expérience transilien : un projet co-construit avec els équipes de terrain

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TÉMOIGNAGE ACADÉMIE DU SERVICE - Transilien, ligne H de la SNCF 1 UN PROJET CO-CONSTRUIT AVEC LES ÉQUIPES DE TERRAIN L’Académie du Service a accom- pagné la ligne H du Transilien à développer une culture de ser- vice basée sur la prise d’initia- tive des équipes sur le terrain. Désormais, les équipes sont engagées dans une dynamique de construction et d’échanges de scripts de bonnes pratiques. Au départ de la Gare du Nord, la ligne H du Transilien transporte plus de 220 000 voyageurs par jour, lÊéquiva- lent du trafic TER de la région PACA. Pour faire fonctionner 478 trains desservant 47 gares sur trois axes et une transversale, 2 200 agents SNCF sont mobilisés. Fin 2009, à lÊoccasion de la mise en service de nouveaux trains, à la pointe de la modernité sur le plan technolo- gique, ergonomique et visuel, la nécessité dÊaméliorer le service client sÊest imposée. ÿNous nous devions dÊavoir un service à la hauteur de ce changement révolutionnaire. LES ENJEUX Il ne pouvait être en disso- nance avec ce magnifique trainŸ explique Aude Le Goff, alors pilote du projet de service. Lorsque lÊAcadémie du Service est appelée pour accompagner cette dé- marche, les objectifs sont multiples. Il sÊagit dÊoffrir une ÿchaîne de service at- tentionnée et efficaceŸ en réponse aux attentes des clients, marqués par dix ans de difficultés de pro- duction et à celles du STIF 1 (lÊautorité organisatrice du transport en Ile-de-France). Mais aussi de replacer les clients au centre des préoccupations des collaborateurs, de redonner du sens, une dimension humaine à leurs rela- tions et de valoriser leur métier. Le tout dans un double contexte : en externe, les contraintes de production sont de plus en plus fortes compte tenu dÊune densité toujours croissante de voyageurs ; en interne, une enquête me- née par une sociologue avait révélé une vision clivée, les équipes opérationnelles ayant des attentes divergentes de celles de leurs hiérarchies. Après échanges avec la Direction de la ligne H et avec lÊUniversité du Service interne à la SNCF, lÊAcadémie du Service propose de construire un projet de service qui concerne tous les métiers. ÿCompte tenu de la culture de lÊentreprise, nous avons opté pour une démarche progres- sive, en partant dÊabord du terrain, basée sur le volonta- riat, et privilégiant lÊinitiativeŸ se souvient Laurent Fon- taine, consultant et formateur à lÊAcadémie du Service. LÊidée de lancer des laboratoires inter métiers est retenue. « Compte tenu de la culture de l’en- treprise, nous avons opté pour une démarche progressive, en partant d’abord du terrain, basée sur le vo- lontariat, et privilégiant l’initiative » Trois laboratoires stimulant l’initiative d’équipes au contact des clients pour ini- tier un service attentionné et créer l’envie d’avancer, Quatre métiers mobilisés autour d’un outil commun : les scripts de service permettant à chacun d’être un acteur essentiel du par- cours du client, L’implication de la Direction pour donner du sens et faire adhérer toute la ligne hiérar- chique, Un accompagnement unique dans sa durée, sur plus d’un an, de 35 managers de proxi- mité via des ateliers de «formation-action», Un foisonnement de scripts et l’émergence d’une dynamique de réseau, Des points de satisfaction clients en plus. Ć Ć Ć Ć Ć Ć LES POINTS CLÉS 1. STIF = Syndicat des Transports en Ile de France

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Page 1: Expérience Transilien : un projet co-construit avec els équipes de terrain

TÉMOIGNAGE ACADÉMIE DU SERVICE - Transilien, ligne H de la SNCF 1

UN PROJET CO-CONSTRUIT AVECLES ÉQUIPES DE TERRAIN

L’Académie du Service a accom-pagné la ligne H du Transilien à développer une culture de ser-vice basée sur la prise d’initia-tive des équipes sur le terrain.Désormais, les équipes sont engagées dans une dynamique de construction et d’échanges de scripts de bonnes pratiques.

Au départ de la Gare du Nord, la ligne H du Transilien transporte plus de 220 000 voyageurs par jour, lÊéquiva-lent du trafic TER de la région PACA. Pour faire fonctionner 478 trains desservant 47 gares sur trois axes et une transversale, 2 200 agents SNCF sont mobilisés.

