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THÈSE N O 3074 (2004) ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE PRÉSENTÉE À LA FACULTÉ ENVIRONNEMENT NATUREL, ARCHITECTURAL ET CONSTRUIT Laboratoire de construction en béton SECTION DE GÉNIE CIVIL POUR L'OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES PAR ingénieur civil diplômé EPF de nationalité suisse et originaire de Grimisuat (VS) acceptée sur proposition du jury: Prof. M. Badoux, Prof. F.-L. Perret, directeurs de thèse Prof. E. Brühwiler, rapporteur Dr O. Lateltin, rapporteur Dr P. Mouroux, rapporteur Lausanne, EPFL 2004 EVALUATION DE STRATÉGIES POUR LA GESTION DU RISQUE SISMIQUE DU BÂTIMENT Vincent PELLISSIER

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EVALUATION DE STRATGIES POUR LA GESTION DU RISQUE SISMIQUE DU BTIMENT

THSE NO 3074 (2004)PRSENTE LA FACULT ENVIRONNEMENT NATUREL, ARCHITECTURAL ET CONSTRUIT Laboratoire de construction en bton SECTION DE GNIE CIVIL

COLE POLYTECHNIQUE FDRALE DE LAUSANNEPOUR L'OBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR S SCIENCES

PAR

Vincent PELLISSIERingnieur civil diplm EPF de nationalit suisse et originaire de Grimisuat (VS)

accepte sur proposition du jury: Prof. M. Badoux, Prof. F.-L. Perret, directeurs de thse Prof. E. Brhwiler, rapporteur Dr O. Lateltin, rapporteur Dr P. Mouroux, rapporteur

Lausanne, EPFL 2004

A Laetitia, Elisa, Marc et Emma

PRFACE

Dans larc alpin, lurbanisation et lactivit conomique sont concentres dans les territoires les moins pentus savoir les dpts alluvionnaires des fonds de valle. Jusqu rcemment, les autorits pensaient que dans ces plaines, seul labord des fleuves tait expos aux dangers naturels, en loccurrence celui dinondation. Malheureusement, les travaux de ces dix dernires annes en matire de sismicit tendent dmontrer que deux situations, lune gotechnique et lautre morphologique peuvent aggraver leffet destructeur dun sisme pour des ouvrages construits sur des terrains meubles. Cette aggravation est appele effet de site . Elle est due dans la premire des situations la prsence de sdiments fins et deau souterraine au droit des ouvrages. La seconde est lie directement la forme des valles alpine et au rapport largeur-profondeur de celles-ci en dessous du niveau de la plaine. Ces considrations, lies au fait que toute prvision en matire de dclenchement de sisme est impossible, ont oblig le canton du Valais qui est expos un sisme majeur de magnitude 6.5-7 sur lchelle de Richter avec une priode de retour de 475 ans modifier sa lgislation en matire de construction et rnovation du bti de faon prendre en compte ds 2004 ces effets potentiellement destructeurs pour tout immeuble de trois tages et plus. En sachant pertinemment quil est illusoire financirement de se lancer dans un programme court terme de rnovation parasismique du patrimoine existant, le canton le plus expos de Suisse aux tremblements de terre a prfr sappuyer sur des mesures prventives qui devraient lui permettre dobtenir un parc immobilier parasismique 75% dici un sicle en comptant uniquement sur son renouvellement naturel. La recherche effectue dans le cadre de la prsente thse de doctorat aborde de manire originale cet aspect en soupesant deux principes parfois contradictoires, celui de prcaution et celui de proportionnalit. Des priorits peuvent ds lors tre dtermines. Cette dmarche digne dintrt propose galement de fixer le niveau de protection cible pour les btiments existants. Des indications utiles sont fournies aux diffrents acteurs et le rle de chacun est mis en lumire; celui des autorits naturellement, mais galement celui des partenaires au processus de gestion que sont les propritaires ou encore les assureurs. La recherche dans le domaine de la sismicit doit faire encore beaucoup de progrs pour mieux apprhender la complexit de la frquence et de lintensit de lala sismique dans nos rgions. Cependant, cest en adaptant de manire pragmatique la prvention au fur et mesure des connaissances scientifiques les plus rcentes que nous affronterons dans les meilleures conditions le sisme majeur que nous prdit lanalyse des vnements passs.

Dr Jean-Daniel Rouiller Gologue Cantonal du Valais, septembre 2004

i

Remerciements

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

REMERCIEMENTS

Une thse de doctorat bnficie du concours de nombreuses personnes. Je tiens ici les remercier. Parmi ces personnes, je pense tout dabord au Professeur Dr Marc Badoux et au Professeur Dr Francis-Luc Perret qui mont accord leur confiance et ont dirig cette thse en suscitant des pistes de recherche tout en lui donnant la rigueur ncessaire. Je pense aussi au Dr Pierre-Andr Jaccard et au Dr Pierrino Lestuzzi qui, lors de nos nombreux changes, ont su rpondre mes multiples interrogations. Cette recherche a t rendue possible grce au soutien financier et technique de lEtablissement Cantonal dAssurance du Canton de Vaud (ECA). Je remercie donc vivement son directeur Monsieur Jean-Robert Guignard pour son appui efficace et visionnaire. Jai aussi pu profiter grandement des contributions apportes par Messieurs Marc-Olivier Burdet et Jean-Marc Lance tout au long de ce travail. Pilot par le Laboratoire de Construction en Bton (IS-BETON) et la Chaire de Logistique, Economie et Management (LEM) de lEcole Polytechnique Fdrale de Lausanne (EPFL), ce travail a bnfici de la collaboration efficace de la Centrale pour la Mitigation des Sismes du Service Fdral des Eaux et de la Gologie (OFEG), en particulier de Messieurs Blaise Duvernay et Florian Widmer ainsi que son directeur, le Dr Olivier Lateltin. Leur aide et leurs encouragements constants ont t une grande source de motivation. Je remercie galement le Professeur Dr Dan Abrams de mavoir accueilli quelques temps au sein de son quipe du Mid-America Earthquake Center lUniversit dIllinois. De plus, jaimerais associer toutes les personnes sollicites pour lobtention des diffrentes informations utilises pour la rdaction de ce document. Sajoute donc ces remerciements ladministration communale dAigle, le Corps suisse daide humanitaire, la socit suisse des ingnieurs et architectes (SIA) et plus prcisment Matre Walter Maffioletti, lEtat du Valais, par limplication du gologue cantonal, le Dr Jean-Daniel Rouiller et du Centre de Recherche sur lEnvironnement Alpin (CREALP) par le Dr Pascal Tissires. Les membres du jury, chacun sollicits dans leur domaine de comptence propre, ont effectu un travail essentiel. Leur lecture critique et leurs remarques ont contribu de manire dcisive la rdaction de cette thse. Plusieurs collaborateurs de lEcole polytechnique ont t mis contribution diverses (et nombreuses) occasions. Je tiens ici remercier chaleureusement mes collgues, particulirement Messieurs Michel Thomann, Christian Greifenhagen et Aymeric Sevestre, pour toute laide apporte. Un dernier remerciement sadresse encore toutes les autres personnes qui mont support et quil serait trop long dnumrer ici. Une pense reconnaissante va enfin ma famille et mon entourage, qui ont su me soutenir et mencourager durant cette priode ainsi qu ma femme Laetitia, qui a su brillamment mener le bateau familial avec trois petits moussaillons son bord.

Vincent Pellissierii

RSUM SUMMARY

1.

RSUM

Ce document prsente les rsultats dun travail de recherche portant sur la gestion du risque sismique. Cette recherche sinscrit dans le contexte dune prise de conscience croissante au niveau mondial de limportance de ce risque et reprsente une contribution leffort de recherche. Afin de pouvoir grer le risque dune manire rationnelle, il faut pouvoir le quantifier. Le projet consiste dans un premier temps valuer le risque sismique dun portefeuille de btiments. Le portefeuille choisi est la ville dAigle situe au cur des Alpes helvtiques. Lvaluation a t mene sur la base dun inventaire sismique de la ville qui a permis au travers dune approche globale de considrer le comportement des btiments. Les pertes humaines, immobilires et mobilires ont ensuite pu tre dtermines pour plusieurs scenarii dala sismique dintensits diffrentes. Ds lors, connaissant les probabilits de survenance de ces intensits ainsi que les incertitudes sur les paramtres, il a t possible de quantifier le risque affectant le portefeuille de btiments tudi. Le sinistre maximum potentiel pour la rgion a galement t dtermin. Le modle destimation du risque a donc t fix ainsi que ses paramtres constitutifs. Il est ds lors reproductible. Les rsultats obtenus renseignent sur les pertes potentielles, sur le niveau de prime dassurance et sur les lments de rassurance. La gestion du risque sismique, de par sa complexit et par lampleur des consquences conscutives un vnement majeur, ncessite une apprhension diffrente des autres risques naturels. Dans un deuxime temps, des outils de gestion sont donc fournis aux dcideurs pour faire face ces particularits. Un cadre de gestion est ici formalis. Il permet daffronter la complexit lie aux spcificits du risque sismique mais galement lie la multiplicit des critres de dcision ainsi que des acteurs du systme tudi. La fixation des objectifs de protection a fait lobjet dun dveloppement particulier. Les normes de construction fixent cet objectif lors de la ralisation de nouveaux ouvrages. Par contre, cela fait dfaut pour les btiments existants. Cette recherche propose une mthode qui permet de fixer ce niveau de protection et de combler cette lacune. Cette mthode soupse galement les principes souvent contradictoires de prcaution et de proportionnalit. Les diffrentes mesures de gestion ont ensuite t catalogues de manire originale en fonction de leur influence sur les lments constitutifs du risque. Ces mesures sont dites de prvention, de protection ou dintervention. Elles agissent sur lala, la vulnrabilit ou encore sur la valeur expose au risque considr. Enfin, des stratgies ont t labores pour tre par la suite values et compares. Une stratgie est un ensemble de mesures ayant un impact sur les diffrents lments du risque. Le processus dcisionnel est inspect selon une approche systmique considrant la multiplicit des critres de dcision et des acteurs laide dune mthode danalyse multicritre par surclassement. Des critres sont proposs pour des btiments individuels ainsiiii

Rsum Summary

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

que pour un portefeuille de btiments. La mise en uvre du processus dcisionnel des projets-pilotes permet dillustrer la dmarche et, ds prsent, de fournir des recommandations. Le projet-pilote de la ville dAigle a constitu le fil conducteur de la recherche prsente dans ce document et qui tente daborder dans sa compltude le domaine large de la gestion du risque sismique.

2.

