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ENQUÊTE R estauration hors domicile N°61 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2012 44 La restauration hors domicile (RHD) est un monde en pleine transformation. Du moins pour le secteur des grandes chaînes de restauration qui montent en puissance au niveau national. Du coup, les grossistes distributeurs sont contraints d’assouplir leur modèle. Et les prestataires logistiques s’invitent à table. Quand la RHD se met à table ©OLIVIERBERTRANDDISTRIBUTION

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ENQUÊTERestauration hors domicile

N°61 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 201244

La restauration hors domicile (RHD) est un monde en pleine transformation. Du moins pour le secteur des grandes chaînes de restauration qui montent enpuissance au niveau national. Du coup, les grossistes distributeurs sont contraintsd’assouplir leur modèle. Et les prestataires logistiques s’invitent à table.

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Le terrain de jeu de la SupplyChain dans la restaurationhors domicile (RHD) a de quoidonner le vertige : il s’agitfinalement ni plus ni moins

que de livrer au bon moment et dansles bonnes quantités tous les ingré-dients qui vont servir à préparer plusde sept milliards de repas par an, dansquelque 250.000 établissements enFrance. A cela s’ajoutent quelques « petites » contraintes : les produitsconcernés peuvent être frais, ultra-frais(yaourts, desserts lactés, formagesfrais), surgelés ou secs et les livraisonsdoivent impérativement être réaliséesle matin, entre 6 et 11 heures, afin dene pas perturber l’organisation des res-taurants pour le service de midi. Etcomme si cela ne suffisait pas, la logis-tique de la RHD, après celle de la GMS,s’oriente vers des flux de plus en plustendus, car les restaurants disposent demoins en moins de place pour stockerles marchandises (surtout pour le fraiset les surgelés). Des acteurs de la Sup-ply Chain et de la logistique de la RHDd’horizons divers (chaîne de restaura-tion, grossistes, industriels, prestataireslogistiques) ont accepté de nous livrer,dans le cadre de ce dossier, certainesproblématiques sur lesquelles ils tra-vaillent actuellement (voir encadrés).Le moins que l’on puisse dire estqu’elles sont très diverses : massifica-

tion, tri-température, mutualisation…sans parler d’autres thèmes comme leslivraisons nocturnes ou la logistiqueurbaine.

Un secteur très variéCela s’explique sans doute par le faitque le marché de la RHD est lui aussitrès varié. A y regarder de plus près,on peut en effet distinguer différentstypes d’acteurs, dont les besoins entermes de logistique et de produitspeuvent s’avérer assez différents. EnFrance, la restauration collective (res-tauration d’entreprise, restaurationscolaire et étudiante, secteurs de lasanté, des services sociaux, de l'ensei-gnement et des services collectifsd'état) représente une part très impor-tante (53 %) des repas pris hors domi-cile pour 28 % du CA total de la RHD,estimé à 67,07 Md€ en 2010 selon lesétudes réalisés par les cabinets d’ex-perts tels que Gira Food Service, panelCrest de NPD Group ou encore CHDExpert. On y trouve de grands groupescomme Sodexo, Compass ou Elior,mais aussi beaucoup de petites struc-tures indépendantes. Le reste du mar-ché, c’est le monde de la restauration

qualifiée de commerciale (72 % du CAde la RHD), qui est très protéiforme :on y trouve la restauration à table(plus de 100.000 établissements), larestauration rapide, qui prend de plusen plus de place dans le paysage (cer-taines études l’estiment à un tiers duCA de la RHD), la restauration dansles moyens de transport, le Snackinget les distributeurs automatiques,voire même les linéaires de plus enplus importants que la GMS consacreà la restauration rapide. Et l’effet depoupée russe ne s’arrête pas là, car larestauration à table regroupe des réa-lités fort disparates, entre la restaura-tion indépendante et le boom de larestauration dite « chaînée », c'est-à-dire les chaînes de restauration.

