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Gaétan A. Leduc Michel Raymond Un outil d’aide à la décision Gaétan A. Leduc Michel Raymond L’ÉVALUATION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX L’ÉVALUATION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX Préface de Normand Trempe Directeur du Secrétariat francophone de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts

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Page 1: ENVIRONNEMENTAUX L’ÉVALUATION DES IMPACTS...Données de catalogage avant publication (Canada) Leduc, Gaétan A. L’évaluation des impacts environnementaux Comprend des réf. bibliogr

Gaétan A. LeducMichel Raymond

Un outil d’aide à la décision

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Préface deNormand TrempeDirecteur du Secrétariat francophone de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts

Bonne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales en langue française!Il faut se réjouir à la sortie de chaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de laFrancophonie, l’utiliser et le recommander à ses collègues et à tous ceux qui, dans leur cercle d’in-fluence, peuvent en tirer profit.

Les auteurs nous font profiter de plusieurs années de travail et d’enseignement universitaire,au Canada et à l’étranger, ce qui leur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ilssavent, d’expérience, quels sont les concepts plus difficiles à saisir et peuvent ainsi mettre plusl’accent, à l’aide d’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeuréstrès actifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, les asso-ciations et les ONG œuvrant dans le domaine des évaluations des impacts environnementaux(ÉIE), ce qui confère un caractère actuel et pratique à leur ouvrage.

Tous les acteurs du développement – planificateurs, gestionnaires, économistes, ingénieurs,politiciens, entrepreneurs, industriels – ont intérêt à lire un tel ouvrage.

(Extraits de la préface de Normand Trempe, Directeur du Secrétariat francophone de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts)

L’évaluation des impacts environnementaux, un outil d’aide à la décision présente un tourd’horizon complet des notions à assimiler. Il permet un apprentissage progressif des méthodes etdes procédures reconnues en matière d’ÉIEet comporte des exemples en provenance de la Fran-cophonie tirés de l’expérience internationale des auteurs.

• Le contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux.• Le processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux.• La procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux.• Les éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux.• Les méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux.• La collecte de l’information et la présentation des résultats.• Le contexte de la négociation environnementale.• La modification du projet et les mesures d’atténuation des impacts.• La critique, la validité et l’efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux.

LES AUTEURS

Gaétan A. Leduc est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environ-nement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et candidat au doctorat en aménagement de l’Université de Montréal. Il est professeurchargé de cours au Département de physique et de géographie ainsi qu’enmaîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM. Il participe aussi commechercheur à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de la même univer-sité. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluation environnementalestratégique et la gestion de l’environnement.

Michel Raymond est détenteur d’un doctorat en biologie de l’Université de Sherbrooke. Il est professeur au Département des sciences biologiques de l’UQAM. Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluation des impacts environnementaux et les outils d’aide à la décision. De 1997 à 2000, le professeur Raymond a dirigé le Départementde gestion de l’environnement de l’Université Senghor à Alexandrie (Égypte).

ISBN 2-921146-98-3

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Un outil d’aide à la décision

L’ÉVALUATION DES IMPACTSENVIRONNEMENTAUX

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Un outil d’aide à la décision

Gaétan A. LeducMichel Raymond

L’ÉVALUATION DES IMPACTSENVIRONNEMENTAUX

Préface deNormand TrempeDirecteur du Secrétariat francophone de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts

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Données de catalogage avant publication (Canada)

Leduc, Gaétan A.

L’évaluation des impacts environnementaux

Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 2-921146-98-3

1. Environnement – Études d’impacts. 2. Environnement – Évaluation du risque. 3. Environnement– Études d’impacts – Méthodologie. I. Raymond, Michel. II. Titre.

TD194.6.L42 2000 333.7'14 C00-940878-7

Révision linguistique: Steve Laflamme

Design de la couverture : Gérard Beaudry

ISBN 2-921146-98-3Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2000Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada, 2000

ÉDITIONS MULTIMONDES, 930, rue Pouliot, Sainte-Foy (Québec), G1V 3N9 CANADA,tél. : (418) 651-3885; téléc. : (418) 651-6822; courriel : [email protected], Internet :http://www.multim.com

DISTRIBUTION EN LIBRAIRIE AU CANADA: Diffusion Dimedia, 539, boulevard Lebeau, Saint-Laurent(Québec) H4N 1S2, tél. : (514) 336-3941; téléc. : (514) 331-3916; courriel : [email protected]

DÉPOSITAIRE EN FRANCE : Éditions Ibis Press, 8, rue des Lyonnais, 75005 Paris FRANCE,tél. : 01 47 07 21 14; téléc. : 01 47 07 42 22; courriel : [email protected]

DISTRIBUTION EN FRANCE: Librairie du Québec à Paris, 30, rue Gay-Lussac, 75005 Paris FRANCE,tél. : 01 43 54 49 02; téléc. : 01 43 54 39 15

DISTRIBUTION EN BELGIQUE: Presses de Belgique, Bd de l’Europe, 117, 1301 WAVRE, BELGIQUE,tél. : 010/ 42 03 44; téléc. : 010/ 42 03 52

Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entre-mise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activitésd’édition. Elles remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC)pour son aide à l’édition et à la promotion.

Les Éditions MultiMondes remercient également les ministères de l'Environnement et des Relationsinternationales du Québec pour le soutien particulier qu’ils ont accordé à cet ouvrage.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC

Imprimé au Québec sur du papier recyclé et exempt d’acide

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Avant-propos

Les auteurs du présent document sont Gaétan A. Leduc et Michel Raymond, res-pectivement professeur chargé de cours et professeur titulaire de l’Université du Québecà Montréal (UQAM).

• Gaétan A. Leduc est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environnementde l’UQAM et candidat au doctorat en aménagement de l’Université deMontréal. Il est professeur chargé de cours au Département de physique et degéographie, ainsi qu’en maîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM.Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement(ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluationenvironnementale stratégique et la gestion de l’environnement.

• Michel Raymond est détenteur d’un doctorat en biologie de l’Université deSherbrooke. Il est professeur au Département des sciences biologiques del’UQAM. Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’en-vironnement (ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent surl’évaluation des impacts environnementaux et les outils d’aide à la décision.Le professeur Raymond est actuellement (1997-2000) directeur du Départementde gestion de l’environnement de l’Université Senghor à Alexandrie (Égypte).

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VIII

L’évaluation des impacts environnementaux

Les auteurs tiennent à remercier tous les étudiants de l’UQAM et de l’extérieurdu pays qui ont suivi et inspiré le développement de ce document au cours des der-nières années, ainsi que tout particulièrement Isabelle Laporte (biologiste-géographe)et Sophie Corriveau (biochimiste) pour leur précieuse participation à la rédactionet à l’illustration du propos ainsi que Jean-Noël Vigneault (auparavant Chef de ser-vice au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement et maintenant Directeuradjoint à la Direction générale de la formation professionnelle du ministère de l’Édu-cation du Québec) qui a conçu et piloté le projet de publication, pour son appuiindéfectible.

Nous remercions chaleureusement les collaborateurs suivants pour leurs précieuxconseils et leurs judicieux commentaires lors de la révision finale du texte :

Yves Comtois (Directeur de projets chez SNC-Lavalin Environnement inc.) ;

Michel Gariépy (Doyen de la Faculté de l’Aménagement de l’Université deMontréal) ;

Luc Valiquette (Professionnel du ministère de l’Environnement du Québec) ;

Normand Trempe (Directeur du Secrétariat francophone de l’Association inter-nationale d’évaluation d’impacts) qui a par ailleurs aussi rédigé la préface.

Université du Québec à MontréalInstitut des sciences de l’environnementCase postale 8888, succursale Centre-villeMontréal (Québec)H3C 3P8Courriel : [email protected] : [email protected]

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Préface

Bonne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales vient d’êtrepublié en français ! Par sa vocation, le Secrétariat francophone de l’Association inter-nationale pour l’évaluation d’impacts favorise la publication et la diffusion de docu-mentation sur les évaluations d’impacts environnementaux (ÉIE), le développementdurable et la participation publique. C’est pourquoi il faut se réjouir à la sortie dechaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de la Francophonie, l’utiliser etle recommander à ses collègues et à tous ceux qui, dans leur cercle d’influence, peuventen tirer profit.

Dans le cas du présent ouvrage, les auteurs nous font profiter de plusieursannées de travail et d’enseignement universitaire, au Canada et à l’étranger, ce quileur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ils savent, d’expérience, quelssont les concepts plus difficiles à saisir, et peuvent ainsi mettre plus l’accent, à l’aided’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeurés trèsactifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, lesassociations et les ONG œuvrant dans le domaine des ÉIE, ce qui confère un carac-tère actuel et pratique à leur ouvrage.

Tous les acteurs du développement – planificateurs, gestionnaires, économistes,ingénieurs, politiciens, entrepreneurs, industriels – ont intérêt à lire, ne serait-ce qu’àparcourir, un tel ouvrage, et cela pour cinq bonnes raisons.

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X

L’évaluation des impacts environnementaux

La première est qu’il faut briser le mythe qui veut que les ÉIE constituent un ob-stacle au développement économique. Certaines personnes croient sincèrement quece processus a été inventé délibérément par des écologistes radicaux pour empêchertout développement. La lecture de ce volume, en particulier le chapitre 1, démontreau contraire que son objectif est d’assurer la continuité du développement et que laréalisation de projets est à la base même des ÉIE. En effet, sans projet, il n’y a pas d’ÉIE.

Comme la planification, les montages financiers, les plans et devis et les appelsd’offre, les ÉIE font partie du processus de développement, permettant de voir où l’onva, quelles sont les conséquences d’un projet, comment l’insérer dans le milieu, ainsique de prévoir et surtout de corriger le tir pour éviter des erreurs coûteuses. Quelindustriel refuserait d’entendre un ingénieur le mettant en garde contre tel équipe-ment ou tel procédé qui a déjà donné de mauvais résultats et risque de paralyser sonentreprise? Pourquoi alors refuser ou tenter d’éviter une étude sérieuse et méthodiquequi pourrait mettre en lumière les problèmes environnementaux ou sociaux pouvantrésulter d’un projet et dont le promoteur risque d’être tenu responsable et d’en payerles frais?

Certains évoquent les fameux délais occasionnés par ce processus d’ÉIE, surtoutlorsqu’il y a audiences publiques. À cela, il y a trois réponses: la première, c’est qu’ily a moyen d’intégrer l’évaluation environnementale à l’ensemble du processus de pla-nification, plutôt que d’attendre à la toute fin pour réaliser cette étape comme un appen-dice coûteux et inutile. La seconde, c’est que la plupart des réglementations régissantles ÉIE prévoient des délais maximums limitant le processus à des durées très rai-sonnables : ces délais sont d’ailleurs bien modestes par rapport à l’ensemble de la pla-nification d’un projet, qui s’étale souvent sur des années. Enfin, la troisième réponsetient au fait que les promoteurs eux-mêmes sont souvent responsables de longs délaislorsqu’ils tardent à fournir des informations requises.

Il importe de briser ce mythe, donc, qui, heureusement, tient de moins enmoins. À preuve, ne remarque-t-on pas que les pays les plus développés, ceux qui ontconnu la plus forte croissance ces dernières années, sont ceux qui ont appliqué le plusrigoureusement des processus d’évaluation environnementale? A contrario, les paysles moins développés n’ont généralement pas de réglementation applicable à cet effet.Le phénomène se vérifie même dans les variations des taux de développement éco-nomique: lorsque le corpus réglementaire n’est pas renouvelé, mis à jour, resserré,l’économie prend généralement du retard dans son développement par rapport à celledes compétiteurs. La réglementation environnementale comme moteur de dévelop-pement économique? Pourquoi pas ! Plusieurs pays n’auraient rien à perdre à l’es-sayer.

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XI

Préface

Une fois ce mythe enrayé, la seconde raison de lire cet ouvrage est de comprendrecomment fonctionne le processus des ÉIE. C’est l’objectif premier de ce livre et il yarrive très bien, car non seulement expose-t-il la mécanique des évaluations, mais ilfait comprendre le rôle et la raison d’être des diverses étapes. En abordant l’ouvrageavec ouverture et intérêt, on peut alors découvrir tout le potentiel que recèle le pro-cessus d’évaluation d’impacts.

Ceci nous amène à une troisième raison pour laquelle je souhaite voir les déci-deurs lire ce volume: ils seront maintenant en mesure de s’approprier le processus,de s’associer à la démarche et de participer activement et positivement à toutes lesétapes, y compris aux audiences publiques.

En effet, on a trop longtemps fait de ce processus un domaine réservé aux éco-logistes, alors qu’en réalité il s’agit d’abord et avant tout d’un outil de planificationà l’usage des développeurs. C’est la raison pour laquelle le promoteur est lui-mêmeresponsable de réaliser l’ÉIE, et il doit voir cette obligation non pas comme un pensummais comme une occasion de s’assurer de l’acceptation sociale de son projet, de l’amé-liorer et parfois même d’en faire la promotion. C’est une piste d’essai qui lui est offertepour vérifier le comportement du projet et faire des ajustements à peu de frais plutôtque d’agir après coup, lorsque les travaux sont réalisés ou, pire, lorsque d’importantsdommages environnementaux sont survenus.

Les administrateurs responsables de l’application des processus d’ÉIE peuventfournir de nombreux exemples des sommes considérables qui ont été épargnées parles promoteurs en suggérant des modifications, des améliorations ou des modes defonctionnement différents, parfois simplement en posant les bonnes questions.Aussi voit-on de plus en plus de grandes entreprises intégrer volontairement les ÉIEdans leurs opérations de planification et participer volontiers à toutes les étapes, ycompris aux audiences publiques, qui en somme leur offrent une excellente occasionde valoriser leur projet. Voilà une attitude à encourager.

La quatrième raison de lire ce livre, c’est l’élargissement de l’application du pro-cessus d’évaluation d’impacts. En effet, ce processus a d’abord été développé pour déter-miner (et prévenir ou atténuer) les conséquences environnementales appréhendéesd’un projet. Mais la notion d’impacts environnementaux a été progressivementélargie aux impacts sociaux, culturels, économiques; le processus est maintenant uti-lisé pour évaluer les programmes, politiques, plans, réglementations… dans unesprit de prévoyance, de saine gestion et, somme toute, d’économie à moyen et à longterme. La tendance d’ailleurs incite à évaluer les impacts le plus en amont possibledes stades de planification des projets.

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XII

L’évaluation des impacts environnementaux

Cette évolution des pratiques d’ÉIE n’est sûrement pas terminée et l’intérêt denouveaux décideurs pourra permettre de découvrir de nouvelles applications au pro-cessus d’évaluation, à l’intérieur du cycle général de planification et de gestion du déve-loppement.

Enfin, le cinquième avantage que les acteurs du développement peuvent décou-vrir dans ce volume est le fait d’avoir l’occasion de participer à l’évolution du pro-cessus d’ÉIE lui-même. Maintenant qu’ils en connaissent les objectifs, la raisond’être, le fonctionnement et la portée, peut-être peuvent-ils proposer des ajustements,des variantes, des améliorations qui permettraient d’en augmenter l’efficacité, de favo-riser l’adhésion des développeurs ou d’améliorer la participation des personnesconcernées par les projets.

Les modifications réglementaires sont souvent longues et ardues, car le pouvoirpolitique recherche généralement un «juste milieu», un consensus pour ne pas direun compromis entre diverses tendances dans la société.Après avoir parcouru cet ouvrage,les milieux du développement économique devraient être plus à même d’accepter lesaméliorations proposées au processus d’évaluation d’impacts, sinon de se l’approprieret de s’en faire eux-mêmes les promoteurs et les défenseurs.

Normand Trempe, M. Ing.

Directeur du Secrétariat francophone de l’Association internationale pour l’évaluation d’impact

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Table des matières

Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

CHAPITRE 1 Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Activité humaine, impact environnemental et viabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Genèse, historique et prospectives de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Genèse de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Évolution historique de la démarche d’ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Prospectives internationales en ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Concepts, définitions et objectifs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Concepts majeurs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Définition de l’environnement et de l’ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Objectifs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Rôle, sphère d’influence et mise en œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

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XIV

L’évaluation des impacts environnementaux

CHAPITRE 2 Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Typologie des relations activités/effets/impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

Interaction activités-effets-impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

Estimation de l’ampleur de l’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

L’interaction effet-impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

Types d’évaluations et d’évaluateurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Étapes usuelles du processus d’étude en évaluation des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

Processus simplifié d’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

Processus général de l’ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

Durée du processus de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

CHAPITRE 3 Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

Genèse et historique de la législation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

Cadre législatif, réglementaire et corporatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Études de cas : Canada, Québec et Guinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

Législation fédérale du Canada. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

Législation provinciale du Québec. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

Législation nationale en Guinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

Mondialisation et harmonisation de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

Procédures d’ÉIE des grands bailleurs de fonds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

Procédure de la Banque mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

Procédure d’ÉIE de la Banque africaine de développement. . . . . . . . . . . . . 102

Convention sur l’ÉIE dans un contexte transfrontière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

Préoccupations environnementales de la Convention . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

Contenu du rapport d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

Convention sur la diversité biologique et ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

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XV

Table des matières

CHAPITRE 4 Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

Éléments taxinomiques de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

Processus d’examen de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

Éléments méthodologiques du niveau politique d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

Le contexte de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

Le contexte général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

La participation du public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

L’audience publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

La médiation environnementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

Les mesures de compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

La présentation des résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

Les recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

La décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

L’inspection et le suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136

Éléments méthodologiques du niveau technique d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . 136

La modification du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

Les correctifs au projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

La sélection et le choix de solutions de rechange ou de variantes . . . . . . . . 139

L’ordonnancement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

Les mesures d’atténuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

Les mesures de compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144

La surveillance des travaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144

Éléments méthodologiques du niveau scientifique d’étude . . . . . . . . . . . . . . . 145

Quantification versus qualification des informations. . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

Aspects spatio-temporels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

Domaines de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

Identification des activités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

Identification des éléments de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

Interaction activités/éléments environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160

Identification des effets/impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

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XVI

L’évaluation des impacts environnementaux

Relevé des impacts indirects et secondaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

Relevé des impacts cumulatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

Descripteurs d’impacts (indicateurs). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

Estimation des modifications résultantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

Évaluation de l’impact environnemental. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169

Évaluation de l’importance des effets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

Évaluation de l’importance des impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

Impact et effet inadmissible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

Agrégation des impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

Pondération des impacts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

Évaluation de la cotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

Éléments litigieux ou contestés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182

Suivi d’exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184

Suivi postprojet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184

Chapitre 5 Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

Méthodes d’expertise en ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

Liste de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

Fiche d’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

L’enquête Delphi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197

Méthodes ad hoc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

Modèles et systèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

Matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210

Réseau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216

Emploi de modèles et modélisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

Représentation spatiale et cartographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226

Superposition cartographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

L’emploi de photos, de vidéos et d’illustrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233

Systèmes d’information géographique (SIG) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238

Méthodes comparatives unicritères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241

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XVII

Table des matières

Méthodes numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243

Méthodes économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250

Méthodes comparatives multicritères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255

Technique ordinale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257

Les modèles multicritères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

CHAPITRE 6 Collecte de l’information et présentation des résultats . . . . . . . . . 265

Collecte des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267

Descripteurs d’impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272

Présentation du rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277

Contenu du rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278

Recommandations et aide à la décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283

Le pouvoir de recommandation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284

La prise de décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287

CHAPITRE 7 Contexte de la négociation environnementale . . . . . . . . . . . . . . . . 291

Négociation environnementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292

Stratégies de négociation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293

Types d’acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 298

Participation du public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302

Les avantages et les inconvénients de la participation publique . . . . . . . . . 303

Les règles et principes de la participation publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307

La portée de la participation publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309

L’audience publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312

La participation du citoyen et la consultation publique. . . . . . . . . . . . . . . . 313

Les comités de suivi et le citoyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316

Techniques de communications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318

Typologie de résolution des problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323

La médiation environnementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327

CHAPITRE 8 Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts . . . 331

Modification du projet initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333

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XVIII

L’évaluation des impacts environnementaux

Correctifs aux composantes du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334

Sélection de solutions de rechange et de variantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335

La sélection de solutions de rechange et de variantes. . . . . . . . . . . . . . . . . . 336

L’ordonnancement de solutions de rechange ou des variantes . . . . . . . . . . 339

Mesures d’atténuation des impacts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340

Mesures de compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347

Inspection et suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349

La surveillance des travaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352

Suivi d’exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355

Suivi postprojet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 358

CHAPITRE 9 Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361

Contraintes méthodologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361

Limites des méthodes et des outils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 364

Validité des évaluations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 366

Efficacité du processus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369

Critique générale de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377

Liste des figures et des tableaux

Figure 1.1 Deux approches de développement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Figure 1.2 Évolution de la population mondiale : 1400-2000 . . . . . . . . . . . . . . . 13

Figure 1.3 Les trois niveaux d’examen de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Figure 1.4 Place et portée de l’ÉIE dans les processus de planification . . . . . . . 30

Figure 1.5 L’évaluation des impacts environnementaux (ÉIE) et diverses évaluations similaires et apparentées . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Figure 1.6 Divers niveaux d’évaluation d’impacts : du général (ÉSI) au particulier (ÉIP ou ÉIE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

Figure 1.7 L’intégration du projet dans l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Figure 2.1 Typologie «activités-effets-impacts» et multiples possibilités d’interactions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

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XIX

Table des matières

Figure 2.2 Représentation de l’amplitude de l’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Figure 2.3 Variation d’amplitude de l’impact et de la dynamique possible des états de référence d’un élément de l’environnement. . . . . . . . . . 43

Figure 2.4 Formes typiques de fonctions de la relation de l’effet et de l’impact. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Figure 2.5 Interactions entre une activité, ses effets, un élément et ses impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

Figure 2.6 Interactions d’une activité et ses effets et impacts sur un élément commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Figure 2.7 Schéma simplifié du processus d’ensemble de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . 50

Figure 2.8 Schéma général du processus d’ÉIE aux États-Unis. . . . . . . . . . . . . . 55

Figure 2.9 Déroulement possible d’une étude, de l’élaboration initiale au suivi postprojet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Figure 2.10 Étapes et délais du processus fédéral américain du NEPA . . . . . . . . 57

Figure 3.1 Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental . . . . . 73

Figure 3.2 Procédure québécoise d’évaluation et d’examen environnemental. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

Figure 3.3 Cheminement d’un projet en audiences publiques au BAPE . . . . . . 83

Figure 3.4 Carte du monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

Figure 4.1 Deux types de processus d’examen possibles impliquant les trois objectifs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

Figure 4.2 Divers types de processus d’étude: séquentiel, parallèle et intégré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

Figure 4.3 Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau politique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

Figure 4.4 Les deux types de démarches méthodologiques :linéaire et itérative. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124

Figure 4.5 Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

Figure 4.6 Liste de mesures particulières d’atténuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

Figure 4.7 Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau scientifique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

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XX

L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.8 Liste de sources d’impacts potentiels, selon les phases d’un projet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

Figure 4.9 Liste de contrôle d’éléments de l’environnement. . . . . . . . . . . . . . . 160

Figure 4.10 Modèle simplifié de matrice des interactions potentielles utilisant une cotation simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

Figure 4.11 Phases de l’examen, types d’impacts possibles et degré de certitude des prédictions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

Figure 4.12 États de référence, impacts environnementaux et impacts cumulatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

Figure 4.13 Désagrégation et agrégation successives dans l’examen du milieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178

Figure 4.14 Modèle de matrice avec symbolique de cotation variée . . . . . . . . . 181

Figure 4.15 Grille de détermination de l’importance globale de l’impact à partir de trois critères d’évaluation et selon deux méthodes de compilation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183

Figure 5.1 Liste de contrôle des activités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

Figure 5.2 Liste indicative des éléments d’inventaire de corridors . . . . . . . . . . 196

Figure 5.3 Fiche d’analyse d’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

Figure 5.4 Présentation finale des résultats d’une approche ad hoc . . . . . . . . . 204

Figure 5.5 Matrice comparative des filières énergétiques : disposition par rang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207

Figure 5.6 Matrice des impacts environnementaux potentiels de diverses filières énergétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208

Figure 5.7 Section de la matrice de Léopold (partie supérieure) . . . . . . . . . . . 213

Figure 5.8 Matrice type d’interactions potentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217

Figure 5.9 Réseau représentant les interactions d’un écosystème pastoral . . . 218

Figure 5.10 Représentation du réseau de Sorensen selon Rau . . . . . . . . . . . . . . 221

Figure 5.11 Méthode de calcul des index selon Rau (Brand and Grand Index) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222

Figure 5.12 Schéma des différentes étapes d’une modélisation mathématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225

Figure 5.13 Démarche type de la méthode de la superposition cartographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228

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XXI

Table des matières

Figure 5.14 Exemple de superposition cartographique à la McHarg . . . . . . . . . 230

Figure 5.15 Superposition photographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

Figure 5.16 Superposition du tracé probable de l’emprise d’une conduite souterraine d’eau potable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236

Figure 5.17 Évolution temporelle par superposition cartographique.Développement urbain de Conakry (Guinée) : 1900-2020 . . . . . . . 239

Figure 5.18 Deux exemples de courbes de «fonctions de valeur» dans la méthode de Batelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

Figure 5.19 Évaluation de l’importance de l’impact selon Batelle . . . . . . . . . . . 246

Figure 5.20 Méthodes économiques de fixation de la valeur . . . . . . . . . . . . . . . 252

Figure 5.21 Matrice désagrégée de Holmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259

Figure 5.22 Matrice détaillée de hiérarchisation (inspirée de Holmes) . . . . . . . 262

Figure 5.23 Tableau du classement final des alternatives (Holmes) . . . . . . . . . . 263

Figure 6.1 Série d’indicateurs selon les éléments et les impacts choisis . . . . . . 275

Figure 6.2 Présentation comparative d’une même matrice. . . . . . . . . . . . . . . . 282

Figure 7.1 Modèle de l’échelle de participation des citoyens d’Arnstein . . . . . 310

Figure 8.1 Représentation schématique des divers moyens de réduire l’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332

Figure 8.2 Matrice comparative de deux tracés possibles,selon de multiples critères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339

Figure 8.3 Liste de mesures générales d’atténuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342

Figure 8.4 Liste de mesures courantes d’atténuation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343

Figure 8.5 Liste de mesures d’atténuation particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345

Figure 8.6 Deux exemples de mesures courantes d’atténuation et une mesure particulière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346

Tableau 7.1 Typologie simplifiée de la négociation environnementale et exemple d’accords entre les parties . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293

Tableau 7.2 Techniques de communication avec le public . . . . . . . . . . . . . . . . . 320

Tableau 7.3 Typologie de résolution de conflits en environnement . . . . . . . . . . 325

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Introduction

a prise en compte de l’environnement dans la gestion des affaires humaines estune activité relativement nouvelle. Jusqu’à tout récemment, seules les contraintes

techniques et les possibilités financières déterminaient les composantes d’un projet.Les rares préoccupations environnementales ne concernaient qu’un nombre très res-treint de problèmes particuliers. Le développement de nos sociétés s’est ainsi réalisésans qu’interviennent activement les questions environnementales dans les processusde prise de décision.

Au cours des années 1960, l’environnement est apparu comme une question deplus en plus préoccupante. Les milieux naturels reculaient rapidement devant les avan-cées de la «civilisation» et les milieux bâtis devenaient à leur tour un enjeu de qua-lité de vie. L’environnement, qu’il soit naturel ou aménagé, s’érigeait graduellementcomme un obstacle au développement sans bornes. Cela semblait encore plus évi-dent pour ceux qui envisageaient un développement qui soit viable à long terme.

La réduction des conséquences négatives des activités humaines sur l’environne-ment nécessite donc une démarche de prévention qui favorise des choix plus judicieuxque ceux du passé. En conséquence, le développement futur de nos sociétés ne pou-vait s’accomplir que par l’utilisation de processus et d’outils d’évaluation environne-mentale. Parmi les options offertes à cet effet, l’évaluation des impacts environnementaux

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L’évaluation des impacts environnementaux

(ÉIE) représentait un tel outil de planification et de gestion des activités humaines.En émergence à l’époque, l’évaluation des impacts environnementaux se présentaitcomme un outil idéal de prise en compte, de protection et de mise en valeur de l’en-vironnement, et ce, avant qu’une décision irrémédiable ne soit prise. Depuis, la pra-tique de l’ÉIE est devenue l’outil principal de prise en compte de l’environnement dansla planification des activités de développement. Compte tenu de la place qu’elleoccupe désormais dans nos sociétés, et malgré les limites et les oppositions exposéespar trente ans de mise en œuvre, l’ÉIE s’avère l’un des instruments clés de la réalisa-tion du développement durable.

Dans plusieurs pays, ce n’est que tout récemment que l’évaluation des impacts envi-ronnementaux est apparue, sans nécessairement devenir une pratique courante.D’abord employée dans les pays industrialisés, et pour un certain nombre de projetsseulement, l’ÉIE se propage peu à peu à l’ensemble des pays et pour un éventail plusétendu de projets. L’actuel engouement pour l’utilisation des ÉIE, particulièrement dansles pays dits «en voie de développement», relève en grande partie de la mondialisa-tion des préoccupations environnementales. La mise en place de procédures d’ÉIE parles grands bailleurs de fonds internationaux, notamment de la part de la Banque mon-diale, en est un exemple patent. Dans la poursuite de cette volonté internationale d’in-sérer l’ÉIE comme mécanisme usuel des administrations publiques et privées, les entre-prises se dirigent elles aussi vers l’élaboration de «politiques environnementalescorporatives» comprenant habituellement des procédures d’évaluation d’impacts.L’influence des pressions publiques en faveur du développement durable et la conser-vation de l’environnement, ainsi que le respect de la réglementation, incitent de plusen plus d’entreprises publiques et privées à adopter de tels outils de gestion.

À l’heure actuelle, il n’existe pas de démarche complète et universelle de prise encompte des impacts environnementaux, trop d’aspects étant spécifiques à des par-ticularités locales ou nationales, comme nous le verrons au cours des trois premierschapitres. Il n’existe pas non plus de méthode d’évaluation applicable partout et, danstous les cas, aucune de celles proposées jusqu’ici n’est assez complète pour prétendrele contraire. Une panoplie de méthodes et d’approches méthodologiques (démarcheet procédure) furent donc proposées depuis le début des années 1970, sans toutefoisqu’aucune ne suscite encore l’unanimité ni ne prétende sérieusement à l’universa-lité. Les nombreux échanges entre chercheurs et praticiens de l’évaluation d’impactsont cependant permis l’émergence d’un consensus relatif autour d’un certain nombred’éléments méthodologiques minimums et de pratiques usuelles reconnues. En cesens, l’International Association for Impact Assessment (IAIA) joue un rôle essen-tiel de promotion et de formation à travers la planète, mais aussi de coordination et

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Introduction

de concertation des diverses interventions en vue d’une cohésion éventuelle des pro-cédures et des pratiques.

Les composantes techniques et les éléments de l’environnement d’accueil, ainsique les exigences administratives et réglementaires, sont spécifiques à chacun des pro-jets. Il est donc hors de question de reprendre intégralement les données et les méthodesemployées par des études antérieures. Toutefois, les méthodes employées et les résul-tats obtenus peuvent fréquemment être transposés aux fins d’études ultérieures, enparticulier si ceux-ci sont clairement exposés et reproductibles. La nature même duprojet, autant que la compétence et les moyens dont dispose l’équipe d’évaluateurs,détermine grandement l’approche méthodologique retenue et ultimement la ou lesméthodes d’examen employées. Le contexte législatif et réglementaire délimite lui aussile choix des approches utilisées, sans pour autant être dirigiste ni impératif, sauf par-fois en ce qui concerne le contenu du rapport à être présenté aux autorités.

L’évaluation des impacts environnementaux implique la mise en commun, par-fois même la confrontation, d’aspects multidisciplinaires de la connaissance. L’étudene peut se construire qu’en faisant appel à l’expertise de diverses disciplines, étant donnéla nature multidimensionnelle de l’environnement et de la plupart des projets. C’estainsi que les notions techniques et de génie se combinent à celles des sciences phy-siques, chimiques et biologiques, aussi bien qu’à celles des sciences sociales, géogra-phiques, politiques, économiques et de la santé. En conséquence, l’ÉIE doit s’exécuterdans un contexte d’interdisciplinarité ou, à tout le moins, de multidisciplinarité.

Nous pouvons définir de façon préliminaire l’évaluation des impacts environ-nementaux comme étant l’ensemble des études plus ou moins systématiques sur lesimpacts prévisibles, tant directs qu’indirects, qui résultent d’une intervention projetée(projet, politique, programme) sur un environnement donné. Selon nous, le processusd’ÉIE renferme trois objectifs distincts mais convergents. Il aspire d’abord à connaîtreavec le plus de justesse possible l’importance de l’impact environnemental d’un projet.Il s’agit donc d’évaluer l’ampleur des modifications qui affecteront l’environnement.L’ÉIE vise ensuite à réduire les conséquences environnementales néfastes de l’inter-vention, notamment par l’amélioration du projet initial et la mise en place demesures d’atténuation. Enfin, l’ÉIE constitue une composante importante du processusmême de décision, notamment pour l’acceptation sociale d’un projet. En effet, cet examenparticipe au processus démocratique préalable à une prise de décision avisée visantune meilleure intégration du développement dans son milieu d’accueil.

Contrairement à la manière habituelle de la concevoir, l’ÉIE définie selon ces troisobjectifs peut devenir une réelle démarche de prise en compte de l’environnement

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L’évaluation des impacts environnementaux

dans l’examen d’un projet. L’ÉIE ne résout pas tous les problèmes environnemen-taux et surtout pas ceux résultant d’erreurs passées. L’ÉIE n’est pas la panacée à tousles maux qui affectent notre environnement planétaire. L’ÉIE aspire cependant à pré-voir, à réduire et à légitimer l’impact environnemental du développement à venir.

Le présent document vise l’acquisition des multiples compétences nécessaires afinde comprendre, d’analyser ou de rédiger un rapport d’évaluation ainsi que d’inter-préter, de participer ou d’organiser un processus d’examen. La démarche poursuivievise donc l’apprentissage des composantes méthodologiques essentielles, la com-préhension d’un processus type d’étude et la connaissance des plus usuelles méthodesd’évaluation. Cette démarche s’inscrit dans le contexte de l’incorporation de l’éva-luation des impacts environnementaux, couramment nommée «étude d’impacts surl’environnement», dans les processus décisionnels des diverses autorités, tant du domainepublic que privé. D’autre part, ce livre s’adresse autant aux planificateurs, aux ges-tionnaires, aux décideurs, aux formateurs et aux évaluateurs qu’aux divers spécialisteschargés de la prise en compte de l’environnement. Il s’adresse aussi à tous ceux quisont intéressés par ce domaine de la connaissance et tout particulièrement aux étu-diants en environnement ainsi que des disciplines connexes.

L’apport principal de notre ouvrage à l’avancement des connaissances et des pra-tiques en ÉIE est triple. Notre contribution se retrouve d’abord dans la présentationsystématique des multiples éléments méthodologiques à prendre en compte pour unexamen complet (chapitre 4). Elle se situe ensuite dans la manière originale de dis-poser ces différents éléments méthodologiques selon les trois niveaux d’examen del’ÉIE: scientifique, technique et politique (chapitres 4 et 6 à 8). Enfin, nous propo-sons une typologie originale des multiples méthodes d’examen des impacts selon cinqaxes d’étude: expertise; modèles et systèmes; représentation spatiale et cartographique;méthodes comparatives unicritères; et méthodes comparatives multicritères (chapitre 5).Mais avant d’aborder de plain-pied les fondements méthodologiques de notre tra-vail, il nous faut survoler le contexte global dans lequel se meut l’ÉIE (chapitre 1) etdélimiter son cadre habituel d’intervention, c’est-à-dire son processus général d’étude(chapitre 2). Nous porterons ensuite notre attention sur diverses procédures parti-culières d’examen (chapitre 3), afin de constater l’étendue des possibilités d’interventionmises en œuvre un peu partout à travers le monde ainsi que par les diverses organi-sations appelées à intervenir dans la pratique de l’ÉIE.

Nous croyons que, telle que présentée ici, l’ÉIE deviendra un meilleur outil d’aideà la décision. En conséquence, le processus d’examen des projets de développementn’en sera que plus efficace et satisfaisant pour l’ensemble des acteurs impliqués par

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Introduction

l’avenir de nos sociétés. En définitive, l’objectif de notre travail rejoint le souhait exprimépar plusieurs à l’effet que l’évaluation des impacts environnementaux puisse devenirune démarche reconnue et efficace de prise en compte des préoccupations environ-nementales, au même titre que les aspects techniques et économiques, afin de «cesserd’être une justification a posteriori d’une décision prise a priori pour devenir le sup-port d’une véritable négociation environnementale» (Gouguet, 1992).

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1Chapitre

Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

évaluation environnementale s’inscrit dans des contextes divers et apparemmentparadoxaux. Selon le point de vue et les intérêts de chacun, la perception de l’éva-

luation d’impacts, et tout particulièrement son utilité même, varie considérablement.Il est fréquent de constater que l’évaluation environnementale est perçue comme unobjet de controverse. Selon le point de vue de l’observateur, le jugement porté sur lerôle, la place et l’utilité de l’ÉIE diffère considérablement, passant de la panacée detous les problèmes environnementaux à l’inutile contrainte, avec bien sûr toutes lesappréciations intermédiaires possibles.

Pour plusieurs, l’évaluation d’impacts n’est qu’un obstacle au progrès. Elle appa-raît alors comme une rigide et coûteuse procédure imposée aux «développeurs».Plusieurs promoteurs1 perçoivent l’ÉIE comme une contrainte supplémentaire dontils se passeraient volontiers, notamment à cause de l’allongement des délais d’exé-cution et des coûts supplémentaires de préparation. Pour certains d’entre eux, cettecontrainte ne représente alors qu’une pénible, voire inutile, dépense de temps,d’énergie et d’argent. Par contre, pour certains opposants au développement sans bornes,

L’

1. Nous employons le terme « promoteur » dans le sens large d’instigateur et de responsable du projet,et non pas simplement dans celui de soutien financier à la construction des installations. Ce termeest équivalent à «maître d’ouvrage» ou «maître d’œuvre».

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L’évaluation des impacts environnementaux

les procédures actuelles d’ÉIE sont trop favorables aux «développeurs», l’environ-nement n’étant pas adéquatement pris en compte face aux aspects techniques et finan-ciers omniprésents. Pour d’autres, enfin, l’ÉIE peut devenir un mécanisme efficacede conciliation entre les actions des entrepreneurs et la conservation de l’environ-nement, et ce, même si l’ÉIE n’est pas un processus neutre d’examen. L’ÉIE consti-tuerait dans ce cas, malgré ses limites encore trop évidentes, un véritable outil de pla-nification environnementale, notamment par son indispensable valeur préventive.Le développement ne représenterait plus alors une longue suite de contraintesnéfastes sur l’environnement, sans possibilités d’atténuation, d’apprentissage et derecherche de compromis.

L’ÉIE peut être perçue comme une activité se situant dans un cadre général de ratio-nalisation des activités humaines. Il s’agit alors de l’intégrer dans les processus de ges-tion et de planification des diverses administrations et autorités impliquées. Son actions’effectue aussi par l’«internalisation» du coût des dommages environnementaux. Celasignifie que les dommages environnementaux, notamment les «coûts sociaux», sontpris en compte dans la comptabilité usuelle des projets, ce qui n’est habituellement

Deux églises, deux approches de développement

En plein centre-ville, sur la principale artère commerciale de Montréal, deux petites églisesdistantes d’à peine 300 mètres exposent deux stratégies divergentes de développement.À des époques différentes et dans des contextes distincts de gestion, chacune des deuxadministrations religieuses a opté pour une stratégie particulière de mise en valeur deson terrain afin de faire face à des problèmes financiers similaires.

Au cours des années 1930, la première institution laissa le secteur commercial imposerson type de développement. Ainsi, les nouveaux commerces implantés en façade du ter-rain obstruent complètement la vue sur le bâtiment, de telle sorte qu’il faut être très attentifpour ne pas rater l’entrée de l’église. Le développement commercial n’est aucunementintégré à son milieu d’accueil.

À l’opposé, la deuxième institution approuva au cours des années 1980 un développe-ment commercial de plus grande ampleur mais qui ne perturbait aucunement l’esthé-tisme du bâtiment ancien. Le nouveau centre commercial a en effet été construit sousl’église et les terrains adjacents, tout en respectant l’architecture et l’esthétisme des bâti-ments anciens, de sorte qu’actuellement, le bâtiment patrimonial en surface, ainsi queles commerces en-dessous, représente l’un des endroits de la ville les plus fréquentés etphotographiés par les touristes.

Les deux photos juxtaposées de la figure 1.1 exposent clairement les résultats de ces deuxapproches différentes de prise en compte de l’environnement dans le développement.

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

pas le cas. Sans l’internalisation des conséquences environnementales et sans l’insti-tutionnalisation réelle de l’ÉIE, le rôle probable de l’ÉIE dans la voie du développe-ment durable pourrait n’être qu’illusoire, ou à tout le moins subordonné aux impé-ratifs économiques et techniques. L’ÉIE peut alors devenir un excellent outil deplanification dans le sens du développement durable. Le rapport de la Commissionmondiale sur l’environnement et le développement, le rapport Brundtland (CMED,1988), recommandait d’ailleurs formellement la tenue d’évaluations environnemen-tales.

Toutefois, afin d’accéder à un rôle de véritable support du développementdurable, l’ÉIE se doit d’influencer la prise de décision. En l’absence d’une véritableinfluence sur la prise de décision, l’ÉIE ne pourrait demeurer que justification a pos-teriori. L’harmonisation des activités de développement avec leurs environnementsd’accueil devra être aussi impérieuse que les considérations actuelles de rentabilitéfinancière. De plus, l’ÉIE peut représenter un outil fort utile d’aide à la décision, par-ticulièrement s’il s’inscrit dans un processus de consultation publique.

Figure 1.1

Deux approches de développement

Interzone photographie

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L’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation des impacts environnementaux peut concerner tout autant l’étuded’une politique ou d’un programme qu’un projet bien précis de nouvelles installa-tions. La plupart des spécialistes actuels accordent une large place à l’ÉIE, ne la can-tonnant pas uniquement dans le cadre restreint des projets. D’ailleurs, dans le textefondateur de l’ÉIE, le «National Environmental Policy Act (NEPA)», l’examen com-prenait les projets, les politiques et les programmes. La pratique a trop souvent réduitl’ÉIE au seul examen de projets. Elle fut donc rarement utilisée pour l’examen de poli-tique ou de programme. Par ailleurs, l’ÉIE diffère de l’audit environnemental sousplusieurs aspects, notamment parce que ce dernier s’intéresse à des activités ou à desinstallations déjà existantes, ce qui limite bien entendu les possibilités d’intervention.

Afin de pouvoir mieux comprendre le contexte global dans lequel elle s’exprime,il faut envisager que l’évaluation des impacts environnementaux renferme un tripleobjectif. L’ÉIE n’est donc pas unidimensionnelle, comme trop d’acteurs impliqués lesupposent habituellement. Selon les attentes propres à chacun des acteurs, ceux-ciseront conduits à prévilégier l’un ou l’autre des objectifs, négligeant un peu les deuxautres. En conséquence, les efforts de chacun s’orienteront plus ou moins vers l’at-teinte de leur objectif majeur. C’est ainsi que, trop souvent, le travail de l’ingénieurà la solde du promoteur convergera vers l’atténuation des impacts prévisibles afin depermettre l’acceptation du projet. De son côté, le biologiste de l’organisme de con-trôle cherchera à connaître avec précision tous les éléments environnementaux dumilieu d’accueil, sans porter trop d’attention à leur pertinence véritable par rapportaux enjeux du projet en cause, ni tenir compte des ressources et des moyens dispo-nibles. Enfin, le porte-parole d’un groupe de pression opposé au projet concentrerases efforts et son action sur la remise en question de la justification du projet, et iltentera désespérément de prolonger et de multiplier les lieux de manifestation desoppositions au projet. En fait, tous ces acteurs manifestent des préoccupations légi-times et utiles à l’ÉIE. Cependant, ils oublient parfois que les autres participent aussiutilement qu’eux au processus complet et multidimensionnel d’évaluation d’impacts.

Le processus d’ÉIE vise d’abord à connaître, le plus justement possible, l’impactvéritable des activités envisagées dans le cadre du projet, que cet impact soit positifou négatif. Il s’agit donc de répondre à la question suivante : quelle sera l’importancedes modifications environnementales occasionnées par les diverses activités propo-sées? L’ÉIE aspire ensuite à minimiser l’impact environnemental des diverses acti-vités projetées sur le milieu. Cela s’effectue notamment par la prise en compte deséléments environnementaux dès les premières étapes d’élaboration d’un projet, enévaluant le plus tôt possible les divers moyens de réduire les impacts anticipés et enproposant des mesures d’atténuation plus adéquates lors de l’évaluation détaillée de

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

celui-ci. Par ailleurs, il s’agit aussi de maximiser les impacts positifs, notamment lesimpacts socio-économiques, afin de réduire l’impact environnemental global du projet.Enfin, le dernier objectif, que certains oublient trop souvent, est que l’ÉIE permet lavalidation du projet. Cela implique que les conditions requises tant du point de vuelégal, financier que social, et ce, pour les différents acteurs sociaux concernés par ledéveloppement, ont été examinées convenablement. En fin de compte, l’ÉIE agit sur-tout comme un outil scientifique de planification par sa première orientation, alorsque dans la seconde il s’agit plutôt d’une intervention technique corrective et, dansla troisième, d’une saine stratégie de gestion (administrative et socio-économique).

ACTIVITÉ HUMAINE, IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET VIABILITÉ

La plupart des activités humaines modifient plus ou moins profondément le fonc-tionnement des écosystèmes ou l’état de certains éléments de l’environnement, dontbien entendu les êtres humains. Plusieurs des modifications environnementalesapparemment très éloignées du bien-être des humains affectent en retour l’en-semble des conditions de vie de ces derniers. Il existe donc une grande interdépen-dance entre les êtres humains et leur environnement. Trop longtemps négligée, cetteprise de conscience de l’intimité de l’«homme et de la nature» ne peut plus être négligéeaujourd’hui. Mais au-delà de la simple formulation de vœux pieux, la prise encompte de l’impact environnemental des activités humaines requiert une compré-hension des éléments et des problèmes impliqués, ainsi que l’emploi judicieux d’ou-tils d’analyse et de gestion.

Depuis que l’être humain est devenu «la mesure de toutes choses», un vieux pos-tulat philosophique de la Grèce antique, la dominance de l’homme sur les êtres etles choses n’a fait que s’accentuer. Les progrès de la science au cours de la Renaissanceont permis de croire qu’une transformation de l’environnement à «l’image de la volontéde l’homme» (Dron, 1995) est un mode de gestion souhaitable et sans conséquencegrave.

Avec l’avènement de l’ère industrielle puis l’expansion de l’industrialisation, onassiste à une hausse importante des pressions des activités humaines sur l’environnement.Les deux derniers siècles ont abondamment, profondément et violemment modifiéle milieu, sans commune mesure avec la situation antérieure. La montée fulgurantedes exigences pour l’amélioration ou le simple maintien des conditions de vie de notre«société de consommation» entraîne une pression grandissante sur l’environne-ment. La croissance des impacts environnementaux est donc intimement liée au déve-loppement récent des sociétés industrialisées et les effets se généralisent désormais à

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L’évaluation des impacts environnementaux

l’ensemble de la planète. De prime abord, on associe la détérioration de l’environne-ment à une augmentation quantitative des impacts. À titre d’exemple de la quantitécroissante des impacts, mentionnons l’accumulation des déchets, l’accroissement desrejets d’eaux usées, l’augmentation des gaz à effet de serre, le nombre impressionnantde véhicules motorisés et l’ampleur nouvelle des infrastructures modernes.

Cependant, on mésestime parfois la croissance «qualitative» de l’impact envi-ronnemental des nouvelles activités humaines. En effet, l’accroissement des agressionsdes activités humaines sur l’environnement s’articule plutôt autour d’un double phé-nomène, comme l’a si bien montré Commoner (1972). L’escalade des impacts envi-ronnementaux s’effectue donc par deux voies bien différentes. La première est biensûr quantitative, la somme des impacts s’accroissant sans cesse2. L’autre, moins pres-sentie, est de nature qualitative: on assiste à l’apparition d’impacts nouveaux. Le nombreet l’ampleur des agressions sur l’environnement sont les paramètres déterminants dupremier phénomène, alors que pour le second, il s’agirait plutôt de la nature mêmedes agressions qui est en cause. Cette croissance qualitative de l’impact environne-mental s’accompagne parfois d’impacts inconnus des mécanismes de régulation dela nature ou difficilement assimilables par ceux-ci. Ne pensons ici qu’à la dispersiondes éléments radioactifs et aux nombreux produits de synthèse tels que les DDT, lesBPC et les CFC. Ce nouveau péril menace directement la santé de l’homme par soncontact ou indirectement par l’entremise de la chaîne alimentaire, en plus de ses consé-quences globales et universelles sur les grands cycles de la nature.

La montée de l’industrialisation n’est toutefois pas l’unique modification affec-tant le nouvel «équilibre» des humains avec leur environnement. Dans bien des cas,cependant, ces autres altérations de l’environnement en sont le corollaire ou un pro-longement presque inévitable. C’est ainsi que l’environnement est fortement perturbépar l’introduction de nouveaux modes de transport, notamment par les chemins defer au XIXe siècle et les véhicules routiers au XXe, par les métamorphoses et l’exten-sion de l’agriculture depuis une cinquantaine d’années et tout particulièrement aucours des trente dernières années par l’urbanisation croissante et l’étalement urbain.Plus récemment, le déploiement des espaces et des infrastructures nécessaires aux acti-vités sportives et de loisirs ainsi que le tourisme vinrent stimuler les premiers éléments

2. Bien entendu, depuis l’état de la situation des années 1950 et 1960 évoquée par Commoner, plu-sieurs progrès en sens inverse modifient la problématique environnementale. Ainsi, les progrès destechniques de fabrication apportèrent des améliorations sensibles aux industries les plus polluantes,des usines de traitement des effluents industriels et urbains furent construites un peu partout ousont en voie de l’être, et l’influence des procédures d’ÉIE mises en place depuis ce temps diminuentla tendance inexorablement à la hausse observée par Commoner.

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perturbateurs et multiplier les lieux d’intervention, notamment en milieu naturel. Ilne faudrait surtout pas oublier non plus la fulgurante augmentation des besoins éner-gétiques et l’exploitation immodérée des ressources naturelles, les deux supports indis-pensables de l’industrialisation. Ces derniers impliquent bien sûr les activités d’ex-traction, de transformation et de production, mais aussi les encombrantes infrastructuresde transport et de distribution, sans oublier les conséquences ultimes de leur utili-sation et de leur rejet.

Les besoins sans cesse grandissants des sociétés humaines provoquent donc la fré-nétique activité de développement englobant désormais la planète entière. Les deuxgrands facteurs contribuant à l’accentuation des besoins sont l’amélioration des niveauxde vie, but ultime et justification de l’industrialisation, et la pression démographique.Cette dernière est en augmentation continue, notamment depuis un siècle, commel’illustre la courbe de la figure 1.2.

Ces besoins accrus des sociétés humaines augmentent les demandes en matièrespremières et en produits manufacturés, mais aussi en espaces et en énergie. Ils contri-buent ainsi à l’extension des activités humaines ayant des incidences néfastes sur l’en-vironnement. Conséquemment, une pression accrue est exercée sur l’environnement;ne pensons qu’aux cas d’industrialisation anarchique et d’exploitation intensive et «irres-ponsable» des ressources naturelles. Cette aggravation de la domination des sociétéshumaines sur l’environnement met en péril certains «équilibres fondamentaux de lanature» et par le fait même constitue une menace pour la qualité de vie des humainset de la biosphère. Malgré l’actuelle prise de conscience environnementale, plusieurspensent que «la santé de laplanète s’est détériorée à unrythme sans précédent» aucours des dernières années(Brown, 1992). Quoi qu’il ensoit, cette tendance nesemble pas prête à s’essouf-fler vis-à-vis de l’éventuelleet inévitable améliorationdes conditions d’existencedans les pays en voie dedéveloppement, ce qui nepeut qu’augmenter l’impactglobal sur l’environnementdu globe.

Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 1.2

Évolution de la population mondiale : 1400-2000

1400

Mill

iard

s d’h

abita

nts

1

1500 1600 1700 1800 1900 2000

2

3

5

6

4

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L’évaluation des impacts environnementaux

Les diverses activités humaines susceptibles d’être néfastes pour l’environnementne présentent pas toutes la même intensité. Leurs incidences sur le milieu sont d’uneplus ou moins grande ampleur. L’impact environnemental de projets différents n’estdonc nullement comparable: l’installation d’une conduite d’adduction d’eau potableà partir d’un réservoir existant n’affecte habituellement pas autant l’environnementque de nouvelles exploitations minières, par exemple. Comme toutes les activitéshumaines ont des conséquences variables, les procédures d’ÉIE ne concernent quecertaines d’entre elles, idéalement celles qui sont les plus dommageables ou à plushauts risques. L’assujettissement d’un projet au processus d’ÉIE est la plupart du tempsdéterminé à partir d’une liste des projets soumis à la procédure. Parfois, cette listed’inclusion est remplacée et/ou complétée par une liste d’exclusion. Ces deux listespossibles sont quelquefois assorties de seuils d’assujettissement. Ces seuils correspondentà la puissance au-delà de laquelle une centrale électrique sera soumise à la procédure,par exemple, ou à la longueur minimale d’une ligne électrique ou d’une infrastruc-ture routière. Nous verrons aussi que les projets sont souvent classés en diverses caté-gories selon l’importance des impacts appréhendés. Ces diverses catégories de pro-jets se voient ainsi attribuées des processus d’examen distincts, plus ou moinsminutieux et complets.

GENÈSE, HISTORIQUE ET PROSPECTIVES DE L’ÉIE

La pratique courante de l’évaluation des impacts environnementaux, comme outilfamilier de gestion de l’environnement, nous fait parfois oublier que la prise en comptede l’impact environnemental des activités humaines est une pratique relativement nou-velle. Même si, de tout temps, des limites furent imposées aux débordements exces-sifs du développement, elles étaient toutefois bien timides. L’on peut penser ici à cer-taines coutumes traditionnelles des peuples autochtones et aux croyances populairesdes sociétés agricoles, ainsi qu’à un certain nombre de législations sectorielles en réponseaux premières alertes résultant de l’industrialisation et de l’urbanisation. Ces limitesse sont toutefois avérées insuffisantes par rapport au développement fulgurant destechniques et de leurs multiples applications. Les modifications importantes des modesde vie, particulièrement au vingtième siècle, minaient ces frêles barrières de protec-tion de l’environnement. D’un côté, les humains sont désormais trop omniprésentssur la surface de la terre pour pouvoir se déplacer constamment vers des lieux nonperturbés par leurs activités antérieures et, de l’autre, plusieurs activités nouvelles sontsouvent beaucoup plus néfastes que ne l’étaient les précédentes.

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Genèse de l’ÉIE

Dès les années 1950, l’impact néfaste de certaines activités humaines sur les écosys-tèmes était dénoncé par plusieurs scientifiques et pionniers de la conservation de l’en-vironnement. L’érosion des prairies du Middle West nord-américain et les conséquencesde plus en plus perceptibles des rejets d’eaux usées sur la qualité des cours d’eau ontfavorisé l’émergence de cette prise de conscience. Mais jusqu’à la fin des années 1960,bien peu de contrôle des activités humaines sur l’environnement existait, comme sicela n’avait alors que peu de conséquences. À l’époque, l’ÉIE ne trouvait des appli-cations que de manière fragmentaire et indirecte, notamment par les rares «codesde bonne pratique» et les quelques projets exceptionnellement envisagés sous l’op-tique de l’aménagement du territoire. C’est ainsi, par exemple, qu’un ancien décretde Napoléon, le Décret sur les établissements classés de 1810, proposait une série demesures représentant une saine façon de faire ; un code de bonne pratique environ-nementale avant la lettre.

