extrait de "gladio" (j. willems 1991) avec l'annexe intitulée "les amis du...

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3. Histoires de "glaives" En Belgique, des groupes de résistance armés disposant de "trou- pes de choc" ont agi dans la clandestinité, sous la coupe d'intérêts privés liés à l'extrême droite internationale, avec la protection des services secrets militaires belges et l'appui notamment financier des Etats-Unis. Avec quelle impunité et pendant combien de temps? Répondre à ces questions permettra sans doute de résou- dre la véritable énigme du Gladio belge ... "Nous avons recueilli, hier, le témoignage d'André Moyen, un ex-agent du SDRA (Service de Documentation, de Renseigne- ments et d'Action) de l'armée belge. Cet ancien barbouze affirme avoir été contacté vers 1948-1949 par un membre des services secrets français afin de devenir le correspondant de Gladio en Belgique. Selon André Moyen, Gladio travaillait en relation étroite avec un autre réseau parallèle baptisé "Catena". Autre affirmation: des caches d'armes subsistaient jusqu'il y a peu en Belgique. Enfin, André Moyen cite des noms de person- nes et d'associations qu'il pense être liées à Gladie."! Reprise par l'Agence France Presse, le 14 novembre 1990, la manchette du quotidien communiste belge Le Drapeau Rouge fait le tour de l'Europe. Des coups de téléphone, principalement d'Italie, d'Espagne et de Suisse affluent à la rédaction." Il est vrai que les propos d'André Moyen suivent, de quelques jours à peine, les déclarations inquiétantes du ministre de la Défense nationale belge, Guy Coëme. Le 7 novembre, le mandataire socialiste a affirmé en sub- stance qu'il a été contacté par les autorités italiennes afin qu'il s'informe sur l'existence en Belgique d'une branche de Gladio. 29 1

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Extrait de "Gladio" de Jan Willems

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Page 1: Extrait de "Gladio" (J. Willems 1991) avec l'annexe intitulée "Les  amis du chevalier  De  Roover"

3. Histoires de "glaives"

En Belgique, des groupes de résistance armés disposant de "trou-pes de choc" ont agi dans la clandestinité, sous la coupe d'intérêtsprivés liés à l'extrême droite internationale, avec la protection desservices secrets militaires belges et l'appui notamment financierdes Etats-Unis. Avec quelle impunité et pendant combien detemps? Répondre à ces questions permettra sans doute de résou-dre la véritable énigme du Gladio belge ...

"Nous avons recueilli, hier, le témoignage d'André Moyen, unex-agent du SDRA (Service de Documentation, de Renseigne-ments et d'Action) de l'armée belge. Cet ancien barbouzeaffirme avoir été contacté vers 1948-1949 par un membre desservices secrets français afin de devenir le correspondant deGladio en Belgique. Selon André Moyen, Gladio travaillait enrelation étroite avec un autre réseau parallèle baptisé "Catena".Autre affirmation: des caches d'armes subsistaient jusqu'il y apeu en Belgique. Enfin, André Moyen cite des noms de person-nes et d'associations qu'il pense être liées à Gladie."!

Reprise par l'Agence France Presse, le 14 novembre 1990, lamanchette du quotidien communiste belge Le Drapeau Rougefait le tour de l'Europe. Des coups de téléphone, principalementd'Italie, d'Espagne et de Suisse affluent à la rédaction." Il estvrai que les propos d'André Moyen suivent, de quelques joursà peine, les déclarations inquiétantes du ministre de la Défensenationale belge, Guy Coëme.

Le 7 novembre, le mandataire socialiste a affirmé en sub-stance qu'il a été contacté par les autorités italiennes afin qu'ils'informe sur l'existence en Belgique d'une branche de Gladio.

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J Dans une interview télévisée, où il apparaît très inquiet, GuyCoëme précise qu'une enquête administrative a été demandéeau Service général de Renseignements (SGR), dont dépend leSDRA. Last but not least, le ministre de la Défense a cru bond'ajouter qu'il "n'exclut pas des liens éventuels entre cetteaffaire et les dossiers de banditisme et de terrorisme non éluci-dés" qui ont ensanglanté la Belgique au cours des dix dernièresannées.

L'allusion aux tueries du Brabant (vingt-huit morts entre 1982et 1985) et à des affaires politico-judicaires connexes est à peinevoilée. Une partie importante de la presse belge reprocherad'ailleurs au ministre d'avoir été trop vite en besogne, d'avoircommis des déclarations hâtives et au surplus déshonorantespour l'armée belge." Par la suite, Guy Coëme tentera d'ailleursd'éteindre le feu qu'il a lui-même allumé. Mais sans pour autantfaire complètement marche arrière.

Devant la presse internationale,le 14 novembre, il indiqueque "rien dans l'enquête administrative du SGR", dont il vientde prendre connaissance, "n'établit de liens avec les affaires de.banditisme" ... 4 Mais il ne s'agit que d'une enquête administra-tive dans laquelle le SGR est juge et partie.

Ainsi, quinze jours plus tard, devant la commission deDéfense nationale de la Chambre, Guy Coërne "confirme qu'àl'heure actuelle, rien ne permet d'établir un lien quelconqueentre les activités du SDRA-8 et des affaires non élucidées enBelgique." "Mais", ajoute-t-il, "je veillerai personnellement,ainsi que l'état-major général, à contribuer à fonder la véritédans la suite que connaîtra ce dossier.( ... ) Telle sera égalementl'attitude du gouvernement qui, après avoir dissous le SDRA-8,apportera son soutien à toute commission d'enquête que leParlement instituerait. "5

Cette position qui laisse transparaître un certain doute dansl'esprit du ministre est, de fait, partagée par l'ensemble dugouvernement de coalition (démocrate-chrétien/socialiste). Ain-si, interrogé par la presse sur les possibles liens de la structureclandestine belge avec les tueries du Brabant ou certaines affai-res concernant l'extrême droite, le Premier ministre belgedéclare à la fin novembre: "Nous n'avons pas d'indications ence moment sur des liens éventuels avec les actes de terrorismemais j'ajoute immédiatement qu'une enquête parlementair~peut révéler des choses. Je rappelle que les parlementaires peu-vent aller plus loin (ndla: que l'enquête administrative) puis-

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qll'ils disposent de prérogatives judiciaires en matière d'investi-11Ition".6

'est dans ce contexte, laissant largement place aux supputa-I ons les plus diverses - alimentées d'autre part par les différen-l 'révélations italiennes - que Le Drapeau Rouge publie lespremières déclarations sur Gladio de l'ex-agent secret belgeAndré Moyen, alias "Capitaine Freddy".

L'homme des Américains

Dès avant la Seconde Guerre mondiale, Moyen remplit plu-leurs missions pour le service de renseignements militaires bel-

B" dirigé par le colonel René Mampuys: collecte d'informationsn Allemagne où il se fait passer pour étudiant en médecine,nfiltration du mouvement l'existe, enquête sur les ramifications

<lel'Orchestre Rouge en Belgique.Après la débâcle de mai 40, il entre dans la résistance et met

sur pied "un groupe d'intervention spéciale", le "Service 8",dont les "troupes de choc" se chargeaient notamment de l'exé-cution des traîtres à la patrie ou supposés tels. On a parfoisaffirmé que sous le couvert de ses activités de résistant, Moyens'appliquait déjà à faire du renseignement et de l'action anticom-munistes.

On le retrouve ensuite en compagnie du colonel Mampuysau sein du réseau de résistance "Athos" qui collabore étroite-ment avec l'OSS (Office of Strategie Services) américaine. En1944,Moyen est d'ailleurs intégré dans cet organisme de renseig-nement qui devient, en 1947, la CIA (Central Intelligence Agen-cy).

Après la guerre, cette collaboration avec les services secretsaméricains se poursuit. Le principal contact de Moyen est l'of-ficier de renseignement américain en poste en Paris, René Sol-borg. Moyen devient d'ailleurs "le" spécialiste du renseignementet de l'action anticommuniste en Belgique, pour le compte des.ervices secrets militaires belges et, vraisemblablement, des ser-vices de renseignements américains.

Sous divers pseudonymes, il publie des articles anticommunis-tes dans des hebdomadaires d'extrême droite, tels Europe-Amé-rique, Vrai, Septembre.'

Dans le p&rcours de Moyen apparaissent aussi d'autres fré-quentations d'extrême droite qui semblent aujourd'hui bienencombrantes. Tel fut le cas notamment du "docteur" Henri

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Martin. Théoricien de la 'Cagoule', puis mêlé aux coups tordus) de l'OAS (Organisation Armée Secrète), Henri Martin a été,

" en 1956, le cerveau de ce que l'on a appelé la conjuration du"Grand 0" qui visait à instaurer un "ordre nouveau" en Franceà la suite d'un putsch militaire. Ce complot nettement fasciste- auquel a notamment participé le tïls du consul de France àLiège, Pierre Joly - a été récupéré de justesse par le généralde Gaulle, lors de sa prise de pouvoir, le 13 mai 1958.

Avec la collaboration d'Henri Martin et des agents du servicede renseignements privé Milpol - voir également plus bas _Moyen a notamment mis sur pied la rocambolesque évacuationde Belgique de l'ancien ministre de l'Intérieur, Albert De Vlee-schauwer. Le 21 août 1950, dans le plus grand secret, De Vlee-schauwer est conduit dans un village de Bretagne avec le con-cours d'agents de Milpol et d'Henri Martin. Il y séjourne pen-dant plusieurs jours, craignant, semble-t-il, des actes de repré-sailles après l'assassinat du président du Parti Communiste deBelgique, Julien Lahaut. André Moyen est d'ailleurs cité à plu-sieurs reprises dans le cadre de ce dossier non élucidé. Aprèsune enquête de plusieurs mois, les historiens Etienne Verhoeyenet Rudi van Doorslaer" sont persuadés d'avoir pu identifier l'undes meurtriers de Lahaut. Et de fait, il s'agit de l'un des nom-breux collaborateurs de Moyen pour le compte notamment del'organisation internationale anticommuniste "Paix et Liberté".Aujourd'hui, d'ailleurs, Moyen ne se prive plus d'avouer qu'ilconnaissait bien ce personnage: "Il m'a confirmé sur son lit demort qu'il était le meurtrier de Lahaut. "9

Alors que De Vleeschauwer, anticommuniste convaincu etroyaliste "dur", était encore en poste à l'Intérieur, Moyen étaitson "contact" au deuxième bureau. En 1949, De Vleeschauwermet Moyen en rapport avec les ministres de l'Intérieur italienMario Scelba et français, Jules Moch.

