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EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1961 à 1964) FAILLITES ET CONCORDATS (1) PAR PIERRE CoPPENS, PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN, AVOCAT A LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES, l. - PERSONNES POUY ANT ÊTRE DÉCLARÉES EN FAILLITE. Jo Personnes physiques. Le problème de l'interposition de personnes s'est posé dans deux cas. commerçant qui, pendant les six mois qui ont précédé le jugement le déclarant en faillite, a été obligé de prendre un repos total et qui a laissé son commerce entre les mains d'un préposé, conserve sa qualité de commerçant (cass., Jer juin 1961, Pas., 1961, I, 1059). Un colloqué, au contraire, ne peut plus être déclaré en fail- lite lorsque la cessation des paiements remonte à plus de six mois depuis le jour il n'a plus accompli d'actes de commerce. En l'espèce, il avait cessé le commerce à la fin de 1959 et le tribunal de commerce de Verviers avait prononcé la faillite au début de 1961. L'épouse du colloqué, devenue administra- teur provisoire, avait-elle remplacé le malade dans la conti- (1) Les chroniques précédentes ont été publiées dans la Revue en 1951, p. 57 à 79, en 1954, p. 127 à 158, en 1957, p. 205 à 249 (par M. RENÉ PIRET), et en 1961, p. 121 à 163.

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EXAMEN DE JURISPRUDENCE

(1961 à 1964)

FAILLITES ET CONCORDATS (1)

PAR

PIERRE CoPPENS,

PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN,

AVOCAT A LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,

l. - PERSONNES POUY ANT ÊTRE DÉCLARÉES

EN FAILLITE.

Jo Personnes physiques.

Le problème de l'interposition de personnes s'est posé dans deux cas. L~ commerçant qui, pendant les six mois qui ont précédé

le jugement le déclarant en faillite, a été obligé de prendre un repos total et qui a laissé son commerce entre les mains d'un préposé, conserve sa qualité de commerçant (cass., Jer juin 1961, Pas., 1961, I, 1059).

Un colloqué, au contraire, ne peut plus être déclaré en fail­lite lorsque la cessation des paiements remonte à plus de six mois depuis le jour où il n'a plus accompli d'actes de commerce. En l'espèce, il avait cessé le commerce à la fin de 1959 et le tribunal de commerce de Verviers avait prononcé la faillite au début de 1961. L'épouse du colloqué, devenue administra­teur provisoire, avait-elle remplacé le malade dans la conti-

(1) Les chroniques précédentes ont été publiées dans la Revue en 1951, p. 57 à 79, en 1954, p. 127 à 158, en 1957, p. 205 à 249 (par M. RENÉ PIRET), et en 1961, p. 121 à 163.

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nua ti on du commerce? Ce serait, en principe, impossible, car la loi de 1851 ne confère que des pouvoirs très limités au rang desquels il n'y a pas la représentation de l'aliéné dans les actes commerciaux. La cour de Liège, en son arrêt du 22 juin 1961, (Jur. Liège, 1961-1962, p. 43) infirma le jugement décla­ratif. Resterait ouverte, bien entendu, pour des cas voisins, la question d'un exercice personnel du commerce par l'admi­nistrateur provisoire.

La cour de Gand, le 16 mai 1961 (R. W., 1961-1962, col. 1291), a prononcé ·la double faillite d'un mari non inscrit au registre du commerce, se prétendant un employé, et de son épouse, séparée de biens, seule commerçante officielle. L'arrêt relève les faits d'immixtion du mari dans les affaires menées en com­mun. La double faillite n'engendra qu'une masse.

K Plusieurs arrêts o:r1:t examiné la . position du commerçant qui fait ses affaires sous le masque . d'une société fictive. La jurisprudence se confirme pour admettre assez facilement la faillite personnelle de ce commerçant. Il y eut trois décisions importantes. La cour de Gand, le. 7 mars 1962 (R. W., 1962-1963, col. 434), prononça· la faillite de l'individu qui agissait par une société dont le capital n'avait pas été versé, dont le matériel et le papier à lettres étaient ceux de l'ancienne exploita­tion et dont la fondation n'avait visé qu'à le faire échapper à une dette envers l'O.N.S.S. De même, la cour de Bruxelles, le ·20 février 1963 · (R. W., ·1962-1963, col. 2169, et Rev. prat. soc., -1963, p. 214),' étendit la faillite d'une société à l'admi­nistrateur-délégué parce que la société prolongeait le commerce personnel et qu'il y avait un mélange manifeste des avoirs sociaux et privés (même immeuble sans bail concédé à la société; anciennes machines reprises au bilan de la société encore qu'elles n'eussent jamais été apportées; paiement par la caisse sociale de dettes personnelles sans comptabilisation adéquate). Un autre arrêt de la même cour, du 26 juin 1963 (Journ. trib., 1964, p. 77), sanctionne le cas d'un commerçant qui s'identi­fiait avec une société de personnes à responsabilité limitée dont, par des cessions données en blanc, il s'était assuré toutes les parts. L'individu ne pouvait contester que ses affaires per­smmelles étaient gérées sous le déguisement d'une société dont la .. fondation par prête-nom la rendait fictive. /\

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2° Sociétés commerciales.

Pour être déclarée en faillite, une personne morale doit avoir un caractère commercial, caractère qui résulte de la nature des actes en vue desquels elle a été appelée à la vie juridique et qui sont décrits dans son objet' statutaire. Aussi, lorsqu'une asso-:­ciation sans but lucratif ayant pour objet l'étude des procédés de climatisation, dépose son bilan et fait l'aveu de la cessa­tion de ses paiements, un jugement déclaratif ne peut. être prononcé. Son objet statutaire ne consistait, ni en tout ni en partie, dans l'exercice d'actes de commerce (comm. Bruxelles, 6 octobre 1960, Jur. com. Brux., 1961, p. 4). Que se passe-t-il si une association sans but lucratif sort de son activité statu­taire non lucrative 1 La loi de 1921 a prévu une dissolution pour la contravention grave aux statuts (voy. T' KINT, Asso­ciations sans b'll.l lucratif, n° 429; LINDEMANS, Verenigingen zonder winstoogmerk, n° 551).

Une société en liquidation demeure évidemment vulnérable à la faillite. Grâce à celle-ci, les créanciers peuvent obtenir un concours égalitaire plus accentué et les avantages d'une rétroactivité dans le régime de la période suspecte (comm. Bruxelles, 17 mars 1961, R. W., 1962-1963, col. 1014, et Bru­xelles, 4 avril 1962,.ibid., col. 995, Rev. prat. soc., 1964, p. 104)-. Ceci est de jurisprudence usuelle : voir chronique précédente, Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 122. Plus rare est le cas d'une société qui n'a pas été mise en liquidation et qui a cessé toute activité depuis plus de six mois parce que la saisie de ses actifs l'a para­lysée. Un jugement de Nivelles (28 juin 1961) avait considéré que la demande en faillite était tardive et non recevable. Cette position erronée fut rectifiée par l'arrêt de Bruxelles du 29 octobre 1962 (Pas., 1963, II, 215). Un particulier perd la qualité de commerçant en cessant d'exercer le commerce mais une société conserve sa nature commerciale indépendamment de toute activité effective, qu'il y ait ou non liquidation, que celle-ci soit ou non en souffrance. Sur les effets de la décision de clôture, voy. comm. Liège, 8 janvier 1960, Rev. prat. soc., 1960, p. 117, note PIERRE CoPPENS.

Le tribunal de commerce de Courtrai, le 5 octobre 1961 (R. W., 1961-1962, col. 1002), a puisé dans l'option des tiers vis-à-vis des sociétés nulles, le droit de prononcer la faillite

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d'une société de personnes à responsabilité limitée nulle, pour le motif « qu'elle a fonctionné à l'extérieur et mené une exis­tence effective à l'égard des tiers de bonne foi, pouvant ainsi être déclarée en faillite malgré son inexistence fondamentale>>. Cette position doctrinale fut, en l'espèce, atténuée par la formation d'une seule masse comprenant le patrimoine «social>> et celui du commerçant.

II. - LA CESSATION DES PAIEMENTS ET L'ÉBR.ÀNLEMENT DU CRÉDIT.

Comme toujours, la cessation des paiements dépend de cir­constances concrètes et diverses (cass., 2 décembre 1963, Pas., i964, I, 346). Il est donc difficile de grouper les décisions publiées.

La cessation des paiements peut exister même si le débiteur continue de payer d'autres créanciers et même si plusieurs fournisseurs lui livrent encore à crédit (comm. Tournai, 5 sep­tembre 1961, Journ. trib., 1961, p. 613). Elle ne doit pas être connue de tous (comm. Bruxelles, 24 décembre 1962, Jur. cam. Brux., 1963, p. 206). Le non-paiement d'une dette importante et privilégiée déséquilibre toute la situation patrimoniale (comm. Anvers, 5 février 1962, R. W., 1961-1962, col. 1512). Par contre, l'existence d'un jugement exécutoire nonobstant recours ne suffirait pas à déterminer l'état de cessation des paiements, s'il est frappé d'appel et si la contestation est sérieuse (comm. Bruxelles, 24 décembre 1962, Jur. cam. Brux., 1963, p. 206). La cession de clientèle peut masquer un arrêt des paiements (même jugement). Sur le caractère sérieux de la contestation de créance, voy. FREDERICQ, t. VII, n° 14, p. 69; Rép. prat. dr. belge v° Faillite et banqueroute, nos 85 et 86. Le caractère oiseux des griefs contre une créance pourrait même constituer l'in­dice d'une gêne sans remède. Lorsqu'un commerçant ne doit de l'argent qu'à un seul créancier, il faut voir si les droits de ce dernier sont en péril : tel n'est pas le cas du fournisseur qui détient encore une grande partie de ce qui est vendu, même s'il a fait protester les traites créées en représentation de prochaines livraisons (comm. Bruxelles, 20 novembre 1962, Jur. cam. Brux., 1963, p. 211). Dans ce cas, visiblement, l'arrêt des paie­ments n'introduisait aucune perturbation dans les relations

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commerciales des parties qui étaient liées par un contrat de concession.

Réalité extérieure indépendante de l'état de fortune du com­Inerçant, la cessation des paiements existe malgré un actif qui serait supérieur au passif (voy. FREDERICQ, t. VII, n° 14). Plusieurs décisions ont, à juste titre, éclairé le principe que la cessation des paiements, notion commerciale, était différente de l'insolvabilité, notion civile. La faillite est une institution d'ordre public qui doit être déclenchée sans égard à l'existence d'actifs longs à réaliser (Liège, 24 juin 1961, Jur. Liège, 1961-1962, p. 18, et Pas., 1961, II, 161 : cas de créances actives con­tentieuses à recouvrer). Voy. aussi : comm. Anvers, 8 février 1962 (R. W., 1961-1962, col. 1762), qui proclame le caractère curatif de la faillite« pour la sécurité de l'ensemble du commerce et des commerçants», sans que le juge doive s'arrêter à la cause de l'arrêt des paiements, à la solvabilité dernière du débiteur ou aux mobiles des demandeurs. On retrouve la même pensée dans un jugement du tribunal de com~erce de Verviers du 7 février 1963 (Journ. trib., 1964, p. 12), mais sans y lire les données du problème.

Une commerçante, poursuivie pénalement pour certaines opérations de son activité, prétendait qu'en cas d'acquittement son entreprise retrouverait aussitôt son crédit. Elle demandait d'attendre le résultat de l'action pénale et de suspendre le procès en déclaration de faillite. La cour de Liège n'y eut égard (Liège, 19 décembre 1961, Jur. Liège, 1961-1962, p. 146) et considéra qu'un débiteur qui ne maintient une apparence de crédit qu'en se mettant en infraction avec les lois sociales et les lois fiscales, use d'expédients qui démontrent qu'il ne peut sans danger rester à la tête de ses affaires. La situation devait au surplus s'apprécier au moment où la faillite était requise.

Sur la notion de cessation des paiements en ce qu'elle offre de différent avec celle d'insolvabilité, on consultera aussi : Colmar, 13 juillet 1961, Dalloz, 1962, Somm., p. Il, étude à la Rev. trim. dr. comm., 1963, p. 889, et l'arrêt cass. fr., 28 janvier 1964, Sem. jur., 1964, Somm., p. 38.