La restauration structurée tentée par les produits prestés

Dans un monde d’une telle variété entermes d’acteurs, de produits et declients, ce sont historiquement lesgrossistes qui se sont taillé la part dulion (voir interview d’Alain Schnapperpage 50). Et qui la conservent, notam-ment sur la restauration indépen-dante, très dispersée, où les restau-

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Casting des acteurs de la logistique RHD✔ Les grossistes livreursCe sont les plus nombreux et les plus anciens sur lesecteur. Leurs chefs de file généralistes s’appellentPomona, Transgourmet, Pro A Pro Distribution ouBrake, mais on trouve également des spécialistes parproduits : boissons, produits laitiers, charcuterie, pro-duits de la mer, fruits et légumes, pains et pâtisseriesfraîches, produits carnés non prédécoupés, etc. Leurrôle : proposer à leur catalogue une large gamme deproduits qu’ils achètent aux industriels et revendent à

leur clientèle, livraison comprise (les grands clients ont le droit à leurs propres réfé-rentiels, appelés mercuriales). Les plus gros ont leurs propres chauffeurs livreurs etun réseau de plates-formes logistiques. La marge s’effectue essentiellement sur lavente des produits via des équipes de commerciaux sur le terrain ou dans des cen-tres d’appels. C’est le modèle des produits de négoce. Pour certains produits pourlesquels de grands comptes veulent négocier eux-mêmes directement les condi-tions de vente avec les industriels, les grossistes peuvent également proposer del’achat presté, c'est-à-dire sans marge commerciale, avec un surcoût lié à la logistique.

✔ Les « Cash and Carry »En français, ce sont les entrepôts de libre service degros. Les deux leaders s’appellent Metro et Promo-cash. C’est un peu l’équivalent de la grande distri-bution pour le marché des professionnels de la RHD.La grande différence avec les grossistes classiquesest qu’ils n’assurent pas la livraison. Le client doit sedéplacer et transporter lui-même ses achats. L’avan-tage : pas de commerciaux à payer, ni de logistiqueaval : les prix sont donc théoriquement moins élevés

qu’avec un grossiste livreur classique. Cela ne signifie pas qu’ils se désintéressentde l’aspect logistique. Metro par exemple a déjà ouvert une quinzaine de MetroDrive en France (55 à terme) pour desservir les clients les plus excentrés parrapport à ses entrepôts actuels. Une commande passée l’après-midi est prépa-rée dans les entrepôts (surcoût facturé 4 % du prix) par une équipe dédiée puislivrée le soir dans le Metro Drive, afin que la commande soit disponible le len-demain matin.

✔ Les prestataires logistiquesJusqu’il y a quelques années, ils ne jouaient qu’un rôlemineur dans le monde de la RHD. Mais la montée enpuissance de la restauration commerciale chaînée auniveau national pourrait changer la donne. Leur raisond’être : rationnaliser la Supply Chain pour tous lesapprovisionnements d’une chaîne de restauration (y compris les produits non alimentaires). Leurmodèle : la transparence complète du coût du produitpuisque c’est le client qui négocie directement avec

les industriels. Le seul surcoût est logistique. Le prestataire peut déclencher lesappros auprès des industriels, les payer pour le compte de son client, prendre lescommandes de la part des restaurants ou proposer un service de réapprovision-nement automatique sur la base de prévisions fines. Les contrats s’orientent deplus en plus vers des partenariats basés sur l’optimisation continue, avec la miseen place d’indicateurs spécifiques, afin de garantir aux chaînes de restauration lemaintien de la qualité du service client parallèlement à la montée en puissance dunombre de leurs restaurants dans l’Hexagone.

rateurs soit ont recours à des gros-sistes livreurs qui ont leur proprelogistique, soit se déplacent eux-mêmes sur les M.I.N ou dans les entre-pôts des Cash & Carry pour faire leursemplettes (voir encadré ci-contre). Enrevanche, sur la partie restaurationstructurée (68 % du CA de la RHD), leschoses semblent sur le point d’évoluerfortement. En effet, les chaînes de res-tauration rapide (dont le CA total enFrance a augmenté de 58 % entre 2004et 2010) et à thème montent en puis-sance. Les plus grandes d’entre ellesveulent pouvoir négocier en direct desachats globalisés avec les industriels,sur une base nationale (voir encadréKFC page 54). Du coup, les grossistesdistributeurs se retrouvent sur ce sec-teur en concurrence avec des presta-taires logistiques comme KL Services(groupe Keystone), Stef (KFC, PizzaHut, Subway), Ebrex (Quick), DHL(Flunch) ou encore Staci (voir encadrépage 53). C’est sans doute ce quiexplique actuellement l’intérêt marquéde grands grossistes pour l’optimisa-tion de leur logistique (voir encadréBrake page 54), obligés certaines foisde vendre aussi des produits prestéspour répondre aux attentes des grandeschaînes de restauration. On observeégalement des mouvements de con-centrations (tels que la fusion entreAldis et Prodirest courant 2008 qui aabouti à la création de Transgourmet)ou à des alliances.