Comment expliquer de tels contacts? Une ébauche de réponsese trouve dans le livre d'Etienne Verhoeyen et Rudi van Door-slaer: "Tant en France qu'en Italie, une police spéciale anticom-muniste placée sous l'autorité du ministère de l'Intérieur fut crééeà la fin des années 40. ( ... ) Les ministres belges de l'IntérieurDe Vleeschauwer (1949-1950) et Brasseur (1950-1952) étaient,

'en cette matière, en rapport avec leurs collègues français et ita-liens, notamment par l'intermédiaire d'André Moyen"."

Il n'est pas inintéressant de se pencher un peu plus sur cette~ "p::œ 'pédale anticommuniste" dont Moyen es' le contact en

Ih If ique. Dans L'Orchestre Noir, Frédéric Laurent signale en1 II''l un rapport envoyé par l'ambassade de Rome au Départe-III nt d'Etat américain, le 10 février 1949. Voici son contenu:"Pour combattre le péril communiste, la France a organisé desi cllules de policiers restreintes mais efficaces, en dehors de lapolke normale, mais -dépendant de la Sûreté nationale. Ces cel-1111's sont dotées de fonds et de moyens exceptionnels et le per-onnel, bien que limité, est parfaitement entraîné pour une tâche

dl' telle nature. L'Italie est également en train d'instituer desIII anisations de police anticommunistes de ce type, sous le-ontrôle du ministre de l'Intérieur (ndla: Mario Scelba), en uti-1sunt des dirigeants de l'ex-police fasciste comme éléments deIl Ise au niveau structurel et organisationnel". Il

Par ailleurs, comme le relevaient déjà Etienne Verhoyen etRudi van Doorslaer, "Moyen voyageait sans cesse à traversl' "urope. Il séjourna fréquemment en Allemagne fédérale oùIl était en relation avec le colonel Heinze Hückelheim du Mili-U\rische Abschirmdients; en Espagne, où il avait des contactsivec un officier de l'Alto Estado Mayor; en Italie où il rencon-trait notamment le ministre Scelba', le plénipotentière italienresponsable du plan Marshall et l'inspecteur de la Publica Sicu-rezza, le général Galli; en France, où il voyait régulièrement,outre les chefs de sécurité officiels, Henri Martin (le "colonelLeloup") et Solborg; en Grande-Bretagne où il était en rapportivec des officiers polonais de l'opposition anticommuniste; enSuisse enfin où il était en relation avec le colonel Paul Schautel-berg de l'état-major général" .12 Et les deux historiens de releverque "sur le plan de l'action, une collaboration internationale,dont le centre était sans doute Paris, était organisée. ( ... ) Nousignorons comment s'organisait cette coordination internationalemais son existence nous fut confirmée par André Moyen. C'esturtout l'Allemagne fédérale, la France et l'Espagne qui y jouè-

rent un rôle de premier plan.''"En 1948, Marcel De Roover, directeur de la Brufina, un

holding de la Banque de Bruxelles, participe, avec le colonelMampuys et le directeur de l'Union Minière du Haut-Katanga,Herman Robilliart, aux négociations précédant la création duservice de renseignements privés, Milpol. Moyen en reçoit ladirection. Comme l'indique son nom, Milpol était chargé derechercher des données de nature militaire et politique. Ceservice agissait sous la couverture d'une société "Infor" , installéeà Bruxelles. Les rapports de Milpol étaient transmis à De Roo-

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) ver et... sans que cela apparaisse officiellement, au colonelMampuys, chef du "deuxième Bureau" belge (ancien nom desservices secrets militaires).

"C'était délibérément que Mampuys voulait éviter tout lienofficiel avec Milpol de même qu'avec les autres groupes etorganisations qu'il exploitait comme source de renseignements",expliquent les auteurs de L'assassinat de Julien Lahaut. "11vou-lait en effet prévenir toute identification pour le monde extérieurentre lui-même - et donc la Deuxième Direction - et des orga-nisations et personnes privées. Tous les services de renseigne-ments officiels qui font usage de réseaux parallèles utilisentcette technique. Si un échec ou des complications politiquessurgissent, le service officiel peut nier toute implication et cedémenti peut sembler crédible. "14

Parallèlement à Milpol, Moyen reçoit la mission de créer unréseau similaire au Congo. Ce sera "Crocodile", financé luiaussi par l'Union Minière du Haut-Katanga. A la suite de démê-lés peu glorieux avec la branche "congolaise" de la Sûreté,"Crocodile" restreint rapidement ses activités.

De retour en Belgique, Moyen continue ses activités multiplesde renseignements pour le compte de Milpol, de l'armée belgeet sans doute de la CIA. A ce jour, Moyen, pourtant âgé, n'apas encore raccroché. Après un passage dans la firme de sécuritéprivée Securitas, il continue à remplir des missions de rensei-gnement et d'enquête pour le compte de sociétés privées. Dansce cadre, il a notamment travaillé avec le détective Georges vanDijcke, dont l'associé au sein de l'agence "G" n'est autre quel'ancien leader du Front de la Jeunesse, Francis Dossogne ...

Un témoignage lacunaire

"J'ai été contacté par un agent des services secrets français en1948 ou 1949", nous dit Moyen, le 12 novembre 1990.15 "C'étaiten tout cas peu de temps avant que je ne parte au Congo. Al'époque, je m'occupais de la liaison entre Bruxelles et Paris.L'officier du SDECE (Service de documentation extérieure etde contre-espionnage) m'a proposé de participer au réseau clan-destin qu'il, a dès ce moment, appelé G.ladio. Je pense qu'ona songé à moi parce que j'avais dévoilé à l'époque le planKoniev, soit une étude soviétique des possibilités d'invasion del'Europe. J'ai pris contact avec ma hiérarchie, mais le colonelMampuys - qui dirigeait à ce moment les services de renseigne-

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ments militaires m'a conseillé de ne pas mettre les pieds danslladio, bien qu'à mon avis le gouvernement de l'époque fût au

iourant de son existence.""En tant que spécialiste du renseignement, je suis cependant

resté en contact avec cette organisation. Cette structure n'ajamais cessé d'exister en Belgique, seulement elle est devenuenettement moins active avec le temps. Mon dernier contact dated'il y a une quinzaine de jours, à peine."

Au cours du même entretien, Moyen affirme encore:"D'après mes informateurs au sein de Glaive, il y a eu desdissidences dans cette -organisation. La plus importante adépassé en importance et en activité Gladio, il s'agit du réseau"Catena", ce qui veut dire "chaîne" en Italien. "Catena" amultiplié les actions anticommunistes de tous types en Europe".

"A mon sens", poursuit-il, "Gladio n'a pas mené d'actionviolente, mais a fait un travail similaire à celui effectué sousl'occupation par l'Armée secrète. ( ... ) En fait, tout était prévu,filières d'évasion, renseignement, sabotage. Les renseignementsqui ont été collectés concernaient tous les mouvements subver-sifs. Mais "Catena" a été beaucoup plus actif, par l'intermédiairenotamment de la structure "Paix et Liberté" de Jean-PaulDavid."

Et l'agent secret d'ajouter que "de toute façon, la plupart desmembres de "Catena" l'étaient souvent également de Gladio.L'idée était que Gladio devait rester camouflé et intervenir seu-lement en cas de guerre, "Catena" pouvant déjà entreprendredes actions en temps de paix. L'ancien colonel Marcel De Roo-ver, par exemple, a fait partie des deux organisations. De Roovera aussi travaillé pour le comte de Launoit à la Brufina et il avaitd'ailleurs déjà créé un service similaire à Gladio, avant la guerre,soit la SEPES (ndlr. Société d'Etudes Politiques, Economiqueset Sociales). ( ... ) Je suis persuadé que l'ancien ministre AlbertDe Vleeshauwer à joué un rôle essentiel dans la mise sur pieddu réseau en Belgique. Mais, en fait, très Peu d'hommes politi-ques ont été concernés par cette affaire. ( ... ) Je trouve curieux",termine l'ancien barbouze, "que l'on oublie, dans les médias,d'évoquer le rôle de l'Espagne dans ces services de renseigne-ments parallèles. Pourtant, les services espagnols qui dépen-daient directement de Franco ont joué un rôle phare dans lerecrutement et l'information pour ces services parallèles. On neparie pas non plus des Suisses, dont pourtant, plusieurs officiersont joué un rôle très actif".

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) Voilà pour l'essentiel du témoignage que nous publions dansLe Drapeau Rouge du 13 novembre. Le lendemain, Moyenconfirme en gros ses déclarations dans plusieurs journaux, dontprincipalement le quotidien bruxellois, Le Soir. Il est clair quele récit de Moyen est incomplet, qu'il comporte des lacunes,des interprétations et sans aucun doute de la désinformation.Ainsi, il nous affirme le 12 novembre que les nommés PierrePotargent et Willy de Styczynski étaient parmi les personnesactives au sein du Gladio belge. Si ces deux hommes ont sansdoute le profil de "gladiateurs", nous constatons par ailleursqu'ils n'étaient pas à proprement parler des amis de Moyen ...

