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ÉTUDE DE CAS : POURQUOI LA RUSSIE VEUT REDEVENIR UNE PUISSANCE
MARITIME ?
Depuis son arrivée au pouvoir à l’orée du XXIe siècle, V. Poutine entend
redonner à la Russie la place primordiale dans la géopolitique mondiale que l’URSS
(dont elle est l’héritière) avait acquise au cours de la guerre froide (1947-1991).
À cette époque la marine de guerre soviétique impressionnait par le nombre de
ses bâtiments. Depuis, la flotte russe peine à retrouver cette dimension mais
privilégie la capacité de projection hors des eaux territoriales comme l’a
démontré la commande des navires de type Mistral aux chantiers français de
Saint-Nazaire.
Une étude de cas centrée sur les nouvelles ambitions maritimes de la
Russie peut être une entrée en matière intéressante pour faire comprendre aux
élèves de Terminale les enjeux que soulève le chapitre sur les espaces maritimes
et la mondialisation. En effet, l’actualité récente illustre les ambitions russes (de
la crise de Crimée à l’implication dans le conflit syrien pour conserver la base
navale de Tartous). C’est également l’occasion de (re)venir sur l’immensité du
littoral arctique russe dont les potentialités ainsi que les enjeux
environnementaux ont pu être abordés par les élèves en classe de seconde (cf.
Les mondes arctiques « une nouvelle frontière » sur la planète). À travers cette
étude, les élèves verront que la notion de puissance est indissociable d’une
présence militaire sur les mers du monde, d’un contrôle des routes maritimes qui
longent les littoraux d’un État et enfin de la nécessaire appropriation des
espaces maritimes de la Z.E.E, riches en ressources énergétiques et naturelles.
Cette étude s’inscrit donc dans le programme de géographie des Terminales L-
ES-S, et plus précisément :
THÈME 2 : LES DYNAMIQUES DE LA MONDIALISATION
Chapitre III : les territoires de la mondialisation
C. Les espaces maritimes : approche géostratégique
L’étude de cas peut soit introduire cette sous –partie du chapitre soit constituer
un travail dans le cadre de l’heure d’accompagnement personnalisé pour les
classes de Terminale L-ES.
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À partir de faits d’actualité et d’une série de documents puisés dans le manuel ou
transmis via l’ENT, les élèves doivent répondre à trois questions pour préparer la
séance :
1. Tout d’abord, cherchez deux faits de l’année 2014 qui mettent en évidence
les ambitions maritimes et navales de la Russie, les présenter en justifiant
leur choix. Le document 1 peut vous guider.
On attend tout d’abord des élèves qu’il relève la question de la non-livraison des
navires de type Mistral à l’automne 2014 et saisissent l’enjeu qui entoure ce type
de bâtiment (BPC). Il s’agit de faire comprendre l’importance pour une puissance
de la capacité de projection à partir de la mer vers le continent, mais aussi
d’être présent sur toutes les mers du monde. Certains élèves auront pu établir
un lien entre le nom de baptême envisagé de ces navires et les principales bases
navales russes.
Le second fait attendu est l’occupation manu militari de la Crimée en mars 2014.
Ils chercheront à rappeler l’histoire de ce territoire, sa situation ambigüe à
partir de 1991. Ils repèreront le statut et le rôle de la base navale de
Sébastopol et la préoccupation de la Russie d’être présente en mer Noire, seul
passage possible vers la Méditerranée via les détroits turcs.
Le professeur pourra alors expliquer pourquoi le gouvernement français a lié la
question de la livraison de ces navires à celle de la crise ukrainienne (faire
pression sur le gouvernement russe pour qu’il ne remette pas en cause l’intégrité
du territoire ukrainien). Puis il expliquera l’implication très avancée de la Russie
dans le conflit syrien et son soutien au régime discrédité mais encore en place de
B. el-Assad. En effet le port syrien de Tartous est la seule base navale dont
dispose la Russie en Méditerranée dont on a souligné auparavant la difficulté
d’accès pour la marine russe.
2. La deuxième question porte sur le document 2. Elle est ainsi libellée :
pourquoi une puissance nucléaire doit disposer d’une flotte de guerre ?