Le juge répressif n'est pas lié par la date de la cessation des paiements indiquée au jugement déclaratif. Il doit en effet examiner si l'aveu de la cessation se fit en temps utile quant

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à l'application de l'article 574; 4°, qui punit l'aveu tardif comme un délit de banqueroute simple (corr. Bruxelles, 10 juin 1963, Journ. trib., 1963, p. 468). Voy. ci-après, IV, 3°.

III. - LA CONDITION JURIDIQUE DU CURATEUR.

·Le tribunal de commerce de Liège, le 19 décembre 1958 (Jur. Liège, 1958-1959, p. 205), avait affirmé que le curateur d'un failli mineur ne pouvait invoquer les exceptions tirées de l'incapacité du mineur. La raison mise en avant était que le curateur n'est pas le protecteur légal du mineur. Ce jugement a été combattu par M. CLAUDE RENARD, Rev. crit. jur. belge, 1962, p. 156.

Un jugement a quo avait reconnu le privilège d'un créancier. Le curateur· alla en appel et par la suite se désista. La cour de Liège, le 17 novembre 1960 (Jur. Liège, 1960-1961, p. · 122, note), a décidé que cette renonciation devait se plier à l'homo­logation des transactions qui s'impose aux curateurs selon l'article 492. Le Rép. prat. dr. belge, vo Faillite et banqueroute, nos 1781 et 1782, a une opinion plus nuancée et conseille de vérifier si le désistement a la portée d'un abandon définitif.

Le principe étant que les créanciers ont été, avant la faillite, valablement· représentés par leur débiteur dont ils suivaient la foi, hormis le cas de dol, la tierce opposition du curateur contre un jugement où le futur failli fut partie, est recevable mais n'est pas fondée, si le jugement fut rendu sans qu'il y eut fraude (Gand, 20 avril 1962, Rec. gén. enreg., 1963, p. 29). La fraude se verrait dans la poursuite d'un but' illicite ou dans la recherche d'un avantage particulier pour un créancier. En l'espèce, le futur failli avait simplement omis d'utiliser tous les moyens de défense contre une contrainte en matière de taxes de transmission et le curateur voulait s'en prévaloir sous la forme d'une tierce opposition.

Tranchant dans un domaine controvers~ (voy. la précédente chronique, Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 127), un arrêt de Bru­xelles du 18 juin 1962 (Journ. trib., 1963, p. 42) enseigne que le curateur est seul habilité à introduire une réclamation fiscale. La décision directoriale l'avait rèpoussée en disant que le cura-

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teur n'était pas le mandataire du failli. La cour justifie le droit du curateur en l'appuyant sur un mandat de la puissance publi­que. En ce sens : Rép. prat. dr. belge, v° Faillite et banqueroute, n° 1572. Voy. FREDERICQ, Handelsrecht, t. II, n° 1638.

En tant que représentant du failli, le curateur ne peut exiger qu'un titre de voie parée antérieur à la faillite lui soit à nouveau signifié (Termonde, 6 décembre 1962, R. W., 1963-1964, col. 928). Le curateur est défendeur à l'action en séparation de biens intentée par l'épouse du failli : celle-ci plaide contre deux parties, son mari en ce qui concerne le côté moral du procès, et le cura­teur en ce qui concerne le côté pécuniaire (Nivelles, 10 janvier 1961, Jur. Niv., 1961, p. 112).

La qualité de tiers, autre caractère du curateur quand il brandit les droits de la masse, confère le droit d'exiger qu'une cession de créance, valable entre les parties, soit signifiée dans les formes pour devenir opposable. Un créancier cessionnaire invoquait le profit d'une cession de créance et prétendait que celle-ci était sortie de l'actif commun. Le failli tenait une offi­cine de prêts dans laquelle il était aidé par des bailleurs de fonds. Comme il avait fallacieusement imaginé des opérations de prêt, un financeur, en compensation, s'était fait céder d'autres créances (comm. Liège, 12 juin 1961, J~tr. Liège, 1961-1962, p. 38).

Quelle est la portée de l'article 5811 Ce texte protège la masse et dit qu'elle ne subira les dépens de la constitution de partie civile du curateur, en cas d'acquittement, que si elle lui a donné autorisation, à la majorité. Est-ce un problème de dépens ou un problème d'habilitation 1 On en avait parfois déduit que le curateur n'était pas «recevable» à se porter partie civile au nom de la masse quand il n'y avait pas été autorisé. L'article 581 réglerait ainsi une question de receva­bilité. L'autre opinion, plus répandue, disait que le curateur puisait dans la nature de son mandat le droit de se porter partie civile mais elle précisait que s'il n'avait pas eu l'avis favorable de la masse, il agissait à ses risques et devait supporter les dépens dans le cas d'acquittement du prévenu. En bref, dans cette deuxième opinion, l'article 581 ne s'occupait que d'une question de dépens. La cour de cassation, le 14 octobre 1963 (Pas., 1964, I, 153), vient d'accueillir cette dernière doctrine : l'article 581 n'a donc trait qu'aux dépens. L'arrêt déféré· à la

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cour a été publié : Bruxelles, 17 octobre 1962, R. TV., 1962-1963, col. 843. Dans le sens de la cour de cassation : FREDE-· RICQ, t. VIII, no 535, p. 751; Handelsrecht, t. II, n° 1957 in­fine; Rép. prat. dr. belge, v° Faillite et banqueroute, n° 2661. Contra : HuMBLET, n° 893; NAMUR, p. 377.

Se penchant sur le sort matériel du curateur, un tribunal a considéré avec raison que le renflouement d'une exploitation industrielle par le curateur en vue d'obtenir un meilleur prix de liquidation est un devoir extraordinaire qui mérite des hono­raires spéciaux (comm. Bruxelles, 26 octobre 1961, Jur. com. Brux., 1962, p. 235). Une somme de 140.000 francs fut attri­buée de ce chef.

Le dessaisissement empêche de continuer un procès contre un débiteur, lorsqu'il tombe en faillite, sans appeler son curateur à la cause (J; de P. Andenne, 16 février 1962, Jur. Liège, 1961-1962, p; 198). En l'espèce, la citation avait été lancée trois jours avant le jugement déclaratif.

Il ne saurait être fait grief à un curateur de n'avoir pas décou­vert que le jugement déclaratif avait confondu deux sociétés, si les éléments qui lui furent soumis ne permettaient pas de déceler l'erreur due à une homonymie ou d'entrevoir la possi­bilité de préjudice pour un tiers (Bruxelles, 14 avril 1961, Journ. trib., 1961, p. 486).

IV. - LES DEMANDES ET RECOURS DU DROIT DES FAILLITES.

1 o Demandes de faillite.

Lorsqu'un ancien failli s'est réinstallé, il ne peut être déclaré une seconde fois en faillite pour son ancien passif à la demande d'un ancien créancier (comm. Namur, 10 janvier 1963, Jur; Liège, 1962-1963, p. 167). Faillite sur faillite ne vaut, même si après la clôture les créanciers reprennent l'exercice de leurs actions individuelles. Il faudrait établir la cessation du paie­ment des nouvelles dettes (FREDERICQ, t. VII, n° 334 ; Rép. prat. dr. belge, v° Faillite et banqueroute, n°8 2475 et 2476). Autre chose serait une <<réouverture» de la faillite si, après la clô­ture, il était établi que des biens ont été oubliés ou dissimulés~ . En revanche, il est sans conséquence sur la validité du juge~

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ment déclaratif que ceux qui ont présenté la requête aient ou non été recevables à le faire. La requête irrégulière (en l'es­pèce une requête par mandataire) vaudrait de toute manière comme une dénonciation qui peut être prise en considération pour une faillite d'office (Liège, 24 juin 1961, Jttr. Liège, 1961"'-1962, p. 18, et Pas., 1961, II, 161).

Il a été admis par le tribunal de commerce de Bruxelles, le 26 janvier 1961 (Jur. com. Brux., 1961, p. 88), qu'un créancier poursuive dans une même instance la résolution du concordat et la mise en faillite. En sens contraire, il faut citer la doctrine de FREDERICQ, t. VIII, n° 776 : le créancier est lié par le con­cordat et doit « obtenir » la résolution préalable de celui-ci.

Dans une faillite déclarée d'office, le failli qui n'a pas fait opposition dans le délai prévu à l'article 473 ne peut faire appel (Liège, 17 novembre 1964, Jur. Liège, 1964-1965, p. 81).

2° JJI esures ordonnées a tt degré d'appel.

Lorsque la cour déclare une faillite que n'avait pas prononcée le tribunal de commerce, elle est tenue de prendre toutes les mesures que prescrit l'article 466. Le tribunal de commerce redevient la juridiction contentieuse et gracieuse pour toutes les opérations ultérieures (Bruxelles, 29 octobre 1962, Pas., 1963, II, 215). La cour désigna le juge-commissaire et le cura:­teur, ordonna l'apposition des scellés, fixa les délais de décla­ration et de vérification des créances et prescrivit les publica­tions. Pour le surplus, la cause fut renvoyée devant le tribunal « autrmnent composé». Ce problème a été longuement commenté par M. RENÉ PIRET, dans la chronique de 1957 (Rev. crit. jur. belge, p. 211 et suiv.), à l'occasion de l'arrêt du 10 mars 1955 de la cour de cassation. Voy. aussi FREDERICQ, H andelsrecht, t. II, no 1530.

3° Rapports avec la faillite de droit pénal.

L'état de faillite constaté au point de vue pénal est différent de celui qui résulte d'une décision de la juridiction consulaire. Cette dernière requiert que l'individu ait eu la qualité de com­merçant au cours des six mois précédents ; elle seule entraîne les conséquences usuelles de la faillite. L'état de faillite légal ne se confond pas avec l'état de faillite judiciaire (note Journ. trib., 1955, p. 493).

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Le juge répressif peut dire que les conditions d'une faillite sont réunies et constater la cessation des paiements en dehors de ce délai de six mois (Bruxelles, 6 avril 1960, Pas., 1961, II, 262, et 21 juin 1961, R. W., 1961-196.2, col. 802). Voy. aussi le jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles du 10 juin 1963, Journ. trib., 1963, p. 468. En ce sens FREDERICQ, t. VII, p. 67. L'indépendance l'une de l'autre de la juridiction commer­ciale et de la juridiction pénale, au point de vue de la constata­tion de l'état de faillite, ne fut pas mise en jeu par le tribunal correctionnel de Namur, le 17 novembre 1960 (Jur. Liège, 1960-1961, p. 114) : la cessation du commerce remontait, en l'espèce, au 30 avril 1958; le jugement consulaire refusant de déclarer la faillite fut rendu le 30 octobre 1958 et le réquisi­toire saisissant. le juge d'instruction pour ·faits de banqueroute avait été donné le 30 janvier 1959. Le tribunal acquitta pour tardiveté de la poursuite. En ce sens : Rép. prat. dr. belge, vo Faillite et banqueroute, n° 2545. Ce jugement ne peut être approuvé, car si le juge répressif doit constater la faillite au sens de l'article 437, comme un élément de la banqueroute, il n'est pas tenu par le délai de six mois qui ne concerne qUe l'organisation de la faillite commerciale. Admettre le contraire serait donner au délit de banqueroute une prescription très courte.

4o Admission de créances.. Cette matière est fertile en décisions; Il a. été jugé que la réalité de la créance n'est pas établie à

suffisance lorsque le demandeur n'a en mains qu'un jugement par défaut non signifié (comm. Bruxelles, 1er juillet 1960, Jur. cam. Brux., 1960, p. 332) ..

Un curateur avait admis une créance avec une garantie hypo­thécaire. Son successeur revient sur cette admission et prétend qu'elle est sans valeur parce qu'elle est greffée sur des biens immobiliers futurs, en opposition avec l'article 78 de la loi hypothécaire selon lequel « les biens à venir ne peuvent pas être hypothéqués >>. Le créancier admis :plaide qu'il a le droit acquis d'être considéré comme hypothécaire et qu'il puise ce droit dans son admission ultérieure à ce titre. Avec raison, le tribu­nal de commerce de Courtrai, le 4 juin 1962 (R. W., 1963-1964, col. 517), répond qu'aucun droit acquis ne peut .naître de la

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sorte, étant donné le caractère d'ordre public tant de la loi des faillites que de celle sur les privilèges. La France connut un long procès sur ce point et les notions de contrat judiciaire, d'erreur et d'ordre public furent successivement invoquées. C'est à la dernière notion que la cour de cassation française se rallia pour écarter l'admission au passif privilégié (arrêt du 31 juillet 1947, Dalloz, 1948, 41, note PERCEROU).