Proche de milieux catholiques influents dans la région deLouvain, Potargent a bel et bien dirigé, à partir de 1946, unréseau de renseignements privés exclusivement porté sur lescommunistes. Mais à la différence de Moyen, Potargent étaitun proche des services de renseignements civils, soit la Sûretéde l'Etat. Il travaillait en étroite relation avec Paul Woot deTrixhe, haut gradé de la Surêté que Moyen dénonçait à la mêmeépoque, avec virulence dans des hebdomadaires d'extrême droi-te. Traduisant une méfiance certaine des militaires vis-à-vis dela Sûreté (civile), Moyen écrit par exemple dès 1945, dans Sep-tembre que ce service doit être épuré parce qu'il est "trop àgauche" et d'affirmer par ailleurs que la Sûreté n'aurait plus deraison d'être, une fois l'état de guerre terminé, laissant la luttecontre la subversion intérieure à la Police judiciaire. Sans doutedoit-on rejoindre ici l'analyse d'Etienne Verhoeyen et Rudi vanDoorslaer: "La Surête ne porta aucun intérêt aux communistesdans l'après-guerre? Ce n'est évidemment pas le cas. Mais peut-être combattait-elle alors, plus que la "Deuxième Direction"rattachée au ministère de la Défense nationale, toute formed'extrémisme tant de gauche que de droite alors que la Deu-xième Direction considérait les groupes de "droite" telle BACB(ndla. Bloc anticommuniste belge) d'Anvers comme des instru-ments utiles dans la lutte contre le communisme" .16

En ce qui concerne Willy de Styczynski, il s'agit d'un nomdont se souvient bien évidemment Moyen puisque, dans lesannées 60, l'organe de renseignements privés qu'il a dirigé -"Milpol" -,. a enquêté sur les mœurs, la vie, les opinions politi-ques réelles des copains de Styckzynski au sein du Cercle natio-nal. ..

Mais il y a des choses plus importantes à relever dans les"lacunes" du témoignage de Moyen. Ainsi, en 1985, trois ans

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uvant les révélations sur l'implication probable du Gladioitalienduns des actes de terrorisme, l'ex-agent de la CIA était bienplu prolixe à propos des "stay behind:' belges. A Etienne. Ver-hocyen et à Rudi van Doorslaer" qUi l'ont longuement inter-vlcwé à l'époque il déclarait que "le colonel Mampuys, chef deIii "Deuxième Direction" (ndla: ancienne dénomination des ser-vices secrets militaires belges) s'est occupé dès 1946 de la forma-lion des réseaux de renseignements "stay behind". Mampuysuurait craint que les Soviétiques ne profitent de la démobilisa-lion américaine pour attaquer l'Occident. Chaque réseau (il y'(1 avait quatorze au total) disposait d'un émetteur camouflédans la valisette d'une machine à écrire."

Et Moyen d'ajouter, toujours en 1985 qu' "à la demande deses supérieurs et notamment du général Keyaerts, il créa é?ale-ment, en 1949, au sein de Milpol (ndla: service de renseigne-ment privé financé par le holding de la Banque de Bruxelles,Brufina), une dizaine de groupes "stay behind" répartis surl'ensemble du pays. Toutes les formes de résistance étaientplanifiées y compris des "groupes de choc" analogues à ceuxque Moyen avait dirigés sous l'occupation (ndla: ils étaient com-posés à l'origine des anciens du Service "8"). Ces groupes pou-vaient par ailleurs assurer eux-mêmes leur ravitaillement. EnFlandre, ce travail fut réalisé à la demande de Moyen, par leresponsable du Bloc anticommuniste belge d:Anve:s (n~ll.a: ~~;van Os) qui avait également des émetteurs a sa disposition .

Ce témoignage de 1985 est essentiel. Il induit que les déclara-tions produites par les ministres de la Défense et de la Justicebelges, en novembre 1990, - sur base des enquê.tes admin.istrati-ves qu'ils ont demandées à leurs services respectifs - sont mcorn-plètes. Et en ce qui concerne deux points au moins avancés parAndré Moyen: 1. -l'éventuelle organisation par des responsablesmilitaires de réseaux clandestins de type "Glaive" par l'entremised'intérêts privés (et, nous le verrons plus loin.Tiés à l'étranger)2. - l'utilisation à cette fin d'activistes d'extrême droite.

Au moment où nous écrivons ces lignes - janvier 1991 -, iln' a été question dans les rapports du gouvernement que d'unseul "stay behind" belge. Qui plus est créé le plus officiellementdu monde par des accords internationaux et composé de "ci-toyens irréprochables, indépendant de toute otganisati~n":l~Mais les déclarations de Moyen laissent supposer une reahtebeaucoup plus complexe ... et nettement moins rassurante. D'au-tant que d'autres exemples leur donnent du poids.

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Page 6: Extrait de "Gladio" (J. Willems 1991) avec l'annexe intitulée "Les  amis du chevalier  De  Roover"

J Copie conforme du WNP

Dans l'immédiate après-guerre est créée la Ligue Eltrois qui sefixe comme objectif principal de "contenir le danger communis-te". Cette organisation clandestine qui aura des antennes danstout le pays, mais principalement dans la région d'Anvers, étaithyperhiérarchisée. Les traîtres y étaient redevables du châti-ment suprême. "Les membres de la Ligue Eltrois étaient divisésen trois groupes: les agents du service de recherches, les estafet-tes et les troupes de choc. "20 Selon l'organisation clandestine,ces "troupes de choc" "devaient être armées afin de pouvoirintervenir si cela s'avérait nécessaire et de sanctionner immédia-tement toute trahison dans les rangs d'Eltrois". 21

Par ailleurs, en dehors du maniement des armes, les membresd'Eltrois recevaient une véritable instruction de type militairecomprenant les techniques de filature, de déplacement rapidedans l'obscurité et de privation de sommeil. Ces activités étaient,on s'en doute, doublées d'un service privé de renseignements.Le service "0" était dirigé par un certain Raoul Flesh. A sonpropos, Etienne Verhoeyen et Rudi van Doorslaer nous révèlentqu' "une de ses lettres, datée de 1951, nous apprend qu'à lalibération, il fut désigné pour le service de recherche et d'épu-ration en collaboration avec la gendarmerie, la police et laSûreté de l'Etat". 22 Les renseignements collectés par Eltroisétaient d'ailleurs transmis aussi bien au deuxième bureau qu'àla Sûreté.

C'est à cette organisation fantôme couverte aussi bien à laJustice qu'à la Défense nationale que les services secrets améri-cains confient la tâche d'organiser en avril 1948, un Gladio belgede plus. Une rencontre est organisée à l'ambassade américaineentre Bob Van Steenlandt, René Vandevelde et le commandantParker. Après cette rencontre, une circulaire H.K./R623 estenvoyée aux dirigeants locaux de la Ligue. Ce document deman-dait de faire le point sur la nature des armes et des moyens detransport en possession d'Eltrois. Il intimait aussi l'ordre derechercher des "refuges en cas d'une éventuelle occupationétrangère"." De plus, en octobre 1948, Van Steenlandt, le lea-der d'Eltrois, rédige un projet de lettre destiné à Jacques Piren-ne, le secrétaire de Léopold III: "Nous pouvons résister à uneattaque ou à une occupation russe ( ... ). Le mouvement estparfaitement équipé en armes et des postes émetteurs sont pré-

) vu::." A pan" de 1949, la collaboration d'EI"o,' avec d'autres

pays est souvent évoquée au sein de l'organisation. Cela corres-pondait, il est vrai, aux vœux du commandant Parker. Il avaitn tamment déclaré aux dirigeants de la Ligue qu'il s'agissait deformer "une chaîne contre le communisme". 26

'infiltrant infiltré

Résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, Emile Delcourtn'en était pas moins un anticommuniste virulent. En 1949, ilfonde le Front national belge de l'indépendance (PNBI) dontle but est d'affaiblir l'organisation d'anciens résistants, le Frontde l'Indépendance, jugée "crypto-communiste". Il participe parailleurs aux activités de l'organisation "Paix et Liberté" où ilfréquente notamment André Moyen.

Parallèlement, Delcourt crée un réseau de renseignement etd'action privé dont l'objectif est "l'élimination des agents commu-nistes de Belgique et la protection de l'industrie belge contre despossibles sabotages ou des grèves d'inspiration communiste"."Comme dans le cas de Moyen, les activités de Delcourt sont finan-cées par l'Union Minière du Haut-Katanga (Société Générale) etla Brufina (Banque de Bruxelles), par l'intermédiaire de l'inévita-ble Marcel De Roover. C'est d'ailleurs sur les conseils de cedernier qu'en 1952, Delcourt fonde le holding ACED au Luxem-bourg. Objet de cette opération, la "récupération des fonds enprovenance de l'étranger", en l'occurrence des Etats-Unis, paysdont Delcourt connaissait des officiels bien placés à Bruxelles.

Pourtant, à partir de 1954, les affaires de Delcourt tournentmal. Impliqué dans une rocambolesque escroquerie - bienembêtante d'ailleurs pour les milieux catholiques de la régionde Malines et, principalement, pour le Fonds Cardinal Mercier- il est arrêté, inculpé d'escroquerie, de faux et d'abus de con-fiance et condamné. C'est dans le cadre de ce dossier que lapolice judiciaire de Bruxelles met la main sur un document dontl'importance apparaît seulement aujourd'hui.

Il s'agit ni plus, ni moins, de la description d'un réseau derésistance clandestin. Delcourt explique à l'époque aux autoritésjudiciaires que ce réseau avait été pensé au début de la guerrede Corée, mais qu'il n'a jamais été mis en application. Onenest resté là. Comment Delcourt est-il entré en possession de ceplan, dont nous ne disposons que d'un extrait? Cela a-t-il unrapport avec les autres réseaux privés décrits plus haut? Cesquestions restent ouvertes.

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Page 7: Extrait de "Gladio" (J. Willems 1991) avec l'annexe intitulée "Les  amis du chevalier  De  Roover"

J En tout cas, voici l'extrait du document Delcourt: "( ... ) Ildoit exister entre chaque groupe de sabotage, une harmonie etun synchronisme complets. Un contact étroit doit être tenuentre les services de sabotage et de renseignements.

b) Renseignements - Chaque section régionale possède unservice de renseignements, mis au point. Personnel observateur(mouvements de troupes, construction D.C.A., etc.). Personnelemployé dans certains services de l'armée occupante (techni-ciens, chemins de fer, etc.). Un appareil pour photocopie estp~vu.·

c) poste émetteur - Le National et chaque responsable deprovince auront leur poste émetteur. Une liberté d'action (enaccord avec le National) est conseillée au responsable provincial,concernant certaines émissions (pour gagner du temps en certai-nes circonstances).