L’évaluation d’impacts est bien sûr tributaire de la perception globale de la sociétéconcernant l’environnement en général. La mise en place de l’ÉIE s’inscrit ainsi dansla suite des pressions publiques en faveur de la protection de l’environnement. Lesprémisses des interventions législatives américaines en environnement, et dans unemoindre mesure dans l’ensemble des autres pays industrialisés, sont liées entreautres aux problèmes du phosphate dans les eaux usées, aux inquiétudes concernantles approvisionnements en eau potable et à l’opposition aux essais nucléaires, des pro-blèmes très populaires au cours des années 1950 et 1960.

Vers la fin des années 1960, les questions de sûreté des centrales nucléaires vinrentaugmenter considérablement les craintes du public et de certains scientifiques. De plus,les nombreuses catastrophes environnementales au cours de ces années, notammentaux États-Unis et au Japon, provoquèrent une intensification des pressions publiquesen faveur de la prise en compte des conséquences des activités humaines sur l’envi-ronnement. La montée de la conscience environnementale américaine, et dans unecertaine mesure mondiale, faisait donc écho à une série de grandes catastrophes éco-logiques réelles ou appréhendées. Parmi celles-ci, mentionnons les déversements acci-dentels de pétrole sur les côtes de Californie et de Bretagne, mais aussi l’affaire deMinamata au Japon et de Séveso en Italie, ainsi que les cris d’alarme lancés par uncertain nombre d’écologistes au cours de la même décennie, notamment Rachel Carsonaux États-Unis (Carson, 1962) et Jean Dorst en France (Dorst, 1966).

Tout cela entraîna la création d’organismes responsables des questions envi-ronnementales et la mise en place de législations en ce sens. Un peu partout, il se

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L’évaluation des impacts environnementaux

produisit alors une réaction institutionnelle aux pressions publiques en faveur dela protection de l’environnement ; « la demande sociale crée les institutions» (Dron,1995). C’est ainsi qu’en réponse aux revendications publiques apparaissent gra-duellement discours, lois, règlements, directives, politiques et organismes de contrôle.Ce virage idéologique de la société vis-à-vis de l’environnement est bien sûr stimulépar les craintes et préoccupations des acteurs économiques eux-mêmes, notammenten ce qui concerne les «multiples procès en responsabilité et les énormes dépensesauxquelles ceux-ci peuvent conduire» (ibid.).

Le «National Environmental Policy Act (NEPA)» de 1969, en vigueur le premierjanvier 1970, origine avant tout du compromis politique intervenu à la suite des nom-breuses manifestations d’appui à la protection de l’environnement au cours des années1950-1960. Avant cette date, l’évaluation des projets, tout comme la prise en comptede l’environnement en général, était fort rudimentaire et ne s’adressait qu’à certainesquestions de planification du territoire ou au respect des quelques normes environ-nementales alors en vigueur. Le NEPA représente bien sûr une réponse bureaucra-tique du gouvernement central américain aux pressions publiques. La réglementa-tion américaine ne s’adressait qu’à un certain nombre de projets de développement.Elle ne concernait que les projets ayant un lien direct ou indirect, sous la forme dufinancement des projets, par exemple, avec les autorités fédérales américaines.

L’acte législatif américain requiert l’incorporation des préoccupations environ-nementales dans les administrations fédérales et, conséquemment, la préparationd’études d’impacts pour tous les projets ou programmes «significatifs pour l’envi-ronnement» issus de l’administration fédérale. L’obligation de réaliser une évalua-tion des impacts environnementaux (Environmental Impact Assessment (EIA)) faitpartie intégrante de la procédure américaine. La législation fédérale poursuivait aussiun autre but, plus implicite celui-là, à savoir la prise en charge de l’environnementde la part des administrations « locales», les États américains. Le NEPA devant ainsiservir d’exemple et d’incitatif en la matière, le gouvernement fédéral canadien suivradans la même voie quelques années plus tard en 1973.

La démarche entreprise par le NEPA focalisait l’attention sur le forum public etles procédures d’application étaient laissées au libre arbitre des intéressés. En accordavec la pratique du pouvoir aux États-Unis, l’approche retenue n’était pas rigide, nidirigiste à outrance. Elle ne s’appuyait pas nécessairement sur des bases scientifiquessolides. De toute façon, celles-ci n’étaient pas très élaborées à l’époque. Dans un telcontexte général, il y eut donc un grand foisonnement d’approches méthodologiquesen réponse aux nouvelles exigences du NEPA (Beanlands, 1985). Le développementde méthodologies prit alors une très grande importance et les premières années de

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mise en place du processus américain virent l’émergence de nombreuses approchesd’ÉIE. Le début des années 1970 représente l’époque pionnière de l’ÉIE; c’est à cetteépoque que fut développée la plus grande partie des grandes méthodes «reconnues»:McHarg (1969), Léopold (1971), Sorensen (1971), Battelle (1972) et Holmes (1972).

L’acte pionnier des États-Unis représentait la réponse politique et législative del’administration fédérale à certaines des préoccupations croissantes de la populationaméricaine. Cependant, cette première législation a eu une influence déterminantesur l’ensemble des procédures instaurées un peu partout à travers le monde. Les orien-tations ultérieures prises ailleurs en faveur de l’ÉIE sont en grande partie tributairesdes approches et des réponses particulières développées en fonction des exigences amé-ricaines. Le modèle et les exigences américaines influencèrent grandement les inter-ventions en ce sens dans les autres pays. Cette influence américaine se poursuit encore,notamment du simple fait de la puissance économique et idéologique des États-Unisen cette ère de mondialisation des marchés.

Après la mise en place du NEPA, plusieurs pays emboîtèrent le pas. Le gouver-nement fédéral du Canada se dota d’une procédure d’évaluation dès 1973. Il ne s’agis-sait alors que d’un simple décret gouvernemental grandement influencé par la pro-cédure américaine. L’Australie fit de même l’année suivante. Le premier paysd’Amérique latine à se prononcer en faveur de l’ÉIE fut la Colombie dès 1974. CertainsÉtats furent beaucoup plus lents à réagir. C’est ainsi que les Pays-Bas n’instituèrentchez eux la pratique de l’ÉIE qu’en 1981, le Japon, en 1984, la Communauté Écono-mique Européenne (CÉE), en juillet 1985, après une décennie de tergiversations, etenfin, la Suisse, en 1989. En Afrique, le Gabon se dota d’une procédure d’ÉIE dès 1976,la Guinée, en 1987, mais le Maroc n’a toujours pas mis en œuvre la législation attenduedepuis près de dix ans.

Nous verrons, lors de la présentation des aspects législatifs de l’ÉIE, que plusieurslégislations antérieures au NEPA concernaient certains aspects bien précis de l’envi-ronnement. C’est le cas notamment de la qualité de l’air en milieu urbain, une trèsancienne préoccupation en Europe, ainsi que de la protection de sites naturelsexceptionnels, comme aux États-Unis et au Canada. Toutefois, il ne s’agissait alorsque de législations sectorielles, sans aucune conception d’ensemble face à la problé-matique environnementale. Ce type de législation ne dictait que la formulation denormes particulières et partielles. Avec l’arrivée du NEPA, on privilégiait désormaisune vision d’ensemble de l’environnement, tout en rendant obligatoire la tenue d’éva-luation des impacts environnementaux pour certains projets parmi les plus suscep-tibles d’atteintes à l’environnement.

Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

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L’évaluation des impacts environnementaux

Évolution historique de la démarche d’ÉIE

Au cours des ans, le contexte de l’ÉIE s’est élargi aux multiples facettes de l’étude d’im-pacts telles que nous les connaissons aujourd’hui. C’est ainsi que le concept d’envi-ronnement s’est étendu à un plus grand domaine, que les projets soumis couvrentun plus vaste éventail et que la participation publique est de plus en plus présente.Cette évolution n’est pas complétée. Dans beaucoup d’endroits et en plusieursdomaines, il reste encore beaucoup à faire. Ces exemples illustrent toutefois les ten-dances en cours. Même si une partie importante des projets est encore soustraite àl’examen d’impacts, par exemple, des progrès sont réalisés dans ce domaine. C’est ainsique près de vingt ans après sa promulgation, les dispositions du règlement québé-cois relatif à la procédure d’ÉIE et qui concernent une fraction importante des grandsprojets industriels ont finalement été mises en œuvre (1997).

L’évolution de l’ÉIE est grandement tributaire de l’étendue accordée au conceptmême d’environnement. C’est ainsi que l’extension du concept d’environnement, versles dimensions sociales, culturelles et économiques, accroissent les possibilités d’in-tervention de l’ÉIE. En pratique, même si le concept d’environnement n’est pas tou-jours, ni partout, perçu de la même façon, il tend de plus en plus à représenter l’en-semble des composantes biophysiques et socioculturelles du milieu, en interactionavec un organisme ou un ensemble d’organismes vivants. Le développement progressifde cette conception large de l’environnement au cours des trente dernières années afavorisé l’extension du mandat et de la portée de l’ÉIE, ainsi que son domaine d’étude.

Les «règles de l’art» en ÉIE, telles que reconnues par les experts internationaux,ont évolué sensiblement sur certains aspects, même si plusieurs de ceux-ci sont à peuprès fixés depuis les débuts. C’est surtout du point de vue des pratiques que les chosesont évolué et tout particulièrement vers un élargissement des domaines d’interven-tion. C’est avant tout dans la mise en œuvre concrète des principes et des théoriesde l’ÉIE que l’évolution fut la plus remarquable. Dans la société réelle, des contraintesde toutes sortes viennent freiner la mise en pratique des meilleurs principes. C’estainsi que plusieurs éléments importants de l’ÉIE, même parmi les plus rationnels etles plus sages, prennent beaucoup de temps avant d’être officiellement mis en œuvre.

Plusieurs épisodes jalonnent le développement des procédures, des méthodes etdes pratiques. L’évolution historique de l’ÉIE est couramment caractérisée par l’exis-tence de trois grandes périodes ou phases de développement. La première périodedite «classique» débute en 1969 avec la promulgation de la politique nationale amé-ricaine (NEPA). Vient ensuite la période dite «moderne», au cours des années 1980,

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et, enfin, une troisième période dite « contemporaine » se poursuit aujourdhui(Lévesque, 1994).

La période classique marque les efforts pionniers en ÉIE. Elle s’épanouit de la findes années 1960 à la fin de la décennie suivante. Elle est caractérisée par la mise aupoint d’une série d’outils visant à accorder une valeur mesurable, le plus souvent quan-titative, à l’ensemble des impacts. La rationnalité déterministe de cette période devaitservir à la comparaison de solutions de rechange ou de variantes. Le but ultime sem-blait être d’attribuer une valeur unicritère à chacun des impacts environnementaux.Plusieurs font remarquer qu’il s’agit d’une approche réductionniste et mécaniste,concernée avant tout par l’examen de certaines nuisances, notamment dans l’eau, lesol et l’air (Sadar et coll., 1994), ainsi que caractérisée par l’accent sur la prévision,selon le modèle technique, et l’emploi de la participation uniquement à des fins devalidation (Sadler, 1986 et Gariépy, 1995).

La seconde période, dite moderne, s’installe au cours des années 1980. Elle estcaractérisée par un oubli marqué des aspects méthodologiques et par une caractéri-sation excessive des éléments du milieu, ce dernier aspect devenant même omniprésentau détriment de l’évaluation des impacts. L’objectif de cette période semblait être uneappréciation globale et complète des éléments du milieu (Lévesque, 1994). Elle s’ac-compagnait bien sûr d’une préoccupation de plus en plus grande du public pour laquestion de l’évaluation des impacts des projets soumis. Deux grandes questions pre-naient ainsi de plus en plus d’importance, sans toutefois recevoir des réponsesencore bien satisfaisantes : celle des impacts sociaux et celle des impacts cumulatifs,deux questions d’ailleurs intimement liées. Certains y décèlent déjà un élargissementde la portée de l’examen (milieu urbain, impacts cumulatifs ainsi qu’évaluation despolitiques et programmes) ainsi qu’une participation du public dans l’optique de lanégociation environnementale (Sadler, 1986 et Gariépy, 1995).

La dernière période, l’époque contemporaine, semble se diriger, depuis le débutdes années 1990, vers une recherche d’intégration de l’ensemble des éléments de l’en-vironnement avec ceux du développement. C’est bien sûr la conciliation souhaitéedans le cadre du développement durable. Elle se caractérise par une recherche inter-disciplinaire d’analyse environnementale intégrée comprenant les composantes duprojet et les éléments du milieu. Elle vise avant tout à minimiser l’impact environ-nemental du développement par une plus grande intégration des composantes duprojet dans le milieu d’insertion. Les impacts cumulatifs et sociaux prennent alorsde plus en plus de place dans les préoccupations des différents acteurs, sans néces-sairement entraîner de consensus sur les démarches et les méthodes d’évaluation. C’est

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aussi l’époque de l’émergence des outils de prise de décisions et de l’extension du maté-riel informatisé en ÉIE. Enfin, la participation publique et l’évaluation des risquesfont de plus en plus partie désormais des «règles de l’art» (Sadar et coll., 1994).

Montrant une vision similaire, mais sans pour autant reprendre la mêmeapproche, Sadler et Jacobs (1991) subdivisaient l’évolution de l’ÉIE, jusqu’en 1990,en six périodes particulières, marquées avant tout par l’innovation des techniques oudes méthodes. Ces six périodes sont :

• Avant 1970: techniques analytiques, surtout études de la faisabilité économiqueet technique;

• 1970: analyses coûts-avantages, comptabilisation des gains et des pertes ;

• 1970-1975: description et prédiction des changements écologiques ;

• 1975-1980: évaluation pluridimensionnelle, incluant le social et la participa-tion publique, ainsi que la justification et l’évaluation des risques ;

• 1980-1986: liens plus étroits entre les impacts et les étapes de planification etde mise en œuvre;

• Depuis 1986: remise en question à la suite du développement durable, impactscumulatifs, aide internationale et évaluation régionale.

Depuis quelques années, la mondialisation entraîne un certain degré d’«har-monisation» des pratiques et des législations de l’ÉIE. Dans ce domaine, l’InternationalAssociation for Impact Assessment (IAIA) joue un rôle essentiel de promotion et deformation en ÉIE partout sur la planète3. L’IAIA favorise aussi la coordination et laconcertation des diverses interventions en vue d’une éventuelle codification des «règlesde l’art» en ÉIE. Il n’existe toutefois pas encore de démarche complète et universellede prise en compte des impacts environnementaux. Une panoplie de méthodes et d’ap-proches méthodologiques (démarche et procédure) furent donc développées et pro-posées, sans toutefois qu’aucune n’engendre encore l’unanimité. Les nombreuxéchanges entre chercheurs et praticiens de l’évaluation d’impacts ont cependant permisl’émergence d’un relatif consensus autour d’un nombre minimum d’élémentsméthodologiques communs.

Jusqu’à un certain point et sans trop caricaturer l’évolution des pratiques et desprocédures en ÉIE, on peut avancer que chacune des trois périodes que nous venonsd’examiner correspond grosso modo à la dominance de l’un des trois objectifs de l’ÉIE.

3. Depuis 1997, il existe une contrepartie francophone à l’association internationale, le Secrétariat fran-cophone de l’Association internationale d’évaluation d’impacts (Interface, 1999).

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Nous verrons en détail dans la section «Concepts, définitions et objectifs de l’ÉIE» queces trois objectifs correspondent aussi à trois niveaux d’études de l’ÉIE: politique, tech-nique et scientifique. Ainsi, au cours de la période classique, le niveau technique sembleavoir orienté les efforts de développement et de mise en œuvre. La période modernesemble quant à elle se préoccuper avant tout du niveau scientifique. Enfin, la périodecontemporaine paraît mettre de l’avant les aspects politiques du processus d’ÉIE.

Prospectives internationales en ÉIE

L’emploi de l’ÉIE, d’abord limité à certains pays industrialisés, s’est lentementrépandu à la majorité des pays de la planète. Le récent enthousiasme en faveur de lamise en place de procédures d’ÉIE, par la plupart des divers gouvernements etadministrations, tant publiques que privées, est sans doute grandement tributaire del’adoption de procédure de la part des grands bailleurs de fonds internationaux, notam-ment par la Banque mondiale. D’ici quelques années, la plupart des pays disposerontd’une politique environnementale et d’une procédure d’ÉIE; il ne restera plus alorsqu’à les mettre en œuvre.

Les grandes rencontres internationales en environnement participent activementà la diffusion et à l’influence grandissante de la pratique de l’ÉIE. La première ini-tiative en ce sens émergea peu après la première conférence des Nations Unies surl’environnement tenue à Stockholm en 1972. Dès 1974, l’Organisation de Coopérationet de Développement Économique (OCDE), organisme regroupant la plupart des grandspays industrialisés, recommanda à ses membres l’adoption de procédures particu-lières d’ÉIE. En 1979, une nouvelle série de recommandations venait réitérer cettedemande initiale de l’OCDE, puis en 1985 l’organisme proposa des procédures bienspécifiques pour les projets d’aide au développement. D’autre part, lors de la tenuede la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED) aumilieu des années 1980, et en particulier à la suite de la publication de son rapport(rapport Brundtland) en 1987, la plupart des pays indifférents jusque-là à la prise encompte de l’environnement dans leurs processus de décision prirent conscience dela pertinence des procédures d’ÉIE. Le rapport de la Commission Brundtland(CMED, 1988) proposait la prise en compte de l’environnement au même titre quele développement économique et il recommandait formellement la tenue d’ÉIE pourtous les projets significatifs pour l’environnement.

L’ascendant des conférences internationales jumelé aux pressions publiques, notam-ment par de nombreux groupes environnementaux, favorisa une plus grande priseen compte de l’environnement et de l’ÉIE par diverses instances internationales etnationales. Ce fut le cas de la Banque mondiale à la fin des années 1980, même si depuis

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le début des années 1970 celle-ci se préoccupait déjà des aspects environnementauxdes projets de développement, comme en fait foi la directive environnementale de1984 (World Bank, 1984). La Banque fut amenée à replacer les considérations envi-ronnementales par rapport aux considérations économiques et financières dans l’aideau développement international. C’est ainsi qu’elle se dota de pratiques concernantla prise en compte de la conservation de l’environnement dans l’élaboration des pro-jets. Elle se dota en particulier de mesures bien définies concernant l’ÉIE et de nom-breuses directives furent émises en ce sens.

Comme nous venons de le voir, parmi les plus récents et influents incitatifs enfaveur de la diffusion et de la généralisation de l’ÉIE, on retrouve l’acceptabilité envi-ronnementale des projets de développement par les grands bailleurs de fonds inter-nationaux. C’est ainsi que des directives en faveur de l’évaluation environnementalepréalable au financement des projets furent émises, notamment, par la Banquemondiale (World Bank, 1991), la Banque africaine de développement (AfricanDevelopment Bank, 1992), la Banque asiatique de développement (Asian DevelopmentBank, 1993) et la Banque interaméricaine de développement (Inter-AmericanDevelopment Bank, 1994). La «Déclaration des Banques sur l’environnement et ledéveloppement durable», entente intervenue en 1992 entre 29 grandes banques impli-quant 23 pays, abondait elle aussi dans le même sens (London, 1993). Cet engage-ment fut réitéré lors de la conférence internationale des banques à Genève en 1994,notamment par une meilleure intégration de l’environnement parmi les paramètresde décision (Dron, 1995). Les récents accords du commerce international, ancien-nement les «accords du Gatt», viennent eux aussi entériner la pratique de l’ÉIE.

La conférence des Nations Unies, à Rio de Janeiro au Brésil en juin 1992, ren-força les engagements pris antérieurement en faveur de l’ÉIE et incita une fois de plusles pays encore récalcitrants à agir en ce sens. Parmi les engagements del’Agenda 21(Action 21, 1993) figure l’évaluation de l’impact des projets. De plus, laConvention sur la biodiversité ratifiée en 1992 (PNUE, 1996) s’ajoutait aux autresincitations en faveur de la généralisation des pratiques d’ÉIE issues de la rencontrede Rio. Cette importante et complexe convention présente de nombreuses possibi-lités pour l’avancement de l’ÉIE (Krattiger et coll., 1994). Le Programme des NationsUnies pour l’environnement (PNUE) s’implique activement dans la promotion del’ÉIE par l’organisation d’ateliers de formation et par la diffusion de son manuel duformateur en ÉIE (PNUE, 1996).

Enfin, on pourrait ajouter, comme encouragement à l’ÉIE, les réactions positivesdes autres organismes gouvernementaux et organisations non gouvernementales (ONG),

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de même que l’influence des médias d’information et certaines conventions ou traitésinternationaux. Ainsi, les agences gouvernementales d’aide internationale au déve-loppement, telle que l’Agence canadienne de développement international (ACDI),emboîtent le pas afin de faire la promotion de l’ÉIE. Plus spécifiquement, l’enseignementou le transfert des connaissances entre les pays industrialisés et ceux en voie de déve-loppement constitue l’un des mandats prioritaires de tels organismes. Par exemple,l’ACDI parraine un programme de renforcement institutionnel et universitaire enAfrique francophone (ACDI, 1994). Un organisme international comme l’Organisationmondiale de la santé (World Health Organization (WHO)) diffuse lui aussi un guidepratique d’évaluation fort apprécié (Turnbull, 1992). Finalement, certaines conven-tions ou traités internationaux imposent ou recommandent fortement l’évaluationenvironnementale des projets de développement. C’est le cas notamment de laConvention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte trans-frontière ratifiée en 1991 (Nations Unies, 1991) mais entrée en vigueur en 1998.

CONCEPTS, DÉFINITIONS ET OBJECTIFS DE L’ÉIE

La première apparition officielle de l’expression «évaluation des impacts environ-nementaux», tout comme celle de «rapport d’évaluation d’impacts» (EnvironmentalImpact Statement (EIS)), survient avec le NEPA. Pourtant, près de trente ans plus tard,il n’existe pas encore de consensus sur l’étendue des paramètres compris par l’ÉIE.Ainsi, il est courant d’entendre les expressions d’impacts sociaux et d’évaluation desimpacts sociaux de manière dissociée des impacts environnementaux et de l’ÉIE.Plusieurs auteurs étudient d’ailleurs les aspects sociaux de façon distincte de l’ensemblede l’ÉIE (Burdge, 1994; Taylor et coll., 1990). Ces auteurs ne considèrent pas que l’ÉIE,telle qu’elle est pratiquée jusqu’à maintenant, accorde une réelle prise en compte desmultiples aspects sociaux. Il est donc essentiel, avant de poursuivre les nombreusesdéfinitions conférées à l’ÉIE, de nous attarder tout d’abord au concept même de l’ex-pression «évaluation des impacts environnementaux», puis au concept «environ-nement», étant donné qu’il s’agit souvent dans ce dernier cas de la source du désac-cord concernant la définition de l’ÉIE.

Concepts majeurs de l’ÉIE

L’expression «évaluation des impacts environnementaux» renferme trois termes dis-tincts qui englobent assez bien son domaine d’investigation. Ces trois conceptsmajeurs, évaluation, impact et environnement, déterminent trois ensembles, qui, inté-grés dans un tout, représentent l’ÉIE.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Le concept «évaluation» fait référence à l’étude plus ou moins systématique, selonles besoins de la procédure en cause et les possibilités concrètes d’examen, d’une ques-tion ou d’un problème. Cette étude est le plus souvent une somme d’études parti-culières sur des sujets spécifiques. De plus, comme il s’agit d’un exercice de planifi-cation, l’évaluation en question est plutôt une estimation, c’est-à-dire une approximationdes modifications anticipées. Compte tenu des multiples procédures possibles en ÉIEet de l’ampleur variable des projets en cause, ainsi que des différents acteurs impli-qués (internes et externes), il existe plusieurs types d’évaluations, de la plus simpleà la plus complète. Il ne s’agit pas cependant d’une évaluation du type de la recherchethéorique fondamentale sur un sujet «socialement neutre», mais plutôt d’une pra-tique prospective et opérationnelle sur une question confrontant divers points de vueet de multiples intérêts. Enfin, mieux qu’une simple étude suivie de la rédaction d’unrapport, l’«évaluation» dans le contexte de l’ÉIE est en réalité un processus d’examen.Ce processus implique aussi des discussions, des pourparlers, des tractations. L’ÉIEs’inscrit en somme dans la mouvance de la négociation environnementale et de larecherche de compromis au développement, voire de consensus.

Le concept « impact» détermine quant à lui l’orientation même de l’évaluationà effectuer. Dans le contexte de l’ÉIE, il ne s’agit pas de réaliser l’examen d’un objetd’étude selon l’approche scientifique conventionnelle. Comme nous le verrons en détailplus loin, un impact mesure les conséquences, à plus ou moins long terme et avecplus ou moins d’ampleur, d’une action habituellement bien déterminée, sur l’état dyna-mique d’un élément précis de l’environnement. En plus de bien connaître l’élémentenvironnemental en cause, ce qui ne représente que la phase préliminaire de l’éva-luation, il faut estimer l’ampleur des modifications anticipées dans le futur. Cela impliqueau moins la caractérisation de deux états de la situation, celui de la situation présenteet celui anticipé. Comme les éléments d’étude sont par essence dans une dynamiqued’évolution qui nous est souvent peu connue, voire impénétrable, l’évaluation de l’im-pact est souvent incertaine et parfois même aléatoire.

Finalement, le concept «environnement» délimite les impacts à considérer dansl’évaluation. Comme nous le verrons dans la prochaine section, le terme «environ-nement» n’a cependant pas partout ni toujours la même signification, il n’englobepas toujours les mêmes réalités. Comme la définition conférée à l’environnement varieconsidérablement, elle est plus ou moins large et englobante, l’évaluation en ques-tion s’intéressera donc à un nombre plus ou moins considérable d’éléments. Trop sou-vent, seuls les éléments biophysiques de l’environnement font l’objet d’étude, alorsque ceux concernant le social, le culturel et la santé humaine sont exclus ou examinésrapidement.

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Définition de l’environnement et de l’ÉIE

Le concept même d’«environnement» n’est pas toujours, ni partout, perçu de la mêmefaçon. L’environnement fut défini de manière globale lors du Congrès de l’UNESCOà Tbilissi (URSS) en 1977 (UNESCO, 1977). Les aspects sociaux étaient intégrés auxaspects plus strictement naturels de l’environnement. La Commission mondiale surl’environnement et le développement (CMED) reprendra cette définition en l’enri-chissant des réflexions issues du concept de développement durable (CMED, 1988).

Depuis, l’environnement est souvent perçu en ÉIE comme représentant unconcept général englobant l’ensemble des composantes biophysiques et socioculturellesdu milieu, en interaction avec un organisme ou un ensemble d’organismes vivants. LaLoi québécoise sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., Q-2,) adopte elle-aussi cetteacception large du concept d’environnement4. Il ne saurait donc exister ici de distinctionentre les aspects sociaux et l’ensemble des autres aspects de l’environnement. La nou-velle loi canadienne sur l’ÉIE (1995) n’est pas bien explicite sur le contenu même duconcept; néanmoins, les aspects socio-économique sanitaire et culturel sont concernéspar la procédure d’ÉIE. Cependant, il n’en va pas ainsi partout. La législation Suisse,par exemple, ne considère le terme «environnement» que dans son sens stricto sensu(Simos, 1990). Par contre, en France, l’examen comprendrait aussi bien les composantesdémographiques et d’emploi que celles dites «naturelles» (Guigo et coll., 1991).

Par ailleurs, il ne saurait non plus exister de frontière précise et absolue entre lesenvironnements dits naturels et les environnements humains, sauf peut être de trèsrares exceptions. En effet, il n’existe pratiquement plus d’environnement que nouspourrions qualifier de «milieu naturel» au sens strict du terme, les activités humainesaffectant désormais même les «macroclimats» (Dubos, 1980). D’autre part, l’orien-tation de la gestion environnementale «qui était axée au cours des années 1970 surdes questions ponctuelles, se situe de plus en plus dans un contexte global, à mesurequ’on se rend compte que les activités humaines ont un impact sur l’environnement»(Holtz, 1992).

C’est donc à partir d’une définition large et globale de l’environnement que l’ÉIEpeut prétendre représenter et contenir l’ensemble des éléments à prendre en comptedans l’examen d’un projet. La pratique au cours des trente dernières années n’a sans

4. Le texte même de la Loi québécoise est peu explicite sur les aspects sociaux du concept «environ-nement». La pratique a cependant clairement établi une conception large de l’environnement auQuébec. Une mise en garde placée au début de tous les rapports du Bureau d’audiences publiquessur l’environnement (BAPE) depuis quelques années spécifie d’ailleurs clairement la portée élargiedu concept «environnement» en ce qui concerne les impacts sociaux.

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L’évaluation des impacts environnementaux

doute pas toujours bien intégré cette conception exhaustive de l’environnement. Ellesemble toutefois recevoir désormais l’acquiescement d’une majorité d’évaluateurs d’im-pacts. Néanmoins, il n’existe pas encore de définition univoque et universelle de l’en-vironnement et de ses multiples implications en ÉIE. Celles-ci se différencient doncd’une procédure d’ÉIE à l’autre.

De son côté, l’«évaluation des impacts environnementaux» peut être définie sim-plement comme étant « l’identification, l’organisation et l’évaluation des effets phy-siques, écologiques, esthétiques, sociaux et culturels d’un équipement ou d’unedécision (technique, économique ou politique)» (Poutrel, 1977). En pratique, l’ÉIEcomprend donc « l’ensemble des procédés destinés à déterminer et à prévoir l’effetque peuvent avoir, sur la santé et le bien-être de l’homme, les projets de loi, les poli-tiques, les programmes et les projets divers ainsi qu’à interpréter et à communiquerles résultats obtenus» (Munn, 1975). En conséquence, ils sont de plus en plus nom-breux à croire que les impacts biophysiques sont inextricablement liés aux impactssociaux, et vice versa (Sadar et coll., 1994).

De manière moins traditionnelle, notamment par l’intégration de l’ÉIE dans lecontexte plus global du développement durable, les experts internationaux propo-saient récemment la définition suivante :

L’évaluation environnementale est un processus systématique qui consiste à évalueret à documenter les possibilités, les capacités et les fonctions des ressources et dessystèmes naturels, afin de faciliter la planification du développement durable et laprise de décision en général ainsi qu’à prévoir et à gérer les impacts négatifs et lesconséquences de propositions d’aménagement en particulier (Sadler, 1996).

En introduction, quant à nous, nous avions défini l’ÉIE de manière préliminairecomme étant l’ensemble des études plus ou moins systématiques sur les impacts pré-visibles, tant directs qu’indirects, qui résultent d’une intervention projetée (projet,politique, programme) et impliquant l’environnement. À la suite de la présentationdes trois concepts contenus dans l’expression «ÉIE» et des éclaircissements que nousapporterons dans la prochaine section traitant des objectifs de l’ÉIE, nous devons appro-fondir et bonifier notre définition préliminaire.

L’ÉIE peut être définie comme étant un processus d’examen et de négociation5

de l’ensemble des conséquences d’un projet, incluant les politiques, programmes et

5. Nous définissons le concept de «négociation» dans son sens large. En conséquence, la «négocia-tion environnementale» regroupe l’ensemble des pourparlers, des réunions (formelles et informelles)et des tractations (publiques et privées) entre les différentes parties impliquées par la mise en œuvred’un projet, en vue d’en arriver à une entente ou à un accord quelconque.

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

plans sur les multiples éléments (naturels et humains) de son milieu d’insertion. Ceprocessus vise à connaître et à réduire l’impact du projet ainsi qu’à valider son inté-gration dans le milieu. Il aspire donc à estimer le plus précisément possible l’importancefuture de l’impact environnemental, c’est-à-dire prévoir l’ampleur anticipée des modi-fications résultant des activités humaines projetées. De plus, l’ÉIE espère réduire lesconséquences néfastes de l’intervention, en proposant des améliorations et des cor-rectifs au projet initial ainsi qu’en suggérant la mise en place de mesures d’atténua-tion et ultimement de compensation. Finalement, en tant que processus participatifde négociation environnementale, l’ÉIE constitue une partie importante du processusmême de décision menant à la validation ou non d’un projet de développement dansson milieu. En conséquence, l’ÉIE est bien plus qu’un simple outil venant éclairer unprocessus de négociation et de décision qui lui est extérieur et transcendant.

Objectifs de l’ÉIE

L’ÉIE est habituellement conçue comme ayant deux objectifs, à savoir : «évaluer l’im-portance des impacts biophysiques et sociaux d’un projet, […] en apprécier l’opportunitéde réalisation compte tenu de ses avantages et de ses impacts environnementaux et,le cas échéant, […] mettre au point une solution de moindre impact pour sa réali-sation» (Lacoste et coll., 1988). De manière plus normative, certains conçoivent queles deux objectifs de l’ÉIE sont : «de faciliter la prise de décisions optimales et inté-grée» et de favoriser « l’atteinte ou le soutien des objectifs fondamentaux que sontla protection de l’environnement et le développement durable» (Sadler, 1996).

Mais comme nous le disions précédemment, la démarche d’ÉIE renferme plutôtun triple objectif, à savoir: la connaissance la plus exacte possible de l’impact envi-ronnemental des projets, la réduction éventuelle de celui-ci et la compréhension et l’ap-probation par le milieu des conséquences du projet. En fait, il s’agit d’abord de con-naître le plus précisément possible toutes les conséquences environnementales que lesdiverses activités du projet à l’étude auront sur les différents éléments du milieu d’im-plantation concerné. Par la suite, l’étude visera à incorporer des mesures cherchant àatténuer la plupart des impacts néfastes à l’environnement, et accessoirement à opti-miser (maximiser) au contraire les impacts positifs. Enfin, le processus même de l’ÉIEest une démarche d’approbation du projet total par les différents acteurs sociaux impli-qués.

De manière plus systématique, les trois objectifs de l’ÉIE sont donc de:

• connaître les conséquences environnementales du projet à l’étude;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• réduire les séquelles négatives sur l’environnement et optimiser les impactspositifs ;

• permettre l’approbation du projet par les acteurs impliqués.

Chacun des objectifs de l’ÉIE peut être rattaché à un niveau particulier d’examen.Ainsi, le premier objectif, la connaissance, se rattache avant tout au niveau scienti-fique d’examen. Ce niveau d’examen repose sur l’apport des sciences biophysiquestout autant que des sciences sociales et de gestion. Le deuxième objectif, celui de réduire(minimiser) l’impact, est plus près du niveau technique d’examen, l’application dessciences et des techniques en est l’élément moteur. Finalement, l’objectif d’approbationfait référence au niveau politique, c’est-à-dire aux multiples préoccupations sociales,économiques, culturelles et plus proprement politiques6. Ces trois niveaux distinctsd’examen sont illustrés à la figure 1.3. Comme l’illustre la figure, chacun des niveauxest en partie imbriqué dans les deux autres, certains aspects de l’ÉIE faisant donc partiede plus d’un niveau d’examen.

Ces trois niveaux dis-tincts d’examen nous per-mettront au cours du cha-pitre quatre d’exposer plussystématiquement les mul-tiples éléments méthodolo-giques. Auparavant, nousverrons aussi plus en détail,lors de l’analyse de procé-dures particulières d’éva-luation au chapitre trois,l’étendue et les diversesimplications du concept del’ÉIE. L’examen de législa-tions et de pratiques bienspécifiques permet de

Figure 1.3

Les trois niveaux d’examen de l’ÉIE

Scientifique

PolitiqueTechnique

6. Faute d’un terme sans doute plus adéquat et moins sujet à caution, nous employons le terme «poli-tique»pour l’ensemble des paramètres et des aspects à prendre en compte à ce niveau d’examen.D’autre part, il s’agit du concept de politique étendu à l’ensemble des relations de pouvoir dans lasociété et qui bien souvent recouvrent ou recoupent les dimensions sociales, culturelles, économiques,administratives et proprement politiques de tous les acteurs d’une société ainsi que les rapports qu’ilsentretiennent dans la gestion des affaires publiques. Il ne s’agit donc pas du concept de « la poli-tique», définie dans le sens plus restreint des pratiques et des institutions du gouvernement d’un

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

mesurer l’importance des différences et des divergences qui existent un peu partoutà ce sujet.

RÔLE, SPHÈRE D’INFLUENCE ET MISE EN ŒUVRE

En règle générale, le but immédiat de l’évaluation des impacts environnementaux estde s’assurer que les conséquences environnementales soient examinées avant l’ap-probation définitive d’un projet. Cela implique que l’ÉIE est à tout le moins une acti-vité préliminaire à toute prise de décision concernant les futurs développements.Ultimement, il faudrait que ces conséquences reçoivent la même attention que les fac-teurs économiques et techniques dans l’élaboration et la réalisation d’un projet. Laplace de l’environnement dans la prise de décision est très variable, mais comme soninfluence n’est pas toujours très grande relativement aux impératifs techniques et finan-ciers, elle est habituellement réduite et secondaire. Le balancier de la décision n’estpas souvent en faveur de l’environnement, surtout lorsque le rôle de l’ÉIE n’est quejustification ultérieure d’un projet déjà échafaudé, comme c’est trop souvent le cas.Néanmoins, certains projets parmi les plus néfastes pour l’environnement n’ont pasété mis en place, car leurs implications étaient trop grandes.

Le rôle réservé à l’évaluation des impacts environnementaux parmi l’éventail desinterventions possibles en environnement peut être plus ou moins ambitieux.L’absence d’autres moyens d’intervention rend cependant l’ÉIE encore plus essentielledans la planification du développement. L’existence d’autres pratiques de planifica-tion réduit le rôle de l’ÉIE comme mécanisme principal de gestion environnemen-tale, mais permet par contre une mise en œuvre plus facile et un examen plus com-plet et mieux documenté. Habituellement, l’ÉIE est un processus compris dans desprocessus plus généraux comme la «planification environnementale» et l’«évalua-tion environnementale», le tout étant compris à l’intérieur de la planification d’en-semble des activités d’une société. Le schéma de la figure 1.4 montre la place et consé-quemment la portée de l’ÉIE par rapport à ces autres pratiques plus globales deplanification. L’ÉIE ne représente donc qu’une partie des questions comprises par l’éva-luation environnementale7, qui elle même n’aborde qu’une partie de l’ensemble dela planification environnementale. Bien entendu, les questions environnementales nesont qu’une infime section de la planification d’ensemble des activités humaines.

7. Parmi les réalisations de l’évaluation environnementale, notons les rapports nationaux sur l’état del’environnement, l’audit environnemental, le suivi environnemental de la réglementation etl’examen particulier d’un élément de l’environnement.

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L’évaluation des impacts environnementaux

L’ÉIE ne doit pas êtreconfondue ni se substitueraux autres outils de gestionde l’environnement, notam-ment ceux d’évaluation envi-ronnementale. Parmi ceux-ci, notons l’«éco-label», ouétiquetage écologique, unoutil de contrôle et d’éva-luation des produits manu-facturés destinés à la con-sommation, mais sans autrelien avec l’ÉIE. L’on retrouveaussi les rapports sur l’état del’environnement (OCDE,1991c ; gouvernement duCanada, 1991 et 1996; gou-vernement du Québec, 1989

et 1994). Ces rapports regroupent les diverses études (recueil de données) sur la situa-tion environnementale d’un état ou de la planète. Ces rapports apportent bien sou-vent des données de base à l’ÉIE et inversement l’ÉIE les enrichit et en constitue par-fois la réalisation première.

Dans un domaine similaire, celui des indicateurs environnementaux (OCDE, 1994a),les liens sont semblables à ceux des rapports sur l’environnement. Ici, on ne doit pasconfondre les descripteurs d’impacts, dénommés souvent «indicateurs», servant à réa-liser l’inventaire du milieu et l’inspection du suivi environnemental, avec les indica-teurs environnementaux. Ces derniers représentent d’ailleurs habituellement des indicesagrégés beaucoup plus généraux que ceux employés en études d’impacts.

En outre, d’autres outils sont plus spécifiques aux politiques et aux directives envi-ronnementales corporatives, tel l’audit. L’audit ou vérification environnementale désigneune évaluation environnementale, plus ou moins complète et étendue, selon le cas,d’installations ou d’équipements déjà existants. Bien souvent, l’audit ne concerne quela conformité des installations ou du procédé par rapport à la réglementation en vigueur.Il ne s’agit donc pas d’un exercice de planification du développement futur. Cette der-nière distinction est sans doute la plus claire, car l’audit peut parfois représenter unexamen complet très similaire à celui de l’ÉIE. Pour l’audit, il peut s’agir d’une simpleinspection de conformité à la réglementation environnementale en vigueur, telle que

Figure 1.4

Place et portée de l’ÉIE dans les processus de planification

PLANIFICATION D’ENSEMBLE

PLANIFICATION ENVIRONNEMENTALE

ÉVALUATIONENVIRONNEMENTALE

É.I.E.

Source : Adapté de Munn, 1977.

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

la vérification du respect des normes de pollution aquatique d’une industrie quel-conque, mais l’inspection pourrait aussi s’étendre à l’ensemble des implications d’uneentreprise dans son milieu, compte tenu des risques pour la population et des exi-gences des bailleurs de fonds, par exemple.

Enfin, mentionnons deux derniers outils de gestion de l’environnement fort appa-rentés à l’ÉIE. Il s’agit d’abord de l’évaluation des risques ou de l’évaluation envi-ronnementale des risques (Gélinas, 1992), qui se préoccupe tout autant des installa-tions existantes que de celles du futur. Finalement, l’évaluation environnementale destechnologies ou analyse des risques technologiques (Boivin et El-Sabh, 1992) élargitencore plus le champ possible des investigations des conséquences des activitéshumaines, et un prolongement récent en est constitué par l’évaluation des biotech-nologies (Thomas et Myers, 1993).

La figure 1.5 montre un éventail de ces évaluations similaires et apparentées àl’ÉIE que nous venons d’énumérer ainsi que d’un certain nombre d’autres processus,dont la participation publique et l’évaluation des impacts du développement. D’autrepart, on retrouve aussi des évaluations habituellement comprises dans l’ÉIE de pro-jets, comme l’évaluation des impacts sociaux et celle des impacts cumulatifs, ainsi quecelles sur les impacts écologiques, les impacts climatiques et les impacts économiques.Certains experts préfèrent spécifier ainsi certains aspects de l’évaluation afin d’en ren-forcer la présence et le rôle. Toutefois, il ne s’agit en fait que de sous-composantes detoute étude rigoureuse d’ÉIE. Enfin, on retrouve l’évaluation stratégique des impacts(ÉSI), qui se distingue par son niveau d’analyse par rapport à l’habituelle évaluationde projets. L’ÉSI se caractérise par l’examen des niveaux globaux de gestion, ceux despolitiques, programmes et plans.

L’évaluation des impacts environnementaux peut se subdiviser en niveaux de ges-tion distincts, comme nous venons de le voir pour l’évaluation stratégique, mais aussiselon d’autres typologies. C’est ainsi qu’on peut retrouver des évaluations de niveaurégional, l’évaluation d’impacts régionale (ÉIR), et des évaluations selon les secteursd’activités économiques, comme l’évaluation d’impacts sectorielle (ÉIS). Dans le pre-mier cas, il s’agira d’étudier les conséquences régionales des multiples projets pré-sents ou à venir, alors que dans le second, l’examen se concentrera sur les impactsd’un seul secteur d’activité, le secteur énergétique, par exemple. La figure 1.6 montreces différentes extensions possibles de l’évaluation d’impacts.

La place qu’occupe communément l’étude d’impacts dans les processus de déci-sion n’est sans doute pas très bien définie ni toujours équivalente d’un endroit à unautre. Les mécanismes décisionnels actuels la relèguent souvent à l’arrière-plan ou

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L’évaluation des impacts environnementaux

dans un rôle plus ou moinsaccessoire, car, comme l’af-firmait Munn (1975) : « lesplans de gestion de l’envi-ronnement qui prévoientune évaluation des impactsà longue échéance boule-versent sans aucun doute lesmécanismes traditionnels dedécision». C’est aussi l’opi-nion des rédacteurs du rap-port Brundtland quant auxbarrières institutionnellesactuelles, notamment cellesdes règles du marché(CMED, 1988).

Figure 1.5

L’évaluation des impacts environnementaux (ÉIE) et diverses évaluations similaires et apparentées

ÉIE

Évaluation des impacts cumulatifs

Cumulative Impact Assessment

Évaluation des impacts sociaux

Social Impact Assessment

Participation publique

Public Participation

Évaluation des technologies

Technology Assessment

Évaluation des impacts écologiques

Ecological Impact Assessment

Évaluation environnementale des risques

Environmental Risk Assessment

Évaluation stratégique des impacts

Strategic Impact Assessment

Évaluation des impacts économiques

Economic Impact Assessment

Évaluation de projets

Project Evaluation

Audit environnemental

Environmental Audit

Évaluation des impacts climatiques

Climate Impact Assessment

Évaluation des impacts du développement

Development Impact Assessment

Figure 1.6

Divers niveaux d’évaluation d’impacts :du général (ÉSI) au particulier (ÉIP ou ÉIE)

Évaluation stratégiquedes impacts

(ÉSI)

Évaluation d’impactsde projet

(ÉIP ou ÉIE)

Évaluation d’impactsrégionale

(ÉIR)

Évaluation d’impactssectorielle

(ÉIS)

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Le défi de l’évaluation environnementale stratégique

Pour faire face aux critiques et afin de relever le défi de l’évaluation des impacts envi-ronnementaux au cours du XXIe siècle, l’ÉIE doit notamment accéder à un niveau supé-rieur d’intégration de ses différents processus et outils. Comme l’ont montré plusieursétudes récentes (Buckley, 1998; Falque, 1995; Partidàrio, 1996; Sadler, 1996 et 1998;Therivel et Partidario, 1996; World Bank, 1996), une meilleure intégration des diversesévaluations (stratégique, régionale, sectorielle et de projet) est nécessaire afin d’améliorerle processus d’ensemble de l’évaluation d’impacts dans le contexte du développementdurable.

Sans nécessairement alourdir les processus traditionnels de planification, une plusgrande intégration des différents «outils» de l’évaluation d’impacts permettrait de répondreplus adéquatement aux futurs défis de l’évaluation environnementale, et ce, dans le contextegénéral des processus actuels de décision.

En conséquence, l’amélioration de la planification environnementale passe notammentpar l’intensification des liens entre l’évaluation stratégique et l’usuelle évaluation de projet.Cela ne fait d’ailleurs que s’inscrire dans l’évolution de l’ÉIE constatée au cours des vingtdernières années, vers un élargissement de la portée et du mandat de l’étude d’impacts(Jacobs et Sadler, 1991; Lévesque, 1994; Gariépy, 1995). Les législations canadienne(Environnement Canada, 1995) et québécoise (gouvernement du Québec, 1992; MEF,1995), à l’instar de la législation américaine qui l’emploie depuis longtemps, favorisentdésormais l’utilisation de l’évaluation stratégique dans les procédures officielles.

De plus, comme le montre un récent document du ministère de l’Environnement du Québecfaisant état de la situation de l’évaluation stratégique au Québec et dans le monde (Risse,1998), on retrouve un intérêt manifeste des gouvernements en faveur de la mise en placede l’évaluation stratégique, tant au Canada (ACÉE, 1998) qu’un peu partout à traversle monde (AQÉI, 1996b; Porter et Fitipaldi, 1998).

Dans le cadre du développement durable, la prise en compte de l’environnementdevrait être intégrée le plus tôt possible au processus décisionnel. En outre, l’examendes activités d’un projet ne doit pas se limiter aux seules périodes de construction etd’exploitation. Elle doit se préoccuper de l’ensemble de ce que l’on nomme le «cyclede vie» d’un projet. Il s’agit donc de tenir compte de toutes les activités comprisesdepuis les premières étapes de la planification et de la conception du projet jusqu’àsa fin ultime, à savoir soit la désaffectation ou réaffectation des installations, soitl’abandon ou le démantèlement des composantes du projet, soit l’arrêt de l’exploi-tation de la ressource ou la disparition de l’objectif poursuivi.

L’ÉIE se propose d’intervenir au début de tout processus de planification d’un projet,car comme l’affirment Jain et coll. (1993): «Environmental impact assessments are

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L’évaluation des impacts environnementaux

a logical first step in this process [create the viability of earth], because they repre-sent the opportunity for man to consider, in his decision making, the effects of actionsthat are not accounted for in the normal market exchange of goods and services.»La mise en œuvre d’un processus d’évaluation environnementale devrait donc inter-venir le plus tôt possible, car «le moment idéal pour étudier en détail les aspects envi-ronnementaux, sociaux et autres des nouveaux projets se situe très tôt, dès le stadede la formulation du projet ; l’évaluation des impacts doit se faire parallèlement auxévaluations économiques et techniques, l’étude des premières devant être intégrée àcelle des secondes» (Munn, 1975).

L’ÉIE est plus efficace lorsque son intervention survient promptement dans le pro-cessus d’élaboration d’un projet, soit dès le stade de la planification. En effet, le coûtdes mesures correctives est d’autant plus onéreux que la réalisation du projet est avancée.Toutefois, il reste que: «environmental action has traditionnally been poorly co-ordinated, and planners may usefully bring their skills of mediation and negociationto bear in the wider task of achieving integrated use of natural resources» (Selman,1992). Il est à tout le moins essentiel que l’examen des impacts se réalise avant quedes décisions irrévocables ne soient prises (Sadar et coll., 1994). Autrement, le coûtdes correctifs éventuels, des dommages environnementaux considérables et de fortesoppositions pourraient compromettre le projet et sa transformation.

Dans un contexte d’intervention non limité, l’évaluation environnementale peutêtre perçue comme un mécanisme essentiel et utile d’aide à la décision. L’améliorationdes projets, consécutive à l’élaboration d’un rapport d’études environnementales, repré-sente une contribution importante à la gestion de l’environnement. De plus, l’inté-gration en amont (dès les premières étapes de planification) de la prise en comptede l’impact environnemental représente souvent une économie appréciable, notam-ment en ce qui concerne la mise en place de mesures correctrices, d’atténuation oude compensation.

L’ÉIE devient aussi un instrument efficace d’aide à la décision dans la mesure ouelle permet une participation accrue du public dans les processus de décision. Le pro-cessus d’évaluation peut ne représenter que la recherche d’un compromis acceptableentre diverses parties, mais il devrait peut-être aussi proposer la recherche d’un consensusminimal. Cette quête, en vue de trouver un consensus ou à tout le moins un largecompromis, repose bien entendu sur une stratégie de négociation. Cela suppose consé-quemment un minimum d’échange de connaissances, donc un processus d’acquisi-tion de connaissances et de transfert d’informations, mais aussi une ouverture d’es-prit relativement aux intérêts et points de vue des autres intervenants. Ces deux aspects

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Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

indispensables à toute réelle négociation devraient être inséparables eux aussi du pro-cessus d’évaluation des impacts sur l’environnement.

Dans le contexte général de la démocratie, l’ÉIE suppose une certaine forme deplanification et de participation accrue du public au processus habituel de décision.L’évaluation permet une ouverture démocratique par la participation des citoyens ainsique par la défense des intérêts publics et de ceux de la nature. Elle renforce donc lesidéologies favorables à une démocratie participative, mieux que certains autresmoyens, comme la réglementation environnementale, par exemple, trop souvent écha-faudée entre experts sans autre consultation (Guigo et coll., 1991). Toutefois, la rela-tive jeunesse du procédé dans la plupart des pays ne se concrétise, lorsque c’est pos-

Figure 1.7

L’intégration du projet dans l’environnement

Interzone photographie, 1998.

Les composantes d’un projet ne s’insèrent pas toujours harmonieusement dans leur milieu d’insertion.Cette autoroute surélevée en milieu urbain (Montréal) redécoupe les anciennes limites territoriales parois-siales et ce, juste devant le parvis de l’église.

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L’évaluation des impacts environnementaux

sible, qu’avec la participation active d’un petit nombre d’individus autour desgroupes de pressions, notamment les mouvements écologistes et humanitaires.

L’ÉIE peut aussi être considérée comme un instrument efficace de propositionsnouvelles au développement, tout en apportant souvent des améliorations fondamentalesà un projet. Toutefois, les résultats de l’évaluation doivent être présentés de manièreà pouvoir être utilisés efficacement dans les processus de décision (Jain et coll., 1993).Sans cela, l’ÉIE pourrait de nouveau être perçue uniquement comme un «outilcontraignant qui vise à interdire toute forme de développement» (Guigo et coll., 1991).En fait, le rôle des chercheurs en évaluation environnementale ne consisterait-il paspour le moins, selon la formule de Simos (1990), à «trouver une solution satisfaisantepour les acteurs en présence»?

Enfin, il existe souvent un fossé important entre les volontés exprimées dans lalégislation et les actions concrètes mises en œuvre. En pratique, la procédure d’ÉIEne joue pas toujours le rôle qu’elle devrait tenir. Elle est alors restreinte à une simpleobligation réglementaire ne remettant nullement en cause les anciennes façons de faire.Ultimement par contre, l’évaluation des impacts environnementaux, telle que conçuedans un cadre élargi et non restrictif, c’est-à-dire en intégrant la planification à longterme, la réduction des impacts environnementaux et l’implication des divers inter-venants, pourrait devenir un outil important et essentiel du développement durable.

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2Chapitre

Processus général d’étude de l’évaluation des impacts

environnementaux

e concept de l’ÉIE varie d’un endroit à l’autre et il évolue dans le temps. Chaqueprocédure est donc spécifique à son pays ou État d’adoption à un moment donné.

L’application même de la réglementation varie selon l’état d’avancement de la priseen compte de l’environnement et de la participation publique dans les processus degestion des affaires publiques de chacune des parties en cause. Il n’existe pas de défi-nition univoque et unanimement acceptée de l’ÉIE, il ne peut donc y avoir dedémarche méthodologique générale et universelle. Toutefois, le contexte global danslequel s’insère l’ÉIE est fondamentalement similaire d’un endroit à un autre etconséquemment les diverses procédures sont en grande partie semblables. À partirdes «règles de l’art» en ÉIE, il est possible, au moins en théorie, de proposer un pro-cessus type, qui grosso modo s’apparente à un processus général d’étude applicableun peu partout, avec tout de même quelques précautions.

Ainsi, et malgré l’évolution temporelle des concepts et des procédures, il est pos-sible, voire même souhaitable, à des fins pédagogiques, de délimiter un «processus géné-rique» d’ÉIE. Ce processus théorique type, que nous proposerons sous la forme d’une«procédure simplifiée» d’ÉIE, comprend les principales étapes usuelles minimales d’unprocessus d’évaluation d’impacts convenable. Nous illustrerons ensuite à l’aide d’unprocessus général plus détaillé l’ensemble des opérations successives de l’étude d’un

L

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L’évaluation des impacts environnementaux

projet. Il s’agira en l’occurrence de la procédure américaine d’ÉIE, le plus ancien pro-cessus d’évaluation.

Toutefois, avant d’examiner le processus même d’évaluation, il faut se penchersur les intéressantes relations entre les activités humaines, les effets de ces activitéset les impacts sur l’environnement. Cela permettra de préciser la nature exacte d’unimpact environnemental et par le fait même de mesurer plus justement les consé-quences des activités de développement sur l’environnement. Comme ils influencentgrandement la portée de l’évaluation, il faut aussi passer en revue les types d’évaluationset d’évaluateurs possibles.

TYPOLOGIE DES RELATIONS ACTIVITÉS/EFFETS/IMPACTS

L’environnement, même en l’absence d’activités humaines perturbatrices, subit deperpétuels changements. Le «milieu naturel», de moins en moins discernable du «milieuaménagé» par l’homme, évolue et se modifie sans cesse. Les modifications de l’en-vironnement causées par les activités humaines s’ajoutent aux changements naturels.L’environnement, tant naturel que perturbé ou créé par les humains, est un milieudynamique et non pas statique. Afin de rendre compte de la dynamique de l’envi-ronnement, il est donc insuffisant de ne prendre qu’un instantané du milieu, c’est-à-dire l’état de la situation à un moment bien précis. Il est préférable de connaîtreles tendances et les transformations en cours afin de restituer cette dynamique. Unmilieu donné ne peut donc être représenté ou caractérisé convenablement que parla connaissance de l’évolution des éléments de l’environnement.