SUMMARY

This document presents the results of a research on seismic risk management. It echoes the worldwide trend of increasing awareness of the importance of this risk and represents a contribution to the effort of research. In order to manage risk in a rational way, it is necessary to quantify it. The first part of this research consists in evaluating the seismic risk of a portfolio of buildings. The selected portfolio is the city of Aigle located in the center of the Swiss Alps. The evaluation was based on a seismic inventory of the city, enabling, through a global approach, to consider the behavior of the buildings. Different losses (life, building, furniture) could be estimated for several scenarii of seismic hazards intensities. Knowing the probability of occurency of these intensities, as well as the uncertainties of the constitutive parameters, it was then possible to quantify the risk affecting the selected portfolio of buildings. The maximum potential loss for the studied area was also estimated. As a result, a reproducible risk estimation model was developed with its constitutive parameters. The obtained results provide information on potential losses, on the level of insurance premium as well as on elements of reinsurance. Seismic risk management, because of its complexity and the extent of the consequences ensuing from major events, requires a different approach from other natural risks. In the second part of this research, management tools are therefore developed in order for decision makers to face these particularities. A comprehensive management framework is elaborated. This framework makes it possible to deal with the complexity of seismic risk, which not only stems from its inherent specificities but also from the multiplicity of decision criteria as well as the variety of actors within the system. The definition of protection objectives receives special attention in this research. Construction codes usually fix safety levels for new constructions. For existing buildings on the other hand, there are no such provisions. The present research proposes a method for fixing this protection level. This method also considers the often contradictory principles of precaution and proportionality. An innovative catalogue of mitigation measures are then proposed, classified according to their influence on the components of risk. These measures can be focused on prevention, protection or intervention. They have an impact on the hazard, the vulnerability or on the exposed value at the considered risk. Consequently, different strategies are built to be later evaluated and compared. For this work, a strategy is considered to be a panel of measures that have an impact on the constitutive elements of risk.iv

Rsum Summary

The decision-making process is regarded as a systemic approach considering the multiplicity of decision criteria and actors. A multicriteria analysis method based on an outranking philosophy is adopted for the comparison. Criteria are proposed for individual buildings as well for a portfolio of buildings. Applications of the decision-making process on pilot projects illustrate the methodology and provide practical recommendations. The pilot project of the city of Aigle was the guideline for the presented research, which aimed to deal with the complexity of seismic risk management in the most comprehensive way possible.

v

Rsum Summary

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

vi

TABLE DES MATIRES

Prface Remerciements Rsum Abstract 1. Positionnement de la problmatique 1.1. Introduction1.1.1. La socit face au risque sismique 1.1.2. Comment aborder ce risque ? 1.1.3. Un besoin de quantification 1.1.4. Quelle stratgie de gestion ? 1.1.5. Comparaison

i ii iii 1 1

1.2. Champs de ltude 1.3. Besoins et attentes1.3.1. Diagnostic et lacunes 1.3.2. Des mesures insuffisantes 1.3.3. Formalisation du processus dcisionnel

2 3

1.4. Particularits de la dmarche1.4.1. Un projet transdisciplinaire 1.4.2. Notion de risque 1.4.3. Les projets-pilotes

5

1.5. Organisation du document 1.6. Principaux rsultats1.6.1. Apports scientifiques 1.6.2. Originalit 1.6.3. Contributions pratiques

6 8

2. Etat des connaissances des lments de gnie parasismique 2.1. Le risque sismique2.1.1. Les vnements historiques en Suisse 2.1.2. Tendance

11 11 13

2.2. Lala sismique2.2.1. Lala rgional 2.2.2. Courbes dattnuation 2.2.3. Lala local

2.3. La vulnrabilit2.3.1. Nouvelles constructions 2.3.2. Bti existant

17 18 20 21 21

2.4. Outils et mthodes de calcul 2.5. Synthse 3. Modle destimation du risque sismique 3.1. Bases du modle3.1.1. De la dimension individuelle la dimension plurielle 3.1.2. Les modles existants 3.1.3. Mthodologie utilise

vii

Table des matires

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

3.2. Elments physiques du modle3.2.1. Ala sismique Ala rgional Ala local 3.2.2. Inventaire sismique Considrations Courbes de vulnrabilit Courbes de vulnrabilit de lensemble du bti

24

3.3. Pertes considres3.3.1. Pertes directes Pertes humaines Pertes immobilires et mobilires Les autres pertes directes 3.3.2. Pertes indirectes

29

3.4. Quantification du risque3.4.1. Principe de dtermination 3.4.2. Risque humain 3.4.3. Risque immobilier et mobilier 3.4.5. Sinistre maximum potentiel

33

3.5. Synthse 4. Objectifs de protection 4.1. Particularits4.1.1. Les tats limites 4.1.2. Des ressources limites

35 37 37 39

4.2. Objectifs cibles de protection4.2.1. Nouvelles constructions 4.2.2. Constructions existantes Le principe de proportionnalit Le principe de prcaution 4.2.3. Elments considrs pour ladaptation des actions sismiques La dure de vie restante de louvrage Le nombre de vies humaines menaces Indice de valeur humaine de louvrage La valeur conomique de louvrage Lutilisation de louvrage Indice de valeur conomique mixte de louvrage Plan indiciel de valeurs 4.2.4. La zone dala sismique 4.2.5. Fixation par objectifs Normalisation 4.2.6. Droites disovaleur du facteur de correction p 4.2.7. Variabilit des paramtres

4.3. Synthse 5. Mesures et stratgies de gestion 5.1. Classification des mesures de gestion du risque sismique 5.2. Les mesures de prvention5.2.1. Dfinition 5.2.1. Mesures de gestion territoriale Mise disposition de cartes de microzonage des classes de sols de fondation pour le dimensionnement 5.2.3. Mesures orientes valeurs 5.2.4. Mesures constructives Transfert de lvolution de ltat des connaissances Actions dcoulant des bases lgales 5.2.5. Mesures incitatives

49 51 51 52

viii

Table des matires

5.3. Les mesures de protection5.3.1. Dfinition 5.3.2. Mesures techniques de mitigation de la vulnrabilit Axes fondamentaux des mesures Importance de leffet de site pour le choix de la mesure Quels critres pratiques dvaluation faut-il considrer ? 5.3.3. Mesures dadquation

54

5.4. Les mesures dintervention5.4.1. Dfinition 5.4.2. Positionnement temporel 5.4.3. Mesures de prparation et dattnuation 5.4.4. Mesures de rparation Situation actuelle en Suisse Lassurance, la co-assurance et la rassurance La titrisation du risque Vers un modle mixte: Priv - Public

58

5.5. Les stratgies5.5.1. Elaboration de stratgies 5.5.2. Stratgie actuelle 5.5.3. Stratgie oriente vie 5.5.4. Stratgie oriente valeur

62

5.6. Synthse 6. Cadre de gestion 6.1. Thorie de la dcision face au risque sismique6.1.1. Formalisation du processus de gestion 1. Dfinition du problme 2. Dtermination des objectifs 3. Elaboration des mesures de gestion 4. Evaluation prospective 5. Choix 6. Mise en oeuvre 7. Evaluation rtrospective 6.1.2. Evolution de lattitude face au risque La prvoyance La prvention La prcaution 6.1.3. Elments de la dcision

65 67 67

6.2. Les tapes menant au choix6.2.1. 1re tape: Identification des phnomnes dangereux (Que peut-il se produire et o ?) 6.2.2. 2me tape: Evaluation du risque (Avec quelle frquence et quelles consquences cela peut-il se produire ?) 6.2.3. 3me tape: Dtermination des mesures (Comment peut-on se protger et quels moyens va-t-on mettre en uvre ?)

72

6.3. Analyse systmique6.3.1. Les acteurs du processus dcisionnel Identification des acteurs Intrts et motivations Conditions initiales 6.3.2. Mthodes de comparaison Analyse cot-bnfice et cot-efficacit Analyse multicritre par surclassement 6.2.3. Critres de comparaison Espace de dcision Dimension conomique Dimension scuritaire ou humaine

76

ix

Table des matires

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

6.4. Comparaison6.4.1. Comparaison pour des btiments individuels Situation initiale Analyse comparative des mesures et enseignements gnraux 6.4.2. Comparaison des stratgies gnriques Critres retenus Analyse comparative des stratgies Enseignements gnraux Frontires dapplication du modle

82

6.5. Distinction 6.6. Synthse 7. Conclusions 7.1. Enseignements7.1.1. Les attentes 7.1.2. Enseignements gnraux 7.1.3. Enseignements particuliers

88 89 91 91

7.2. Thse propose 7.3. Conclusion Notations Glossaire Bibliographie AnnexesA. Btiments individuels B. Population de btiments Ville dAigle C. Mthodes danalyse multicritre D. Recommandation SGEB (d. 2003) E. Contexte rglementaire

93 94 xi xiii xv

A01-A22 A23-A36 A37-A44 A45-A48 A49-A62

Curriculum vitae

x

1

POSITIONNEMENT DE LA PROBLMATIQUE

1.1. INTRODUCTION 1.1.1. La socit face au risque sismique Lattitude de la socit face aux dangers naturels [Glossaire] a volu au cours du temps du fatalisme vers une volont de plus en plus marque de protection. La tendance moderne est daborder la problmatique des dangers naturels de manire prventive en dveloppant des mthodes de gestion spcifiques. Les mcanismes techniques, conomiques et politiques engags doivent permettre de grer au mieux les effets [Glossaire] nfastes des phnomnes catastrophiques dans le temps, lespace et selon des ressources naturellement limites disposition. Cette volution est particulirement claire dans le domaine sismique. Un grand effort international est en cours pour amliorer les connaissances de lala et de la vulnrabilit des systmes affects par les sismes. La recherche prsente dans ce document sinscrit dans la prise de conscience rcente du risque sismique encouru par la socit.

1.1.2. Comment aborder ce risque ? La gestion du risque sismique, dans un environnement complexe, doit tre envisage avec mthode. Dans cette optique, linteraction entre les disciplines de lingnierie des structures, de la modlisation du risque et de lconomie ouvrent des perspectives, exploites dans cette tude. Un cadre dcisionnel [Glossaire] permettant dvaluer des stratgies de gestion du risque sismique, illustr par des projets pilotes, a pu tre esquiss. Cette recherche montre comment peut se dvelopper une base rationnelle de comparaison de diffrentes mesures et stratgies de gestion. Il sagit notamment dtudier lopportunit dinvestir dans des mesures de rduction du risque sismique, sachant que ces investissements sont rests jusquici bien en dessous de ceux consentis pour la gestion dautres dangers naturels, tels que les inondations ou les avalanches, comme lillustre la figure 1.3 [Bachmann 2002].