Le code à employer sera mis en action lors de l'entrée des troupesennemies sur le territoire.

d) Parachutages .- Chaque responsable régional envoie lepoint militaire d'atterrissage ou de parachutage (surtout ne paschoisir ceux qui ont été employés lors de la dernière guerre).

La technique du parachutage est très (illisible, ndlr).Transmettre:a) coordonnées militaires avec points marquants extérieursb) le mille de la cartec) les lampes le long du terrain surtout pour atterrissaged) contact radio avec appareile) longueur maxima du terrain (xy)f) hommes de sécuritég) rien ne doit rester sur le terrain (papier, etc.)

Section primitiveChaque région a sa section primitive (quatre à cinq membres,triés sur le volet). Chaque attentat ne peut se faire. qu'aprèsune enquête approfondie et approuvée par la commission régio-nale.

Responsable organisationLe responsable organisation (tant à J'échelon national qu'àl'échelon provincial) est l'adjoint du responsable militaire. Il

'\ S'7pem surtout de la propagande et de ce fait, devra super-

V r le service de presse clandestine et" le service d'aide auxIl l'ractaires, faux papiers, cachets ...

l', l'lise clandestine1) s à présent, les dispositions concernant les emplacements

'rets sont prises. Le matériel, le papier, (tracts, journaux,l' irtes militaires) sont déjà prévus. Des journalistes et intellec-lu .ls, reconnus pour leur conduite patriotique nationale, s?ntJlI'c.;: sentis. Un système de diffusion est prévu. Un centre d'lm-PI' sion pour chaque régionale. ( ... )"

La version complète de ce document se trouve actuellementdans un dossier du parquet qu'il importera peut-être de dépous-i rer. Mais ceci ne clôt pas l'évocation des aventures d'Emile1 clcourt. En juin 1958, sentant qu'il va être une nouvelle foisrondamné en appel, le militant anticommuniste se lance dans1 s déclarations fracassantes. Il accuse ni plus ni moins AndréMoyen, Gaston Jacquemin et Jean Moyaerts, trois membres dePaix et Liberté, d'avoir commandité le meurtre, en août 1950,de Julien Lahaut - toujours non élucidé - à Seraing. Ces décla-rations feront long feu, manque de preuves.

Il importe de noter ici que Delcourt a longtemps hésitéavant de lancer ces accusations. On peut imaginer que cethomme qui avait étroitement collaboré avec les servicessecrets militaires belges, la Sûreté de l'Etat, les milieux de lahaute finance et du clergé, pensait échapper à une trop lourdeondamnation. Mais personne n'est venu témoigner en faveur

du barbouze ...En fait, il apparaît que dès 1951, Delcourt commence à pro-

voquer une certaine suspicion chez ses commanditaires. A cetteépoque, Moyen continue à travailler avec lui, notamment pourle compte de Paix et Liberté, mais parallèlement il envoie desrapports sur son compagnon de lutte, dénonçant certaines deses fréquentations. Bien informé, Moyen avait surtout en pointde mire un certain général Bessedovski, dont il est établiaujourd'hui qu'il avait infiltré le réseau de renseignements Del-court pour le compte des services secrets soviétiques.

Cet ancien chargé d'affaires auprès des missions diplomati-ques soviétiques à Paris et à Tokyo rejoint le camp occidentalavant la Seconde Guerre. En 1950, on le retrouve à la tête duservice de renseignement anticommuniste de Delcourt. MaisBessedovski mène en fait une double vie. Vraisemblablementà l'insu de Delcourt, il participe à une large campagne interna-

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J tionale de promotion du "stalinisme", sous divers pseudonymes,Vlassov; Kalinov, Svanidzé ...

Parmi différents ouvrages écrit par le général Bessedovski:J'ai choisi la potence (Editions Univers, Paris, 1947), dans lequelle général Vlassov, exécuté en 1946, raconte sa trahison del'URSS au profit des nazis.

- Les Maréchaux soviétiques vous parlent (Editions Stock,Paris, 1950) dans lequel Cirille Kalinov brosse un portrait rassu-rant de l'armée rouge, dont l'état-major est uniquement animéd'intention pacifiste. .

- Mon oncle Staline (Editions Denoël, Paris, 1952) et Enparlant avec Staline (Editions Colbert, Paris, 1953) dans lesquelsBudu Svanidzé, neveu inventé de toutes pièces du "petit pèredes peuples" dépeint le dictateur comme un brave homme sen-timental, épris de balalaïka et de parties de boules avec Molo-tov.

Selon le journaliste français Thierry Wolton, auteur d'uneétude sur le "KGB en France?", "il s'agissait bien d'authenti-ques entreprises de désinformation ( ... ). Une trentaine d'ouvra-ges de ce genre ont paru,' sans compter les innombrables articlesde journaux écrits par leurs auteurs ( ... ). Les faussaires obser-vent une règle invariable: ne jamais attaquer l'Union soviétiqueet présenter obligatoirement les maîtres du Kremlin sous unjour sympathique et favorable".

On sait par ailleurs de Bessedovski qu'il a été le fondateurde la société "Page Internationale". D'après Thierry Wolton,"Page Internationale était chargé de vendre très cher desMémoires et autres révélations d'intimes du Kremlin. PageInternationale a aussi fourni des analyses exclusives, favorablesà la politique soviétique. Le Figaro, La Tribune de Genève,Carrefour ont figuré parmi ses meilleurs clients" .29

En France, Bessedovski disposait d'un collaborateur privilégiéen la personne d'Yves Delbars (pseudonymes: Nick Dell, NickDelarny, Jean Perrenis, Nicolas Kossiakov). Cet ancien journa-liste du Matin a publié Le vrai Staline (Editions Je sers, Paris,1950), mais ses différentes signatures sont également apparuesdans de nombreux organes de presse: France-Soir, Paris-Presse,Combat, Le Journal de Genève.

Dans Combat du 29 avril 1953, il écrit: "La continuité del'action diplomatique russe est d'une clarté rare. Seuls les partispris des observateurs étrangers les empêchent de lavoir".

Dans France-illustration, en septembre 1953, il vante "les

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1 marquables performances de l'agriculture soviétique". ( ... )"Si rien ne vient entraver la réalisation du plan laissé en héritagepur Staline, l'URSS disposera de l'arme la plus efficace corres-pondant aux exigences de la majorité des humains, de ces 59,5%d sous-alimentés, dont le nombre est appelé à augmenter."

Des écrits qui n'ont certes rien de criminel, mais qui sont àl' nt lieues du combat d'Emile Delcourt qui dénonçait de concertivec Moyen, la "main de Moscou" sur le PCB et le Front del'Indépendance ...

On comprend mieux maintenant pourquoi Delcourt, l'un desrouages essentiels de la lutte anticommuniste en Belgique dansl'immédiat après-guerre, n'a pas bénéficié des protections offi-'ielles qu'il attendait lorsqu'il a connu des ennuis j~diciaires.A-t-il été soupçonné lui aussi de mener un double Jeu? Unesnquête sur les liens de ce personnage ave~ la Sûreté de l'E~at,t les services secrets militaires belges devrait permettre de fairela part des choses. Toujours est-il que la marque d'intérêt desoviétiques pour son réseau d'action anticommuniste est sans

doute significative de l'importance qu'il a eue. Indirectement,on peut également supposer, au vu du document trouvé chezDelcourt que les services secrets de Staline étaient au courantdès les années 50 de la création des différents "stay behind"belges et qu'ils sont parvenus à infiltrer l'un de leurs agents, ausein même des milieux chargés de les mettre en place. Nousaurions bien aimé demander l'avis du général Bessedovski, maisl'agent du NKVD a disparu de la circulation au moment despremiers ennuis de Delcourt. ..

"Catena"

La constatation de l'existence de réseaux de type Gladio endehors du cadre strict des services secrets militaires et civils -mais avec leur complaisance - accrédite les déclarations quenous faisait André Moyen à la mi-novembre 1990: "Il y a eudes dissidences dans cette organisation (ndla: "Glaive"). Laplus importante a dépassé en importance et en activité Gladio.Il s'agit du réseau "Catena", ce qui veut dire "chaîne" en italien.Catena a multiplié les actions anticommunistes de tous types enEurope ( ... ). L'idée était que Gladio devait resté camouflé /~~intervenir seulement en cas de guerre, Catena pouvant déjà

d ." 30entreprendre des actions en temps e paIX .André Moyen n'a pas attendu les révélations récentes autour

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1 de l'affaire Gladio pôur faire des déclarations sur cette préten-due "chaîne" anticommuniste. Déjà en 1985, lorsque EtienneVerhoeyen et Rudi van Doorslaer menaient l'enquête sur l'as-sassinat de Julien Lahaut, l'ancien agent des Américains avaitévoqué une coordination internationale de l'action anticommu-niste. Déjà, il l'avait baptisée "Catena".