La créance produite doit exprimer l'exacte étendue du droit lors de l'ouverture de la faillite. La garantie entre les mains de l'assureur doit être déduite des primes dont le paiement est demandé au curateur (comm. Liège, 30 janvier 1961, Jur. Liège, 1961-1962, p. 63). Dans le cas d'un prêt remboursable par mensualités, l'emprunteur tombant en faillite, la totalité des mensualités devient exigible. Les échéances futures incluaient toutefois des intérêts à échoir ultérieurement. Le curateur doit les rejeter comme n'étant pas une partie de la dette (comm. Gand, 15 février 1964, Journ. trib., 1964, p. 283). Il est exact que l'accumulation anticipée des intérêts est contraire à l'arti­cle 451 qui stérilise les dettes à l'égard de la masse.

Jusqu'à quel moment la demande en admission au passif est-elle possible de la part d'un retardataire 1 Selon l'article 508, le créancier ne peut plus rien · réclamer sur les répartitions ordonnées avant sa production. Est-ce l'ordonnancement de la distribution .ou la distribution elle-même qui· constitue le moment où le créancier retardataire se heurte aux droits des autres dans le partage 1 Dans un procès plaidé àu tribunal de commerce d'Anvers (jugement du 29 avril 1964, R. W., 1964-1965, col. 382), un créancier défaillant avait interprété l'arti­cle 508' de la manière la plus littérale en disant que sa créance pouvait être déclarée et afflrmée «jusqu'à la dernière distri­bution des deniers inclusivement ». Le tribunal. anversois repousse cette interprétation et dit que c'est l'ordre de répartition du juge-commissaire qui classe les droits que les créanciers acquièrent les uns vis-à-vis des autres dans le partage. Pour des raisons praÙques, l'ordre de répartition, fatalement antérieur au paie­ment .lui-même, est l'ultime délai. En ce sens : FREDERICQ, t. VII, n° 249; Rép. prat. dr. belge, v° Faillite et banqueroute, n° 1843; FREDERICQ~ Handelsrecht, t. II, no' 1702; comm. Cour­trai, 22 mai 1954, R. W., 1956-1957, col. 1335.

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5° Appel.

La période passée en revue a fourni plusieurs décisions bien motivées sur le problème du délai spécial d'appel en matière de faillite : tout jugement «rendu en matière de faillite» ne peut être frappé d'appel que dans les quinze jours de la signi­fication (art. 465). Quand le litige pénètre-t-il dans cette ma­tière~ Il faut que l'action n'ait pu naître qu'à raison de la décla­ration de faillite. Tel n'est pas le cas d'une contestation sur le montant dû à l'O.N.S.S. (Liège, 16 mars 1961, Jur. Liège, 1960-1961, p. 227), sur le montant d'une indemnité de préavis et d'un compte de commissions (Bruxelles, 26 février 1962, Pas., 1963, II, 64), pour la reprise d'une instance engagée par le futur failli avant le jugement déclaratif (Bruxelles, 2 février 1963, R. W., 1962-1963, col. 1822). Les nullités de la période suspecte sont inconcevables sans le jugement déclaratif. Pour les opérations antérieures à la cessation des paiements, l'arti­cle 448 rappelle que <<tous actes ou paiements faits en fraude des créanciers sont nuls, quelle que soit la date à laquelle ils ont eu lieu>>. C'est un rappel de principe de la fraude paulienne'. C'est donc une référence au droit commun. Le jugement qui statue sur l'application de l'article 448 n'est pas «rendu en matière de faillite» et le délai d'appel est de deux mois (Bru­xelles, 9 mars 1960, Pas., 1961, II, 151). La motivation de cette espèce marginale doit être approuvée : Rép. prat. dr. belge, v° Faillite et banqueroute, n° 2523, 60 ; FREDERICQ,

Handelsrecht, t. II, n° 1615.

Le failli, incapable de plaider par suite du dessaisissement, peut-il interjeter appel, à titre conservatoire~ La doctrine a admis qu'il prenne, en cas d'inaction du curateur, les mesures indispensables de sauvegarde dans l'intérêt de la masse (Rép. prat. dr. belge, vo Faillite et banq'tterou,te, nos 459 et 461). Un jugement condamnait le failli à restituer le fonds de commerce. Le failli interjette appel et met le curateur à la cause devant la cour « pour son information et direction ». Le curateur marque ensuite son accord sur l'attitude prise par le failli et continue le procès en appel. La cour de Liège repousse le moyen d'irre­cevabilité que l'intimé avait invoqué (arrêt du 3 janvier 1962, J~tr. Liège, 1961-1962, p. 249). La lecture de l'arrêt ne permet pas de dire pour quelles raisons le failli avait devancé son curateur.

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Une note de MARCEL I-IENRY, à la Jurisprudence de Liège, 1962-1963, p. 65, éclaire le délicat problème du recours contre le jugement qui simultanément rejette la demande en concordat et prononce la faillite. La cour de Liège, le 16 octobre 1962, a estimé que la seule voie de recours était l'appel dans les formes de l'article 10 de la loi de 1946 (référence citée). Le problème naît de ce que le jugement déclaratif est prononcé d'office et qu'à son égard c'est la voie de l'opposition qu'il faudrait suivre. La cour de Bruxelles, le 21 juin 1962 (Journ. trib., 1962, p. 698), dit aussi que c'est l'appel introduit dans les formes de l'arti­cle 10 de la loi de 1946 qui défère «le jugement tout entier » à l'appréciation de la cour. Voy. la chronique précédente, Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 129.

6o Langue.

Tandis que le tribunal de commerce de Bruxelles, le 17 novem­bre 1960 (Jur. com. Brux., 1961, p. 7), a décidé que la langue des débats, quant aux déclarations de créance, est celle dans làquelle a été rendu le jugement déclaratif, le tribunal de commerce de Saint-Nicolas, le 15 janvier 1963 (R. W., 1963-1964, col. 1771), a estimé que le créancier avait la liberté du choix de la langue pour déclarer sa créance. La déclaration de créance n'est que virtuellement un acte judiciaire, c'est-à-dire qu'elle acquiert cette nature quand elle devient contentieuse.

7o Compétence et exeq~tatur.

Le tribunal de la faillite est seul compétent pour les contes­tations relatives aux revendications en nature qu'un proprié­taire veut exercer contre l'actif de la masse (art. 566) : juge-:­ment du 6 juin 1961 du tribunal de commerce de Bruxelles, Jur. cam. Brux., 1962, p. 188.

L'article 504 oblige le tribunal de commerce à renvoyer les contestations qui ne sont pas de sa compétence devant le juge compétent. Doit-il pour autant se dessaisir d'emblée et sans examen lorsqu'un litige sort prétendument de sa compétence l Dans une espèce où la créance se fondait sur un contrat d'em~ ploi, la cour de Bruxelles (25 mai 1962, Pas., 1963, II, 181) exigea que le tribunal abordât au besoin le fond du procès et la nature du litige.

Dans le cas d'une société qui avait déplacé ses bureaux sans REV. CRIT., 1965. - 5

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publier le changement de son siège social, le tribunal de com­merce de Saint-Nicolas (3 mars 1964, Pas., 1964, III, 67) a jugé que le tribunal du lieu de départ restait compétent pour prononcer la faillite.

Lorsque le curateur d'une banque luxembourgeoise qui a été déclarée en faillite fait contre un débiteur belge une procé­dure en recouvrement de créance, cette demande est normale­ment portée devant la juridiction du domicile du débiteur. Elle ne concerne ni l'administration de la faillite ni la législa­tion propre à l'état de faillite. La faillite ne fut que l'occasion de ce recouvrement et non sa cause véritable (comm. Bruxelles, 22 décembre 1960, J~tr. com. Brux., 1961, p. 1).

Le droit comparé des faillites révèle une différence capitale entre la législation française et la nôtre au sujet de la date de la cessation des paiements. Le tribunal français peut reculer cette date dans le passé aussi loin qu'il le veut, car la loi ne fixe aucune limite dans le temps. Notre loi fait, au contraire, du délai maximum de six mois une règle d'ordre public, sous réserve de quelques hypothèses exceptionnelles. Notre législa­teur y voit une limite au jeu des annulations simplifiées de cette période suspecte et un facteur de crédit dans les affaires. Quand un jugement déclaratif français qui a reporté la période sus­pecte au-delà de six mois doit être exéquaturé, se pose le pro­blème délicat de l'atteinte sur un point à l'ordre public belge. Tel était l'obstacle auquel se heurtait un jugement de Tour­coing du 16 octobre 1959 qui avait refoulé le début de la période suspecte au 5 juin 1958. La cour de Gand rencontra la diffi­culté et lui donna une excellente solution dans l'arrêt du 29 octo­bre 1962 (R. W., 1962-1963, col. 1825, note BoucKAERT). La cour vérifia si la date de la cessation des paiements était ou non inséparable de l'ensemble du dispositif. Comme la faillite est un état qui ne dépend pas fondamentalement de la date de la cessation des paiements du moment que les conditions d'ou­verture sont réunies, il fut admis que le jugement pouvait recevoir l'exequatur, hormis quant au point initial de la période suspecte. On consultera FREDERICQ, t. VII, n° 49; BATIFFOL, Traité élémentaire de droit international privé, 3e éd., no 790 : l'exequatur peut n'être que partiel si l'ordre public s'oppose à une partie de la condamnation; WESER, Traité franco-belge du 8 juillet 1899, n° 238bis. Le 18 février 1926, la cour de cassa-

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tion avait jugé que le jugement français qui déclarait la faillite (au 26 mai 1922) et le jugement de «report» de la cessation des paiements (au 20 janvier 1921) étaient deux décisions« indé~ pendantes l'une de l'autre» (Pas., 1926, I, 254).

Une société française avait été mise en faillite par le tribunal d'Avesnes et son curateur s'était aperçu qu'il existait une con.:. fusion d'actifs avec une société belge, elle-même en faillite: Le tribunal avait autorisé le syndic à saisir les biens belges. Sur appel, la cour de Douai, dans un arrêt du 24 ··juin 1960 (Rev. trim. dr. comm., 1964, p. 536), réforma en disant que l'article 8 de la convention franco-belge de 1899 réservait aux seules juridictions belges la compétence relative à la faillite et aux mesures de dessaisissement qui en dérivent à l'égard d'une société belge.

V. - FIXATION DU PATRIMOINE DU FAILLI.

1° Revendications et distractions.

La revendication ne peut être admise que si elle porte sur des biens nettement individualisés.

Une demande visait à faire restituer par le curateur de& plaques d'acier qui n'avaient jamais appartenu au failli et qui se trouvaient sur ses chantiers. Le tribunal de Hasselt, le 13 avril 1960 (Jur. Liège, 1960-1961, p. 158), ordonna aux parties de faire la preuve stricte que la revendication portait sur les mêmes objets individualisés en nature.

Alors qu'en jurisprudence française on constate un durcisse­ment vis-à-vis du propriétaire revendiquant (voy. cass. fr., 8 octobre 1963, Dalloz, 1964, p. 313, et Rev. trim. dr. comm., 1964, p. 644 : la revendication fut refusée parce que le stock consigné se renouvelait périodiquement et que l'identification précise devenait malaisée), un jugement de Tournai du 15 mai 1962 (Jottrn. trib., 1962, p. 374) donne une large interpréta­tion à la revendication en acceptant l'idée de subrogation réelle. Une société faillie était locataire de ses bâtiments et de son matériel et, pour ce dernier, il avait été convenu que lorsqu'il devenait usé, il serait remplacé aux frais de la société et appartiendrait d'office au bailleur. Le curateur s'était insurgé contre la prétep.tion du bailleur de revendiquer la propriété

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de tout le matériel acheté par la société faillie en remplacement de celui qui avait été inventorié au départ du bail. Le tribunal consacra la thèse du bailleur en accueillant la subrogation réelle. Nous hésiterions à souhaiter que ce cas d'espèce fasse jurispru­dence~ La subrogation dérive d'une idée d'affectation (DE PAGE, t. V, n°8 594 et 600) et constitue une exception tant au principe de droit commun selon lequel tous les · biens servent de gage aux créanciers qu'au thème fondamental du droit des faillites qui exige que la solvabilité apparente du failli soit res­pectée au point de supprimer le privilège du vendeur mobilier, de couper court à la revendication du vendeur impayé dès qu'il y a appréhension par l'acheteur et d'invalider les clauses de réserve de propriété au regard des tiers.