Accidents de barrage 2%

Temptes 3%

Migration 3%

Vagues de froid 4% Scheresse 5%

Avalanches 1% Sismes 34%

Accidents nuclaires 8%

Innondations 10%

Epidmies 30%

Figure 1.1 Rpartition des risques potentiels en Suisse selon [Katarisk 2003]1

1 Positionnement de la problmatique

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

De nombreuses tudes attestent que le risque sismique reprsente une part importante des risques affectant nos socits. Il appartient en effet aux risques prpondrants dorigine humaine ou naturelle [Katanos 1995] [Katarisk 2003], comme le montre la figure 1.1. Les tudes prcites prennent en compte diffrents facteurs sociologiques, comme par exemple laversion des gens face des vnements [Glossaire] de grande ampleur.

1.1.3. Un besoin de quantification Pour pouvoir aprhender le risque, il faut pouvoir le quantifier avec suffisamment de prcision. Cest pourquoi une partie importante de cette recherche fixe les composantes dun modle destimation [Glossaire] du risque tout dabord pour des btiments individuels puis aborde par la suite une population de btiments.

1.1.4. Quelle stratgie de gestion ? Les mesures disposition des dcideurs pour grer le risque sismique sont passes en revue et classifies. Une stratgie de gestion du risque sismique est dfinie comme un ensemble de mesures cohrentes et complmentaires ayant un impact [Glossaire] sur le profil de risque du systme tudi. Les dcideurs disposent dun ventail dactions, appeles ici des mesures, quils peuvent mettre en uvre. Elles vont du statu quo jusqu des mesures appliques lensemble du parc immobilier. Diffrentes mesures techniques, comme le renforcement cibl de certaines constructions, par exemple les hpitaux, sont galement abordes. Un autre type dapproche envisag fait appel un transfert du risque conomique au moyen dassurances.

1.1.5. Comparaison Pour pouvoir mettre en place une mesure ou une stratgie, le processus dcisionnel impliquant les principaux acteurs est inspect. Ces acteurs reprsentent souvent des intrts contradictoires. Un concept de management orient objectifs [Pellissier 2003b], permettant de prendre en considration la multiplicit des acteurs et des points de vue est ici dvelopp et appliqu.

1.2. CHAMPS DE LTUDE Cest avec une vision globale que la problmatique est aborde. Cette vision permet de soulever de nombreuses interrogations qui mritent des recherches plus approfondies. On pense ici par exemple aux incertitudes lies au comportement sismique des btiments en maonnerie traditionnelle ou en bton faiblement arm ou encore limportance de leffet de site. Lvolution historique des actions sismiques appliquer lors dun dimensionnement a vu une forte augmentation au cours du temps, du fait de lamlioration des connaissances son sujet. La figure 1.2, inspire de [Bachmann 2004], illustre la tendance de lvolution historique des actions sismiques de dimensionnement dans les normes. Les recherches en cours dans ce domaine vont certainement encore modifier dans le futur cette tendance.

2

1 Positionnement de la problmatique

40%

?Indice de la force de remplacement30%

20%

10%

0%SIA 160 SIA 160 SIA 160 SIA 261 SIA xxx (1956) (1970) (1989) (2003) (20xx)

Gnration de normes

Figure 1.2 Tendance et perspectives de lvolution historique des actions sismiques dans les normes suisses, pour un btiment de classe douvrage CO II, dimensionn conventionnellement [Bachmann 2004]

La recherche prsente dans ce document se concentre par ailleurs uniquement sur les btiments. Ce choix a t conduit par le fait que les immeubles reprsentent une grande partie des pertes conscutives un tremblement de terre. Il est cependant important de ne pas occulter le rle important que peuvent jouer, par exemple, les infrastructures de transport ou dalimentation en eaux ou en lectricit pouvant tre affectes par un sisme. Ces aspects ne sont pas abords dans ce travail, mais une dmarche similaire peut tre envisage et le cadre formalis reste valable. La recherche ici prsente a t conduite pour la problmatique helvtique avec ses spcificits propres. Evidemment, elle peut tre envisage pour dautres contextes de faon similaire.

1.3. BESOINS ET ATTENTES 1.3.1. Diagnostic et lacunes Ce qui distingue le tremblement de terre des dangers naturels dits classiques, tels que les inondations ou les avalanches, est li aussi bien aux spcificits propres lala sismique luimme, nonces ci-aprs, quau contexte rglementaire. Ce second aspect fait lobjet du traitement particulier en annexe E [Contexte rglementaire]. La perception du risque sismique est fausse du fait de la raret du phnomne. La survenance dpassant la mmoire collective conduit une sous-valuation du risque dans sa perception [Schneider 1994]. Ce biais de perception trouve son origine dans deux comportements distincts [Kunreuther 1978]. 1. Le premier est la sous-valuation quasi systmatique du risque encouru par les gens. Qui plus est, lorsque le risque sismique peut tre estim, il est souvent trs faible, ce qui incite ne pas les considrer ex ante. Un travail de sensibilisation du public et des dcideurs est donc impratif pour la prise en considration de ce risque son niveau rel.

Perspectives

3

1 Positionnement de la problmatique

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

2. Le second comportement est une tendance naturelle privilgier des dpenses pour ce qui est certain plutt que pour ce qui se relve de la potentialit [Godard 2002]. Lampleur [Glossaire] des dgts potentiels est telle quelle dpasserait la capacit de rsilience dune quelconque institution publique ou prive. Lobligation dune approche multilatrale et collaborative simpose donc pour ce danger, contrairement aux dangers classiques qui peuvent tre apprhends de manire unilatrale, par exemple par un organisme de rgulation. De plus, on atteint les limites de lassurabilit laide des outils classiques de lassurance pour les cas de risques faible probabilit doccurrence, mais aux consquences catastrophiques (Low Probability-High Consequences: LP-HC events dans la littrature anglophone). Cette facette sera approfondie au chapitre 5, qui dtaille les possibilits de transfert du risque conomique. Le fait que les actions soient uniquement envisageables sur lattnuation [Glossaire] des consquences et non sur le phnomne pose un problme dutilisation des outils de gestion classiques dvelopps pour les autres dangers naturels. En effet, les dangers naturels classiques affectent la couche gologique superficielle, cest--dire les premiers mtres, infrieurs pour les glissements de terrain ou suprieurs pour les avalanches ou les crues. Il est ds lors possible dagir directement sur la cause du risque. Les tremblements de terre sont quant eux plus profonds. Il est par consquent plus difficile dinfluencer leur intensit ou leur occurrence.

1.3.2. Des mesures insuffisantes Malgr limportance relative du risque sismique mise en lumire la figure 1.1, les pouvoirs publics ny consacrent quune faible proportion des fonds allous aux mesures de protection contre les dangers naturels. Cet tat de fait est illustr la figure 1.3. En Suisse, ces fonds slvent actuellement environ 600 millions de francs par anne. Cette disproportion dcoule principalement du fait de la perception errone que lon a du phnomne [Bachmann 2002].

Incendies, temptes, parasites etc. (en fort)

Autres dangers naturels, sismes compris

Innondations Avalanches

Figure 1.3 Affectation des dpenses publiques pour les mesures de protection contre les risques naturels en Suisse (environ 600 millions de francs par anne) [Bachmann 2002]

4

1 Positionnement de la problmatique

1.3.3. Formalisation du processus dcisionnel Pour les raisons explicites plus en avant, la gestion du risque sismique doit tre envisage avec mthode. Une dmarche impliquant la participation de tous les acteurs concerns et permettant la mise en place de mesures de gestion du risque sismique par ltablissement de rgles de dcision est utile cette fin. La dmarche permet dclairer les positions respectives des acteurs du processus dcisionnel et, pratiquement, de dfinir des recommandations pour chacun dentre eux sur les actions entreprendre pour diffrents types de btiments considrs. La spcificit de lapproche prsente dans ce document rside dans la considration de la multiplicit des critres et de la multiplicit des acteurs. Elle fournit ainsi un cadre rationnel menant la slection de mesures ou de stratgies de gestion du risque sismique.

1.4. PARTICULARITS DE LA DMARCHE 1.4.1. Un projet transdisciplinaire Aprs avoir positionn la problmatique, le risque sismique actuel dun portefeuille de btiments est estim [Brennet 2001] [Pellissier 2003a]. Ensuite, la comparaison des mesures et des stratgies envisageables est mene. Afin dillustrer les concepts thoriques dvelopps, des projets pilotes ont servi de supports pratiques. Le raisonnement sest construit partant de btiments individuels pour tre ensuite tendu un ensemble de btiments, dans notre cas, une petite ville des Alpes suisses. De nombreuses disciplines sont requises tout au long du processus de gestion. Ce travail cherche concilier autant que possible les spcificits propres chacune dentre elles.

1.4.2. Notion de risque Un modle destimation du risque sismique pour une population de btiments est dvelopp au chapitre 3. Aprs les avoir dfinis, le modle propos couple les diffrents paramtres constitutifs du risque que sont lala [Glossaire], la vulnrabilit et les valeurs exposes au risque considr. Le risque sismique est exprim sur la base des termes classiques des quations (1.1) et (1.2), dfinies par lOrganisation des Nations Unies [UN 2002]. Les lments constitutifs du risque sont prsents schmatiquement la figure 1.3.

Danger - Ala (Intensit & Probabilit doccurrence)

Consquences - Vulnrabilit - Valeurs exposes au risque considr

Risque

Figure 1.4 Elments constitutifs du risque sismique

5

1 Positionnement de la problmatique

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

Risque = Danger x Consquences Risque = Ala x Vulnrabilit x Valeur Avec: Risque

(1.1) (1.2)

Le risque est une mesure probabilise des impacts pouvant affecter un systme. Il reprsente l'esprance mathmatique des pertes au cours d'une priode de rfrence pour un site ou une rgion donne. Lala est la probabilit doccurrence dun vnement en termes dintensit, reprenant les degrs de lchelle macrosismique europenne [EMS98 1998]. Cette chelle classe les sismes en fonction de leurs effets un endroit donn. valuer l'ala revient donc calculer, en un site donn, la fonction de rpartition des paramtres caractristiques de l'vnement que sont lintensit et la probabilit doccurrence.

Ala

Vulnrabilit La vulnrabilit du systme considr dcrit le degr dendommagement pour diffrents vnements. Cette vulnrabilit dpend des caractristiques physiques et gomtriques des btiments. Valeur La valeur expose du systme au risque considr. Elle est de nature socioconomique. Dans le cas du danger naturel sismique, la valeur expose au risque est avant tout celle des btiments, de leurs occupants et de leur contenu ainsi que des activits conomiques quils abritent.

Le risque peut tre exprim comme le produit de lala (probabilit doccurrence), de la vulnrabilit (degr dendommagement) et des valeurs du systme exposes au risque. Le risque total est calcul comme la somme des risques des vnements provoquant une perte de valeur.