Un rapprochement dans les boissons

Le dernier rapprochement en date,Alliance CHD, conclu en décembredernier, concerne le secteur des bois-sons pour la consommation horsdomicile. D’un côté Supergroup, gros-siste en produits de Snacking, confi-series et boissons format VAE (venteà emporter, c’est-à-dire canettes etbouteilles plastiques), filiale du groupeADF (Altadis Distribution France) etde l’autre, Olivier Bertrand Distribu-tion (OBD), distributeur de boissons enverre consigné pour la CHR (CaféHôtellerie Restauration). L’un desobjectifs de l‘alliance : proposer uninterlocuteur unique au niveau natio-nal pour tous les formats de boissons(formats consignés, jetables), ainsi que

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pour certains produits alimentaires(confiserie, Snacking) et consomma-bles divers (emballages, etc.). « OBDn’a pas un réseau national au niveaulogistique et dans certaines régions deFrance, Supergroup passera une com-

mande de réappro à OBD, stockera etlivrera les clients d’OBD », expliqueDavid Schuller de Santos, DG deSupergroup. De son côté, MichelRazou, DG d’Olivier Bertrand Distri-bution, ne cache pas que cette initia-

tive n’est pas étrangère à la montée enpuissance de la restauration chaînée. « Toutes ces chaînes sont structurées,elles veulent avoir un interlocuteurunique au niveau national, rationali-ser les contrats et ont besoin de sta-

Les protagonistes d’Alliance CHD : (de gauche à droite) David Schuller de Santos, DG de Supergroup, Alexandre de Suzzoni, Présidentd’ADF Groupe, Olivier Bertrand, Président du Groupe Olivier Bertrand et Michel Razou, DG d’OBD (Olivier Bertrand Distribution)

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LaurentLacotte, Directeur

Commercial du pôle

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David Schuller

De Santos, DirecteurGénéral de Supergroup

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MichelRazou

DirecteurGénéral d’Olivier Bertrand

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tistiques données par le distributeurpour juger des volumes réalisés par leursdifférents sites répartis sur tout le terri-toire. Nous nous sommes rap pro chés deSupergroup car nous n’avions pas unevraie couverture nationale, pour pouvoirrépondre avec une seule tête », reconnaît-il. Alliance CHD démarre sous de bonsauspices puis qu’elle vient de signer uncontrat d’approvisionnement avecConvergence Achats (centrale d’achatsdu groupe Flo) portant sur l’approvision-nement en boissons des quelque 300 res-taurants du groupe (Hippopotamus,Tablapizza, La Taverne de maître Kanter,Bistro Romain) ainsi que du site de Dis-neyland Paris.

De la logistique à la Supply Chain

Parallèlement, les prestataires fontévoluer leurs offres de la logistiquepure vers la Supply Chain : approvi-sionnements, prises de commandes,gestion des niveaux de stocks pilotéepar les prévisions, la comptabilitématière sur les entrées/sorties. « Lesprévisions, c’est notre cœur de métieravec les appros. C’est un modèle qui aété extrêmement développé pour McDonald’s dans notre société sœur dugroupe Keystone, LR Services. Nous

sommes en cours de mise en placed’un outil avancé de prévisions devente chez nous », explique ChristopheBoulanger, Directeur Général de KLServices. L’autre argument de poids,c’est la rationalisation de la distribu-tion pour diminuer les coûts. « Dèslors que les choses ne sont pas plani-fiées, les enseignes qui s’adressent àplusieurs grossistes peuvent recevoir15 à 18 commandes par semaine, làoù nous leur proposons, avec descamions tri-températures, deux livrai-sons hebdomadaires, avec une seulefacture et une ponctualité de 98% surrendez-vous », ajoute-t-il. « Nous pou-vons non seulement gérer l’ensembledes produits alimentaires dans les troistempératures, mais également de plusen plus le non alimentaire (supports à lavente, produits d’entretien) pour leschaînes de restauration, explique Lau-rent Lacotte, Directeur Commercial dupôle logistique de Stef, qui dispose enFrance de deux entrepôts dédiés à laRHD, à Bondoufle et Salon de Provence.En fait, la chaîne de restauration nousdélègue la quasi intégralité de ce qui vase passer en amont de la livraison enrestaurant, hormis la sélection des four-nisseurs », constate-t-il. ■

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La plate-forme tri-températures de MoissyCramayel de la société DPDJ, rachetée par le groupe Staci en 2009 pour lancer

la marque Staci Food Solutions.