Les changements naturels sont généralement étalés sur des temps longs ou régispar des rétroactions (feed-back) négatives qui en contrôlent les débordements.Toutefois, les modifications anthropiques, en plus d’être souvent brusques, sont par-fois d’une ampleur et d’une intensité supérieures aux mécanismes de régulation natu-relle. Ce constat a comme conséquence une domination croissante de l’homme surl’environnement et l’augmentation des conflits entre les activités humaines et les pro-cessus naturels de plus en plus fréquemment et gravement perturbés.

Interaction activités-effets-impacts

Le terme «impact environnemental» n’a pas partout ni toujours la même définition,ni la même dénomination, d’ailleurs. Il existe ainsi plusieurs appellations pour desconcepts plus ou moins apparentés de l’« impact». Certains auteurs emploient l’ex-pression «répercussion environnementale», alors que d’autres préfèrent « incidenceenvironnementale ». Depuis quelques années, cependant, les termes « effet » et

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

«impact» bénéficient de la faveur de la plupart des experts. Pour la plupart des auteurs,aucune distinction n’est faite entre ces deux résultats d’une activité, les deux étantconfondus sous une même appellation, variable selon l’auteur choisi. Généralement,les effets et les impacts ne font pas l’objet d’une distinction bien nette, ni d’un trai-tement distinct. Ces deux notions sont donc la plupart du temps confondues. Dansle texte du NEPA, par exemple, ces termes sont synonymes, mais les auteurs semblentpréférer l’emploi d’effets (effects).

Par contre, pour plus de rigueur et afin d’éviter une certaine confusion, il est pré-férable de différencier les termes «impact» et «effet». Bien qu’elle ne soit pas retenueactuellement par la majorité des experts, cette distinction entre les effets et lesimpacts, introduite par Sorensen (1971) dès les débuts de l’ÉIE, a été reprise et jus-tifiée peu après par Munn (1977), puis entérinée de nouveau par Simos (1990).

L’interface entre la société et l’environnement est habituellement subdivisée endeux opérations seulement : les actions humaines et les impacts environnementaux.Cependant, il est plus adéquat de retenir une typologie composée de trois constituantes:les «activités humaines», les «effets» des actions et les «impacts sur l’environnement».Cette distinction en trois temps bien distincts est capitale afin d’estimer correctementtoutes les conséquences environnementales des activités humaines dans leur milieud’insertion. En effet, ne considérer que les émissions polluantes d’une installation donnée,ce qui représente un effet environnemental, sans se préoccuper de l’impact même decet effet sur de multiples éléments de l’environnement serait préjudiciable à l’examencomplet des incidences environnementales d’une activité humaine. Dans ce cas bienprécis, les impacts, probablement nombreux, affecteraient les humains, les bâtiments,la faune, la flore, la qualité de l’eau, etc. Bien sûr, il est souvent plus facile de n’es-timer que les effets, mais la prise en compte complète et globale de l’impact envi-ronnemental d’un projet s’en trouve ainsi amoindrie.

Nous croyons donc qu’il est essentiel de séparer l’évaluation des effets de celledes impacts, et ce, tant d’un point de vue pédagogique que pour la rigueur métho-dologique même de l’ÉIE. C’est ainsi que nous considérons que les actions humainesont, dans un premier temps, des effets sur l’environnement, puis que, dans undeuxième temps, ces effets engendrent à leur tour des impacts sur l’environnement.Le schéma de la figure 2.1 illustre cette typologie à trois constituants de l’impact envi-ronnemental. Chacune des activités du projet peut donc avoir un ou plusieurs effets,et à son tour chacun des effets peut causer un ou plusieurs impacts. Les possibilitésd’effets causés par d’autres effets, ainsi que d’impacts produits par d’autres impacts,n’ont pas été illustrées ici afin de ne pas alourdir la représentation.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Les activités du projet, ou actions humaines, englobent autant les projets soumisà l’étude que les projets de loi, les politiques et les programmes. Afin de déceler cor-rectement et complètement les diverses activités éventuellement perturbatrices, il estnécessaire de connaître les moindres détails du projet proposé ainsi que tout ce qu’ilsimpliquent (Jain et coll., 1993). Une connaissance insuffisante du projet ne permettraqu’une estimation incomplète ou approximative des activités perturbatrices et consé-quemment des impacts possibles. La subdivision et le niveau de détails pour les diversesactivités dépendent de l’importance relative de chacune d’elles, mais aussi de l’am-pleur des effets appréhendés pour chacune. Ainsi, on regroupera les activités simi-laires et ces regroupements seront d’autant plus vastes que les effets ou impacts anti-cipés seront mineurs. Par contre, les effets ou les impacts importants d’activitésparticulières recommanderont un traitement non regroupé de ces activités.

L’effet sur l’environnement peut se définir de façon très générale en tant que pro-cessus mis en branle ou accéléré par une intervention humaine (Munn, 1975). SelonVeuve (1988), l’effet environnemental représente la description d’un événement quiest la conséquence objective de l’action envisagée (l’activité), le déboisement d’unesurface de territoire, par exemple. L’effet représente l’incidence directe d’une activité

Figure 2.1

Typologie «activités-effets-impacts» et multiples possibilités d’interactions

Impactsenvironnementaux

Effetsenvironnementaux

Activité duprojet

Effetsenvironnementaux

Impactsenvironnementaux

Activitédu projet

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

donnée, il est intimement et uniquement relié à l’activité perturbatrice. L’effet n’estdonc pas lié à un environnement d’accueil. En ce sens et contrairement à la situa-tion de l’impact, l’effet environnemental peut être totalement indépendant du milieuenvironnant dans lequel il se produit. L’émission de 50 mg/m3 de SO2 en provenanced’une chaudière au charbon, par exemple, constitue un effet environnemental et nonpas un impact. Cet effet reste le même peu importe où il se trouve sur la planète, cequi n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’un impact véritable, ne pensons qu’à l’ampleurtrès variable de l’impact des précipitations acides compte tenu de l’inégale sensibi-lité des sols. Chacun des effets peut aussi provoquer un ou quelques impacts sur l’en-vironnement, voire des effets secondaires.

L’impact environnemental, quant à lui, représente l’aboutissement de l’incidenceenvironnementale d’une activité. L’impact sur l’environnement est alors particula-risé comme étant une modification appréciable (bonne ou mauvaise) de la santé etdu bien-être de l’homme (y compris du bien-être des écosystèmes dont dépend lasurvie humaine), qui résulte d’un effet sur l’environnement et qui est lié à la diffé-rence entre la qualité de l’environnement tel qu’il existerait «avec» et «sans» la mêmeintervention (Munn, 1975). Contrairement à l’effet, l’impact est donc intimement liéà son environnement. Il ne peut y avoir d’impact sans la présence d’élément perturbéde l’environnement. Veuve (1988) précise que l’impact est la transposition subjec-tive d’effet environnemental sur une échelle de valeurs ; il est donc le résultat d’unecomparaison entre deux états : un état qui résulte de l’action envisagée et un état deréférence. L’impact résultant d’émissions de SO2 (un effet, en l’occurrence) corres-pond à la défoliation des érables, à la détérioration de la pierre de maçonnerie ou auxproblèmes pulmonaires chez les personnes âgées. L’impact environnemental peut êtrele résultat direct d’un effet environnemental ou d’une activité, mais il peut aussi résulterindirectement d’un autre impact environnemental ou d’effets multiples. Nous revien-drons plus loin sur ces particularités de causalité de l’impact environnemental.

En somme, ce qui différencie l’impact de l’effet, outre sa position dans le temps,c’est la modification qualitative (positive ou négative) qu’il introduit dans l’envi-ronnement. L’un des plus grands défis de l’ÉIE est précisément de «mesurer» cettemodification. Cette mesure de l’impact s’estime, se juge et s’apprécie à partir de lacomparaison d’au moins deux états de référence de l’environnement. L’effet envi-ronnemental, par contre, n’est ni bon ni mauvais en soi, il est simplement présent,en plus ou moins grande quantité.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Estimation de l’ampleur de l’impact

En ÉIE, il est important de quantifier ou, à tout le moins, de qualifier le changementinduit sur l’environnement par la réalisation des actions projetées. La simple descriptionindicative des impacts ou des éléments perturbés, voire simplement présents, ne suffitpas. La caractérisation du milieu n’est nullement l’objectif de l’évaluation desimpacts ; elle n’en constitue que l’une des étapes préliminaires.

Compte tenu de la dynamique des éléments de l’environnement, l’ampleur duchangement est dépendante de l’évolution dans le temps. Elle est donc plus ou moinsvariable et significative selon le moment choisi. La figure 2.2 montre cette variabi-lité de l’amplitude de l’impact dans le temps. D’autre part, l’estimation de l’ampleurs’effectue par comparaison de deux états de l’environnement, un état de référence (évo-lution sans projet) et l’état anticipé à la suite des modifications (évolution après projet).Ces deux états sont des situations dynamiques ; n’oublions pas que même les rochesévoluent à la longue. Sur ce schéma de l’évolution possible d’un impact, l’évolutionrégulière et simplifiée des courbes minimise les variations possibles de ces deux étatsde référence. Il s’agit ici d’un exemple type simplifié, la situation d’un élément de l’en-vironnement est habituellement plus complexe dans la réalité. Le schéma montre tou-tefois la variation probable de l’ampleur de l’impact dans le temps, une variation crois-sante (négative), dans le cas présent.

Nous constatons aussique l’état du milieu variedans le temps, même en l’ab-sence de projet. Cette varia-tion présente elle-aussi unecertaine amplitude. La varia-tion de la qualité de l’envi-ronnement est donc affectéepar les modifications natu-relles ainsi que par cellesinduites par la mise en placed’un projet. Il est doncimportant de bien déter-miner l’état de référence dumilieu de départ et notam-ment la tendance de l’évo-lution afin de pouvoir mieux

Figure 2.2

Représentation de l’amplitude de l’impact

Qua

lité

de l’

envi

ronn

emen

t

Évaluation sans projet

Évaluation avec projet

Amplitudede l’impact

P

A

B

Évaluation temporelle de l’écosystème

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

estimer les modificationsinduites par le projet.L’évaluation de l’impact viseà mesurer l’importance (oul’ampleur) de l’impact net,c’est-à-dire l’écart précisentre les deux états consi-dérés, et ce, pour un tempsdéterminé ou à un momentbien précis.

La figure 2.3 reprend laprésentation de la variabilitéde l’amplitude de l’impactenvironnemental dans letemps, à partir de la com-paraison de deux états deréférence du milieu. Cettenouvelle représentation cor-respond mieux à la complexité réelle de l’évolution d’un élément de l’environnementdans le temps.

L’interaction effet-impact

La relation entre un effet et un impact varie. Elle est plus ou moins complexe selonle cas. La variation de l’intensité d’un effet n’entraîne pas nécessairement une varia-tion proportionnelle de l’intensité de l’impact. Il existe des relations proportionnelles,ou fonction linéaire, mais aussi des effets d’amplification et des réactions de seuil, toutesdeux propices à des fonctions non linéaires plus ou moins complexes. Schématiquement,ces diverses fonctions entre l’effet et l’impact peuvent être représentées comme à lafigure 2.4. La figure présente l’évolution temporelle de ces trois différentes fonctions.La prise en compte de ces relations successives se complique grandement lorsqu’onajoute une perspective temporelle. C’est ainsi que l’impact sur un élément de l’envi-ronnement d’un effet environnemental induit par une activité peut varier selon unefonction linéaire, mais il peut aussi varier selon une fonction non linéaire, voire selonune fonction non linéaire complexe, ce qui est encore plus difficile à anticiper.Plusieurs impacts évoluent dans le temps selon des fonctions non linéaires complexes;c’est notamment le cas lors de rejets polluants dans l’eau ou lors de modifications affec-tant la distribution et la répartition d’espèces. Bien souvent, l’évaluation d’un élément

Figure 2.3

Variation d’amplitude de l’impact et de la dynamique possible des états

de référence d’un élément de l’environnement

Évolution sans projet

Amplitudede l’impact

Évolution avec projet

Évolution temporelle de l’écosystème

Qua

lité

de l’

envi

ronn

emen

t

+

A

B

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L’évaluation des impacts environnementaux

est peu perceptible et peusignificative au départ et jusqu’à un temps donné,puis peu après, une évolu-tion considérable se produit.Ces derniers phénomènessont nommés « impactscatastrophiques» ou «effetsde seuil».

Les multiples interac-tions possibles entre les acti-vités, les effets et les impactspeuvent être représentéescomme dans le schéma de lafigure 2.5. Ce schéma montre

qu’à partir de chacune des activités du projet plusieurs éléments environnementauxpeuvent être affectés1. Dans le cas présent, seulement trois éléments sont affectés parl’une des activités, celle de la construction de la route d’accès. Les effets interviennentensuite, au nombre de deux ou trois seulement par élément de l’environnement danscet exemple. Puis apparaissent les impacts environnementaux en plus grand nombre;ils sont eux-mêmes issus des effets.

Dans cette figure la représentation ne respecte pas la succession que nous avionsprésentée auparavant vis-à-vis de l’effet qui résulte directement d’une activité avantde produire un impact, en passant par l’environnement. Toutefois, ces figures per-mettent d’anticiper l’abondance et la diversité des aspects à traiter ainsi que la com-plexité du traitement des données, pour des projets d’une certaine envergure. Celaest d’autant plus vrai que les effets et les impacts indirects, secondaires et cumulatifsn’y sont pas indiqués.

Le schéma présenté à la figure 2.6 montre par contre la séquence d’interactionsque nous proposons. Cet exemple ne fait intervenir qu’un seul élément de l’envi-ronnement ; il s’agit ici de la forêt, et ce, à partir d’une seule activité perturbatrice.Dans ce cas, trois effets environnementaux seulement ont été identifiés. Puis une série

Figure 2.4

Formes typiques de fonctions de la relation de l’effet et de l’impact

EFFET

IMPA

CT Fonctionnon linéaire

Fonctionnon linéaire

complexe

Fonctionlinéaire

1. Les éléments de l’environnement englobent toutes les composantes biophysiques et socioéconomiquescomprises par le concept «environnement». Comme cette conception varie d’un endroit à un autre,la plus ou moins grande portée des aspects humains en cause diffère sensiblement.

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

d’impacts, neuf dans le cas présent, viennent compléter l’identification des incidencesenvironnementales de l’activité du projet. Une telle présentation peut être fort utilepour un élément significatif dans l’analyse d’un projet. Le niveau de détails peut enêtre amélioré en conséquence de son importance. Certains impacts auraient très bienpu, par exemple, être indiqués comme étant le résultat d’effets croisés.

L’évaluation environnementale permet donc de connaître, de comprendre et demieux évaluer et plus complètement toutes les conséquences possibles sur l’envi-ronnement de la mise en œuvre des activités et des composantes d’un projet. Uneanalyse rigoureuse déterminera et évaluera, de façon explicite et détaillée, toutes lesconséquences d’un projet, aussi bien les effets que les impacts, et ce, que ces consé-quences soient directes, indirectes ou cumulatives.

Figure 2.5

Interactions entre activités, éléments, effets et impacts environnementaux

Activités et composantes Effets

Éléments de l’environnement

Impacts

......

......

......

......

Destruction faune

Déplacement population

Perte d’habitat

Baisse de valeur

Perte de valeur

******

******

Meilleure vue

Modification bilan hydrique

Perte qualité visuelle

Perte biodiversité

Diminution densité végétation

Perte fertilité du sol

Engorgement retenues

AAFFFFEECCTTAATTIIOONNDDUU SSOOLL

PPAAYYSSAAGGEE

FFOORRÊÊTT

..........

..........

..........

Consommation de territoire

Nouvelles affectations

Éléments artificiels

Réaménagement

Déboisement

Compaction du sol

Érosion du sol

.........

.........Arpentage

Chantier

Route d’accès

Source : Adapté de Veuve, 1988.

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L’évaluation des impacts environnementaux

TYPES D’ÉVALUATIONS ET D’ÉVALUATEURS

Toutes les études d’impacts n’ont pas la même ampleur ni le même objectif précis. Lavariété d’évaluations possibles est très grande. Il existe des études globales, comme lorsqu’il s’agit d’évaluation stratégique d’une politique ou d’un secteur d’activité. Ilexiste aussi des études simples et peu élaborées, dans le cas de projets non assujettis àla procédure complète d’ÉIE, par exemple. Certaines études ont pour objectif priori-taire d’examiner la validité non pas du projet lui-même mais plutôt celle du rapportd’examen qui en a résulté. Dans ce cas, il s’agit très souvent d’examen externe, commedans le cas d’examens effectués par les organismes de contrôle de la procédure.

Outre la distinction essentielle entre l’évaluation de projet (l’ÉIE) et l’évaluationstratégique (l’ÉIS) que nous venons de mentionner, ces deux types d’examen diffèrentaussi en ce qui concerne la profondeur de l’examen de détails. L’ÉIS, étant plus glo-bale que l’ÉIE, est par conséquent habituellement plus générale et moins précise. Ilne peut en être autrement étant donné l’imprécision concernant les activités appré-hendées ainsi que la nature précise du milieu d’insertion de celles-ci.

Plusieurs procédures législatives ou administratives font nettement la distinctionentre diverses catégories d’études. Tous les projets ne sont pas assujettis aux mêmes

Figure 2.6

Interactions d’une activité et ses effets et impactssur un élément commun

Routed’accès

Activité Effets Éléments Impacts

Modification du bilan hydrique

Modification des espèces animales

Perte de qualité visuelle

Perte de biodiversité

Diminution de la nappe phréatique

Perte de fertilité du sol

Engorgement des retenues

Modification de la qualité de l’eau

FFOORRÊÊTT

FFOORRÊÊTT

FFOORRÊÊTT

..........

..........

..........

..........

Compaction du sol

Érosion du sol

Diminution de la densité de la végétation

Déboisement

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

exigences. Il y a couramment des évaluations initiales ou préliminaires comme préa-lables ou non à l’examen complet et détaillé. Ces évaluations préliminaires sont néces-sairement plus rudimentaires qu’une étude complète. D’autre part, même pour les étudescomplètes, il existe diverses catégories d’évaluation. C’est le cas dans la procédure qué-bécoise d’évaluation et c’est aussi le cas de la procédure appliquée par la Banque mon-diale. C’est ainsi que cette dernière détermine trois catégories d’évaluations selon le typede projet. Les projets à plus grands risques de conséquences importantes sur l’envi-ronnement devant seuls suivre la procédure complète et détaillée, l’évaluation interneque devra observer le promoteur d’un tel projet sera donc plus rigoureuse et exigeante.

Évaluations environnementales internes

Dans le cadre de sa politique environnementale corporative, l’entreprise Hydro-Québecentreprit conjointement avec l’entreprise Bell Canada l’élaboration d’une procédure interned’évaluation pour le positionnement final et ponctuel d’une partie de ses activités (Bellet Hydro-Québec, 1994).

Ces évaluations internes sont spécifiques à la construction des réseaux de distributiondes deux entreprises. Ces réseaux sont bien souvent conjoints dans les secteurs résiden-tiel et commercial. Les composantes directement concernées sont la localisation des poteauxet des lignes de transmission. La procédure d’évaluation comprend des étapes d’évaluation,d’intégration des équipements, de consultation et de communication. Ce «code de bonnepratique» vise à intégrer de manière harmonieuse les équipements dans le milieu bienprécis d’insertion.

La démarche permet de tenir compte des impacts visuels (intégration au paysage), desimpacts fonctionnels (gêne pour d’autres activités) et des impacts sur les éléments sen-sibles de l’environnement (les éléments habituels tels que décrits dans la méthode d’éva-luation environnementale pour la construction des lignes et des postes d’Hydro-Québec(1993a)).

Dans le cas des évaluations externes, plusieurs types sont aussi possibles. Les orga-nismes de contrôle de la procédure réalisent des évaluations souvent très complètes.Dans ces cas, il s’agit de vérifier tout d’abord la conformité de l’examen effectué parles évaluateurs avec les directives exigées (termes de référence), mais aussi afin de fournirun éclairage complémentaire aux décideurs. Certains groupes d’intervenants etmême de simples citoyens réalisent des évaluations de plus en plus complètes afin departiciper avec plus de discernement et de connaissances à l’examen d’un projet etde tenter d’influencer la prise de décision. Les groupes environnementaux, du localà l’international, préparent de mieux en mieux leurs interventions. Enfin, les firmes

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L’évaluation des impacts environnementaux

ou les promoteurs concurrents peuvent eux aussi participer directement ou par l’en-tremise d’intermédiaires à la réalisation d’évaluations plus ou moins complètes du projet.

Tous les types d’évaluations que nous venons d’examiner font bien sûr appel àdes évaluateurs. Il existe par conséquent plusieurs types d’évaluateurs possibles. Tousn’ont pas nécessairement les mêmes objectifs et ils ne défendent pas toujours les mêmesintérêts. L’évaluateur d’impacts est lui-même l’un des acteurs impliqués dans le pro-cessus d’évaluation. Chacun occupe une place déterminée dans le processus d’examen.Certains des évaluateurs sont des agents du promoteur ou d’une firme privée engagéeexpressément pour réaliser l’évaluation. D’autres sont les agents du gouvernement,de l’organisme de contrôle ou d’autres organismes gouvernementaux. À l’opposé,d’autres sont les agents d’une firme de contre-expertise, de représentants de groupesde riverains ou d’organismes environnementaux. Enfin, on retrouve le citoyen vigi-lant et réfléchi ou celui qui se trouve à subir malgré lui les conséquences négativesde la mise en place du projet.

L’évaluateur, quel qu’il soit, est un acteur important du processus d’évaluation.Qu’il s’implique de lui-même ou qu’il le soit par l’entremise de son travail, il ne peutnier complètement ses propres intérêts, ses opinions et ses jugements de valeur. Il nefaudrait surtout pas sous-estimer l’importance du rôle des humains dans les orga-nisations. Les lois, les techniques, les normes et la science ne s’expriment que par l’ac-tion d’humains dans la réalité, même dans les plus sophistiqués des systèmes infor-matisés. Leur rôle dans la mise en œuvre et le déroulement des affaires publiques estdonc crucial ; il ne devrait surtout pas être négligé. De plus, le processus d’évaluations’inscrit dans une négociation environnementale qui déborde facilement les consi-dérations techniques et scientifiques. La nature humaine ne s’agite pas uniquementde manière objective et rationnelle, et comme jusqu’à maintenant l’évaluateur d’im-pacts est de cette nature, tout concourt à voir en lui l’un des acteurs majeurs du pro-cessus d’ÉIE et non un simple exécutant impartial.

Les responsabilités de l’évaluateur d’impacts sont considérables, et ce, d’autantplus qu’elles sont multiples et parfois contradictoires. En effet, l’évaluateur a d’aborddes obligations envers ceux qui l’emploient : le promoteur, l’organisme de contrôleou le groupe d’intervenants. Il a cependant d’autres obligations, tout aussi impor-tantes, vis-à-vis de ses pairs (corporation professionnelle et experts de l’évaluationd’impacts) et par rapport à la connaissance (scientifique et technique). Finalement,dans la plupart des cas, il est assujetti, de manière formelle ou informelle, à certainesrègles d’éthique et de respect des sujets mêmes d’études (population actuelle et future).En conséquence, sa mission est complexe et parfois fort délicate. Son bien-être et sa

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

sérénité seront mieux servis s’il fait preuve d’un esprit critique en toutes choses ets’il est en mesure d’éviter les situations de dépendance de toutes sortes.

ÉTAPES USUELLES DU PROCESSUS D’ÉTUDE EN ÉVALUATIONDES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Les procédures d’évaluation des impacts environnementaux sont différentes les unesdes autres, il n’y a pas d’uniformisation comme s’il s’agissait d’une simple pratiquede normalisation du genre ISO (International Standards Organization). Chacune pro-pose une démarche qui lui est propre, les étapes d’étude ne sont pas partout les mêmeset la séquence de celles-ci diffère parfois légèrement. Toutefois, chacune des procé-dures mises en œuvre contient plus ou moins les étapes et la séquence principale duprocessus type que nous allons décrire ci-dessous.

Nous examinerons d’abord un exemple simplifié du processus type d’ÉIE.Comme nous le disions en introduction à ce chapitre, celui-ci comprend néanmoinsles étapes communes et dans un sens minimales à tout processus convenable d’ÉIE.Nous examinerons ensuite un processus général plus détaillé et plus complet, illus-trant plus particulièrement les différentes étapes possibles d’examen ainsi que la séquenceprobable de celles-ci.

Processus simplifié d’ÉIE

Toute évaluation commence par la planification initiale d’un projet, d’une politiqueou d’un programme. Elle s’achève ensuite par la mise en place des composantes etdes activités prévues, avant de se terminer par la mise en œuvre du suivi. Nous disionsprécédemment qu’il est primordial que l’ÉIE débute le plus tôt possible dans le pro-cessus. Ce peut être dès la planification générale des projets, sans qu’un ou des pro-jets précis soient alors bien déterminés, comme dans le cas de l’élaboration d’une poli-tique gouvernementale sectorielle, par exemple. Il s’agira alors d’une évaluation plusgénérale et moins détaillée que dans le cas d’un projet bien précis, mais elle pourraitpermettre de contourner certains écueils préjudiciables et parfois fort onéreux si uni-quement pris en compte à l’étape ultérieure de l’évaluation de projet.

À partir de l’étude d’un schéma simplifié du processus type d’évaluation, nousexaminerons les sept étapes communes et, dans un certain sens, minimales à tout pro-cessus d’ÉIE, tel que suggéré à l’heure actuelle par la plupart des experts. Le schémade la figure 2.7 présente de façon simplifiée ces sept grandes étapes éventuellementincontournables de l’ÉIE.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La première étapereprésente l’examen duprojet à l’étude. Il s’agit d’ef-fectuer une analyse préli-minaire mais suffisante duprojet proposé afin d’enconnaître les diverses com-posantes. Cette compréhen-sion des différentes activitésafférentes à la réalisation duprojet permet d’anticiper sesmultiples implications envi-ronnementales. Par ailleurs,la pratique actuelle de l’ÉIEtend à favoriser une priseen compte précoce desdiverses contraintes admi-nistratives et environne-mentales relatives à la réali-sation même du projet.Ainsi, plusieurs procéduresd’évaluation corporativesintègrent dès le départ ces

préoccupations environnementales en même temps que les questions techniques etfinancières, ce qui diminue d’autant les modifications subséquentes du projet.D’autre part, l’assujettissement du projet et les formalités d’autorisation sont sou-vent déterminés dès cette étape première du processus.

La deuxième étape, qui est parfois confondue avec la première, représente l’éva-luation initiale ou préliminaire des impacts environnementaux du projet proposé.Elle succède habituellement à l’«avis de projet» déposé par le promoteur à l’orga-nisme de contrôle. En pratique, l’évaluation initiale représente souvent la premièreétape du processus d’évaluation, car malheureusement l’état d’élaboration des pro-jets à l’étude est souvent si avancé que la première étape s’avère un peu superflue. Cetteévaluation initiale consiste à analyser les composantes du projet, et ce, de manièrepréliminaire afin de déterminer, de prédire et d’évaluer l’impact environnemental duprojet présenté. Les résultats de l’évaluation initiale, couramment nommée screening(évaluation préliminaire rapide) (Sadar et coll., 1994), permettent, d’une part,

Figure 2.7

Schéma simplifié du processus d’ensemble de l’ÉIE

Identification

Cadrage

Projet à l’étude

Suivi

Évaluation

Prédiction

Évaluation initiale

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

d’orienter l’évaluation détaillée qui sera éventuellement réalisée et, d’autre part, deproposer immédiatement des correctifs au projet.

Les conclusions de cette étape renvoient donc à l’examen du projet et elles en modi-fient en conséquence l’élaboration initiale. Selon les résultats de l’évaluation initiale,et selon la procédure en vigueur, plusieurs solutions s’offrent alors pour la poursuitedu cheminement de l’étude. Le projet pourrait être accepté immédiatement, soit telque proposé, soit avec des modifications mineures. Dans ce cas, cette évaluation ini-tiale représente en fait une évaluation «finale et complète» du projet. Par contre, lepromoteur pourrait être dans l’obligation de revoir l’élaboration du projet présentéet on retournerait alors à la case de départ. Enfin, l’étude du projet initial pourraitse poursuivre et on passerait alors aux diverses étapes de la phase d’évaluationdétaillée du projet. À l’occasion, le projet est tout simplement abandonné dès cetteétape.

La phase proprement dite de l’évaluation des impacts ou d’examen détaillé com-prend les quatre étapes suivantes : le cadrage, l’identification, la prédiction et l’éva-luation. Ces étapes représentent généralement le cœur de l’ÉIE et bien sûr la partiequi nécessitera le plus d’efforts, de temps et de moyens.

Code de l’environnement corporatif

L’entreprise Hydro-Québec, l’un des dix plus grands producteurs d’électricité de la pla-nète, a adopté une politique environnementale complète à la fin des années 1980 (Hydro-Québec, 1987). À partir des objectifs de cette politique et afin de devenir une corpora-tion plus soucieuse de l’environnement dans ses multiples activités, l’entreprise adoptaun code de l’environnement au début de la décennie suivante (Hydro-Québec, 1991).

Ce code de bonne pratique énumère une série de moyens à mettre en œuvre lors des acti-vités de planification, de construction et d’exploitation de l’entreprise. Sans aucunementfaire fi des règlements en vigueur, le code de l’environnement propose une démarche etdes mesures à prendre, afin de tenir compte de l’impact éventuel des infrastructures etdes activités de l’entreprise sur l’environnement.

Dans le prolongement de cette prise de conscience corporative, l’entreprise élabora aussiune série de guides d’évaluation en ÉIE, comme une méthode d’évaluation environne-mentale pour la construction des lignes et des postes (Hydro-Québec, 1993a).

Cet examen détaillé du projet débute de plus en plus par une procédure dite de«cadrage» (scoping), aussi nommée «détermination du champ» de l’examen (Sadaret coll., 1994). Il s’agit plus précisément d’un processus de hiérarchisation des enjeux

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L’évaluation des impacts environnementaux

mis en cause par le projet à l’étude. Cet exercice de hiérarchisation vise à déterminerles aspects les plus significatifs à étudier. Il a donc pour objectif d’orienter le plus effi-cacement possible les efforts de l’examen détaillé complet qui doit suivre. Habituellement,cet exercice de planification et de hiérarchisation des enjeux de l’examen détaillé àeffectuer est la conséquence directe de l’interprétation des résultats de l’évaluationinitiale (screening) à partir de l’expertise même des évaluateurs. En ce sens, cette étapeest parfois confondue et intégrée à la précédente.

L’identification consiste à parfaire l’analyse préliminaire de l’évaluation initiale.Elle vise une compréhension complète et détaillée du projet et de l’environnementà l’étude. Il s’agit d’abord de relever précisément les diverses composantes du projet,c’est-à-dire les diverses activités, les procédés de fabrication et les émissions probablesainsi que les composantes reliées à l’élaboration et à la réalisation complète. Cela com-prend les activités de toutes les phases de réalisation du projet. Il s’agit ensuite d’iden-tifier et de décrire les divers éléments de l’environnement, à savoir les éléments bio-physiques tout autant qu’humains, pouvant être affectés par la mise en œuvre du projet.Cette dernière opération est communément nommée «caractérisation du milieu».On fait ici appel aux connaissances des diverses disciplines engagées dans l’étude, bio-logie, chimie, physique, géologie, sociologie, géographie, histoire, économie, anthro-pologie, archéologie, etc., afin de dresser l’inventaire des divers éléments. Il s’agira ensuitede relier ces deux premières études afin de déterminer les interactions entre les acti-vités du projet et les éléments de l’environnement. Le résultat constitue l’identifica-tion des impacts potentiels.

L’étape de la prédiction, nommée aussi «estimation», consiste à caractériser l’im-pact des activités ou des effets environnementaux prévus sur les diverses composantesde l’environnement. Il s’agit d’estimer l’ampleur appréhendée des modifications quesubiront les éléments de l’environnement à la suite de la réalisation du projet. Les impactsidentifiés lors de l’étape précédente sont alors réexaminés de manière à en connaîtrel’évolution prévisible dans le temps, c’est-à-dire pour la durée de vie du projet.

L’estimation des modifications anticipées se fait à partir d’indicateurs (descrip-teurs/critères) spécifiques à chacun des objets d’étude. Ces indicateurs sont déterminéslors de la réalisation des inventaires de l’étape précédente. Le résultat de cette étapereprésente la somme des études particulières exécutées pour chacun des impacts appré-hendés. L’étape de la prédiction peut aussi permettre l’émergence d’impacts non prévuslors de l’identification préliminaire. Cela entraînera nécessairement de nouvelles étudesou, à tout le moins, une nouvelle formulation des résultats de l’identification.

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

L’étape de l’évaluation proprement dite est sans contredit l’étape déterminantepour la prise de décision, qui n’interviendra bien entendu qu’à la fin de l’examen.Elle est aussi celle qui repose le plus sur des données subjectives ou incomplètes. Lejugement et les valeurs des évaluateurs sont ici prédominants, malgré le recours à desméthodes «rigoureuses». Il s’agit d’évaluer l’importance des impacts et, éventuelle-ment, de présenter ces résultats sous une forme plus ou moins uniforme afin de servirla prise de décision finale. L’étape de l’évaluation attribue une valeur positive ou néga-tive aux impacts et introduit habituellement une cotation explicite, ou à tout le moinsimplicite, de l’importance ou de la valeur des impacts potentiels. Le terme «évalua-tion» fait référence au jugement qui est porté quant à l’importance, plus ou moinsgrande, de chacun des impacts identifiés et ultimement à l’impact global du projet.

L’évaluation est aussi l’étape de recommandation des mesures d’atténuation afinde minimiser les impacts incontournables, ainsi que des mesures de compensationpour les impacts résiduels, c’est-à-dire non atténuables. Cette étape permet ainsi unerétroaction sur le projet à l’étude. La reformulation du projet initial pourrait alorsêtre recommandée afin de tenir compte des résultats obtenus lors de l’évaluation. Lorsde l’évaluation, il est possible de revenir sur les étapes antérieures et, plus particu-lièrement, sur l’identification des impacts non prévus initialement. La prise de déci-sion quant à la réalisation ou non du projet repose en grande partie sur le jugementporté sur l’importance des impacts anticipés. Cette étape est donc cruciale pour l’avenirdu projet, tout comme pour celui de l’environnement en cause.

Finalement, la dernière étape du processus, celle du suivi, représente en fait uneétape qui ne sera mise en œuvre qu’à la suite de la réalisation du projet. Elle est sub-divisée en au moins deux, sinon trois sous-étapes. Le rapport d’évaluation desimpacts environnementaux doit habituellement contenir un programme de suivi.Idéalement, cette étape du suivi se poursuit tout au long de la durée d’exploitationdu projet jusqu’à son stade ultime, à moins que le retour à l’«équilibre du milieu»rende obsolète l’opération. Le rapport d’ÉIE comprend généralement un programmede surveillance des travaux et un programme de suivi des activités d’exploitation. Unetroisième sous-étape souhaitable dans la majorité des cas, celle de l’évaluation post-projet, est rarement présente dans le rapport final et presque jamais réalisée.

Les résultats de cette ultime étape, qui seront plus ou moins significatifs selonl’ampleur et le sérieux du programme de suivi, permettent un dernier retour sur leprojet. En effet, l’amélioration de la performance des mesures d’atténuation et l’ajus-tement de certaines composantes du projet sont toujours possibles en cours d’ex-ploitation. Le meilleur avenir pour les résultats des programmes de suivi reste tou-tefois de pouvoir servir à améliorer l’évaluation et l’élaboration des projets futurs.

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L’évaluation des impacts environnementaux

En ce sens, trois aspects de l’ÉIE profiteraient amplement des enseignements du suivi.Il s’agit d’abord de la vérification des évaluations et des prédictions concernant lesimpacts anticipés par rapport aux impacts qui se produisent réellement à la suite dela mise en place du projet. Il s’agit ensuite de la validation des modèles et des théo-ries employés dans l’étude, une question intimement liée à la précédente. Enfin, laconfirmation ou non du bien-fondé des mesures d’atténuation mises en place peutêtre vérifiée. Des études d’impacts sont réalisées depuis une trentaine d’années; pour-tant, nous sommes encore sans trop de réponses complètes et indubitables concer-nant chacun de ces trois aspects essentiels de l’ÉIE.

Processus général de l’ÉIE

Le processus pionnier du NEPA peut être présenté comme un processus type large-ment suivi par une grande partie des procédures d’évaluation des impacts environ-nementaux. Le schéma présenté à la figure 2.8 montre les grandes étapes de ce pro-cessus typique d’ÉIE. Le cheminement complet et les diverses interactions (rétroactions)possibles de l’étude d’un projet sont clairement exposés ici. La présentation est plusdétaillée que sur la figure précédente, notamment en ce qui concerne les diverses prisesde décision possibles.

Dans la situation présente, l’examen débute avec la présentation du projet pro-posé. Quoique la procédure américaine englobe depuis longtemps l’évaluation despolitiques et des programmes, il s’agit d’un processus d’ÉIE un peu plus restreint quecelui qui présenterait aussi l’évaluation stratégique, puisqu’il débute par l’examen d’unprojet précis. Cette représentation schématique générale du processus d’ÉIE met par-ticulièrement en évidence les étapes successives d’examen. Au centre de la figure, onretrouve les principales étapes d’ÉIE: l’identification, la prédiction, l’évaluation et lesuivi. Elles font suite aux étapes d’«évaluation environnementale initiale» (screening)et de cadrage (scoping). Le cheminement possible de l’examen, entre le moment dedépôt du projet et celui de sa réalisation en passant par l’évaluation détaillée, est icitrès bien illustré. Les diverses prises de décision concernant la marche à suivre pourchaque projet particulier sont clairement indiquées. Il en est de même des différentesrétroactions possibles sur les étapes ultérieures de l’examen, ainsi que pour les rac-courcis éventuels.

D’un autre point de vue, le déroulement possible de l’examen d’un projet estprésenté au schéma de la figure 2.9. Ce schéma présente de manière circulaire le pro-cessus complet, de son élaboration première jusqu’à son exploitation (opération),sans oublier l’ultime mais rare suivi postprojet. Chacune des onze étapes possibles

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

du processus d’examen fait habituellement l’objet d’un document officiel particu-lier, soit de la part du promoteur, soit des autorités et des organisations de contrôle.L’utilité finale d’un tel processus itératif est très bien exposée ici, à savoir l’amélio-ration continue des évaluations.

Figure 2.8

Schéma général du processus d’ÉIE aux États-Unis

Projet proposé

Cadrage

Révision

Évaluationenvironnementale

Identifier les impacts

Prédire les impacts

Évaluer les impacts

Suivi et mesures d’atténuation

Réalisation du projet

Suivi

Rapport préliminaire d’évaluation

Rapport final d’évaluation Modification

Projet rejeté

Approuvé

Indéterminé

ÉIE exigée

Pas d’ÉIE exigée

Source : Traduit et adapté de Wathem, 1992.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Durée du processus de l’ÉIE

La durée du processus d’ÉIE varie sensiblement d’une procédure à une autre. Elle variebien sûr en fonction de l’ampleur et du type de projet, ainsi que par rapport à la com-plexité du milieu affecté. La durée s’allonge donc substantiellement lorsqu’il s’agit d’unprojet d’envergure, soit en raison de la taille des activités ou des composantes, soiten vertu de ces multiples implications. De plus, le genre d’assujettissement du projet(étude préliminaire, examen détaillé, audience publique, etc.) affectera la duréed’examen.

La figure 2.10 montre l’étalement temporel du processus américain d’ÉIE. La duréeminimale de l’ensemble du processus complet est fixée à sept mois. Certaines étapesdu processus peuvent varier de façon importante à partir d’une période minimale,alors que d’autres sont d’une durée fixe. L’ampleur du projet à l’étude et l’importancedes implications de celui-ci, notamment de certains enjeux et de la participationpublique, déterminent habituellement la durée même du processus qui sera néces-saire à un examen complet et satisfaisant. L’examen d’un modeste agrandissementd’une marina existante est habituellement d’une durée plus courte que celui d’unenouvelle centrale nucléaire ou d’une autoroute en plein centre-ville.

Figure 2.9

Déroulement possible d’une étude,de l’élaboration initiale au suivi postprojet

Assujettissement

Directive

Études d’impacts

Contrôle

Commissiond’étudeAutorisation

Mise en œuvre

Exploitation

Suivi postprojet

Élaborationdu projet

Avisde projet non

non

oui

oui

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Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.10

Étapes et délais du processus fédéral américain du NEPA

Planification des possibilités, avis de projet et étude sommaire

3 mois ou + selon la taille du projet 30 jours ou + Minimum de 45 jours 15 j. ou + Période d’attentede 30 jours

Rapport d’étude d’impacts

intra-ag

ence

Audiencespubliques

Enseignementdans l’agence

Min. 15 j.

Révisiondu rapport

d’étude

Commentairesd’autres agences

et du public

Rapport d’étude d’impacts

+ co

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entaires reçu

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rt de la d

écision

Minimum de 90 jours

Dans ce schéma temporel, les diverses prises de décision inhérentes à tout pro-cessus d’ÉIE ainsi que les différents acteurs impliqués sont clairement identifiés. L’onconstate que le processus d’ÉIE est beaucoup plus étendu que la rédaction même durapport d’évaluation. Il s’étend des premières étapes d’évaluation jusqu’à la décisionen faveur ou non de la réalisation du projet, en passant par la remise finale du rap-port d’évaluation. La décision finale de réaliser ou non le projet est en fait extérieureà l’évaluation elle-même. Rappelons que le rapport d’évaluation n’est habituellementqu’une des composantes essentielles contribuant à la décision.

L’ÉIE oriente bien sûr cette prise de décision, mais la décision elle-même n’estpas une étape à proprement parler de l’évaluation accomplie par les évaluateurs. Commenous l’avons mentionné précédemment, les évaluateurs ne peuvent que présenter lesmeilleurs arguments en faveur ou à l’encontre de la réalisation du projet, ainsi quedes recommandations à cet effet. La prise de décision est exécutée par d’autres, soitpar les autorités compétentes mandatées à cet effet, soit en bout de ligne par le pro-moteur qui décide lui-même de retirer, de modifier ou de réaliser son projet.

7 mois ou +

Source : Traduit et adapté de Jain et coll., 1993.

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3Chapitre

Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts

environnementaux

a valeur de la procédure d’évaluation des impacts environnementaux est subor-donnée à l’importance de la conscience environnementale. Plus grande sera la valeur

attribuée à l’environnement et plus importante sera l’acceptabilité sociale de l’ÉIE.La place accordée à l’ÉIE dans l’ensemble de la gestion des affaires humaines varieaussi en fonction de l’importance des opérations de planification et de l’état de démo-cratisation de chaque société. Bien entendu, la mise en place de procédures d’ÉIE n’estque le premier jalon d’une prise en compte véritable de l’environnement dans les pra-tiques de développement. L’application des dites procédures demeure ensuite un défiparfois difficile à gérer.

Chaque procédure d’ÉIE se particularise par rapport aux autres, notamment ence qui concerne l’étendue des domaines d’intervention, le type de projets soumis, l’en-vergure et la portée de la procédure elle-même ainsi que la place de la participationpublique dans le processus. En conséquence, le cadre législatif, réglementaire ou admi-nistratif diffère sensiblement d’un endroit à un autre. Nous examinerons donc uncertain nombre de procédures particulières d’examen, et ce, afin de parcourir autantque possible l’ensemble des possibilités offertes.

Certains pays disposent de plus d’une procédure d’évaluation. Le partage du pou-voir entre plusieurs paliers de gouvernement, autorités locales, régionales et nationales,

L

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L’évaluation des impacts environnementaux

en est la source. Au Canada, ainsi que pour la plupart des pays fédératifs ou confé-dératifs comme les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne ou la Suisse, il existe une pro-cédure fédérale applicable à l’ensemble du pays, ainsi qu’une douzaine de procéduresrégionales (provinces et territoires) et plusieurs procédures locales ou spécifiques (muni-cipalités et régions autochtones). De plus, des procédures administratives (ministèreset organismes gouvernementaux) et corporatives (grandes entreprises et associations)apparaissent aussi en grand nombre depuis quelques années. À côté de la législationofficielle, il existe donc un ensemble de procédures administratives qui déterminentou imposent une démarche complète ou partielle d’ÉIE, tant dans le domaine publicque dans le secteur privé. Du côté de l’État, il peut s’agir de normes ou de pratiquesissues d’une politique gouvernementale, d’une procédure administrative de l’État oudu respect d’une convention internationale. Dans le secteur privé, cela concerne avanttout l’autorégulation des grandes entreprises privées en matière d’environnement (poli-tique environnementale corporative, code de bonne pratique environnementale et guidede procédure d’ÉIE).

En plus de cette variété de procédures, l’examen d’un projet varie aussi selon lesconditions particulières d’assujettissement d’un projet. L’examen exigé varie aussi enfonction du type et de l’ampleur du projet en question. Pour une même procédure,tous les projets ne sont pas obligatoirement soumis aux mêmes exigences, celles-cipeuvent être plus ou moins sévères. Le déploiement de l’étude à l’ensemble des phasesde préparation et de réalisation du projet est lui aussi très variable selon les cas. Iln’est pas rare de constater que les phases de planification et de conception des pro-jets, ainsi que celle de la fermeture des installations, ne laissent que très peu de placeà l’évaluation des impacts environnementaux, sinon aucune. Ces phases importantesde la planification d’un projet ne font alors pas partie de l’examen de l’ÉIE. Cette situa-tion déplorable de la portée de l’ÉIE dans une optique de développement durable l’em-porte néanmoins à l’heure actuelle.

Depuis quelques années, nous assistons à une véritable extension et à une rela-tive uniformisation des procédures d’évaluation des impacts environnementaux. Celaest grandement attribuable à la mondialisation des marchés, là comme ailleurs, maissurtout à l’influence des organismes internationaux et à la montée universelle des pré-occupations concernant le développement durable. Originellement employée danscertains pays occidentaux, l’ÉIE se répand peu à peu à l’ensemble des pays. L’engoue-ment récent de son utilisation n’est sans doute pas étranger à la mise en place de pro-cédures bien définies d’ÉIE de la part des grands bailleurs de fonds internationaux,notamment par la Banque mondiale. Cette dernière initiative entraîna, et incite encore

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

aujourd’hui, les pays retardataires à mettre en place des procédures d’évaluation desimpacts environnementaux.

Enfin, le temps apporte parfois des modifications substantielles. L’évolution desidées et des pratiques poursuit son œuvre. C’est ainsi que les pratiques actuelles sonthabituellement plus complètes que celles d’il y a vingt ans. Souhaitons seulement qu’onpourra réitérer cette affirmation en 2020.

GENÈSE ET HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION

La législation environnementale est parfois ancienne. Les autorités de la Romeantique s’occupaient fort bien de certains problèmes environnementaux en milieuurbain, comme l’approvisionnement en eau potable et les rejets d’eaux usées.Toutefois, cette législation pionnière ne concernait alors que certains des aspects par-ticuliers et limités de l’environnement. Au Moyen Âge, les fumées de la combustiondu charbon préoccupaient les autorités et le législateur avait à plusieurs endroits, notam-ment à Paris et à Londres, émis des directives préventives à leur endroit. Certainesautorités municipales réglementèrent ensuite les domaines de la santé et de la salu-brité publique. Il existe donc depuis très longtemps parfois des normes et des pra-tiques concernant les déchets et l’eau potable. Déjà dans l’Antiquité, comme nous venonsde le dire, Rome avait dû réagir avec vigueur vis-à-vis de ces deux questions essen-tielles dans les milieux intensément urbanisés. D’autre part, la première réserve natu-relle était inaugurée en Allemagne dès 1836, puis les États-Unis instaurèrent leur pro-gramme de parcs nationaux à la fin du XIXe siècle, s’affirmant ainsi comme l’un despionniers de la conservation de l’environnement. Puis, au XXe siècle, d’autres légis-lations particulières apparurent progressivement. Elles s’adressent à des domaines anciensou nouveaux de l’environnement. Parmi les nouveaux domaines d’intervention, onretrouve ceux reliés aux problèmes de pollution de l’air et de l’eau qui se générali-sent, ainsi qu’à la gestion des déchets, des richesses naturelles et des ressources de lafaune et de la flore.

La prise en compte de l’environnement est donc ancienne, mais il s’agissait à sesdébuts de législations partielles fort incomplètes. Ce droit fragmentaire ne s’appli-quait que de manière spécifique à une ou à quelques-unes des composantes de l’en-vironnement ou des problèmes environnementaux alors admis. La prise en compteglobale et complète de l’environnement n’existait nulle part. Comme nous l’avonsvu précédemment, la prise en compte globale de l’environnement est une orienta-tion plutôt récente. En fait, ce n’est qu’avec la mise en place du «National EnvironmentalPolicy Act» (NEPA), aux États-Unis à la fin des années 1960, que les préoccupations

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L’évaluation des impacts environnementaux

environnementales furent envisagées pour la première fois de manière globale. Le NEPAfut adopté par le gouvernement fédéral américain à la fin de l’année 1969. La politiqueenvironnementale américaine, entrée en vigueur le premier janvier 1970, ne fut rema-niée qu’à quelques reprises depuis, sans toutefois remettre en cause ses fondements.

Pour sa part, l’évaluation des impacts environnementaux ne fait officiellementson apparition, elle aussi, qu’avec la promulgation du NEPA. Antérieurement, ce conceptinconnu ne trouvait des applications que de manière fragmentaire et indirecte,notamment par les «codes de bonne pratique». C’est ainsi qu’un ancien décret deNapoléon, le Décret sur les établissements classés de 1810, proposait une série de mesuresreprésentant une saine façon de faire, en somme un code de bonne pratique envi-ronnementale avant la lettre.

La première législation environnementale complète, celle qui par ailleurs instauraitla procédure de l’évaluation des impacts environnementaux, fut donc celle mise enplace aux États-Unis en 1970 par le NEPA. Plusieurs des législations sectorielles anté-rieures, telles celles concernant la qualité de l’air et de l’eau, fournissent alors les basesde la nouvelle réglementation globale mise en vigueur. Toutefois, les autorités japo-naises avaient promulgé en 1967 une loi nationale sur le contrôle de la pollution del’environnement.

L’acte législatif américain requiert l’incorporation des préoccupations environ-nementales dans les administrations fédérales, et conséquemment la préparation d’étudesd’impacts pour tout projet ou programme importants issus de l’administration fédé-rale. La législation fédérale américaine poursuivait aussi un autre but, plus implicitecelui-là. L’administration fédérale espérait que son initiative allait inspirer unepareille prise en charge de l’environnement par les administrations régionales (États),le NEPA devant servir d’exemple et d’incitatif en la matière. Le gouvernementfédéral canadien reprendra à son compte cet objectif d’exemplarité, sans pour autantlégiférer en ce sens avant 1995.

Les trois grands éléments contenus dans le NEPA sont :

• l’introduction d’une politique nationale de l’environnement ;

• l’élaboration de procédures afin de réaliser les objectifs ;

• la création du US Council on Environmental Quality (CEQ).

L’obligation de réaliser une évaluation des impacts environnementaux (EnvironmentalImpact Assessment (EIA)) est une partie intégrante de la procédure. L’étude estrequise pour certains types de projets seulement. L’évaluation américaine, ou plus

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

précisément le rapport d’évaluation d’impacts (Environmental Impact Statement(EIS)) devait comprendre les éléments suivants:

• la description des impacts des activités projetées ;

• le relevé des impacts inadmissibles ;

• la description des solutions de rechange proposées ;

• le relevé des effets à court terme et leur relation avec le développement de laproductivité à long terme;

• les conséquences irréversibles et irréparables sur les ressources.

Nous n’examinerons pas plus en détail la procédure fédérale américaine mise enplace par le NEPA1, car, d’une part, les deux schémas présentés aux figures 2.8 et 2.10du chapitre précédent décrivaient fort bien le processus américain et, d’autre part,les procédures canadienne et québécoise d’ÉIE, et dans une certaine mesure la pro-cédure guinéenne, des démarches semblables à la procédure américaine, serontexposées au cours du présent chapitre2.

CADRE LÉGISLATIF, RÉGLEMENTAIRE ET CORPORATIF

Le droit est un domaine en soi conservateur, c’est-à-dire que la législation représenteun compromis, exceptionnellement un consensus, intervenu à un moment donné duprocessus politique au sein de l’ensemble d’une société. Le droit représente donc unaccord de principe intervenu à un moment bien précis dans le temps, mais qui peutse perpétuer sur de longues périodes, alors que les réalités qu’il espère cerner se modi-fient sans cesse. Le droit environnemental, malgré la juvénilité de la majeure partiede ses éléments, ne fait pas exception à cette règle; il n’est par conséquent que le refletd’un «compromis» intervenu à un moment donné.

Le droit est ainsi un instrument de stabilité, en ce sens qu’il ne varie que très len-tement, les changements dans la société n’apportant que plus tard des modificationslégislatives et réglementaires. La mise en place de procédures, de normes et d’exigences

1. Le conseil américain sur la qualité de l’environnement (Council on Environmental Quality (CEQ))publiait récemment un bilan des vingt-cinq premières années de mise en œuvre du NEPA: CEQ,1997. «The National Environmental Policy Act : A Study of Its Effectiveness After Twenty-Five Years».

2. En ce qui concerne les multiples législations qu’on retrouve sur l’ensemble de la planète ou pourse renseigner sur une procédure particulière qui nous intéresse, nous conseillons la consultationd’ouvrages de référence comme l’«International Environmental Law Digest» (Adede, 1993) oul’«International Environmental Law Special Report» (Government Institute, 1992).

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L’évaluation des impacts environnementaux

particulières est l’un des aspects les plus importants de cette stabilité résultante dudroit. Lorsqu’il est clairement exprimé et largement diffusé, le droit constitue alorsune rassurante orientation des pratiques. Cela oblige tous les intervenants à agir dansun cadre bien déterminé, mais celui-ci est connu de tous et présumé stable, au moinsjusqu’à une éventuelle réforme.

La législation, comme la réglementation qui en est issue, demeure toutefois envigueur au-delà des réalités qu’elle croit encore représenter. Pour les progressistes, notam-ment la plupart des groupes de citoyens, le droit est souvent perçu comme un domained’intervention publique constamment en retard sur les préoccupations du moment;alors qu’au contraire, pour les traditionnels, et tout particulièrement pour plusieurspromoteurs, la législation devancerait plutôt les possibilités d’intervention. Le droitenvironnemental, malgré l’importante évolution des dernières années, n’échappe pasà cette réalité, bien au contraire. Ainsi, le récent débat au sujet de la nouvelle législa-tion québécoise en évaluation d’impacts présente très bien en son sein l’oppositionentre les divers tenants du développement durable et les défenseurs du développe-ment économique libéralisé des interventions de l’État. Le droit environnemental ali-mente en somme l’inépuisable controverse entre les intérêts privés et l’intérêt public.

L’introduction du droit environnemental dans un nouveau pays, tout particu-lièrement dans les «pays en voie de développement», apporte ou implique parfoisde sérieux remaniements dans les façons de faire. Cela est particulièrement vrai ence qui concerne l’ÉIE, tant pour les pays qui ne disposent que de faibles assises démo-cratiques que là où les impératifs du développement escamotent encore les considé-rations environnementales. Les impératifs du développement, tout comme les struc-tures traditionnelles de pouvoir, s’opposent encore plus fortement au plein et completépanouissement de l’évaluation intégrale des impacts des projets de développe-ment. L’absence presque totale de groupes de pression voués tant à la défense des droitsde l’environnement que des citoyens limite grandement toute prise en compte véri-table de l’ÉIE. Lorsque le pouvoir est fortement hiérarchisé et concentré entre peud’acteurs, la portée de l’ÉIE est plutôt limitée comme processus de planification etde participation publique.