1.4.3. Les projets-pilotes Les tudes ralises tout au long de ce travail pour illustrer la formalisation du processus dvelopp dans cette thse sont rassembles en annexe A [Btiments individuels] et B [Population de btiments Ville dAigle]. Deux niveaux sont ainsi abords, tout dabord le niveau du btiment considr individuellement, puis une population de btiments existants, savoir lensemble du parc immobilier dune petite ville assur auprs dun assureur immobilier de type monopolistique.

1.5. ORGANISATION DU DOCUMENT Le modus operandi a t formalis dans un cadre de gestion. Cette formalisation consiste dcomposer le processus de diagnostic, dlaboration de mesures ou de stratgies, de choix et de mise en uvre en plusieurs tapes. Cette dmarche analytique est schmatise la figure 1.5 comme un processus itratif visant simplifier la ralit. La mthode de comparaison des

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1 Positionnement de la problmatique

mesures et des stratgies qui est propose est dtaille et taye par un argumentaire thorique.

2. Dtermination des objectifs 1. Dfinition du problme 3. Elaboration de mesures/stratgies alternatives

7. Evaluation rtrospective

4. Evaluation prospective 6. Mise en uvre

5. Choix

Figure 1.5 Schmatisation des tapes du cadre de gestion

Pour prsenter le travail effectu au cours de cette recherche, la structure de prsentation suivante a t retenue. Dans un premier temps, les chapitres prliminaires sattachent aux tapes 1 3 du cadre de gestion illustr la figure 1.5. Ces chapitres traitent des aspects suivants: 1er tape: Dfinition du problme Cette premire tape dbute au chapitre 2 de ce document o un tat des connaissances est prsent. Le chapitre 3 permet quant lui de faire un diagnostic du risque existant grce au dveloppement dun modle destimation du risque. 2me tape: Dtermination des objectifs de protection Le chapitre 4 propose une mthode de dtermination des objectifs de protection face au risque sismique pour des btiments existants. La notion dobjectif de protection permet de fixer le niveau dacceptabilit [Glossaire] de la socit face au risque sismique. 3me tape: Elaboration des mesures et des stratgies Le chapitre 5 tablit un catalogue des diffrentes mesures disposition des dcideurs pour la gestion du risque sismique. Une classification des mesures est propose qui diffrencie la composante sur laquelle elles agissent; lala, la vulnrabilit ou la valeur. Ces mesures sont classes dans trois catgories principales appeles, mesures de prvention, de protection et dintervention. Des stratgies pour un ensemble de btiments sont galement labores. Une stratgie est constitue dun ensemble des mesures pralablement catalogues.

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1 Positionnement de la problmatique

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

Dans un second temps, le cadre de gestion est repris au chapitre 6 pour tre formalis. Les trois tapes dtailles prcdemment sont alors intgres dans ce cadre grce une approche systmique. Dans le mme chapitre, les tapes suivantes sont prsentes: 4me tape: Evaluation prospective Afin de faire une valuation prospective des diffrentes mesures ou stratgies labores plus en avant, des critres objectifs permettant par la suite la comparaison sont proposs. Un historique de lvolution de la prise en compte du risque naturel par nos socits est galement esquiss. 5me tape: Choix Finalement, une mthode de comparaison multicritre prenant en compte la multiplicit des points de vue est propose. Les deux dernires tapes du processus itratif de gestion illustr la figure 1.5, que sont la mise en uvre et lanalyse rtrospective, ne sont pas abordes dans cette recherche.

1.6. PRINCIPAUX RSULTATS 1.6.1. Apports scientifiques La recherche prsente ici balaie un champ large. Des apports scientifiques ont pu tre ralises plusieurs moments lors des rflexions et tudes. Ces apports sont rsums brivement ci-dessous: Un modle de quantification du risque sismique dun portefeuille de btiments, et du sinistre maximum potentiel pouvant laffecter, est dvelopp. Les lments du risque entrant dans le modle sont identifis et dtaills. Les incertitudes et le manque de connaissances de certains de ces lments sont mis en lumire. Les informations recueillir lors de la ralisation dinventaires sismiques des fins de gestion sont galement dfinies. Enfin, ce modle est appliqu une ville pilote. Un cadre de gestion a ensuite t labor en identifiant clairement les diffrentes tapes entrant dans le processus. Cette dmarche est ds lors reproductible. Les diffrentes mesures techniques et non techniques de gestion du risque ont t identifies et catalogues selon une classification systmatique, fonction de llment constitutif cible de lquation du risque sur lequel agit la mesure. Une contribution supplmentaire rside dans la proposition dune dmarche permettant la dtermination du niveau cible de protection. Cette dmarche soupse les principes souvent contradictoires de prcaution et de proportionnalit. Elle repose sur la normalisation de deux indices exprimant les valeurs exposes (humaines et conomiques) mais galement la dure de vie restante et la fonction de louvrage. Une mthode de comparaison des mesures (pour des btiments individuels) et des stratgies (pour un portefeuille de btiments) a t formalise en identifiant les acteurs et des critres comparatifs. Cette mthode permet une comparaison aboutissant des8

1 Positionnement de la problmatique

choix. Elle dfinit le rle respectif des principaux acteurs impliqus dans le processus dcisionnel.

1.6.2. Originalit Cette recherche tente de considrer le problme tudi dans sa globalit. La formalisation systmatique du processus vise cette compltude. Ds lors, une dmarche originale pour mener une analyse structure, comblant les lacunes identifies, est propose. Un inventaire sismique dtaill dune ville de taille moyenne selon une approche oriente risque met en vidence le bien fond et les limites de la politique actuelle de gestion du risque sismique et propose des amliorations.

1.6.3. Contributions pratiques Les tapes permettant de mener une valuation sismique de btiments existants sont ici fixes clairement. Lanalyse intgre la dimension du risque et va au-del des pures considrations normatives puisque les principes de proportionnalit et de prcaution sont galement introduits. Lapplication des cas concrets de btiments du cadre formalis peut dboucher sur llaboration de recommandations pour la prise en compte de lala sismique. Cette dmarche est videmment reproductible. La dfinition claire dun modle destimation du risque sismique a permis de proposer une solution aux faiblesses constates des approches statistiques classiques. Ce type dapproches, appliques habituellement par les assureurs pour dterminer le niveau de primes de risque ou encore le sinistre maximum potentiel, nest pas adapt aux dangers ayant une trs faible probabilit de survenance, telle quobserve pour lala sismique. Le cadre ici formalis permet de mener une ngociation entre acteurs sur la meilleure politique mettre en place pour une population de btiments tout en distinguant les lments objectifs des lments subjectifs. La recherche permet aux institutions tatiques de mieux se positionner quant au rle quelles entendent jouer dans la gestion de cette problmatique. Elle leur fournit des outils qui permettent une meilleure connaissance des actions pouvant tre entreprises et dargumenter des choix de politique publique. Enfin, le contexte rglementaire helvtique est pass en revue, ce qui contribue une clarification de la problmatique pour la Suisse.

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1 Positionnement de la problmatique

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

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2

ETAT DES CONNAISSANCES DES LMENTS DE GNIE PARASISMIQUE

Ce chapitre sinsre dans la 1re tape du cadre du cadre de gestion propos la figure 1.5. qui vise dfinir le problme tudi. Un aperu de ltat des connaissances des lments de gnie parasismique auxquels ce travail fait rfrence est ainsi donn.

2.1. LE RISQUE SISMIQUE 2.1.1. Les vnements historiques en Suisse De par les mouvements tectoniques, la plaque africaine et plus particulirement la plaque adriatique pousse en direction du Nord contre la plaque eurasienne. Cette collision provoque des mouvements brusques le long des anciennes cassures de la crote terrestre (failles). Ces mouvements sont responsables de la majorit des tremblements de terre que nous rencontrons dans notre pays.

Figure 2.1 Gravures du sisme de Lausanne de 1584 [Delacrtaz 1982] et du sisme de Ble de 1356 [Wurstisen 1978]

Le tableau 2.1 ci-aprs, recueille les principaux vnements [Glossaire] historiques contemporains qui ont eu lieu en Suisse et qui ont, comme par exemple Ble au XIVme sicle, marqu leur poque. Il fournit galement une estimation des pertes immobilires et humaines qui seraient provoques par certains de ces sismes sils se reproduisaient aujourdhui. Ces valeurs sont tires dune tude du Pool suisse des assurances pour la couverture contre les tremblements de terre [Schaad 1988] et de [Kozk 1991]. Les tudes prcites ne prennent en compte que les dommages [Glossaire] immobiliers et le nombre de morts. Dautres dommages (pertes de production, dommages environnementaux,) nont pas t examins. Cependant, on value actuellement ces dommages, sur la base de lexprience dautres sismes importants rcents, laide dun11

2 Etat des connaissances

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

facteur multiplicateur . Par exemple, le facteur estim suite au sisme qui sest produit en Ombrie en 1997 est denviron 0.4 [Wenk 1997]. Ces dommages peuvent nanmoins atteindre plusieurs fois les dommages immobiliers. Les consquences sociales, survenant la suite dun vnement catastrophique, ne sont galement pas prises en compte, bien que pouvant tre extrmement importantes. Ces estimations de dgts doivent tre considres avec prudence tant donn les incertitudes qui y sont attaches. Elles montrent nanmoins que le risque sismique en Suisse ne peut pas tre occult. Limportance considrable de ce risque a pouss lenvisager dans le cadre dune politique nationale de gestion des risques naturels [Giardini 1999] [OFEG 2001].Sicle Date 1971 20ime 19ime 18ime 17ime 16ime 14 6ime ime

Lieu Glaris Rawyl Bern Valle de la Vige Altdorf Lucerne Lausanne Ble Chablais valaisan

Intensit [MSK] VII VIII VII VIII-IX VIII VIII-IX VII IX -

1946 1881 1855 1774 1601 1584 [Delacrtaz 1982 ] 1356 563 [Beres 2000]

Dommages Perte de vie immobiliers humaine (1) (1) [milliards Frs] 0.03 0.16 Eboulements, dommages au barrage 20 40 0.43 1.90 30 50 0.28 1.25 200 400 0.58 8.72 0.45 3.10 0.76 8.95 Dommages lgers aucun

1000 2000 13.10 47.10 Villages dtruits, boulements, nombreux morts

(1)

Estimation en cas de survenance aujourdhui dun sisme identique

Tableau 2.1 Principaux sismes historiques de Suisse

A des fins de comparaison, on peut relever quun sisme de lampleur de celui survenu en Ombrie, rgion du Nord de lItalie, en septembre 1997 (Magnitude 5.5, Intensit MSK VIII) peut se produire dans la rgion o se situe la ville ayant servi de support pratique cette tude, savoir Aigle. Le sisme dOmbrie est survenu dans une rgion lurbanisation comparable celle rencontre dans notre pays. Il est donc pertinent de relever quil a fait 11 morts, 126 blesss et 23'000 sans-abris. Des dommages, pour la plupart lgers, ont t constats sur 90000 btiments, principalement des vieux difices. Des btiments historiques importants ont t irrmdiablement endommags, comme la basilique dAssise. Des infrastructures ont aussi t affectes, comme les rseaux lectriques, routier ou ferroviaire. Le total des pertes conomiques conscutives est estim plus de deux milliards de francs. De cette somme, seul environ 5% taient couverts par une assurance [Wenk 1997].