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Supply Chain Magazine : Que répondez-vous à ceux qui prédisent le déclin des grossistes surle marché de la RHD ?Alain Schnapper : Dès qu’il y a desgrossistes sur une chaîne de valeur,tout le monde semble vouloir les fairedisparaître. Mais posons-nous la ques-tion de leur utilité économique. D’unemanière générale, ils se trouvent àl’intersection de trois mondes (clients,produits et industriels) et se justifientsurtout lorsqu’il y a une multitude deproduits, de clients et d’industriels.Dans le cas de la RHD, ils donnentaccès aux industriels à une clientèlediffuse de quelque 250.000 sites àlivrer au moins deux fois par semaineen petites quantités. Ils ont une fonc-tion de mutualisation à la fois des fluxphysiques et des conditions d’achats.Et le grossiste joue également un rôlede distributeur.

SCMag : Les grossistes sont-ils en train de perdre du terrain faceaux prestataires logistiques sur le marché de la RHD ?A.S. : Côté clients, il faut distinguerdeux grandes catégories : la restaura-tion sociale et commerciale. Au sein dela première, il y a deux types de mar-chés : les grandes sociétés de restaura-tion, qui ont une taille suffisante pournégocier en direct avec les industriels[nldr : Sodexo, Compass, Elior parexemple]. De fait, pour les 20 % deréférences qui représentent 80 % deleur CA, elles n’utilisent pas la fonction« centrale d’achats » du grossiste. Dansce cas, il est vrai que le grossiste joueun rôle de prestataire logistique, maisavec l’avantage de pouvoir égalementproposer en parallèle à la vente des

Alain Schnapper, Directeur Technique et Logistique, Membre du directoire de Pomona

« Plus la carte est riche et variée et plus le grossiste trouve son utilité »

compléments de gammes « mutuali-sés » pour les petits volumes (les 80 %de références qui font 20 % du CA). Ceque ne savent pas faire les prestataireslogistiques. C’est pour cette raisonqu’ils sont quasi absents de ce marché.Le reste du marché de la restaurationsociale est une clientèle plus diffuse,autogérée ou indépendante, qui faitlargement appel aux fonctions de gros-siste, à savoir la mutualisation achatset logistique.

SCMag : Et dans le cas de la restauration commerciale, ledéveloppement rapide des chaînesde restauration ne joue-t-il pas plutôt en faveur des prestataireslogistiques ? A.S. : Là aussi, il faut distinguer deuxcatégories. D’une part les très nom-breuses brasseries et les restaurantsindépendants, où là encore le rôle desgrossistes est incontournable, et d’au-tre part la restauration « chaînée », quiest indéniablement en développementrapide. Sur ce marché, il y a des réa-lités très diverses qui utilisent dessolutions logistiques différentes. A unbout, on va trouver des géants commeMcDonald’s, qui ont de très grosvolumes, avec une gamme relative-ment étroite et totalement « normée »,gérée directement avec les industriels.Cela justifie une logistique dédiée,spécifique pour laquelle un grossisten’apporte pas de valeur ajoutée. Maisil y a aussi des cas inverses, deschaînes qui comptent une demi-dou-zaine de brasseries dans Paris parexemple, où chaque chef conserve unecertaine autonomie et qui font appel àdes grossistes pour bénéficier de lalargeur de gamme et des prix. Il y adonc des nuances. Je vous répondraidonc que plus la chaîne de restaura-tion est « normée » et les produits défi-nis (souvent ce sont des chaînes defranchisés) et plus le marché estouvert aux prestataires. Inversement,plus la carte est riche et variée et plusle grossiste trouve son utilité. En pra-tique, les clients ont besoin d’unesolution mixte avec la possibilité decombiner produits prestés et négoce,ce qui est impossible pour un presta-taire. Dans ce cas, le grossiste gère

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dans ses entrepôts des produits qui luiappartiennent et d’autres non.