Fin 2009, à lÊoccasion de la mise en service de nouveaux trains, à la pointe de la modernité sur le plan technolo-gique, ergonomique et visuel, la nécessité dÊaméliorer le service client sÊest imposée. ÿNous nous devions dÊavoir un service à la hauteur de ce changement révolutionnaire.

LES

ENJEUX

Il ne pouvait être en disso-nance avec ce magnifique trainŸ explique Aude Le Goff, alors pilote du projet de service.

Lorsque lÊAcadémie du Service est appelée pour accompagner cette dé-marche, les objectifs sont multiples. Il sÊagit dÊoffrir une ÿchaîne de service at-tentionnée et efficaceŸ en réponse aux attentes des clients, marqués par dix ans de difficultés de pro-duction et à celles du STIF1 (lÊautorité organisatrice du transport en Ile-de-France). Mais aussi de replacer les clients au centre des préoccupations des collaborateurs, de redonner du sens, une dimension humaine à leurs rela-tions et de valoriser leur métier. Le tout dans un double contexte : en externe, les contraintes de production sont de plus en plus fortes compte tenu dÊune densité toujours croissante de voyageurs ; en interne, une enquête me-née par une sociologue avait révélé une vision clivée, les équipes opérationnelles ayant des attentes divergentes de celles de leurs hiérarchies.

Après échanges avec la Direction de la ligne H et avec lÊUniversité du Service interne à la SNCF, lÊAcadémie du Service propose de construire un projet de service qui concerne tous les métiers. ÿCompte tenu de la culture de lÊentreprise, nous avons opté pour une démarche progres-sive, en partant dÊabord du terrain, basée sur le volonta-riat, et privilégiant lÊinitiativeŸ se souvient Laurent Fon-taine, consultant et formateur à lÊAcadémie du Service. LÊidée de lancer des laboratoires inter métiers est retenue.

« Compte tenu de la culture de l’en-treprise, nous avons opté pour une démarche progressive, en partant d’abord du terrain, basée sur le vo-lontariat, et privilégiant l’initiative »

Trois laboratoires stimulant l’initiative d’équipes au contact des clients pour ini-tier un service attentionné et créer l’envie d’avancer,Quatre métiers mobilisés autour d’un outil commun : les scripts de service permettant à chacun d’être un acteur essentiel du par-cours du client,L’implication de la Direction pour donner du sens et faire adhérer toute la ligne hiérar-chique, Un accompagnement unique dans sa durée, sur plus d’un an, de 35 managers de proxi-mité via des ateliers de «formation-action»,Un foisonnement de scripts et l’émergence d’une dynamique de réseau,Des points de satisfaction clients en plus.

LES

POINTS CLÉS

1. STIF = Syndicat des Transports en Ile de France

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APPROCHE TERRAIN EN ÿLABORATOIRESŸ

& SCRIPT FONDATEUR Dans un premier temps, trois laboratoires, deux groupes dÊagents et un groupe de dirigeants de proximité (DPX) sont lancés. ÿLÊidée était de partir des attentes des opéra-tionnels, de faire émerger le projet avec euxŸ commente Aude Le Goff.

Chaque groupe réunit alors tous les métiers au contact : per-sonnels de gare, agents de la surveillance générale assurant la sureté, conducteurs prenant la parole à bord des trains et contrôleurs. Avec une mission : réfléchir à la manière dÊamé-liorer le service délivré sur la ligne.

ÿEn utilisant nos méthodes de mise en situation et nos outils, nous les avons fait travailler autour des moments de vérité, ces moments importants pour le client quÊil faut particulièrement soignerŸ explique Laurent Fontaine.

Les groupes ont écrit des scénarios de service pouvant être mis en fluvre localement - sur trois modèles de gare différents. Ainsi sont nés les premiers scripts de service de la ligne H.

Pour conclure cette première phase, valider la capacité des équipes à jouer ces nouveaux scénarios, mesurer leur impact auprès des clients et la réaction interne, un test est mené sur lÊaction ÿBon week-end de PâquesŸ. Ce vendre-di-là, sur un axe, tout le personnel souhaite un bon week-end aux voyageurs. Avec un impact très positif : plus de 70% des clients interrogés ont délivré un verbatim enthou-siaste sur la démarche. ÿIls étaient absolument ravis, cer-tains ont dit quÊils avaient lÊimpression dÊavoir à faire à des hôtesses de lÊair ! Les équipes se sont rendues compte quÊen remettant de la bonne humeur dans la relation, le retour du client était très positifŸ souligne Aude Le Goff.

