans l'examen approfondi de ces substitutions, deces notations contractées, de ces méprises réfléchies et de ces expédients,si vaguement définis jusqu'ici par les grammairiens, les propriétésqu'ils supposent et qui ne peuvent pas être très différentes de celles quemettent parfois en évidence le génie géométrique et son art de se créer desinstruments de pensée de plus en plus souples et pénétrants. Le poète,sans le savoir, se meut dans un ordre de relations et de transformationspossibles, dont il ne perçoit ou ne poursuit que les effets momentanéset particuliers qui lui importent dans tel état de son opération intérieure.

Je consens que les recherches de cet ordre sont terriblement difficileset que leur utilité ne peut se manifester qu'à des esprits assez peu nom-breux, et j'accorde qu'il est moins abstrait, plus aisé, plus « humain »,plus « vivant », de développer des considérations sur les « sources »,les « influences », la « psychologie », les « milieux » et les « inspira-tions» poétiques, que de s'attacher aux problèmes organiques del'expression et de ses effets. Je ne nie la valeur ni ne conteste l'intérêtd'une littérature qui a la Littérature même pour décor et les auteurspour ses personnages; mais je dois constater que je n'y ai pas trouvégrand-chose qui me pût servir positivement. Cela est bon pour conver-sations, discussions, conférences, examens ou thèses, et toutes affairesextérieures de ce genre, dont les exigences sont bien différentes decelles du tête-à-tête impitoyable entre le vouloir et le pouvoir de quel-qu'un. La Poésie se forme ou se communique dans l'abandon le pluspur ou dans l'attente la plus profonde si on la prend pour objetd'étude, c'est par là qu'il faut regarder c'est dans l'être, et fort peudans ses environs.

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