SCMag : Quels sont les principalescontraintes logistiques pour un grossiste livreur en RHD ?A.S. : La contrainte fondamentale laplus compliquée à maîtriser est lacombinaison entre les horaires delivraison et les créneaux horaires. Deloin, cela ressemble à la livraison enville des supérettes : de petites quan-tités, livrées le matin. Mais avec unedifférence fondamentale : si le clientn’est pas satisfait de votre livraison, ilpeut se faire livrer par votre concur-rent dès le lendemain matin. Les cré-neaux horaires sont très étroits :7h30-11h30 dans le meilleur des cas,mais en restauration commerciale,c’est plutôt 9h-11h. Ce n’est pas com-pliqué quand il s’agit de gros volumeslivrés à un ou deux restaurants encamion complet. Mais dans notre cas, les camions livrent en moyenne 15 clients par tournée. C’est très

impactant sur la structure de coûts. Levrai levier de rentabilité est d’aug-menter la densité client pour bénéfi-cier d’économies d’échelles.

SCMag : Avez-vous envisagé de mettre en place des tournées de livraisons l’après-midi ? A.S. : Je pense que c’est une faussebonne idée car dans un coût de tour-née, le plus cher n’est pas le camionmais le salaire du chauffeur et leskilomètres parcourus. Ajouter unetournée l’après-midi fait gagner surles coûts fixes du camion qui nereprésentent pas plus de 20 % du coûtd’une tournée. Autrement dit, en fai-sant deux tournées par jour, on gagneau maximum 10 %. Mais attention, ilfaut pour cela que la tournée soitaussi bien remplie, ou au moins à 90 % par rapport à celle du matin, etles clients qui acceptent d’être livrésl’après-midi sont très difficiles àconvaincre. Et s’ils sont trop éparpil-lés géographiquement, on reperdra en

kilomètres ce que l’on aura cru gagneren coûts fixes.

SCMag : Vous proposez un largeéventail de produits secs, frais et surgelés et pourtant Pomonan’est apparemment pas adepte des livraisons tri-températures,pourquoi ? A.S. : Là encore, intuitivement, le tri-températures peut paraître très sédui-sant, mais selon moi, ce n’est pas sisimple. Je vais tenter de vous ledémontrer. Toutes choses égales parailleurs, sur un jour donné, supposonsque vous ayez un certain volume à expédier : du sec, du frais, des sur-gelés. Faire du tri-températures nechange pas le nombre total de palettesà livrer, ni les mètres carrés de plan-cher. Ni le nombre total de camions àutiliser. Il serait même un peu plusélevé en tri- températures. Pourquoi ?Certes ce n’est pas intuitif, surtout dupoint de vue du restaurateur, qui ver-rait arriver un seul camion au lieu de

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Panapro est né en 2008 de la réin-ternalisation de la logistiqueamont et aval du groupe Holder.

C’est notamment un outil logistiquesur lequel s’appuie le réseau desquelque 500 boulangeries Paul (enFrance et à l’international) et desclients de la restauration hors foyer.Trois ans plus tard, cette sociétécompte deux entrepôts dans le Nord,s’est dotée d’un WMS et d’un ERP. « Nos clients ont besoin de produitsfrais, surgelés, ultra-frais et secs. Ilfaut proposer des solutions tri-tempé-ratures qui combinent tous ces pro-duits et permettent l’optimisation desmoyens de transport vers nos plates-formes régionales d’éclatement, nous

Panapros’intéresse de près à la mutualisation

explique Pascal Dezoteux, Directeurde Panapro. La RHF, c’est aujourd’huice qu’il y a de plus compliqué à gérer

pour nous, il y a des contraintes delivraisons très fortes. C’est générale-ment de la messagerie, avec de petitsporteurs, sur des plages horaires de 6hà 11h qui se réduisent au fil des ans.On se retrouve souvent à faire de lalivraison sur rendez-vous en mettantdes moyens dédiés supplémentairessur la route ». Difficile par ailleursd’améliorer le taux de remplissagecompte tenu de la contrainte sur leshoraires de livraison. « Nous avonsquasiment épuisé toutes les solutionsd’optimisation en interne, c’est pour-quoi nous recherchons des solutionsde mutualisation pour compléter noscamions avec d’autres fournisseursindustriels qui ont la même probléma-tique ou d’autres réseaux de distribu-tion ». Cette démarche d’ouverturevers l’extérieur dépasse d’ailleurs leseul maillon du transport. « Nousessayons d’aller plus loin. Le transportreprésente 50% de coûts de noscharges logistiques. Ce que l’onrecherche, c’est aussi de la mutualisa-tion en entrepôt », précise PascalDezoteux. La construction d’un nou-veau bâtiment tri-températures quidémarre cette année sur Lesquin, poursoulager la plate-forme de Marcq-en-Baroeul, devrait donner à Panapro lesmoyens de ses ambitions. ■ JLR