Fort de ce succès, la décision est prise de poursuivre lÊaction avec lÊAcadémie du Service en créant un groupe de travail avec la Direction de la ligne et les responsables dÊunité qui managent les DPX. Pendant près dÊune année, le groupe définit de manière collective sa vision du ser-vice, le niveau souhaité, travaille sur la promesse asso-ciée, sur les valeurs et les postures capables de lÊincarner.

ÿNotre culture dÊentreprise est très axée sur la technique et la production. Beaucoup de nos cadres ne sont pas formés au commercial et ne connaissent pas le marketing des services alors quÊaujourdÊhui leurs équipes, y compris les conducteurs de train, doivent répondre aux attentes clients. LÊAcadémie du Service nous a ouvert le regard, aidé à nous requestionner, à développer une culture com-mune de service, à donner du sens à notre démarche. Ce travail a été très important, il a apporté à lÊencadrement des clés pour comprendre ce quÊest un client, lÊintérêt des scripts, et disposer dÊarguments pour répondre aux équipes. Il en a fait des moteurs de la démarcheŸ analyse Aude le Goff.

Pendant ce temps, sur le terrain, les nouveaux trains étant en phase de rodage, les clients restaient mécontents et les équipes en souffraient. SÊest alors imposée lÊidée de mettre en fluvre des scripts festifs au moment du bac, de la rentrée des classes, de la St Valentin ou de la Fête de la musique. ÿLes clients étaient ravis que les agents remettent de la chaleur humaine dans les gares et les trains, quÊils soient attentionnésŸ poursuit-elle.

« Les équipes se sont rendu compte qu’en remettant de la bonne humeur dans la relation, le retour du client était très positif. » « Les clients étaient ravis que les

agents remettent de la chaleurhumaine dans les gares et les trains, qu’ils soient attentionnés. »

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Pour continuer dÊavancer, pour que les managers ani-ment et pérennisent le projet, pour embarquer dÊautres équipes dans la démarche, des cycles ÿdÊateliersŸ du Service sont lancés, mixant formation et action. ÿLeur objectif était de garder lÊesprit des premiers laboratoires, de travailler sur le changement en inscrivant lÊévolution des comportements et de la relation client dans le tempsŸ explique Laurent Fontaine qui les a animés. Toujours sur la base du volontariat et inter métiers, deux groupes ont mélangé des DPX tandis quÊen miroir un groupe réunissait les directeurs dÊunités opérationnelles.

DÊoctobre 2011 à décembre 2012, ils ont travaillé ré-gulièrement une demi journée sur le service client : ÿPour comprendre ce que nous cherchions à faire avec ces scripts, apprendre les règles du marketing des services puis pour se mettre au travail avec leurs équipes en leur redonnant lÊinitiativeŸ détaille Aude Le Goff.

Chaque manager était chargé en intersession de choisir avec son équipe un moment de vérité, et de la guider pour en écrire le script, lÊenrichir, le tester et de mesurer son im-pact. ÿChacun partageait dÊabord avec tous ce qui sÊétait passé depuis le dernier atelier, puis recevait un apport méthodologique pour se situer toujours du point de vue du client ou managérial, notamment sur la symétrie des attentionsŸ rapporte Laurent Fontaine. Ils ont réfléchi aux relations entre agents et clients et en miroir à celles entre agents et manageurs. ÿPour redonner lÊinitiative aux équipes, tout un travail sur la confiance a été réaliséŸ in-dique Aude le Goff. ÿNous avons défini des moments de vérités managériaux, travaillé sur lÊattitude de rencontre et les comportements à adopter quand un agent arrive dans lÊéquipe, quand un autre rentre après un moment difficile comme un accident de voyageurŸ ajoute Laurent Fon-taine. Il poursuit : ÿle but dÊun tel accompagnement dans la durée est de confronter les idées à la réalité du terrain. Les tester permet dÊéliminer ce qui nÊest pas possible et de modifier ou dÊaffiner ce qui lÊestŸ.