Le droit environnemental, toujours en cours de formulation, est fragmenté enchamps d’application et en domaines de compétence à l’intérieur même de l’ensembledu droit. Différents domaines environnementaux recoupent divers domaines du droitclassique et cela pose souvent des problèmes et des contraintes de juridiction. C’estainsi que l’instauration d’une législation globale sur l’environnement, par exemplela mise en place d’une loi nationale sur la protection de l’environnement, devra recouperet regrouper diverses législations antérieurement régies sous des domaines et des

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responsabilités très diversifiés. Cette situation pose déjà et posera sans doute encorelongtemps des limites et des contraintes à une pleine responsabilité du droit envi-ronnemental. Toutefois, la mise en place d’une politique globale de l’environnementatténue l’importante fragmentation de son champ d’application. La mise en place d’unelégislation en ÉIE exige précisément une grande intégration d’ensemble. Cette inté-gration concerne d’abord les multiples administrations impliquées par le processusd’examen. D’autre part, elle implique un regroupement des multiples législations etréglementations sectorielles qui régissent les éléments de l’environnement et les acti-vités génératrices d’impacts.

L’éparpillement du droit environnemental est parfois accentué par le partage descompétences entre divers paliers de gouvernement. Nous avons mentionné que c’estle cas au Canada et au Québec avec une répartition des responsabilités entre les diversorganismes du pouvoir fédéral et ceux des autorités provinciales et municipales. C’estaussi le cas de la plupart des pays où plusieurs niveaux de gouvernement se partagentlà aussi les responsabilités. Dans la plupart des «pays en voie de développement», lasituation est parfois compliquée par la présence de pouvoir traditionnel en parallèleaux institutions modernes officielles.

De petits impacts qui deviendront grands

L’on croit à tort que seuls les grands projets de développement affectent sérieusementl’environnement. L’accumulation de petits travaux, en apparence anodins pris séparé-ment, peut parfois avoir des impacts plus considérables que de vastes projets. D’autantplus que la plupart des travaux mineurs, en vertu du seuil d’assujettissement, notam-ment, ne sont pas soumis à la procédure détaillée d’évaluation d’impacts.

C’est ainsi que la plupart des travaux mineurs d’aménagement de la grande majoritédes petits cours d’eau (petites rivières et ruisseaux) des régions agricoles de la vallée duSaint-Laurent n’ont pas fait l’objet d’une grande attention de la part des autorités, notam-ment en ce qui concerne la procédure québécoise d’évaluation d’impacts. Les travauxen question comprennent le creusage, la déviation, l’élargissement, le redressement etla transformation en fossés. Pourtant, au cours des cinquante dernières années, plus de17000 cours d’eau, qui bout à bout s’allongeraient sur plus de 50000 kilomètres, auraientété ainsi touchés d’une manière quelconque.

Source : Bisson, B., La Presse, 12 mai 1999: A-21.

La réalisation d’une étude d’ÉIE doit tenir compte d’une multitude de lois et derèglements autres que ceux spécifiquement dédiés à cet effet. Au Québec, parexemple, le recueil de lois et de règlements sur l’environnement comprend quatre lois,

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dont celles sur les pesticides et la conservation de la faune, ainsi que vingt-quatre règle-ments d’application. Il faudrait aussi y ajouter les 130 lois et règlements sur la fauneet les parcs, comprenant des sujets comme les oiseaux migrateurs, les parcs, les pêche-ries et les droits de chasse. En outre, certains aspects de l’examen concernent d’autresdomaines d’application, comme la Loi sur les biens culturels, celle sur la protectiondu territoire agricole ainsi que celles sur l’expropriation et la protection des personneset biens en cas de sinistre. De plus, 63 lois et règlements du gouvernement du Canadaconcernent en tout ou en partie le domaine fédéral d’intervention environnemen-tale, dont la Loi sur les produits dangereux, celle sur les ressources en eau et celle surla protection des eaux navigables. Bien sûr, un certain nombre de directives minis-térielles et gouvernementales ainsi que des politiques et programmes gouvernementauxviennent ajouter à la complexité de la législation québécoise. Enfin, la juridiction muni-cipale et celle des Municipalités régionales de comté (MRC) viennent à leur tour aug-menter le nombre de dispositions et de contraintes législatives et réglementaires. Parmicelles-ci, mentionnons la réalisation de schémas d’aménagement, de plans d’urba-nisme ainsi que des codes et règlements de construction et de lotissement.

La nature même de la législation soulève aussi d’autres questions. Ainsi, les inten-tions et les objectifs du législateur en faveur d’une réglementation donnée peuventnous fournir de précieuses informations sur le contexte légal global. S’agit-il d’inciterla société à agir selon certains comportements jugés socialement convenables? Ous’agit-il, au contraire, de punir et de restreindre des attitudes et des conduites jugéesrépréhensibles pour le mieux-être de la société ou de l’environnement? Cette doublenature de l’intervention du droit, traduisant et traduite par le jeu des pressions poli-tiques, vacille donc entre une indulgente attitude incitative et la forte manière coer-citive. Cette dernière situation se retrouve fréquemment en droit environnemental,particulièrement par le grand nombre de normes environnementales concernant lesrejets. En ce qui concerne l’ensemble de l’évaluation des impacts environnementaux,la législation serait plutôt d’une nature incitative. Cette attitude incitative laisse unemarge de manœuvre assez importante aux responsables de la réalisation de l’étuded’impacts, notamment en ce qui concerne la démarche méthodologique et le choixdes méthodes utilisées.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation environnementale au Bénin

Le parlement du Bénin promulgua une «loi-cadre sur l’environnement» en février 1999,mais déjà depuis 1995 l’Agence béninoise pour l’environnement (ABE) avait pour mandatde mettre en œuvre une politique nationale en matière d’environnement (ABE INFO,1999).

Le processus béninois d’évaluation des projets comprend trois procédures. La premièreest constituée de l’«étude d’impacts sur l’environnement», qui doit être réalisée par toutpromoteur dont le projet est assujetti à la réglementation. C’est l’Agence béninoise pourl’environnement qui agit à titre d’organisme de contrôle pour l’État. Selon la naturedu projet, la procédure prévoit une étude approfondie ou simplifiée. La deuxième pro-cédure applicable est celle de l’«Audience publique». Elle vise à assurer la participationdes différents acteurs aux processus de prise de décision. Enfin, la procédure de l’«Auditenvironmental» vient boucler le processus béninois en assurant un contrôle de laconformité du projet (ABE, 1998).

Source: Le bulletin d’information de l’Agence béninoise pour l’environnement, ABE INFO,no 0, 1999 et ABE, 1998.

Par ailleurs, de nouveaux incitatifs en faveur de l’ÉIE sont récemment apparus.Parmi ceux-ci notons l’élargissement des obligations contractuelles ainsi que des res-ponsabilités qui en résultent pour les promoteurs et les propriétaires de sites et d’ins-tallations. Ces obligations nouvelles sont issues des firmes d’assurances et des orga-nismes prêteurs. Les principes de la responsabilité, en cas de dommages et deréparations à l’environnement, s’étendent maintenant aux divers intervenants impli-qués dans un projet, et non plus seulement au propriétaire ou à l’exploitant direct.Il en découle que les institutions bancaires, par exemple, effectuent désormais un contrôlequant à la l’acceptabilité environnementale des demandes de financement qui leursont soumises. Cela affecte autant les institutions nationales qu’internationales.Nous verrons comment ces dernières participent à la généralisation de l’évaluationdes impacts environnementaux à travers le monde.

Enfin, comme l’affirmaient pertinemment plusieurs, il y a quelques annéesencore, l’évaluation des impacts environnementaux est encore trop souvent perçue,comme d’ailleurs l’ensemble du droit environnemental, comme un obstacle majeurau progrès (Guigo et coll., 1991). Toutefois, le relatif consensus en voie de créationautour de la mise en place du développement durable pourrait, s’il se maintient, adopterl’ÉIE comme l’un de ses instruments clés d’intervention.

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L’évaluation des impacts environnementaux

ÉTUDES DE CAS: CANADA, QUÉBEC ET GUINÉE

L’examen des trois cas que nous allons maintenant examiner nous permettra d’en-trevoir l’ensemble des plus importantes considérations législatives concernant l’ÉIE.Nous examinerons ces procédures distinctes à travers une analyse comparative de leurévolution respective, notamment des deux premières législations, et ce, afin de faireressortir les multiples possibilités législatives et réglementaires. Nous n’étudierons pasde manière détaillée et complète chacune des procédures en question, nous conten-tant plutôt de porter notre attention sur les caractéristiques significatives et déter-minantes de chacune. Notre objectif ici consiste à fournir une illustration de l’évo-lution possible du cadre législatif ainsi que des principaux éléments du contexteréglementaire et normatif en évaluation des impacts environnementaux.

Législation fédérale du Canada

Au Canada, l’évaluation des impacts environnementaux s’inscrit dans un contextede double juridiction entre l’instance fédérale et les diverses instances provincialesou étatiques. Le partage des compétences législatives entre les autorités fédérales etprovinciales est relativement complexe. Sans trop simplifier, disons seulement quecertains éléments de l’environnement, ainsi que plusieurs activités de développement,sont attribués à l’une ou l’autre des instances, mais pas toujours de manière très expli-cite ni définitive. Les domaines de juridiction sont donc, selon le cas ou l’époque consi-dérée, de compétence exclusive, commune ou disputée.

État de la procédure canadienne de 1973 à 1994

Jusqu’à la fin de l’année 1994, il n’existait pas à proprement parler de loi canadiennesur l’évaluation environnementale, aucun fondement législatif ne supportait la pro-cédure employée jusqu’à cette époque. Pourtant, à l’exemple du NEPA américain, unprocessus d’examen assez complet régissait le champ de juridiction fédéral en ÉIE.

Jusqu’en 1994, la procédure fédérale canadienne ne reposait que sur un arrêtéministériel. En effet, le premier programme canadien d’évaluation environnemen-tale, nommé Processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement(PÉEE), fut établi en 1973 par un décret du Conseil des ministres. Le décret fut parla suite modifié en 1977, mais sans modifications majeures. En 1984, un décret gou-vernemental, cette fois, formalise la procédure fédérale lors de l’émission du «Décretsur les lignes directrices d’ÉIE». Plusieurs jugements de cour vinrent par la suite appuyeret renforcer le statut plutôt précaire du décret gouvernemental, notamment les casdes projets «Oldman» (BFEÉE, 1992) et «Rafferty-Alameda» (BFEÉE, 1991) dans

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l’ouest du pays à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le champ d’ap-plication de l’autorité fédérale ne concernait alors que les activités des organismesdu gouvernement fédéral canadien lui-même ainsi que quelques domaines de com-pétence bien particuliers, notamment les pêcheries et les oiseaux migrateurs.

En 1987, le ministre de l’Environnement annonçait une consultation nationaleconcernant la réforme du processus canadien d’évaluation. En juin 1990, le gouver-nement canadien présentait un premier projet de loi, le projet C-78, ainsi qu’un ensemblede réformes aux façons de faire en vigueur jusqu’alors. Le projet sera éventuellementmodifié en projet de loi C-13, pour finalement être sanctionné en juin 1992 par leParlement canadien. La première loi fédérale en ÉIE modifiait légèrement la procé-dure canadienne d’évaluation adoptée jusque-là. La Loi canadienne n’est entrée envigueur qu’en janvier 1995.

Jusqu’à la fin de l’année 1994, toutefois, le PÉEE, couramment nommé PFÉEE(Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental), s’appliquait sur lesterritoires et les domaines de compétences fédérales. La procédure canadienne d’éva-luation s’appliquait exclusivement aux projets visés suivants :

• ceux sous l’autorité fédérale, comme promoteur d’un projet ;

• ceux en tout ou en partie financés par une autorité fédérale ;

• ceux d’une autorité fédérale administrant le territoire en question;

• et ceux pour lesquels le fédéral doit délivrer un permis pour la mise en œuvredu projet (ces projets comprenant des éléments sous juridiction fédérale).

Notons que la Loi canadienne sur l’ÉIE ne viendra aucunement modifier ce champd’application du pouvoir décisionnel du gouvernement fédéral. Les autres projets queceux visés directement par règlement ne feront toujours pas l’objet d’une interven-tion fédérale.

Il existe aussi une possibilité d’exclusion à la procédure d’évaluation pour certainsprojets, soit en raison de leur présence sur une des listes d’exclusion, soit lors de situa-tions de crise nationale (d’après la Loi sur les mesures d’urgence), ou soit pour un projeten réaction à une situation de crise. Ces situations exceptionnelles dépendent du pou-voir discrétionnaire du ministre de l’Environnement.

La procédure canadienne d’évaluation comprend, entre autres choses, la délivranced’un certificat d’évaluation environnementale et la formation d’organismes consul-tatifs et de recherche. L’organisme du gouvernement canadien chargé du contrôle etdu développement de la recherche était jusqu’en 1994 le Bureau fédéral d’examen desévaluations environnementales (BFEÉE).

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L’évaluation des impacts environnementaux

La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (1995)

Le projet de loi C-13, ou Loi de mise en œuvre du processus fédéral d’évaluation envi-ronnementale, fut sanctionné le 23 juin 1992, par la Chambre des communes du Canada.La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCÉE), son appellation cou-rante, n’est toutefois entrée en vigueur que le 1er janvier 1995.

La Loi énonce quatre objectifs qui ne modifient aucunement la situation anté-rieure. Seul l’ajout de l’expression «développement durable» ainsi que de la préoc-cupation transfrontière des impacts sont des nouveautés significatives. Les quatre objec-tifs poursuivis par la Loi sont les suivants :

• s’assurer que les effets environnementaux des projets soient examinés soi-gneusement avant que les autorités responsables prennent des décisions à leursujet ;

• inciter les autorités responsables à prendre des mesures qui favorisent ledéveloppement durable et, de ce fait, à réaliser ou maintenir un environne-ment sain et une économie florissante ;

• faire en sorte que des projets à réaliser dans les limites du Canada ou du ter-ritoire domanial ne causent pas d’effets environnementaux négatifs importantsen dehors de ces limites ;

• veiller à ce que le public ait la possibilité de participer au processus d’évalua-tion environnementale.

La Loi apporte néanmoins un certain nombre de modifications mineures à la situa-tion antérieure. Parmi les nouveautés de la nouvelle procédure, on retrouve:

• deux types d’évaluation: soit un examen préalable, soit une étude approfondie(liste d’étude approfondie) ;

• soit la possibilité de médiation environnementale et la nomination d’unmédiateur, soit l’examen en commission, dans le processus concernant les étudesapprofondies ;

• des possibilités nouvelles pour le public de participer à la démarche;

• la prise en charge de l’évaluation environnementale le plus tôt possible, soitdès le stade de la planification du projet («avant la prise d’une décision irré-vocable») ;

• l’inadmissibilité de projets entraînant des «effets environnementaux négatifsimportants» (art. 23), mais non déterminés dans la Loi cependant.

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La nouvelle loi maintient toutefois en vigueur le «Décret sur les lignes directricesvisant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement», approuvépar le gouvernement en 1984. C’est ainsi que les règles d’assujettissement des pro-jets demeurent les mêmes. Seule vient s’ajouter la possibilité d’intervention «trans-frontière», en vertu de la Convention sur l’ÉIE dans un contexte transfrontière quele Canada vient récemment de ratifier. Par ailleurs, la nouvelle procédure précise qu’envertu de la Loi, un «projet» désigne aussi bien la réalisation d’un ouvrage qu’une acti-vité concrète non liée à un ouvrage.

Une autre des principales modifications concerne la possibilité de renvoyer, devantune commission d’étude ou devant un médiateur, l’examen des impacts interpro-vinciaux, à défaut d’une entente interprovinciale préalable. De façon similaire, les «effetsinternationaux» peuvent être mis en évidence par une évaluation de même type. Deplus, la Loi propose de nouvelles dispositions en ce qui concerne les «Terres sur les-quelles les Indiens ont des droits», améliorant ainsi un des problèmes épineuxactuellement au Canada.

Finalement, la nouvelle loi crée l’Agence canadienne d’évaluation environnementale,un nouvel organisme du conseil du ministre canadien de l’Environnement. L’Agenceremplace l’ancien Bureau fédéral d’examen des évaluations environnementales(BFEÉE). Les objectifs de la nouvelle agence d’évaluation sont :

• de gérer le processus d’évaluation environnementale ;

• de promouvoir l’uniformisation des procédures au Canada;

• de promouvoir et de mener des recherches ;

• de promouvoir l’évaluation environnementale ;

• et de veiller à la participation du public.

On prévoit qu’une douzaine de règlements seront ou sont déjà adoptés afin derendre opérationnelle la Loi. Parmi ceux-ci, les quatre règlements suivants sont essen-tiels à son bon fonctionnement :

• la Liste des dispositions législatives et réglementaires ;

• la Liste d’exclusion;

• la Liste d’inclusion;

• la Liste d’études approfondies.

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Liste de lois canadiennes couvrant certains domaines de l’ÉIE

• Loi canadienne sur la protection de l’environnement (L.R.C. 1985, c.16,4) ;

• Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (L.R.C. 1992, c.37) ;

• Loi sur les pêches (L.R.C. 1985, c. F-14) ;

• Loi sur la marine marchande du Canada (L.R.C. 1985, c. S-9) ;

• Loi sur les ressources en eau du Canada (L.R.C., c-11) ;

• Loi sur la protection des eaux navigables (L.R.C. 1985, c. N-22) ;

• Loi sur les forces hydrauliques du Canada (L.R.C., c. W-4) ;

• Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques (L.R.C., c. A-12) ;

• Loi du traité des eaux limitrophes internationales (L.R.C., c. I-17).

La procédure canadienne d’évaluation

Le schéma présenté à la figure 3.1 montre l’ensemble de la procédure canadienne d’éva-luation3. Les diverses étapes de réalisation d’une évaluation y sont clairement pré-sentées, tout comme d’ailleurs la participation du public dans les diverses étapes del’étude. La procédure se divise en trois grandes étapes : d’abord, celle de l’autoéva-luation, puis celle de l’examen indépendant en commission ad hoc, et finalement cellede la «décision-exécution».

La première étape d’autoévaluation du processus d’examen débute avec le pas-sage obligé par la Liste d’exclusion. Celle-ci détermine si un projet donné doit êtresoumis ou non à la procédure d’évaluation. L’organisme responsable de cette premièrephase d’examen est nul autre que le promoteur ou «supporteur» du projet, à savoirle ministère responsable. Si le projet n’est pas exclus de la procédure, il devra ensuiteêtre soumis à l’examen préalable.

L’examen préalable vise à déterminer dans laquelle des quatre catégories prédé-terminées le projet doit poursuivre son examen. Dans la première catégorie, le projetdoit se soumettre à une évaluation environnementale initiale, car ses impacts ou leurs

3. Pour en savoir plus long sur le processus canadien d’évaluation environnementale, nous conseillonsla lecture du Guide du citoyen publié par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE)(ACÉE, 1994) ainsi qu’un document très intéressant du Service de la protection de l’environnementd’Environnement Canada intitulé «Mesures législatives sur la protection de l’environnementconçues pour l’avenir – Une LCPE renouvelée» (Environnement Canada, 1995).

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 3.1

Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental

Projet Liste d’exclusion

Impactsinacceptables

Impactsinacceptables

Modification

Abandon

Autoévaluation

Oui

Non

Décision/exécution

Examen indépendant

Impactsinconnus

Impactsinsignifiants

Impactsinsignifiants

Impactsimportants

Impactsimportants

Examen préalable

Évaluation initiale

Commission ad hoc

Directive

Audiencespubliques

Rapport dela commission

Décisionministérielle

Réalisation du projet

Suivi

Étude d’impacts

Source : Adapté de BFEÉE, 1988 et ACÉE, 1994.

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L’évaluation des impacts environnementaux

atténuations sont inconnus. Dans ce cas, l’évaluation environnementale initiale déter-minera, par la suite, la poursuite des procédures. Dans la seconde, le projet est envoyéau ministère de l’Environnement pour un examen public, car les impacts éventuelssont considérés comme importants. Dans les deux autres cas, soit que les impacts sontconsidérés comme insignifiants ou «atténuables», et alors la poursuite de l’exécutiondu projet se continue sans étude d’impacts, soit que les impacts sont jugés inaccep-tables et alors le promoteur doit l’abandonner ou le modifier de manière significative,et ensuite, le soumettre à un nouvel examen préalable. Il y a ainsi des projets qui che-minent directement vers l’exécution et la réalisation des travaux, sans ÉIE, alors qued’autres sont plutôt dirigés directement vers l’ÉIE, en passant ou non par une évaluationinitiale. Enfin, certains autres projets doivent être carrément abandonnés ou reformulés.

Des centaines de projets passés au peigne fin

Le gouvernement fédéral canadien, par l’entremise de ses différents ministères, a réa-lisé 99 pour cent de toutes les évaluations environnementales en vertu de la Loi fédé-rale canadienne sur l’évaluation environnementale, entrée en vigueur en janvier 1995.En conséquence, seul le un pour cent restant a permis un examen indépendant des pro-jets. Le ministre de l’Environnement a alors recours à une commission indépendante.En vertu du mode d’assujettissement particulier de la procédure canadienne, les éva-luations dites «autogérées» ne peuvent que constituer la grande majorité des évalua-tions exigées au niveau fédéral du Canada.

Ainsi, lors du premier trimestre de mise en œuvre de la Loi, du 19 janvier au 31 mars1995, 944 dossiers ont fait l’objet d’une évaluation environnementale de la part de 19 minis-tères ou agences fédérales (ACÉE, 1995). De ce nombre, un seul examen approfondi (projetd’aménagement d’un centre de ski dans le parc national de Banf en Alberta) devait êtreréalisé, tous les autres projets ne faisant l’objet que d’un «examen préalable». Ce projetdevait éventuellement être soumis à un examen public sous les auspices d’une commission.

Lors de la parution du premier bilan de l’Agence canadienne d’évaluation environne-mentale (ACÉE) en 1995, 729 des projets soumis avaient été approuvés par les auto-rités à la suite de l’examen préalable. Les 215 autres étaient toujours en cours d’examen.Les institutions responsables de la majorité des projets étaient le ministère des Affairesindiennes et du Nord avec 201 projets, le Bureau fédéral de développement régional(Québec) avec 145 projets et l’agence de Diversification de l’économie de l’ouest Canadaavec 113 dossiers. Les grands ministères entrepreneurs tels que Pêches et océans (53),Transports Canada (46), Agriculture et agroalimentaire (41), Ressources naturelles (6),Défense nationale (6) et Travaux publics et services gouvernementaux (5) arrivaientloin derrière.

Source : ACÉE, 1995.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Par ailleurs, le processus permet plusieurs interventions du public lors de la tenued’audiences publiques ou de séances d’information. À certains moments de la pro-cédure, le public est consulté, alors qu’à d’autres il n’existe qu’une possibilité de lefaire. Ainsi, le public est occasionnellement consulté en audiences publiques lors dela délivrance de la Directive (termes de référence), alors qu’il l’est presque tout le tempsaprès la publication de l’étude d’impacts dans le cas des grands projets.

La deuxième étape de la procédure, celle de l’examen indépendant, est réaliséepar une commission d’évaluation environnementale indépendante, nommée par leministre de l’Environnement. Après consultation, la Commission émet une directivepour la réalisation de l’étude d’impacts. Le promoteur réalise l’étude en question selonles termes de la directive et le ministère responsable la dépose devant la Commission.À la suite des audiences publiques, la Commission rédige un rapport qui est transmisau ministre de l’Environnement ainsi qu’au ministère responsable du projet.

Finalement, la décision ultime déterminera si le projet peut être poursuivi, avecou sans modification, ou plutôt abandonné ou reporté à plus tard. La décision finaleappartient au ministre responsable, et son ministère veillera à la poursuite des opé-rations, notamment au suivi du projet.

Législation provinciale du Québec

Les autorités provinciales québécoises, dans le cadre du champ de juridiction qui leurest propre, légiféraient de manière pleine et entière, dès 1978, grâce à la Loi sur la qua-lité de l’environnement. La mise à jour de la procédure québécoise, à la lumière desenseignements des dernières années, est toujours en pourparlers et en négociationdepuis plus d’une dizaine d’années déjà.

La législation québécoise actuellement en vigueur

Au Québec, l’évaluation des impacts environnementaux voit son avènement avec l’adop-tion en 1978 de la Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2). L’ÉIE y étaitparticulièrement traitée à la section IV.1 intitulée «Évaluation et examen des impactssur l’environnement de certains projets» (art. 31.1 à 31.41). Par la suite, le Parlementquébécois adopta la réglementation nécessaire à la mise en œuvre de la Loi lors del’acceptation du «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environ-nement» (c. Q-2, r.9) et créa le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement(BAPE). Le règlement est entré en vigueur en 1980. La démarche québécoise, dansle cas d’évaluations d’impacts complètes et détaillées, se trouve aussi régie pard’autres dispositions législatives, notamment par le règlement sur les «Règles de pro-cédure relatives au déroulement des audiences publiques» (c. Q-2, r.19).

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L’évaluation des impacts environnementaux

Après une quinzaine d’années de pratique en ÉIE et à la suite de deux examensde la procédure en cours, le Comité de révision de la procédure d’évaluation des impactsenvironnementaux (Lacoste et coll., 1988) et la Commission parlementaire de l’amé-nagement et des équipements (Gouvernement du Québec, 1992), le gouvernementdu Québec proposait à l’hiver 1992 le projet de loi 61. Ce projet de loi modifie la pra-tique en vigueur et donne naissance à la Loi québécoise en évaluation environnementale.Depuis, de nombreuses délibérations, parfois contradictoires et souvent antagonistes,se poursuivent assidûment afin d’en arriver à un accord éventuel sur les termes etles limites de la future législation québécoise en ÉIE.

Nous avons vu qu’au Québec, en tant qu’État provincial du Canada, l’ÉIE est par-tagée entre les deux niveaux de juridiction (fédéral et provincial). Dans certains cas,la situation est encore plus complexe, car d’autres paliers d’autorités se greffent aucontexte législatif général. C’est tout particulièrement le cas en régions périphériques(zones autochtones). Dans le cas du projet hydroélectrique de la rivière Grande-Baleine,par exemple, cinq comités et commissions détenaient une partie des responsabilités,ce qui impliquait la possibilité de mise en place de procédures spécifiques pour cha-cune des instances décisionnelles.

La législation québécoise actuellement en vigueur oblige tout promoteur d’unprojet pouvant avoir une incidence sur l’environnement à obtenir un certificat d’au-torisation préalable. Contrairement à la procédure fédérale canadienne, le projet n’anullement besoin d’être relié d’une manière quelconque au gouvernement québécois.Deux procédures bien différentes quant à leur ampleur s’appliquent à l’ensemble desprojets :

• l’obtention d’un certificat d’autorisation, pour les projets considérés à impactsmodérés (article 22 de la Loi) ;

• l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, pour les projets àimpacts appréhendés importants ou indéterminés (article 31.1 et suivants).

La première procédure d’examen ne nécessite pas, à proprement parler, une éva-luation des impacts environnementaux. Le promoteur doit cependant fournir, avantd’obtenir son certificat d’autorisation, une évaluation détaillée de la quantité de conta-minants qui sera éventuellement émise par les activités afférentes au projet. Notonsque cette dernière obligation ne fait référence qu’aux effets environnementaux anti-cipés, et non pas aux impacts potentiels. L’article 22 de la Loi, régissant cette situa-tion, se lit comme suit :

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Nul ne peut ériger ou modifier une construction, entreprendre l’exploitation d’uneindustrie quelconque, l’exercice d’une activité ou l’utilisation d’un procédé indus-triel ni augmenter la production d’un bien ou d’un service s’il est susceptible d’enrésulter une émission, un dépôt, un dégagement ou un rejet de contaminants dansl’environnement ou une modification de la qualité de l’environnement, à moins d’ob-tenir du sous-ministre un certificat d’autorisation.

Cette opération de quantification des contaminants a pour objectif de vérifierla conformité des opérations afférentes au projet, uniquement par rapport auxnormes environnementales existantes (article 24). Un certain nombre de projets sontcependant soustraits à cette procédure conformément à une liste établie en vertu du«Règlement relatif à l’administration de la Loi sur la qualité de l’environnement».

La deuxième procédure nécessite, quant à elle, la tenue d’une ÉIE complète, etce, en vertu de l’article 31.1 de la Loi, qui se lit comme suit :

Nul ne peut entreprendre une construction, un ouvrage, une activité ou une exploi-tation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme, dans les cas prévuspar règlement du gouvernement, sans suivre la procédure d’évaluation et d’examendes impacts sur l’environnement prévue dans la présente section et obtenir un cer-tificat d’autorisation du gouvernement.

Les projets à être soumis à cette procédure sont énumérés sur une liste fourniedans le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement».La procédure prévoit la possibilité de tenir une audience publique. Cette audienceest décrétée par le ministre de l’Environnement à la suite de demandes justifiées dela part du public. Le ministre peut toutefois déclarer « frivole» toute demande en cesens ; dans ce cas, il n’y aurait pas d’audience publique. Dans tous les cas, cependant,l’étude d’impacts réalisée sera rendue publique par le Bureau d’audiences publiquessur l’environnement (BAPE) après l’examen interne du ministère de l’Environnement.

Le cheminement du dossier au BAPE débute donc par la période d’informationet de consultation publique. Puis, selon qu’il y a demande ou non du public à l’effetde tenir des audiences, l’examen se poursuit ou le dossier chemine directement versla décision finale. Dans le cas d’audience décrétée par le ministre, une commission duBAPE est formée afin de tenir la consultation publique et d’en faire rapport auministre de l’Environnement. Le rapport du BAPE comprend les observations, les com-mentaires et les remarques, tant positifs que négatifs, exposés oralement ou par écritdevant la Commission. De plus, il s’accompagne de recommandations générales(acceptabilité du projet) et de recommandations particulières (modifications à

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L’évaluation des impacts environnementaux

apporter) reflétant l’évaluation du projet par les membres de la Commission4. La déci-sion finale appartient cependant au gouvernement du Québec, par la voie du ministrede l’Environnement, mais le rapport du BAPE, tout comme les événements et les décla-rations accompagnant la période d’audience (commentaires dans les médias et mani-festations publiques en faveur ou non du projet examiné), influence la décision gou-vernementale.

Liste de lois et de règlements québécois couvrant certains domaines de l’ÉIE

• Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2) ;

• Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (R.R.Q.,1981, c. Q-2, r.9) ;

• Règles de procédures relatives au déroulement des audiences publiques (R.R.Q., 1981,c. Q-2, r.19) ;

• Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement (D. 1529-93 (1993) 125 G.O. II, 7766 [c. Q-2, r. 1.001) ;

• Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (L.R.Q., c. C-61.1) ;

• Loi sur les forêts (L.R.Q., c. F-4.1) ;

• Loi sur les mines (L.R.Q., c. M-13.1) ;

• Loi sur le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (L.R.Q.,c. M-14) ;

• Loi sur la protection du territoire agricole (L.R.Q., c. P-41.1) ;

• Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments (L.R.Q., c. P-41.1) ;

• Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (D. 103-96 (1996).

La procédure québécoise d’évaluation présente les principaux éléments suivants:

• une liste de projets devant être soumis au processus d’évaluation;

• l’émission de directives (contenu, portée et étendue) pour la réalisation de l’ÉIE;

• la présentation explicite du projet par le promoteur (avis de projet) ;

• l’information du public sur la directive émise ;

4. Le premier rapport du BAPE fut déposé en 1979 et portait sur deux projets de gazoduc.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• la réalisation de l’étude d’impacts est à la charge du promoteur du projet ; ilpeut lui-même la réaliser ou en confier la tâche à une firme indépendante ;

• la soumission de l’ÉIE en audience publique, à la discrétion du ministre et surdemande du public ;

• la consultation de la population par le BAPE lors d’audiences publiques ;

• la publication d’un rapport public du BAPE, comprenant les recommanda-tions sur le projet ;

• la délivrance d’un «certificat d’autorisation» à la fin de la procédure d’éva-luation environnementale pour tous les projets soumis à la réglementation.

Liste des règlements québécois applicables spécifiquementdans les régions nordiques

• Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2 chapitre II) ;

• Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement dans unepartie du Nord-Est québécois (R.R.Q., 1981, c. Q-2, r.10) ;

• Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement et le milieusocial dans le territoire de la baie James et du Nord québécois (R.R.Q., 1981,c. Q-2, r.11) ;

• Règlement sur certains organismes de protection de l’environnement et le milieu socialdans le territoire de la baie James et du Nord québécois (R.R.Q., 1981, c. Q-2, r.16) ;

• Règles de régie interne du Comité consultatif de l’environnement Kativik, (R.R.Q.,c. Q-2, r.20.1) ;

• Règles de régie interne du Comité consultatif de l’environnement de la baie James,(R.R.Q., c. Q-2, r.21).

La procédure québécoise d’évaluation

L’ensemble de la procédure québécoise d’évaluation des impacts environnementauxactuellement en vigueur est illustré au schéma de la figure 3.25. La démarche com-plète est subdivisée en six grandes phases d’examen, chacune pouvant comporter plu-sieurs étapes bien déterminées.

5. Afin de connaître plus en détail la procédure québécoise d’évaluation environnementale, nousconseillons la lecture du document d’information rédigé par le ministère de l’Environnement etde la Faune (MEF) du Québec (MEF, 1998b) ainsi que le volumineux ouvrage de Michel Yergeausur la Loi sur la qualité de l’environnement (Yergeau, 1988).

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L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 3.2

Procédure québécoise d’évaluation et d’examen environnemental

Dépôt de l’avis de projet

Assujettissement

Élaboration de la directive

Réalisation de l’étuded’impacts

Rapport de l’étude d’impacts

Recevabilité de l’étude

Consultation publique

Audience publique

Rapport d’audience

Analyse ministérielle

Réalisation du projet

Surveillance et suivi

Décision du gouvernement

Réalisation de l’analyseenvironnementale

Rapport d’analyse environnementale

Oui

Oui

Phase I

Phase II

Phase IIIPhase IV

Phase V

Phase VI

Non

Non

Lors de la phase I, la première étape vise à déterminer si le projet présenté, lors dudépot de l’«avis de projet» par le promoteur, doit être soumis ou non au processus d’ÉIE.Cette étape d’évaluation initiale (screening) ou d’«assujettissement» repose au Québecsur l’emploi de listes d’inclusion et d’exclusion. Le projet sera alors assujetti à la

Source : Adapté de Lacoste et coll., 1988.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

procédure, soit en vertu de l’article 22 (évaluation sommaire), soit en vertu de l’article31.1 (étude d’impacts complète). Dans le premier cas, le projet chemine vers sa réalisa-tion sur la base d’une analyse sommaire,mais à tout le moins conforme aux normes d’émis-sions en vigueur. Dans le second cas, le projet est assujetti à la procédure complète d’éva-luation environnementale. Jusqu’à tout récemment débutait l’étape d’élaboration de la«directive», alors qu’actuellement une «directive type» peut être émise immédiatementpar le ministère de l’Environnement pour la majorité des projets. Cette «directive» déter-mine les grandes lignes de l’étude d’impacts à entreprendre. Dans la procédure québé-coise, sauf rares exceptions (les projets conjoints fédéral-provincial,comme Grande-Baleine),cette étape de cadrage est assez élémentaire par rapport aux «règles de l’art» en ce domaine,notamment en ce qui concerne la prise en compte du milieu d’insertion du projet, lahiérarchisation des enjeux impliqués et la participation publique.

La phase II est celle de la «réalisation de l’étude d’impacts» en tant que telle. Cetteétude, sous la responsabilité du promoteur, reprend les sujets abordés dans la directive,en plus des aspects nouveaux qui peuvent intervenir en cours d’examen. Comme nousl’avons indiqué auparavant (section 2.3), l’évaluation consiste à identifier, à prévoir età évaluer les impacts environnementaux ainsi qu’à élaborer un programme de suivi. Ils’agit aussi d’inclure dans le «rapport d’étude d’impacts» qui est le résultat de cette étapeun certain nombre d’informations pertinentes à l’évaluation du projet et à la prise dedécision qui interviendra vers la fin de la procédure. Ces informations concernent leprojet lui-même (description et justification du projet), le milieu (caractérisation dumilieu naturel et humain), les options (solutions de rechange et variantes de procédés,de lieux et de tracé) et les mesures d’atténuation. L’aboutissement de cette phase d’étuded’impacts se termine par la «recevabilité de l’étude». Cela implique que le «rapport d’étuded’impacts» déposé auprès des autorités de contrôle est jugé conforme à la directive émiseet conséquemment qu’il est recevable. Avant de donner son accord, cependant, ilarrive fréquemment que le Ministère demande au promoteur de fournir des études sup-plémentaires ou de répondre à un certain nombre de questions laissées sans réponseou dont les réponses sont jugées insuffisantes dans l’étude déposée initialement. Cesinformations complémentaires sont le préalable à la poursuite de la démarche. La rece-vabilité de l’étude fait le lien entre les phases II et III du processus.

La phase III est réalisée par l’organisme de contrôle (évaluation interne du minis-tère de l’Environnement du Québec). Elle se déroule en parallèle avec la phase II (sousla responsabilité du promoteur) et, s’il y a lieu, de la phase IV (sous la responsabilitédu BAPE). L’organisme de contrôle effectue un examen indépendant de celui réalisépar le promoteur. Cette «analyse environnementale» du projet vise à fournir au Ministreun éclairage complémentaire à celui de l’étude d’impacts. Le «rapport d’analyse envi-

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L’évaluation des impacts environnementaux

ronnementale» était jusqu’à tout récemment un document interne au Ministère. Sonobjectif n’était alors que d’édifier la prise de décision des autorités, notamment lorsde l’étape de l’«analyse ministérielle» de la phase V. Il sera dorénavant rendu publicle plus tôt possible, et ce, en vue d’être consulté par les citoyens lors de l’audience publiqueou de la médiation (phase IV).

Le rapport d’étude d’impacts est ensuite rendu public par le BAPE, ce quienclenche la phase IV de la procédure. Les citoyens ont alors la possibilité dedemander par écrit, auprès du ministre de l’Environnement, la tenue d’une audiencepublique sur le projet. Le Ministre ne peut rejeter les demandes légitimes que s’il consi-dère qu’elles sont «frivoles», ce qui se produit très rarement. Dans le cas contraire,il mandate le BAPE de tenir une audience, tout comme il pourrait demander de tenirune médiation, étant donné le nombre restreint de requérants d’audience et la pos-sibilité d’arriver ainsi à une entente. Nous examinerons au cours du chapitre sept lesconditions et les possibilités mais aussi les limites d’une telle médiation. Le chemi-nement détaillé d’un projet au cours de cette phase d’examen du BAPE est clairementillustré à la figure 3.3. En plus de la démarche à suivre, la durée des diverses étapesest mentionnée au bas de la figure. Certains délais sont fixes, notamment ceux concer-nant le public, alors que d’autres sont d’une durée indéterminée, tout particulière-ment ceux alloués aux autorités. L’ensemble des délais fixes est d’une durée de cinqmois et demi, mais les délais indéterminés allongent parfois la durée totale de cettephase de la procédure de plus d’une année, voire de plusieurs années.

Des centaines de projets passés au peigne fin

Depuis le 31 décembre 1980, début des activités du Bureau d’audiences publiques surl’environnement (BAPE), des centaines de projets de développement furent examinésde manière complète et détaillée par la procédure québécoise d’évaluation. Plusieurs d’entreeux firent l’objet d’un examen public lors d’audiences tenues sous les auspices du BAPE.

De décembre 1980 au 1er janvier 1996, 784 dossiers ont été ouverts, c’est-à-dire qu’unavis de projet fut envoyé au ministère de l’Environnement. De ce nombre, 689 dossiersont cheminé vers l’émission d’une «directive» au promoteur, de la part du Ministère. Celareprésente une moyenne de plus de cinquante projets déposés par année et de quarante-six directives émises.

Toutefois, en date du 1er janvier 1996, seulement 225 de ces projets avaient pu franchirles cinq premières phases de la procédure et ainsi obtenir une décision gouvernemen-tale, préalable à toute réalisation d’un projet. Il est à noter qu’à cette date, plusieurs dos-siers étaient encore en suspens.

Source : MEF, 1998b.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La première étape du cheminement d’un dossier au BAPE est l’information dupublic par un communiqué. Le BAPE met ensuite à la disposition du public, à plu-sieurs endroits à la fois, toute l’information pertinente au dossier à l’étude: avis deprojet, directive, correspondance et rapport d’ÉIE (avec ou sans document complé-mentaire). Cette pratique démarre la période dite «d’information et de consultationpubliques» de quarante cinq jours. Au cours de cette période, les citoyens et les orga-nismes peuvent s’informer mais aussi demander au Ministre de tenir des audiencespubliques.

L’audience proprement dite, d’une durée fixe de quatre mois, est subdivisée entrois étapes bien distinctes. La première étape d’audience est la «période d’informa-tion». Les individus et les groupes viennent poser, devant les commissaires et les autresmembres du public, leurs questions, qui peuvent s’adresser aussi bien au promoteurqu’aux organismes gouvernementaux impliqués. La Commission veille à ce que desréponses appropriées soient fournies au public. Après un délai de réflexion, on passeà la deuxième étape, celle de la « période de dépôt des mémoires » devant laCommission. Lors de cette étape cruciale de la consultation publique, les individus

Figure 3.3

Cheminement d’un projet en audiences publiques au BAPE

ÉIE rendue publiquepar le ministre

Pas de demande

d’audience

Demande d’audiencepublique

Décision duMinistre

Période d’information etde consultation

publiques

Commission d’enquête etd’audiences publiques

Décision duministre

Période d’information

Période de dépôt des mémoires

Rapport de la Commission

Décision du conseil

des ministres

Durée maximale de l’étape du processus

45 jours 4 mois

Source : Adapté de BAPE, 1994.

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L’évaluation des impacts environnementaux

et les organismes intéressés viennent présenter, verbalement ou par écrit, leurs com-mentaires sur le projet à l’étude et sur l’étude d’impacts présentés. Ces commentairespeuvent être favorables ou défavorables, ils peuvent déboucher sur des propositionsou des recommandations, tout comme il peut s’agir simplement de fournir de l’in-formation ou une réflexion à propos du projet. De nouveau, la Commission assisteles participants dans l’expression de leur point de vue. Il ne reste plus alors qu’à rédigerle «rapport de la Commission». Ce dernier se doit d’être le reflet des opinions expri-mées en cours d’audience, tout en apportant un nouvel éclairage sur l’ensemble del’examen réalisé. Le rapport se termine habituellement par les recommandations dela Commission. Il est ensuite acheminé vers le ministre de l’Environnement, enta-mant ainsi la cinquème phase du processus.

La phase V en est une de prise de décision. Elle débute par l’«analyse ministé-rielle», qui n’est que le prélude à la «décision du gouvernement» et à l’émission dudécret gouvernemental. L’«analyse ministérielle» consiste à préparer la décisiongouvernementale qui va suivre. Le ministre de l’Environnement, en consultation avecles autres ministères impliqués et sur la base des divers rapports d’examen possibles(étude d’impacts, analyse environnementale et rapport d’audience ou de médiation),justifie sa position quant à la possibilité de réaliser le projet. Des conditions de miseen œuvre peuvent alors être ajoutées aux autres recommandations du Ministre afinde rendre acceptable la réalisation du projet. La décision finale revient toutefois auConseil des ministres du gouvernement du Québec, après discussion à partir du rap-port d’analyse ministérielle. La décision du gouvernement, favorable ou non, est publiéesous la forme d’un décret gouvernemental.

La dernière étape de cette phase décisionnelle débute par la décision ultime dupromoteur lui-même. En effet, ce dernier doit décider de l’issue finale selon les pos-sibilités qui lui sont offertes. Il peut soit réaliser, modifier ou retarder la mise en placedu projet prévu et accepté, soit, dans le cas d’un refus gouvernemental, reprendrel’examen d’un nouveau projet ou abandonner toute visée en ce sens. Lors de cir-constances exceptionnelles (de nombreuses craintes ou des oppositions manifestesexprimées lors de l’examen), le promoteur pourait aussi décider, de sa propre initiative,d’abandonner tout simplement la réalisation de son projet. Toutefois, cette phase setermine habituellement par la «réalisation du projet».

La dernière phase de la procédure, la phase VI, concerne la surveillance, le contrôleet le suivi du projet. Cette ultime étape peut s’étendre sur plusieurs années après lamise en place des installations et le début des opérations relatives au projet.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La procédure que nous venons d’examiner ne s’applique que pour le Québec méri-dional, d’autres régimes étant en vigueur dans les régions nordiques. Ils sont le résultatd’ententes antérieures entre le gouvernement canadien, le gouvernement québécoiset les groupes autochtones habitant les vastes territoires du nord du Québec. Ces ententessont survenues dans le cadre des délibérations sur les projets hydroélectriques de labaie James ayant abouti à l’accord contenu dans la Convention de la baie James etdu Nord québécois. Deux règlements particuliers régissent ainsi le nord du Québec;ce sont le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnementet le milieu social dans le territoire de la baie James et du nord québécois» (c.Q-2,r.11) et le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnementet le milieu social dans le Nord-Est québécois» (c.Q-2, r.10). Le projet hydroélectriqueGrande-Baleine précédemment mentionné se situe justement à l’intérieur de ces limitesdu Québec nordique.

L’éventuelle révision de la procédure québécoise

La révision de la procédure québécoise est venue bien près d’être confirmée lors del’examen du projet de loi 61, intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’envi-ronnement. Ce projet de loi comprend des modifications relativement mineures quantà la tenue de l’évaluation d’impacts, mais néanmoins essentielles à la mise à jour duQuébec par rapport à l’évolution des pratiques au cours des dernières années.

Le projet de loi 61 fut présenté et sanctionné à l’Assemblée nationale du Québecà l’hiver 1992. Il n’est toutefois pas encore en vigueur à l’heure actuelle (mai 2000).En fait, seulement trois articles mineurs de la Loi furent mis en vigueur, dont deux

La consultation publique au Québec

Depuis le début des activités du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE),la population du Québec a été consultée au sujet de 183 projets. À la suite de la demandede requérants auprès du ministre de l’Environnement, 97 de ces projets ont donné lieuà des audiences publiques, alors que 27 cas faisaient plutôt l’objet d’une médiation.

Les types de projets les plus fréquents ayant fait l’objet de consultations publiques sont :les routes et infrastructures routières (39), les lieux d’enfouissement sanitaire (27), lescentrales d’énergie électrique (13) et les lignes ou postes énergétiques (9).

Lors d’une des audiences, celle portant sur la «gestion des matières résiduelles au Québec»,415 citoyens et organismes ont déposé un mémoire devant les commissaires du BAPE.

Source : Dugas, 1999.

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L’évaluation des impacts environnementaux

sont depuis suspendus. La mise en place de la nouvelle loi suppose aussi la présen-tation et l’adoption d’un nouveau règlement général, le «Règlement sur l’évaluationenvironnementale» (L.R.Q., c. Q-2, a. 31.9.20), encore en phase de consultation. Lesdélibérations entre les différents acteurs sociaux et économiques se poursuivent enfait depuis bientôt une dizaine d’années, et ce, uniquement afin de réviser légèrementune loi existante. Ce long exercice de négociation expose clairement les difficiles com-promis de la négociation environnementale entre les multiples intérêts.

Parmi les innovations espérées notons que tout programme ou toute politiquedu gouvernement provincial pourra désormais être soumis à la procédure d’évalua-tion d’impacts. Actuellement, seuls les projets sont assujettis. En outre, les autoritésmunicipales pourront elles aussi demander d’y être soumises. La nouvelle Loi qué-bécoise sur l’évaluation prévoyait aussi les modifications substantielles suivantes :

• la tenue d’une audience publique ou d’une médiation, à la discrétion du Ministre;

• la détermination de deux types de projets, ceux à enjeux ou impacts majeurset ceux à enjeux ou impacts mineurs ;

• de nouveaux pouvoirs discrétionnaires du ministre de l’Environnement et dugouvernement du Québec, particulièrement en ce qui concerne le retrait decertains projets à une partie (audience publique) ou à la totalité de la procé-dure d’évaluation.

La détermination des projets selon qu’ils impliquent ou non des «enjeux ou impactsmajeurs» illustre clairement l’un des aspects subjectifs de l’ÉIE, laissant libre coursau pouvoir discrétionnaire des autorités. La démarcation des projets entre ceux à enjeuxmajeurs et ceux à enjeux mineurs est décidée par le ministre de l’Environnement, puisapprouvée par le gouvernement, à partir d’une liste de projets contenue dans l’éven-tuel règlement. En fait, la deuxième liste peut contenir des projets à enjeux ou impactsmajeurs ou mineurs, le choix étant laissé de nouveau à la discrétion du Ministre etdu gouvernement. Il existe bien sûr un risque de confusion important entre les deuxtypes de projets, et il est bien possible que cette dichotomie ne soit pas retenue dansle projet de loi qui sera effectivement mis en place. Cet aspect équivoque, source denombreuses discussions contradictoires entre les intervenants, ne sera probablementpas retenu dans la nouvelle législation.

L’accroissement du pouvoir discrétionnaire du Conseil des ministres et duministre de l’Environnement, notamment en ce qui concerne le pouvoir de soustraireun projet à la procédure, représente actuellement l’un des enjeux retardant la miseen application de la Loi. Le pouvoir accru des autorités gouvernementales dans le pro-cessus est un lieu propice de désaccord entre les divers intervenants.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La médiation, inscrite désormais dans la nouvelle loi fédérale canadienne,deviendra dorénavant un mécanisme officiel de la procédure québécoise. Concrètement,dans certains cas, on avait eu recours à la médiation depuis quelques années. Celaétait généralement effectué sous la responsabilité du BAPE, de par son pouvoir d’en-quête.

Une autre nouveauté dans la procédure québécoise est qu’en principe, doréna-vant, «toute politique et tout programme du gouvernement» seront assujettis à laprocédure d’évaluation environnementale. Cela signifie une plus grande prise en comptedes aspects environnementaux dans les «affaires et les pratiques» de l’État grâce àl’«évaluation stratégique des impacts» (ÉIS). Il s’agirait là bien sûr d’un élargissementde la portée actuelle de l’ÉIE.

Toutefois, il semble que la nouvelle loi permettrait une réduction de la notionmême d’environnement, par rapport à la définition plus étendue contenue dans lalégislation antérieure de 1978. L’environnement se réduirait ainsi au seul «aspect bio-physique en milieu ambiant». Cette inclination à vouloir réduire l’étendue de la notiond’environnement n’est pas bien claire ni évidente, car les divers éléments de l’envi-ronnement habituellement concernés sont pourtant inclus dans le texte du nouveaurèglement présenté.

Parmi les éléments nouveaux, modifiés ou précisés par la nouvelle législation, onretrouve aussi :

• la présentation par le promoteur d’un «programme d’analyse environne-mentale», programme à être approuvé par le Ministre ;

• la consultation de la population dès la présentation initiale du projet, doncbien avant l’évaluation des impacts, afin de permettre l’intégration des pré-occupations du public dans la directive ;

• la présentation claire et détaillée de la description et de la justification du projet;

• la description précise des mesures d’atténuation et de compensation prévues;

• la description des variantes de réalisation du projet ou la présentation de laprésélection effectuée selon des critères clairement définis ;

• l’élaboration d’«options de réalisation» ou d’«options de remplacement» auprojet, s’il y a lieu;

• l’analyse comparative des variantes et de la sélection effectuée;

• l’évaluation et la mesure des impacts positifs et négatifs, y compris les «effetsdirects, indirects, cumulatifs, différés et irréversibles» ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• la réalisation d’un résumé de l’étude d’impacts, à incorporer au rapportd’ÉIE;

• la consultation de la population par le BAPE concernant l’étude d’impacts ;

• la prise en compte des enjeux exprimés par la population;

• l’audience publique ou le processus de médiation sous les auspices du BAPE,à la discrétion du Ministre, après demandes publiques.

Malgré la mise en veilleuse de la révision de la procédure, la pratique québécoiseen ÉIE évolue tout de même. C’est ainsi qu’au cours des dernières années, par unesimple modification de la procédure administrative du ministère de l’Environnementet de la Faune (MEF) de l’époque, le processus d’émission de la directive a été modifié.Alors que l’émission de la directive par le Ministère était du cas par cas jusqu’alors,la nouvelle pratique dispose désormais d’une série de «directives types» pouvant êtreémises dès réception du dossier d’avis de projet. Ces directives types, une quinzaineactuellement (1999), devraient éventuellement inclure tous les grands secteursnévralgiques d’activité.

Législation nationale en Guinée

La législation nationale guinéenne en ce qui a trait à l’évaluation d’impacts est uneillustration éloquente d’un assemblage législatif complet. En effet, à partir d’un pointde vue très général sur la protection de l’environnement (Code de l’environnement),les autorités de Guinée élaborent peu à peu, à l’aide de textes successifs de plus enplus précis (décret, ordonnance et arrêté), la procédure à suivre jusque dans les moindresdétails.

Les pièces maîtresses de cet assemblage législatif guinéen en ÉIE sont :

– Code sur la protection et la mise en valeur de l’environnement (1987) ;

– Décret codifiant les études d’impacts sur l’environnement (1989) ;

– «Arrêté 990» du ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement (1990).

La première pièce, le Code sur la protection et la mise en valeur de l’environ-nement (Ordonnance 045/PRG/SGG/87) de mai 1987, est un texte législatif généralsur l’ensemble des questions environnementales. Ce code de l’environnement (114 ar-ticles) est un peu l’équivalent de la Loi québécoise sur l’environnement. Il aborde doncles thèmes généraux de protection des milieux récepteurs (sol, sous-sol, eaux conti-nentales, eaux maritimes et ressources ainsi que l’air), de mise en valeur du milieunaturel et humain (établissements humains, faune et flore) et de lutte aux nuisances

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(déchets, substances nocives ou dangereuses ainsi que le bruit et les odeurs). Ce n’estqu’aux articles 82 et 83 que le Code aborde le thème de la procédure d’étude d’im-pacts. Le premier de ces articles soumet tout projet pouvant porter atteinte à l’envi-ronnement à la procédure d’étude d’impacts. Le deuxième article (83) signale, d’unepart, qu’un décret d’application devra préciser la procédure globale à suivre ainsi queles projets qui devront y être soumis (ce sera le décret de 1989), et que, d’autre part,un arrêté de l’autorité ministérielle chargée de l’environnement (l’Arrêté 990 àvenir) devra réglementer le contenu, la méthodologie et la procédure à suivre.

Le Décret codifiant les études d’impacts sur l’environnement (Décret 199/PRG/SGG/89) de novembre 1989 décrète obligatoire la réalisation d’une étude d’impactsdans le cas des projets mentionnés sur une liste d’inclusion placée en annexe. Seulssont exclus les «travaux d’entretien et de grosse réparation» (article 2). Les types deprojets soumis à la procédure d’ÉIE selon les secteurs d’activité sont :

• aménagement rural : exploitation forestière ;

• domaine public maritime et fluvial: endigage, ports, exploitation des ressourcesminérales en zones maritimes, aquaculture, pêche industrielle, rejets de sub-stances dans le milieu marin;

• secteur de l’énergie : barrages hydroélectriques et centrales thermiques, lignesélectriques et stockage souterrain d’hydrocarbures ;

• extraction de matériaux: exploitation de carrières, concession et exploitationminière, et stockage souterrain de déchets industriels ;

• infrastructures de transport : aérodrome, voies ferrées et routes ainsi qu’oléo-ducs et gazoducs ;

• installations classées : usines et manufactures de première classe ;

• tourisme et loisirs : camping, hôtels (plus de 50 lits) et établissements de loi-sirs de nuit ;

• aménagements des eaux continentales: aménagement des cours d’eau, ouvragesd’adduction d’eau et programme d’irrigation;

• urbanisme: grands projets d’urbanisation, dont stations d’épuration et de trai-tement.