L'on peut rattacher à cette matière un arrêt de Bruxelles du 9 mai 1962 (Rev. prat. soc., 1962, p. 265) qui a refusé aux clients d'un agent de change malhonnête de revendiquer les titres que celui-ci avait, sans leur accord, mis en report. I.e reporteur de bonne foi est devenu propriétaire des titres. De plus, il ne devait et ne pouvait exiger de l'agent de change l'identité de ses commettants.

Sur le droit d'un consignant contre le bailleur qui a pratiqué une saisie-gagerie, voy. ci-dessous, XI, 5°.

2° 1 nopposabilités de certaines sorties d'actif.

Un failli vend un irpxneuble le 29 juin. Sa faillite est déclarée le 7 juillet. A ce momen.t la transcription n'a pas encore eu lieu. La masse est un tiers au sens de la loi hypothécaire et l'immeuble vendu fait partie de l'actif (cass., 2 février 1961, Pas., 1961, I, 591, Rev. prat. not., 1963, p. 140, et Rec. gén. enreg., 1964, p. 340). Il est sans pertinence que la mutation, transcrite au cours de la faillite, l'ait été avant l'inscription de l'hypothèque légale de la masse.

Le même principe inspire le domaine des cessions de créance qui eurent lieu avant la faillite sans suivre les formalités d'oppo­sabilité aux tiers. Le montant cédé continuera d'appartenir au gage commun. Au besoin, le cessionnaire devra rapporter l'argent encaissé au curateur (Bruxelles, 9 mars 1960, Pas., 1961, II, 151; Liège, 19 avril 1962, Jur. Liège, 1962-1963, p. 122; comm. Liège, 28 avril 1964, Jur. Liège, 1964-1965, p. 68).

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Est nulle jugement qui valide, sans appel à la cause du cura­teur, la saisie-arrêt pra tiquée par un créancier sur des sommes revenant au futur failli. La faillite était intervenue entre la saisie-arrêt et le jugement de validation (Bruxelles, Il avril 1961, Pas., 1963, II, 37). Que se passerait-il si le jugement de validation intervenait avant le jugement déclaratif1 Si le tiers saisi n'a pas payé entre les mains du saisissant, celui-ci ne pour­rait plus exiger paiement et le saisi devrait payer à la masse, conformément aux articles 452 et 479. Si le saisissant a reçu le montant des sommes arrêtées et si ce paiement fut fait en période suspecte, il a été dit que le jugement de validation opère un transport de créance et que les termes généraux de l'arti­cle 445 ne permettent pas de distinguer entre les transports volontaires et les transports forcés (Rép. prat. dr. belge, vo Fail­lite et banqueroute, n° 517).

VI. - ÉTENDUE DU DESSAISISSEMENT.

Le dessaisissement atteint la succession où le failli est héri­tier (Anvers, 27 janvier 1961, R. W., 1960-1961, col. 1727).

Lorsqu'un tiers vient bénévolement payer une dette du failli et n'invoque pas la subrogation, le patrimoine du failli n'est pas appauvri par ce paiement puisque le tiers payeur n'a pas puisé les fonds dans l'actif. Par ailleurs l'ap-.;trement d'une dette est un avantage égal pour tous les autres créanciers (Liège, 6 décembre 1961, Jur. Liège, 1961-1962, p. 289, et Rev. prat. soc., 1963, p. 117). En l'espèce, c'était une mère qui avait repris les obligations de son fils failli envers l'un des créanciers.

Le curateur ne peut mettre fin à l'immobilisation des objets mobiliers .affectés à l'exploitation d'une usine dont les bâti­ments sont hypothéqués. L'hypothèque s'étend aux objets mobiliers qui y furent placés pour l'industrie. Le curateur ne peut les vendre séparément sans l'accord du créancier hypothé­caire et aucun jugement ne peut remplacer cette autorisation (comm. Anvers, 6 avril 1960, Rec. gén .. enreg., 1961, p. 455). L'outillage est immobilisé en. raison de son intégration dans le processus de fabrication et les installations de bureau devien­nent immeubles par destination à cause de la nécessité d'un personnel administratif. Les stocks et les machines hors d'usage

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rejoignent l'actif commun. Le curateur, en l'espèce, avait sou­tenu que les créanciers hypothécaires ne pâtiraient pas de la conversion en objets mobiliers parce qu'ils se subrogeraient dans le prix de vente et que celle-ci serait meilleure. , ' La masse dans la faillite du mari ne comprend les fruits des propres "de 1 'épouse que pour ce qui n'est pas consommé par les charges du ménage (Gand, 30 juin 1961, R. W., 1961-1962, col. 1810; RENAULD, Re'v. crit. jur. belge, 1964, p. 386; DE PAGE, t. X, no 243, § 2). : Trois hmnmes d'affaires étaient unis, à parts égales, dans une société momentanée. L'un d'eux entame seul un procès pour un marché commun. En cours de procédure il tombe en faillite, le curateur continue le procès et s'empare de tout le produit du procès gagné. Les deux autres associés objectent que le produit était commun et que l'actif de la faillite ne pou­vait en recueillir que le tiers. La cour de Gand leur donne raison. La cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 1962 (Pas., 1962, I, 842, R. W., 1962-1963, col. 538, et Rev. prat. soc., 1963, p. 86 et note), rectifie le jeu des principes, l'un tiré du droit des sociétés, l'autre du droit des faillites. L'absence de person­nification de la société momentanée prive celle-ci de tout patri­moine propre. Très justement il en découle que les sommes du procès ,étaient tombées directement dans le patrimoine du demandeur, c'est-à-dire, après sa faillite, dans l'actif de la masse. Le curateur avait certes la charge du règlement de comptes entre associés, 1nais les partenaires de la société momentanée devaient s'aligner dans le rang des créanciers ordinaires.

Dans la faillite d'un chantier naval, les bâtiments en construc­tion ·appartiennent normalement à la masse. Le marché ayant pour objet une chose future n'est la propriété de l'acheteur que lors de la livraison. En l'espèce, aucune clause de la com­mande ne transférait la propriété au donneur d'ordre au fur et à 1nesure de l'achèvement du bateau (THALLER, Droit rnari­tirne, t. Ier, nos 318 à 325; SMEESTERS et WINKELMOLEN, Droit 'maritime et fluvial, n° 6; HENNEBICQ, Droit rnaritirne cornparé, nos 157 et 161 ; RIPERT, Droit rnaritirne, t. Ier, n°8 372 et suiv., et t. II, n° 1051). Le batelier plaidait contre le curateur que le bâtiment était devenu progressivement sa propriété par le paiement des tranches successives du prix. La cour de Gand, par un arrêt du 2 décembre 1959 (Pas., 1961, II, 131), lui donna

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tort. Le batelier ajoutait qu'il avait lui-même un crédit hypo­thécaire parallèle à ses paiements successifs et que cette affecta­tion hypothécaire matérialisait son acquisition progressive. La cour repousse cet argument en disant que le droit réel du créan­cier ·hypothécaire ne venait également à existence utile que lors de la livraison.

VII. - SECOURS ALIMENTAIRES.

VIII. - L'IMPOSSIBILITÉ DE COMPENSATION.

1° Les cas de compensation sans connexité des dettes mutuelles.

Il est de droit que la compensation légale n'est plus possible après le jugement déclaratif et encore moins la compensation judiciaire (FREDERICQ, t. VII, n° 80). La cour de Liège, le 1er juin 1961 (Jur. Liège, 1961-1962, p. 59), en fit une applica­tion appropriée dans le cas d'un cocontractant du failli qui, d'une part, était créancier pour diverses fournitures et qui, d'autre part, était débiteur de travaux exécutés par le failli. Certains de ceux-ci, accomplis en régie, étaient encore contestés lorsque le jugement déclaratif fut rendu. Les dettes mutuelles dérivant de sources différentes n'avaient aucune connexité, circonstance que la cour prit soin· de relever. La dette des travaux en régie n'était pas liquide et son montant, sujet à une mesure de vérification, ne pouvait donc servir d'élément dans le double paiement fictif auquel aboutit le procédé de règle­ment automatique qu'est la compensation légale. L'accord obtenu après le jugement déclaratif est sans effet puisque la condition de liquidité doit exister avant la faillite.

La compensation a, par contre, été entendue dans un sens fort large dans un jugement du tribunal de commerce de Ver­viers du 18 mai 1961 (Jur. Liège, 1961-1962, p. 227). Le futur failli avait, en période suspecte, acheté un mobilier de salon et remis un buffet au fournisseur. Cette reprise du buffet fut assimilée à une compensation consacrée par les usages et ne fut pas qualifiée de dation en paiement.

Des curateurs réclamaient le paiement d'une condamnation arbitrale de 10.330 dollars, dette non contestée à laquelle le

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débiteur opposait une demande reconventionnelle de 18.300 dol­lars représentant une indemnité de rupture de contrat résultant de la survenance même de la faillite. L'indemnité était admise par les curateurs comme créance chirographaire. Malgré la présence d'un compte courant, sans doute mal qualifié, dans lequel l'indemnité avait été portée, les curateurs refusèrent le jeu de la compensation. Par hypothèse, l'indemnité déclen­chée par la faillite avait sa cause dans un fait, le jugement déclaratif, à compter duquel le compensation légale ne jouait plus (comm. Gand, 5 décembre 1963, Journ. trib., 1964, p. 452; et R. W., 1963-1964, col. 984).

2° La connexité entre créances réciproques.

Très voisin était cependant le cas d'un grossiste en tissus qui était assigné par un curateur italien. Il devait un montant certain qui résultait de factures mais il opposait une demande reconventionnelle d'indemnisation pour non-fourniture d'ordres passés. Le curateur italien, plaidant en Belgique, répliquait que cette récla1nation n'avait rien d'une créance liquide qui pût entrer en compensation. La demande fut néanmoins décla­rée recevable par le tribunal de commerce de Bruxelles du 2 juillet 1960 (Jur. cam. Brux., 1961, p. 10) : lorsque, dit le jugement, les créances réciproques dérivent d'un même contrat et ont pour objet une somme d'argent, l'exceptio non adimpleti contractus est possible. L'excipiens aboutit en fait à une com­pensation mais c'est une mise en œuvre du caractère synallag­matique du contrat et non une compensation au sens strict. On lira sur ce point : FREDERICQ, t. VII, nos 81-82, et sa note, Rev. crit. jur. belge, 1948, p. 53. Un arrêt de cassation du 7 décem­bre 1961 (Pas., 1962, I, 440) rappelle aussi que la faillite ne met pas brusquement fin à l'interdépendance des obligations réciproques qui trouvent leur cause dans un contrat. Un sous­entrepreneur du failli produit à la faillite une créance de 249.000 francs pour des travaux qu'il a exécutés. Le curateur l'appelle d'autre part en garantie pour la part qui lui incombait, soit 220.000 francs, dans une indemnité à charge du failli. La cour de cassation a admis que les.· deux rapports juridiques ne pouvaient être coupés l'un de l'autre<< sans égard à la circonstance que le ·montant de la créance d'indemnité n'a été déterminé que postérieurement au jugement déclaratif». En l'espèce, le

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droit à l'indemnité ne se trouvait dans la main du curateur que lié à l'obligation du failli de remplir son engagement. Voy. dans les chroniques précédentes, 1957, p. 213, et 1961, p. 138, et l'étude de M. PIERRE VAN ÛMMESLAGHE, Rev. crit. jur. belge, 1963, p. 71, avec les références.

Le même principe se dégage d'un jugement du tribunal de Saint-Nicolas du 22 novembre 1960 (R. W., 1960-1961, col. 949). Un arrêt français récent a admis la connexité dans une résolu­tion de vente immobilière à terme. L'acheteur d'un immeuble acheté par fractions successives de prix tombe en faillite et le vendeur obtient la résolution. Ce dernier doit restituer au curateur les échéances perçues, mais il peut les imputer sur l'in­demnité de résolution à laquelle il a droit (Grenoble, 12 février 1962, Dalloz, 1963, Somm., 70; HouiN, Rev. trim. dr. comm., 1962, p. 304, n° 10).