AujourdÊhui, le projet de service sÊarticule autour de mul-tiples scripts joués par les agents sur la ligne H avec une culture commune et une approche au plus près du terrain. Ainsi, certains ÿgénériquesŸ sont ancrés et généralisés sur toute la ligne, en cas de feuilles mortes ou de neige sur les voies retardant les trains, de forte chaleur ou pour le week-end de Pâques. Ils donnent une visibilité à la démarche de service. DÊautres ÿspécifiquesŸ sont initiés localement : ici, les agents se déguisent comme à Venise au moment du Carnaval ou organisent des rencontres régulières avec les clients, là un script est mis en place à lÊoccasion de tra-vaux dans une gare ou un dispositif alternatif en situation perturbée. Les idées circulent, photos à lÊappui.

Les enquêtes clients illustrent une nette progression de leur satisfaction. ÿNos agents sont perçus comme très aimables et accueillantsŸ. Pour évaluer lÊimpact des nou-velles pratiques, une question spécifique sur ce qui est ÿdit et faitŸ pour déblayer les voies en cas de ÿfeuilles mortesŸ a été posée : un quart des clients a vu, lu, ou entendu par-ler de ces actions. ÿUn quart de nos clients, cÊest énorme! Et sur ce quart, 84% de nos clients sont satisfaits de ce qui est fait désormaisŸ commente Aude Le Goff.

Quant aux enquêtes internes, elles montrent que les agents se sentent de mieux en mieux au travail et enre-gistrent des améliorations sensibles sur des items tels que lÊinitiative.

Un deuxième cycle ÿdÊateliersŸ avec de nouveaux DPX et Directeurs dÊunité va démarrer pour continuer dÊavancer dans un esprit collaboratif et faire émerger de nouvelles idées. ÿ Au départ pour compenser un contexte difficile, les équipes ont dÊabord voulu travailler sur lÊanimation. LÊenvie a été le moteur et nous a permis de les embarquer dans le projet. AujourdÊhui, nous allons pouvoir mettre lÊaccent sur de vraies attentes clients, notamment en cas de situations perturbéesŸ.

Aude Le Goff conclut : ÿIl reste encore beaucoup de travail à faire car les équipes ont besoin de temps pour sÊapproprier cette nouvelle culture, mais lÊétat dÊesprit a fortement évolué. Lors de ma dernière visite sur le terrain, jÊai trouvé des équipes épanouies, qui avaient envie dÊêtre là pour le clientŸ.

ENCADREMENT

CYCLE DÊATELIERSPREMIERS RÉSULTATS

& PERSPECTIVES

« le but d’un tel accompagnement dans la durée est de confronter les idées à la réalité du terrain. Les tes-ter permet d’éliminer ce qui n’est pas possible et de modifier ou d’affiner ce qui l’est. »

« les équipes ont besoin de temps pour s’approprier cette nouvelle culture, mais l’état d’esprit a forte-ment évolué. »

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La volonté de donner lÊinitiative aux équipes de ter-rain tout en acculturant la hiérarchie à la culture de service sÊest révélée être un moyen efficace pour faire progresser en final la satisfaction client.

ÿTravailler le management de lÊinitiative avec le personnel au contact du client et toute la ligne hié-rarchique permet de redonner aux équipes le goût de proposer, construire, essayer, et parfois échouer pour progresser de nouveau. En faisant des opé-rationnels une force de proposition, ce processus recrée du dialogue et augmente les chances dÊadhé-sionŸ constate Laurent Fontaine.

Comme le souligne Aude Le Goff, le projet de service a :

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1

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PILOTAGE PAR LÊINITIATIVE

UN PUISSANT LEVIER

LES

RESULTATS

Redonné du sens, de la valeur au métier des agents. Ils ont retrouvé une fierté, du plaisir et de lÊenvie à venir travailler.

La marge de manfluvre donnée, la confiance accordée par les managers a recréé de la proximité, ranimé la vie dÊéquipe, développé

lÊéchange de bonnes pratiques par capillarité. LÊap-proche permet dÊapprendre en marchant, la co-construc-tion nourrit le changement de postures et de culture.

Développer la culture ÿclientŸ et revenir sur des notions dÊécoute, de recevoir, de merci sur toute la ligne hiérarchique a changé lÊétat

dÊesprit des managers et leur a donné de nouveaux moyens de piloter leurs équipes. Quand ils pensent aux clients, ils pensent aux agents. Ils sont attentifs à leur bien-être. Ils constatent que donner aux agents le ÿpouvoir dÊêtre en initiativeŸ permet de construire de belles actions.