Les sources concernant cette prétendue "Catena" ne man-quent pas. Le nom "Carena' apparaît pour la première foisdans le journal français Paris-Presse le 23 avril 1960: "La 'Cate-na' a pour objet d'empêcher le débordement de l'Occident chré-tien par la barbarie". Roger Faligot et Pascal Krop ont expliquéles circonstances de la publication de cette information: "Enavril 1960, des journalistes triés sur le volet sont invités à uneconférence de presse à Versailles. Elle est secrète. Un colonelmanchot les accueille. ( ... ) Prisonnier à Diên Biên Phu, blesséen Algérie en 1956, affecté au cinquième bureau (la guerrepsychologique, assure-t-il), le colonel manchot a quitté l'arméepar désaccord, mais aussi pour se consacrer à "la Catena". 31

Quelques semaines plus tard, Kurt-Emile Schweizer publiesous le pseudonyme de Pierre Genève, un ouvrage apocryphe"décrivant l'histoire de créateurs de l'organisation terroriste "LaMain Rouge" qui lutte contre l'indépendance des pays d'Afriquedu Nord: "Après la 'Main Rouge' qui frappait. avec une préci-sion étonnante, suivant pas à pas la rébellion dans ses retranche-ments les plus secrets, une organisation plus complète se formaà Alger même, la Catena (Comité anti-terroriste nord-africain).Cette société, fondée selon la technique même des organisationssubversives de caractère révolutionnaire, se réserva une zoneopérationnelle extra-métropolitaine, dans tous les pays où lagangrène antifrançaise s'était ramifiée. Elle noyauta tous lessecteurs politiques et économiques européens et devint, peu àpeu, une force redoutable. (. .. ) Nous nous réunîmes au débutdu mois de septembre 1957 chez le colonel M ... , (ndla: MarcelMercier) à Versailles. Une vingtaine de membres de la "MainRouge" et de son organisation politique la "Carena", furentprésents à ce colloque où nous décidâmes à l'unanimité demultiplier nos actions en Allemagne, en Belgique, en Suisse oùles émissaires du FLN travaillaient en toute quiétude, à mobili-ser l'opinion publique contre la France. ( ... ) M. de N. fut chargéd'organiser les réseaux belges en liaison avec un journalistebelge, Pierre Joly. Bernard de Co, un ami intime de Durieux,fut proposé comme coordonateur et agent de liaison. J.M.,

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lun tionnaire de l'ONU à Genève, établir des contacts avec lesIII lieux d'extrême droite suisses favorables à notre action. Petitfi p tit notre organisation se répandit dans toute l'Europe ( ... ).1 (' colonel Mercier du SR français ( ... ) demeura en constanteII/lison avec nous et il nous arriva fréquemment d'échanger des1 ( nseignements" .:n

L pèce d'André Moyen français, ce colonel Mercier est résis-tnnt pendant la' guerre, puis, en 1946, il est récupéré par led 'uxième bureau de l'armée française. Vu la liaison entre Paris1 t Bruxelles assurée à l'époque par André Moyen, il est fortpl' bable que les deux hommes se connaissaient. D'autant que;

l'instar de Moyen, le colonel Mercier devint le spécialiste desuffaires communistes. Pierre Genève explique qu'''il accumula

stématiquement des preuves irréfutables contre la trahison1 rmanente du Parti Communiste et l'espionnage au profit desSoviets auquel se livrent certains de ses membres". 34 Moyen1 alisait le même travail en Belgique. Par ailleurs, Mercier tra-vaillait en étroite relation avec Gehlen, du Bundes Narichten1 ienst (BND), un ancien ponte des services secrets nazis, recon-verti dans la lutte anticommuniste.

Dans son livre sur "La Main Rouge", Pierre Genève écrit.ncore que "l'organisation secrète de 'la Catena' dont le buttait le maintien inconditionnel de l'empire français et dont les.hefs étaient avant tout des militaires, avait soutenu' de tout sonpouvoir occulte le retour du général de Gaulle. Elle fut l'âmede cette révolution. Mais peu à peu, les postes clés de l'adminis-tration française furent repris en main par les politiciens ortho-doxes de la IVème République et la réorganisation des servicesp ychologiques: de l'armée ne laissa plus de place à une associa-lion étroite entre la "Carena" et l'armée ( ... ). Les zélateurs deI-l révolution marxiste reprirent courage et noyautèrent à nou-veau l'armée." Et d'ajouter: "Cette organisation (ndla: Catena)est d'ailleurs sur le point de rentrer définitivement dans la clan-destinité car, si jusqu'ici elle fut tolérée par les autorités gouver-nementales, les progressistes qui ont repris pied aux postes clésharcèlent le gouvernement pour mettre fin à ses activités ( ... ).Plus puissants que jamais, même si nous devons lutter sur deuxfronts: contre le FLN et contre les sbires de la gauche ( ... ) nousvaincrons car nous avons le bon droit avec nous". 35

Entre 1952 et 1960, une multitude de meurtres et d'attentatsen Afrique du Nord comme en Europe, ont été signés par cette"Main Rouge" dont, selon Pierre Genève, "la Catena est la

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J branche politique". Les victimes sont toujours des partisans del'indépendance nord-africaine. Ainsi à Bruxelles, le 25 mars1960, deux attentats sont commis au nom de cette organisationfantôme. Le professeur Georges Laperches, dont les deux filsmilitent à l'époque en faveur du FLN algérien, est tué par uncolis piégé. Pierre Le Grève, professeur de morale à l'athénéed'Ixelles et militant de la cause algérienne, a la présence d'espritde se méfier d'un livre piégé et échappe à la mort.

Le Grève est présenté par Pierre Genève comme "militantcommuniste, agent de renseignement de l'ambassade del'U.R.S.S., camouflé en professeur. ( .. .) C'était par son inter-médiaire que des convois d'armes passaient d'Allemagne enFrance par la Belgique". ( ... ) Quant au professeur Laperches,c'était, pour Pierre Genève, "un autre individu sinistre, de ceuxà qui la France et l'Algérie doivent indirectement des dizainesde morts. C .. ) Tant qu'il y est Genève s'attaque aussi au militantAkli Aissiou, un étudiant de l'ULB présenté comme le "collec-teur de fonds du FLN en Belgique", et écrit: "Il fut décidé àParis que ce dangereux trio serait liquidé. Il fallait éliminer cesindividus sinistres et imprudents pour .la salubrité même d'unenation européenne ( ... ). P. chargé de l'affaire se rendit à Bru-xelles dès le premier mars 1960. ( ... ) Le 9 mars, P. passa àl'action. ( ... ) Il liquida froidement Aissiou dans sa chambred'Ixelles avec son automatique muni d'un silencieux. Il ramassales documents, le courrier et les sommes collectées par Aissiou,son carnet d'adresses et, sans laisser de traces compromettantes,se rendit place de Brouckère où l'attendait un membre belgede la Main Rouge. P. et J. se rendirent à l'Hôtel Métropole oùdans une chambre réservée depuis plusieurs jours, il firent l'in-ventaire de la saisie. ( ... ) Le carnet d'adresses étant chiffré, ildécidèrent de le remettre à la D.S.T. à leur retour à Paris. ( ... )Il fut convenu que la moitié des sommes saisies chez Aissiouserait versée anonymement aux Oeuvres sociales de l'armée, etl'autre à la trésorerie de "la Catena".

P. revint dès le lendemain à Paris. Sans qu'il soit inquiété lemoins du monde par la police belge. Le 20 mars, il revint enBelgique et acheta dans une librairie du centre de Liège deuxexemplaires de la Pacification de Hafid Karamane, un livreinsultant pour l'armée française. ( ... ) P. se rendit chez M., l'undes sympathisants de notre mouvement et, dans une cave spécia-lement aménagée pour ce genre de travail, il mit au point àl'intérieur de ces livres, une machine infernale capable de faire

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tulrc à jamais les deux salauds que nous visions. ( ... ) Envoyéspllf la poste belge, les deux petits colis furent distribués le 25IIIl1rs1960 ( ... )".36 On connaît la suite.

ommentaire de Genève: "Qu'importe la vie d'un LaperchesV l'olé dans la balance de la lutte? Sa trahison de l'Europe auprofit des barbares, est l'un des seuls crimes que l'avenir neIl 'l'donnera pas".

L'enquête sur l'affaire Laperches mettra finalement en cause1 (ils du consul de France à Liège, Pierre Joly, et Jean-LouislIovagnet, alias Jean du Forez, alias Jean Lenoir. Or, selon uneource suisse digne de foi, ce Lenoir qui a appartenu aU bureau

d l'action psychologique de l'armée française avait notamment\' mme bon contact en Belgique, André Moyen .. Y

On apprendra plus tard que "la Catena" dont il est questionduns les écrits de Pierre Genève, n'était qu'un pavillon de com-plaisance pour une cellule spéciale de tueurs du SDECE, le"brain trust" ... 38

Il faut attendre plusieurs années pour entendre à nouveauparler d'une prétendue "Catena". Le 27 octobre 1976, le truandlrançais Albert Spaggiari, ancien de l'Indochine et de l'O.A.S.tlt arrêté dans le sud de la France" On lui reproche sa partici-

pation au "casse du siècle" commis le week-end du 17 au 19Juillet à la Société Générale de Nice.

Lors de la perquisition dans la maison du "Bert" à Bezaudun,1 enquêteurs mettent la main sur des "lires italiennes" et desarmes. Cette dernière découverte embête fortement Spaggiari.Après trente-sept heures d'interrogatoire, il conclut un marchéivec le commissaire Mourey de la PJ niçoise et. un commissaire'pécialement détaché de Paris, Honoré Gevaudan, un hommequi s'était occupé auparavant de la lutte contre l'OAS. Spaggiariveut bien tout dire sur le "casse du siècle" mais à condition quel'on ferme les yeux sur les armes. Marché conclu: le truandsxplique qu'il est bien l'organisateur du "casse" auquel ont par-ticipé une vingtaine d'autres personnes: "Une moitié de truands,une moitié depolitiques. ( ... ) J'ai donné ma part de butin à laatena"." Il ajoute, selon L'Espresso du 5 décembre 1976: "Laatena aide les camarades en difficulté surtout en Italie, en

Yougoslavie et au Portugal. Elle a des sièges dans toute l'Euro-pe, mais son noyau dirigeant se trouve à Turin et s'appelle la

IDAS".Ce Centre italien de documentation et d'action sociale a été

réé le 14 janvier 1973. Proche du mouvement d'extrême droite

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MSI, il était dirigé à l'époque par le président d'IBM-Italie,Alessandro Uboldi de Cappei. Les principales activités connuesdu CID AS sont des conférences internationales, des séminairesde réflexion, rassemblant divers groupes de pression, liés à ladroite radicale mondiale. Ont participé aux activités du CID AS :l'Association française de défense de la culture, le Greee(Groupe de recherches et d'etudes sur la civilisation européen-ne), soit le vernis pseudo-intello d'Occident et d'Ordre nouveauen France (ndla: et dont Spaggiari était proche), le StanfordResearch Institute de Washington, l'Institut d'etude stratégiquede Paris, l'Institut d'etude stratégique de Madrid, l'Institutd'etude stratégique et de défense de Rome ...