IX. -LEs DROITS Du v'kNDEUR.

1 o La clause de réserve de propriété.

La cour de Bruxelles, le 10 février 1960 ·(Pas., 1960, II, 272), et le tribunal de commerce de Namur; le 4 janvier 1962 (Jur. Liège, 1961-1962, p. 159), ont eu l'occasion de rappeler que la clause de réserve de propriété, insérée à l'acte par le vendeur d'une chose mobilière, n'était pas opposable aux tiers. Dans le premier cas, comme on discutait sur l'existence même de la clause, c'est surabondamment que la cour redit le principe. Dans le second cas, l'objet vendu, une auto, avait été englobé dans une saisie-gagerie pratiquée par le bailleur trois jours après la vente et vingt mois avant la faillite. La paralysie de la clause dérivait du concours avec le bailleur saisissant et non de la faillite qui, dans cette matière, n'est qu'une des variétés du concours.

De quelle loi dépend l'opposabilité ou non de la clause 1 De la· lex rei sitae a répondu le tribunal de commerce de Cour­trai, le 25 juin 1964 (R. W., 1964-1965, col. 271). Il faut voir dans cette thèse, dans quel pays se trouve l'objet vendu au moment du concours. Ce jugement est dans la ligne de la doc­trine : BATIFFOL, Traité élémentaire de dro"it international privé, 3e éd., p. 570, note 40; VAN H~CKE et RIGAUX, Chronique de

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jurispr., Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 392, n° 38. La localisation de l'objet est un fait extérieur qui fixe la confiance des four­nisseurs et la prédominance du statut réel sauvegarde les rela­tions d'affaires qui, normalement, sont les plus nombreuses.

2o Résolution.

Un vendeur avait livré des caisses enregistreuses. Le prix était payable par versements mensuels. Le vendeur pouvait, en cas de défaillance, considérer le contrat «comme résilié de plein droit, sans aucune mise en demeure». La résolution lui fut acquise le 21 février 1958 tandis que la faillite fut prononcée le lendemain. Dans ce cas tout à fait marginal, le tribunal de commerce de Gand dut admettre que la résolution sortait ses pleins effets au profit du vendeur et contre la masse (12 juillet 1958, Pas., 1961, III, 22).

Dans un litige qui relève plus du droit des sociétés que de celui de la faillite, il fut rappelé que l'action en résolution d'une vente impayée se heurtait au concours des créanciers engendré dès la liquidation et cristallisé par la faillite ultérieure (comm. Bruges, 14 février 1961, et Gand, 27 novembre 1962, Rev. prat.' soc., 1963, p. 216 et 218; cass., 31 janvier 1964, ibid., 1964, p. 102).

3° Revendication d~t vendeur impayé.

On sait que dans le Code civil allemand (art. 929), le transfert de la propriété ne se réalise que par le transfert effectif des marchandises. Quand la chose entre-t-elle «en la puissance de l'acheteur» 1 Dès qu'elle l'est, la revendication de propriété est arrêtée. Le tribunal de commerce de Bruxelles, le 6 juin 1961 (Jur. cam. Brux., 1962, p. 188), appliquant le droit alle­mand, a estimé que l'appréhension par l'acheteur était réalisée quand l'expéditeur avait à suivre les instructions de l'acqué­reur. L'expéditeur possède alors pour compte de l'acheteur comme « Bezitzdiener ».

Par contre, la tradition à l'acheteur failli, en ce qui concerne des marchandises en gare, n'est effectuée normalement qu'au moment du dédouanement, selon un jugement du 9 juillet 1964 du tribunal de commerce de Verviers (Jur. Liège, 1964-1965, p. 21). Il est de principe, en effet, pour que la revendica­tion du vendeur impayé -reste possible, que la chose ne soit pas

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déjà entrée <<dans les magasins du failli» (FREDERICQ, t. VIII, no 491, 3o, et Handelsrecht, t. II, p. 805, 3°).

4o Majoration de facture.

Le .curateur peut répudier une clause de majoration inscrite sur la facture (comm. Saint-Nicolas, 13 juin 1961, R. W., 1962-1963, col. 508). La clause portait : «si le recouvrement doit être poursuivi par voie judiciaire, le montant de la facture sera majoré de 20 p. c. ». Outre l'objection de droit commun sur l'atteinte au droit de défense dans le libellé de la clause (voy. LIMPENS, Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 78), il faut dire que la production à la faillite n'est pas assimilable à un recou­vrement judiciaire poursuivi avant le début de la faillite.

5° Rétention par le façonnier.

Le façonnier jouit, par une extension jurisprudentielle du droit de rétention conféré au vendeur par l'article 1613, du droit de retenir les marchandises qù'il a travaillées. Ce droit lui fut reconnu par la cour de Gand, le 4 mai 1961 (R. W., 1961-1962, col. 842, et Rev. crit. jur. belge, 1963, p. 61, note PIERRE VAN ÜMMESLAGHE), pour des factures antérieures. Nous reviendrons sur cet arrêt (ci-après, XI, 6°).

X. - LES NULLITÉS DE LA PÉRIODE SUSPECTE.

1 o Le concept de « paiement » normal.

Le paiement est la prestation de la chose due. La chronique précédente (Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 143) avait commenté l'important arrêt de cassation prononcé le 4 décembre 1959. Un autre arrêt, du 15 février 1962 (Pas., 1962, I, 682), s'inscrit dans la même doctrine, en réponse à la question de savoir si le paiement en monnaie étrangère est un paie1nent normal. TI importe de vérifier s'il était ou non dans l'objet de la conven­tion, soit de manière explicite, soit par référence à l'usage.

2° Le cm·actère des «nullités» de la période suspecte.

Lors d'une faillite d'agent de change dans laquelle des dépo­sants revendiquaient des titres détournés et invoquaient les «nullités» de la période suspecte, la cour de Bruxelles, le 9 mai

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1962 (Rev. prat. soc., 1962, p. 265), rappelle que ces «nullités» n'étaient instituées que dans l'intérêt de la masse représentée par le curateur. Sur le droit exclusif du curateur de mettre en œuvre ces nullités : FREDERICQ, t. VII, n° 105; Rép. prat. dr. belge, vo Faillite et banqueroute, n°8 485, 574, 586 et suiv.; RIPERT, éd. 1960, n° 2727. L'impropriété du terme «nullités»; souvent proclamée par les auteurs, a entraîné un changement dans le nouveau texte français qui a consacré le terme« inopposa­bilités ».

3o Les paiements anormaux smts la forme de délégations.

Les délégations sont toujours au centre de l'attention des tribunaux, tant est vive, pour un futur failli, la tentation de payer un créancier avec une créance, sans faire entrer celle-ci dans l'actif commun ou sans mouler le transport dans une forme cambiaire. La parade du créancier avantagé consiste parfois à prétendre qu'il y eut un simple mandat de payer. Le test est de voir s'il y a identité de débiteur et non substitution comme dans la délégation, ce qui permettrait de conclure que le futur failli n'a pas distribué lui-même avant sa faillite une créance, élément de son actif. L'autre manière de rendre la délégation légitime est de prouver qu'elle est concomitante de l'opération de base. Voyons ces deux cas.

a) L'indication d'un solvens est licite : cass., 15 février 1962 (Pas., 1962, I, 682), et Liège, 18 décembre 1962 (Jur. Liège, 1963-1964, Somm., p. 302). Il n'y a pas de délégation lorsque la personne désignée au créancier pour effectuer le paiement n'est qu'un mandataire : sa personnalité ne se sépare pas de celle du mandant et l'on ne voit plus les t1·ois personnes à rôles liés dont la rencontre es.t inhérente à la délégatiOn. Le futur failli indique une main payeuse qui versera à sa pl-ace. Il y a deux pierres de touche qui indiqueront que l'on est bien en présence d'un simple solvens : l 0 il est révocable parce que le créancier payé ne participe pàs au jeu de ce paiement; 2° il ne s'engage en rien personnellement vis-à-vis du créancier alors que dans la délégation, le délégué contracte un engagement vis-à-vis du délégataire.

Encore faut-il que le mandat du solvens s'exécute avant le jugement déclaratif : un entrepreneur travaillait pour une

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commune et· il en était créancier. n lui donna l'ordre de payer un sous-traitant, installateur du chauffage, auquel l'entrepre­neur devait un montant certain. Le mandat donné le 29 mars, soumis aux lenteurs administratives, ne fut exécuté que le 22 juillet. La faillite, entretemps, avait été prononcée le 2 juil­let. Le paiement dut être rapporté à la masse (Bruxelles, 9 mars 1960, Pas., 1961, II, 151).

Ces cas seront, à vrai dire, toujours délicats, voire équi­-voques. Ainsi dans un arrêt de Gand du 4 février 1964 (R. W., 1963-1964, col. 1706, qui infirme le jugement du 13 décembre 1962 du tribunal de commerce de Courtrai, R. W., 1962-1963, col. 1595) : le 21 avril, le futur failli vend une voiture et au lieu d'en toucher le prix, charge l'acheteur de verser le montant à un créancier. Le jugement déclaratif est prononcé le 30 mai. Est-ce un pur mandat de payer 1 La cour de Gand, infirmant l'opinion du premier juge, y vit un transport de créance. Elle estima que le futur failli avait mobilisé et transféré une créance. Il nous a semblé que la doctrine de l'arrêt est trop absolue. En effet, pour écarter l'image d'un simple solvens, elle dit : «le solvens a employé son propre argent, le failli n'a jamais disposé directement et personnellement de cet argent soit en argent liquide, soit en disponible à vue». La èour de Gand ajo~te ici une condition pour l'existence du mandat de solvens qui ne requiert, croyons-nous, que les deux critères cités ci­dessus. Si la source matérielle des fonds utilisés par le solvens était le futur failli lui-même, le solvens se limiterait à une presta­tion de service de caisse.

b) Ce qui sauvera toujours la délégation, c'est la synchroni­sation entre le transport de créance et le marché conclu avecle délégataire par le délégant, futur failli. Si une garantie de ce type est fournie in contrahendo, elle fait corps avec l'opération fondamentale. C'est lorsqu'elle est procurée après coup que son anormalité se révèle.

Les factures peuvent trahir que les ventes eurent lieu avant la délégation et que celle-ci est venue soutenir une dette pré­existante du failli. C'est le cas qui se présenta devant la cour de Liège, le 8 novembre 1962 (R. W., 1962-1963, col. 997). Un entrepreneur avait délégué à un sous-traitant une tranche du prix qui était dû par son client. La convention de sous-entre-

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prise datait du 30 octobre. La délégation prit date au 22 décem­bre. La date de la cessation des paiements fut fixée au 26 décem­bre mais, comme il fallait y ajouter les dix jours supplémen­taires en cas de nullité de plein droit, elle remonta au 16 décem­bre. Le sous-traitant plaida que les travaux avaient eu lieu après la délégation du 22 décembre, c'est-à-dire que les travaux et la délégation étaient indivisibles. En fait, certaines mentions de facturés indiquaient que les fournitures dataient déjà de fin novembre et la délégation fut annulée comme étant une garantie subséquente. On consultera le jugement a quo de Ton­gres, rendu le 30 juin 1961, au R. W., 1961-1962, col. 585.

Que seule soit normale la délégation consentie en même temps que la négociation, l'une faisant corps avec l'autre, est donc le principe, mais, lorsque cette opération est opposée au curateur dans son indivisibilité, il faut que le transport ait une date certaine. Le curateur à son égard est un tiers et ne suit plus d'office la foi du futur failli. Non point qu'il méconnaisse l'intention des parties de souder la délégation et le marché, mais il ne peut se contenter d'un consentement des parties qui lui serait imparfaitement notifié.

Ainsi, dans un cas soumis au tribunal de commerce de Tour­nai le 26 février 1963 (Pas., 1963, III, 42), le failli et le four­nisseur fixent parmi les conditions de fourniture « le droit de régler par cession de créance». Cet écrit fut rédigé le 22 février 1961. Les factures vont s'échelonner de juin à octobre. La signification de cession de créance ne se fit que le 18 décembre, trois mois après le début de la période suspecte. Le curateur, comme tiers, ne connaît la cession qu'à dater de la signification, et la concomitance conventionnelle de février n'existe pas à ses yeux.