Quant à lui, l’Arrêté 990 du ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement(Arrêté 990/MRNE/SGG/90) de mars 1990 énumère en détail les différents élémentsque devrait contenir le rapport de l’étude d’impacts. Une deuxième section, beau-coup plus sommaire, détermine les grandes étapes de la procédure ainsi que les délais

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L’évaluation des impacts environnementaux

et responsabilités de chacun (promoteur, nommé ici «pétitionnaire ou maître de l’ou-vrage», ministre de l’Environnement, Direction Nationale de l’Environnement et ConseilNational de l’Environnement).

Tels que déterminés dans l’Arrêté ministériel, les cinq parties obligatoires d’uneétude d’impacts ainsi que les éléments à prendre en considération sont :

• description du projet: objet, localisation, coût de réalisation, date et échéancier;

• analyse de l’état initial du site et de son environnement (avec une attentionspéciale aux éléments susceptibles d’être perturbés :

• géologie et pédologie, dont gisements exploitables et sites fossilifères ;

• hydrogéologie: caractérisation des eaux souterraines, sources et puits de cap-tages avoisinants, qualité des eaux souterraines et leur vulnérabilité ;

• milieu naturel, faune et flore: caractérisation des milieux et hiérarchisationde leur valeur biologique;

• paysages et sites : sites inscrits ou protégés, monuments classés, et photo-graphies du site ;

• bruits, odeurs, pollution atmosphérique: niveau de bruit ambiant, odeurspossibles, direction des vents et sources éventuelles de pollution atmo-sphérique;

• circulation et infrastructures : accès au site, trafic et état du réseau;

• activités socio-économiques : analyser les effets socio-économiques etsociaux sur la population (habitudes de vie, mœurs et comportements) ;

• effets du projet sur l’environnement: sur tous les éléments énumérés précé-demment, mais notamment sur les cinq dernières catégories ;

• justification du projet du point de vue environnemental : choix du site (argu-menter le choix sur tous les éléments) et technique d’exploitation appropriée;

• atténuation et réduction des impacts : mesures d’atténuation et de compen-sation si envisagée ainsi que dépenses affectées à celles-ci.

D’autres outils législatifs complètent l’assemblage législatif guinéen en ÉIE. Il s’agitde l’Ordonnance 022/PRG/89 de mars 1989 modifiant certains articles du Code del’environnement, notamment ceux concernant les amendes et les peines d’empri-sonnement en cas de pénalités ; du Décret 200/PRG/SGG/89 de novembre 1989 por-tant sur le régime juridique des Installations classées pour la protection del’Environnement ; et enfin du Décret 201/PRG/SGG/89 de novembre 1989 portantsur la «Préservation du milieu marin contre toutes formes de pollution».

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

MONDIALISATION ET HARMONISATION DE L’ÉIE

Le contexte général de la mondialisation de l’économie et des politiques, jumelé à laprise en compte internationale de l’environnement, entraîne des engagements fermesen faveur de l’ÉIE sur l’ensemble de la planète. Rappelons simplement que laConférence de Rio de Janeiro, au Brésil (1992), réunissait pour la première fois leschefs d’État de toutes les nations au sujet des problèmes environnementaux. La confé-rence reposait sur un esprit de solidarité mondiale et elle faisait appel à la reconnaissancede la responsabilité de tous les pays concernant la conservation de l’environnement.Plus concrètement, les pays participants devaient réaliser une évaluation globale dela situation de l’environnement sur leur territoire. Pour certains, il s’agissait d’un pre-mier «bilan» environnemental national et d’une première prise de conscience des pro-blèmes concrets et des solutions possibles.

La reconnaissance mondiale du tandem «développement-environnement» seretrouve notamment dans le «pacte» que constitue l’Agenda 21 (Action 21, 1993)issu des discussions de Rio. Les plus récents accords de l’Organisation mondiale ducommerce (OMC), organisme régissant le commerce international (anciennementles «accords du Gatt») abondent aussi dans le même sens.

Plusieurs conventions et traités internationaux ratifiés au cours de la dernièredécennie imposent ou recommandent fortement l’évaluation environnementale desprojets. C’est le cas notamment de la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’en-vironnement dans un contexte transfrontière ratifiée en 1991 (Nations Unies, 1991),tout comme de la Convention sur la biodiversité ratifiée en 1992 (PNUE, 1996 etKrattiger et coll., 1994) et de la Convention sur le commerce international desespèces menacées (Convention on International Trade of Endangered Species :CITES) de 1994. L’internationalisation des interventions en environnement se pour-suit aussi dans le récent (1992) règlement de la CEE concernant l’«écoaudit», ainsique par les efforts de normalisation dans le domaine de l’environnement, notammentles normes ISO (ISO 14000) (Lamprecht, 1997), malgré l’échec en ce qui concernel’adoption d’une norme spécifique à l’ÉIE.

Par ailleurs, les agences gouvernementales d’aide internationale au développe-ment, telles que l’Agence canadienne de développement international (ACDI),emboîtent elles aussi le pas. Ainsi, à la suite de l’adoption en 1992 d’une politiqueenvironnementale en accord avec les principes du développement durable, l’ACDImettait en œuvre un plan d’action afin d’intégrer les préoccupations environnementalesà son processus décisionnel, notamment par la promotion de l’ÉIE (ACDI, 1992). D’autre

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part, comme l’enseignement et le transfert des connaissances entre les pays indus-trialisés et ceux en voie de développement constitue l’un des mandats prioritaires detels organismes, l’ACDI parraine désormais un programme de renforcement insti-tutionnel et universitaire en Afrique francophone (ACDI, 1994). Les agences d’aideinternationale des autres pays ont elles aussi établi des politiques et des programmessimilaires.

Parmi les autres incitatifs influents en faveur de la diffusion et de la généralisa-tion de l’ÉIE, on retrouve les grands bailleurs de fonds internationaux. Ces derniers,grâce à de nouvelles exigences concernant l’acceptabilité environnementale des pro-jets de développement, espèrent inciter tous les promoteurs, et par ricochet tous lesdécideurs du monde entier, à prendre en compte l’environnement dans l’évaluationd’un projet. L’initiative des grands bailleurs de fonds en faveur de l’évaluation envi-ronnementale, préalable au financement des projets, s’accomplit grâce à l’émissionde lignes directrices et de politiques bien précises. C’est notamment le cas de la Banquemondiale (World Bank, 1991) et de la Banque africaine de développement (AfricanDevelopment Bank, 1992), que nous verrons en détail plus loin. Ce premier mou-vement international en faveur de l’évaluation environnementale des projets est appuyépar des traités ou des conventions internationales concernant l’environnement, et toutparticulièrement par la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnementdans un contexte transfrontière ratifiée en 1991 (Nations Unies, 1991).

Figure 3.4

Carte du monde

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Ces deux mouvements internationaux de prise en compte de l’évaluation desimpacts environnementaux, que nous allons examiner plus loin, concourent vers desobjectifs communs. Tout d’abord, il s’agit d’une prise en compte planétaire de l’éva-luation des impacts : bientôt, plus personne ne méconnaîtra l’évaluation environne-mentale et la coopération internationale s’intensifiera dans ce domaine. D’ailleurs,la diffusion des démarches et des méthodes propres à l’ÉIE a pris une nouvelle dimen-sion: en moins de dix ans, l’ÉIE devenait institutionnalisée dans la plupart des pays.De plus, les organismes internationaux participent de manière active en faveur de l’uti-lisation de l’ÉIE; ici et là l’étude d’impacts devient une procédure normale et obli-gatoire des processus de décision. Parmi les organismes internationaux, il ne faudraitpas oublier l’International Association of Impact Assessment (IAIA), un organismeprofessionnel regroupant les experts internationaux en évaluation d’impacts qui par-court le monde depuis près de vingt ans avec son congrès annuel (IAIA Newsletter,1999), ainsi que le regroupement récent de ses membres francophones autour duSecrétariat francophone de l’Association internationale d’évaluation d’impacts(Interface, 1999).

Depuis quelques années déjà, les institutions bancaires assumaient un rôleconcret et éminemment pragmatique dans le domaine de l’environnement. Le déve-loppement de la «doctrine de la responsabilité» (Jonas, 1990) et la prise en comptedes risques écologiques ont obligé les établissements de crédit à examiner la pratiqueet la politique environnementale de l’«entreprise» demanderesse, qu’elle soit publiqueou privée, avant d’octroyer un financement. Les banques exigent donc désormais cer-taines garanties de «bonnes pratiques environnementales» avant de financer tout projetde développement. La plupart des institutions financières ont ainsi développé leurpropre politique de l’environnement, soit en créant des fonds particuliers en faveurde l’environnement, soit en exigeant des «demandeurs» qu’ils suivent certaines pro-cédures avant l’obtention d’un prêt. Cette nouvelle pratique des banques comprendnotamment la tenue d’audit environnemental et d’évaluation d’impacts. Cette pra-tique est justifiée par le fait que les atteintes à l’environnement peuvent affecter consi-dérablement la valeur des biens en garantie. De plus, dans certains cas, notammentaux États-Unis et au Canada, les prêteurs pourraient être tenus solidairement res-ponsables de tout dommage à l’environnement, qu’il soit antérieur ou ultérieur à l’en-tente financière. Il s’agit dans ce cas de «responsabilité objective», c’est-à-dire d’uneresponsabilité considérée sans faute. Les institutions financières encourent donc cer-tains risques du simple partage des responsabilités environnementales avec leurs clients.

Cette situation de risques partagés entre entrepreneurs et banquiers est particu-lièrement importante dans le cas de terrains contaminés, dont les prêteurs héritent

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parfois du seul fait de la non-solvabilité des derniers propriétaires en titre. Ainsi, auxÉtats-Unis, dans le cadre législatif du CERCLA (Comprehensive EnvironmentalResponse, Compensation and Liability Act 1980), dénommé couramment «Superfund»(Superfund Amendments and Reauthorization Act of 1986 (SARA)), la prise en charged’un site contaminé, même par la simple exécution d’une hypothèque, rend ipso factol’institution financière responsable. En avril 1992, une «circulaire» de l’EPA, EPA FinalRule on Lender Liability, s’est efforcée de redresser quelque peu la situation en faveurdes banques, sans toutefois dénier toutes les responsabilités de celles-ci (London, 1993).Il y est notamment question du droit de l’emprunteur d’exiger un audit environne-mental ou une remise en état du site, ainsi que le respect de la réglementation envi-ronnementale en vigueur. Cette nouvelle pratique signifie que non seulement le res-ponsable d’une contamination du sol pourrait être contraint de réparer les dommagescausés, entre autres en décontaminant le terrain en question, mais l’acheteur ulté-rieur du terrain aussi ou la banque ayant accordé un financement à la sociétécondamnable.

En mai 1992, à New York, les représentants de grandes banques commercialesadoptaient la «Déclaration des Banques sur l’Environnement et le Développementdurable». La déclaration insistait sur les responsabilités collectives vis-à-vis de la conser-vation de l’environnement et du rôle prioritaire de l’environnement parmi les acti-vités des entreprises, y compris pour les banques. Les signataires (29 grandes banquesimpliquant 23 pays) s’engageaient à faire respecter les «meilleures pratiques enmatière d’environnement», et ce, en tant que facteur clé pour une gestion efficacede l’entreprise (London, 1993).

L’un des plus profonds encouragements en faveur de l’ÉIE découle sans doutedes nombreuses poursuites en dommages consécutives aux catastrophes environne-mentales des dernières années. Parmi ces catastrophes, notons les poursuites des com-munes françaises contre la Standard Oil, à la suite du déversement de pétrole de l’Amoco-Cadiz (1978), celle de l’Exxon-Valdez sur les côtes de l’Alaska (1990) et toutparticulièrement les poursuites contre les dirigeants de l’entreprise responsable desmeurtrières vapeurs toxiques de Bhopal aux Indes (1985). Dans ce dernier cas trèsrévélateur et lourd de conséquences, plusieurs membres étrangers de la haute direc-tion de l’entreprise furent traduits devant les tribunaux locaux pour négligence grave.

La France, tout comme la plupart des pays industrialisés, entreprit une réformedu Code pénal en 1994. Cette réforme introduisait des modifications à la loi fran-çaise, et particulièrement la responsabilité des personnes morales (entreprises, col-lectivités locales) en cas de nuisance à l’environnement. Auparavant, seulement lespersonnes physiques pouvaient en être tenues responsables (Dron, 1995).

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Lors de la conférence de Rio, vingt ans après celle de Stockholm en 1972, les par-ticipants réaffirmèrent donc le rôle essentiel de la planification environnementale dansla gestion des affaires humaines. La Déclaration de Rio concrétisait aussi l’interdé-pendance des États, et ce, quel que soit leur niveau de développement (Dron, 1995).Toutefois, malgré les fortes pressions en sens inverse des organisations internationalesnon gouvernementales et du droit international, les engagements issus de Rio réitèrentla souveraineté des États. Cet état de fait expose clairement « l’impossibilité pour uneorganisation supranationale d’exercer envers l’un d’eux une rétorsion quelconque,hormis les embargos, plus ou moins respectés d’ailleurs» (idem). En conséquence,l’incitation en faveur de la planification environnementale, et notamment de l’ÉIE,doit passer avant tout par la mise en œuvre d’accords et de conventions internatio-nales, ainsi que par la poursuite des exigences des grands bailleurs de fonds.

Le nouveau contexte mondial favorisé par les sociétés transnationales permet d’en-trevoir cependant le dépassement des structures de régulation étatique nationale. Lespratiques bancaires et les multiples échanges internationaux entraînent la mise enévidence de la pluralité des ententes et des conflits possibles, mais surtout le dépas-sement tous azimuts des structures étatiques (Lascoumes, 1986). La rationalitépropre des sociétés transnationales tendra ainsi à favoriser de nouveaux processus degestion et de décision libérés des cadres étatiques trop restrictifs.

La pratique internationale de l’ÉIE se dirige donc lentement vers une relative «har-monisation» et une inévitable «recherche de cohérence» des politiques, des procé-dures, des démarches méthodologiques et des méthodes employées dans le domainede l’évaluation des impacts environnementaux, sans toutefois nier les particularitéspropres à chacun et parfois fort utiles à la gestion de l’environnement. Néanmoins,afin que les outils de l’ÉIE puissent agir concrètement, la pression des organisationsnon gouvernementales et des experts en études d’impacts devra se poursuivre. Ce n’estqu’ainsi qu’on pourra contrebalancer les tendances inverses issues de la déréglementationet de l’insidieuse « loi du marché» toute puissante.

PROCÉDURES D’ÉIE DES GRANDS BAILLEURS DE FONDS

Au début des années 1990, des procédures («directives») d’évaluation environnementalepréalables au financement des projets furent successivement émises par la Banque mon-diale (World Bank, 1991), la Banque africaine de développement (African DevelopmentBank, 1992), la Banque asiatique de développement (Asian Development Bank, 1993)et la Banque interaméricaine de développement (Inter-American DevelopmentBank, 1994). Rappelons que les nombreux échanges entre les grandes banques

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internationales ont mené en 1992 à la «Déclaration des Banques sur l’environnementet le développement durable».

Nous n’allons examiner ici que les exigences environnementales de deux des banquesles plus importantes au niveau international dans le contexte de l’ÉIE pour les paysfrancophones. Nous avons précédemment abordé les questions relatives à l’influencedes organismes internationaux en ce qui concerne les exigences d’évaluation des impactsainsi que la tendance à la standardisation des études à l’échelle mondiale. Nous revien-drons donc sur le rôle déterminant de la Banque mondiale dans ce domaine, et, parricochet, à celui de la Banque africaine de développement.

Procédure de la Banque mondiale

La Banque mondiale (World Bank) est née avec la formation du «Fonds monétaireinternational» à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Son nom véritable est «Banqueinternationale pour la reconstruction et le développement» (BIRD). Son occupationprincipale demeure le financement de projets de développement, majoritairement dansles «pays dits en voie de développement». La procédure type d’évaluation desimpacts environnementaux, préalable à l’acceptation des projets de développementdevant être soumis aux organismes internationaux de financement, est en majeurepartie issue des exigences de la Banque mondiale, celle-ci étant sans contredit la pion-nière en ce domaine.

L’importance d’une institution comme la Banque mondiale dans le domaine del’environnement est considérable. Son influence est déterminante en ÉIE, notammentparce que, contrairement à d’autres organismes internationaux comme le Programmedes Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations Uniespour l’environnement (PNUE), la Banque «possède aussi les moyens de ses politiques»(Le Prestre, 1997).

À la suite de nombreuses pressions en provenance d’organisations non gouver-nementales (ONG) au début des années 1980, le Congrès américain imposa une vaguede réformes à la direction de la Banque. Ces réformes visaient l’amélioration de laprise en compte des préoccupations environnementales dans les projets de dévelop-pement. Un premier document de prise en compte de l’environnement (une direc-tive environnementale) fut publié peu après (World Bank, 1984). Puis, vers la fin desannées 1980, les autorités de la Banque instituèrent une série de procédures parti-culières concernant l’évaluation environnementale pour tout projet devant êtresoumis à son autorité.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La Banque mondiale fut aussi dotée d’un département de l’environnement en1987, mais une «cellule environnementale» existait déjà depuis 1982 (World Bank,1996a). Ce département comprenait à l’origine seulement 28 des 6000 employés dela Banque. C’est à cette époque qu’on décida aussi de financer des projets spécifiquementdédiés à la conservation de l’environnement, le «plan d’action pour les forêts tropi-cales», par exemple. La Banque favorisa aussi la participation des diverses ONG à laréalisation des projets. Ce n’est finalement qu’en 1989 que la Banque institutionna-lisa l’ÉIE préalable à l’acceptation des projets, par l’entremise d’une directive expli-cite à ce sujet.

Selon une étude effectuée par la Banque au début des années 1990, seulement22% des projets financés sous ses auspices étaient conformes aux récentes directivesenvironnementales de l’entreprise bancaire. Un total de 1300 projets, répartis dans113 pays et représentant des investissements de 360 milliards de dollars, dont 133 mil-liards à la charge même de la Banque, furent examinés pour cette étude (Ferrié, 1994).Depuis l’instauration de la directive de 1989, et ce, jusqu’en 1995, plus d’un millierde projets de développement de la Banque furent subordonnés à une analyse préli-minaire afin qu’on en connaisse les éventuels impacts sur l’environnement (WorldBank, 1996a).

Par ailleurs, les responsabilités de la Banque mondiale en matière de conserva-tion de l’environnement ont récemment été augmentées. Ainsi, à la suite de laconférence de Rio sur le développement et l’environnement en 1992, la Banque mon-diale s’est vu confier la gestion du Fonds pour l’environnement mondial (FEM). LeFEM est un mécanisme financier offrant dons et aides financières, destiné aux pro-jets visant à protéger l’environnement mondial, notamment dans les pays en voie dedéveloppement. Le programme pilote du FEM fut instauré en 1991, mais il est depuis1994 sous l’égide de la Banque mondiale (Subiza, 1994).

Sous la sanction ultime de ne plus octroyer de crédits à l’avenir, la Banque peutexiger des États récipiendaires certaines conditions parmi les suivantes (London, 1993):

• adopter une législation en matière d’environnement ou le renforcement de celle-ci;

• exécuter des études particulières en environnement ;

• mettre en place des procédures de contrôle environnemental ;

• assurer le respect de la législation existante et des conventions internationales;

• procéder à des audits environnementaux;

• mettre en place des programmes particuliers de protection des ressources.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La procédure d’évaluation exigée par la Banque mondiale prévoit le classementdes projets dans l’une ou l’autre des catégories d’étude prévues à cet effet. La caté-gorie est déterminée à partir de l’ampleur des impacts environnementaux anticipéspour chaque type de projet. La procédure d’évaluation mise en place par la Banquemondiale distingue désormais deux types de projets seulement (antérieurement, onen distinguait trois) devant se soumettre à un examen d’études d’impacts. Il s’agitde ceux nécessitant une évaluation détaillée des impacts (catégorie A) et de ceux nerequérant qu’une analyse environnementale (catégorie B). Bien entendu, la réalisa-tion d’une évaluation des impacts environnementaux est plus ou moins complète selonla catégorie de projet. Les projets classés dans la catégorie A doivent suivre une pro-cédure d’ÉIE exhaustive. Les deux autres catégories de projets (C et D) ne requièrenthabituellement aucune étude particulière, mais pourraient exceptionnellement êtreassujetties à la procédure de catégorie A ou B.

La procédure détaillée de la Banque mondiale est inscrite dans une «directive opé-rationnelle (Operational directive 4.00-Annex A)» publiée en 1989 (World Bank, 1991).De légères modifications furent toutefois apportées en 1991 lors de l’émission de larévision d’une partie de la directive. Cette nouvelle directive, la «directive 4.01», concernetout particulièrement l’influence et l’ampleur que devrait prendre la participationpublique. Plus récemment, de nouvelles orientations en faveur des évaluations stra-tégiques furent publiées, notamment au sujet des évaluations régionales et sectorielles(World Bank, 1993).

Actuellement, la séquence idéale du processus de gestion d’un projet pour la Banquemondiale démarre avec une évaluation stratégique, se poursuit par l’évaluation desprojets et se boucle par un suivi postprojet (Environmental Post Audit) (Goodlandet Mercier, 1999). Quoique l’évaluation de projet soit devenue routinière, les auto-rités de la Banque reconnaissent qu’en pratique les évaluations stratégiques sont plutôtrares mais que les suivis postprojets sont en progression (idem).

Préoccupations environnementales de la Banque mondiale

Selon la directive de la Banque mondiale, la «directive opérationnelle DO 4.00» (WorldBank, 1991)6, une évaluation environnementale devrait inclure les aspects générauxsuivants :

6. Les trois volumes publiés en 1991 par la Banque mondiale, Environmental Assessment Sourcebook,viennent tout juste d’être traduits en français, grâce à la collaboration du Secrétariat francophonede l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts sous le titre de Manuel d’évaluation envi-ronnementale (été 1999).

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• des données de base du milieu;

• les impacts directs et indirects prévus ;

• une comparaison environnementale systématique des solutions de rechange,des sites, des technologies et des designs ;

• un plan d’action des mesures préventives, d’atténuation et de compensation;

• un plan de gestion de l’environnement et un plan de formation;

• un plan de suivi.

La directive opérationnelle exige que les solutions de rechange à un projet et lesenjeux globaux doivent être clairement traités lors de l’élaboration de l’évaluation envi-ronnementale. La directive propose une liste des enjeux à considérer lors d’une telleévaluation. Selon cette liste, une évaluation environnementale convenable devrait traiternotamment des enjeux suivants :

• Agrochimie: favoriser une gestion intégrée de l’utilisation des pesticides et desfertilisants ;

• Biodiversité : recommander la conservation des espèces en danger (animaleset végétales), des habitats critiques et des aires de protection;

• Patrimoine culturel : protection des sites archéologiques, des monuments etdes lieux historiques ;

• Développement postprojet et autres aspects socioculturels : l’implantationd’un projet entraîne souvent un développement postprojet (e.g. agrandisse-ment d’une ville, exode rural), lequel peut provoquer des impacts majeurs indi-rects souvent difficiles à gérer pour les gouvernements locaux;

• Risques technologiques: tous les projets énergétiques et industriels devraientinclure un plan formel de prévention et de gestion des risques technologiques;

• Traités internationaux et accords sur l’environnement et les ressourcesnaturelles: incorporer ou réviser, dans le rapport d’évaluation, le statut et l’ap-plication des traités et accords ainsi que la nécessité de leur ratification. Il s’agitdonc de connaître les traités internationaux et les lois appliquées dans les dif-férents pays ;

• Utilisation du sol : la complexité des impacts physiques, biologiques, socio-économiques et culturels concernant l’utilisation du sol recommande une atten-tion bien particulière ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• Risques naturels : l’étude devrait examiner les risques que le projet soitaffecté par les catastrophes naturelles (tremblement de terre, inondation,activité volcanique) et devrait, le cas échéant, proposer des mesures préven-tives spécifiques ;

• Santé et sécurité publique: les projets énergétiques et industriels devraientinclure des plans formels pour promouvoir la santé et la sécurité publique;

• Bassins versants : promouvoir la gestion et la protection des bassins versants,pour les opérations reliées aux barrages, aux réservoirs et aux systèmes d’ir-rigation;

• Milieux humides: favoriser la conservation et la gestion des milieux humides(estuaires, lacs, mangroves, marais et marécages) ;

• Milieux naturels : la Banque s’est engagée à protéger les milieux naturels enincluant des mesures de compensation lorsque des impacts négatifs sont appré-hendés.

En ce qui concerne la gestion des ressources marines et côtières ainsi que les bar-rages et réservoirs, les produits dangereux, les voies navigables internationales, la relo-calisation des populations, les autochtones et les forêts tropicales, la Banque mon-diale se base aussi sur le respect des directives nationales et internationales existantesdans ces domaines.

Plus récemment, les préoccupations de la Banque concernaient la nouvelleorientation en faveur de l’évaluation environnementale régionale et sectorielle.L’évaluation environnementale régionale doit être entreprise lorsque plusieurs pro-jets de développement sont prévus dans une zone relativement bien localisée (WorldBank, 1993). Dans un tel cadre, il est nécessaire de considérer les impacts cumula-tifs, d’explorer les différents scénarios de développement et d’envisager une gestionà long terme. L’évaluation environnementale sectorielle, quant à elle, sera plutôt entre-prise dans le cadre d’un changement dans les politiques locales et dans les petits pro-jets locaux, de même que pour les grands secteurs d’activité comme les mines et lesressources énergétiques, ainsi que les secteurs forestier et agricole (World Bank, 1996b).

Contenu du rapport d’évaluation

Un rapport d’évaluation environnementale complet doit être transmis aux autoritésde la Banque, comme préalable à l’acceptation du financement d’un projet ou d’unprogramme de développement assujetti à la catégorie A. Ce rapport devrait être conciset mettre l’accent sur les enjeux environnementaux significatifs. Le degré de détails

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

devrait être relatif à l’ampleur des impacts potentiels, un projet important exigeantdonc un rapport exhaustif. Le rapport soumis aux autorités de la Banque peut êtrerédigé en anglais, en français ou en espagnol.

Selon la directive opérationnelle (DO 4.00), le rapport d’évaluation environne-mentale devrait contenir plus précisément les dix aspects suivants :

• Résumé synthèse en anglais : revue concise des différents éléments significa-tifs et des actions recommandées ;

• Contexte institutionnel, juridique, législatif et administratif : les différentscontextes dans lesquels l’évaluation environnementale a été préparée. Les exi-gences des cofinanciers devraient aussi être exprimées ;

• Description du projet : compréhension du projet dans les contextes géogra-phique, écologique, social, financier et temporel, ainsi que les projets connexesrequis par le projet (par exemple, conduites réservées, routes d’accès, héber-gement, matériel brut et facilité de stockage) ;

• Données de base: évaluation des dimensions de la zone (espace de référence)du projet et description des conditions physiques, biologiques et socio-économiques les plus importantes, y compris les changements éventuels anti-cipés avant le démarrage du projet. Les activités de développement, en coursou proposées, devraient également être intégrées ;

• Impacts sur l’environnement : identification et évaluation des impacts posi-tifs et négatifs résultant du projet proposé. Les mesures d’atténuation et lesimpacts résiduels ne pouvant être minimisés devraient être définis clairement.Les possibilités de mise en valeur de l’environnement devraient être aussi explo-rées. L’ampleur et la qualité des données disponibles ainsi que les incertitudesreliées aux prédictions et les données absentes devraient être clairement rele-vées et estimées ;

• Analyse des solutions de rechange : comparaison systématique des solutionsproposées en termes de conception, de localisation, de technologie, d’inves-tissements et de variantes d’exploitation. Pour chacune des solutions, lesavantages, coûts et bénéfices devraient être quantifiés. Les paramètres ayantservi à la sélection de l’option proposée devraient être clairement exposés ;

• Plan d’atténuation: établissement de la faisabilité et de la relation coûts-avantages des mesures d’atténuation pouvant réduire significativement et à unniveau acceptable un impact négatif appréhendé. Les frais associés et les coûtsd’entretien des mesures devraient eux aussi être estimés. De plus, l’estimationdes besoins institutionnels de formation et, ultérieurement, ceux concernant

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L’évaluation des impacts environnementaux

la surveillance et le suivi associés à ces mesures devraient être étudiés. Un plande gestion des mesures d’atténuation doit être présenté (plan d’action, détailsdu programme proposé et échéanciers). Le plan devrait inclure des mesures decompensation là où les mesures d’atténuation sont difficilement applicables outrop coûteuses;

• Gestion et formation environnementale : l’évaluation du personnel, du rôleet du potentiel de l’unité environnementale en place ainsi que pour les autresintervenants doit être indiqué. Des recommandations ainsi que les efforts déjàentrepris afin d’améliorer cette situation, notamment par des programmes deformation, devraient aussi y être précisés ;

• Plan de gestion environnementale: les spécifications du type de suivi, des inter-venants impliqués ainsi que les coûts inhérents et autres ressources nécessaires(formation) doivent être clairement indiqués ;

• Annexes: les annexes devraient contenir la liste des évaluateurs de l’étude (indi-vidus et organisation) et les références utilisées dans sa préparation, ainsi queles comptes-rendus des réunions entre les divers intervenants, incluant la listedes invités et adjoints. Enfin, la liste des consultations pour l’obtention de l’in-formation (divers points de vue), comprenant l’identification des populationsaffectées et des décideurs locaux ainsi que les autres moyens d’information etles acteurs consultés devraient compléter le rapport.

Procédure d’ÉIE de la Banque africaine de développement

La Banque africaine de développement (BAD) s’engagea elle aussi au début des années1990 à prendre en compte les préoccupations environnementales dans l’acceptationdes projets de développement à être financés sous ses auspices. Créée en 1963, la mêmeannée que l’Organisation de l’unité africaine (OUA), la Banque africaine débuta sesopérations financières en 1966 (Kêdowidé, 1993).

La Banque africaine s’engageait, en 1987, sur la voie de la prise en compte de l’en-vironnement, en créant une Division environnementale ; un poste de coordonnateurà l’environnement existait déjà depuis 1984. Ce n’est toutefois qu’en juin 1990 quela Direction de la Banque adoptait une politique environnementale. Puis, en 1992,la Banque émettait une «directive» concernant l’ÉIE mais pour son usage interne seu-lement. La directive de la Banque précise clairement la démarche à suivre et les lignesdirectrices à prendre en compte pour la réalisation du rapport nommé «évaluationenvironnementale» (ÉE) (African Development Bank, 1992).

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Dans l’ensemble, la politique environnementale de la Banque africaine de déve-loppement, ainsi que les directives d’application de celle-ci, se situe bien dans la mêmecontinuité que celle définie et précisée par la Banque mondiale, cette dernière ser-vant ainsi de cadre de référence à la première, tout comme à l’ensemble des autresgrandes banques d’aide au développement à travers le monde.

Préoccupations environnementales de la Banque africaine

Les principales préoccupations environnementales de la Banque africaine sont reliéesaux problèmes relatifs à la gestion des déchets et à la qualité de l’eau. Dans lecontexte de la plupart des pays africains, il n’est pas surprenant de constater que laconservation et la protection des ressources en eau sont sans doute les plus impor-tantes inquiétudes concernant l’impact des projets de développement. L’ampleur gran-dissante de la gestion des déchets dans le milieu urbain en pleine expansion est aussiune question de plus en plus préoccupante (Aw, 1996).

À l’instar de la Banque mondiale, la Banque africaine distingue diverses catégo-ries de projets devant faire l’objet d’un «examen préliminaire d’incidences environ-nementales». C’est ainsi que la procédure environnementale de la Banque classe lesdivers projets en trois catégories (catégories I à III) similaires à celles que nous avonsvues pour la Banque mondiale (Aw, 1994).

Parmi les aspects essentiels à prendre en considération pour la tenue des évaluationsenvironnementales, et qui devraient faire partie des «termes de référence» (directive)orientant l’examen, la Banque insiste tout particulièrement sur les sept aspects sui-vants (African Development Bank, 1992) :

• la responsabilité des différents intervenants dans la préparation du rapport d’éva-luation environnementale (ÉE);

• le respect de la procédure suggérée pour la réalisation de l’ÉE;

• l’identification des ouvrages de référence et des études disponibles utilisés ;

• l’identification des autres études et projets similaires, reliés au projet examinéou au lieu d’implantation (impact cumulatif) ;

• la mise en évidence des principales composantes environnementales ainsi quede leurs indicateurs (descripteurs) ;

• l’énumération des mesures d’atténuation pour chacun des impacts potentiels ;

• la préparation d’un plan de suivi, autant pour les phases de construction qued’exploitation.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La procédure de la Banque africaine recommande aussi de porter une attentionparticulière aux «zones environnementales fragiles». Parmi ces zones fragiles, on retrouveles récifs de corail, les mangroves et la forêt ombrophile tropicale.

Parmi les projets assujettis à la catégorie I, ceux «qui peuvent avoir des incidencesenvironnementales importantes nécessitant un examen approfondi sur le terrain etune étude de l’impact sur l’environnement (EIE)» (Aw, 1994). On y retrouve:

• barrages et centrales hydroélectriques ;

• centrales thermiques ;

• électrification à grande échelle ;

• mines (incluant hydrocarbures et gaz) ;

• oléoducs et gazoducs ;

• complexes industriels ;

• manufactures et transports de matières dangeureuses ;

• projets à risques d’accidents graves ;

• approvisionnement en eau et installations sanitaires à l’échelle urbaine;

• routes et chemins de fer ;

• ports, ouvrages côtiers ;

• aéroports ;

• développement touristique à grande échelle.

Contenu du rapport d’évaluation

Le rapport d’évaluation environnementale (ÉE) devant être présenté aux autoritésde la Banque pour l’acceptation d’un projet de financement devrait contenir plus pré-cisément les aspects suivants :

• Résumé synthèse: résumé des aspects significatifs et importants ainsi que desprincipales actions recommandées ;

• Introduction : identification des promoteurs et des conditions d’amorce duprojet ainsi que des divers intervenants, tant pour le projet que pour l’ÉE. Lajustification du projet et les ressources financières relatives au projet devraientaussi être clairement présentées ;

• Description du projet: la description du projet devrait inclure, à titre non res-trictif :

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• une description des matériaux bruts, des procédés, des équipements et desproduits utilisés ;

• les cartes, diagrammes et photographies disponibles ;

• un résumé des principales caractéristiques techniques, économiques et envi-ronnementales du projet ;

• Description de l’état de l’environnement actuel: la description devrait inclure:

• les conditions qualitatives et quantitatives actuelles de l’environnement phy-sique, biologique et humain;

• les limites spatiales de l’environnement concernées par le projet ;

• les éléments sensibles de l’environnement ;

• Options au projet : selon les contraintes, les objectifs et l’étendue des facteurséconomiques, techniques et environnementaux, plusieurs variantes ou solu-tions de rechange au projet devraient être étudiées. Les principales caracté-ristiques de chaque option devraient être présentées, ainsi que les principauxavantages et désavantages qui devraient être discutés et évalués. Les optionsnon retenues devraient être également incluses dans la discussion;

• Impacts environnementaux : cette section devrait décrire comment lesimpacts positifs et négatifs du projet sont déterminés et évalués. Les effets cumu-latifs, synergiques ou antagonistes devraient aussi être présentés. La présen-tation devrait inclure en outre :

• la source des impacts ;

• la nature des impacts ;

• la méthode d’évaluation des impacts ;

• la détermination des impacts résiduels significatifs (donc après mesures d’at-ténuation);

• Mesures d’atténuation: énumération des mesures d’atténuation proposées afinde réduire ou d’éliminer les impacts potentiels du projet. L’évaluation éco-nomique de ces mesures doit aussi faire l’objet de discussion;

• Conclusion : la conclusion devrait montrer clairement les principaux enjeuxdu rapport ;

• Références : les références scientifiques et techniques utilisées devraient êtreénumérées.

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L’évaluation des impacts environnementaux

CONVENTION SUR L’ÉIE DANS UN CONTEXTE TRANSFRONTIÈRE

Jusqu’en février 1991, l’ÉIE n’était quasiment envisagée qu’exclusivement dans les limitesterritoriales nationales. Mais lors d’une réunion sous l’égide des Nations Uniestenue à Espoo en Finlande, on ratifia la Convention sur l’évaluation de l’impact surl’environnement dans un contexte transfrontière (Nations Unies, 1991). L’entrée envigueur de la Convention n’intervint finalement qu’en 1998 et la première rencontredes parties, en mai de la même année à Oslo, en Norvège. Les premiers signatairesfurent les États membres de la Commission économique pour l’Europe (CEE) ainsique ceux du statut consultatif. Le Canada ratifia la convention en 1998 seulement,alors que les États-Unis l’avaient fait en février 1992 (Canter, 1996).

La Convention vise essentiellement à poser des balises pour les projets de déve-loppement ayant des impacts environnementaux au-delà du cadre national d’inter-vention. Pour la première fois, une entente multipartite large permettait la mise enplace d’une procédure de planificaton des projets débordant les frontières nationales.La Convention place bien sûr l’ÉIE comme l’outil privilégié de gestion de cette ques-tion. Dans le passé, cet aspect de l’ÉIE relevait du cas par cas, la pratique s’appuyaitsur des «manières de faire» ad hoc. Plusieurs accords bipartites ou multipartites res-treints existaient, comme l’entente canado-américaine de 1909 sur les eaux limitrophes(Saint-Laurent/Grands Lacs) et les ententes portant sur des fleuves internationaux,tels que le Niger et le Sénégal en Afrique, ainsi que le Rhin et le Danube en Europe.

Cette convention spécifique à l’ÉIE faisait suite à une première entente interna-tionale, la Convention de Genève sur la pollution au-delà des frontières, signée en1979, les deux conventions étant en grande partie issues de l’impact des précipita-tions acides, une question grandement médiatisée au cours des années 1970 et 1980,autant en Europe qu’en Amérique.

D’autres grandes conventions internationales abordent aussi la question del’évaluation des impacts environnementaux. Les accords sur les changements climatiqueset sur la protection de la couche d’ozone impliquent indirectement et implicitementla prise en compte de l’ÉIE dans sa dimension transfrontière. Mais plus explicitement,et de manière directe, c’est le cas de l’importante «Convention sur la diversité bio-logique» (Convention on Biological Diversity) ratifiée en 1992. L’article 14 de cetteconvention stipule clairement la nécessité de réaliser des ÉIE et de minimiser les impactssignificatifs, particulièrement sur les questions de biodiversité dans le contexte trans-frontière. On y recommandait, notamment, l’introduction de procédures appropriéesd’ÉIE et l’encouragement à la participation du public (Krattiger et coll., 1994). Nousexaminerons plus en détail cette dernière convention dans la prochaine section.

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

D’autre part, la gestion des questions transfrontières, voire des différends entreÉtats voisins, est couverte de diverses façons sous l’égide des Nations Unies. C’est lecas entre autres de la Charte des Nations Unies et de la Cour internationale de jus-tice ainsi que des multiples accords, traités et ententes internationales. La Conventiontransfrontière poursuit l’application du principe de règlement pacifique des différendsentre États tel qu’exprimé par les Nations Unies. L’organisme a d’ailleurs publié un«manuel d’instruction» très détaillé sur cette question à la même époque que la rati-fication de la Convention (Nations Unies, 1992).

Préoccupations environnementales de la Convention

Selon les termes de référence de la Convention, l’expression «impacts transfrontières»s’adresse autant aux impacts de caractère mondial qu’à ceux n’affectant que deux États.Le concept d’impact environnemental, quant à lui, comprend l’ensemble des impactsbiophysiques et humains ; il est donc compris dans son acception globalisante, élar-gissant ainsi la portée du concept d’environnement dans plusieurs pays. De plus, dansla mesure du possible, l’examen devrait aussi s’étendre aux politiques, aux plans etaux programmes (Nations Unies, 1991).

Cet accord international s’inscrit dans le cadre général d’un «développement éco-logiquement rationnel et durable». Bien sûr, chaque activité ou projet pouvantaffecter l’intégrité de l’environnement au-delà des frontières d’un État quelconquedevrait faire l’objet d’une étude d’ÉIE. Les aspects transfrontières de l’impact envi-ronnemental des projets sont bien entendu au cœur des préoccupations des signa-taires. L’entente souhaite poursuivre les efforts des organisations internationales dansla promotion de l’évaluation des impacts sur l’environnement, notamment parl’adoption des «Buts et principes de l’évaluation de l’impact sur l’environnement»du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de la Déclarationministérielle sur le développement durable signée à Bergen (Norvège) en 1990.

Parmi les solutions de rechange étudiées lors de l’examen d’un projet, l’option«zéro» devrait être examinée au même titre que les autres options. La participationdu public habitant les zones susceptibles d’être touchées doit aussi être incluse dansles procédures d’ÉIE. La libre transmission des informations entre les divers inter-venants, qu’ils soient locaux, nationaux ou transfrontières, doit être instituée. Les litigesentre les parties (États) doivent se régler soit devant la Cour internationale deJustice, soit en arbitrage, selon une procédure particulière déterminée dans laConvention.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Une éventuelle entente transfrontière tripartite

Depuis juin 1997, le Conseil de la Commission de coopération environnementale, formépar les ministres de l’Environnement du Canada, des États-Unis et du Mexique, discuted’un éventuel accord sur l’évaluation des impacts transfrontaliers entre les trois parties.

Cet accord nord-américain de coopération internationale mena à une résolutionadoptée par les trois parties devant favoriser les négociations pour une entente de col-laboration en ce sens, et ce, au même titre que l’étroite collaboration économique actuel-lement en vigueur entre les trois pays.

La récente ratification de la Convention internationale sur l’évaluation des impacts trans-frontières de la part du Canada (1998), le dernier signataire du présent triumvirat, aaccéléré les négociations.

Source : Interface, vol. 1, no 1, mai 1998. Bulletin du Secrétariat francophone del’Association internationale pour l’évaluation d’impacts, p. 4.

L’évaluation et l’inspection a posteriori des projets sont deux nécessités évidentespour le respect de la Convention. Il s’agira donc d’effectuer la surveillance et le suivides activités susceptibles d’impacts transfrontières. Les aspects de la recherche,notamment la mise au point de méthodes d’application des principes d’ÉIE sur leplan macroéconomique, doivent être privilégiés. L’amélioration des méthodes qua-litatives et quantitatives d’ÉIE fait aussi l’objet des préoccupations. Finalement, la pré-occupation globale des signataires de la Convention semble l’amélioration de la rigueurméthodologique de l’ÉIE.

Selon les derniers pourparlers entre les parties (Interface, mai 1998), les signa-taires réunis à Oslo, en Norvège, ont convenu:

• d’aviser les pays signataires susceptibles d’être touchés par ces projets ;

• de veiller à ce que l’on en effectue une évaluation environnementale ;

• et de faire en sorte que les résultats de l’évaluation environnementale soientpris en compte au moment de la décision finale concernant le projet.

Contenu du rapport d’évaluation

Les éléments devant faire partie du dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnementfont l’objet d’une énumération bien précise, incluse dans l’appendice II de laConvention (Nations Unies, 1991). Conformément aux accords, les renseignementsminimums suivants devraient y figurer :

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• description de l’activité proposée et de son objet ;

• description, s’il y a lieu, des solutions de remplacement (lieu et technologie),incluant l’option «zéro»;

• description de l’environnement des milieux susceptibles d’être touchés ;

• description de l’impact sur l’environnement et estimation de son importance,tant pour l’activité proposée que pour les solutions de remplacement ;

• description des mesures correctives (mesures d’atténuation);

• indication précise des méthodes de prévision et des hypothèses de base rete-nues ainsi que des données environnementales pertinentes utilisées ;

• inventaire des lacunes dans les connaissances et des incertitudes constatées enrassemblant les données requises ;

• s’il y a lieu, aperçu des programmes de surveillance et de gestion ainsi que desplans éventuels pour l’analyse a posteriori ;

• résumé non technique avec, au besoin, une présentation visuelle (cartes, gra-phiques, etc.).

Finalement, deux aspects de la procédure mise en place par la Conventiontransfrontière sont particulièrement intéressants, à savoir l’inventaire des lacunes etdes incertitudes rencontrées dans l’étude ainsi que l’examen a posteriori de l’impactenvironnemental du projet. En effet, ces deux aspects sont trop rarement pris en compteailleurs, ce qui restreint grandement l’efficacité de l’ensemble de l’évaluation des impactsenvironnementaux.

CONVENTION SUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE ET ÉIE

L’élaboration d’une convention internationale concernant la divesité biologique faitsuite à une initiative des membres du Programme des Nations Unies pour l’envi-ronnement (PNUE) en 1988. La Convention fut présentée pour approbation lors dela Conférence des Nations Unies à Rio en 1992. Dès la première année, 168 pays accep-tèrent de signer la Convention et d’en appliquer les prinicipes et les obligations; maissept ans après sa présentation à Rio, les États-Unis ne l’avaient toujours pas ratifiée.La Convention est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Depuis lors, de nombreusesConférences des Parties vinrent préciser et compléter la mise en application de l’en-tente, dont la rencontre de 1996 en Argentine qui élaborait le «programme d’action».

Au-delà du PNUE, l’initiateur principal de la Convention, l’Union mondiale pourla nature (UICN), fut sans doute l’un des acteurs les plus influents et tenaces (Le Prestre,

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L’évaluation des impacts environnementaux

1998). Dès 1980, l’UICN avait fixé les principes et les grandes lignes de la Conventionfuture, notamment lors de la publication de sa Stratégie mondiale de la conservation(UICN/PNUE/WWF, 1980). En compagnie du Programme des Nations Unies pourl’environnement (PNUE) et du Fonds mondial pour la nature (WWF), l’UICNpoursuivit ses efforts de promotion du développement durable et de diffusion d’ou-tils de gestion de l’environnement, comme l’ÉIE (UICN/PNUE/WWF, 1991).

La Convention comprend un long préambule sur la pertinence de conserver labiodiversité et 42 articles traitant d’aspects plus particuliers, dont la plupart sont sub-divisés en plusieurs points distincts. De plus, deux annexes imposantes, dont l’unecomprenant 23 articles traitant de l’arbitrage et de la conciliation, complètent ce docu-ment essentiel de gestion d’une partie fondamentale de l’environnement (PNUE, 1996).

L’esprit de l’entente multilatérale se retrouve très clairement exprimé à traversles trois objectifs de la Convention. Ces trois objectifs, qu’on retrouve à l’article 1 dela Convention, sont les suivants :

• la conservation de la diversité biologique;

• l’utilisation durable de ses éléments ;

• le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des res-sources génétiques.

Dès le préambule, par contre, le contexte d’application dans lequel l’esprit de laConvention se retrouve est quelque peu réducteur quant à l’importance qui sera accordéeaux deux premiers objectifs, notamment lors de l’inévitable conciliation entre les pré-occupations environnementales et les impératifs du développement. En effet, au-delàdes préoccupations environnementales, le libellé du long préambule dresse au pre-mier plan la primauté du développement économique et social ainsi que l’éradica-tion de la pauvreté.

Plusieurs articles de la Convention concernent l’ÉIE, en tout ou en partie. Onretrouve notamment l’article 6, qui mentionne l’adoption de stratégies, de plans oude programmes nationaux visant la «conservation et l’utilisation durable de ladiversité biologique» ainsi que l’intégration de cet objectif de conservation dans l’en-semble de ses «plans, programmes et politiques sectoriels ou intersectoriels pertinents».

La partie de la Convention la plus directement engageante pour l’ÉIE se retrouvesous l’article 14, intitulé «études d’impacts et réduction des effets nocifs». Cet articlestipule que «dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra», les signataires del’entente respecteront les cinq principes suivants :

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Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• adopter des procédures d’évaluation des impacts environnementaux des pro-jets gouvernementaux, et, s’il y a lieu, consulter le public ;

• tenir compte des effets sur l’environnement de ces programmes et politiques ;

• encourager l’échange d’informations et la consultation avec les États voisins,voire la conclusion d’accords bilatéraux, régionaux ou multilatéraux;

• informer immédiatement les États voisins en cas de danger ou de dommageimmédiat et prendre les moyens pour en atténuer les effets ;

• faciliter les arrangements nationaux et internationaux en ce qui concerne l’adop-tion de mesures d’urgence face à des événements d’origine naturelle ou autre.

Comme toute convention cadre, la Convention sur la biodiversité ne possède pasd’obligations contraignantes ; celles-ci sont minimes, voire inexistantes (Le Prestre,1998). De plus, entre la ratification d’un accord international et la réalisation d’ac-tions concrètes, un long cheminement reste à effectuer. En effet, entre la signaturede la Convention et les activités réelles sur le terrain, on retrouve un long processuspolitique de négociation entre les parties. À l’image de l’ÉIE, la mise en œuvre d’uneentente comme la Convention est le résultat d’un long processus dynamique de négo-ciation environnementale impliquant plusieurs acteurs aux intérêts diversifiés.

Le processus de négociation de la mise en œuvre de la Convention implique lesinstances ainsi que les actions suivantes :

• la Conférence des Parties (COP), l’organe multiltéral de mise en œuvre;

• l’organisme subsidiaire, chargé de fournir les avis scientifiques à la COP;

• le secrétariat de la Convention, chargé des fonctions administratives et des rela-tions avec les autres organismes internationaux;

• les «actions nationales», l’élaboration de stratégies nationales conformes à laConvention;

• la «mise en œuvre», l’application des stratégies nationales ;

• la «capacité d’agir», mise en place des moyens et des ressources nécessaires.

Parmi les enjeux du développement durable, la conservation de la biodiversité estsans doute à l’heure actuelle, l’un des plus importants, et ce, tant pour les pays en voiede développement que pour les pays industrialisés. Pourtant, les processus et outils deplanification et d’aménagement actuels, notamment l’évaluation d’impacts, intègrentencore trop peu les aspects relatifs à la biodiversité. Le respect des objectifs de laConvention, pour chacun des trois niveaux de biodiversité (gênes, espèces et éco-systèmes), nécessite une planification globale et systémique de l’environnement et non

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L’évaluation des impacts environnementaux

pas seulement la prise en compte des espèces rares sur une portion de territoire. Parrapport à cette situation, l’Union internationale pour la conservation de la Nature(UICN) proposait récemment de développer de nouveaux outils de planification etd’aménagement plus conformes aux objectifs de maintien de la biodiversité que nele sont actuellement ceux de l’ÉIE. Dans la poursuite des interventions du derniercongrès de l’Association québécoise pour l’évaluation d’impacts (AQÉI) en novembre1997 (AQÉI, 1998), il semble toutefois que l’évaluation d’impacts peut adéquatementrépondre à cette exigence.

Les discussions se poursuivent en vue de rapprocher les organismes liés à la sau-vegarde de la biodiversité comme l’UICN et ceux de l’évaluation d’impacts. Ainsi, lorsde la quatrième réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scienti-fiques, techniques et technologiques (SBSTTA), à Montréal en juin 1999, l’un des docu-ments préparatoires portait sur la «Synthèse des rapports et des études de casconcernant l’évaluation des incidences sur l’environnement» (Boivin, 1999).

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4Chapitre

Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation

des impacts environnementaux

e cheminement de l’esprit dans sa découverte des choses suppose la connaissancede règles, de notions de base et de principes afin de soutenir la marche ration-

nelle de la pensée. Avant d’examiner de quelle manière se réalise l’évaluation des impactsenvironnementaux, et tout particulièrement l’étude même des méthodes d’examen(le sujet du prochain chapitre), il convient d’aborder l’univers des éléments, des conceptset des paramètres d’étude, ainsi que l’ordre régissant ce domaine de la connaissance.Au-delà de la simple connaissance des divers éléments méthodologiques de l’ÉIE, ilfaut aussi pouvoir en apprécier la valeur et la portée. Ce n’est qu’ainsi que les infor-mations, les résultats et les jugements issus de l’analyse soutiendront le plus adéquatementpossible une prise de décision éclairée.

Les multiples éléments méthodologiques sont regroupés en trois grands ensembles,correspondant à chacun des niveaux d’examen que nous avons énoncés à partir destrois objectifs de l’ÉIE. Ce regroupement ne vise qu’à simplifier l’agencement d’unnombre considérable de concepts et ainsi à faciliter la compréhension globale du pro-cessus. À l’intérieur de chaque niveau de l’ÉIE (politique, technique et scientifique)les éléments sont regroupés selon leur moment habituel d’apparition dans le processusd’ensemble d’une étude d’impacts. Chacun des éléments n’est pas nécessairement exclusifà un seul niveau d’examen, ce ne sont pas des blocs monolithiques fonctionnant envase clos. De nombreuses interactions interviennent donc entre les différents éléments

L

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L’évaluation des impacts environnementaux

et niveaux. C’est ainsi que le spécialiste des oiseaux ne peut faire abstraction de la valeuraccordée par le public à certaines espèces particulières, l’aspect scientifique n’est pastoujours isolé du politique.

Chaque politique ou législation en évaluation d’impacts, qu’elle soit étatique oucorporative, est orientée vers une démarche ou un processus bien particulier d’éva-luation. Chacune propose donc une démarche spécifique. Selon le cas, certainsaspects de l’évaluation d’impacts sont omniprésents ou au contraire sous-étudiés, voiremême absents. C’est ainsi que la participation publique ou les aspects sociaux, parexemple, ne sont pas toujours présents. Même à l’intérieur d’un cadre théorique biendéfini, ce que n’exigent habituellement pas la législation et les directives corporatives,l’arbitraire n’est pas nécessairement absent. Par ailleurs, le type même de projet ouson contexte d’insertion feront varier l’examen, l’étude d’un projet d’implantationd’un incinérateur de déchets, par exemple, ne mettra pas nécessairement l’accent surles mêmes aspects méthodologiques que l’examen d’une ligne électrique à haute ten-sion. L’essentiel ici est que les informations nécessaires à une bonne compréhensionde l’impact du projet soient suffisantes et présentées de manière intelligible. Il n’estpas rare de constater l’insuffisance des données justifiant les résultats énoncés, toutcomme apparaissent trop fréquemment des lacunes méthodologiques et des résul-tats fragmentaires ou sans portée par rapport aux affirmations et jugements formulés.

Dans l’ensemble, toutefois, les diverses études d’ÉIE présentent au minimum uncertain nombre d’éléments méthodologiques communs. La diffusion des pratiqueset de l’information en études d’impacts, la généralisation de la législation en ce senset la mondialisation récente en ce domaine consolident la «recherche de cohérence»et la réalisation de «bonnes pratiques» en ÉIE.

ÉLÉMENTS TAXINOMIQUES DE L’ÉIE

Une étude satisfaisante devrait permettre de comprendre les prémisses méthodolo-giques qui ont contribué à la préparation des résultats. Sans nécessairement être repro-ductible, dans le sens communément admis en science expérimentale, elle devrait aumoins permettre la compréhension complète des diverses étapes et opérations ayanteu cours entre la collecte des données et les jugements formulés. L’évaluation devientplus compréhensible et les résultats obtenus apparaissent plus crédibles lorsque la métho-dologie est transparente et accessible. L’une des prémisses de l’ÉIE n’est-elle pas d’éla-borer une méthodologie complète et satisfaite à tous les points de vue? Autrement,l’aide à la prise de décision ainsi que la crédibilité même du rapport et celle des éva-luateurs en souffriraient grandement.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

L’aspect méthodologique le plus global devrait pouvoir répondre à cette simplequestion: «comment faire l’évaluation d’un projet»? Ou, plus précisément, de quellefaçon agencer, analyser et synthétiser les différents aspects et éléments à prendre encompte dans l’examen ainsi que la «manière de faire» des évaluateurs eux-mêmes?Un certain consensus semble émerger entre les experts de l’ÉIE (Duffy, 1975; Munn,1977; Simos, 1990; Sadar et coll., 1994 et Canter, 1996) à l’effet qu’il y ait quelquesprincipes généraux de méthodologie à respecter pour toute bonne étude. Ces six grandsprincipes sont :

• une démarche itérative d’examen;

• l’examen complet et global du projet et de l’environnement;

• la comparaison de solutions de rechange ou de variantes du projet ;

• le relevé et l’évaluation des impacts ;

• la pertinence et la validité de l’information;

• l’aide utile à la prise de décision.