2.1.2. Tendance Actuellement, une tendance claire laugmentation des pertes lies aux dangers naturels en gnral et aux tremblements de terre en particulier est observe de par le monde. Cette volution sexplique principalement par la croissance constante du parc douvrages menacs et par laugmentation importante de la valeur expose au risque. De plus, la vulnrabilit des systmes exposs ne baisse pas ou que trs lentement.

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2 Etat des connaissances

En effet, la concentration de valeurs dans des zones forte probabilit doccurrence de sismes pouvant provoquer des dommages entrane une augmentation du risque selon les termes classiques de son quation (1.1). Dans le mme temps, la vulnrabilit densemble du patrimoine bti ne baisse pratiquement pas, du fait principalement du faible taux de remplacement des immeubles et des infrastructures de lenvironnement bti. De plus, cet tat de fait est encore aggrav par le non-respect frquent des dispositions parasismiques lors de la construction de nouveaux ouvrages.

2.2. LALA SISMIQUE 2.2.1. Lala rgional La Suisse est soumise, en comparaison internationale, un ala modr faible. Certaines rgions, comme le canton du Valais ou la rgion bloise, sont nanmoins sujettes des tremblements de terre pouvant provoquer des dgts importants de manire plus frquente.

Figure 2.2 Carte des pics dacclration maximale (Avec une probabilit de non excdance de 90% sur 50 ans) [Jimenez 2003]

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2 Etat des connaissances

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

Les donnes historiques nous apprennent que la Suisse est soumise de trs nombreux sismes. Environ 100 sismes de magnitude 4 ou suprieure se sont produits lors des cent dernires annes. Cela signifie statistiquement quun vnement sismique clairement ressenti par la population a lieu en moyenne chaque anne. De ces secousses, 10 ont atteint une magnitude de 5, soit en moyenne un vnement sismique causant des dgts au patrimoine immobilier tous les 10 ans. En outre, un vnement sismique de magnitude 6, ou dintensit maximale VII, a eu lieu, soit un sisme provoquant des dgts importants durant le sicle coul [Weidmann 2002]. Un sisme dune intensit de IX est survenu en 1356 Ble et peut se reproduire [Giardini 1999]. Ce type dvnement est habituellement considr comme le sisme maximum pouvant survenir en Suisse. La probabilit doccurrence des diffrentes intensits de tremblement de terre sobtient en se basant sur les connaissances historiques et gologiques. Une tude rcente [Rttener 1995] aborde lvaluation de lala sismique en tenant compte des incertitudes sur les donnes. Cest cette tude qui a t retenue comme source principale pour ltablissement des caractristiques dala. Lauteur utilise une technique destimation baysienne dans laquelle les estimations a priori des paramtres de lala sont corriges laide des donnes observes. Il est important ici de prciser que la priode dobservation, dau maximum 700 ans pour les sismes dintensit IX, est trs courte lchelle gologique terrestre, particulirement pour les sismes importants. Depuis, la carte dala suisse a fait lobjet dune mise jour complte sous limpulsion du Prof. Dr Domenico Giardini du Service Sismologique Suisse (SED). Cette carte dala est accessible actuellement directement sur lInternet [http://seismo.ethz.ch]. Sans entrer dans le dtail, elle est base sur des notions de sismologie tectonique, de recoupements par sismologie historique et sur les enregistrements disponibles de sismes historiques.

Zone 1 Zone 2 Zone 3a Zone 3b

Figure 2.3 Zones dala sismique, tires de [Wenk 2003]

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2 Etat des connaissances

La qualit et la prcision des informations relatives aux vnements sismiques augmentent au cours du temps. Seules des informations descriptives sur les vnements importants sont disponibles pour les priodes plus anciennes, alors que de plus en plus dinformations pour des sismes de plus en plus faibles sont disponibles de nos jours. Par contre, comme dj dit prcdemment, la priode dobservation est relativement courte lchelle gologique. Ce manque dobservations dvnements sismiques importants implique une extrapolation des courbes dala, obtenues laide de la formulation classique de Gutenberg-Richter [Gttenberg 1944]. La magnitude maximale physiquement admise pour la Suisse est usuellement fixe environ 7. En terme dimplications normatives, la Suisse est ainsi divise en quatre zones dala sismique distinctes prsentes la figure 2.3 et quon retrouve lannexe F de la norme helvtique actuelle [SIA261 2003].

2.2.2. Courbes dattnuation Les sismes affectent de trs grandes surfaces. Les dgts peuvent stendre dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomtres. Lnergie des ondes sismiques est dissipe par des ondes lastiques dans le sol. Cette dissipation est exprime par des courbes dattnuation dont lallure caractristique est illustre la figure 2.4. Pour la Suisse, de telles courbes sont exposes dans [Bay 2002].

Amplitude [Pga]

Magnitude = 6 M=5 M=4

Distance [km]

Figure 2.4 Allure type de courbes dattnuation

2.2.3. Lala local Les conditions gologiques locales peuvent avoir une influence dterminante sur lamplification des ondes sismiques. Leffet de site dune rgion tudie peut mieux senvisager au travers dun microzonage conduit par exemple laide dune mthode de dtermination exprimentale des frquences propres in situ [Widmer 2002]. Le microzonage sismique a pour but la quantification locale des effets de site. Il est ralis en quatre tapes. Zonage indicatif Un microzonage indicatif de la rgion dtude est conu par le biais de la transcription de la lgende gologique de la carte existante en classes de sols de fondation dfinies par la nouvelle norme SIA 261 [SIA261 2003]. Cette carte indicative permet de mettre

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2 Etat des connaissances

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

rapidement en vidence les zones au comportement potentiellement dfavorable en cas de sisme (effets de site). Dtermination du spectre H/V avec la mthode Nakamura On dtermine le spectre H/V par la mthode de Nakamura [Nakamura 2000]. Cette mthode est base sur ltude du rapport de la composante horizontale (H) sur la composante verticale (V) du mouvement du sol engendr par le bruit de fond sismique ( rapport H/V ). Elle est utilise pour valuer les frquences propres de plusieurs points reprsentatifs dacquisition. Lefficacit de la mthode a t reconnue par des tudes rcentes, par exemple [Fh 2001], mais son aptitude dterminer le facteur damplification du sol reste encore dmontrer. Cette mthode a nanmoins t retenue pour notre tude pilote. Approximation de lamplification du signal sismique On obtient lors de cette tape une bonne approximation de lamplification de lacclration horizontale maximale du sol. Cette approximation permet de fournir un spectre de rponse lastique propre au site tudi qui peut par la suite tre compar aux spectres de rponse recommands par les normes dans les conditions rencontres. En procdant au rapport du spectre de rponse calcul en surface sur le spectre calcul au rocher, daprs les enregistrements des sismes de rfrence, on estime ainsi la fonction damplification spcifique du site. Le spectre de rponse lastique au rocher est le spectre de rfrence dun lieu, sans amplification lie aux conditions hydrogologiques locales. Il correspond la classe de sol A de la norme actuelle [SIA261 2003], illustre la figure 2.5 (rponse lastique dun btiment en fonction de sa priode de vibration fondamentale, exprime en seconde).

[ah/g] 0.25 0.20 0.15 0.10 0.05 0.00 0.01 sol A sol C sol D

0.1

1

10 [s]

Figure 2.5 Spectres de rponse lastique pour certaines classes de sol [SIA261 2003]

Interprtation en terme daugmentation dintensit Une interprtation permettant dexprimer en terme daugmentation dintensit a t ralise pour notre tude sur la base dune mthode expert [Glossaire]. Cette mthode a permis desquisser cette augmentation laide dinformations objectives. Elle repose sur lexprience de sismes ayant eu lieu dans dautres rgions prsentant des caractristiques comparables et sur les connaissances hydrogologiques [Cdra 1988], [Badoux 1960] et [NRP-20 1997] .

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2 Etat des connaissances

2.3. LA VULNRABILIT La vulnrabilit exprime la capacit de rponse dune structure, ici dun btiment, une sollicitation sismique donne. Elle est fonction de nombreux paramtres physiques, comme par exemple le matriau de construction utilis, les priodes de vibration fondamentales ou encore la gomtrie en plan ou en lvation de louvrage. Cette vulnrabilit revt un caractre essentiel pour le risque sismique, puisque cest principalement cette composante de lquation du risque que va pouvoir modifier lingnieur. Il est courant de diffrencier dans ltude de la vulnrabilit les nouvelles constructions, pour lesquelles une modification de la structure porteuse est relativement aise et impacte faiblement le cot, du bti existant, qui doit tre valu en ltat et dont une modification ncessite frquemment des interventions dlicates et onreuses.

2.3.1. Nouvelles constructions Il s'agit de construire des btiments qui prsentent une rponse satisfaisante pour tous les niveaux d'intensit sismique. Selon les principes du "performance based design" [Holmes 2000], une performance satisfaisante signifie peu ou pas de dgts pour les sismes de faible intensit et relativement frquents, et la garantie de la scurit structurale pour les sismes intenses et rares. Le comportement sismique d'un btiment est le rsultat principalement de l'interaction des vibrations du sol et du btiment compte tenu de sa masse, de sa rigidit et de sa rsistance latrale. Les vibrations du sol rsultent de la combinaison de la sismicit et du sol de fondation. Si un certain niveau d'acclration du sol est dpass, le comportement du btiment devient inlastique et la rigidit latrale diminue. Si la ductilit de la structure porteuse est petite, la rsistance latrale peut se dgrader rapidement. La scurit structurale n'est ds lors plus assure. Des mthodes de construction bases sur des connaissances modernes sont actuellement mises disposition des ingnieurs praticiens. Un effort important est actuellement en cours en Suisse [SIA-Vs 2003] [SIAD0191 2003] pour former les ingnieurs aux techniques de dimensionnement exploitant la ductilit des ouvrages et permettant ainsi de dissiper lnergie du sisme dans le btiment de manire plastique. Ce mode de dimensionnement implique de grandes dformations dans les zones plastiques et donc un remplacement ou une rnovation de ces zones aprs un vnement majeur. Ces zones ductiles se comportent comme des fusibles pour un systme lectrique.