Un cas plus complexe fut tranché par le tribunal de commerce de Verviers, le 22 décembre 1960 (Jur. Liège, 1960-1961, p. 207). Une faillite est prononcée le 14 juillet et la période suspecte remonte au 4 janvier. Le créancier, un prêteur, a avancé l'ar­gent le 23 février. N'étant pas en état de payer à l'échéance, le débiteur lui cède la créance qu'il possédait à charge d'une autre firme. Le créancier délégataire émet une traite sur le délégué qui accepte. La particularité du cas se trouve dans le fait que ce n'est pas le délégant-failli qui ouvre le circuit cam­biaire en mobilisant sa créance à l'ordre de celui qui, dans le

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paiement envisagé, était bénéficiaire. Cette circonstance aurait moulé la délégation dans une forme cambiaire et l'eût fait échapper à la nullité de plein droit. Le paiement en effet de commerce est économiquement une délégation et si juridique­ment la loi des faillites l'a assimilé à un règlement en espèces, encore faut-il que les formes de la cession cambiaire soient suivies.

4o Autres cas de paiements anormaux.

Le tribunal de Charleroi a rejeté la restitution amiable au vendeur impayé. Cette remise rompt l'égalité entre les créan­ciers et détache, au profit de l'un d'eux, une fraction du patri­moine (19 juin 1962, Journ. trib., 1962, p. 638). Le curateur parlait de « dation en paiement » ; le jugement ne veut pas cette qualification parce que la résiliation amiable n'est pas un mode d'exécution. Sur l'emploi de la notion de dation en paiement, en ce domaine : FREDERIOQ, Handelsrecht, t. II, no 1591, b, in fine; Traité, t. VII, n° 121 ; cass. fr., 7 octobre 1941 : «rien n'empêche juridiquement qu'un acheteur se libère en restituant sous forme de dation en paiement la chose qu'il a achetée» (Sirey, 1944, p. 61). Le «dénouement» du contrat chasse-t~il l'idée d'un «paiement» 1 De longs développements doctrinaux pourraient y répondre. Si les parties entendent anéantir le contrat originaire, elles veulent, par là même, sup­primer l'obligation de paiement. En matière de faillite, il demeu­rera toujours que l'accord du vendeur et de l'acquéreur pour effacer ce qu'ils ont créé comme faisceau d'obligations réci­proques, conférerait au vendeur un avantage conventionnel et occulte. Cette manière de rétrécir un patrimoine obéré ne pourrait être toléré. Il nous est revenu que certains grossistes, craignant la faillite de leurs clients, reprenaient leurs marchan­dises de commun accord avec l'acquéreur et pour la raison fallacieuse d'une non-conformité à l'échantillon ou de défauts cachés. L'on met donc en avant l'inexécution des obligations du vendeur et la résolution amiable s'appuie alors sur une autre cause (cons. LoussoUARN, Rev. trim. dr. comm., 1949, p. 274; chronique précédente, PIRET, Rev. crit. jur. belge, 1957, p. 220; et cass. fr., 6 juillet 1964, Dalloz, 1964, p. 531).

Plus délicat encore était le problème soumis au tribunal de commerce de Bruxelles dans les circonstances suivantes : un

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ami, voulant faciliter l'achat d'un fonds de commerce, remet des titres en banque. La banque fait. l'avance et le prêteur se prémunit contre l'insolvabilité de l'acquéreur du fonds en prenant une option sur celui-ci. En période ·suspecte, il lève l'option. Le curateur plaide la dation en paiement : le prêteur, créancier d'argent, a été payé autrement et en nature, tombant ainsi dans la nullité de plein droit de l'article 445 (29 janvier 1963, Jur. com. Brux., 1963, p. 297). Le tribunal releva que les parties s'étaient écartées par la suite d'une ·simple option d'achat pour substituer à celle-ci un gage slir marchandises. Ce qui pouvait être dation en paiement s'était dénaturé en un nantissement. Le tribunal de commerce de Liège, le 8 mai 1964, a dit que lorsque le futur failli procède en période suspecte à des travaux dont les prestations de'vaient servir de paiement, il accomplit un acte nul aux termes de l'article 445 (Jur. Liège, 1964-1965, p. 104).

Certains retours au statu quo ante ne sont pas atteints par la nullité de l'article 445. Telle cas d'une restitution pure et sim­ple au prêteur parce que la condition sine qua non du prêt, une affectation hypothécaire de premier rang, n'avait pu être remplie. Les fonds n'avaient pas quitté l'étude du notaire et le failli n'eut jamais le droit d'exiger les fonds puisque ceux-ci n'étaient promis que sous une condition qui ne vit jamais le jour (comm. Bruxelles, Il octobre 1962, Jur. com. Brux., 1963, p. 217, et Rev. prat not., 1964, p. 380). Le notaire avait l'obliga­tion alternative de remettre la somme à l'emprunteur après condition réalisée ou de la restituer au prêteur si la condition était à considérer comme irréalisable (FREDERICQ, t. VII, n° 96, et 1-landelsrecht, t. II, n° 1571). Comme ayant cause du failli, le curateur est, ici, soumis à la condition suspensive du prêt. La restitution ne pèse donc pas sur l'actif saisi.

La nullité de tout nantissement subséquent, intervenu en période suspecte, a été réaffirmée dans le jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 29 janvier 1963 commenté ci­dessus et dans une décision du tribunal de commerce de Gand du 5 avril 1962 (R. W., 1961-1962, col. 2021). Dans ce deuxième cas, la mise en gage d'actions nominatives avait été réalisée en période suspecte, mais elle découlait d'une convention plus ancienne qui la promettait. Cette circonstance n'est pas suffi­sante, puisque le gage, contrat réel, n'existe pas sans la remise

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effective de ce qui forme la garantie (FREDERICQ, t. VII, n° 127, p~ 243, et Handelsrecht, t. II, n° 1596, p. 522).

Pour le paiement normal d'une dette échue, la nullité facul­tative de l'article 446 suppose que l'opération fut préjudiciable à la masse et que le créancier payé eut connaissance de la cessa­tion des paiements (Bruxelles, 1er mars 1960, Pas., 1960, II, 244).

5° Les nullités en matière hypothécaire.

En l'absence de fraude, le retard de· plus de quinze jours dans l'inscription d'une hypothèque échappe à la nullité facul­tative (comm. Verviers, · 26 octobre 1963, Jur. Liège, 1963-1964, p. 124).

L'hypothèque légale du Trésor qui a été inscrite le 7 mai 1963, le cinquième mois de la période suspecte, alors que l'exé­cutoire remontait à 1954, est annulable pour tardiveté d'in­scription. Il n'y a aucune raison, dit un jugement du tribunal de commerce d'Anvers du 30 octobre 1963 (R. W., 1963-1964, col. 1076), que la nullité facultative n'atteigne pas cette hypo­thèque. Le but de l'article 447 est précisément de pénaliser le créancier hypothécaire qui en reculant la publicité de sa garantie, ménage au futur failli un crédit immobilier qui est illusoire. Il y a un précédent dans l'arrêt de Bruxelles du 30 juin 1958, Pas., 1959, II, 150. Citons aussi le cas curieux d'une hypo­thèque qui protégeait une créance de jeu et qui fut déclarée

~. inopposable à la masse (cass. fr., 12 mai 1963, Dalloz, 1963,

1 p. 500). ~· .

XI. - LE JEU DES PRIVILÈGES.

1° Privilèges ignorés ou controversés.

Les sommes recueillies par le curateur de l'associé d'une société momentanée font partie de la masse, à défaut de person­nification juridique de pareille société. Le curateur a simple­ment à faire le compte des coassociés mais ceux-ci ne jouissent d'aucune cause de préférence (cass., 30 mars 1962, Pas., 1962, I, 842, cité ci-dessus, V, 2°).

Le tribunal de Termonde, dans un jugement du 22 février 1964, frappé d'appel (Journ. trib., 1964, p. 298 et la note JEAN EECKHOUT), a estimé que la loi du 3 janvier 1958 n'avait d'autre

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.:fin que de permettre aux créanciers des entrepreneurs de tra-' vaux pour l'Etat de saisir les soldes encore dus à ces entrepre:. neurs après l'agréation des travaux. Cette loi ne leur confère aucun privilège. Une jurisprudence différente se dégage du juge­ment de Hasselt du 13 avril 1960 (Jur. Liège, 1960-1961, p. 16.5). - Le privilège est une faveur de la loi lors d·'un concours entre créances. Cette faveur doit découler de la loi belge. Ainsi, dahs une faillite ouverte à Namur, l'on ne peut reconnaître le pri­vilège qui existe en droit français pour les fournitures des mar­.chands de carburant (comm. Namur, 20 avril 1964, Jur. Liège, 1964-1965, p .. 22).

Le tribunaL de Huy, en un premier jugement,. du .28 novem:­bre 1961 (Journ. trib., 1962, p. 390), avait dit que l'indemnité de préavis due à un employé n'était pas dotée d'un privilège parce qu'elle ne pouvait le puiser· à. l'article 545, mais, en ·ul'l. jugement ultérieur, du 27 mars 1962. (Journ. trib., 1962, p. 303, et Jur. Liège, 1962-1963, p. 5.), il avait accepté. le privilège sur le pied de l'article 19, 4°, de la loi hypothécaire. Cons. cass.; 14 mai 1954, Pas., 1954, I, 786 et l'avis de M. le procureur général Hayoit ·de Termicourt. Voy.· aussi le jugement du Jer juillet 1960 du tribunal de commerce de Bruxèlles (Jur~

com. Brux., 1960, p. 332) au sujet de la rémunération de l'em­ployé remontant à plus de six mois avant la faillite (F:&EDERICQ:, Handelsrecht, t. II, n° 1826; CoLENS, L.e contrat ·d'emploi, 2e éd., 1962, no 141).

2° .Arrêt du cours des intérêts ·pour les privilèges· générq,ux,.

La jurisprudence amorcée par le jugement. d'Alost que nous avions mis en relief dans notre précédentè chronique (Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 148) s'est confirmée et les intérêts des créances privilégiées sur l'ensemble 'des meubles sont arrêtés ·à compter du jugement déclaratif. L'article 451 leur est donc ·applicable (Gand, 3 février 1962, R. W., 1962-1963, col. 1486; ·Gand, 25 mai 1963, Pas., 1964, II, 89). Cons. FREDERICQ, Hande,lsrecht, t. II, n° 1631, et l'article 4 de la loi du 14 juil-1et 1961.

··. 3° Privilèges fiscaux.

Un arrêt de la cour de Liège a ·rappelé que ·le Trésor peut saisir et faire· vendre les biens du .failli malgré le dessaisisse-

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ment, sauf à en répartir le produit en respectant le tableau des autres privilèges (20 avril 1959, Jur. Liège, 1961-1962, p. 257). La note qui accompagne la publication de l'arrêt met en lumière que cette pratique. serait nuisible aux intérêts des créanciers, car le curateur est un vendeur plus judicieux et mieux armé. Sur le droit d'agir par la voie de «contrainte» dans le chef de l'Administration : Rép. prat. dr. belge, v° Fail­lite et banqueroute, n° 1814; LYON-CAEN et RENAULT, .t. VII, n° 555bis. Citons aussi la circulaire du 10 mai 1938 : _<ç Bien que ces prescriptions de l'article 452 de la loi sur les faillites .... ne soient applicables qu'aux créances chirographaires, les receveurs ne recourront à des voies d'exécution pour parvenir au recouvre­ment des créances privilégiées qu'en cas de nécessité».

La cour de cassation, le 9 juin 196_1 (Pas., -1961, I, 1102), a examiné le concours entre la créance de l'O.N.S.S. et la créance d'impôts directs sur le prix de vente d'un immeuble. Cet arrêt. a été commenté par M. RENÉ DE RYKE, à la Revue critiqu~ de jur. belge, 1962, p. 188.