deux ou trois. Sauf que les fréquencesà laquelle le restaurateur passe sescommandes sont assez différentesentre l’épicerie (riz et pâtes, deux foispar mois), les surgelés (deux fois parsemaine) et le frais/fruits et légumes(deux à quatre fois par semaine). Lefait d’être spécialisé par températurepermet de livrer à la bonne fréquencealors qu’en tri-températures, on pro-fite de la livraison deux fois parsemaine de produits frais pour livrerun peu de produits secs. Cela a pourconséquence d’augmenter le nombrede palettes à livrer au total, et donc le

nombre de camions qui livrent. D’au-tant qu’un camion qui livre des pro-duits secs est nettement moins cher etproduit moins de CO2.

SCMag : C’est la raison pour laquelle Pomona continue à livrer les produits frais et surgelés ensemble et les produitssec à part ?A.S. : Tout à fait. Cela dit, il y a cer-tains cas où le tri-températures peutse justifier. Quand il s’agit de trèspetites quantités de livraison, il y aintérêt à augmenter la quantité

moyenne livrée par client, ce qu’onretrouve dans le commerce de proxi-mité ou de la restauration commer-ciale indépendante. Par exemple, dansune boulangerie pâtisserie qu’on livre-rait à 90 % de sec, il y a intérêt à nepas revenir spécialement pour livrerles 10 % de surgelés. Autrement dit, lalivraison tri-températures est intéres-sante si le poids moyen livré (PML) estfaible ou bien si la densité client estparticulièrement faible et nécessite deparcourir beaucoup de kilomètrespour livrer un client. ■

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Pascal Dezoteux, Directeur de Panapro

Plate-forme logistique tri températuresde Marcq-en-Baroeul

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Staci Food Solutions : la RHD dans le détail

Le groupe Staci, leader français dela logistique publi-promotionnelle,est en voie de diversificationdepuis quelques années, toujoursdans la logistique de détail, maiscette fois dans le secteur alimen-taire et non alimentaire, avec unespécialisation sur la RHD. En 2008,il rachète 51 % des parts de DPDJInternational, prestataire logis-tique créé en 1985, spécialisé dansla RHF, qui avait emménagé deuxans auparavant dans une plate-forme tri-températures touteneuve de 21.000 m2 à Moissy-Cra-mayel. En juin 2009, Staci prend100 % du capital de DPDJ et lance

la marque Staci Food Solutions. A partir de là, une réflexionstratégique commence à se mettre en place, parallèlement àla réorganisation des process et à l’utilisation de nouveauxoutils informatiques. L’ambition est de s’adresser essentiellement aux industrielspour gérer leur logistique dans le canal RHF, mais aussi aux

chaînes de la RHF - qui négocient directement avec les indus-triels les produits en « achat prestés » (y compris les produitssiglés comme les savons, serviettes, tasses, set de table), quiseront distribués dans les hôtels, la restauration commercialeou collective, le Snacking, mais aussi les regroupements demaisons de retraite ou les cliniques privées. « Notre modèleéconomique pour les chaînes est basé sur la massification descommandes et sur le regroupement des produits et des flux »,explique Caroline Nicolosi, Directrice Commerciale de StaciFood Solutions. Avec une palette très large de services :externalisation de la fonction approvisionnements, finance-ment des stocks, réception sur plate-forme, prises de com-mandes, catalogues en ligne, préparation de commandes dedétail, pilotage du transport, facturation unique et paiements.Mais pas de Sourcing, donc très peu de produits de négoce :« pour la très grande majorité, il s’agit de produits prestés, c'est-à-dire qu’il y a une transparence totale sur les coûts et les sta-tistiques de consommation, car les produits que nous achetonspour le compte du client, au prix qu’il a négocié avec l’industriel,sont revendus sans marge. C’est le coût logistique qui est fac-turé », précise Caroline Nicolosi. Actuellement, Staci FoodSolutions compte une trentaine de clients et a réalisé en 2010un CA de 52 M€. ■ JLR