2.3.2. Bti existant La vulnrabilit sismique du patrimoine bti existant, en particulier des btiments construits en Suisse avant lintroduction de prescriptions parasismiques modernes dans les normes de construction en 1989, est centrale pour lvaluation du risque. Cette vulnrabilit est encore mal connue et difficile quantifier [Badoux 1999]. En labsence de sismes importants et donc rvlateurs, lvaluation raliste de la vulnrabilit dun bti existant aussi diversifi que celui de la Suisse est une tche difficile qui requiert un vaste effort de recherche. Les tudes conduites ce jour ne permettent quune estimation limite de la vulnrabilit effective du bti existant. Des projets dvaluation sur des btiments types doivent donc se poursuivre afin de mieux la quantifier et didentifier les types de btiments existants les plus vulnrables. Deux principaux types de vulnrabilit peuvent tre identifis, avec des consquences trs diffrentes selon les valeurs considres (humaine ou conomique).17

2 Etat des connaissances

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

Le premier type de vulnrabilit est celui des btiments qui ne satisfont pas les exigences de la scurit structurale pour le sisme de rfrence (tat limite deffondrement). Il sagit donc de btiments qui reprsentent une menace de perte de vies humaines dans le cas dun sisme important. Bien que cette menace concerne thoriquement 90% du bti existant nayant pas t conu et dimensionn explicitement selon les rgles de lart du gnie parasismique, il semble que la grande majorit des btiments en bton arm ont une rsistance sismique par dfaut adquate pour prvenir un effondrement pour le sisme de rfrence des normes en vigueur pour leur rgion [Badoux 2000a]. Cependant, il existe un nombre significatif de btiments pour lesquels un effondrement est probable lors dun sisme de forte intensit. A titre dexemple, on dnombre environ 12% des btiments de la ville dAigle prsentant des degrs de dommages correspondant un effondrement partiel ou total en cas de survenance dun sisme dintensit VIII. Cette proportion est illustre la figure B5 de lannexe B [Population de btiments Ville dAigle]. Le second type de vulnrabilit est li la non-satisfaction des exigences des tats limites daptitude au service tels que ltat limite de fonctionnement ou ltat limite dendommagement. De nombreux btiments existants suisses sont vraisemblablement vulnrables selon ces critres. Mais au vu du cot des oprations de renforcement, ce critre daptitude au service ne devrait tre considr que pour une catgorie restreinte de btiments particuliers. Ces derniers incluent linfrastructure du rseau vital ou LIFELINE [Glossaire]: hpitaux, casernes de pompier, btiments de police, centres de tlcommunication, systmes de transports, etc., les installations dangereuses (industrie chimique ou installations nuclaires par exemple) et les constructions appartenant la richesse patrimoniale et historique dun pays. Il faut encore remarquer ici que les normes actuelles ont t dveloppes pour la conception et le dimensionnement de nouvelles structures. Dans une nouvelle structure, de bonnes performances parasismiques peuvent tre ralises facilement et bas cots. Les normes peuvent donc proposer des approches qui produisent des rserves de performance ("approches conservatrices"). La situation est diffrente dans le cas des structures existantes. Vu les cots gnralement trs levs des renforcements, il est souhaitable de connatre le plus exactement possible la performance d'une structure afin d'intervenir judicieusement [Brhwiler 2002a]. Par consquent, les analyses les plus ralistes possibles pour une valuation parasismique ne doivent pas se faire uniquement sur la base des sismes de rfrence et des critres dacceptabilits dfinis par la norme en vigueur. Le Perfomance Based Engineering propose une approche mieux adapte la problmatique de lvaluation sismique.

2.4. OUTILS ET MTHODES DE CALCUL Les ingnieurs ont disposition de nombreuses mthodes de calcul pour dimensionner une nouvelle construction ou valuer un btiment existant pour la situation de projet considrant le sisme. Lexprience montre que pour des nouvelles constructions, des mthodes simples permettent sans surcot notoire de dimensionner avec des rserves de performance. Par contre, pour des constructions existantes, il peut tre utile dtudier les structures plus en dtail pour ainsi, ventuellement, viter une intervention constructive, onreuse et trs souvent disproportionne.

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2 Etat des connaissances

Elment investigu Ala rgional Ala local Dtermination des priodes de vibration fondamentale Dtermination des sollicitations Rsistance de la construction Technique de dimensionnement Valeur expose(1) (2)

Mthode usuelle Carte dala sismique de la norme SIA 261 (1) Carte indicative de micro-zonage au 1:25'000 (3) [OFEG 2003] Formule simplifie propose par la norme SIA 261 (4) Mthode des forces de remplacement Mthode base sur les forces Dimensionnement conventionnel Formulaire simplifi [OFEG 2002]

Mthode approfondie Dtermination de lala rgional auprs du SED (2) Micro-zonage spectral par mesure in situ - Mthode du Quotient de Rayleigh [Lestuzzi 2002] - Modle dynamique par lments finis - Mthode du spectre de rponse - Analyse temporelle non-linaire - Spectre de capacit Mthode base sur les dformations [Peter 2000] [Lang 2002] Dimensionnement en capacit Etude individuelle dtaille

[SIA261 2003] Annexe F, p. 109 [http://www.seismo.ethz.ch] (3) [SIA261 2003] Classes de sol de fondation, tableau 25, p. 60 (4) [SIA261 2003] quation 38, p. 65

Tableau. 2.2 Principaux outils et mthodes de calcul entrant dans le dimensionnement ou lvaluation sismique

Le tableau 2.2 passe en revue, sans tre exhaustif, les possibilits que lingnieur peut exploiter. Des gains importants peuvent tre obtenus lors de la mise en uvre de ces mthodes approfondies. De plus, les prescriptions normatives helvtiques permettent dy avoir recours. Une bonne connaissance de ces techniques est cependant ncessaire pour appliquer des mthodes en drogation. Elles ncessitent lexploitation de comptences pouvant impliquer un surcot mais qui sont valorises avec un fort effet de levier. A titre dexemple, le tableau 2.3 dtaille les mthodes danalyse sismique disposition de lingnieur pour valuer la rsistance dune construction.Mthode Linaire statique Linaire dynamique Non-linaire statique Non-linaire dynamique Modle structural Prise en compte du comportement non-linaire Dtermination des forces extrieures sismiques et des efforts internes Estimation des forces extrieures sismiques, calcul linaire des efforts structuraux internes Forces extrieures estimes sur la base des modes de frquence, calcul des efforts internes par une intgration incrmentale Forces extrieures estimes sur la base des modes de frquence, calcul des efforts internes par une intgration incrmentale sous des forces croissantes monotones Intgration incrmentale des efforts extrieurs et des efforts internes

Elastique (linaire)

Estimation globale

Nonlinaire

Inclus dans le modle

Tableau. 2.3 Mthodes d'analyse sismique

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2 Etat des connaissances

Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

2.5. SYNTHSE Les diffrents lments de gnie parasismique prsents dans ce chapitre ncessitent encore des efforts de recherche importants. Ces lments ont une influence diffrente sur le risque total et peuvent donc tre prioriss relativement leur impact sur le risque. Des moyens modernes et une bonne connaissance permettent dexploiter les informations relatives lala rgional. La ncessit de connatre plus prcisment linfluence des conditions locales sur lala a nanmoins t mise en vidence. Plus de 9 btiments sur 10 ont t construits avant lintroduction, en 1989, de prescriptions parasismiques efficaces dans les normes suisses. Dans la mesure o les normes en vigueur sont respectes, cest principalement la vulnrabilit sismique du bti construit avant 1989 qui dtermine le risque sismique en Suisse. Un besoin de connaissance accrue du comportement des structures en maonnerie et en bton faiblement arm, qui composent lessentiel du patrimoine bti helvtique, est donc essentiel. Ces aspects, bien que prioritaires, ne doivent cependant pas occulter les autres aspects entrant dans le processus destimation du risque sismique, comme par exemple les mthodes danalyse du comportement des btiments existants. De mme, les mesures de gestion du risque ncessitent galement un approfondissement quant leur efficacit et leurs difficults de mise en uvre. Ces aspects sont galement essentiels pour une saine gestion du risque. Ds lors que de nombreux domaines de recherche restent inexplors, leurs dveloppements vont permettre dans le futur damliorer la qualit de lestimation du risque sismique et donc damliorer sa gestion.

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3

MODLE DESTIMATION DU RISQUE SISMIQUE

Toujours pour dfinir le problme tudi, qui correspond la premire tape du cadre de gestion nonc comme thse centrale illustre la figure 1.5, ce chapitre fournit un modle permettant destimer le risque sismique dun portefeuille de btiments. Ce paragraphe passe en revue les considrants et les aboutissants de ce modle.

3.1. BASES DU MODLE 3.1.1. De la dimension individuelle la dimension plurielle Un des dfis majeurs rencontr dans la gestion du risque sismique est de passer de la dimension individuelle la dimension plurielle, cest--dire dun btiment un grand nombre de btiments. En effet, ce passage ncessite limplication de nombreux acteurs supplmentaires, ce qui augmente la complexit. Cependant, un modle permettant destimer le risque est essentiel bien des acteurs. On pense par exemple aux autorits tatiques, un gestionnaire de portefeuille immobilier ou encore une institution de crdit hypothcaire. Ce chapitre prsente le modle utilis dans cette recherche [Pellissier 2002b] qui postule du caractre central des objectifs des acteurs. Ce modle a t mis en uvre dans le cadre dun projet pilote dune petite ville des Alpes helvtiques. Ce projet-pilote est prsent lannexe B [Population de btiments]. Il a permis didentifier les faiblesses des mthodes actuelles et les pistes de recherche pour amliorer la qualit de lestimation. Les enseignements gnraux tirs de cette mise en application sont finalement prsents.