Une démarche itérative d’examen implique, comme nous le verrons en détail plusloin, une continuelle remise en question des résultats des étapes antérieures. L’examencomplet et global du projet suppose que l’ensemble des activités et des composantesde la réalisation du projet seront examinées lors de l’étude, de l’élaboration initialeà la fermeture définitive. En ce qui concerne l’environnement, cela implique que leséléments biophysiques aussi bien qu’humains soient pris en compte. Une analyse com-parative des solutions de rechange ou variantes possibles au projet devrait faire l’objetd’une partie importante de l’étude, sauf dans les cas ou seule demeure l’impossibi-lité de réaliser le projet. L’évaluation des impacts est une étape d’examen supplémentaireau simple relevé des impacts. Un examen complet suppose que non seulement leseffets directs seront examinés, mais aussi que les impacts indirects, secondaires et cumu-latifs le seront. La pertinence de l’information suppose une rigueur méthodologiqueet une compréhension du mandat de l’étude en cause, alors que la validité de l’in-formation impose un questionnement sur la pertinence des résultats et l’identifica-tion des éléments significatifs.

Les priorités de chacun des experts sont plus ou moins les mêmes, sans pour autantêtre identiques. Ainsi, pour Simos (1990), « l’intégration dans un processus de négo-ciation (regroupement de décideurs)» est l’un des aspects les plus important, alorsque pour Duffy (1975), une évaluation valable devrait favoriser l’intégration de l’in-formation et de l’expertise. Pour sa part, Munn (1977) insiste sur l’évaluation de l’am-pleur de l’impact, alors que Sadar et coll. (1994) soulignent l’importance d’une vision

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L’évaluation des impacts environnementaux

sélective afin de déterminer rapidement les éléments les plus significatifs pour la prisede décision. Par ailleurs, Canter (1996) fait ressortir l’intérêt de l’interdisciplinaritéet le choix d’indicateurs d’impacts judicieux.

PROCESSUS D’EXAMEN DE L’ÉIE

Les trois niveaux d’étude de l’ÉIE, et notamment leur intégration, doivent cependantse fondre dans un processus d’examen global et intégrateur. La sélection du type deprocessus même d’étude est l’un des éléments méthodologiques d’ordre général à choisirdès le début du travail. Il existe deux ou trois types de processus possibles, selon latypologie qu’on emploie.

On délimite habituellement deux types bien distincts de «processus», selon l’im-brication des aspects techniques et politiques dans le processus général d’évaluation.Ces derniers sont alors définis ainsi : les aspects techniques sont avant tout les don-nées, les techniques et les outils, alors que les aspects politiques se concentrentautour des prises de décision et de participation ainsi que des étapes de la procédured’ÉIE en vigueur (Simos, 1990). Même si nous divisons le domaine de l’ÉIE en troiset non en deux niveaux seulement (politique, technique et scientifique), rien ne changequant aux deux types de processus possibles.

Le premier processus est dit «réactif» parce qu’il est basé sur une planificationdite «réactive»; les aspects techniques, scientifiques et politiques sont séparés dansle temps. Les deux premiers précèdent évidemment l’autre, ou vice versa, selon le cas.Le processus réactif est celui qu’on rencontre le plus souvent en ÉIE, comme d’ailleursdans l’ensemble des activités de planification. La figure 4.1 expose clairement et côteà côte les deux types de processus d’examen. En ce qui a trait à la deuxième possibi-lité, le processus relève plutôt d’une planification dite «participative», si les aspectstechniques, scientifiques et politiques sont imbriqués dans un temps continu. Dansce cas, les différents aspects sont alors en interaction directe et continue. L’imbricationtemporelle des trois niveaux d’étude dans le processus participatif est évidente. Ellesignifie que les divers aspects ne sont pas examinés en vase clos, niveau par niveau.

Pour plus d’exactitude, on peut aussi présenter les divers processus possibles selonune autre typologie comprenant trois possibilités : séquentielle, parallèle et intégrée.Le processus séquentiel désigne la succession dans le temps de l’examen des aspectstechniques, économiques et environnementaux, ces derniers n’advenant habituelle-ment qu’à la suite des deux premiers. Cette situation est jusqu’à un certain point laseule envisageable malgré tout, puisque la faisabilité technique et financière déterminel’existence même d’un projet; sans elle il n’y a précisément pas de projet. Le processus

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

parallèle suppose plutôt desexamens différents des diversaspects mais, par contre,simultanés. Finalement, unprocessus intégré permet-trait un examen simultané etcommun des divers aspectsd’étude. Chacun de ces troisprocessus distincts est pré-senté à la figure 4.2.

Notons que le processusséquentiel ou réactif cons-titue actuellement l’usage leplus fréquent sinon l’uniquefaçon de faire dans bien des

endroits. Par contre, un examen global et intégrateur en ÉIE exige un processus intégréou participatif, même si c’est sans doute le plus difficile à réaliser.

Figure 4.1

Deux types de processus d’examen possiblesimpliquant les trois objectifs de l’ÉIE

Temps

SCIENTIFIQUE

SCIE

NTI

FIQ

UE

TECHNIQUE

TECH

NIQ

UE

POLITIQUE

POLI

TIQ

UE

PLANIFICATION PARTICIPATIVEPLANIFICATION RÉACTIVE

Source : Présentation inspirée de Simos, 1990.

Figure 4.2

Divers types de processus d’étude : séquentiel, parallèle et intégré

Processus séquentiel

Processus parallèle

Processus intégré

Planification technique et économique

Évaluation des impacts environnementaux

Atténuation et projet

Planification technique et économiqueAtténuation et projet

Évaluation des impacts environnementaux

Planification technique / économique / environnementale Projet

Source: Adapté de Sadar et coll., 1994.

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L’évaluation des impacts environnementaux

1. Rappelons que nous entendons le concept politique ici utilisé dans un sens étendu à l’ensemble desrelations de pouvoir dans la société et qui bien souvent recouvrent ou recoupent les dimensionssociales, culturelles, économiques, administratives et proprement politiques de tous les acteurs d’unesociété et des rapports qu’ils entretiennent dans la gestion des affaires publiques. Bien entendu, ceterme «politique» n’est pas de même nature que «technique» et «scientifique», mais il nous estapparu comme le seul convenable, dans les circonstances.

Les diverses étapes et la séquence de réalisation d’une ÉIE peuvent varier, cer-taines étant interchangeables et d’autres, facultatives, mais dans l’ensemble, les élé-ments présentés ci-dessus constituent les éléments méthodologiques essentiels d’uneévaluation. Toutefois, la subdivision couramment employée en trois grands domaines(identification, évaluation et présentation des résultats) correspond avant tout à larépartition temporelle des actions bien plus qu’à une justification méthodologique.Nous préférons employer une classification qui regroupe les éléments méthodolo-giques selon nos trois niveaux d’étude de l’ÉIE, à savoir :

• niveau politique d’étude;

• niveau technique d’étude;

• niveau scientifique d’étude.

ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES DU NIVEAU POLITIQUE D’ÉTUDE

Le niveau politique est sans doute le plus général et le plus global des niveaux d’étudede l’ÉIE. Les éléments regroupés dans cette section représentent les constituants desétapes reliées au processus sociopolitique et à la gestion de l’ÉIE1. Ils sont essentielset nécessaires à l’étude, mais ils ne sont pas nécessairement spécifiques à l’évaluationdes impacts environnementaux. Il s’agit dans la plupart des cas de règles normalesde fonctionnement de toute étude; les véritables particularités de l’évaluation des impactsenvironnementaux sont placées dans les deux sections suivantes.

Ces éléments méthodologiques se retrouvent fréquemment dans l’évaluation ini-tiale du projet, sinon dès les premières étapes d’élaboration, ce qui est une pratiquecorporative souhaitable. La législation environnementale, tout comme la politiqueenvironnementale corporative, propose habituellement une telle prise en compte dèsle stade de la planification générale, sans en prévoir nécessairement tous les aspectsni les modalités d’application. D’autres, par contre, apparaissent beaucoup plus tarddans le processus, notamment la participation publique, ou tout simplement à la fin,comme c’est le cas de la prise de décision et du suivi.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Des liens intimes relient ces différentes composantes, le mandat de l’étude ne pou-vant être indifférent du contexte général ni des moyens mis en œuvre, par exemple.Quoique certaines composantes puissent être interchangeables, voire incluses dansd’autres, celles-ci sont habituellement insérées dans ce que l’on nomme «les termesde référence» de l’ÉIE, tel que le stipule en particulier la Banque mondiale (WorldBank, 1991).

Ces éléments méthodologiques du niveau politique, qui pourraient bien entenduse retrouver dans un ordre différent de celui présenté ci-dessous, sont :

• le contexte de l’étude:

– l’objet d’étude;

– le mandat de l’étude;

– les moyens mis en œuvre;

– les ressources de l’équipe;

– le processus et la démarche d’étude.

• le contexte général :

– contraintes administratives ;

– enjeux environnementaux;

– types d’acteurs.

• la participation du public ;

• l’audience publique;

– la médiation environnementale ;

– les mesures de compensation;

– la présentation des résultats ;

– les recommandations ;

– la décision;

– l’inspection et le suivi.

Le schéma de la figure 4.3 illustre l’organisation des divers éléments du niveaupolitique les uns par rapport aux autres, la disposition correspondant aux procédureshabituelles d’ÉIE. Certains des éléments méthodologiques de la présente section seretrouveront aussi dans l’une ou l’autre, voire dans les deux autres sections, commec’est le cas des mesures de compensation et de la présentation des résultats ainsi quede l’inspection et du suivi.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Le contexte de l’étude

Le contexte de l’étude comprend les éléments méthodologiques spécifiques au projeten examen. Ces aspects particuliers correspondent bien souvent au «mandat» de lafirme d’évaluation. Tous ces éléments sont donc établis à partir de contacts étroitsentre le promoteur et la firme d’évaluation. Il s’agit donc avant tout d’une série d’opé-rations internes et initiales à l’examen qui va suivre.

L’objet d’étude

L’objet de ce premier élément consiste à déterminer la nature exacte du projet àl’étude: s’agit-il d’un projet de construction d’un réseau d’adduction d’eau potable, d’une

Figure 4.3

Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau politique

L’objet d’étude

Mandat

Processus et démarche

Contraintes

Contexte général

Participationpublique

Mesures de compensation

RecommandationPrésentationdes résultats

Prisede décision

Inspection et suivi

Audiencepublique Médiation

ActeursEnjeux

RessourcesMoyensN

ivea

u po

litiq

ue d

’exa

men

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

nouvelle installation minière, du rééquipement d’une centrale hydroélectrique oud’installations de traitement de déchets radioactifs? L’ampleur ou la grandeur du projetdoit aussi être clairement exprimée: s’agit-il d’un modeste projet local, d’une voie decommunication nationale ou du «projet de développement du siècle»? L’intérêt mêmedu projet, tant pour le promoteur que pour la population en général, doit aussi êtreévalué: s’agit-il d’un projet essentiel, unique et irremplaçable, ou plutôt d’un des nom-breux projets anodins et de peu d’intérêt pour l’ensemble de la société? Ce dernieraspect concerne habituellement ce qu’on nomme à juste titre la «justification du projet».

Le promoteur, le constructeur et l’exploitant ainsi que les divers intervenants directsdoivent être clairement identifiés. Une connaissance globale, même superficielle, dumilieu d’insertion devrait être incluse, particulièrement s’il s’agit d’un milieu«naturel» ou faiblement perturbé jusque-là par les activités humaines. Cette estimationdu milieu s’accompagnera d’une évaluation préliminaire des impacts environnementauxanticipés par la mise en place des composantes du projet.

Concrètement, la délimitation de l’objet d’étude représente une première com-préhension générale du projet, celle à partir de laquelle s’élaborera de manière plusexplicite l’examen subséquent du projet proposé. Il s’agit donc d’une ébauche d’éva-luation préliminaire. Pour l’essentiel, l’exécution de cette première étape d’étude faitappel à l’expérience des évaluateurs.

Le mandat de l’étude

L’entendement du mandat de l’étude consiste d’abord à déterminer dans quel cadrel’étude sera effectuée: quelles sont les attentes par rapport à l’équipe d’évaluateurset à l’examen à entreprendre, par exemple? La fixation des objectifs poursuivisapportera un complément fort utile à la compréhension exhaustive du mandat.

La compréhension du mandat implique la détermination des contextes écono-mique, politique, social et environnemental régissant l’entourage ou l’ambiancegénérale dans laquelle s’effectuera l’étude. La délimitation du mandat impliqueaussi que les attentes vis-à-vis du projet lui-même soient dévoilées. De plus, l’ap-profondissement du mandat d’étude permet de mieux envisager la portée de l’étudeet du rapport final qui en résultera, en fonction des ambitions et de l’ampleur anti-cipées. S’agit-il d’effectuer des recherches originales ou s’agit-il plutôt de reprendreles résultats de nombreuses et solides études antérieures? Ce mandat dépend bien sûrde l’objet d’étude, mais aussi des moyens et des ressources en présence. Généralement,l’échéancier des travaux d’examen, la description et la répartition des tâches, ainsique le budget, font partie des résultats obtenus de la détermination du mandat. Bien

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L’évaluation des impacts environnementaux

entendu, il s’agit alors d’estimations préliminaires, puisqu’elles ne peuvent être para-chevées qu’à partir des résultats des trois points suivants.

Les moyens mis en œuvre

À partir de l’élaboration des deux aspects précédents, les moyens à mettre en œuvredans la réalisation de l’étude peuvent être précisés. Les moyens représentent avanttout le budget dont on dispose afin de réaliser l’ÉIE. Habituellement, cette délimita-tion des moyens s’effectue selon les modalités et pratiques mêmes de l’entreprise ouselon l’importance du projet en cause.

Les montants d’argent affectés à la réalisation de l’étude représentent fréquem-ment un pourcentage très faible du coût du projet lui-même. À ce sujet, il est de pra-tique courante de considérer que le budget de l’étude d’impacts devrait être équiva-lent à environ 1% du budget total affecté au projet lui-même, mais il est tropsouvent inférieur à ce seuil critique. Bien entendu, plus le budget du projet est consi-dérable, plus ce pourcentage sera en deçà de 1%. À l’inverse, plus le budget sera modeste,plus le pourcentage du budget de l’ÉIE se situera au-dessus de cette moyenne cible.

Habituellement, parmi les moyens mis en œuvre, on implique aussi les ressourcesen matériel et les équipements logistiques nécessaires au travail de l’équipe d’évaluation.Par contre, on pourrait aussi inclure ces divers constituants parmi les ressources del’équipe.

Les ressources de l’équipe

Bien entendu, il faut déterminer les ressources humaines nécessaires à la réalisationdu mandat d’étude. Celles-ci prennent appui sur les ressources disponibles, tant dansla firme d’évaluation et celles du promoteur que chez les consultants externes. Dansle cas d’une politique corporative d’ÉIE, la firme d’évaluation peut très bien être lepromoteur même du projet. De toute façon, la responsabilité de réaliser l’ÉIE, toutcomme d’en financer les travaux, est généralement du ressort du promoteur.

Il faut veiller attentivement à la constitution de l’équipe de travail qui sera affectéeau projet d’étude. La taille de l’équipe est déterminée bien sûr par l’ampleur de l’étudeà entreprendre, donc à partir de l’objet et du mandat d’étude, mais elle est bien sou-vent aussi tributaire des moyens financiers disponibles et de l’échéancier proposé.

Par surcroît, la coordination de l’équipe d’évaluation est une constituante impor-tante de cette étape de planification, car une équipe complète regroupe habituellementdivers spécialistes œuvrant dans des domaines bien particuliers, la multidisciplinarité

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

étant une composante incontournable et essentielle de l’évaluation des impacts envi-ronnementaux. De plus, il arrive souvent que l’équipe recrute ses membres parmi desconsultants externes aussi bien que parmi le personnel interne de la firme d’évalua-tion. Le travail peut alors être divisé entre une ou plusieurs équipes différentes. C’estainsi qu’une firme externe embauchée par le promoteur effectue parfois la caracté-risation du milieu ou n’importe quelle autre collecte de données, alors que le restedes tâches est accompli à l’interne. La répartition des tâches entre les membres de l’équipedevrait alors être déterminée avec clarté et précision. Enfin, compte tenu de la mul-tidisciplinarité et de la répartition des tâches, une procédure interne d’uniformisa-tion du travail encadre habituellement les membres de l’équipe.

Cette étape d’appréciation des ressources disponibles suppose donc un plan degestion du travail d’équipe. Ce plan, aussi complet et détaillé que nécessaire, permettrade mener à terme l’ÉIE, et ce, en temps voulu et selon les moyens mis en œuvre, deuxfacteurs limitants pour la plupart des projets.

Le processus et la démarche d’étude

Le processus et la démarche d’étude devraient plutôt être compatibles avec le mandat,les moyens et les ressources en place. Trop souvent, certaines études ne peuvent êtrecomplétées et demeurent inachevées en raison d’une mésestimation de cet aspect impor-tant de l’ÉIE. Il est donc impératif d’élaborer une démarche et un processus d’examendès les étapes initiales d’étude. Il faut qu’ils soient compatibles avec les autres élémentspréliminaires d’examen. Nous avons relevé auparavant les types de processus pos-sibles; la démarche devra en tenir compte puisqu’elle en découle.

L’élaboration de la démarche d’étude permet de déterminer la façon de faire quisera employée dans la réalisation de l’ÉIE. Cette étape comprend avant tout le plande gestion de l’étude, à savoir les échéanciers, les ressources, les tâches, les responsa-bilités. Ces composantes ne sont pas à proprement parler spécifiques à l’ÉIE, elles sontplutôt du ressort de la gestion de projet. Cette étape permet aussi de fixer la démarcheméthodologique ainsi que les différentes méthodes d’évaluation et de collecte des don-nées qui devront être utilisées. Ces derniers choix sont, eux aussi, intimement liés auxmoyens et aux ressources affectés à l’étude, dans le cadre du mandat, ainsi qu’à la naturedu projet.

La sélection du type de processus même d’étude est l’un des éléments métho-dologiques d’ordre général à choisir dès le début du travail. Comme nous l’avons vudans la section précédente, il y a deux ou trois types de processus possibles, selon latypologie employée: réactif ou participatif, d’une part, ou séquentiel, parallèle et intégré,

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L’évaluation des impacts environnementaux

d’autre part. Nous avions affirmé que le processus séquentiel ou réactif constituaitactuellement l’usage le plus fréquent sinon l’unique façon de faire en ÉIE. Toutefois,nous pensons qu’il serait plus avantageux de réaliser l’ÉIE à partir d’un processus intégréou participatif, voire d’un processus parallèle.

La démarche méthodologique peut aussi être de deux types, selon l’orientationque l’on donne à l’enchevêtrement des diverses étapes d’étude (Veuve, 1988). Le pre-mier type de démarche est dénommé démarche linéaire (épistémologie positiviste).Les diverses étapes d’examen se succèdent dans le temps et elles sont successives, c’est-à-dire définitives. Le deuxième type est nommé démarche itérative (épistémologie empi-riste). Cette démarche permet le retour sur les étapes antérieures, la succession desétapes peut recommencer un certain nombre de fois. Le schéma de la figure 4.4 illustreces deux types de démarches de travail.

Figure 4.4

Les deux types de démarches méthodologiques: linéaire et itérative

Démarche linéaire

Démarche itérative

Définition duproblème

Recherche desolutions

Identificationdes effets

Évaluationdes impacts CHOIX

CHOIX

Définition duproblème

Recherche desolutions

Identificationdes effets

Évaluation des impacts

CHOIX

Définition duproblème

Recherche desolutions

Identificationdes effets

Évaluation des impacts

Source : Adapté de Veuve, 1988.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La démarche itérative, plus rarement employée, est celle qui se rapproche le plusd’une démarche systémique complète, comme cela se passe implicitement dans lesmécanismes de la pensée. En effet, elle seule donne la possibilité de rétroagir sur descomposantes premières initialement examinées, apportant ainsi une meilleure com-préhension du problème. Bien entendu, ces gains en compréhensibilité et en rigueursont toutefois obtenus au détriment de la promptitude et de la simplicité de l’examenen cours. D’un point de vue conceptuel, l’ÉIE est une démarche itérative, dans laquelleles différentes phases de l’étude interagissent les unes avec les autres constamment,les phases ultérieures imposant de nécessaires rajustements des phases précédentes(Sadar et coll., 1994).

Malgré les contraintes d’application, une analyse selon une démarche itérativese réalisant par un processus participatif ou intégré serait souhaitable. Les résultatsobtenus à une phase ultérieure de la démarche bonifient souvent ceux obtenus anté-rieurement. Cela est d’autant plus important que l’étape d’évaluation des impacts rem-plit habituellement trois grandes fonctions distinctes, à savoir: l’identification, la pré-diction et finalement l’évaluation proprement dite des impacts. En pratique, ces troisfonctions sont imbriquées les unes dans les autres et bien souvent de manière indis-sociable et progressive.

Le contexte général

Nous regroupons sous l’expression «contexte général» trois ensembles bien distinctsde paramètres fort différents mais intimement liés. Ces ensembles de nature différentesont: les contraintes administratives, les enjeux environnementaux et les types d’ac-teurs. Bien entendu, ces divers constituants, que nous réunissons ici, pourraient trèsbien faire l’objet d’étapes particulières et être présentés séparément. Le contextegénéral se distingue de celui de l’étude en ce sens qu’il est tourné vers l’extérieur. Il pour-suit, précise, actualise et corrige l’évaluation qui a été faite lors du contexte plus res-treint de l’étude. Cette étape représente parfois une véritable évaluation préliminairede l’étude complète du projet. Dans ce cas, elle correspond à peu près à l’opération ditedu cadrage (scoping) (Sadar et coll., 1994). Elle représente parfois une étape formellede la procédure d’évaluation, mais dans tous les cas, elle en est au moins un épisodeinformel fort important.

On pense souvent que l’étude d’un projet se réalise dans l’optique d’une optimi-sation environnementale ou économique «répondant à des règles universelles», alorsqu’elle se réalise plutôt dans les «limites» des institutions et des cultures en présence(Dron, 1995). Voilà qui implique que, confrontés au même problème, deux examens

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L’évaluation des impacts environnementaux

réalisés dans des contextes différents n’aboutiront pas nécessairement aux mêmes résul-tats et solutions, ni même à un processus d’examen similaire.

Contraintes administratives

À ce stade de l’étude, les exigences réglementaires et législatives doivent être claire-ment établies. Il s’agit aussi de connaître les diverses contraintes administratives à res-pecter, tant internes qu’externes à l’entreprise (promoteur). Les évaluateurs doiventdonc déterminer la réglementation en vigueur concernant le projet ainsi que les diversesinstances politiques et administratives concernées par l’une ou l’autre des compo-santes du projet. Il faut aussi présenter la politique environnementale corporative etles normes environnementales de l’entreprise, à savoir du promoteur, si c’est le cas.De plus, il faudrait veiller à tenir compte de la présence possible de divers autres exé-cutants pour les travaux et l’exploitation. Ces derniers peuvent jouer un rôle déter-minant pour la qualité de l’environnement. La participation de ces tiers est trop sou-vent négligée, sauf peut-être dans le cas des grandes entreprises responsables denombreux projets et qui possèdent une politique environnementale corporative incluantles façons de faire employées pour les travaux.

Par ailleurs, la prise en compte des contraintes administratives suppose aussi laconnaissance et éventuellement la consultation des autres administrations pouvantêtre impliquées ou intéressées par les composantes du projet. Dans la plupart des cas,celles-là comprennent les ministères intéressés ainsi que les différents paliers de pou-voir, les autorités nationale, régionale (provinciale) et locale, ainsi que, à l’occasion,les pays voisins. On peut alors y trouver des normes, des traités, des conventions oudes ententes internationales, des directives prescriptives d’autorités financières(banques nationales ou internationales) ou de juridictions particulières, comme lesplans d’aménagement ou les normes municipales de construction.

Enjeux environnementaux

Le relevé des enjeux environnementaux dès les premières étapes d’étude est une pra-tique de plus en plus courante. Les enjeux environnementaux sont habituellementcompris comme étant les impacts et les éléments environnementaux déterminantspour l’acceptation du projet, en opposition aux autres qui n’interviendront que demanière peu significative dans la prise de décision. Il faudrait donc distinguer avecle plus grand soin les enjeux parmi les autres éléments et impacts du projet. Cettedistinction permet de cibler (scoping) les aspects importants à considérer dans le fatrasd’ensemble et ainsi d’améliorer l’efficacité de l’examen et ses chances de réussite

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

complète.Voilà qui est particulièrement avantageux dans le cas d’études à faible budgetou qui doivent s’effectuer rapidement.

Parmi les enjeux environnementaux, certains acquièrent une connotation bienparticulière et au-dessus des autres, soit en raison de leur vaste portée du point devue environnemental, soit pour une autre raison remarquable. C’est notamment lecas en ce qui concerne l’importance stratégique (une base militaire) ou la valeur intrin-sèque rattachée à un élément de l’environnement (une espèce en voie de disparition),qui par ailleurs ne pourrait être affecté que de manière faible par le projet.

En pratique, il faut relever le plus tôt possible les enjeux environnementaux déter-minants pour le processus de décision ultérieur, sans toutefois le faire au détrimentcomplet des éléments moins significatifs. L’analyse devra ensuite se concentrer surles principaux éléments sensibles de l’environnement, sur les éléments environnementauxà haut potentiel ou grandement appréciés par les acteurs impliqués ainsi que sur lesimpacts inadmissibles à éviter à tout prix, ces derniers étant alors considérés commedes contraintes environnementales absolues (drapeau rouge). Il s’agit, en somme, derelever clairement les grands domaines possibles de contestation et de litige entraînéspar la réalisation du projet. Cet exercice inclut bien sûr les enjeux environnementauxqui concernent l’acceptation du projet lui-même, par exemple, sa justification ou saraison d’être.

La connaissance préalable de ces enjeux permet de modifier certaines composantesdu projet et ainsi d’atténuer le plus tôt possible les impacts ou les problèmes majeursqui pourraient survenir après. L’objectif poursuivi ici consiste donc à orienter l’éla-boration du projet afin d’éviter autant que possible la présence de tels aspects parmiceux provoqués par le projet et qui pourraient constituer des entraves et des contraintesprobablement importantes, voire infranchissables. L’insertion d’une telle préoccupa-tion le plus tôt possible dans le processus de planification du projet représente sou-vent un gain important de temps et d’argent et permet d’éviter des contrariétés.

Types d’acteurs

L’élaboration, l’examen, la mise en place et par la suite l’exploitation d’un projet mettenten cause de nombreux intervenants.Afin de compléter adéquatement le contexte général,il faut donc porter une attention bien particulière aux différents acteurs impliqués,à quelque degré que ce soit, dans la réalisation du projet.

L’univers des acteurs possibles, entraînés à s’impliquer d’une façon ou d’une autre,est souvent large et très diversifié. La prise en compte préliminaire des intérêts, par-fois divergents et opposés, des divers acteurs permet parfois d’éviter l’émergence ou

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L’évaluation des impacts environnementaux

le renforcement de nombreux conflits. La consultation élargie à l’ensemble desdivers intervenants permet en outre une plus grande participation et une meilleureacceptation du projet initial ainsi que des avantages et des conséquences de celui-ci.

Nous examinerons au cours du chapitre sept les différents acteurs possibles enÉIE. Nous verrons en particulier ceux qui s’impliquent de manière officielle dans lesconsultations prévues, mais aussi ceux qui agissent de façon non officielle par l’ha-bituel « jeu des pressions». Finalement, nous examinerons la localisation de ces dif-férents acteurs par rapport au projet et leurs pouvoirs respectifs de négociation.

La participation du public

La participation du public peut se manifester en différents moments de la procédured’évaluation, même si c’est rarement le cas. Elle peut se retrouver dès les premièresétapes d’étude de l’ÉIE et s’échelonner jusqu’à la décision finale concernant

De l’anonymat à la notoriété

Le projet de construction, en 1993, d’une petite centrale hydroélectrique surla rivière Richelieu, à la hauteur de Chambly, au sud-est de Montréal, a permisà un illustre inconnu de nos eaux d’atteindre la célébrité en quelques mois.

En effet, le Suceur cuivré, un poisson de la famille des catostomidés, qui nevit qu’au Québec et dont l’unique frayère connue à l’époque se situe en pleincœur de la zone des travaux de construction de la centrale, est passé rapide-ment de l’anonymat, où il était depuis toujours, aux premières pages des quo-tidiens lors de l’examen environnemental du projet. Le poisson au nom plutôtpéjoratif dans le langage populaire devint l’enjeu principal du projet. L’ardentplaidoyer de certains biologistes, l’appui des médias et la sympathie d’une grandepartie du public pour cette espèce menacée provoqua l’abandon du projet.

Beaucoup de flots et quelques années plus tard, l’espèce fait encore des vaguesdans les journaux, grâce notamment à son changement de nom en février 1998,puis à une polémique qui en résulte en janvier 1999. Le héros victorieux du«développement sans bornes» s’enorgueillit désormais d’un nouveau nom, celuiplus prestigieux de Chevalier cuivré.

Il arrive parfois qu’un élément de l’environnement, comme ce fut le cas du poissoncuivré, ne se présente comme un enjeu que lors des dernières phases du pro-cessus d’ÉIE. Dans bien des cas, cet enjeu dévoilé tardivement remet fortementen cause la réalisation du projet. La plupart du temps, toutefois, les enjeux sontdéterminés dès les premières étapes d’examen, ce qui permet une meilleure priseen compte de cet aspect essentiel de l’ÉIE.

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l’acceptation définitive du projet. Plus récemment, la participation du public s’est étendueà la phase d’exploitation du projet, par l’entremise d’un comité de surveillance oude suivi.

Selon les procédures d’ÉIE en vigueur, la participation du public est plus ou moinsimportante dans le processus d’évaluation. Ainsi, l’étendue, l’ampleur et les moda-lités de la participation du public sont très variables. Elle est parfois réduite à sa plussimple expression, à savoir l’élémentaire information a posteriori de la réalisation d’uneÉIE. Par contre, le public a parfois l’occasion de participer à plusieurs étapes impor-tantes de l’examen en cours et non seulement à une participation restreinte à la finde celui-ci, lors d’audiences publiques sur la base du rapport final d’ÉIE dans le meilleurdes cas. Par ailleurs, dans de nombreux pays, la participation du public est encore gran-dement entravée par un contexte démocratique passablement précaire, sinon carré-ment absent. Dans ce contexte restrictif, la participation publique constitue beaucoupplus un vœu pieu qu’une réalité.

La pratique actuelle permet habituellement la participation du public dans le cadred’une courte et plutôt restreinte participation, et ce, durant l’ultime étape d’évalua-tion. Le public est alors informé des résultats de l’étude lors de réunions publiquesplus ou moins formelles. Le pouvoir décisionnel de telles rencontres dépend du pou-voir de l’organisme de consultation; il est rarement décisionnel. Le public peut ainsiformuler ses craintes, ses doléances et ses recommandations, mais sans que celles-cin’affectent profondément les résultats de l’examen produit par les experts ni la réa-lisation du projet lui-même. Dans l’optique du développement durable, plusieursréclament cependant une plus grande contribution du public au processus d’évaluation,et ce, par une implication plus directe et plus décisive qu’actuellement.

La procédure de participation du public pourrait faire une place plus importanteà la contribution de ce dernier dans la prise de décision elle même, et ce, grâce à devéritables responsabilités à toutes les phases d’examen. Ainsi, lors du récent examendu projet Grande-Baleine (centrales d’Hydro-Québec à la baie d’Hudson), le publicfut impliqué, lors de la tenue d’audiences publiques préliminaires, dès l’étape de for-mulation de la «directive». Par la suite, de nouvelles audiences permirent aux diffé-rents acteurs de participer au processus d’acceptation de l’étude d’impacts elle-même,lors de l’analyse de conformité à la directive. Cette double intervention du public, contrai-rement à la procédure habituelle, permit une implication accrue des différentsacteurs, et ce, très en amont de la remise du rapport final. La poursuite de l’examendu projet fut toutefois arrêtée à cette étape par le report du projet de la part du pro-moteur.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Le public peut être constitué des différents acteurs que nous avons définis anté-rieurement, notamment des deux derniers, à savoir ceux s’impliquant par eux-mêmes, les écologistes et les riverains, ainsi que ceux amenés à s’impliquer, à savoirles diverses administrations et experts-conseils. Dans le cas des projets internationaux,il n’est pas rare de voir se manifester une «organisation non gouvernementale inter-nationale» (ONGI) ou l’un des grands groupes écologistes.

La participation du public au processus d’évaluation implique une informationadéquate sur les éléments d’étude. Afin de permettre au public de porter un jugementéclairé sur les implications du projet, cette information doit être disponible entemps opportun. Elle doit aussi être suffisante, compréhensible et de qualité. Voilàqui est encore plus impératif dans un contexte de participation active du public.Toutefois, cet aspect de la participation du public soulève des questions concernantl’accès à l’information (permission, horaires et lieux disponibles) et la confidentia-lité de certaines données (sûreté nationale, secret de fabrication). La participation popu-laire implique aussi son financement: il est parfois difficile de se déplacer vers les lieuxde consultation, d’avoir le temps d’examiner l’information convenablement et de pré-parer des questions ou de formuler des recommandations.

La présentation finale des résultats de l’étude, c’est-à-dire le rapport final d’éva-luation lui-même, devrait tenir compte de l’implication et des interventions du public.Par ailleurs, l’audience publique pourrait s’insérer à l’intérieur du processus d’examendu projet, comme nous l’avons vue esquissée dans le cas du projet Grande-Baleine.Dans tous les cas, le rapport final devrait tenir compte des résultats de la consulta-tion. Bien souvent, la consultation publique fait l’objet d’un rapport séparé du rap-port principal d’ÉIE, comme cela se fait au Québec.

Nous reviendrons de manière plus détaillée sur l’ample question de la partici-pation du public au cours du chapitre sept, qui traite de la négociation environne-mentale. De plus, la présentation des techniques de communication et de résolutiondes problèmes, ainsi que la description des techniques d’information concomitantesà la présentation du rapport, supporteront ce sujet fort important de la participa-tion publique.

L’audience publique

L’audience publique représente l’une des composantes essentielles de la participationpublique, sans pour autant représenter la seule forme possible de consultation de lapopulation. Nous la présentons séparément étant donné son importance de plus enplus grande dans le processus d’examen de l’ÉIE. Dans plusieurs pays, elle fait partie

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

des procédures régulières d’ÉIE, les modalités particulières à ces dernières détermi-nant parfois la façon de faire.

La plupart du temps, l’audience publique s’insère dans un formalisme bien par-ticulier qui prend souvent la forme d’une commission ou d’un comité public dotéde pouvoirs quasi judiciaires. Selon la procédure, l’implication des participants tientune plus ou moins grande place (rôle et importance), car les responsabilités qui leursont octroyées varient grandement selon la législation en cause. Il en est de mêmedes pouvoirs de recommandation ou de décision qui en sont issus. L’indépendance,par rapport aux différents acteurs et à l’État impliqués dans le processus, ainsi quele fonctionnement de l’organisation des audiences publiques sont tributaires des pra-tiques démocratiques. Comme nous l’avons mentionné pour la participation publique,le contexte démocratique influence énormément les façons de faire.

La tenue d’audience publique fait appel aux diverses techniques de participationdu public (voir la section «Participation du public») et de communication ainsi qu’àcelles, parfois nécessaires, de résolution des problèmes. Parmi ces dernières, onretrouve bien entendu les techniques de négociation et de recherche de consensus.La participation publique, ainsi que les techniques de communication et celles de réso-lution des problèmes, fera l’objet d’une attention plus détaillée au cours du chapitresept, consacré au cadre de la négociation environnementale.

La médiation environnementale

La médiation environnementale est une des nouveautés en évaluation des impactsenvironnementaux. La nouvelle Loi québécoise sur la procédure d’ÉIE, tout commec’est le cas pour ses homologues canadienne et américaine, en fait pour la premièrefois explicitement mention. La médiation est un des mécanismes de participation dupublic ; elle est en fait l’une des techniques de négociation et de recherche deconsensus. La médiation est l’une des procédures particulières de résolution des pro-blèmes entre divers intervenants. Tel que prévu dans plusieurs législations, elle rem-place ou complète l’audience publique dans les cas de litiges mineurs entre lesacteurs impliqués. Ces cas de litiges mineurs concernent des points bien particuliersde l’étude ou du projet.

La médiation environnementale suppose bien sûr une participation active du public,et ce, dans un contexte bien particulier de confiance et de vie démocratique. Les ques-tions en litige ne devraient concerner ni la justification du projet ni la globalité de l’examen.Dans de tels cas d’affrontements, elle ne semble constituer qu’un exercice impossible,le désaccord étant trop grand ou trop complet. Concrètement, la médiation vise la

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L’évaluation des impacts environnementaux

recherche de solutions dans la gestion de conflits mineurs, en faisant appel à la par-ticipation active de certains des acteurs impliqués dans la recherche active d’un com-promis. Elle représente une solution de rechange aux méthodes traditionnelles de réso-lution de conflits, tels l’arbitrage judiciaire ou les autres recours aux tribunaux.

La médiation environnementale fera l’objet d’une présentation plus détaillée aucours du chapitre sept, notamment dans la section portant sur la résolution des pro-blèmes («Typologie de résolution des problèmes»). Par ailleurs, la médiation envi-ronnementale peut être intimement reliée à la mise en place de mesures de com-pensation.

Les mesures de compensation

Les mesures de compensation représentent l’ultime moyen de réduire l’impact envi-ronnemental d’un projet. L’opération consiste à offrir un avantage quelconque en contre-partie de l’impact provoqué; c’est cet avantage qui compense. En fait, la compensa-tion permet soit de remédier, globalement ou en partie, aux conséquences négativessur l’environnement, soit d’acquérir la faculté d’outrepasser le bien-être environne-mental d’un milieu ou d’une population. Les mesures de compensation sont consti-tuées de l’ensemble des différents moyens permettant, après l’introduction desmesures d’atténuation, de compenser ou de faire accepter par l’ensemble des acteursles conséquences des impacts résiduels. Les mesures de compensation représententparfois une voie de solution acceptable aux oppositions, conflits et litiges générés parla mise en place du projet. La compensation est donc fréquemment l’une des com-posantes importantes de la médiation et de toute forme de négociation environne-mentale formelle ou informelle.

À titre d’exemples de mesures de compensation, mentionnons des plantationsd’arbres en remplacement des coupes effectuées, une indemnité monétaire pour lesdésagréments durant les travaux ou une somme financière versée collectivement àune communauté éprouvée par la mise en place du projet. Nous reviendrons de manièreplus détaillée sur les mesures de compensation au cours du chapitre huit.

La présentation des résultats

La présentation adéquate des résultats de l’examen représente une partie importantede la démarche générale de l’évaluation d’impacts. Elle est malheureusement trop sou-vent mésestimée en tant que telle, et ce, malgré son importance pour la participa-tion publique. Certaines procédures d’ÉIE en stipulent les grandes lignes directrices,tant en ce qui concerne les possibilités de rapports d’étapes que pour le contenu détaillé

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

du rapport final. C’est ainsi que divers aspects de la présentation des résultats sontparfois clairement et explicitement désignés.

Au point de vue politique, la présentation des résultats est une composante essen-tielle de l’évaluation des impacts environnementaux en tant qu’élément central del’information. En effet, outre sa propre justification en tant que fondement de la prisede décision, tant du point de vue scientifique que technique, elle est indispensable àla bonne marche de plusieurs autres aspects politiques de l’ÉIE. Comme nous venonsde l’indiquer, la présentation des résultats est primordiale pour la participation dupublic, mais aussi pour la compréhension et l’acceptabilité globale du projet. D’unepart, un projet mal compris par la population locale peut soulever des craintes et desinquiétudes sans commune mesure avec l’impact réel du projet en cause. D’autre part,les résultats fournis dans le rapport final doivent pouvoir répondre adéquatement auxquestions soulevées par les acteurs impliqués par la mise en œuvre du projet. Enfin,tous les aspects significatifs pour une prise de décision éclairée doivent trouver uneréponse acceptable dans le rapport d’évaluation. Nous n’examinerons pas plus avantles aspects précis de la présentation des résultats, car cette question fera l’objet d’unepartie importante du chapitre six.

Les recommandations

L’élaboration de recommandations, de conclusions ou de suggestions constitue par-fois l’étape «ultime» du processus d’examen de l’ÉIE. On les retrouve soit dans le rap-port final d’évaluation, ce qui n’est pas toujours le cas, soit dans d’autres rapports,par exemple, ceux d’une commission d’enquête, d’une consultation publique ou d’unrapport interne de l’organisme de contrôle. Les procédures particulières d’ÉIE déter-minent souvent les formalités en ce sens, sans toutefois en préciser toujours l’étendueet la portée. Là comme ailleurs, les spécificités socioculturelles propres à chaque cul-ture et le contexte démocratique déterminent souvent la portée de cette étape.

Les recommandations peuvent se déployer des plus générales, celles qui représententen fait la conclusion même de l’étude, aux plus particulières, celles qui ne concernentqu’un aspect précis de l’examen. Les recommandations générales (conclusions)expriment l’estimation globale de l’impact du projet, notamment l’acceptation ounon du projet, ou plus rigoureusement la recommandation en ce sens. Les recom-mandations particulières, par contre, énoncent divers avis et propositions concernantdes points bien précis de l’étude ou du projet. Elles peuvent comprendre la présen-tation des correctifs à apporter aux composantes du projet, des mesures d’atténua-tion et de compensation proposées ainsi qu’une appréciation du choix de site, des

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L’évaluation des impacts environnementaux

solutions de rechange et des variantes. La plupart de ces aspects seront examinés endétail au chapitre huit.

Selon la réglementation en vigueur, plusieurs étapes de recommandation peuventprendre place dans le processus d’évaluation d’ensemble. C’est parfois le cas lors del’élaboration de la directive, par exemple. Selon le cas, il peut s’agir de recomman-dations issues de la réflexion des évaluateurs, du public ou des organismes décisionnels.

Les recommandations, suggestions et propositions contenues dans le rapport finalde l’ÉIE ne représentent pas la prise de décision en tant que telle, mais peuvent gran-dement l’inspirer, voire l’orienter. D’autres rapports et influences apportent uncomplément sinon contrebalancent le rapport d’évaluation. L’objectif de l’ÉIE, en cesens, malgré sa proximité par rapport à la décision finale, demeure uniquement desupporter et de favoriser la prise de décision optimale.

La décision

En règle générale, la prise de décision en ÉIE est unique, globale et sans recours, l’or-ganisme responsable de donner son accord acceptant ou refusant le projet proposé.En pratique, toutefois, cette affirmation doit être nuancée. En effet, il existe parfoisplusieurs organismes responsables d’une partie ou de la totalité de l’autorisation. Ilexiste aussi des prises de décision partielles en cours de processus. De plus, l’accep-tation «finale» d’un projet est souvent soumise à des conditions d’application, toutcomme elle est parfois sujette à des modifications ultérieures.

La prise de décision est pour une bonne part tributaire des valeurs et des procé-dures de la société dans laquelle elle s’exerce, que celles-ci soient institutionnalisées ounon. Dans ce contexte général, les rapports de force existant entre tous les groupes etindividus impliqués sont d’une importance déterminante. Dans le contexte plus par-ticulier de l’ÉIE, la prise de décision soulève des questions d’ordre éthique et huma-nitaire, en plus des aspects environnementaux en jeu. Cela concerne plus particuliè-rement la répartition des bénéfices et des inconvénients des projets de développementainsi que le déplacement des populations, le dédommagement des expropriés et laprise en compte des intérêts de tous, aussi bien que la sauvegarde et la conservationdes éléments de l’environnement, notamment les plus sensibles. De manière plus res-treinte, la prise de décision englobe aussi les rapports qu’entretiennent les différentsévaluateurs entre eux ainsi qu’avec l’ensemble des autres acteurs impliqués dans leprocessus. Les rapports de force souvent inégaux entre une petite firme d’évaluateurs

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

et une grande entreprise faisant régulièrement appel à ses services ne peuvent êtrerégis de manière convenable que par des mécanismes extérieurs de contrôle.

En pratique, l’ensemble du processus d’ÉIE offre plusieurs possibilités de prisede décisions partielles, la plus importante demeurant cependant la décision finale etglobale concernant l’opportunité du projet. Les possibles prises de décision partiellesvarient selon la procédure en cours. Ces prises de décision restreintes concernent cer-tains aspects répartis tout au long de la démarche d’examen d’un projet. Parmi celles-ci, notons l’opportunité même de tenir une ÉIE, c’est-à-dire le processus d’assujet-tissement des projets, l’élaboration de la directive, les détails de la démarche àentreprendre, notamment la diffusion de l’information et les modalités de la parti-cipation publique. Concernant ces derniers aspects, il existe des relations étroites entreles évaluateurs et les organismes de contrôle – les responsables de l’environnement,en l’occurrence. Comme tout n’est pas nécessairement fixé, il existe une marge demanœuvre propice à la négociation entre les parties impliquées.

Bien entendu, la décision finale est souvent un compromis entre les préoccupa-tions environnementales et les « impératifs» économiques et techniques. Le réar-rangement, même partiel, d’un projet compromettant pour l’environnement est sou-vent un moindre mal par rapport à un développement sans bornes. Des enjeuxenvironnementaux modifient parfois, même de manière importante, un projetpourtant jugé incontournable par ses promoteurs. Le défi de la prise de décision estsouvent la résolution du dilemme entre des enjeux, des objectifs et des intérêts dif-férents, voire divergents.

Comme nous le disions à propos des recommandations du rapport final de l’ÉIE,l’étude d’impacts elle-même ne représente pas une prise de décision en tant que telle.Le rôle de l’évaluateur d’impacts n’est pas de se substituer à celui des décideurs. L’objectifultime de l’ÉIE demeure uniquement de supporter et de favoriser la prise de décisionoptimale. L’ÉIE fournit ainsi l’éclairage essentiel et indispensable d’une décision ins-truite et fondée. L’évaluateur doit transmettre toute l’information nécessaire et signi-ficative à la prise de décision qui devra être accomplie par le ou les décideurs. Les res-ponsabilités du premier sont souvent considérables, car les jugements fondant la décisiondes derniers reposent en grande partie, mais pas uniquement, sur son travail. L’opiniondes experts, sans être toujours acceptée d’emblée ni la seule valable, comme nous leverrons dans le chapitre sur la négociation environnementale, pèse donc lourd dansles décisions des autorités.

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L’évaluation des impacts environnementaux

L’inspection et le suivi

Dans le rapport final d’examen, l’inspection et le suivi représentent les engagementsfuturs du promoteur. Le respect de ces engagements touche les correctifs apportésau projet par l’examen d’impacts, la mise en place des mesures d’atténuation prévues,la bonne pratique environnementale lors des travaux et le programme de contrôleultérieur à la mise en marche des installations projetées ainsi que de tout autre enga-gement issu de l’ÉIE. Cette section du rapport final, la dernière habituellement, concernedonc des activités à réaliser après l’acceptation du projet par les décideurs. C’est dansce sens que tous ces aspects ultimes de l’ÉIE relèvent de ce qu’on nomme couram-ment le suivi environnemental.

En fait, le suivi environnemental comprend au moins trois grands types d’opé-rations différentes. La première opération s’effectue au moment de l’exécution destravaux de construction des installations, ce qui comprend aussi les étapes prélimi-naires de mise en œuvre des travaux. La «surveillance des travaux» désigne cette pre-mière étape de suivi. Puis, tout au long de la phase d’exploitation, les activités d’ins-pection de certains paramètres environnementaux représentent le «suivi d’exploitation»(monitoring). Enfin, lorsque c’est le cas, ce qui est plutôt exceptionnel dans la pra-tique courante, une nouvelle étude des répercussions environnementales s’effectueplusieurs années après la mise en place des installations, c’est ce qu’on nomme le suivi«postprojet».

De façon plus concrète, les différents aspects de l’inspection et du suivi serontexaminés dans la section méthodologique du niveau technique de l’ÉIE, en ce quiconcerne la surveillance des travaux, et au niveau scientifique d’étude pour ce qui touchele suivi d’exploitation et le suivi postprojet. Toutefois, ce n’est qu’au cours du cha-pitre huit que nous étudierons en détail l’ensemble de ces questions, notamment parun examen complet des exigences habituelles et de la mise en œuvre de programmesde suivi.

ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES DU NIVEAU TECHNIQUE D’ÉTUDE

Le niveau technique est sans doute le plus spécifique des niveaux d’étude de l’ÉIE.En effet, il correspond grosso modo à une seule spécialité, celle du génie, l’univers del’ingénieur. En règle générale, les autres disciplines n’interviennent qu’en soutien auxactivités de génie. Rappelons que le niveau technique relève du second objectif de l’ÉIE,à savoir la minimisation de l’impact environnemental du projet. Les éléments

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

regroupés dans cette section représentent les constituants des étapes reliées aux pro-cessus techniques; ils sont habituellement spécifiques à l’évaluation des impacts envi-ronnementaux.

La plupart des mesures mises sur pied en vue de réduire ou d’atténuer l’impactdu projet ont avantage à intervenir le plus tôt possible dans l’élaboration du projet.L’ampleur des mesures correctrices et d’atténuation est très variable, selon les com-posantes du projet. On constate fréquemment que le projet approuvé à la fin de l’examend’ÉIE est différent de celui présenté initialement par le promoteur.

Les éléments méthodologiques qui relèvent avant tout du niveau technique del’évaluation des impacts environnementaux sont les suivants :

• la modification du projet ;

• les correctifs au projet ;

• le choix de solutions de rechange ou de variantes ;

• l’ordonnancement ;

• les mesures d’atténuation;

• les mesures de compensation;

• la surveillance des travaux.

Le schéma de la figure 4.5 montre la disposition probable de ces éléments tech-niques dans le processus d’ÉIE. Nous examinerons de façon plus détaillée, au coursdu chapitre huit, la plupart des éléments de la présente section.

La modification du projet

Lorsque débute l’élaboration d’un projet, les préoccupations environnementales nese retrouvent généralement pas aux côtés des préoccupations techniques et financières.Jusqu’à tout récemment, la conception des projets n’avait que très rarement intégrél’environnement dans ses tâches initiales. La prise en compte des aspects environ-nementaux ne survient donc habituellement qu’à la suite des premières étapes d’élaboration du projet par les promoteurs. Conséquemment, leur intégration dansle projet est perçue comme une étape supplémentaire de réalisation. Il devient doncparfois difficile de s’arranger pour que leur intégration ne remette pas trop en causeles aspects techniques et financiers. De plus en plus, par contre, le choix des techniquesemployées (c’est-à-dire procédé de fabrication et emploi de ressources particulières)résulte des normes d’émissions en vigueur, ce qui limite et oriente l’élaboration duprojet vers la voie d’une plus grande implication environnementale. Il est donc dans

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L’évaluation des impacts environnementaux

l’intérêt même des préoccupations environnementales que leur intégration dans laconception des projets s’effectue le plus tôt et le plus librement possible. Plus le projetsera parachevé et plus seront élevées les barrières à leur sincère intégration. L’expérienceacquise depuis les débuts de l’ÉIE permet de connaître à l’avance plusieurs des com-posantes et des activités susceptibles d’amélioration ou de correction.

Les correctifs au projet

L’apport de simples correctifs à un projet demeure l’ultime mesure en vue d’intégrerl’environnement dans la conception détaillée d’un projet. Les modifications signifi-catives étant évincées par l’état d’avancement de la conception même du projet, il nereste plus très souvent que la possibilité d’effectuer de légers correctifs.

Les correctifs apportés aux composantes et aux activités afférentes au projet peuventsurvenir tout au long du processus d’examen. Ils apparaissent souvent au cours de l’évaluation des impacts et lors de l’élaboration des mesures d’atténuation.

Figure 4.5

Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau technique

Projet initial

Ordonnancement

Sélection et choix

Mesures d'atténuation

Mesures de compensation

Surveillance des travaux

VariantesAlternatives

CorrectifsModification

Niv

eau

polit

ique

d’e

xam

en

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Certains ajustements se manifestent toutefois dès la première analyse des activités rela-tives au projet, alors que d’autres ne se présenteront qu’au moment de la prise de déci-sion finale concernant l’acceptabilité du projet.

Les correctifs apportés à un projet en cours d’examen ne sont pas toujours trèsdistincts de certaines des mesures d’atténuation; ils sont parfois confondus, d’ailleurs.Les deux concourent cependant à l’amélioration du projet ou à la minimisation deses répercussions sur l’environnement. De la même façon, certaines modificationsau projet initial et, dans une moindre mesure, certains des correctifs employés ne sedifférencient pas vraiment du choix des solutions de rechange ou des variantes encours d’étude.

La sélection et le choix de solutions de rechange ou de variantes

L’examen de solutions de rechange et de variantes est l’une des meilleures façons deminimiser l’impact d’un projet. Il permet de choisir les composantes et les activitésdu projet ainsi que les sites d’implantation les plus susceptibles de produire le moindreimpact sur l’environnement. La marge de manœuvre dépend grandement du type deprojet puisque tous ne permettent pas les mêmes options. Ainsi, dans le cadre d’unprojet de gestion des déchets, plusieurs possibilités s’offrent (incinération, enfouisse-ment, recyclage, etc.), alors que pour l’exploitation d’une mine, les options sont trèsréduites. Dans ce dernier cas, il n’y a en fait qu’une solution de rechange à l’exploita-tion, c’est celle de ne pas faire d’exploitation du gisement et d’ainsi renoncer au projet.Par contre, il existe plusieurs variantes possibles d’exploitation, celles-ci diffèrant parleur procédé d’extraction, l’aménagement des accès, la réduction des rejets, etc.

La distinction entre «solution de rechange» et «variante» n’est à peu près jamaisbien définie ni expliquée, laissant libre cours à toutes les interprétations possibles deslois, des règlements ou des statuts en ce sens. Il faut bien admettre qu’il n’y a pas, entreces deux notions apparentées, une démarcation toujours bien franche ni bien com-prise.Voilà qui laisse place à une certaine subjectivité dans l’appréciation et une grandemarge de manœuvre pour les évaluateurs et les promoteurs. Quant à nous, une solu-tion de rechange représente, comme dans l’exemple de la gestion des déchets évoquéprécédemment, une notion plus complète et plus distincte que ne l’est une variante.Jusqu’à un certain point, une solution de rechange est un ensemble de composantesde projet d’une nature différente d’une option à une autre, et non pas simplementune variation plus ou moins importante d’un même projet. Les différentes façons degérer les déchets domestiques, par exemple, ou les diverses options en vue de fournirdes services énergétiques (hydroélectrique, nucléaire, éolien, économies d’énergie, etc.)permettent un choix entre diverses solutions de rechange. Par contre, le choix d’un

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L’évaluation des impacts environnementaux

site ou d’un couloir d’implantation ainsi qu’une modification mineure dans le pro-cédé de fabrication ou la durée d’exploitation du projet relèvent plutôt d’un choixde variantes. Par ailleurs, les solutions de rechange autant que les variantes peuventimpliquer l’ensemble des composantes du projet soumis ou une partie seulement decelles-ci.

La réglementation en vigueur en ÉIE recommande presque toujours l’examende solutions de rechange ou de variantes à l’intérieur de l’étude d’un projet. Ces obli-gations réglementaires sont inscrites dans plusieurs pays depuis les débuts de l’ÉIE,notamment aux États-Unis et au Canada. Néanmoins, il est fréquent de ne retrouveraucune solution de rechange sérieuse à un projet proposé. Par contre, on retrouveplus fréquemment l’examen de diverses variantes du projet à l’étude, notamment pourle choix de site ou du tracé des infrastructures.