Caroline Nicolosi, Directrice Commercialede Staci Food Solutions

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Chez KFC, la Supply Chain doit aider à la croissance

En France, la chaîne KFC (Ken-tucky Fried Chicken) compteactuellement 135 restaurants, cequi représente un volume annuelde marchandises de 55.000 t en2011, dont 15.000 t de poulet. « Nous nous trouvons à un momentclé de l’histoire de KFC en France carnous prévoyons de doubler le nom-bre de restaurants dans les quatreans à venir », nous confie OlivierGrouet, ancien cadre du groupeCarrefour arrivé il y a moins d’unan chez KFC en tant que deDirecteur « Product Excellence »,c'est-à-dire en charge des achats,de la Supply Chain, de la qualité, del’innovation et du développementdes nouveaux produits. L’une deses premières décisions a d’ail-leurs été de créer un poste de

Responsable Supply Chain. « La mission de la Supply Chain estnotamment de nous permettre de faire face à cette croissance trèsforte », indique-t-il. Depuis presque une dizaine d’années, KFCtravaille avec SLR (Stef Logistique Restauration) qui gèreaujourd’hui les appros et les commandes, porte les stocks etlivre en tri-températures à partir de trois entrepôts (Bon-

doufle, Salon de Provence et le dernier en date, Tours). Lechoix du modèle prestataire s’explique par le fait que la chaîneveut maîtriser entièrement l’ensemble de la relation avec lesfournisseurs en amont, en termes de coûts et de qualité. Surla partie boissons, KFC a longtemps travaillé avec un grossiste(France Boissons), avant de prendre l’année dernière la déci-sion de réintégrer ces approvisionnements chez SLR afin defaciliter les opérations en restaurant et d’optimiser les coûtslogistiques. « Nous cherchons à aller plus loin dans la relation avecnotre prestataire, afin qu’il nous apporte des solutions d’optimisa-tion au-delà de la simple logistique », souligne Olivier Grouet.Déjà, des comités de pilotage sont organisés tous les moisavec SLR pour examiner comment optimiser la qualité des prestations et descoûts. D’autres sujetssont en cours de discus-sion, comme la manièrede collaborer sur la pré-vision des volumes pourfaire face de la manièrela plus efficace possibleaux variations extrême-ment importantes quipeuvent survenir d’unesemaine sur l’autre, enraison par exemple d’unspot publicitaire. ■ JLR

Comment Brake France gère les produits à faible rotation

Brake France se définit lui-mêmenon pas comme un grossiste distri-buteur, mais comme un concepteurdistributeur. La nuance ? « Nousn’achetons pas pour revendre. Il y abeaucoup de produits à notre marque,que l’on conçoit et que l’on fait fabri-quer pour apporter une réponse adap-tée à chacun des besoins de nos43.000 clients, qu’ils soient dans la res-tauration commerciale, la restaurationcollective ou traiteurs charcutiers »,insiste Antoine Fabry, Directeur Sup-ply Chain de Brake France. Il arrive

d’ailleurs que la société, présente aussi en Angleterre, enIrlande et en Suède, gère pour un même client des produitsen négoce (métier de grossiste traditionnel) et des produits« prestés » (prestation logistique de distribution uniquement).La principale problématique Supply Chain du moment estd’arriver à gérer logistiquement parlant des gammes qui onttoujours tendance à augmenter, avec des délais de livraisontrès courts, en A pour B pour la plupart. Le dernier chantieren date concerne l’optimisation de la logistique amont des

produits à faible rotation (notamment quelques centaines deréférences, surtout en surgelé, sur les quelque 3.400 produitsdu catalogue). « Pour ce type de produits, nous voulions éviterde gérer des minimas d’appros sur nos six hubs régionaux. Pourgarantir la bonne disponibilité des produits, nous avons mis enplace en amont un concentrateur au niveau national danslequel nous rassemblons tous nos produits Slow Moving ou enphase de lancement ». Brake France, qui emploie 1.900 colla-borateurs dont 450 commerciaux et 1.000 logisticiens, a réa-lisé en 2010 un total de un million et demi de livraisons, pourun CA de 540 M€. ■ JLR

Antoine Fabry, Directeur Supply Chain

de Brake France

Olivier Grouet,Directeur

« Product Excellence »chez KFC France

(achats, Supply Chain, qualité, innovation et développement des nouveaux produits

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