Le privilège accordé aux agents en douane pour le recouvre­ment des droits qu'ils ont payés à l'Etat, à la décharge de l'im .. -portateur, lors du dédouanèment, doit être exercé dans les six mois qui suivent le paiement, . a . dit le tribunal de commerée de Verviers le 7 juin 1962 (Jur. Liège, 1962-1963, p. 53). En l'espèce, l'agent en douane avait laissé s'écouler le délai de six mois et le curateur lui opposa la déchéance. Il prétendait aussi bénéficier du privilège pour recouvrer des droits versés à l'Etat allemand ma:.Ïs, sur ce point, il n'y avait aucun pri~ vilège : FREDERICQ, t. VII, p. 574, et Handelsrecht, t. II, n° 1835, p. 731 ; DE PAGE, t. VII, n° 122.

4° Frais de conservation de la chose et frais de justice.

Des actionnaires, en raison d'une mésentente grave, obtiennent la désignation d'un séquestre qui, en fait, va gérer la société comme les administrateurs l'auraient fait. La faillite de la société survient peu après et il se pose la question de savoir si les honoraires du séquestre bénéficieront d'un privilège parce qu'ils ont eu pour objet la conservation ou la liquidation du gage commun des créanciers, condition de leur accès au rang de frais privilégiés (DE PAGE, t. VII, no 35; FREDERICQ, t. VII;· n° 369, p. 559, et Handelsrecht, t. II, n° 1821 ; Rép. prat. dr~

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belge, v° Faillite et banqueroute, n° 1250). Appliquant ce prin­cipe, le tribunal de commerce de Bruxelles, le 18 février 1963 (Jur. com. Brux., 1964, p. 26), analyse l'utilité des prestations du séquestre œtt regard des créanciers. Il conclut que la mesure n'a été qu'une sauvegarde pour les seuls actionnaires et il refuse d'en privilégier les frais.

La notion de <<conservation » n'inclut pas les travaux d'amé­lioration (FREDERICQ, t. VII, n° 396, p. 580, et Handelsrecht, t. II, n° 1843; DE PAGE, t. VII, no 198, 2, a et b). Ce qui fut fait pour que ne pérît pas la chose est privilégié ; ce que l'on apporta pour qu'elle eût plus-value n'est pas privilégié à ce titre « de frais de conservation ». Les tribunaux ont eu l'occa­sion d'appliquer cette idée.

Le Journal des tribunaux de 1961 a publié avec une note d'E. BEYENS le jugement du tribunal de commerce de Tournai du 7 avril 1959 (p. 260) dont l'arrêt d'appel, publié en 1960, a été commenté à la précédente chronique (Bruxelles, 26 janvier 1960, Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 150).

Le rempl.acement d'un moteur n'est pas une dépense conser­vatoire comme le sont l'équilibrage des roues et le graissage (comm. Verviers, 19 janvier 1961, Jur. Liège, 1960-1961, p. 215). C'est la notion de «conservation en état de marche>>, notion moins statique que celle dè simple sauvegarde, qui inspire aussi le jugement du 11 mai 1963 du même tribunal (Jur. Liège, 1963-1964, p. 118), selon lequel le privilège recouvre «tous les travaux tendant à obvier à ce que le véhicule cesse de remplir son but>>.

Le privilège se perd si le failli n'a plus la possession de la chose (DE PAGE, t. VII, no 205 : « si la chose conservée cesse de faire partie du gage qu'offre le débiteur>>), principe que le même tribunal, en un jugement du 1er mars 1962 (Jur. Liège, 1961-1962, p. 238), opposa à un garagiste qui avait travaillé à plusieurs camions dont certains ne se retrouvaient plus dans l'actif.

Les honoraires d'avocat ·participent de la nature d'impenses conservatoires lorsqu'ils rémunèrent le recouvrement d'une créance d'indemnité (comm. Anvers, 2 décembre 1959, Journ. trib., 1961, p. 335 et la note très complète de M. FRANÇOIS YAN DER MENSBRUGGHE). Un arrêt français de la cour de cassa-

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tion du 20 octobre 1959 (ibid., p. 328) met en avant l'idée que l'exercice du droit de défense est d'ordre moral et échappe au dessaisissement, avec l'effet que l'avocat aura des honoraires «prélevés» sur l'actif. Le tribunal civil de Mons, le 5 septem­bre 1962 (Journ. trib., 1963, p. 751) a également protégé la créance d'honoraires au titre de frais conservatoires.

5° Privilège du bailleur.

En principe, le privilège du bailleur s'étend à tous les objets qui garnissent les lieux loués, même s'ils appartiennent à un tiers, sauf toutefois si le bailleur le savait au moment où ces objets furent introduits dans les lieux. Cette connaissance peut découler de présomptions et particulièrement des usages notoires suivis dans le commerce exercé par le locataire. Sur ce dernier point, le tribunal civil de Liège, le 6 janvier 1961 (Journ . .trib., 1961, p. 353, note), a rendu un jugement important. Il a ordonné la levée de la saisie-gagerie que le bailleur avait pratiquée sur des appareils électroménagers qui se trouvaient en consigna­tion dans le m.agasin du failli. Voy. sur ce point : DE PAGE, t. VII, n° 157, 2°; PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, 2e éd., t. XII, no 159.

Plus surprenante était la prétention d'un bailleur qui voulait asseoir son privilège sur des éléments incorporels localisés dans l'immeuble loué (Gand, 30 juin 1964, R. W., 1964-1965, coL 671). Que les éléments corporels soient .seuls saisis par le privilège est de doctrine constante : DE PAGE, t. VII, n° 153, B, b; PLA­NIOL et RIPERT, .t. XII, n° 156, in fine. Est-ce possible qu'une chose incorporelle « garnisse » les lieux loués~ En l'espèce, le bailleur voulait atteindre la valeur d'achalandage d'un fonds de commerce à usage de cinéma qui avait été vendu. Lorsqu'ils examinent le concours entre le privilège du bailleur et celui du gagiste sur fonds de commerce, les auteurs ne citent que le mobilier, l'outillage et les marchandises comme objets sur lesquels il y a confluence.

6° Privilège du créancier gagiste.

La cour de Gand, le 4 mai 1961, a tranché le cas d'un gage flottant (R. W., 1961-1962, col. 841). Depuis longtemps, un tissage expédiait ses tissus à une teinturerie qui les travaillait et les lui retournait teints et apprêtés. Il s'était créé ainsi un

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va-;et-vient de marchandises. Le tissage payait par montants arrondis. Quand le tissage ton1ba en faillite, se posa la question du gage tacite se trouvant, sous la forme de tissus envoyés à façon, entre.les mains du teinturier-apprêteur. Pour les tissus non encore façonnés il n'y avait pas debitum cum re junctum. La cour admit l'unité d'un contrat permanent qui s'articulait sur un gage in1plicite, contrairement aux curateurs qui, décom­posant la série des envois, plaidaient la nullité de tout nan­tissement subséquent aux créances. L'unicité d'un contrat permanent s'appuyait sur une clause des conditions générales de l'Union des apprêteurs. Le caractère exceptionnel de la subrogation réelle dans le gage se trouve à la fois proclamé et admis dans cet important arrêt. Sa publication est accom­pagnée de l'avis· conforme de M. l'avocat général J. Matthys. n.est certain que si, suivant la. convention des parties, le droit de gage passe aux marchandises substituées, les circonstances devront toujours être scrutées, car· les éléments du dossier peuvent indiquer que le gage ne date que de la remise (PLANIOL et RIPERT, Traité pratique, 2e éd., t. XII, n° 89; WAHL, Précis, n<> 1374.; DE PAGE, t. VI, n° 1036). Il faut vérifier si la posses­sion du gagiste est continue et s'il y a une fongibilité dans. le contenu du gage. · La dépossession du débiteur est de l'essence du gage. La pos­session du gagiste· doit être ·«·effective, publique, exclusive et dépourvue d'équivoque», a redit la cour de Bruxelles le 17 jan­vier 1962 (Pas., 1963, II, 185). Dans cette espèce, les marchan­dises remises en gage étaient restées sur place chez le failli dans un dépôt dont le débiteur avait une clé. Ce dernier y avait puisé, circonstance qui non seulement avait réduit la consis­tance· du gage mais qui avait permis au juge de disqualifier le nantissement. Un cas semblable se présenta au tribunal de commerce de Verviers le 4 octobre 1962 (Jur. Liège, 1962-1963, p; 223). La clause selon laquelle «les produits se trouvant dans l'usine, quelle que soit leur situation, sont la propriété du créan­cier» ne réalise aucune investiture matérielle du créancier. La promesse de gage serait pareillement sans portée sur le privi­lège.

Le tribunal d'Ypres, le 17 octobre 1962 (R. W., 1962-1963, col. 2063}, trancha le concours entre le privilège du détenteur de gage et celui· du commissionnaire.

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Sur le gage constitué a non domino dans la faillite d'un agent Q,e change qui avait placé les titres de ses clients en report et en gage, voy. l'arrêt déjà commenté de Bruxelles du 9 mai 1962 (Rev. prat. soc., 1962, p. 265 et la note IV). ·

7° Privilège du créancier gagiste sur fonds de commerce .

. Les immeubles par destination forment un confluent où se croisent les droits du créancier hypothécaire et ceux du créan­cier gagiste sur fonds de commerce. Ce conflit a été rencontré dans trois espèces : comm. Anvers, 13 juin 1962 (Rev. Banque, 1963, p. 221), .Liège, 4 juin 1963 (Jur. Liège, 1963-1964, p. 2), et comm. Verviers, 26 octobre 1963 (Jur. Liège,· 1963-1964, :P~ 124). Le problème a fait l'objet d'une étude par M. JACQUES

HEENEN à la Revue critique de jurisprudence belge, 1964, p. 21.

8° Privilège du fournisseur de machines.

Les formalités de l'article 546 sont d'ordre public et le cura­teur ne peut tolérer une dérogation (Bruxelles, 10 février 1960, Pas., 1960, II, 272). Le privilège du fournisseur de machines cède le pas à celui du bailleur (comm. Bruxelles, 19 décembre 1960, Jur. com. Brux., 1961. p. 17). ·

Peut-il protéger le fournisseur du chauffage dans un immeuble à appar.tements1 Non, s'il ne s'agit pas d'un équipement pro­fessionnel et ne constitue qu'une commodité (comm. Namur, 21 mars 1963, Jur. Liège, 1962-1963, p. 301). Sauvegarde-t-il la facture d'un vendeur d'auto 1 La voiture destinée au com­merce du failli fait seule partie de son · « équipement profes­sionnel>> : comm. Verviers, 24 octobre 1963 (Jur. Liège, 1963.;. 1964, p .. 150) et Gand, 26 novembre 1963 (R. W., 1964-1965, col. 530). Dans ce dernier a1Têt, la cour écarta la clause selon laquelle la voiture achetée était destinée à des fins commer­ciales. Un arrêt du 23 juin 1964 de Bruxelles (R. W., 1964-1965, col. 535), sur la base de considérations propres au litige; accepta le jeu du privilège parce que l'auto était nécessaire pour l'accomplissement de l'objet statutaire de la société qui; avant sa faillite, l'avait acquise. Le curateur affirmait que l'auto n'avait été achetée au nom de la société que pour des facilités fiscales.

Le privilège se reporte sur le prix de revente si le sous-acqué­reur n'a pas encore payé ou s'il paie au curateur (Bruxelles;

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24 janvier 1964, R. W., 1963-1964, col. 1511). Il est attaché à la nature de la créance et non à la personne du fournisseur· : aussi passe-t-il au financeur, cessionnaire de la créance (Liège, 21 mars 1964, Journ. trib., 1964, p. 544).

go ·Privilège du commissionnaire-expéditeur.

La cour de Bruxelles, statuant sur renvoi après l'arrêt de cassation du 4 septembre 1958 (voy. chronique précédente, Rev. ·crit. jur. belge, 1961, p. 154), a dit que le privilège dont bénéficie le commissionnaire-expéditeur - celui qui s'engage à faire transporter par un tiers les marchandises de son com­mettant - s'étend à des dépenses qui n'ont aucun rapport avec les marchandises en sa possession, assiette du privilège (BrUxelles, 1er mars 1960, Pas., 1960, II, 244).