3.1.2. Les modles existants Pour estimer le risque sismique affectant un portefeuille de btiments deux approches diffrentes sont usuellement utilises. La distinction principale entre ces deux approches porte sur lutilisation de la magnitude ou de lintensit pour dfinir lala et sur la gnration de courbes de vulnrabilit.Rgion Ble ville Sion Stans [R&S 2000] Aigle [Pellissier 2003a](1) (2)

Importance 166'000 habitants 18'500 btiments 28000 habitants 4200 btiments 6700 habitants 1400 btiments 7500 habitants 1500 btiments

Zone sismique PGA475 (1) 3a/0.13 g 3b/0.16 g 2/0.10 g 3a/0.13 g

Microzonage effectu Non Non Oui Oui

Classes de vulnrabilit unique unique 5 classes 5 classes

Prime de risque (2) 0.33 %0 0.45 %0 0.80 %0 0.28 %0

PGA pour le sisme de dimensionnement dune priode de retour de 475 ans

en Frs. par anne Tableau 3.1 Primes de risque pour les dommages immobiliers de diverses tudes (en gris, les rsultats obtenus pour le projet-pilote prsent en annexe)21

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Evaluation de stratgies pour la gestion du risque sismique

Le dveloppement du logiciel Hazus [FEMA 1999] qui se base sur des modles analytiques pour dfinir la matrice de probabilit de dommages (abrg ci-aprs par DPM) [Glossaire] procde dune de ces approches. La mthode utilise pour ce logiciel dfinit lala en terme dacclration spectrale, de vitesse et de dplacement ainsi que la vulnrabilit laide de fonctions bases sur les dplacements. Lautre alternative principale est base sur lchelle macrosismique europenne [EMS98 1998]. Elle dfinit lala en terme dintensit EMS et la vulnrabilit comme des fonctions lies ce paramtre. Le modle propos dans cette recherche est du deuxime type et se rfre donc lintensit EMS. Les DPM sont bases sur lanalyse statistique des observations des dommages dus aux sismes passs. Les deux modles ont leurs intrts respectifs et aucun na montr de supriorit vidente. De nombreuses tudes rcentes mettent en uvre ces deux types dapproches. Le tableau 3.1 fournit les principaux rsultats dtudes rcentes consacres la Suisse. Elles conduisent des niveaux de primes de risque dun ordre de grandeur similaire [Duvernay 2004]. Au niveau international on peut relever un effort important dans ce domaine. A titre dexemple, sans tre exhaustif, le lecteur trouvera les rsultats dapplications dans les publications rcentes suivantes: [Carvalho 2002], [Campos 2002], [Deodatis 2001], [Fh 2001], [Kappos 2002], [Lungu 2002], [Nordenson 2000], [Schwartz 2002], [Risk-UE 2004].

3.1.3. Mthodologie utilise Les lments constitutifs du modle destimation du risque sismique utilis ici pour un portefeuille de btiments sont fixs dans ce paragraphe. La mthodologie en 5 phases est dcrite ci-dessous et illustre schmatiquement la figure 3.1. 1. La premire phase consiste dterminer la sismicit rgionale par identification des caractristiques (intensit et priode de retour) des sismes susceptibles de causer des dommages. 2. A partir dun modle gotechnique sommaire, la deuxime phase fournit un microzonage rapide, valid par interviews. Les courbes dattnuation permettent de prendre en considration lloignement de lpicentre. Une estimation de leffet de site base sur des mesures in situ peut, le cas chant, complter cette phase. 3. Lors de la troisime phase, la vulnrabilit du bti et les dommages prvisibles sur lensemble de la ville sont valus. Un inventaire par catgorisation des btiments en classes de vulnrabilit ainsi que leur rpartition permet de les positionner par zone gographique sur lensemble de la rgion tudie [Brennet 2001]. Une courbe de vulnrabilit est affecte chaque catgorie de btiments (taux de dommages en fonction de lintensit des sismes) puis lensemble du bti de la ville. 4. Le calcul des pertes potentielles est effectu dans cette quatrime phase par analyse des lments exposs au risque portant sur la population et sur les valeurs assures. Il est possible daffecter des courbes dendommagement selon les dommages constats aux btiments la phase prcdente (taux et gravit des pertes humaines, ou22

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pourcentage de perte de la valeur (mobilire ou immobilire) assure, en fonction du niveau de dommages des btiments). Les scnarii de pertes par valeurs considres sont ainsi dtermins en fonction de divers vnements sismiques (intensits et priodes de retour diffrentes). Le sinistre maximum potentiel (abrg par SMP) [Glossaire] est galement dtermin ce stade. 5. En dernire phase, le risque total est finalement dtermin par couplage des diffrents lments noncs ci-dessus. Cest donc un modle dterministe de paramtres qui sont pour certains probabilistes. Principalement, lala et la vulnrabilit revtent ce caractre probabiliste et possdent une fonction de rpartition dterminer. La valeur, tant humaine quconomique, a t considre ici par hypothse simplificatrice acceptable comme dterministe.

1. Sismicit rgionale

Ala

2. Sismicit locale

Informations existantes: carte de zones sismiques ala rgional fourni par le SED courbes datnuation Dtermination de leffet de site: modle gologique sommaire microzonage indicatif microzonage de dtail

Intensit (ou magnitude) et priode de retour

Vulnrabilit

3. Inventaire sismique

Courbes de vulnrabilit par catgorie sismique

Courbe de vulnrabilit de lensemble du bti Valeurs exposes

4. Dtermination des pertes - Par scnario - Sinistre max. potentiel

Valeurs exposes (vies humaines, valeurs conomiques,...) Courbes dendommagement

5. Estimation du risque

Figure 3.1 Mthodologie destimation du risque

Ces diffrents points peuvent tre intgrs dans un logiciel informatique permettant un gorfrencement. De nombreux exemples bass sur cette technologie se trouvent dans la littrature, comme par exemple [Kiremidjian 1998] ou [Risk-UE 2004]. Ce type doutil donne des indications prcieuses pour la gestion du risque par exemple pour lorganisation des secours.23

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3.2. ELMENTS PHYSIQUES DU MODLE 3.2.1. Ala sismique Ala rgional Lala rgional est dtermin laide des tudes existantes disponibles pour la rgion dtude considre. Ltat actuel des connaissances est prsent de manire plus dtaille au chapitre prcdent. Les courbes dala rgional sont par exemple disponibles actuellement par simple saisie des coordonnes gographiques pour lensemble du territoire helvtique. Ala local Les diffrentes informations gologiques disposition doivent tre regroupes. Celles-ci proviennent principalement de sondages ou de campagnes de mesures in situ existants. A dfaut dinformation de qualit suffisante, des mesures permettant dvaluer les effets de site locaux peuvent tre envisages. Ces mesures, selon le degr de prcision requis, se font soit de manire rapide conformment [OFEG 2003], soit plus prcisment laide dun microzonage spectral.

3.2.2. Inventaire sismique Considrations Dans ltude de la vulnrabilit sismique dune grande population de btiments, chaque btiment ne peut tre analys sparment en dtail. Cest pour cela quil est ncessaire de faire un inventaire, cest--dire de considrer une approche globale, simple et statistique du comportement des btiments. Il existe actuellement plusieurs outils pour effectuer ce type dinventaire. A titre dexemple la technique propose par [FEMA 1998a] a t adapte pour la Suisse [OFEG 2002]. Cette technique est base sur des paramtres structuraux et les conditions de sol rencontres. Elle fournit une information sur la vulnrabilit du btiment investigu. En particulier, elle permet de dire si cette vulnrabilit est satisfaisante, si elle mrite une tude plus approfondie ou si elle nest clairement pas satisfaisante. Cette technique permet galement dallouer un indice de risque relatif en classant les btiments dun portefeuille des plus vulnrables aux moins vulnrables. Cela permet de fixer plus facilement les priorits dans les interventions entreprendre. La figure 3.2 illustre de manire schmatique la mthodologie utilise dans cette recherche pour llaboration de linventaire sismique. La premire tape ncessite lallocation de chaque btiment dans une catgorie sismique en fonction du matriau de la structure porteuse (par exemple, des btiments de maonnerie moderne, des btiments avec murs en bton arm ou encore des btiments en construction mtallique). Gnralement, il existe, lintrieur dune population de btiments, plusieurs types de structures et de gomtries. Cette ralit complexe est simplifie par la segmentation des btiments en groupes ayant des caractristiques similaires en termes de performances sismiques. Ces catgories sismiques sont directement lies aux types de structures se retrouvant dans la population de btiments. Le nombre de catgories sismiques doit tre choisi sur la base dimpratifs, parfois contradictoires, de simplicit et de reprsentativit de la grande diversit de btiments.

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Population de btiments Catgories sismiques Moellons ... ... Acier

Classes de vulnrabiit

A

B C

E D

E

Courbes de vulnrabilit du portefeuille

Figure 3.2 Mthodologie pour l'inventaire sismique

La vulnrabilit de chaque catgorie sismique est quantifie par la distribution des btiments dans les diffrentes classes de vulnrabilit. Les classes de vulnrabilit sont dfinies par leur courbe de vulnrabilit. Ces courbes sont bases sur les indications de lEMS 98 [EMS98 1998], qui pour chaque intensit de sisme propose un certain taux de btiments subissant un certain niveau de dgts. Les dgts se rfrent aux lments structuraux et non structuraux dun ouvrage. Lapproche est statistique. Elle propose un certain pourcentage de btiments souffrant dun certain niveau de dgts. Un lien est ensuite tabli entre le degr probable de dgts et les pertes rsultantes. Combin avec les donnes dala, cela permet une valuation du risque sismique de la population de btiments. Comme schmatis la figure 3.2, la premire tape de linventaire est dassigner chaque btiment une catgorie sismique (un type de structure). Cette classification est ralise sur la base dobservations visuelles de lextrieur des btiments, compltes par les donnes immdiatement disponibles. Chacun dentre eux est alors individuellement plac dans une catgorie sismique. Pour cette tape, aucune dmarche probabiliste nest utilise, chaque btiment a t visualis et analys sparment. La catgorie sismique nest pas le seul paramtre pris en compte pour linventaire. La premire diffrenciation faite est la zone gographique dans laquelle se trouve le btiment. Les plans cadastraux des villes proposent frquemment une division de celles-ci en plusieurs zones. On distingue gnralement les diffrents quartiers du centre ville des zones rsidentielles ou encore des zones industrielles ou agricoles. Cette zonification des btiments savre trs utile lors de lvaluation des dommages directs et indirects. En plus de la catgorie sismique et de la zone, le nombre dtages et laffectation (habitation, commerce, industrie, publique et agricole) sont aussi collects pour chaque btiment. Les catgories sismiques utilises correspondent approximativement aux types de construction. Elles sont largement bases sur celles proposes dans lEMS 98 [EMS98 1998]

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et dans [Risk-UE 2004] et ont t adaptes pour la population de btiments de villes helvtiques. Elles sont nonces ci-dessous: Btiments en maonnerie traditionnelle (moellons et autres), Btiments en maonnerie traditionnelle (pierres tailles), Btiments en maonnerie moderne, Btiments avec cadres en bton arm, Btiments en construction mtallique (acier), Btiments en bois, Btiments avec murs en bton arm. LEMS 98 [EMS98 1998] propose des exemples de btiments pour chaque catgorie sismique. Les btiments en maonnerie traditionnelle (par exemple le btiment illustr la figure 3.3) reprsentent frquemment, dans les petites villes europennes, la catgorie sismique la plus reprsente. Cette constatation est trs importante dun point de vue sismique tant donn que les sismes ont montr maintes reprises que ces btiments ont tendance tre trs vulnrables.