La présence de solutions de rechange ou de variantes, et à plus forte raison lorsqu’il s’agit de l’examen comparatif de différents projets, suppose bien sûr la sélec-tion d’un choix optimal. L’examen des diverses options à un projet d’étude nécessitedonc l’emploi de techniques de comparaison en vue d’évaluer le meilleur choix pos-sible. La méthodologie doit alors contenir une procédure particulière permettant lasélection entre diverses options (solutions de rechange ou variantes) afin d’obtenirle plus adéquatement possible un choix optimal. La sélection des options possibleset l’analyse comparative de celles-ci (choix de critères et méthode de comparaison)relèvent surtout du domaine technique de l’ÉIE. Cependant, les choix qui seront effec-tués et les acteurs qui y participeront concernent le niveau politique de l’étude.

Bien souvent, les promoteurs omettent de proposer des solutions autres que leurprojet. Pour de multiples raisons, certains promoteurs sont dans la quasi impossibi-lité de faire autrement, comme c’est le cas des projets miniers, par exemple. Il en vasouvent de même pour les entreprises dont les opérations ou le produit final sontbien déterminés. Pour un promoteur, l’analyse exhaustive de solutions de rechangequ’il ne compte pas réaliser est de peu d’intérêt, voire n’a aucun sens ni raison d’être.L’examen à un niveau supérieur à celui de l’évaluation de projet, l’évaluation straté-gique des politiques et des programmes, par exemple, permettrait de clarifier quelquepeu les choses, notamment en filtrant le type de projet par l’entremise d’une véri-table comparaison de solutions de rechange. Les projets ainsi présélectionnés pour-raient ensuite être examinés sous l’optique d’un choix de variantes dans le cadre d’uneévaluation du projet sélectionné. Les options fortement rejetées lors d’une telle éva-luation, l’incinération en milieu urbain, par exemple, et les contraintes inadmissibles,telles que l’exclusivité de la pêche sur un cours d’eau, permettraient de guider les futurspromoteurs. Dans un tel contexte d’élargissement de la place de l’ÉIE dans nos

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

processus de décision, l’aléatoire, le subjectif et les jeux de pouvoir du niveau poli-tique de l’évaluation seraient plus limités qu’ils ne le sont actuellement.

L’une des solutions de rechange qu’on devrait toujours rencontrer dans l’examend’un projet mais qui est peu souvent présentée est la non-réalisation du projet en ques-tion, c’est-à-dire le statu quo ou l’option zéro. Cela permettrait d’évaluer plus adé-quatement l’évolution du milieu sans l’intervention du projet et, conséquemment,de prévoir en toute connaissance de cause l’évolution anticipée. Cette prise encompte du statu quo permet aussi d’estimer plus complètement le bien-fondé de lajustification du projet.

En pratique, et à peu près uniformément, le choix entre diverses options fait appelaux techniques d’agrégation et de pondération, ce qui est avant tout du ressort dudomaine scientifique de l’évaluation d’impacts. Par ailleurs, la méthode de compa-raison utilise souvent les techniques d’ordonnancement que nous plaçons dans la pré-sente section. Selon la méthode particulière employée par les évaluateurs, l’insistances’orientera en priorité vers l’une ou l’autre des techniques d’ordonnancement.

L’ordonnancement

L’ordonnancement représente un ensemble de techniques particulières de mise envaleur et de comparaison de solutions de rechange ou de variantes. Il s’agit généra-lement de classer les différentes options selon des critères d’évaluation relative, sanspour autant faire appel aux techniques d’agrégation ni de stricte pondération, deuxnotions complexes que nous examinerons au cours de la prochaine section. Au-delàde ses aspects techniques, l’ordonnancement présente aussi plusieurs dimensions politiques.

Bien souvent, en fait, l’ordonnancement correspond à la plus simple des tech-niques de pondération (valeur relative des paramètres), celle de la hiérarchisation.La hiérarchisation des paramètres (éléments, effets et impacts ainsi que critères decomparaison) du plus important au plus banal, par exemple, est en fait une classifi-cation relative assez vague plutôt qu’une véritable comparaison rigoureuse des diversparamètres.

La hiérarchisation classe tous les paramètres dans une série limitée de classes d’im-portance. Elle réduit les opérations de comparaison de tous les paramètres les unspar rapport aux autres et simplifie d’autant le classement parfois très compliqué deceux-ci. Le nombre de classes est généralement réduit à deux ou trois possibilités seu-lement, suivant un ordre décroissant d’importance. Comme dans toute réflexion com-parative, les critères importants sont séparés des autres et placés au-dessus de ceux

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L’évaluation des impacts environnementaux

qu’on considère moins importants. Il y a bien entendu de nombreux aspects subjectifsqui se glissent dans une telle opération. Le choix des critères de comparaison et leurclassement ne sont pas aussi simples et objectifs qu’ils le paraissent. Habituellement,aucune hiérarchie n’est présente à l’intérieur d’une même classe de critères, tous étantconsidérés comme égaux.Voilà qui simplifie de nouveau l’opération, qui pourrait s’avérercomplexe.

L’utilisation de critères différents vise à contourner les inévitables et insurmon-tables problèmes reliés à toute comparaison reposant sur un seul critère, notammentla valeur monétaire de la plupart des méthodes unicritères. Parmi les techniques etméthodes de comparaison utilisées en ÉIE, nous pouvons inclure l’analyse multi-critères et la méthode de Holmes. Nous examinerons ces deux outils fort utiles d’ordonnancement au cours du chapitre suivant.

Les mesures d’atténuation

L’application de mesures d’atténuation permet d’atténuer ou d’éliminer l’impact envi-ronnemental d’une activité ou d’une composante du projet. Les mesures d’atténua-tion représentent l’ensemble des moyens visant ces objectifs d’atténuation et d’éli-mination des impacts. Concrètement, les mesures d’atténuation constituent descorrectifs apportés aux diverses composantes projetées afin de diminuer l’impact envi-ronnemental.

En premier lieu, l’application des mesures d’atténuation peut neutraliser l’im-pact, c’est-à-dire l’éliminer complètement. Il se peut, par contre, qu’elles n’atténuentqu’en partie les conséquences néfastes, mais de manière notable; l’importance de l’im-pact en est alors fortement diminuée, en conséquence. Enfin, la mise en œuvre demesures d’atténuation peut n’atténuer que très partiellement les conséquences néga-tives ; l’impact qui en résulte demeure alors similaire à son importance initiale. Dansles deux derniers cas, le résultat après la mise en place des mesures d’atténuation repré-sente ce qu’on nomme l’« impact résiduel». L’impact résiduel est donc l’impact anti-cipé qui reste après l’atténuation par les mesures. C’est ainsi que, par l’entremise demesures d’atténuation, on passe d’un impact potentiel à un impact résiduel.

Nous examinerons, en ce qui a trait au niveau scientifique d’étude, une typologiecomplète des impacts. Par ailleurs, en vertu du même objectif de réduction de l’im-pact environnemental, des «mesures de bonification» pourraient être incorporées auprojet. Ces mesures de bonification permettent d’augmenter l’importance ou la valeurdes impacts positifs. En fait, ces mesures se situent bien souvent à la frontière entrede véritables mesures d’«atténuation» et celles de compensation.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La figure 4.6 présente une liste de mesures d’atténuation. Ces mesures sont ditesparticulières, simplement parce qu’il s’agit d’une série de mesures à appliquer à cer-tains aspects particuliers des composantes ou des activités d’un projet. À l’inverse,certaines mesures d’atténuation sont dites générales, parce qu’elles concernent l’en-semble des activités ou des composantes du projet ; elles sont donc d’une nature plusgénérale que les mesures particulières. Nous reviendrons de manière plus détailléeau cours du chapitre huit sur ces mesures générales et particulières d’atténuation.

En pratique, il n’y a que trois résultats possibles à la mise en place de mesuresd’atténuation. Il existe, tout d’abord, la possibilité d’élimination totale de l’impact,une possibilité plutôt rare. Il existe aussi la situation la plus courante, soit l’élimina-tion (atténuation) partielle de l’impact. Dans ce cas, la valeur de l’impact peut êtreplus ou moins fortement diminuée. Finalement, il reste toujours la possibilité que lamesure proposée n’ait éventuellement aucune influence sur l’impact lui-même.Comme les enseignements des rares programmes de suivi sont faibles, cette troisièmepossibilité est peut-être plus importante qu’on le croit.

Figure 4.6

Liste de mesures particulières d’atténuation

• Planifier les périodes d’intervention, dans les zones sujettes aux inondations ou présentant un fort ruissellement, en dehors des saisons de crues ou de fortes pluies.

• Ne pas entraver le drainage des eaux de surface et prévoir des mesures palliatives.

• Respecter le drainage superficiel en tout temps. Éviter d’obstruer les cours d’eau, les fossés ou tout autre canal, notamment par les débris qui entravent l’écoulement normal des eaux.

• Stabiliser le sol mécaniquement pour réduire le potentiel d’érosion.

• Éviter la construction sur les sols de forte pente.

• Limiter les interventions sur les sols érodables. Choisir des véhicules adaptés à la nature des terrains.

• Obtenir les autorisations nécessaires pour les travaux en zone humide.

• Prévoir le réaménagement du site après les travaux.

• À la fin des travaux, compacter les sols remaniés et favoriser l’implantation d’une strate herbacée stabilisatrice.

• Prévoir des aménagements pour la circulation des véhicules lorsqu’il y a risque de compaction ou d’altération de la surface.

• Conserver la couche organique du sol pour la restauration ultérieure du site.

• Réglementer de façon stricte la circulation de machinerie lourde. Restreindre le nombre de voies de circulation et limiter les déplacements aux aires de travail et aux accès balisés.

Érosion et déstabilisationdu sol.

Altération de lanature du sol.

Modification des eaux de surface et souterraines,ainsi que des conditions de drainage.

Impacts potentiels Mesures d’atténuation

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L’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation ultime de l’impact environnemental du projet dans le rapport finalpeut être réalisée avec ou sans la prise en compte des mesures d’atténuation. Dans lepremier cas, les impacts représenteront alors des impacts potentiels, alors que dans lesecond, il s’agira d’impacts résiduels. Il est recommandé de présenter ces deux typesde résultats dans le rapport final, afin d’assurer un meilleur contrôle et l’inspectionultérieure des impacts environnementaux du projet réalisé, mais aussi afin de décelerclairement les bénéfices environnementaux accomplis grâce à l’étude même du projet.

Les mesures de compensation

La plupart des aspects essentiels au sujet des mesures de compensation ont déjà étéexaminés dans la section précédente portant sur le niveau politique de l’ÉIE. Il y adonc peu à ajouter du point de vue technique, sauf en ce qui concerne les aspectstechniques de la mise en œuvre de mesures de compensation en remplacement d’élé-ments environnementaux fortement perturbés.

Il existe bien entendu des limites à la mise en place de mesures de compensationadéquates, tout ne pouvant être recréé ou rebâti selon le gré de l’ingénieur. De plus,les ressources financières nécessaires à une juste compensation ne sont pas toujoursdisponibles. Il est beaucoup plus difficile de recréer le milieu de vie d’une popula-tion déplacée par la mise en place d’un projet que de reboiser une zone en friche. Lareconstruction d’un mode de vie similaire pour une grande communauté est sou-vent limitée par la non-disponibilité de certains éléments, notamment la présence debonnes terres agricoles encore inoccupées. Mais ici, nous sommes renvoyés dans ledomaine des préoccupations politiques de l’ÉIE.

La surveillance des travaux

La surveillance des travaux représente l’opération du suivi la plus près d’un examenpurement technique, contrairement aux activités relatives au suivi d’exploitation etau suivi postprojet. Voilà pourquoi nous plaçons la surveillance des travaux parmiles aspects techniques d’étude.

La surveillance environnementale des travaux vise d’abord à s’assurer que les enga-gements pris lors de l’évaluation environnementale soient respectés. Les engagementsréfèrent principalement aux mesures d’atténuation générales et particulières prévuespour le projet, mais aussi au respect des lois, des règlements, des certificats et des décretsdélivrés par les autorités gouvernementales ainsi qu’à tout autre engagement envi-ronnemental pris par l’entreprise à l’égard du projet. La surveillance des travaux viseaussi le respect d’une saine pratique environnementale lors de l’exécution même des

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

travaux, que ces derniers soient du ressort du promoteur lui-même ou de l’un de sespartenaires entrepreneurs.

La surveillance des travaux s’effectue durant toute la phase de mise en œuvre duprojet, c’est-à-dire de la conception des plans et devis jusqu’au début de l’exploita-tion, en passant par la phase cruciale de construction des installations et de mise enplace des équipements. La surveillance des travaux peut se subdiviser en deux sous-étapes: celle de l’élaboration du programme de surveillance et celle de la mise en œuvrede ce programme. L’exécution de la surveillance des travaux peut être confiée à desreprésentants du promoteur ou à ceux d’une firme ou d’un organisme externe en envi-ronnement.

ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES DU NIVEAU SCIENTIFIQUE D’ÉTUDE

Le niveau scientifique d’étude est probablement le plus systématique des niveauxd’examen de l’ÉIE. Les diverses opérations s’imbriquent les unes dans les autres demanière ordonnée et passablement rationnelle. Il est donc celui qui paraît le plus objectif,compte tenu de la nature ordonnée et méthodique des différents éléments. Tout commeles autres niveaux d’examen, cependant, il n’est pas exempt de subjectivité.

Les éléments regroupés sous cette section font appel aux connaissances discipli-naires des diverses sciences impliquées par l’identification, la prédiction et l’évalua-tion de l’impact environnemental du projet à l’étude. Mais ils font aussi appel à l’ex-pertise inter ou multidisciplinaire et ils sont pour la plupart spécifiques à l’ÉIE. C’estencore plus vrai pour les aspects globaux, comme les domaines de référence, ainsique pour la cotation, l’agrégation et la pondération.

Les éléments méthodologiques du niveau scientifique comprennent les paramètressuivants :

• quantification versus qualification;

• aspects spatio-temporels ;

• domaines de référence;

• identification des activités ;

• identification des éléments ;

• interaction activités/éléments ;

• relevé des effets/impacts ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• relevé des impacts indirects et secondaires ;

• relevé des impacts cumulatifs ;

• descripteurs d’impacts (indicateurs) ;

• estimation des modifications résultantes ;

• évaluation de l’impact environnemental ;

• évaluation de l’importance des effets ;

• évaluation de l’importance des impacts ;

• impact inadmissible ;

• agrégation des impacts ;

• pondération des impacts ;

• évaluation de la cotation;

• aspects et éléments litigieux;

• suivi d’exploitation;

• suivi postprojet.

Les deux premiers éléments recoupent des aspects globaux de l’examen. En cesens, ils sont impliqués dans l’étude de la plupart des autres éléments du domainescientifique. Tous les autres éléments sont ordonnés selon l’ordre habituel d’appari-tion dans le processus d’examen comme à la figure 4.7.

Quantification versus qualification des informations

Les problèmes reliés à la quantification versus la qualification de l’information sontavant tout du niveau scientifique; certains relèvent toutefois aussi du politique. C’estparticulièrement le cas de la validité et du mérite accordés respectivement à ces deuxtypes d’information par les différents acteurs.

Plusieurs informations objectives peuvent être obtenues avec une assez bonne exac-titude, leur mesure précise ne posant pas de difficulté. Toutes les données souhaitéesne sont toutefois pas toujours disponibles ni ne peuvent être mesurées facilement.L’inventaire des éléments de l’environnement est facilement identifiable et quanti-fiable. Cependant, il n’en va pas de même en ce qui concerne la prévision et l’éva-luation d’impacts, ces derniers ne demeurant que des prévisions plus ou moins justeset complètes. De plus, il n’est pas rare de rencontrer des études qui contiennent deséléments de l’environnement pour lesquels les données ne peuvent être mesurées avecprécision, toute quantification s’avérant irréalisable.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Les sciences biologiques et physiques apportent souvent une quantification pré-cise de grande qualité. Néanmoins, elles sont parfois incomplètes et ne peuvent per-mettre d’apprécier un phénomène énigmatique ou incompréhensible. C’est le cas pourles phénomènes complexes ou inaccessibles avec nos connaissances actuelles. C’estaussi le cas pour certains éléments environnementaux nouvellement ou peu étudiés.Dans d’autres cas, la qualification même des phénomènes ne peut tout simplementpas être estimée; le jugement est alors incomplet, subjectif et fort aléatoire. Les sciencessociales nous fournissent plusieurs exemples de telles informations qui peuvent n’être

Figure 4.7

Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau scientifique

Aspects spatio-temporels

Domaines de référence

Quantification/qualification

Estimation des modifications

Cotation

Descripteurs d’impacts

Interaction activités/éléments

Identificationdes activités

Identificationdes éléments

Direct Indirect Secondaire Cumulatif

Niv

eau

scie

ntif

ique

d’e

xam

en

Relevé des effets/impacts

Effet Inadmissible Impacts

Évaluation de l’impact

PondérationAgrégation

Suivi postprojetSuivi d’exploitation

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L’évaluation des impacts environnementaux

que qualifiées de façon très rudimentaire. L’information ne peut alors être quanti-fiable, même approximativement. Quoi qu’on en pense généralement, les sciences bio-physiques ne sont pas elles non plus à l’abri d’un tel jugement. Cet aspect non quan-tifiable conféré généralement aux sciences sociales est souvent prétexte à leurisolement par rapport aux sciences biologiques et physiques en ÉIE.

Dans la plupart des études, il existe ainsi un difficile arbitrage entre des donnéesobjectives relativement précises et des données subjectives peu ou pas quantifiables.Les effets et impacts environnementaux incommensurables entraînent parfois des biaisméthodologiques importants. Ces biais sont fréquemment à l’origine de litiges entreles divers intervenants. Toutefois, la question de la quantification versus la qualifica-tion ne doit pas être perçue de manière trop simpliste. Ainsi, il n’est pas certain quedes résultats quantifiés soient toujours meilleurs et plus utiles que d’autres qui ne sontque qualifiés ou grossièrement quantifiés. Certains paramètres environnementaux nepeuvent pas être traités de manière quantitative ou très difficilement; ne pensons qu’auxdifficultés rencontrées dans l’estimation de la plupart des impacts sociaux. L’enjeuprincipal de cette question est de savoir si on peut vraiment estimer l’impact d’uneactivité sur l’environnement afin de juger et d’intervenir convenablement, et ce, dequelque façon que ce soit.

D’autre part, les évaluateurs devraient porter un soin particulier afin d’éliminerle plus possible les aspects subjectifs, notamment les jugements de valeur. Les juge-ments de valeur sont indéniables en évaluation d’impacts, on les retrouve un peu par-tout. Cela est plus évident lorsqu’il s’agit de facteurs ou d’éléments sociaux ouéthiques, mais ils sont présents aussi lorsqu’il s’agit de techniques, de sciences et d’éco-nomie. L’aspect subjectif, difficilement extirpable de tout processus d’étude, n’est sur-tout pas à négliger. Les éléments subjectifs présents tout au long de l’examen de l’ÉIEsont multiples. Mostert (1996) a démontré qu’ils se retrouvent aussi bien dans le choixdes méthodes et la sélection des options que dans la représentation graphique desdonnées. Comme les éléments subjectifs doivent être pris en compte dans le processusde prise de décision, qu’on le veuille ou non, l’évaluateur d’impacts devrait permettrela mise en évidence de ces aspects subjectifs. C’est ainsi que les jugements de valeur,parfois fort utiles et essentiels dans plusieurs cas, devraient faire l’objet d’une pré-sentation explicite, et non pas être dissimulés. De toute façon, ils se retrouveront demanière implicite dans les résultats ainsi que dans les jugements et les conclusionsqui en résulteront. Ce qui importe, avant tout, c’est de mesurer ou d’évaluer de la manièrela plus précise et complète possible le degré de certitude ou d’occurrence des événe-ments et des impacts anticipés.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

«Faire mentir une carte»

On pense à tort que les supports de l’information, une carte géographique, par exemple,sont porteurs d’un message neutre, qu’ils ne font que refléter fidèlement la réalité. Enfait, ces objets, en apparence désintéressés et objectifs, proposent toujours une interpré-tation des réalités. Une carte, même dans sa simple dimension descriptive, est plutôt unmodèle de représentation de la réalité. Elle est construite à partir d’objectifs bien déter-minés et pour des destinataires intéressés.

Comme une carte est «souvent construite dans le but avoué d’orienter la lecture du mes-sage au-delà des normes de rigueur de la rédaction cartographique», il est donc facilede « faire mentir une carte» (Carrière et coll., 1998). On se méfie rarement d’un tel outilde travail et on se questionne encore moins sur la « sélection des données en fonctiondu message à transmettre» (idem).

La pertinence et la validité des données fournies, indépendamment du support d’in-formation employé, sont constamment entachées de subjectivité, de choix de valeurs etde manipulations plus ou moins transparentes.

L’étude d’impacts devant être un outil d’aide à la décision, des problèmes appa-raissent bien sûr lorsque les données fondamentales font l’objet de controverses, etce, d’autant plus que la méthodologie employée ne peut les expliquer ou les justifier.De plus, comme la décision en est souvent une de groupe, la méthodologie employéepeut introduire des difficultés nouvelles «au niveau des données fondamentales envue de prendre une décision» (Simos, 1990), étant donné la capacité variable de chacunà comprendre et à interpréter. La transparence, tout comme la vulgarisation de ladémarche méthodologique, est donc de mise ; toute démarche scientifique devraitd’ailleurs permettre sa «reproductibilité» ou à tout le moins sa compréhension inté-grale. Une présentation claire et complète de la méthodologie employée s’avèredonc essentielle, plus particulièrement pour ces aspects qui opposent trop souventles experts aux autres acteurs.

Aspects spatio-temporels

Les aspects spatio-temporels ne sont pas exclusifs au domaine scientifique. Certainsd’entre eux relèvent aussi du niveau politique; c’est le cas notamment de la délimi-tation de la zone d’étude et de l’horizon de référence.

Les aspects temporels à considérer dans l’évaluation environnementale diffèrentparfois de ceux issus des disciplines à partir desquelles elle s’organise, des paramètreséconomiques, par exemple. Ces derniers visent la maximisation à court terme, alors

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L’évaluation des impacts environnementaux

que l’aspect temporel inhérent au fonctionnement des écosystèmes s’étale générale-ment à long terme, présentant souvent des cycles à très long terme. L’approche à longterme devrait être retenue pour les considérations d’évaluation environnementale.Cela est d’autant plus important lorsqu’on désire prendre en compte les intérêts desgénérations futures.

Par rapport au temps, il n’y a pas de concordance entre les impératifs de l’envi-ronnement et ceux de l’économie. De la même façon, il n’y a pas toujours une adé-quation parfaite entre les aspirations des générations présentes avec celles qui serontpossibles aux générations futures. Sur le plan social, le temps peut apporter de grandesmodifications dans les comportements et les valeurs des gens. Ainsi, un certain typede développement peut être acceptable aujourd’hui, compte tenu de nos connaissancestechniques et environnementales actuelles, mais il pourrait s’avérer inadmissible dansl’avenir.

Par ailleurs, des distinctions temporelles importantes apparaissent entre lesdiverses «disciplines» d’étude impliquées dans l’évaluation environnementale. La duréen’a pas nécessairement la même valeur pour tous. La géologie, par exemple, consi-dère le temps sur des échelles de milliers, voire de millions ou de milliards d’années,alors que pour plusieurs des acteurs impliqués par l’implantation d’un projet, un horizonde dix ans est d’habitude une perception à long terme. Nous verrons plus loin com-ment l’ÉIE prend effectivement en compte la notion du temps, notamment par la déli-mitation de l’horizon de référence.

Nous retrouvons des distinctions du même ordre en ce qui concerne les aspectsspatiaux. Il existe ainsi de grandes distinctions entre ce que l’on entend par local, régional,national, continental, international ou global. La taille des écosystèmes considérés,tant par les écologistes que par les décideurs ou les économistes, varie énormément.Les mêmes observations s’appliquent en ce qui concerne la variabilité de l’étendueentre les effets et les impacts environnementaux. Les premiers ne pouvant être habi-tuellement que locaux, alors que leurs impacts peuvent s’étendre à l’ensemble de laplanète, ne pensons ici qu’aux CFC ou aux gaz à effet de serre. Conséquemment, ilexiste des notions d’espace qui diffèrent elles aussi selon les disciplines d’étude. Parailleurs, l’espace est aussi variable dans les trois dimensions, qu’il s’agissent des dif-férentes couches géologiques, de celles de l’atmosphère ou de celles de l’hydrosphère.Nous verrons plus loin comment l’ÉIE prend effectivement en compte la notion del’espace par la délimitation des espaces de référence.

De plus, la méconnaissance des aspects temporels et spatiaux divergents entraîneparfois des distorsions entre les résultats des diverses disciplines impliquées, ainsi que

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

la persistance de mythes. C’est le cas notamment du mythe longtemps entretenu del’« inépuisabilité» des ressources énergétiques. C’est ainsi que plusieurs biens et res-sources furent longtemps considérés comme inépuisables ou inaltérables ; ce fut lecas de l’énergie, des forêts et des ressources aquatiques jusqu’à tout récemment, etc’est encore le cas actuellement de l’air ou de la plupart des espèces d’insectes. La consé-quence immédiate de tels mythes consiste à utiliser les diverses ressources sans tenircompte de leurs paramètres de «renouvellement» ou des processus sous-jacents à leuremploi durable. Ce suremploi conduit à la dégradation des écosystèmes et à la déper-dition des ressources. Cette vision obtuse va bien sûr à l’encontre d’une position dedéveloppement durable et elle se retrouve à l’opposé de la direction insufflée géné-ralement par les politiques environnementales corporatives en vigueur ou en voie del’être. L’évaluation d’impacts amorce ainsi un nouveau type de gestion en prévoyantles incidences environnementales dans le temps et l’espace.

Domaines de référence

Les domaines de référence comprennent les aspects spatio-temporels délimitant lechamp d’investigation de l’étude ainsi que le contexte de référence du milieu d’ac-cueil. Les aspects spatiaux sont bien sûr établis en grande partie dès les premières étapesd’examen (éléments préliminaires de niveau politique). Toutefois, ils ne sont habi-tuellement fixés de manière quasi définitive qu’à cette étape de l’étude.

Les domaines de référence de l’étude en cours doivent être choisis en fonction deleur compatibilité avec les objectifs déterminés au préalable, mais aussi en rapport avecles moyens financiers et temporels disponibles. Il est inutile d’embrasser trop grandsi les moyens ou le temps ne le permettent pas, d’autant plus s’il s’agit d’aspects nonsignificatifs pour l’examen en cours. La délimitation des domaines de référence,particulièrement l’espace de référence, est aussi fixée par la nature et le type même desimpacts appréhendés, ainsi que par la répartition des acteurs en présence. Certains impactsn’affectent que des zones restreintes, alors que d’autres englobent des entités territo-riales immenses, souvent internationales.

Le choix de domaines de référence «complexes» ou trop ambitieux peut entraînerune augmentation de la complexité de l’étude et parfois, comme corollaire, une dimi-nution de la validité ou de la pertinence des résultats finalement obtenus. Dans detels cas, les résultats sont souvent incomplets, fragmentaires ou insuffisants aux yeuxde certains acteurs.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Il est usuel de distinguer trois domaines de référence:

• espace de référence;

• état de référence;

• horizon de référence.

Espace de référence

L’espace de référence représente l’étendue du territoire à considérer pour l’évalua-tion des impacts. Il variera du plus global au seul périmètre du site d’implantation,en passant par le niveau régional ou local. La zone d’étude varie selon l’ampleur desincidences du projet et l’étendue des composantes de l’environnement. Conséquemment,plusieurs échelles d’étendue doivent être employées afin de pouvoir couvrir tout lespectre des espaces essentiels au relevé complet des éléments de l’environnement, puisà l’évaluation des impacts, sans pour autant balayer tous les espaces à travers chacundes effets.

L’espace de référence peut varier considérablement selon la nature même de chacundes impacts. Cet espace, souvent tridimensionnel, est déterminé par l’étendue des consé-quences d’une activité du projet. Effectivement, les effets peuvent parfois se disperserfort loin de leur lieu d’origine et affecter des éléments environnementaux qui se situentà de très grandes distances des installations responsables. La plupart des effets et impactsdes activités reliées directement aux opérations de construction sont concentrés dansdes zones restreintes autour de leur lieu d’origine. Par contre, certains effets etimpacts consécutifs à la phase d’exploitation, comme les précipitations acides ou l’effetde serre, englobent de très vastes territoires.

Il existe aussi une concordance des espaces de référence avec les divers interve-nants. Les différents types d’acteurs ne considèrent pas tous nécessairement le mêmeespace de référence et cela peut devenir une source de confusion, voire de confron-tation entre eux. Cette question de la perception variable entre les divers acteurs concerned’ailleurs de façon similaire tous les domaines de référence (espace, état et horizon).

On délimite souvent cinq types possibles d’espaces de référence:

• celui du site d’implantation du projet ;

• celui de l’ensemble des impacts environnementaux;

• celui des impacts à longue portée ;

• celui des bénéficiaires du projet (destinataires) ;

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

• celui des décideurs et de l’administration.

Ces espaces de référence se recoupent souvent, parfois certains sont absents ouindéfinissables et, quelquefois, on les subdivise en zones plus spécifiques. Un exemplesimple servira à illustrer cette typologie des espaces de référence. Le réaménagementd’une ancienne carrière désaffectée en site de dépôt de déchets domestiques représenteune localisation bien précise et locale de l’action. Les bénéficiaires du projet peuventtrès bien se situer loin de la carrière et, de ce fait, n’être nullement incommodés parl’implantation des activités d’enfouissement sanitaire. La plupart des impacts envi-ronnementaux (pollution de l’aquifère, bruits du transport et odeurs), ainsi que leslimites à l’utilisation du territoire, ne devraient se rencontrer qu’en périphérie du sited’implantation. Certains impacts pourraient par contre intervenir dans des zones trèséloignées du site. Toutefois, l’espace de référence des décideurs et des administrationsimpliqués pourrait se situer complètement à l’extérieur des lieux précédemment citéset, à la limite, être complètement étranger ou inconnu d’eux.

En conséquence, on emploie généralement différents niveaux d’espace de réfé-rence. Certaines études n’emploient qu’un seul espace de référence pour l’ensemblede l’examen, le plus vaste, habituellement. D’autres, par contre, emploient des zonesmultiples, trois ou quatre zones (du local au global) délimitant les divers aspects del’ÉIE. Afin de simplifier la compréhension, on utilise couramment la subdivision sui-vante en trois zones :

• espace local (ou ponctuel) ;

• espace régional (ou moyen);

• espace global (national ou maximal).

État de référence

Il existe aussi plusieurs possibilités d’états de référence de l’environnement commeobjet d’étude. On distingue généralement trois types possibles d’états de référence:

• l’état originel de l’environnement avant l’action projetée ;

• la projection de l’état originel dans l’avenir, en l’absence du projet ;

• un état virtuel futur, défini par un but, des objectifs ou une cible à atteindre.

L’état le plus simple à décrire correctement est sans doute l’état originel avantl’action projetée. Il est immédiatement disponible aux fins d’étude et peu ou pas deprojections s’avèrent nécessaires. Conséquemment, il est celui qui supporte la plu-part des études d’ÉIE produites jusqu’à maintenant. Cependant, cet état originel est

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L’évaluation des impacts environnementaux

insatisfaisant s’il n’intègre pas la dynamique des écosystèmes en présence. La connais-sance des tendances évolutives des divers éléments de l’environnement est aussi essen-tielle, sinon plus, qu’une compréhension statique et simpliste de l’état de l’environ-nement à un moment donné. L’environnement évolue sans cesse, avec ou sans la présenced’activités humaines perturbatrices, comme nous l’avons indiqué auparavant. Les ten-dances de cette évolution pourraient faire varier considérablement les paramètres enprésence et modifier ainsi les prédictions et l’évaluation de l’ampleur des impacts.C’est ainsi qu’une forêt en voie de disparition, selon son évolution «naturelle», ou àtout le moins sans la pression supplémentaire du projet, ne peut être évaluée commes’il s’agissait d’une forêt en pleine expansion.

Le second état, quoique satisfaisant d’un point de vue méthodologique, serait déjàmoins accessible. Cela est d’autant plus vrai que le milieu originel varie avec le temps,il est donc difficile de distinguer les changements «naturels» et ceux dus aux autresactivités humaines. La délimitation précise de cet état futur repose de plus sur unegrande part d’estimation et de projection. Compte tenu des nombreuses incertitudesentourant l’évolution des tendances de l’environnement, il n’est pas aisé d’évaluer quellesera l’évolution de l’environnement sans le projet ; cela pose des difficultés bien plusconsidérables que d’évaluer avec exactitude les conditions présentes. Malgré ces dif-ficultés, il est préférable de déterminer un tel état anticipé de l’environnement afind’évaluer l’ampleur de l’impact dans le temps avec plus de rigueur.

Dans le troisième cas, celui d’un état virtuel futur, défini par un but ou une cibleà atteindre, les obstacles à surmonter sont comparables à ceux du second état ; en faitils reposent en partie sur les mêmes difficultés. De plus, la sélection et l’élaborationde buts, d’objectifs ou de cibles à atteindre ne sont pas toujours aisées à déterminer,et par ailleurs les choix initiaux pourraient être modifiés à plus ou moins long terme.La sélection des buts et objectifs est souvent issue de la législation ou de la réglementation,comme un schéma d’aménagement ou des seuils limites d’émission pour le futur, parexemple. Ce pourrait être aussi le résultat de recommandations ou de propositionsissues de quelques instances décisionnelles ou des simples citoyens, comme l’atteinted’objectifs de développement durable ou encore d’une évaluation environnementalestratégique.

Finalement, la délimitation de l’état de référence est intimement liée à celle dela détermination de l’horizon de référence. Plus l’horizon de référence (la durée) estrepoussé dans le futur, plus grandes seront sans doute les modifications naturellesde l’environnement et conséquemment les difficultés de prévoir et d’estimer les étatsfuturs de l’environnement.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Horizon de référence

L’horizon de référence représente la prise en compte temporelle de l’étude. Celle-cis’exprime par le temps compris dans l’estimation des conséquences futures duprojet. Cette durée peut être très variable selon la nature des impacts et des projetsconcernés. Malgré la très grande variabilité entre les divers projets, les horizons deréférence employés en ÉIE sont bien souvent similaires.

Un examen complet et global d’ÉIE, notamment s’il tient compte du cycle de viedu projet, devrait subdiviser le temps de référence en quatre grandes périodes :

• celle précédant le début des travaux d’implantation;

• celle de la construction des installations ;

• celle de la durée de l’exploitation de ces installations ;

• celle de la disposition finale des installations.

Chacune des périodes nécessite une durée plus ou moins étendue. La période d’ex-ploitation s’étend généralement sur des dizaines d’années; elle est donc beaucoup pluslongue que les trois autres. Il est fréquent de rencontrer des études qui ne distinguentque deux grands ensembles d’horizons de référence, celui considéré pendant les tra-vaux d’implantation et celui de l’exploitation. Afin de montrer les conséquences res-pectives de ces deux phases, la période des travaux est fréquemment subdivisée enphases de préconstruction et de construction. La prise en compte de la dispositionfinale est rarement inscrite dans les études d’impacts, malgré son importance déter-minante dans plusieurs cas – ne pensons qu’aux déchets, rejets, infrastructures et déna-turations de toutes sortes laissés en place à la fin de l’exploitation. De plus, certainseffets et impacts se poursuivent longtemps après la phase d’exploitation – ne pen-sons qu’aux sites d’enfouissement des déchets domestiques et aux centrales nucléaires.

La division en quatre périodes s’accommode bien des préoccupations relativesà l’évaluation d’impacts de différentes durées. Chacun des impacts peut alors être évaluéen fonction de ces diverses périodes, ce qui permet de délimiter la durée de certainsimpacts, compte tenu que certains d’entre eux ne sont reliés qu’à des activités biendélimitées dans le temps, les activités de construction, par exemple. Dans beaucoupd’études, il existe, explicitement ou de manière implicite, deux ensembles d’horizonsde référence. Le premier est d’ordre général ; c’est celui de l’ensemble des impacts. Ilcorrespond habituellement à la durée de vie des installations ou des composantes duprojet. L’autre ensemble regroupe l’un ou les horizons spécifiques aux impacts ou auxactivités traités selon des horizons particuliers différents de l’horizon d’ensemble.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Par ailleurs, il est courant de simplifier l’évaluation de la durée des perturbationsselon une subdivision de l’horizon de référence en durées à court, à moyen et à longterme. L’évaluation même des impacts est souvent établie en fonction de ces trois valeurspossibles de la durée. Compte tenu de l’importance des variations dans la mesure del’amplitude de l’impact environnemental dans le temps, la délimitation d’un horizonjudicieux est capitale. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, l’ampleur desimpacts peut varier dans le temps, et ce, de manière très importante dans certainscas. Un impact pourrait n’avoir qu’une importance faible peu de temps après l’ac-tion responsable, mais présenter par contre une ampleur considérable à plus long terme.Par ailleurs, l’inverse est aussi envisageable.

Identification des activités

L’identification des activités représente un examen plus complet et détaillé que celuiréalisé au cours de l’examen de l’objet d’étude du niveau politique. Il s’agit ici de connaîtreet de relever toutes les activités reliées de près ou de loin à la réalisation du projet etqui peuvent avoir une incidence environnementale significative. La connaissance exactedes diverses composantes du projet proposé permet d’identifier clairement les acti-vités susceptibles d’atteintes à l’environnement. L’identification des activités corres-pond à une analyse des caractéristiques techniques du projet ; elle repose donc surune compréhension de ce dernier.

L’énumération des diverses activités peut être plus ou moins exhaustive; une cer-taine forme de regroupement des activités similaires ou apparentées peut aussi êtreenvisagée. Toutefois, pour un premier relevé des activités d’un type de projet inusité,ce qui ne serait pas le cas pour un type de projet bien connu des évaluateurs, l’étudedevrait veiller à couvrir l’ensemble des composantes directes et indirectes reliées àtoutes les opérations de mise en place du projet, ainsi que celles reliées à la phase d’ex-ploitation, et ce, jusqu’à son terme final. Il s’agit donc d’examiner le cycle de vie (lifecycle) complet du projet, des premières étapes de la planification jusqu’à son termeultime. Une connaissance approfondie des diverses composantes du projet, notam-ment celles concernant la période d’exploitation, est nécessaire afin de déceler toutesles sources possibles d’impacts à long terme.

Comme en ce qui concerne la délimitation des horizons de référence, on subdi-vise habituellement les activités selon les phases de la durée de vie du projet, à savoircelle de la préconstruction, celle de la construction, celle de l’exploitation et, éven-tuellement, celle de la fin ultime, la désaffection ou l’abandon du projet.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Le relevé des activités peut se faire à partir des connaissances d’un spécialiste duprojet – l’ingénieur chargé des travaux ou de l’exploitation, par exemple. Le relevépeut aussi être réalisé ou complété à l’aide de listes de contrôle conçues à cet effet.La figure 4.8 présente une telle liste de contrôle. Cette liste propose une douzaine desources potentielles d’impacts reliées à la réalisation de projets d’adduction d’eau potable.Une description de l’activité permet de préciser la nature de chacune des sources d’im-pacts. Les différentes activités responsables d’impacts sont regroupées suivant qu’ils’agit des phases de préconstruction, de construction et d’exploitation. Ces listes énu-mèrent les diverses activités potentiellement responsables d’effets sur l’environnement.Les listes sont la plupart du temps thématiques, elles ne concernent alors qu’un seultype de projet bien particulier. Nous verrons d’autres listes de contrôle des activitésau cours du prochain chapitre.

Identification des éléments de l’environnement

L’identification des éléments de l’environnement est une opération similaire à celleque nous venons d’examiner concernant l’identification des activités du projet. Enpratique, elle en est l’indispensable complément. L’opération consiste à identifier clai-rement les différents éléments du milieu (naturel et humain) pouvant être affectéspar une quelconque activité du projet. Il ne s’agit donc pas de dresser un portrait ency-clopédique complet et exhaustif du milieu d’insertion, comme dans toute bonnerecherche de caractérisation disciplinaire. L’identification des éléments de l’envi-ronnement ne peut s’effectuer de manière indépendante des composantes et des acti-vités relatives au projet en cause.

L’identification des éléments de l’environnement est habituellement confondueavec la caractérisation du milieu. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une étude, plus oumoins exhaustive, du milieu d’implantation du projet. Souvent, il ne s’agit que d’uneénumération des différentes espèces fauniques et floristiques ainsi que de la carac-térisation géologique, climatique et hydrologique du lieu immédiat d’implantation.Cette caractérisation du milieu est bien souvent indépendante du projet à l’étude. Ence sens, les éléments notés au cours d’une telle caractérisation sont souvent distinctsde l’ensemble des éléments environnementaux qui seront effectivement touchés parle projet. La phase d’identification des éléments consiste plutôt à ne connaître, de manièreapprofondie, que les éléments de l’environnement qui seront éventuellement perturbéspar la mise en place du projet. Pour l’évaluation d’impacts, il ne sert à rien d’avoirune connaissance complète et exhaustive de tous les éléments environnementaux d’unezone d’étude. Mieux vaut concentrer les efforts vers ceux qui sont vraiment signifi-catifs dans le cadre du projet. Ce conseil pratique, fort utile pour l’efficacité de l’ÉIE,

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Préconstruction

Études préliminaires Toutes études en vue de l’installation des campements de travail et des équipements du projet. Ceci implique le déplacement de la machinerie et la prise d’échantillons.

Arpentage Localiser les composantes et baliser la zone des travaux par la pose d’une signalisation appropriée.

Acquisition des emprises Négociation pour acquérir l’emprise (achat) ou pour obtenir un droit de passage (entente sur la valeur foncière).

Installation de chantier La localisation du matériel servant à la construction des installations doit faire l’objet d’une attention particulière.

Construction

Transport et circulation Déplacement de la machinerie et des employés pour la construction des équipements dans l’emprise et à proximité.

Excavation, forage Tout ce qui touche le creusage du sol et la pose des équipements. et dynamitage Identification des façons de faire selon le type de fondation et de sols.

Bâtiments et équipements L’endroit où seront installés les bâtiments et l’entreposage des matériaux durant les travaux de construction.

Réaménagement des aires Réaménagement des milieux ayant subi divers impacts liés aux activités de travaux énumérées précédemment.

Exploitation

Transport et circulation La réparation des équipements et l’entretien impliquent une circulation à proximité des installations.

Présence physique La présence des installations ainsi que leur fonctionnement engendrent des installations une série d’impacts: nuisance visuelle, olfactive, etc.

Gestion des déchets Transport des déchets solides, liquides ou dangereux vers des lieux et des eaux usées d’élimination prévus à cet effet. Les eaux usées doivent être envoyées

à une usine de traitement.

Sécurité et intervention Il faut prévoir des aires sécuritaires d’entreposage pour les produits d’urgence contaminants ou dangereux provenant de l’exploitation ainsi que la mise

en place de plans d’urgence advenant le déversement de produits dangereux. Ces plans doivent être connus des intervenants.

158

L’évaluation des impacts environnementaux

compte tenu des moyens et des ressources limités, ne semble toutefois pas être tou-jours observé.

De plus, une attention spéciale doit être accordée aux éléments environnemen-taux valorisés, peu importe les raisons de cette valorisation (scientifique, législativeou populaire) ou leur provenance (type d’acteurs), ainsi qu’aux éléments particu-lièrement sensibles de l’environnement. Cette opération est bien sûr en rapport directavec les enjeux environnementaux déterminés lors de l’étude préliminaire du contextegénéral.

Figure 4.8

Liste de sources d’impacts potentiels, selon les phases d’un projet

Sources d’impacts Description de l’activité

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La première étape de l’identification des éléments consiste à décrire globalementle milieu d’implantation. Après avoir délimité l’espace de référence, il s’agit d’effec-tuer une rapide caractérisation du milieu ainsi délimité. Essentiellement, il s’agit desouligner les éléments environnementaux valorisés ou de grande importance. Ensuite,l’étude portera uniquement sur les éléments qui seront éventuellement touchés parla réalisation du projet. Cette deuxième étape examinera alors de manière plusattentive les éléments environnementaux ainsi sélectionnés. En ce qui concerne lesautres, notamment ceux valorisés, il s’agit de préciser qu’ils ne seront pas affectés parle projet.

L’identification des divers éléments de l’environnement implique une subdivi-sion ou, à l’inverse, un regroupement plus ou moins important des éléments sélec-tionnés. Il existe toujours une certaine forme d’agrégation des éléments; il est inutile,voire impossible, d’examiner chacune des espèces d’un écosystème complexe. La sélec-tion s’intéresse autant aux éléments des milieux biophysiques qu’à ceux des milieuxhumains de l’environnement, selon la portée accordée au concept d’environnementpar la législation en vigueur.

Comme pour la détermination des activités afférentes au projet, l’identificationdes éléments de l’environnement peut s’effectuer à partir de l’expérience de spécia-listes du milieu, ainsi qu’à l’aide de listes de contrôle réalisées à cet effet. Ces dernièresénumèrent souvent les divers éléments environnementaux potentiellement atteintspar la réalisation d’un type de projet ou pour un écosystème particulier. Un exempled’une telle liste est fourni à la figure 4.9. Dans l’exemple présenté ici, les 41 élémentsqui la composent touchent tous les domaines d’une conception large de l’environ-nement.

Les listes disponibles, parfois à caractère très général, doivent être adaptées auxcomposantes particulières du milieu concerné. Cependant, les grands groupes d’élé-ments environnementaux demeurent presque partout semblables ; seule la caracté-risation du milieu pourra déterminer les éléments présents. Nous verrons plusieursde ces aide-mémoire au cours du chapitre suivant ; ils constituent bien souvent l’undes axes des matrices utilisées en ÉIE. Différentes listes des éléments peuvent être dres-sées selon le contexte particulier d’implantation du projet à l’étude. Selon le cas, leslistes sont plus ou moins exhaustives et pertinentes pour l’objet d’étude. La célèbreliste de Léopold, par exemple, que nous verrons au cours du prochain chapitre, estun peu plus exhaustive ; elle contient 86 éléments de l’environnement plus ou moinsamalgamés.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Interaction activités/éléments environnementaux

À partir de l’identification des activités du projet et des éléments environnementaux,il ne s’agit plus maintenant que de noter les possibles interactions entre eux. Cet exer-cice permet de souligner les seuls effets ou impacts appréhendés du projet envisagé.Il permet aussi de montrer les liens de cause à effet entre les activités du projet et leséléments de l’environnement. En pratique, cette opération représente une premièreapproximation, mais tout de même assez juste, des impacts du projet.

Cette opération de mise en évidence des interactions ne peut se faire qu’en étroiterelation avec les deux opérations précédentes ; elle pourrait même se confondre aveccelle de l’identification des éléments de l’environnement. En effet, l’identification desinteractions s’effectue dans une démarche itérative avec l’identification des activitéset celle des éléments. On peut difficilement dissocier ces trois opérations distinctesles unes des autres. Les choix effectués à partir de la définition ou de l’élaborationdes problèmes relatifs à chacune de ces trois opérations interagissent avec celles des

Figure 4.9

Liste de contrôle d’éléments de l’environnement

Paramètres physicochimiques

Paramètres microbiologiques

Ruissellement/Infiltration/Perméabilité

Régime hydrodynamique

Régime morphosédimentologique

Qualité du sol/Pédologie

Modelé du terrain/Géomorphologie

Caractéristiques d’ingénierie du sol

Physicochimique

Matières particulaires et en suspension

Température/Ensoleillement

Évapotranspiration/Évaporation/Humidité

Précipitations

Vents

Odeurs

Bruits/Vibrations

Structure/Densité/Composition

Productivité/Succession

Espèces rares ou menacées

Habitat

Ressources énergétiques et matérielles

Biodiversité

Agricole, forestier et pastorale

Zone touristique et de loisir

Site archéologique, historique ou rituel

Site à accès contrôlé

Zone urbaine/préurbaine

Migration/Nomadisme

Coutumes/Traditions

Démographie

Potabilité/Disponibilité de l’eau

Santé

Protection civile/Taux d’accidents

Emploi/Revenus

Circulation

Équipements collectifs

Coûts des services

Développement local

Caractéristique du paysage

Confort public et bien-être

Services collectifs

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

autres. Ainsi, le fait de déterminer une activité perturbatrice permet généralementd’anticiper les éléments de l’environnement qui seront touchés.

L’identification des interactions est facilitée par l’utilisation de matrices ou de réseauxd’interactions. Ces deux derniers outils d’analyse seront étudiés dans le prochain cha-pitre. Toutefois, nous présentons, à la figure 4.10, une section d’une matrice des inter-actions que nous avons employée récemment dans le cadre d’un projet d’adductiond’eau potable au Maroc. Il s’agit d’un exemple d’interaction entre les activités et leséléments de l’environnement, les interactions indiquées dans cet exemple étantpurement hypothétiques et ne servant qu’à illustrer le principe de fonctionnement.L’exemple montre qu’il existe une interaction entre l’acquisition des emprises et l’hy-drologie des cours d’eau, ainsi que les eaux souterraines qui seront affectées par troisactivités différentes reliées uniquement à l’aménagement des sites durant la phase deconstruction. La présentation matricielle ne permet toutefois pas toujours de notertoutes les interactions, notamment les interactions indirectes, secondaires et, surtout,les actions cumulatives.

Identification des effets/impacts environnementaux

La distinction entre l’identification des effets et des impacts environnementaux et celledes interactions est bien subtile, voire, dans certains cas, superflue. Cependant,l’identification des effets/impacts permet bien souvent de réaliser une véritable énu-mération des impacts significatifs et donc des interactions indispensables. La simpleanalyse matricielle des interactions, par exemple, ne représente parfois qu’une pre-mière approximation. Le relevé détaillé des effets/impacts permet par contre d’éli-miner les interactions à incidences négligeables sur l’environnement ; une premièresélection est donc effectuée. Par ailleurs, les impacts secondaires, indirects et cumu-latifs, que nous examinerons après, ne peuvent être soulignés par cette seule mise enévidence des interactions ; il faut donc aller au-delà de cette opération.

Il n’est sans doute pas toujours nécessaire de pouvoir distinguer les effets des impactsenvironnementaux. Dans certains cas, confondre les deux n’entraîne pas de consé-quences importantes pour l’examen. Toutefois, cette distinction peut s’avérer fort utiledans l’estimation des véritables conséquences environnementales d’un projet, bienque son importance puisse paraître parfois négligeable, de prime abord. Ainsi, dansle cas d’émissions atmosphériques nocives, il s’agit d’un effet ; ce qui importe avanttout, c’est de déterminer les conséquences sur les divers éléments de l’environnement,c’est-à-dire les impacts mêmes des émissions. Dans ce cas, l’identification élémen-taire des effets, à savoir les gaz émis, n’est pas suffisante afin de noter et par la suited’évaluer l’impact environnemental. L’identification des conséquences de ces effets

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L’évaluation des impacts environnementaux

sur les éléments de l’environnement peut seule déterminer avec précision les impactspotentiels du projet en question. Il faut ainsi parcourir les diverses chaînes causalesmenant des activités aux effets et inévitablement aux impacts. Cette opération intro-duit bien entendu les deux paramètres suivants: l’identification des impacts indirectset celle des impacts cumulatifs.

En ce qui a trait aux impacts environnementaux, on peut en distinguer plusieurs.Cette typologie de l’impact est déterminée par le degré d’exactitude ou de certitudeavec lequel nous pouvons les apprécier. Cela repose bien sûr sur l’état de nos connais-sances, mais aussi sur le moment auquel s’effectue l’examen. Le schéma de la

Figure 4.10

Modèle simplifié de matrice des interactions potentielles utilisant une cotation simple

ACours d’eau

Légende

Impacts négatifs

Impacts positifs

Eaux souterraines

Qualité des eaux

Régime hydrodynamique

Ruissellement/infiltration/bilan

Forme et relief

Nature des dépôts

Qualité de l’air et odeurs

Bruits/vibrations

Faune terrestre, aquatique et avienne

Flore terrestre et aquatique

Écosystème

B

C

D

E

F

G

H

I

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L

Mod

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CONSTRUCTION

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163

Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

figure 4.11 expose les divers types d’impacts et leurs rapports à la phase d’étude ainsique le degré de précision ou de certitude de la connaissance de l’impact. En ordrecroissant d’exactitude, ce peut être des impacts appréhendés, des impacts potentiels,des impacts résiduels ou des impacts réels. Au fur et à mesure que l’examen avance,la mesure de l’impact se précise, passant de l’anticipation à la réalité.

Figure 4.11

Phases de l’examen, types d’impacts possibles et degré de certitude des prédictions

PhaseDE CONTRÔLE

PhaseD’ÉVALUATION

PhaseD’IDENTIFICATION

Mesured’atténuation

Degré de certitude de l’estimation

IMPACTAPPRÉHENDÉ

IMPACTPOTENTIEL

IMPACTRÉSIDUEL

IMPACTRÉEL

Ce n’est toutefois qu’à la suite d’un examen de suivi postprojet, une opérationrarissime en ÉIE jusqu’à maintenant, que les impacts réels pourront être mesurés, vali-dant ou non les évaluations antérieures.

La probabilité qu’un impact ou qu’un effet se produise tel que présenté dans l’étudedépend fortement de la précision avec laquelle ces paramètres ont été évalués. On peutdélimiter quatre catégories pour décrire la probabilité d’une estimation: avec certi-tude, forte probabilité, probabilité moyenne ou faible probabilité (Davies et Sadler,1990). Bien entendu, pour un même impact la probabilité devrait être croissante dansle temps, comme nous venons de le voir. Toutefois, l’un des plus grands défis métho-dologiques de l’estimation avec certitude de l’impact réside dans l’impossibilitéd’établir des liens de cause à effet de manière rigoureuse dans la plupart des cas (idem).

Comme pour l’identification des interactions, celle des effets et des impacts envi-ronnementaux peut se faire soit à l’aide de listes de contrôle des impacts environ-nementaux appréhendés, préétablies ou non, soit avec l’emploi de matrice et de réseau,ce qui est préférable, soit finalement à l’aide de toute autre méthode d’identification.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Relevé des impacts indirects et secondaires

Le relevé des impacts environnementaux signifie la prise en compte de toute la chaîned’interactions entre les activités du projet et les éléments du milieu. L’étude doit portersur l’enchaînement des incidences, de l’événement initial jusqu’à son terme ultime.Toutes les modifications significatives d’un élément de l’environnement deviennentdès lors objet d’étude. Il ne s’agit donc pas de limiter l’étude aux seuls impacts directs,les plus facilement repérables, parce qu’étant initialement observables. Les impactsindirects et secondaires doivent être pris en compte au même titre que les impactsdirects.

Il est parfois malaisé, et pas nécessairement utile, de distinguer les impacts indi-rects des impacts secondaires. Cette distinction n’est d’ailleurs pas toujours observée.Les impacts indirects seraient issus de l’interaction entre un premier impact et unsecond élément de l’environnement. Nous avons ici affaire à une relation impact-éléments. L’impact secondaire, quant à lui, serait plutôt le résultat de l’incidence d’unpremier élément affecté par une activité quelconque sur un second élément initia-lement non perturbé par cette activité. Il s’agit donc là d’une interaction élément-élément. On pourrait aussi faire intervenir des impacts tertiaires, et ainsi de suite.

Par ailleurs, les distinctions entre impacts directs et indirects sont parfois confon-dues avec celles existant, comme nous l’avons vu précédemment, entre les effets etles impacts environnementaux. Plus les efforts de l’examen porteront sur les impacts,à l’encontre du seul relevé des effets, moins la nécessité d’étudier les impacts indi-rects et secondaires se fera pressante. Parmi les méthodes employées en évaluationenvironnementale, seules certaines permettent vraiment une prise en compte des impactsindirects et secondaires ; ce sont habituellement les approches dites en réseaux ou endiagrammes, que nous verrons au chapitre suivant.

Relevé des impacts cumulatifs

Le relevé des impacts cumulatifs est une procédure plutôt exceptionnelle dans les éva-luations couramment réalisées jusqu’ici. Toutefois, leur prise en compte dans la démarched’étude est une des grandes préoccupations actuelles et deviendra sans doute éven-tuellement l’un des aspects primordiaux de tout examen d’évaluation d’impacts.