XII. - LE SORT DES CAUTIONS.

Lorsque le curateur a devant lui, pour recouvrer une indem­nité- délictuelle, plusieurs débiteurs solidaires parmi lesquels se trouve le failli lui-même, le droit commun voudrait que le tiers codébiteur qui a payé toute la dette exerce un recours ·contre le failli pour la part contributoire de ce dernier (art. 1214). En cas de faillite, est-il toutefois exclu que le solvens réclame cette part à la masse? En d'autres mots, la masse ne pourrait être à 'là fois créancière d'une indemnité délictuelle et débitrice, par contribution, de la part que le failli doit au solvens (Gand, 12 février -1958,- Journ. trib., 1961, p. 257). L'indemnité tendait à réparer d'importants détournements par -le failli et ses com­plices. :En l'espèce, aucun pourvoi ne présenta à la cour de cassation la question du recours contre la masse d'un codébiteur qui paya la totalité d'une dette divisée entre le failli et lui dans les rapports internes de la solidarité (FREDERICQ, t. -VII, no 337). « Le recours est recevable contre les coauteurs d'un fait délic­tueux, même en matière pénale», estiment PLANIOL et RrPERT, Traité pratique, 2e éd., t. VII, n° 1093.

La cour de Liège a rendu deux arrêts importants dans le même domaine du recours d'un solvens.

Le créancier de coobligés peut produire au passif de l'un.d'eux tombé en faillite et en outre poursuivre les autres codébiteurs.

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Que devient le recours d'un coobligé1 Le principe demeure que la même créance ne peut être produite qu'une fois au passif de la faillite afin qu'elle n'engendre qu'un dividende. La même obligation ne peut donc être produite simultanément par le créancier du failli et par la caution qui a payé cette dette. On prohibe le concours double et simultané. On ne prohibe pas la subrogation lorsque la caution qui a désintéressé le créancier non produisant entre dans les droits de celui-ci et qu'ainsi la masse ne contribue pas deux fois pour une dette unique.

Des coobligés, comme cautions solidaires, désintéressent inté­gralement un créancier impayé par le failli. Ils sont subrogés dans les droits de ce créancier et percevront les sommes qui lui fussent revenues s'il avait produit (Liège, 18 juin 1963, Pas., 1963, II, 207, et Jur. Liège, 1963-1964, p. 25 ~t 161). Une juris­prudence semblable se dégage de l'arrêt de la même cour rendu le 16 janvier 1964 (Jur. Liège, 1963-1964, p. 193) : une société de crédit artisanal prête un capital au futur failli. Le solde dû est remboursé par une caution solidaire. Cette dernière est subrogée dans les droits d.u prêteur qu'elle a indemnisé. Il n'y a aucun<< :concours» entre le .créancier et la caution et le régime des articles 537 à 540 n'est pas d'application.

XIII. - REVENDIOATIONS PAR L'ÉPOUSE DU FAILLI.

L'épouse du failli possédait un appartement comme bien propre. Le curateur exigeait qu'elle n'en fît la reprise qu'après avoir versé à la masse le solde des dettes hypothécaires qui le grevaient. La cour de Gand, en son arrêt du 30 juin 1961 (R. W., 1961-1962, col. 1810), rejeta· cette exigence et rappela au cura­teur l'existence de l'article 556 selon lequel la reprise est grevée de son passif ·propre.

La sévérité de la présomption mucierine s'est manifestée dans le jugement du 13 mai 1963 du tribunal de commerce de Bruxelles (Jur .. com. Brux., 1963, p.: 292). L'épouse d'un agent de change failli prétendait qu'un bien immobilier lui était propre pour avoir été acquis au moyen de biens réservés issus d'une longue -vie professionnelle. L'acte <l'acquisition n'énonçait pas, comme le veut l'article 226septies, § 5, du Code civil, que« l'acqui­E;ition a été faite par elle à J'aide de biens réservés et pour en

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tenir lieu». Le tribunal releva que le failli avait comparu seul et considéra avec scepticisme l'argument selon lequel l'épouse_ aurait conservé, de longue date, tous ses revenus- sans en avoir rien détaché pour ses besoins personnels.

La. même rigueur caractérise le droit français, malgré les critiques de la doctrine : Montpellier; 20 mars 1963, Dalloz, 1963, Somm., p. 79, et cass., 4 février 1964, ibid., 1964, Somm., p. 95. Dans ce dernier cas, l'acte d'acquisition ne faisait pas état d'un paiement du prix par l'épouse, mais il était établi que les remboursements_ hypothécaires avaient été opérés par elle.

XIV. - CLÔTURE ET RÉHABILITATION.

La faillite prend fin -par la reddition de comptes du curateur et nullement par le jùgement qui prononce la clôture (Gand; 27 mars 1961, Journ. trib., l961, p. ·329, et, R. W~, 1961-1962, col. 328, avec avis de M. l'avocat général Matthys). · Le juge­ment de clôture est une formalité de décharge du mandat judi­ciaire (FREDERICQ, t. VII, n° 330 ; Rép. prat. dr. belge, v° Fail­lite et banqueroute, n° 2455; contra : DEPERRE, n°. 740).

Il n'existe aucun texte qui règle expressément le concordat par abandon d'actif comme mode de solution de la faillite (FREDERICQ, t. VII, p. 443). _Le failli ne recouvre ses droits qu'au sujet des biens non abandonnés: L'arrêt de cassation du 2 février 1961 (Pas., 1961, I, 592)_ a tiré un effet assez excep­tionnel de l'hypothèque légale que le _curateur doit prendre sur les immeubles du failli : elle marque que le curateur a com­pris tel immeuble dans son acti[ L_es liquidateurs nommés pour réa.liser le concordat par abandon d'actif pourront donc repousser l'acheteur de cet immeuble qu~ s'oppose à la réalisa­tion en raison de ce que la faillite a pris fin. L'acte de vente avait été transcrit après la faillite.

XV. -LE CONCORDAT JUDICIAIRE.

1° Causes d'exclusion et de nullité.

Une comptabilité insuffisante et.- des prélèvements personnels exagérés sont des faits qui chassent la condition de bonne foi (co1n1n. Verviers, 20 janvier 1962, J~tr. Liège, 1961-1962, p. 255).

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Un commerçant dont le fonds de roulement est dégarni depuis le début de son installation, se place immédiatement sous la dépendance de ses créanciers et ne peut plus plaider qu'il est 1nalheureu:x; et de bonne foi (comm. Verviers, 28 juin 1962, Ju,r. Liège, 1962-1963, p. 59). La faiblesse du capital social est une faute initiale qui conduit à l'utilisation défectueuse du. crédit (comm. Verviers, 2 février 1963, Jur. Liège, 1962-1963, p. 262). Il ne faut pas un dol caractérisé à l'encontre des créan­ciers et le manque de capitaux est une faute lourde (Liège, 3 avril 1962, Jur. Liège, 1962-1963, p. 97).

Le concordat voté à la double majorité par des créanciers qui ignoraient l'existence de poursuites pour banqueroute ·est nul et l'homologation en est impossible (comm. Verviers, 12 dé­cembre 1963, Jur. Liège, 1963-1964, p. 175). On sait qu'il pour­rait valoir comme l'octroi d'un sursis (FREDERICQ, t. VII, no 273; Rép. prat. dr. be'lge, v° Faillite et banqueroute, no 1996).

Malgré les deux majorités, le tribunal peut refuser d'homo­loguer le concordat voté si la gestion du commerçant a été déplorable, si la situation à redresser est embrouillée et si les propositions concordataires. manquent de netteté (Liège, 13 no-. vembre 1964, Jur. Liège, 1964-1965, p. 82). Ne mérite pas le concordat le commerçant qui a créé de la confusion entre· son propre registre de commerce et celui d'une société de personnes' à responsabilité limitée qui fonctionnait sous la même enseigne, d'autant plus qu'il avait un passé d'entreprises malheureu~es. et qu'il était écrasé par la charge d'emprunts excessifs. (Bru­xelles, 28 novembre 1962, R. W., 1962-1963, col. 1537).

Les demandes de concordat judiciaire sont soumises à des conditions de · forme qui sont strictes : dépôt d'une requête avec l'exposé des événements, état estimatif de l'actif, liste nominative des créanciers et précisions sur les propositions concordataires. Sans le respect de ces conditions, le tribunal est fondé à déclarer une faillite d'office (comm. Liège, 13 octo­bre 1964, Jur. Liège, 1964-1965, p. 61).

Lorsque le gérant d'une société de personnes à responsabilité limitée est décédé, c'est l'assemblée générale qui doit présenter les propositions concordataires au nom de la société. L'associé failli décédé est représenté à l'assemblée par son curateur et non par ses héritiers (comm. Verviers, 21 décembre 1963, Jur.

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Liège, 1963-1964, p. 188, et Liège, 13 novembre 1964, Jur~

Liège, 1964-1965, p. 81). L'exercice du droit de vote par le curateur est la conséquence du dessaisissement. Sur la qualité de l'organe social habile à arrêter les propositions concorda­taires, on consultera FREDERICQ, t. VIII, n° 587, et Rép. prat. dr. belge, vo Faillite et banqueroute, n°8 2001 à 2007.

2o Concordat par abandon d'actif.

Le créancier qui veut être admis à la répartition doit assigner­le liquidateur, mais il doit aussi mettre à la cause le concorda­taire lui-même, puisque celui-ci reste propriétaire des biens abandonnés jusqu'à leur réalisation (Bruxelles, 14 février 1960, Pas., 1962, II, 158, et Rec. gén. enreg., 1963, p. 23). Voy. FRE­

DERICQ, t. V~II, p. 1016,, et PIRET, Droit au prix, p. 54 . . Le liquidateur ·est le détenteur provisoire du prix de l'actif vendu (même arrêt).

30 Régime juridique du concordat judiciaire.

Le paiement est une «aliénation» au· sens de l'article Il et il doit donc être autorisé par le juge délégué (cass., 14 septem­bre 1961, Pas., 1962, I, 68, Jur. Liège, ·1961-1962, p. 17, et R. W., 1962-1963, col. 263). La cour de Liège s'était prononcée en sens opposé dans l'arrêt du 20 janvier 1960 (chronique pré­èédente, .Rev. crit. jur. belge, 1961, p. 161). Un concours est né dès le dépôt de la requête en concordat judiciaire et la solution égalitaire .exige que tout ce qui est translatif soit autorisé. On lira les observations de M. J. HEENEN, à la Revue de la Banque, 1961, p.' 792, et FREDERICQ, Handelsrecht, t. II, p. 916. · La cour de Liège, le 12 avril 1962. (Rec. gén. enreg., 1963,

p: 12, note lVI. DoNNAY), a déclaré que l'hypothèque légale du Trésor (impôts sur les revenus), inscrite après l'homologation du concordat judiciaire, est inopposable à la masse. C'est au moment du concours que se cristallisent les droits respectifs des créanciers entre eux.

Les créanciers du concordat qui ont reçu des dividendes àvant l'annulation du concordat les conservent (art. 39; FRE­

DERICQ, t. VIII, p. 1009, et Handelsrecht, t. II, p. 1010), mais il arrive que ces dividendes soient sur le point d'être versés lorsque surgit la faillite, car ils se trouvent. entre les mains du commissaire surveillant qui va les répartir aux différents créan-

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·ciers. Le commissaire surveillant doit-il les répartir ou, au contraire, les remettre au curateur 1 La cour de Liège a estimé ,que le paiement n'est pas consommé, que les fonds n'ont pas quitté le patrimoine du débiteur et sont gelés par le dessaisisse­ment. Le curateur videra donc les mains du commissaire sur­veillant (Liège, 19 janvier 1961, Jur. Liège, 1960-1961, p. 145). Ecartant cette jurisprudence, le tribunal de commerce de Liège, le 22 mars 1963 (Jur. Liège, 1962-1963, p. 268), a jugé que, si le commissaire surveillant a déjà payé certains créanciers et qu'il a mis en réserve la part des autres, il « devient » le gérant des créanciers. On peut en effet soutenir qu'à ce stade il ne fait plus qu'achever le paiement après un encaissement définitif par les créanciers déjà servis.

La résolution judiciaire du concordat n'entraîne pas auto­matiquement la mise en faillite. Lorsque le débiteur a été empêché d'exécuter son concordat en raison de circonstances spéciales (affaire congolaise), il peut être recevable à faire de nou­velles propositions concordataires (comm. Bruxelles, 26 janvier 1961, J1.tr._ com. Brux., 1961, p. 88). Ce jugement s'inscrit dans 1a tendance que la chronique précédente avait signalée (Rev. cr-it. jur. belge, 1961, p. 162; FREDERICQ, Handelsrecht, t. II, p. 1006).

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