Figure 3.3 Exemple dun btiment en moellons tudi dans le dtail

Le tableau 3.2, tir dune tude statistique [Wst 1994], fournit la rpartition des btiments selon leurs annes de construction. Cette tude est base sur les renseignements obtenus lors des recensements fdraux effectus tous les dix ans. Les valeurs qui apparaissent ci-dessous sont celles de ltude publie en 1994. Selon cette tude, environ la moiti des btiments datent davant les annes 1950 dont une grande partie est en construction traditionnelle de26

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moellons. A ce jour on peut estimer que plus de 90% du bti actuel a t construit avant lintroduction des premires normes suisses intgrant des prescriptions parasismiques modernes [SIA160 1989]. Toujours selon cette tude, en 1990, le nombre total de btiments en Suisse tait denviron 2'300'000 et la valeur totale assure tait de 1'584 milliards de francs suisses [Wst 1994].Anne de construction Avant 1947 1947 1960 1961 1975 1976 - 1990 Nombre de btiments 47% 13% 21% 19% Volume (valeur assure) 40% 11% 27% 22%

Tableau 3.2 Priode de construction des btiments suisses [Wst 1994]

Courbes de vulnrabilit La vulnrabilit peut tre dfinie comme le degr de pertes pour un lment de risque donn rsultant dun certain niveau dala. Dans cette recherche, la description de la vulnrabilit est base sur la nomenclature et les indications formules dans lEMS 98 [EMS98 1998]. Les btiments rpertoris dans les catgories sismiques sont distribus dans six classes de vulnrabilit. La classe A comprend les structures les plus vulnrables comme les btiments en maonnerie traditionnelle et la classe F, les structures les moins vulnrables comme par exemple la plupart des structures en acier. Il est toutefois important de relever quil nexiste pas de bijection entre les catgories sismiques et les classes de vulnrabilit, comme lillustre la figure 3.2. Chaque classe de vulnrabilit peut tre caractrise par une courbe de vulnrabilit. A titre dexemple, la figure 3.3 donne le taux de dgts probables pour une certaine intensit pour la classe de vulnrabilit A.Probabilit 1.0

0.8 DG 1 DG 2 DG 3 DG 4 DG 5

0.6

0.4

0.2

0.0

VI

VII

VIII

IX

X

XI Intensit EMS

Figure 3.4 Courbe de vulnrabilit (classe A)

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Ces courbes dcrivent le degr de dommages (pour une population de btiments) pour une certaine chelle dintensit. Ainsi, par exemple, pour un sisme dune intensit EMS de VII, il est suppos quaucun btiment ne subisse de dgts de degr 5, 5% des btiments subiront des dommages de degr 4, 25% de degr 3, 30% de degr 2, 30% de degr 1 et 10% ne subiront aucun dommage. La dmarche, ainsi que les courbes de vulnrabilit par classe, sont prsentes en dtails dans [Brennet 2001]. Les degrs de dommages (abrgs ci-aprs par DG) sont ceux proposs par lEMS 98 [EMS98 1998]. Lillustration de ces degrs de dommages est prsente dans ce mme document pour les btiments en maonnerie ainsi que pour les btiments en bton arm: Degr 1: Dommages ngligeables lgers (pas de dommages structuraux et de lgers dommages non structuraux). Degr 2: Dommages modrs (lgers dommages structuraux et dommages non structuraux modrs). Degr 3: Dommages importants lourds (dommages structuraux modrs et lourds dommages non structuraux). Degr 4: Trs lourds dommages (lourds dommages structuraux et trs lourds dommages non structuraux). Degr 5: Destruction (trs lourds dommages structuraux).

Des btiments subissant des degrs de dommages 4 ou 5 sont considrs comme devant tre dmolis et reconstruits. En consquence, dun point de vue conomique, la valeur totale du btiment est considre comme perdue. Les courbes de vulnrabilit sont bases sur les indications de lEMS 98 [EMS98 1998]. Il y est indiqu par exemple que pour un sisme dintensit EMS de IX, beaucoup de btiments de la classe de vulnrabilit A subiront des dommages de degr 5 ou que beaucoup de btiments de la classe de vulnrabilit D subiront des dommages de degr 2 et quelque uns de degr 3 . Ces indications ont t interprtes quantitativement afin de dvelopper les courbes de vulnrabilit pour chacune des six classes de vulnrabilit. Ces indications ont permis de gnrer trois courbes de vulnrabilit types, correspondant une rpartition choisie par hypothse gaussienne de la vulnrabilit. Cette hypothse se base sur la thorie des grands nombres. Elle est donc pertinente pour un portefeuille de btiments suffisamment important. A partir du moment o les catgories sismiques et les classes de vulnrabilit sont dfinies, il devient possible de les relier. LEMS 98 [EMS98 1998] est une fois de plus utilise comme point de dpart pour cette opration, adapte aux caractristiques du bti suisse. Dans le but de produire un inventaire sismique orient vulnrabilit, la relation entre les catgories sismiques et les classes de vulnrabilit a t quantifie, comme indiqu dans lexemple suivant. Pour les btiments en maonnerie moderne (i.e., les btiments avec les murs en maonnerie de briques et les dalles en bton arm), la distribution est de 20% pour la classe de vulnrabilit B, 70% pour la classe C et 10% pour la classe D. Cette distribution a t applique aux btiments ayant entre 3 et 3.5 tages. Elle a t ensuite modifie pour tenir compte de linfluence du nombre dtages sur la vulnrabilit sismique. Pour les btiments avec 1 2.5 tages, la distribution est de 10% pour la classe de vulnrabilit B, 50% pour la28

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classe C et 40% pour la classe D. Par contre, pour les btiments avec 5.5 tages, la distribution est de 20% pour la classe de vulnrabilit A, 70% pour la classe B et 10% pour la classe C. Le dtail de cette distribution est donn dans [Brennet 2001]. Le tableau qui y est prsent donne pour chaque catgorie sismique et pour chaque nombre dtages, la rpartition des btiments dans les diffrentes classes de vulnrabilit. Pour la plupart des catgories sismiques, cette adaptation sest faite sur la base de rsultats de recherches disposition dans la littrature scientifique et reprises dans [Brennet 2001]. Des renseignements utiles provenant aussi bien dtudes thoriques que de rapports de dommages post-earthquake sont en effet disponibles pour les constructions de type moderne. Pour les btiments en bton arm par exemple, une tude sur la vulnrabilit des btiments suisses existe [Peter 2000]. Lexception tant les btiments en maonnerie traditionnelle, la distribution utilise est base sur les rsultats de lanalyse dtaille de cinq btiments de la ville pilote [Brennet 2001]. Courbes de vulnrabilit de lensemble du bti En utilisant les courbes de vulnrabilit et la rpartition des btiments dans les diffrentes classes de vulnrabilit obtenues dans linventaire sismique [Brennet 2001], il est possible de dvelopper une estimation densemble des dommages pour le portefeuille, et ce pour diffrents vnements sismiques. Lendommagement des btiments est exprim laide de la notion de degr de dommage, dveloppe dans lEMS 98 [EMS98 1998]. Trois courbes de vulnrabilit du bti sont construites afin de considrer les incertitudes sur le comportement physique des btiments lors de sollicitations sismiques. Comme dj discut plus haut, la rpartition a t admise de type gaussien. Trois niveaux ont t dtermins par mthode expert. Une courbe moyenne, une courbe correspondant un comportement optimiste et une autre correspondant comportement pessimiste. Chacune des deux courbes (optimiste et pessimiste) a t considre comme tant lexpression de plus ou moins un cart-type autour de la valeur moyenne. Ces trois valeurs (valeur moyenne et plus ou moins un cart-type) ont t admises, par hypothse, comme valeurs caractristiques dune fonction de distribution gaussienne.

3.3. PERTES CONSIDRES Les pertes totales qui peuvent rsulter dun sisme sont difficiles prdire. Les pertes directes sont plus facilement quantifiables que les pertes indirectes. Ce travail porte uniquement sur les pertes pouvant affecter le portefeuille immobilier et mobilier assur auprs dun assureur ainsi que sur les pertes humaines potentielles. Les diffrents secteurs pouvant tre touchs la suite dun tremblement de terre sont passs en revue de manire dtaille dans [Weidman 2002]

3.3.1. Pertes directes Un sisme cause dimportants dommages humains et matriels directs. Laspect humain est dvelopp afin de dterminer le nombre de morts et de blesss potentiellement caus par un vnement sismique dtermin. Les pertes immobilires et mobilires sont values quant elles en unit montaire.29

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Pertes humaines Plusieurs lments entrent en considration pour dterminer les dommages humains. Par exemple, le nombre de personnes touches lors du tremblement de terre ou encore la gravit des atteintes, allant des blessures lgres ne ncessitant pas dhospitalisation jusquau dcs des personnes surprises par un vnement sismique.Contenance

Par contenance dun btiment, on entend le nombre maximal de personnes quil peut contenir, sans tenir compte dun instant particulier. Cette contenance est dtermine par chantillonnage statistique de btiments reprsentatifs. La capacit totale dun portefeuille de btiments peut ds lors se dterminer par sommation des capacits individuelles moyennes.Occupation des btiments en fonction du temps

La saison, le jour de la semaine et lheure de la journe ont une influence sur le nombre de personnes pouvant se trouver lintrieur des btiments effondrs et jouent donc un rle direct sur le nombre de personnes pouvant in fine tre blesses ou tues. Cette occupation est diffrente si on a faire un btiment dhabitation ou un btiment abritant des bureaux. Cet aspect a t intgr au modle en considrant une occupation moyenne de louvrage, tire de [Coburn 2000].

Niveau 100 doccupation [%]

50

0 0 6 12 18 24 Heure de la journe

Occupation typique de btiments rsidentiels en zone urbaine Occupation typique de btiments non rsidentiels en zone urbaine

Figure 3.5 Occupation des btiments [Coburn 2000]

Courbe dendommagement de la vie humaine

Seule une partie des occupants sont blesss ou tus en cas deffondrement dun btiment pendant un sisme. Certains dentre eux peuvent schapper, particulirement ceux du rez-dechausse, et dautres se trouver dans une partie de la structure non compltement effondre. On dtermine lendommagement de la vie humaine non en fonction de lintensit EMS mais en fonction du degr dendommagement de la construction.

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La gravit des atteintes corporelles peut tre fortement variable, allant des blessures lgres ne ncessitant pas dhospitalisation jusquau dcs. Cette gravit dpend galement du type de construction. Dans notre tude, on ne prend en considration que les morts et les blesss comptabiliss juste aprs le tremblement de terre, bien quon devrait considrer galement ceux qui seront effectifs quelques heures ou jours plus tard [Coburn 2000]. On pense notamment aux personnes dcdes des suites des blessures engendres par leffondrement ou encore les survivants sous les dcombres qui ne peuvent tre secourus. Cet aspect dpend fortement de la qualit des moyens de secours mis disposition en cas de catastrophe [Glossaire], comme les pompiers, larme, lorganisation dune cellule de crise ou encor