Les activités de la CIDAS portaient notamment sur la "sécu-rité en Europe". On a vu à ses séminaires, Gionno Accameancien correspondant italien d'Aginter Presse, ancien participantde la conférence du "Pareo dei Principi", artisan de la stratégiede la tension en Italie; Diulio Fanali, un général putschistesuspecté en 1974 dans le cadre du complot Borghèse; ManioBrosio, ancien secrétaire général de l'OTAN, un proche d'Ed-gardo Sogno, l'animateur italien de "Paix et Liberté", impliquédans le complot de la "Rose des Vents" (voir plus bas).

En 1976 et 1977, de nombreux journalistes se sont intéressésà cette fameuse "Catena" dont parlait Spaggiari et la pluparten sont arrivés à la même conclusion que Michel Grernillondans l'Express du 21 mars 1977: "La Catena est inconnue. Maisl'organisation existe. C'est l'Internationale noire". 40

Paix et Liberté

Selon André Moyen, l'organisation "Paix et Liberté" est unebranche de "la Catena". Affirmation difficilement contrôlablemais une chose est certaine en tous cas, "Paix et Liberté" étaitune organisation on ne peut plus internationale. Elle a eu des"filiales" dans la plupart des pays du monde sous influence

". 41amencame ...Dans l'Orchestre Noir, Frédéric Laurent présente "Paix et

Liberté" comme une "structure anticommuniste parapolicièrerecrutant son personnel dans l'extrême droite et la collabora-tion. C... ) Monté de toutes pièces par la CIA (ndla: en 1950),le mouvement est créé, avec l'aide du ministère de l'Intérieur,et le soutien financier de l'OTAN, par un député radical-socia- 1

liste, Jean-Paul David, qui s'est illustré au mois d'avril 1950 en

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Il posant un projet de loi visant à mettre hors-la-loi le parti-ommuniste" .42

En France, Jean Dides et Charles Delarue sont parmi lesmembres les plus actifs de "Paix et Liberté". Comme AndréMoyen, Dides et Delarue 'ont été intégrés dans 1'0SS peu det »nps avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. CommeAndré Moyen, ils se sont spécialisés dans la lutte anticommu-niste et ont monté des réseaux de renseignements et d'actionsparallèles anticommunistes. Travaillant en étroite relation avecl'anciens collabos, Dides et Delarue sont démissionnés de la

police française en 1954, à la suite de "l'affaire des fuites".En Italie, parmi les membres de "Paix et Liberté" apparais-

sent des noms connus de "la stratégie de la tension". Tel parixemple, Gian Franco Bertoli, auteur d'un attentat à la grenade'n 1973 (quatre morts et une vingtaine de blessés) à Milan.ertoli agissait alors pour le compte de l'organisation "Rose

des Vents"."Autre activiste présent dans la branche italienne de "Paix et

iberté", Luigi Cavallo. A l'instar d'André Moyen, Cavallopasse quelques mois en Allemagne, en 1938, en tant qu' "étu-diant". Mais lui, on l'accusera plus tard d'avoir entretenud'étroites relations avec les autorités nazies. Pendant la guerre,on le retrouve pourtant dans un réseau de résistance proche duParti Communiste Italien. En 1945, Cavallo est recruté parl'OSS américaine (cff. Didez, Delarue, Moyen). Le pot-au x-roses est dévoilé par la gauche italienne en 1949. Cavallo seréfugie aux Etats-Unis jusqu'en 1954. Lorsqu'il revient en Italie,'est pour participer à l'organisation "Paix et Liberté". Ses con-

tacts avec Jean-Paul David en France sont fréquents. En 1974,.avallo est inculpé dans un des plus grands complots de l'orches-

tre noir en Italie: l'affaire Borghèse.Le cas d'Egardo Sogno, un autre membre de Paix et Liberté

en Italie n'est pas moins intéressant. Médaille d'or de la résistan-ce, Sogno dirige un réseau dans le nord de l'Italie lors durenversement d'alliance de 1943, sous contrôle britannique. Cemonarchiste accepte mal la proclamation de la république ita-lienne en 1946. A partir de 1948, il entame une carrière dansla diplomatie. En 1951, il devient membre du Planning Coordi-nation Group de l'OTAN et l'année suivante, "il suit les coursdu Defense College de l'OTAN, organisme fondé par le généralEisenhower et chargé de former des cadres pour la guerre psy-chologique contre le. communisme. En 1953, à la demande du

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J ministre Scelba (ndla. dont André Moyen est le contact en .Belgique) Sogno rentre en Italie". 44

Sa mission: créer la branche italienne de Paix et Liberté.Après 1955, les actions de "Paix et Liberté" sont en perte devitesse et Sogno repart pour quinze ans aux Etats-Unis. Lors-qu'il en revient en 1970, c'est, dit-il, en raison d'un "devoirmoral". Dans Panorama du 8 août 1974, il déclare: "La pre-mière république est en train de tomber. Nous devons nouspréparer à nous rassembler autour de la seconde". 45

La justice italienne établira qu'en fait le retour au pays deSogne s'inscrivait dans la perspective d'un putsch préparénotamment au sein des milieux militaires et de la résistance noncommuniste.

L'analyse de Frédéric Laurent - produite bien avant lesrévélations sur Gladio - est à ce stade particulièrementéclairante: "Sogno situe délibérement son action dans laperspective d'un gaullisme à l'italienne, alliant une partiedes néo-fascistes à l'ensemble de la droite, y compriscertains socialistes. Les anciens résistants non communis-tes, comme lui, doivent constituer l'armature du mouve-ment, lui donnant ainsi une double coloration anticom-muniste et antifasciste. ( ... )

Il semble d'ailleurs - et c'est l'analyse de beaucoupd'enquêteurs italiens - que le complot Sogno n'ait en faitété, du moins pour ceux qui tiraientles ficelles au niveaule plus haut, que le dernier épisode, après le complotBorghèse et celui de la Rose des Vents, d'une conspira-tion unique dont les buts étaient l'avènement d'un gaul-lisme musclé et la constitution d'une "seconde Républi-que italienne". ( ... )

L'appareil militaire du putsch est constitué autour du"super SID" (ndla. branche spéciale des services secretsmilitaires italiens) de Miceli, les conjurés comptant bientirer profit de la fameuse clause secrète de l'OTAN quiprévoit, en cas de conflit "intérieur ou extérieur", unsystème de mobilisation fondé sur des "colonnes civileset militaires" appartenant à des organisation idéologique-ment sûres (telles que la "Rose des Vents"). ( ... )

Au terme de ce texte, (adopté en 1965 et faisant suiteà un accord du même type signé entre Washington et

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Rome en 1949, selon Frédéric Laurent), "tous les paysde l'Alliance atlantique doivent constituer une organisa-tion composée d'individus sûrs, compétents, dotés desmoyens nécessaires et capables d'intervenir avec effica-cité en cas d'invasion. En Allemagne, en Belgique, enGrande-Bretagne, ces organisations ont été constituéesdans le cadre des armées régulières. En Italie, non. L'ar-mée était jugée inéfficace et peu sûre ... ". ( ... )

En conséquence, c'est un réseau anticommuniste ultra-secret, coïncidant seulement en partie avec les servicesde sécurité officiels qui est créé. Ce service secret paral-lèle est formé essentiellement de "spécialistes" recrutésen raison de leur "fiabilité" anticommuniste. Il est chargéde constituer, dans la péninsule, des bases secrètes et desdépôts d'armes et de matériel et doit entrer en actiondans le cadre du plan de survie de l'OTAN sur le terri-toire italien en cas d'agression socialiste extérieure et detrouble politique intérieur. ( ... )

Incontestablement, ces dispositions de l'OTAN ontpermis à certains groupes paramilitaires d'extrême droited'agir en toute impunité, et même de jouir de couverturesofficielles - ces groupes étant qualifiés de forces militairesd'appui "en cas d'agression socialiste extérieure" et "in-térieure". Elles expliquent la présence massive de fascis-tes dans les services de renseignements et dans les servicesspéciaux complémentaires qui dépendent plus directe-ment de l'OTAN. ( ... )

L'hebdomadaire italien L'Européo a révélé, au moisd'août 1978, l'existence d'un camp d'entraînement spécial(armes, explosifs, propagande), créé en 1968, à Alghero,en Sardaigne, dans une base dépendant de l'OTAN, etoù sont entraînés les groupes d'extrême droite. ( ... ) C'estde cette manière qu'appui et protection ont été donnésà une organisation fasciste dont tout le monde connaîtaujourd'hui le danger. .. "46

Le journaliste français Fréderic Laurent indique que le dérapagedes réseaux italiens de résistance clandestine se situe dans lerecours à des organisations d'extrême droite agissant en dehorsdes services secrets officiels mais avec leur complaisance, dou-blée d'un appui logistique. Il se trompe cependant sur un point

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) lorsqu'il indique que les organisations de résistance parallèlesse sont dévéloppées en Belgique uniquement au sein de l'arméerégulière. Nous avons constaté plus haut, en effet, que les ser-vices secrets militaires et civils belges ont procédé comme enItalie dès l'immédiat après-guerre: création de "stay behind"parallèles au sein de milieux d'extrême droite, tels la LigueEltrois, le réseau Delcourt, Milpol - dont pas mal de membresétaient des anciens de la Légion nationale. Cela est d'autantplus curieux que les milieux atlantistes et pro américains de la.branche italienne de "Paix et Liberté" comptaient s'appuyer surces forces spéciales d'intervention dans la perspective d'un coupd'Etat en Italie alimenté par le recours au terrorisme et lastratégie de la tension.