Il s’agit de faire s’interroger les élèves sur la dimension obligatoirement navale
de la dissuasion nucléaire. Pourquoi des porte-avions ? Quel est l’intérêt des
SNLE ? Ils noteront la situation hégémonique des E.-U et le désir de ses
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principaux rivaux (la Russie et la Chine) de se doter d’un porte-avions
supplémentaire. La notion de puissance navale est donc indissociable de celle de
puissance maritime.
Le professeur insistera donc sur l’importance de la mer dans la dissuasion
nucléaire et la capacité à infliger des dommages irréparables à l’ennemi, d’une
part en lançant des attaques aériennes à plusieurs milliers de km de ses bases
grâce aux porte-avions équipés d’avions porteurs de missiles nucléaires, d’autre
part en disposant d’une arme indétectable par satellite, le sous-marin nucléaire
et avec lequel on peut frapper l’adversaire sans qu’il puisse prévenir l’attaque.
3. Enfin la dernière question demande : quel intérêt géostratégique majeur
représente désormais l’océan glacial arctique pour la Russie ? Vous
définirez et utiliserez la notion de Z.E.E. Les documents 3, 4 et 4bis sont
à l’appui de votre réflexion.
Le document 3 leur permet de constater l’émergence possible d’une autre route
maritime alternative à la traditionnelle « routes des Indes » qui longe les côtes
russes tout en soulignant les limites de cette possibilité ; les deux autres
documents, à partir d’un examen attentif de leurs légendes les feront réfléchir
sur les potentialités économiques des ZEE et les tensions que suscite leur
délimitation ainsi que l’importance de la route du nord-est pour exporter les
hydrocarbures russes et lever ainsi le verrou ukrainien.
Citant Napoléon (« tout État fait la politique de sa géographie ») le professeur
rappellera que la Russie n’a de cesse de rechercher un accès direct aux océans
pour rompre son enclavement. À l’appui d’une carte, il montrera que l’accès à
l’Atlantique par l’ouest est bloqué par les trois verrous que constituent les
détroits du Bosphore/Dardanelles, de Gibraltar, et du Sund. L’accès au Pacifique
est aussi délicat car la base de Vladivostock donne sur la mer du Japon fermée
par le détroit de la Pérouse et celui de Tsushima de triste mémoire pour la
marine impériale russe. Dans la perspective d’un réchauffement climatique que
l’on peut déplorer, la route du nord-est notamment à l’ouest de l’île de Nouvelle-
Zemble offre des perspectives d’ouverture pour la Russie vers l’Atlantique nord.
C’est une route maritime qui permettra d’exporter le gaz naturel du gisement
faramineux de la mer des Barents sans passer par le continent. L’exploitation de
ce gisement en devenir pose d’ailleurs la question de la délimitation de la Z.E.E
avec la Norvège car il s’étend de part et d’autre de la limite.
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Le professeur rappellera donc les deux enjeux qui renforcent la vocation
maritime de la Russie en liaison avec le réchauffement climatique :
- Une possible route du nord-est qui viendrait alléger le trafic de la route
habituelle entre l’Europe occidentale et l’Asie à défaut de la concurrencer (200
passages contre plus de 19 000 par le canal de Suez en 2012…)
- Une territorialisation accrue de l’océan glacial arctique riche de potentiel
énergétique et halieutique, Les pays riverains cherchant à étendre leur mainmise
sur les espaces maritimes au-delà de la limite des 200 milles.
Il conclura sur le fait que dans le cadre de la mondialisation, la Russie cherche à
renforcer sa présence sur ses mers et les mers du monde pour affirmer son
statut de grande puissance.
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Une séance d’une heure est consacrée à la réponse aux trois questions préparées
au préalable. Les élèves reprennent sur leur cahier les questions posées et
complètent leur réponse par les précisions apportées par le professeur. À l’issue
de la séance, ils rédigeront soit dans le cadre d’un devoir sur table, soit à la
maison une réponse nécessairement organisée en thèmes à la question qui
introduit l’étude de cas. Il s’agit avant tout de formuler trois idées importantes
qui structurent la réponse et de mettre en forme un récit cohérent et
argumenté, exercice entraînant à l’épreuve de composition de géographie du
baccalauréat.
Ainsi après une courte introduction, les élèves peuvent proposer la réponse
suivante :
Redevenir une grande puissance maritime pour la Russie c’est :
1. Affirmer sa puissance militaire navale (capacité de projection ; dissuasion
nucléaire…)
2. Contrôler et surveiller ses littoraux (affirmation de la route du nord à cause
du réchauffement climatique, transport du gaz et du pétrole sibérien)
3. Exploiter les ressources sous-marines et étendre sa Z.E.E
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Les compétences évaluées des élèves sont :
Comprendre et répondre précisément à une consigne ;
Effectuer des recherches personnelles en citant ses sources (de préférence
variée)
Observer des cartes de différentes échelles et de projection variée
Lire et tirer toutes les informations nécessaires et disponibles d’un texte et
d’une carte (et notamment sa légende)
Rédiger des réponses qui utilisent le vocabulaire attendu et pertinentes.
À l’oral, être capable de développer une réponse à partir de ses
connaissances ;
Enfin rédiger un texte structuré par des thèmes, qui répond précisément à la
question en utilisant le vocabulaire attendu et maîtrisé, dans une langue
correcte. Les connaissances doivent être hiérarchisées.
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Bibliographie et sitographie :
Pour une entrée en matière, le site Eduscol offre une diversité de ressources
pour préparer la leçon sur les espaces maritimes.
http://eduscol.education.fr/histoire-geographie/se-former/actualiser-et-
approfondir-ses-connaissances/par-theme-en-geographie/mers-et-oceans-les-
espaces-maritimes-et-leurs-dynamiques-contemporaines.html
et plus particulièrement pour saisir les enjeux du thème du programme
http://eduscol.education.fr/fileadmin/user_upload/histoire_geo/PDF/Tristan_L
ecoq/Enseigner_la_geographie_des_mers_et_des_oceans.pdf
Tristan Lecoq (dir.) Enseigner la mer. Des espaces maritimes aux territoires de
la mondialisation, Paris, CNDP collection «Trait d’union », 2013.
Plus généralement on peut privilégier trois sources bibliographiques qui se
recoupent et se complètent :
Tout d’abord La Documentation photographique et notamment :
Antoine Frémont, La Documentation photographique n°8104 Géographie des
espaces maritimes, Paris, La Documentation française, mars 2015.
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Le fascicule de J. Radvanyi sur la Russie commence à dater (2005)
On se reportera alors avec profit aux ouvrages de la collection Atlas/monde aux
éditions Autrement dont :
Bruno Tertrais (dir.), Atlas militaire et stratégique, Paris, éditions Autrement,
2009.
Pascal Marchand, Atlas géopolitique de la Russie, Paris, éditions Autrement,
2015.
Enfin la revue bimensuelle CARTO LE MONDE EN CARTES offre des dossiers
thématiques qui présentent des ouvrages parus dans les collections précitées. À
cet égard on peut citer le numéro 26 de novembre 2014 qui publie une étude sur
le « continent » arctique d’Éric Canobbio, auteur d’un Atlas des pôles (2007) et
de Mondes arctiques : miroirs de la mondialisation paru en 2011 dans la
Documentation photographique.
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DOCUMENTS PROPOSÉS À L’ÉTUDE :
DOCUMENT 1 : VUE DU PORT DE SÉBASTOPOL (CRIMÉE)
Source : Rémy Knafou (dir.), Géographie Terminale L,ES, Paris, Belin, 2012 p. 64
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DOCUMENT 2 : LES PUISSANCES NUCLÉAIRES DANS LE MONDE EN 2011
Source : L’état de la mondialisation 2012, Alternatives internationales, hors-
série n°10, janvier 2012.
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DOCUMENT 3 : « UNE ALTERNATIVE À MOYEN TERME À LA ROUTE DES INDES ? »
Source : Carto Le Monde en cartes, n°19, Septembre-Octobre 2013, p. 45
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DOCUMENT 4 : LES ENJEUX DE L’ARCTIQUE AU XXIe SIÈCLE
Source : Éric Janin (dir.), Géographie Terminale L/ES, Paris, Nathan, 2012, p.147
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DOCUMENT 4bis : LA TERRITORIALISATION DE L’OCÉAN GLACIAL ARCTIQUE EN 2010
Source : Carto Le Monde en cartes, n°26 Novembre-Décembre 2014, p. 19