Le chevalier noir

En Belgique, Marcel De Roover a été le principal animateurde "Paix et Liberté". Cet homme a consacré toute sa vie à lalutte contre le communisme. Dès 1919, il est en rapport avecles troupes de Russes blancs du général Denikine, à la demandedu ministre libéral Paul Hymans. Bien vu dans les milieux dela haute finance, il devient en 1926, le représentant de la SociétéGénérale au sein de la Sogechim (Société Générale Industrielle .et Chimique du Haut-Katanga). Parallèlement, il dirige laSEPES (Société Générale d'Etudes Politiques, Economiques etSociales), présentée par Moyen, comme la préfiguration de"Paix et Liberté". 47

La SEPES diffusait de l'information anticommuniste à desti-nation, notamment, de journaux conservateurs et d'extrêmedroite. Elle était financée par le Comité central industriel (CCI) ,l'organisation centrale du patronat belge. Comme plus tard,"Paix et Liberté", la SEPES entretenait des contacts étroits avecla sécurité militaire belge. Elle recourait d'ailleurs aux servicesde nombreux anciens militaires.

Parallèlement, cet homme au-dessus de tout soupçon est l'undes relais financiers de la Légion nationale - mouvement ouver-tement fasciste - de Paul Hoornaert. La collaboration "utile"avec l'extrême droite est déjà pratiquée à l'époque par les ser-vices secrets militaires qui se servent de la Légion nationalecomme service de renseignement parallèle. D'après AndréMoyen, après' la guerre, les anciens de la Légion nationale

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crviront de base de recrutement dans la création des réseauxpnrallèles belges.

Pendant la guerre, Marcel De Roover fait partie de ceux quil 'fusent tout autant la collaboration que la représentativité dupouvernement de Londres. Ainsi, il participe en coulisses à la-rcation du Rassemblement national et social des anciens com-battants, un mouvement articulé autour de la personne du roiLéopold et dirigé offiellement par le major Biebuyck. LeRNSAC relaie notamment la thèse de la "rénovation nationale"l' 'prise après la guerre dans l'hebdomadaire d'extrême droite,Septembre ... financé par De Roover.

En 1941, De Roover devient directeur de la Brufina, le hol-ding de la Banque de Bruxelles, sous la coupe du comte Paulle Launoit.

Par l'intermédiaire de la Brufina, il finance des activités desréseaux de renseignement Delcourt et Milpol qui, on l'a vu plushaut, ont développé leurs propres réseaux clandestins et armésde résistance sous le couvert des services secrets militaires bel-es. Les principaux contacts de Marcel De Roover au sein de

l'armée sont à l'époque le général Keyaerts et le colonel Mam-ruys.

Lorsque la branche belge de "Paix et Liberté" est créée en1951, De Roover est bien évidemment de la partie. La Brufinafinance en partie les activités de cette organisation anticommu-niste internationale et lui offre des locaux, chaussée de Vleurgatà Bruxelles. Collaboreront aux activités de la section belge:André Moyen (Milpol-Services secrets militaires belges, servicessecrets américains, Septembre, Europe-Amérique ... ), EmileDelcourt (services secrets américains - réseau Delcourt), GastonJacqmin (Septembre), Roger Nahon ("Jeunesse fidèle au Roi",émanation de Septembre), Octave Herbiet ("Jeunesse fidèle auRoi").

En 1960, on retrouve De Roover en tant que président duComité international d'Information et d'Action Sociale (CIAS),un simple changement de dénomination de la structure "Paixet Liberté".

Le CIAS, "membre organisationnel" de la World Anticommu-nist League en Belgique - aux destinées de laquelle De Rooverprésidera pendant quelque temps -, bénéficiait elle aussi, bienévidemment, du soutien de la Brufina qui lui offrait des locaux,rue des Petits Carmes à Bruxelles. Dans l'immeuble voisin, tou-jours propriété de la Brufina, se trouvait le CEDI-belge.

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) Ce "Centre Européen de Documentation et d'Information",créé par De Roover en 1961 avec des fonds du régime franquis-te, fait partie d'une impressionnante série de clubs de réflexion,d'organisations et d'associations diverses au sein desquelles ontrouve toujours les même personnes (voir notre liste non exhaus-tive des personnes qui apparaissent sur le parcours de De Roo-ver, en annexe) et peu ou prou le même programme politique:défense de l'Occident contre sa décadence morale, contre le"péril rouge", volonté d'édification d'une Europe "forte" et"traditionnelle", défense du lobby américain.

Quelques rioms: Mouvement d'Action pour l'Unité de l'Euro-pe, Académie Européenne des Sciences Politiques, Ordre duRouvre, Institut Européen de Défense, Ligue Internationale dela Liberté, World Anticommunist League etc.

Tous ces cercles politiques de la droite paneuropéenne, dontl'ancien ministre de la Défense nationale, Paul Vanden Boey-nants et le baron de Bonvoisin ont été membres ou proches parrelations interposées, ont pour caractéristique d'avoir entretenudepuis l'après-guerre d'étroites relations avec les services derenseignements tant civils que militaires. Le mobile de cettecollaboration, on l'a vu, est une évidente convergence d'intérêts:la lutte contre le communisme et les mouvements de gauchejugés comme apparentés qui étaient évalués comme des menacestant sur le plan économique que sur le plan de la défense natio-nale.

Dès lors, ce n'est pas un hasard si dans ce réseau d'associa-tions, on retrouve pèle-mêle des hommes politiques conserva-teurs, des affairistes, des activistes d'extrême droite, des agentsd'influence et des barbouzes. C'est par exemple dans l'un deces cercles apparentés au CEDI, l'Académie européenne dessciences politiques, qu'est né le fameux scandale des avionsrenifleurs. Ici aussi apparaît d'ailleurs le mélange: affairisme/extrême droite/services secrets.

Ce n'est pas un hasard non plus si l'évocation d'importantesstructures de renseignements et d'action privées recourant auxactivistes d'extrême droite et agissant avec les appuis conjuguésdes services secrets belges et américains, doublés du soutien demilieux financiers, nous a conduits à ce réseau d'associations.

C'est dans la filiation de ces services de renseignements paral-lèles créés depuis l'après-guerre qu'il faut situer l'installationd'un réseau de renseignements privé comme PlO (Public Infor-mation Office) dans les bureaux du 39, rue Belliard à Bruxelles

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(ancienne adresse également du CEPIC et de la so.c~été Promo-tion et Distribution Générale du baron de Bonvoisin). .,

Au PlO, comme dans les réseaux de rensel~nements,pn.ves.réés précédemment, la lutte contre le commumsme est ~?b~ec-tif prioritaire, la collaboration avec les services secrets militaires

st patente. . . l "bIl ne serait peut-être pas inintéressant de savoir SI ,~s ~a~-

ehes armées" qui allaient de pair avec l~s résea~~ crees pre?e-demment (Milpol, Delcourt, Ligue EltrOls) ont ete, renou~elees. squ'à ce J'our comme l'a été continuellement le reseau d asso-JU '..... tciations anticommumstes qUI les dirigeaien .

Michel Bouffioux

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J Annexe

1. Les amis du chevalier De Roover

Toutes les personnes citées ici ont milité ou sympathisé pourau moins une des organisations créées ou financées par MarcelDe Roover, en Belgique. Nous signalons aussi:

* les correspondants étrangers (CE) de De Roover dans desassociations-frères, par exemple, les membres de "Paix et Liber-té" en France et en Italie.* les autres appartenances (AP) des personnes citées, par exem-ple, Paul Vankerkhoven a repris en main le CEDI du chevalierDe Roover en 1971, mais il-a également appartenu à une mul-titude d'autres associations.* les dossiers judiciaires (DJ) dans lesquels apparaissent certai-nes des personnes citées.Peter Agnew (CE: CEDI).Richard Beauthier (CEDIILigue Internationale de la Liberté;AP: Internationale de la Liberté).Henri Bernard (CEDI; AP: année belge).Biebuyck (Rassemblement National et Social des Anciens Com-battants/AP: armée belge/mouvement léopoldiste).D. Botzaris (CE: CEDI; AP: armée grecque).Charles Closset (CEDI).Armand Dalem (CEDI; AP: Parti social-chrétien).Florimond Damman (CEDIILigue Internationale de la Liberté;AP: Internationale de la Liberté/Cercle de Politique Etrangère/Action pour une Europe Nouvelle et Atlantique/Mouvementd'Action pour l'Union Européenne/Académie Européenne desSciences Politiques; DJ: Avions Renifleurs).Jean-Paul David (CE: Paix et Liberté; AP: Parti radical socia-liste).Bernard de Closset (CEDI; AP: CEPICIParti Libéral Chrétien).Rodolphe de Croy-Rœulx (CEDI).Otto de Habsbourg (CE: CEDI; AP: Mouvement d'Actionpour l'Unité de l'Europe/Mouvement Paneuropéen).Francis De Hondt (CEDI; AP: CEPIC).Nicolas de Kerkhove d'Ousselghem (CEDI; AP: Centre Politi-que des Indépendants et Cadres Chrétiens/conseiller du ministrede la Défense).Paul Vanden Boeynants(Revue générale/Jeunes Dirigeants Poli-

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tiques Atlantiques/Groupe de Bilderberg). .Paul de Launoit (Brufina/Milpol/Rassemblement National etSocial des Anciens Combattants; AP: Banque Bruxelles L~m-bert/ A aussi financé la Légion nationale et le mouvement rexisted'avant-guerre).Jean-Pierre de Launoit (CEDI; AP: Banque Bruxelles Lam-

bert). . . /Emile Delcourt (Delcourt-net/Palx et Liberte; ~P: Centre Inter-national de Lutte Active contre le Commumsme/MouvementLéopoldiste/Service de Renseignem~nts de l'Armée b,elge /(HCdu "Deuxième bureau")/Front National Belge de 1 Indepen-dance/Unité belge/Agence des Quatre Continen~s/CIA (?): DJ:assassinat de Julien Lahaut, diverses escroquenes).Habib-Deloncle (CE:CEDI).Georges de Lovinfosse (CEDI; AP: armée belge).Jack de Spirlet (CEDI; AP: Banque Belge de l'Industrie/Ban-que Copine/Cercle des Nations).Fernand Dirix (Septembre; AP: Légion Nationale, MouvementLéopoldiste). . , .Christian Doat (Paix et Liberté; AP: Jeunesse fidèle au ROi)Jean Eeckhout (CEDI). ., .Octave Herbiet (Paix et Liberté; AP: Gazette de L1~ge). .Gaston Jacqmin (SeptembrelPaix et Liberté; AP: Légion Natio-nale) Richard Jaeger (CE:CEDI). ,Jacques Jonet (CEDI; AP: Ordre?u Rouvre/~ouvement ~.AC-tion pour l'Unité Européenne/Institut Eu~opeen pour la Paix etla Sécurité/Société Internationale des Amis de Wilton Park/Cer-cle des Nations). .Paul Kasin (CEDI; AP: attaché du ministre de la Défense natio-nale Paul Vanden Boeynants).Ma~rice Keyaerts (Brufina/Milpol; AP: Armée belge).Chevalier Lamalle (CEDI).Denis Lowson (CEDI).Bernard Mercier (CEDI; AP: Institut Européen de Déve~oppe-ment/Centre Politique des Cadres et Indépendants Chretiens/Milice du Christ/Rencontre pour le Centre).Carlos Montoliu y Carrasco (CE: CEDI). .Jean Moyaerts (Paix et Liberté; AP: Jeunesse fidèle au ROi;DJ: assassinat de Julien Lahaut).André Moyen (Milpol/Paix et Liberté/Sep~embre; AP: ~SS/ClA/Services de Documentation, de Renseignements et d (\c-tion de l'Armée belge/Vrai/Europe-Amérique: DJ: assassinat

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) de Julien Lahaut).Henri Nagelmackers (CEDI; AP: banque Nagelmackers).Jacques Nemery (Delcourt-net; AP: Sûreté de l'Etat (HC».Robert Nieuwenhuys (CIAS; AP: attaché au cabinet royal/Cen-tre Politique des Indépendants et Cadres Chrétiens/AssociationAtlantique Belge/chef de protocole de l'ancien secrétaire géné-ral de l'OTAN Joseph Luns/Sûreté de l'Etat (honorable corres-pondant)/Mouvement d'Action pour l'Unité Européenne).Daniël Noël de Burlin (CEDI; AP: Centre politique des cadreset des Indépendants Chrétiens).Jean-Paul Palewski (CE:CEDI).Robert A. Remy (CEDI; AP: journal L'Eventail/Institut Euro-péen de Développement/Mouvement d'Action pour l'UnitéEuropéenne) .Baudouin Ruzette (CEDI; AP: Ordre du Rouvre).Luis Sanchez Agesta (CE:CEDI; AP: régime franquiste).Angel Sanz-Briz (CE/CEDI; AP: régime franquiste).Philippe Schepens (CEDI).Sogno Edgardo (CE: Paix et Liberté; AP: OTAN (Planningcoordination groupe et Collège defense)/Parti Libéral italien/OSS/CIA.Jean Spiltoir (SEPES; AP: Armée belge/Union civique/Mouve-ment National Royaliste/Police judiciaire (informateur) Sûretéde l'Etat (HC).Monique Stilmant (CEDI).Tchen Tsi'uen-Cheng (CE:CEDI; AP: Centre Culturel Sun Yat-Sen).Dominique Ugeux (CEDI; AP: Centre politique des Indépen-dants et Cadres ChrétienslRassemblement pour la Paix et laLiberté).Raphaël van Os (Septembre-Club/Milpol; AP: Bloc Anticom-muniste Belge; DJ: assassinat de Julien Lahaut).Vincent van den Bosch (CEDI; AP: Mouvement d'Action pourl'Unité Européenne; DJ: nom cité dans le dossier de l'incendiedu journal Pour, a été l'avocat de Marcel Barbier, membre duWestland New Post).Julien Vanderbecken (CEDI; AP: Ordre du Rouvre).Paul Vankerkhoven (CEDIILigue Internationale de la Liberté/World Anticommunist League; AP: Chantier d'Occident/Ordredu Rouvre/Cercle des Nations/Centre Politique des Indépen-dants et Cadres chrétiens/Institut Européen de Développement!Centre d'Etude de Diffusion et d'Action Formative au Plan

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Economique et Social).Richard Van Wijk (CEDI; AP: L'Eventail/Ordre du Rouvre/Cercle culturel de la Cambre; DJ: banqueroute frauduleuse duCrédit commercial et financier).Georg von Gaupp-Berghausen (CE:CEDI).Jacques Van Offelen (CEDI).Jean Wolf (/Septembre/Paix et Liberté).

Notes

1. 'Confidences d'un barbouze', in Le Drapeau Rouge, 13.11.90, p. 1. A

2 Un député de la Gauche Unitaire espagnole, Antonio Romero, fera memele déplacement à Bruxelles pour rencontrer André Moyen, à la mi-novembre1990. Dans un café près de la gare du Midi, André Moy~n ne confi,nne plusles déclarations qu'il nous a faites quelques Jours plus tot. Ainsi, 1Espagnene joue plus un "rôle phare" dans la constru,ction de réseaux clandestins enEurope, le "Drapeau Rouge" a un peu exageré etc. <;omme preuve du con-traire, nous donnons l'enregistrement. de notre entretien du 12 novembre audéputé espagnol. . . .3. Pour un aperçu significatif de ce point de vue, voir les articles de GilbertDupont dans la Dernière Heure.4. 'Coëme remet le glaive au fourreau', in Le Drapeau Rouge, 15.11.90, !? 4.5. Déclaration de Guy Coëme devant la Commission de ~éfense nationalede la Chambre, en novembre 1990, document remis à la tnbune de presse.6. 'Le Gladio belge supprimé', in Le Drapeau Rouge, 24.11.90, p. 8. Lacommission parlementaire enquête sur Glaive a été créée en décembre 1990.7. Europe-Amérique, édité par hi CIDEP dirigée à l'époque par Pierre Blanc,deviendra plus tard Europe-Magazine avec comm~ réd~cteur en chef, Jo.Gérard, puis Nouvel Europe Magazine, sous la dlre~tlOn d Emile Lec~rf. Vrarest violemment anticommuniste. On y retrouve PIerre Blanc, Jo Gerard etPaul Vanden Boeynants, futur Premier ministre et m~istre de la Défensenationale social-chrétien. Septembre rassemble des anciens du mouvementfasciste d'avant-guerre "Légion nationale", dont r:ernan~ Dirix e~ .GastonJacqmin. Anticommunisme, ultraroyalisme, rénovatIOn. natlOnal~, enrique dela "particratie" sont au programme de cet hebdomadaire finance par MarcelDe Roover un chevalier omniprésent que l'on retrouvera un peu partoutdans notre 'récit (Légion nationale, SEPES, Paix et Liberté, CEDI-Belge,~a ...). . ,. . . h8. Rudi van Doorslaer et Etienne Verhoeyen, L assassinat de Julien La aut,une histoire de l'anticommunisme en Belgique, EPO, Anvers, 1987. Unouvrage remarquable auquel cette première approche des réseaux parallèlesbelges doit l'essentiel.9. Entretien avec l'auteur.10 L'assassinat de Julien Lahaut, op. cit., p. 143.11: Frédéric Laurent, L'Orchestre noir, Ed. Stock, Paris 1979, p. 44-45.12. L'assassinat de Julien Lahaut, op. cit. p. 164.13. Idem, p. 163.14. Idem, p. 120.15. 'Confidences d'un barbouze', in Le Drapeau Rouge, 13.11.90, p. 3.16. L'assassinat de Julien Lahaut, op. cit. p. 131.17. Idem, p. 160-161.

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) 18. 'Qui sont les agents clandestins?', in Le Drapeau Rouge, novembre 1990,p.8.19. 'Qui sont les agents clandestins?' in Le Drapeau Rouge, novembre 1990.20. L'assassinat de Julien Lahaut, op. cit.21. idem.22. L'assassinat de Julien Lahaut, op. cit. p. 62.23. Idem, p. 63.24. Idem.25. Idem.26. L'assassinat de Julien Lahaut, op. cit. p. 162.27. idem, p. 47.28. Thierry Wolton, Le KGB en France, Grasset, Paris, 1985, pp. 342-346.29. Idem.30. 'Confidence d'un barbouze', op. cit.31. Roger Faligot, Pascal Krop, La Piscine, Seuil, Paris, 1988, p. 203.32. Pierre Genève, La Main Rouge, Ed. Nord-Sud, Paris, 1960, pp. 94 etsuivantes.33. Idem.34. idem.35. idem.36. Idem.37. Au sujet de l'affaire Laperches, voir L'Orchestre Noir.38. La Piscine, op. cit. pp. 74 et suivantes.39. De nombreux ouvrages et articles de presse ont relaté les déclarations deSpaggiari. Voir notamment: Gianni Flarnini, il partita dei Golpe, Italo Bova-lentre Editore , 1988; Michel Gremillon, 'Spaggiari et ses amis', L'Express,21-27 mars 1977; James Sarazin, 'Qui veut encore retrouver "Bert"?' dansLe Monde, 18.5.77; Henrik Kruger, L'Arme de la drogue, Messidor, Paris1984.40. Analyse confortée par la découverte de "parts" du casse de Nice entreles mains de divers groupes d'extrême droite, tels les "Guérilleros du Christ-Roi" espagnols. (Voir auteurs cités dans la note précédente).41. Belgique, Pays-Bas, Italie, France, Danemark, Allemagne fédérale, Viêt-nam, Grèce, Turquie, Suisse, Australie, Grande-Bretagne.42. L'Orchestre Noir, op. cit. pp. 282-284.43. En France, des réseaux "stay behind" baptisés "Rose des Vents" sontmontés à la demande du directeur général du SDECE, Henri Alexis Ribière,en 1948 (Voir La Piscine, op. cit., p. 83 et suiv. et Philippe Bernet, SDECE,Service 7, Presses de la Cité, Paris, 1980, pp. 61-66. D'après Moyen, HenriRibière est la personne du SDECE qui l'a contacté pour participer à la misesur pied du "Glaive" belge.44. L'Orchestre Noir, op. cit. pp. 272-288.45. Cité par Frédéric Laurent, idem.46. idem, p. 267 et suivantes.47. 'Confidences d'un barbouze', op. cil ..

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