Il y a plusieurs définitions de ce que pourrait être un impact cumulatif ; tous lesauteurs ne s’accordent pas et proposent des définitions souvent très distinctes. Ainsi,l’impact cumulatif peut être le cumul de plusieurs impacts sur le même élément del’environnement, c’est-à-dire de la part de diverses activités d’un même projet. Il peut

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

s’agir alors d’un effet synergique, l’ampleur de l’impact résultant étant alors bien plusqu’une simple addition. De tels impacts pourraient être dénommés « impacts syner-giques», et non plus « impacts cumulatifs». Habituellement, l’impact cumulatif faitplutôt référence à l’accumulation d’impacts similaires sur un même élément de l’en-vironnement, mais en provenance de différents projets. Dans ce cas, l’impact initialse trouve amplifié en conséquence du nombre de projets affectant l’élément de l’en-vironnement.

La prise en compte de l’aspect cumulatif des impacts signifie un examen plus com-plet que la pratique usuelle le recommandait jusqu’à tout récemment. Elle représenteainsi une charge plus lourde pour l’ÉIE, tant pour les promoteurs que pour les éva-luateurs d’un projet. D’une part, l’étude des autres projets, ceux déjà réalisés ainsi queceux à venir, oblige un mandat d’étude plus étendu et un examen plus long et par-fois indéfini. D’autre part, la connaissance plus poussée des interactions entre les acti-vités d’un projet ainsi qu’entre les divers impacts et éléments environnementaux engagedes moyens et des ressources souvent considérables. Dans le cas de la présence d’autresprojets, les obligations et les responsabilités des promoteurs vont en s’accentuant dansle temps. Voilà qui a pour première conséquence de diminuer d’autant la marge demanœuvre du dernier arrivé. Les autorités de contrôle ne déterminent pas toujoursles limites à observer, d’autant plus que certains projets outrepassent leur propre juri-diction.

La délimitation des nombreux domaines de référence possibles dans le cas del’examen des impacts cumulatifs pose de sérieux problèmes. Ainsi, la zone d’études’agrandit selon les exigences du nouveau contexte d’examen. Des considérations simi-laires s’appliquent aussi en ce qui concerne la délimitation de l’horizon et des étatsde référence. Ces facteurs ont bien sûr une grande incidence sur l’ampleur même desimpacts. La figure 4.12 montre la variation type des états de référence possibles lorsqu’ily a prise en compte de deux projets.

La mise en évidence de certains impacts significatifs, autrement occultés, est l’unedes propriétés essentielles d’une analyse de l’impact cumulatif. En effet, une activitéunique ou un impact isolé pourrait n’avoir qu’un impact négligeable sur l’environ-nement, mais l’effet synergique ou d’accumulation, dans le cas d’un même projet oude plusieurs, pourrait alors constituer un impact significatif et important sur un oucertains éléments de l’environnement.

Compte tenu de ce que nous venons de dire et de la situation actuelle des pro-cédures d’ÉIE, seule la planification environnementale ou l’élargissement de ladémarche usuelle de l’ÉIE, par un examen stratégique, régional ou sectoriel, par exemple,

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L’évaluation des impacts environnementaux

pourrait systématiquementtenir compte de l’aspectcumulatif de l’impact envi-ronnemental. En effet, cetaspect important de l’éva-luation d’impacts est rare-ment pris en compte defaçon complète par lesétudes actuelles d’ÉIE,notamment parce que lapratique courante ne repré-sente presque toujours quel’examen d’un seul projet àla fois. L’examen à un paliersupérieur à celui de projet,

l’évaluation stratégique, notamment, pourrait donc permettre une meilleure évaluationdes impacts cumulatifs.

Descripteurs d’impacts (indicateurs)

Les descripteurs ou indicateurs d’impacts représentent les outils de mesure des élé-ments ou des paramètres environnementaux à partir de méthodes spécifiques. Cesméthodes, non particulières à l’ÉIE, regroupent l’ensemble des méthodes standar-disées des diverses disciplines scientifiques, tant en sciences physiques qu’en scienceshumaines. Ce sont, par exemple, l’évaluation (identification et quantification) des émis-sions et de la dispersion du SO2 en ce qui concerne la qualité de l’air, des paramètresphysicochimiques de l’eau, ou la mesure des incidences sociales, psychologiques (qua-lification) ou économiques sur une population donnée.

Les descripteurs d’impacts fournissent tout d’abord la mesure de l’état actuel deséléments de l’environnement. Ils permettent ensuite l’estimation des agressionsrésultant de la mise en place des diverses activités et composantes du projet sur leséléments du milieu.

Les méthodes d’analyse des descripteurs font appel aux protocoles d’étude desdiverses disciplines scientifiques, mais plus particulièrement des sciences biophysiques.Les sciences humaines étant moins explicites sur cet aspect, elles sont conséquem-ment moins précises dans l’étude rigoureuse des impacts humains de l’ÉIE.

Figure 4.12

États de référence, impacts environnementaux et impacts cumulatifs

État de référence sans projet

État de référence avec le projet 3

Évolution temporelle du système

Qualitédu

système

+

Projet 1

Projet 2

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La profondeur (degré de détails) et l’étendue du champ d’étude des descripteursdoivent être conséquentes avec l’objet d’étude, les moyens et les ressources del’équipe, mais elles doivent permettre néanmoins une connaissance suffisante des phé-nomènes en cause afin d’identifier et d’évaluer correctement les impacts environne-mentaux potentiels.

Nous traiterons de manière beaucoup plus détaillée des descripteurs d’impactsdans le chapitre six.

Estimation des modifications résultantes

L’estimation des modifications résultantes représente en fait une étape intermédiaireet habituellement indissociable entre l’identification et l’évaluation de l’impact. Il s’agitici de prédire, avec le plus de justesse possible, la nature et l’ampleur des impacts appré-hendés. En pratique, l’estimation consiste à prédire les modifications anticipées, à l’aidedes données fournies par les descripteurs et grâce à des projections dans l’avenir immé-diat ou futur. L’estimation repose sur notre connaissance des tendances d’évolutiondes éléments de l’environnement. La dynamique des éléments en cause est généra-lement plus significative qu’une image statique de l’état de la situation présente. Ellerequiert toutefois une compréhension plus complète de l’environnement que celledont disposent ordinairement les évaluateurs en début d’étude. Il s’agit bien sûr d’uneopération qui ne s’appuie bien souvent que sur des données incomplètes, partiellesou hautement hypothétiques.

Toute prédiction des modifications anticipées engendre son propre degré d’im-précision. L’incertitude entourant les connaissances du milieu concerné, les risquesde variations imprévisibles et l’élaboration de prospectives à partir d’états initiauxincertains ne permettent conséquemment qu’une estimation relative des modifica-tions résultantes. L’estimation de l’impact environnemental demeure donc souventun exercice précaire mais néanmoins primordial. Son appréciation véritable nepourra toutefois se faire, dans la plupart des cas, que quelques années après la miseen place du projet grâce au suivi postprojet. Le suivi postprojet permettra de véri-fier la validité des estimations effectuées en cours d’examen.

Les changements anticipés sont habituellement estimés à partir de différents scé-narios, que ce soit de manière explicite ou tout bonnement de façon implicite. Le oules scénarios élaborés à cet effet représentent une relative anticipation de l’avenir. Ilspeuvent être plus ou moins pessimistes ou optimistes, selon les prémisses de leursauteurs. Ils sont par contre appréciés ensuite par les différents acteurs, ce qui n’im-plique pas nécessairement un accord parfait. À partir de l’état ou préférablement des

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L’évaluation des impacts environnementaux

tendances de la situation actuelle de l’environnement, on estime les modificationsappréhendées, sans oublier de prendre en compte les modifications probables (tendances d’évolution) de l’environnement sans l’intervention du projet, c’est-à-direce qu’on nomme souvent, à tort, les modifications «naturelles» du milieu.

Cette estimation des impacts ne peut toutefois être obtenue qu’à l’aide d’infor-mations supplémentaires à celles issues de la simple étude des descripteurs. De nou-veaux outils doivent alors être employés, notamment ceux relatifs à la simulation, àla modélisation ou tout simplement à l’emploi de données en provenance d’étudessimilaires. En effet, les résultats des estimations sont bien souvent obtenus à partirde l’expérience acquise lors de l’étude d’autres projets ou de situations similaires anté-rieures. Il s’agit alors de transférer et d’adapter les anciens résultats à l’examen du nou-veau problème. D’autre part, l’estimation peut aussi s’obtenir grâce au recours à lamodélisation et à la simulation, plus ou moins complexes, des paramètres en présence,ou par la simple prédiction des impacts potentiels. Nous examinerons quelques-unsde ces outils au cours du prochain chapitre, consacré à l’étude des méthodes. Dansle cas ou l’information s’avérerait toutefois encore insuffisante, il faudra alors y sup-pléer en estimant le plus convenablement possible l’impact environnemental et lesmodifications résultantes, à partir de méthodes faisant appel à l’expertise même desévaluateurs. Dans ce cas, on utilisera des approches faisant «appel aux experts», commela technique Delphi. Nous examinerons aussi cette technique particulière de recherchede la connaissance au cours du prochain chapitre.

Certains éléments de l’environnement et plusieurs impacts environnementauxposent de réelles difficultés quant à l’estimation des modifications résultantes. C’estle cas notamment des impacts sociaux. Ainsi, comment évaluer convenablement l’im-pact d’un projet sur une population donnée lors d’un déplacement obligatoire, oubien dans le cas de l’intrusion d’un projet faisant appel à de la «haute technologie»sur une population traditionnelle?

Des difficultés supplémentaires pour l’estimation des modifications environne-mentales résultent aussi de la multiplicité des interactions et des effets de certains sys-tèmes environnementaux. Le degré d’incertitude croît rapidement en présence de mul-tiples impacts indirects ou secondaires, et encore plus lors de la prise en compte d’impactscumulatifs. En outre, la prédiction de l’impact sur un aspect complexe, comme la santéhumaine, n’est jamais une tâche facile, notamment en raison là aussi de l’implica-tion de multiples aspects indirects, secondaires et cumulatifs, mais aussi en raison dela présence d’éléments psychologiques et comportementaux encore plus imprévisibles.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Évaluation de l’impact environnemental

L’évaluation de l’impact environnemental désigne habituellement l’évaluation glo-bale des diverses modifications de l’environnement engendrées par un projet.L’évaluation globale de l’impact prend habituellement en compte de façon indistincteles effets et les impacts environnementaux. L’évaluation vise avant tout à déterminer,avec le plus de justesse possible, l’importance de l’impact environnemental des acti-vités du projet à l’étude.

Cette importance ou signification globale des incidences environnementales estobtenue à partir de la mesure d’un certain nombre de critères d’évaluation. La pré-sentation dans le rapport final de l’approche méthodologique employée mentionnehabituellement les critères utilisés ; mais même si ce n’est pas le cas, il n’en demeurepas moins qu’implicitement, toute évaluation repose sur des critères sous-jacents.

Les critères d’évaluation sont variés, mais en règle générale, les critères retenussont la durée, l’étendue ou la portée et l’intensité ou l’ampleur des dommages ainsique la réversibilité ou non de l’impact2. L’indice global de l’évaluation (importanceglobale) résulte alors de l’intégration, d’une manière quelconque, des divers critèresutilisés pour l’évaluation des impacts. Cette intégration se fait soit par la simple sommedes différents critères ou selon une formule particulière de cotation. Chaque méthoded’évaluation possède sa propre opération de cotation de l’importance, tout commeses propres critères d’évaluation. La plus élémentaire cotation est bien sûr la simplemention positive ou négative, sans plus d’explications.

Pour plus de précision et de rigueur, on devrait distinguer l’importance des effetsde celle des impacts. En effet, les critères d’évaluation diffèrent sensiblement selon qu’ils’agit d’un effet ou d’un impact. Les aspects particuliers de chacun recommandent doncdes critères d’évaluation dissemblables. C’est ainsi que nous présentons de manièreséparée les critères d’évaluation des effets de ceux des impacts, quoique la pratiquecourante en ÉIE n’en fasse généralement que peu de cas.

2. Nous verrons qu’il existe plusieurs autres critères employés, la plupart du temps, sans distinctionentre un effet ou un impact. De plus, des critères particuliers, comme la valeur intrinsèque des élé-ments environnementaux, compliquent les modes d’agrégation des critères afin d’obtenir la valeurglobale d’un effet ou d’un impact.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Évaluation de l’importance des effets

L’évaluation de l’importance ou de la signification des différents effets environnementauxrepose sur une série de critères d’évaluation bien particuliers. Ces critères sont habi-tuellement la durée de l’activité génératrice d’effet, l’étendue de la zone affectée etl’intensité même de l’effet. Chacun des effets est ensuite évalué de façon globale enfonction de ces différents critères, selon une méthode particulière de cotation inté-grant la valeur de tous les critères, de la simple moyenne entre tous les critères à laprise en compte d’une valorisation de certains d’entre eux. La prise en compte de l’en-semble des critères d’évaluation représente alors l’importance globale de l’effet.

Les systèmes de cotation employés en ÉIE ne sont pas nécessairement systéma-tiques et toujours très rigoureux. Bien souvent, ils ne sont présentés qu’à titre indi-catif de la valeur globale, car leur emploi strict relève avant tout du jugement de l’éva-luateur.

Il est important de rappeler que l’essentiel de la distinction entre les effets et lesimpacts, par rapport à leur évaluation, provient du fait que les premiers sont indé-pendants du milieu d’insertion dans lequel ils se produisent. Ils ne sont que la consé-quence directe d’une activité – les émissions atmosphériques, par exemple.

Les critères d’évaluation de l’importance des effets environnementaux que nousproposons ici sont :

• la durée ;

• l’étendue;

• l’intensité.

Durée de l’effet

La durée de l’effet représente l’estimation du temps pendant lequel l’effet d’une acti-vité du projet se fera sentir. Cette durée est plus ou moins longue selon qu’il s’agitd’un effet permanent, intermittent ou occasionnel.

On subdivise généralement le critère de durée en:

• durée courte (court terme);

• durée moyenne (moyen terme);

• durée longue (long terme).

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Une durée courte est le résultat d’un effet occasionnel et bref ou d’un événementponctuel. La durée moyenne comprend les effets temporaires ou continus sur unepériode de temps inférieure à la période de l’activité elle-même, ou lors d’une phasetemporaire de réalisation du projet – la période de construction, par exemple. Enfin,une durée longue désigne habituellement un effet permanent.

Comme on peut le constater, la délimitation du critère de durée, comme pourla plupart des autres critères, d’ailleurs, repose en partie sur la subjectivité des éva-luations et, conséquemment, des évaluateurs. La responsabilité de ce dernier est donctrès grande, puisque les autres acteurs du processus n’examinent que très rarementen profondeur ces critères d’évaluation, pourtant déterminants pour l’estimation desvéritables conséquences anticipées.

Étendue

L’étendue représente l’espace affecté par un effet donné. Cette zone couverte par l’effetreprésente en fait la superficie de territoire ou le volume d’espace. L’expansion de l’effetpar rapport au lieu d’origine de l’événement dépend de la nature même de l’effet; ilpeut donc varier considérablement. Par exemple, le bruit et les odeurs ne se dispersentpas autant que peuvent le faire des émissions atmosphériques et des rejets dans l’eau.L’étendue peut aussi varier de manière significative en fonction du temps; le momentde sa mesure est donc important.

Le critère de l’étendue peut lui aussi être subdivisé de la manière suivante :

• étendue locale (faible étendue) ;

• étendue régionale (moyenne importance) ;

• étendue générale ou globale (étendue maximale).

Comme pour les valeurs possibles du critère de durée, celles de l’étendue reposenten partie sur des aspects subjectifs; ainsi, il n’est pas toujours facile de séparer une étenduelocale d’une étendue régionale.

Intensité

L’intensité de l’effet représente l’ampleur ou la puissance d’un effet. La détermina-tion de l’intensité est souvent mesurée par rapport à une valeur de référence – unesituation idéale ou une norme établie, par exemple. Au-delà d’un certain seuil, l’in-tensité peut être considérée comme inadmissible. Il s’agit aussi d’une valeur bien rela-tive, dont le cheminement dans l’atteinte des résultats est difficilement reproductible

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L’évaluation des impacts environnementaux

avec précision, car trop souvent échafaudée sur des jugements subjectifs sous-jacentsaux explications fournies. Cette subjectivité demeure valable même dans le casd’une norme environnementale reconnue, notamment parce que cette dernièrevarie dans l’espace et le temps.

Le critère de l’intensité varie donc sensiblement selon les méthodes employéeset les experts consultés, ainsi que par rapport à la perception des autres acteurs impli-qués dans le processus d’examen. En effet, l’émission d’une certaine dose de radio-activité est habituellement considérée d’une intensité plus faible par les experts dudomaine nucléaire que par tous les autres acteurs, notamment par la population proched’un site nucléaire.

L’intensité est généralement représentée sous la forme d’une échelle graduée d’in-tensité. Les valeurs possibles, sans trop d’explications quant aux limites respectives,sont habituellement réparties selon qu’il s’agit :

• d’intensité faible ;

• d’intensité moyenne;

• d’intensité forte.

Importance globale de l’effet

L’importance globale de l’effet constitue l’évaluation finale de l’effet environnemental.Elle s’obtient à partir de la prise en compte des différents critères d’évaluation de l’effet,de la simple somme des critères à une forme particulière plus ou moins complexede cotation. Occasionnellement, d’autres critères d’évaluation complètent ou rem-placent l’estimation à partir de ceux que nous venons de présenter ici.

Évaluation de l’importance des impacts

L’évaluation de l’importance ou de la signification globale des différents impacts envi-ronnementaux repose, elle-aussi, sur une série de critères d’évaluation. Ces critèressont par contre légèrement différents de ceux de l’évaluation des effets. Afin de pou-voir évaluer les impacts, il faut tenir compte de la réponse de l’environnement à l’ac-tion des effets. La sensibilité même des éléments de l’environnement vis-à-vis des agres-sions détermine bien souvent l’estimation des dommages qui en résulteront.L’évaluation des impacts ne peut donc s’effectuer sans une connaissance satisfaisantedes éléments de l’environnement, contrairement à la situation des effets environne-mentaux. En conséquence, l’évaluation des impacts ne peut être réalisée pleinementdans le cadre d’un examen stratégique ou de celui d’un projet imprécis.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation de l’impact est habituellement une opération plus complexe que cellede l’évaluation d’un effet. Ainsi, il est beaucoup plus complexe d’estimer l’impact deprécipitations acides sur un ensemble d’éléments de l’environnement, comme la santédes gens, la détérioration des bâtiments, l’acidification des cours d’eau et des sols, quede déterminer simplement les quantités d’émissions de soufre d’une entreprise, telque le dicte l’évaluation de l’effet.

Les critères spécifiques retenus pour l’évaluation des impacts sont habituellementmultiples. De plus, ils sont souvent confondus avec ceux que nous venons de décrirecomme étant des critères d’évaluation des effets. Chacun des impacts est évalué defaçon globale en fonction des différents critères retenus et selon la méthode parti-culière de cotation. La prise en compte de l’ensemble des critères d’évaluation repré-sente alors l’importance globale d’un impact sur l’environnement.

Les critères d’évaluation des impacts que nous proposons sont :

• la réversibilité ;

• la portée ;

• l’ampleur.

Réversibilité/ irréversibilité

La réversibilité ou au contraire l’irréversibilité d’un impact représente un aspect impor-tant de l’évaluation de l’impact environnemental, au même titre que la durée en cequi concerne les effets. Ce critère d’évaluation est toutefois rarement pris en comptede manière explicite en ÉIE, malgré son importance cruciale en plusieurs domaines,notamment en ce qui concerne la biodiversité3. Ce critère difficile à manipuler cor-respond à la rétroaction dans le temps d’un élément de l’environnement par rapportà une agression quelconque. La sensibilité des éléments de l’environnement aux agres-sions prend ici une large place dans la réversibilité ou non de l’impact. Ainsi, ce n’estpas parce qu’un effet a une durée permanente qu’un élément de l’environnement estirrémédiablement perdu, et à l’inverse, un effet ponctuel pourrait très bien entraînerla disparition de l’élément.

3. Le critère de réversibilité, comme certains autres critères d’évaluation, n’est parfois qu’une des com-posantes d’un autre critère. Le résultat de telles opérations est une confusion par rapport à la métho-dologie employée et le manque de rigueur de la démarche. Ainsi, il n’est pas rare de constater lasurestimation d’un paramètre d’étude par la simple prise en compte multiple d’une mêmeinfluence.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Le caractère d’irréversibilité conféré à un impact est un critère parfois détermi-nant dans la décision de réaliser un projet. De toute façon, il constitue presque tou-jours un critère très important pour certains éléments fortement valorisés. En ce quiconcerne la biodiversité, et plus particulièrement dans le cas d’espèces en voie de dis-parition, l’irréversibilité peut représenter l’élimination pure et simple d’une espèce.Cette extinction est communément perçue comme étant un impact inadmissible etne peut être acceptable, dans la plupart des cas.

L’estimation de ce critère peut se subdiviser en:

• réversibilité (réversibilité totale) ;

• réversibilité/irréversibilité partielle ou temporaire ;

• irréversibilité (irréversibilité totale).

Portée de l’impact

La portée de l’impact représente le nombre d’individus ou d’éléments spécifiques affectéspar un effet environnemental donné. Il s’agit d’un critère d’évaluation de l’impactsemblable à celui de l’étendue en ce qui concerne l’effet. Contrairement à ce dernier,cependant, il ne repose pas exclusivement sur un espace géographique bien déterminé –ne pensons dans ce cas qu’aux impacts socio-économiques, par exemple. Le critèrede portée vise plutôt à mesurer l’abondance relative (quantité) d’un élément de l’en-vironnement.

Le critère d’estimation de la portée peut être subdivisé en:

• portée faible (nombre restreint) ;

• portée moyenne (nombre moyen);

• portée forte (nombre élevé).

La variable temporelle modifie la portée d’un impact, notamment pour des éva-luations à long terme, comme c’est le cas avec la prise en compte des générations futures.La modification entraînée par le temps peut soit amplifier, soit réduire la portée d’unimpact. D’autre part, le critère de la portée de l’impact, comme d’ailleurs celui del’étendue pour l’effet, est une appréciation quantitative, contrairement aux opérationsplutôt qualitatives de l’intensité de l’effet et de l’ampleur de l’impact.

Ampleur de l’impact

L’ampleur de l’impact constitue la puissance (grandeur) des modifications engendréesà un élément de l’environnement. Le critère de l’ampleur de l’impact fait référence

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

à la relative fragilité ou sensibilité de l’élément environnemental considéré par rap-port à l’effet perturbateur responsable. En ce sens, il existe des liens étroits entre l’am-pleur et la réversibilité ou non de l’impact. Ce critère, parfois difficile à estimer, estsouvent lui-même subdivisé en critères plus spécifiques.

Comme pour la détermination de l’intensité de l’effet, l’évaluation de l’ampleurde l’impact est habituellement une valeur bien relative et, en tant que telle, nedevrait être employée qu’avec précaution. Ici aussi, la sensibilité des éléments de l’en-vironnement exerce une grande influence sur l’évaluation qui est estimée.

Comme pour les autres critères, le critère d’estimation de l’ampleur peut être sub-divisé en trois ordres de grandeur, à savoir :

• ampleur faible ;

• ampleur moyenne;

• ampleur forte.

Importance globale de l’impact environnemental

L’importance globale de l’impact constitue le critère général de l’évaluation finale del’importance de l’impact environnemental. La valeur globale de l’impact s’obtient aussià partir de la prise en compte des différents critères d’évaluation de l’impact, de lasimple somme des critères utilisés à une forme particulière plus ou moins complexede cotation.

Ici aussi, d’autres critères d’évaluation de l’importance de l’impact environne-mental complètent ou remplacent l’estimation faite à partir de ceux que nous venonsde présenter. C’est notamment le cas de la valeur intrinsèque des éléments de l’en-vironnement, un paramètre qui influence parfois de manière déterminante l’importanceaccordée à l’impact.

Impact et effet inadmissible

Un impact ou un effet environnemental est considéré comme «inadmissible» si sonimportance globale ou sa signification pour certains acteurs est d’une grandeur tellequ’il est perçu et jugé comme inacceptable d’un simple point de vue environnemental.À la limite, il peut devenir un frein à la réalisation même du projet initial. Un impactinadmissible peut alors être considéré comme une contrainte environnementale absolueou infranchissable. En ce sens, il vaut mieux l’éviter à tout prix, soit en modifiant leprojet en conséquence, soit en mettant en œuvre une mesure d’atténuation le ren-dant acceptable. Dans le cas contraire, sa présence peut signifier l’abandon ou le refus

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L’évaluation des impacts environnementaux

du projet. L’impact ou l’effet inadmissible est aussi nommé indicateur d’alerte ou dra-peau rouge (red flag).

Un impact peut être considéré comme inadmissible lorsqu’il est non conformeà une norme réglementaire, par exemple. Il peut alors s’agir d’une toute nouvelle normeou d’une norme qui n’est pas prise en compte initialement lors de l’étude descontraintes administratives du contexte général. Le dépassement d’un tel seuil d’ad-missibilité ne peut rendre conforme et admissible un projet, sauf si la mise en placede mesures d’atténuation en réduit suffisamment le surpassement. Un impact trèsimportant pourrait lui aussi être classé parmi les impacts inadmissibles, notammentlorsqu’il met en péril une espèce rare ou lorsqu’un élément de l’environnement estfortement valorisé par la population – un monument patrimonial ou religieux, parexemple. Cette classe inclut aussi certains impacts ou effets qui pourraient être consi-dérés comme des enjeux importants par quelques acteurs impliqués dans la démarcheainsi que dans les cas litigieux – la revendication contestée d’un territoire, parexemple.

Dans tous les cas, l’impact inadmissible devra apparaître clairement dans le rap-port d’évaluation4. Lorsqu’il y a utilisation de matrices ou de réseaux, on lui attri-buera une indication ou un signe particulier bien distinctif et facilement repérable.Dans les autres cas, il s’agira de le désigner clairement.

Agrégation des impacts

L’agrégation représente l’opération qui consiste à regrouper les différents para-mètres (éléments, impacts ou effets) dans le but d’obtenir ainsi une évaluation plusglobale. Il s’agit d’associer différents paramètres afin de les réunir dans un ensembleplus général. C’est ainsi que différents impacts affectant les fougères, les rosiers et lesgraminées, par exemple, peuvent être agrégés sous l’ensemble plus global d’impactsur les plantes terrestres. À son tour, cet ensemble peut être agrégé avec d’autres, telsque les arbustes et les arbres, afin de représenter un impact plus général sur la flore.

4. Cette question de l’impact inadmissible pose de nombreux problèmes puisqu’elle repose sur unegrande part de jugement de valeur et les divergences de vue n’apparaissent habituellement que tar-divement dans l’examen. En effet, un impact peut paraître important aux yeux de l’évaluateur, sanspour autant être perçu comme inadmissible. Par contre, pour des citoyens concernés par une nou-velle norme environnementale en cours d’élaboration ou un objectif de développement durable,par exemple, l’impact peut apparaître comme inadmissible. En conséquence, le rapport d’ÉIE peuttrès bien ne pas en faire mention, alors qu’une consultation publique ultérieure le rappellera avecinsistance.

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Des dix ou cent impacts spécifiques de départ, on en arrive ainsi à un nombre trèsréduit, voire ici à un seul impact, l’impact sur la flore.

L’ultime stade d’agrégation en évaluation des impacts environnementaux est l’at-teinte d’un seul impact global, il s’agit alors de l’évaluation globale du projet. C’estainsi qu’une unique valeur ou une seule affirmation constitue en fait la conclusiongénérale de l’étude. Même s’il en est rarement fait explicitement mention, une telleperception générale d’un projet est implicite dans les pensées de beaucoup d’acteurs.Concrètement, il s’agit alors de déterminer un indice unique à la totalité des impactsenvironnementaux du projet. En pratique, cependant, il est quasi impossible de ras-sembler les différents impacts afin qu’ils puissent ne représenter qu’un seul impactglobal. Compte tenu de la nature et de l’importance variable des différents impacts,cela n’est d’ailleurs pas souhaitable, sauf bien sûr dans les cas de projets à incidencesenvironnementales négligeables ou restreints à quelques activités ou éléments envi-ronnementaux.

L’agrégation d’impacts s’obtient habituellement par le regroupement successif d’im-pacts similaires, comme dans notre exemple précédent sur la flore. Dans ce cas, il s’agitd’agrégation sectorielle, c’est-à-dire de regroupement d’impacts affiliés. Par contre,des difficultés surviennent lorsque le regroupement d’impacts ne peut plus être réa-lisé simplement, étant donné la nature dissemblable ou divergente de ceux-ci. En effet,il n’est pas aisé de réunir des impacts physiques ou biologiques avec des impacts sociauxou économiques, ni même d’incorporer sous un indice unique la valeur d’un impactsur la forêt et un autre sur les mammifères qui l’habitent. Les limites du regroupe-ment vers une valeur globale, c’est-à-dire vers l’agrégation globale, sont alors atteinteset ne devraient jamais être surpassées. La désagrégation, beaucoup moins employée,est bien entendu l’opération inverse. La figure 4.13 montre une démarche de désa-grégation et d’agrégation successive d’éléments environnementaux, en prenantl’exemple de la flore.

L’agrégation pose donc le problème insoluble de l’addition de différents para-mètres afin d’en arriver à une mesure unique ou, à tout le moins, à un regroupementplus global. Cet exercice, souvent périlleux en raison de la spécificité propre à chaqueparamètre et de l’importance respective très variable, présente plusieurs contrainteset limites importantes. Ainsi, de quelle façon et sur quelle base théorique peut-on réuniret attribuer une valeur unique à des impacts très différents et présentant en plus desvaleurs d’importance variables ou incompatibles? De plus, il faut aussi pouvoir tenircompte des écarts de pondération entre les divers éléments de l’environnement.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Dès les premières étapes de l’évaluation, il y a toujours une certaine prédisposi-tion à l’agrégation, même si elle n’est alors qu’implicite. Les paramètres d’étude ini-tialement fragmentés en leur plus petit constituant mesurable ou déterminable sontensuite habilement regroupés afin de ne plus représenter que des regroupements plussignificatifs et plus globaux. Analyse de détails au départ, l’étude devient ensuite uneanalyse sectorielle et, assez rapidement, elle devient un examen synthèse plus général.L’agrégation n’est souvent justifiée que pour faciliter la manipulation des données oula présentation des résultats. Lorsque l’agrégation survient au premier stade del’évaluation, à savoir l’identification des éléments du milieu, par exemple, il s’agit alorsd’agrégation préliminaire. Mais la stricte agrégation ou agrégation finale n’intervientgénéralement qu’aux étapes finales de l’évaluation des impacts.

Par ailleurs, toute opération d’agrégation effectuée dans l’examen du projet devraitêtre explicitement exposée dans le rapport, et non plus demeurer uniquement impli-cite. Il faut pouvoir connaître comment les regroupements et les incorporations ontété réalisés. Les processus d’agrégation reposent souvent sur des jugements de valeursou, à tout le moins, ouvrent une large porte à l’aléatoire et au subjectif. Une grandetransparence serait alors de mise afin de justifier cet exercice délicat.

Figure 4.13

Désagrégation et agrégation successives dans l’examen du milieu

Arbres

Peupliers

Bouleaux

Érables

Aulnes

Sumac

Graminées

Fleurs

Asclépiade

Canards

Perdrix

Chevreuils

Lièvres

Belettes

Arbustes

Mammifères

Oiseaux

Herbacées

Arbustes

Érablière Érablière

Flore

Faune

Herbes

Gibiers

Agrégationsectorielle

Agrégationfragmentaire

Désagrégationlors de l’analyse

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

L’agrégation sert aussi pour la comparaison entre diverses options au projet d’étudeet en guise de rapprochement entre différents projets similaires. Dans ces cas,d’ailleurs, il y a une importante agrégation des impacts sur la base de critères géné-raux (agrégation globale ou quasi globale), sauf lorsqu’il y a comparaison à l’aide deméthodes multicritères employant de nombreux critères (agrégation fragmentaire ouquasi absente).

L’agrégation repose toujours sur une certaine forme de pondération. Mais le véri-table exercice de pondération intervient seulement lorsque les regroupements par affi-nités (regroupements d’impacts similaires) ne peuvent plus se poursuivre sans qu’in-tervienne ce nouvel outil d’évaluation.

Pondération des impacts

La pondération représente l’estimation du poids relatif de chacun des paramètres del’évaluation, c’est-à-dire leur importance respective les uns par rapport aux autres.La pondération concerne aussi bien les impacts et les effets que les éléments envi-ronnementaux. La notion de pondérer désigne l’opération qui consiste à accorder unevaleur, un rang ou un degré proportionnel à l’importance respective de chaque para-mètre. Ce classement en ordre d’importance représente en fait une technique de stan-dardisation afin de pouvoir comparer mutuellement ces différents paramètres. Cetexercice permet de comparer différentes options à un projet ou divers projets entreeux. La pondération est une tentative, pas nécessairement toujours réussie, derépondre au genre de questionnement suivant : un impact moyen sur le castor est-iléquivalent à un impact moyen sur les autochtones? On cherche à savoir si effective-ment le déplacement d’un autochtone est perçu comme plus important que celui d’uncastor. Le paramètre variable est bien entendu ici la valeur respective d’un castor etd’un autochtone.

Le plus souvent, il s’agit de déterminer la valeur respective des divers élémentsenvironnementaux et d’en déduire la signification (importance). Concrètement, lapondération consiste à apposer un indice d’importance à chacun ou à un ensemblede paramètres. Les différents paramètres peuvent alors être hiérarchisés ou classés lesuns par rapport aux autres. Cette opération effectuée, le choix entre diverses optionss’en trouve facilité.

La pondération permet aussi une agrégation plus complète des impacts environ-nementaux que ne le permet la simple opération d’agrégation. En effet, l’estimationdu poids respectif de chacun des différents paramètres environnementaux permet d’éta-blir une valeur globale à l’ensemble ou, à tout le moins, une base utile de comparaison.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Toute comparaison rigoureuse doit nécessairement reposer sur une agrégation et unepondération préliminaires.

Il existe différentes méthodes ou techniques de pondération. L’indice ou coeffi-cient d’importance servant à la pondération, comme les techniques servant à l’éta-blir, diffère grandement d’une démarche à l’autre. Parmi les techniques courantes depondération, les quatre suivantes sont fréquemment employées :

• hiérarchisation: classement par catégories d’importance (1re, 2e, 3e catégorie),chacun des paramètres d’une même catégorie (classe) étant considéré commeéquivalent en importance;

• classement par importance: rang du plus important au moins important dechacun des paramètres (1, 2, 3, 4, etc.) ;

• notation: répartition sur une échelle graduée, de 0 à 10, par exemple, de chacundes paramètres ;

• distribution des poids : distribution des poids respectifs de chacun des para-mètres à partir d’un quota (x = 10%, y = 8%, z = 6%, etc.).

Nous examinerons en détail ces quatre techniques particulières de pondérationau cours du prochain chapitre, consacré à l’examen des diverses méthodes. Mentionnonsseulement que trois types bien distincts se dégagent des démarches que nous verrons,soit la démarche numérique de Battelle (notation et distribution des poids), ladémarche ordinale de Holmes (hiérarchisation) et les techniques de consultation Delphi(variables, selon le cas).

Évaluation de la cotation

La cotation représente l’utilisation d’indices numériques ou de symboles afin d’in-diquer la valeur accordée aux effets et aux impacts environnementaux. La valeur del’importance globale des effets et des impacts est ainsi traduite sous la forme d’unecotation particulière, qui peut être plus ou moins complexe, selon le cas. En effet, lavaleur globale est presque toujours le résultat de plusieurs critères sous-jacents qu’ilfaut conjuguer en une seule valeur moyenne. La valeur globale est presque toujoursun indice composé; parfois, cependant, chaque critère sous-jacent peut être indiquéséparément. Selon le cas, la cotation emploiera donc un ou plusieurs symboles dis-tinctifs ainsi qu’une démarche d’association et de regroupement des critères d’éva-luation. En pratique, cette méthode se traduit par l’emploi normalisé d’une symbo-lique particulière, habituellement standardisée pour tout le rapport. Cette symboliqueest utilisée pour l’examen des différents critères et sous-critères d’évaluation des effets

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

et des impacts environnementaux. La cotation recourt habituellement à un systèmed’agrégation des critères et sous-critères d’évaluation. Il s’agit alors d’un mode d’in-corporation (addition, multiplication) des différents critères d’évaluation afin d’ob-tenir une valeur moyenne pour l’importance globale. La figure 4.14 montre lagrande variété de la symbolique et des signes pouvant être employés pour exposerla cotation de l’impact.

Figure 4.14

Modèle de matrice avec symbolique de cotation variée

ACours d’eau

Légende

Représentation variéede la cotation des impacts

Eaux souterraines

Qualité des eaux

Régime hydrodynamique

Ruissellement et infiltration

Forme et relief

Nature des dépôts

Qualité de l’air et odeurs

Bruits/vibrations

Faune terrestre et aquatique

Flore terrestre et aquatique

Écosystème

B

C

D

E

F

G

H

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J

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8

ÉLÉMENTS ENVIRONNEMENTAUX

ACT

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***

La cotation est généralement présentée sous la forme d’une échelle plus ou moinsétendue. La cotation la plus rudimentaire est celle qui utilise la simple mention depositive ou de négative pour la valeur des impacts. Habituellement, une échelle plus

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L’évaluation des impacts environnementaux

ou moins étendue répartit les valeurs possibles de la cotation de zéro à dix (0 à 10),par exemple. Une gradation très étendue de la cotation requiert généralement unequantification importante et adéquate des différents critères d’évaluation. Uneéchelle réduite de un à trois (1 à 3) est plus maniable et plus commode à employerdans la plupart des cas. En effet, il n’est pas toujours facile, particulièrement pour cer-tains types d’impacts, d’étaler les données sur une échelle étendue comportant plusde trois échelons. L’échelle à triples entrées (1 à 3) permet plus facilement de disposersimplement les valeurs obtenues de part et d’autre d’une mesure moyenne, lesvaleurs extrêmes (forte et faible) étant dans ce cas plus faciles à déterminer.

Les méthodes ou modes de cotation varient sensiblement selon les études. Le moded’agrégation des paramètres ou critères de cotation peut être plus ou moins com-plexe et logiquement fondé, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Biensouvent, il s’agit d’additionner simplement la valeur accordée aux différents critèresd’évaluation et d’en faire la simple moyenne afin d’obtenir la valeur globale. Dansce cas, on utilise généralement une matrice, appelée «tableau de corrélations». Lafigure 4.15 présente un exemple d’une telle grille de corrélations. Dans cet exemple,trois critères d’évaluation permettent d’obtenir une valeur globale (« importance»)de l’impact. Quelquefois, cependant, le mode d’agrégation des critères est plus com-plexe. Ainsi, certains critères peuvent être considérés plus importants que les autres ;la simple opération arithmétique ne s’applique donc plus dans ce cas. Une manipu-lation particulière des valeurs des différents critères est alors employée. Cette dernièrefaçon de faire est souvent plus satisfaisante que la simple addition des critères ou sous-critères d’évaluation, comme c’est le cas avec les grilles de corrélations. En conséquence,ces dernières ne devraient être employées qu’avec précaution et exclusivement à titreindicatif de la valeur hypothétique éventuelle.

Le rapport d’ÉIE devrait donc contenir une explication détaillée de la démarcheet de la symbolique employées pour la cotation. Nous verrons au cours de l’examendes diverses méthodes, lors du prochain chapitre, quelques exemples de méthodesde cotation.

Éléments litigieux ou contestés

Il est fortement recommandé de mettre en évidence d’une manière quelconque leséléments litigieux ou contestés issus de l’évaluation des impacts environnementauxdu projet. Ces cas sont le résultat d’un examen du projet qui n’a pas permis d’éva-luer convenablement ou complètement l’élément, l’impact ou l’aspect en question,et ce, à la satisfaction de tous. On pourrait aussi mettre en valeur dans le rapport final,

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

de manière moins apparente, les impacts majeurs et les principaux enjeux environ-nementaux. On utilise des «analyses de sensibilité» ou des analyses de risques afinde mieux cerner les conséquences possibles de tels éléments litigieux ou éventuelle-ment contestables pour des raisons de manque de connaissances.

L’indication distinctive et facilement repérable d’éléments litigieux ou contestésévite certaines difficultés de compréhension et de contestation. Elle affirme d’abordla crédibilité des évaluateurs ainsi que la transparence du rapport lui-même. Elle permet

Figure 4.15

Grille de détermination de l’importance globale de l’impact à partir de trois critères d’évaluation et selon deux méthodes de compilation

SENSIBILITÉ INTENSITÉ ÉTENDUE IMPORTANCE*

* Option A** Option B***

Nationale 9 Majeure MajeureForte Régionale 8 Majeure Majeure

Locale 7 Majeure Majeure

Nationale 8 Majeure MajeureForte Moyenne Régionale 7 Majeure Majeure

Locale 6 Moyenne Moyenne

Nationale 7 Majeure MajeureFaible Régionale 6 Moyenne Moyenne

Locale 5 Mineure Moyenne

Nationale 8 Majeure MajeureForte Régionale 7 Majeure Majeure

Locale 6 Moyenne Moyenne

Nationale 7 Majeure MajeureMoyenne Moyenne Régionale 6 Moyenne Moyenne

Locale 5 Mineure Moyenne

Nationale 6 Moyenne MoyenneFaible Régionale 5 Mineure Moyenne

Locale 4 Mineure Mineure

Nationale 7 Majeure MajeureForte Régionale 6 Moyenne Moyenne

Locale 5 Mineure Moyenne

Nationale 6 Moyenne MoyenneFaible Moyenne Régionale 5 Mineure Moyenne

Locale 4 Mineure Mineure

Nationale 5 Mineure MoyenneFaible Régionale 4 Mineure Mineure

Locale 3 Mineure Mineure

* Si chaque critère a une valeur égale de 1 à 3 points (de mineure à majeure), l’écart possible de la valeur globale de l’importance varie donc de 3 à 9 (addition simple).

** Option A: Majeure = 7-9 (10 possibilités), Moyenne = 5 (7) et Mineure = 3-5 (10)

*** Option B: Majeure = 8-9 (10 possibilités), Moyenne = 5-7 (13) et Mineure = 3-4 (4).

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L’évaluation des impacts environnementaux

aussi de faciliter la recherche de consensus ou de compromis avec les éventuels oppo-sants au projet. La transparence est de toute façon l’une des caractéristiques essen-tielles de toute étude sérieuse d’ÉIE, tout comme le sont d’ailleurs la crédibilité desévaluateurs et le rapport final d’évaluation.

Suivi d’exploitation

Le suivi d’exploitation, couramment nommé monitoring, vise un objectif principal :la vérification de l’ampleur des impacts prévus (impacts potentiels/impacts réels) oude certains éléments environnementaux particulièrement sensibles. En outre, deuxobjectifs secondaires se joignent parfois à cet objectif du suivi d’exploitation. Il s’agitde vérifier l’efficacité à long terme des mesures d’atténuation mises en place ainsi qued’acquérir des informations, pour l’amélioration éventuelle des méthodes de prévi-sion des impacts et de mise en place de mesures d’atténuation adéquates pour les pro-jets futurs.

L’exécution du travail relatif au suivi d’exploitation est généralement confiée àdes spécialistes des différents domaines impliqués ou à des membres qualifiés du per-sonnel de l’entreprise. L’inspection périodique des différents paramètres s’effectue àl’aide d’indicateurs choisis généralement dès l’élaboration du programme de suivi.L’élaboration d’un programme de suivi d’exploitation et sa mise en œuvre seront étu-diés au cours du chapitre huit (section «Inspection et suivi») de manière détailléeet complète.

L’apport d’enseignements et d’expériences que le suivi environnemental fournitdevrait servir, d’une part, à valider l’évaluation de certains paramètres du projet, lesplus significatifs au moment du dépôt du rapport, et, d’autre part, la pertinence desmesures d’atténuation mises en place dans le cadre du projet. Ces précieuses infor-mations serviront ensuite à mieux prévoir les impacts et les mesures d’atténuationlors de l’examen de futurs projets.

Suivi postprojet

Le suivi postprojet représente beaucoup plus qu’un simple suivi d’exploitation, caril vise à effectuer une évaluation complète du projet. La vérification de l’ensembledes aspects significatifs du projet après quelques années d’exploitation permet uneréévaluation de l’examen initial et l’amélioration des pratiques en ÉIE.

Bien entendu, le suivi postprojet n’est pas un examen d’une ampleur égale à l’exameninitial, mais se révèle tout de même aussi complet, sauf pour les aspects devenus caducsen raison de la mise en place des composantes et des activités prévues, notamment la

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Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

justification et la description des composantes du projet. Toutefois, l’examen completest encore pertinent pour tous les aspects encore utiles tels que l’évaluation des impactset les mesures d’atténuation, ainsi que pour les prédictions et les modèles employés.

À la suite d’un examen postprojet, l’évaluation des impacts réels peut enfin êtreréalisée. Il serait fort utile de pouvoir bénéficier de plusieurs de ces études, afin devérifier la pertinence des évaluations réalisées depuis les débuts de l’ÉIE. Il en est demême en ce qui concerne l’efficacité réelle des mesures d’atténuation et la fiabilitédes estimations et des modèles.

Les enseignements d’un programme de suivi

Depuis 1978, un «réseau de surveillance écologique» observe l’évolution des milieux natu-rels, ainsi que ceux créés en grande partie par les humains au complexe La Grande, dansle Moyen-Nord québécois. Le vaste complexe hydroélectrique La Grande, aménagé parl’entreprise Hydro-Québec, regroupe onze centrales d’une puissance cumulée de15600MW et il couvre une surface de près de 15000 km2, soit environ la moitié de lasuperficie de la Belgique.

Les études effectuées dans le cadre du programme de suivi englobent les répercussionsdu méthylmercure ainsi que celles sur l’économie locale et les aspects sociaux des com-munautés autochtones, en passant par les incidences sur les mammifères marins et lesgrands cervidés (Chartrand et Thérien, 1992).

La pertinence des rares programmes de suivi est consolidée par les riches enseignementsque nous pouvons en obtenir. Comme l’affirmaient certains de ses témoins privilégiés :«N’est-il pas plus pertinent, par exemple, de s’assurer que l’aménagement hydroélec-trique d’un territoire contribuera à une meilleure protection et exploitation du caribouplutôt que de savoir si la perte d’habitat sera de 0,5% ou de 5%?» (Hayeur et Doucet,1992).

De telles informations, en provenance d’une des opérations essentielles d’un pointde vue scientifique, permettraient d’en tirer des enseignements inestimables pour l’avan-cement des connaissances, comme pour le perfectionnement des pratiques d’évaluation.L’élaboration d’un programme particulier de suivi postprojet, ainsi que sa mise enœuvre seront examinées en détail au cours du chapitre huit (section «Inspection etsuivi»).

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5Chapitre

Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

a sélection d’une méthode particulière d’étude représente le choix du meilleur outild’examen disponible1. Ce choix équivaut à sélectionner la méthode ou, le plus

souvent, les méthodes devant servir à l’étude du projet. La sélection d’une méthodeparticulière dépend de plusieurs facteurs dont la nature du projet à l’étude, les besoinsparticuliers des évaluateurs et/ou des utilisateurs, les usages possibles de chacune d’ellesainsi que du temps et du budget (contraintes administratives) disponibles. En pra-tique, toutefois, la sélection repose grandement sur l’expérience acquise par les éva-luateurs eux-mêmes des différentes méthodes d’ÉIE.

La jeunesse de cette sphère de la connaissance n’explique pas totalement les aspectsapproximatifs, incomplets et confus souvent rencontrés dans les méthodes employées.La faible importance attribuée à l’ÉIE par certains acteurs ainsi que la place réduiteoccupée par celle-ci dans le processus de décision expliquent aussi les insuffisances

L

1. Selon Watzlawick (1975), cité par Simos (1990), une méthode «désigne une démarche scientifique;c’est l’énoncé des étapes à suivre, dans un certain ordre, pour atteindre un but donné». Il s’agit doncd’un ensemble de principes, de règles, de techniques et d’étapes permettant l’atteinte de résultatsparticuliers dans le cadre d’une démarche bien spécifique. L’outil d’examen, par contre, est d’unenature plus restreinte ; il s’agit, par exemple, d’un moyen particulier de présentation des donnéesou d’une activité plus spécifique, telle que l’emploi de la photographie.

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L’évaluation des impacts environnementaux

des méthodes utilisées. Conséquemment, les méthodes d’évaluation des impacts nes’appuient pas toujours sur un cadre méthodologique rigoureux et complet, ni surdes méthodes scientifiques toujours bien établies.

Historiquement, la plupart des méthodes furent élaborées à des fins bien spéci-fiques. La discipline d’origine de ses auteurs, comme le type de projet à l’étude, ontdéterminé très souvent l’approche théorique sous-jacente et les techniques employées.À la limite, on peut affirmer que la plupart des études emploient des méthodes ad hoc ;rarement utilisera-t-on intégralement une méthode antérieure mise au point pard’autres. Il y a donc une infinité de méthodes diverses plus ou moins apparentées. Àl’heure actuelle, il n’existe pas une méthode d’évaluation des impacts qui soit com-plète et universelle pour l’examen de tous les projets. Par conséquent, la plupart desévaluateurs utilisent un certain nombre de méthodes lors de l’étude d’un projet. Biensouvent, une méthode plus ou moins générale oriente l’ensemble de l’examen et uneou quelques autres méthodes, plus spécifiques à certains aspects particuliers del’étude, la complètent.

Le choix d’une méthode particulière d’ÉIE est bien sûr déterminé par l’expériencedes évaluateurs par rapport aux diverses méthodes, mais il est aussi dépendant de lanature particulière des activités envisagées. En ce sens, certains types de projets s’ac-cordent mieux avec l’utilisation de certaines méthodes; c’est le cas de l’approche car-tographique pour des projets linéaires importants, par exemple. Enfin, les ressources,c’est-à-dire le temps et les moyens disponibles aux fins de l’étude, orientent grande-ment elles aussi les choix effectués.

Le classement des diverses méthodes et outils de l’ÉIE varie selon les auteursconsultés. Certains classent les méthodes selon leur forme (le «comment»), c’est-à-dire à partir de leur fonctionnement propre – la présentation finale des résultats,par exemple (Jain et coll., 1993; Warner et Preston, 1974). La colonne de gauche del’encadré 1 montre bien cette classification selon la «forme». On regroupe alors lesméthodes en matrices, en listes de contrôle, en réseaux ou en superposition carto-graphique. Une nouvelle subdivision entre les outils simples (les plus anciens dansl’ensemble) et ceux considérés comme plus avancés est parfois proposée (Sadar et coll.,1994).

D’autres, par contre, répartissent les méthodes selon leur raison d’être (le «pour-quoi»), c’est-à-dire à partir de leur objet d’étude particulier ou leur fonction première.Les méthodes sont alors répertoriées selon qu’il s’agit de méthodes d’identification,d’évaluation ou de pondération, par exemple. Ainsi, à partir de critères de percep-tion de l’essence même des diverses méthodes, Munn (1975) préférait diviser lesméthodes selon les étapes de réalisation d’une étude d’impacts. Dans ce cas, cela

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

permettait des regroupements selon l’identification, la prévision, l’interprétation, lacommunication et les procédés d’inspection, comme dans la colonne de droite de l’en-cadré 1.

D’autres typologies similaires utilisent les trois grands types suivants : l’identifi-cation des impacts, la génération de stratégies et l’évaluation des variantes (Simos,1990). Cette classification peut recouper les deux grandes catégories que sont lesméthodes d’identification et les méthodes d’évaluation. Il faut préciser qu’il y a unegrande distinction entre, d’une part, les méthodes spécifiques à l’identification desimpacts et, d’autre part, les méthodes d’évaluation spécialement conçues pour déter-miner l’importance ou la signification de ces impacts, et non pas restreintes simple-ment à la reconnaissance ou à la délimitation des impacts.

La typologie fondée sur cette distinction entre l’identification et l’évaluation estfréquemment employée. Cette approche, préconisée par Westman (1985) et reprisepar Simos (1990), est illustrée dans l’encadré 2. Une sous-division en regroupementsplus spécifiques, par exemple en listes de contrôle ou en matrices, complète la typo-logie globale. Cette distinction entre l’identification et l’évaluation n’est pas toujourstrès nette, quoiqu’elle reflète assez bien leur utilisation principale en tant qu’outil d’ana-lyse. Cette typologie n’est toutefois pas entièrement satisfaisante, car une méthoderelève souvent aussi bien de l’une que de l’autre de ces deux catégories.

Devant les nombreuses difficultés à regrouper et à classer les différentes méthodes,plusieurs n’adoptent aucune typologie particulière, préférant plutôt présenter lesméthodes les unes à la suite des autres ; c’est notamment le cas de Nichols et Hyman(1980). Il s’agit assurément de la présentation la plus simple, bien qu’il ne s’agisse pasde la plus appropriée.

Encadré 1

Forme Raison d’être

Ad hoc Identification

Liste de contrôle Évaluation

Matrice Pondération

Réseau Ordonnancement

Superposition Inspection

Modélisation

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L’évaluation des impacts environnementaux

Nous constatons qu’il n’y a donc pas non plus, à l’instar des méthodes d’évaluation,de typologie universelle et unique des méthodes d’ÉIE. Selon les auteurs consultés,les diverses méthodes peuvent être classées selon des regroupements particuliers età partir de modalités parfois bien distinctes les unes des autres. Pour notre part, lamanière la plus valable, sans être totalement dénuée de failles, consiste à classer lesdiverses méthodes d’ÉIE selon cinq grands axes ou domaines d’étude. Ces grands axesd’étude regroupent sous une même dénomination diverses méthodes similaires etapparentées. Le principe du regroupement repose ainsi sur leur démarche d’examen,chaque groupe de méthodes ayant par conséquent des objectifs ultimes communs.La typologie en cinq grands axes, pratiquement ordonnés du plus général au plus spé-cifique, est illustrée dans l’encadré 3.

Encadré 2

Identification Évaluation

Ad hoc Ad hoc

Liste de contrôle Delphi

Réseau Fiche d’impact

Superposition Matrice

Modélisation Technique numérique

Technique ordinale

Méthode économique

Méthode d’inspection

Encadré 3

Typologie des méthodes d’ÉIE

Les méthodes d’expertise

Les modèles et systèmes

La représentation spatiale et cartographique

Les méthodes comparatives unicritères

Les méthodes comparatives multicritères

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Chacun des axes d’étude présente des avantages et des inconvénients, la plupartdes méthodes étant souvent la réponse à des besoins particuliers. En ce sens, les diversesméthodes regroupées sous ces cinq axes ne sont pas des méthodes complètes et glo-bales destinées à mener un examen complet ; elles n’en ont pas, pour la plupart, laprétention. Elles sont par contre complémentaires les unes aux autres et très souventplus d’une est employée afin de réaliser l’étude complète d’un projet. C’est ainsi quela phase préliminaire d’examen repose très souvent sur des méthodes d’expertise, par-ticulièrement les listes de contrôle, alors que les phases subséquentes d’examenseront réalisées grâce à d’autres méthodes, notamment les approches de modèles etsystèmes, de représentation spatiale et cartographique. De leur côté, les méthodes com-paratives unicritère et multicritères sont employées lors de comparaison de variantesou de solutions de rechange.

Pour chacun des axes d’étude, nous allons examiner de manière systématique diversesméthodes employées depuis les débuts de l’ÉIE. Nous insisterons sur le modèle typepour chacun des axes. Il s’agit souvent du modèle le plus familier. C’est ainsi que nousexaminerons d’abord les méthodes pionnières de chaque axe; elles représentent biensouvent le modèle type. Nous examinerons ensuite un certain nombre de méthodesplus récentes ou d’applications contemporaines des plus anciennes.

Quoique rarement employées de manière intégrale par d’autres évaluateurs, lesméthodes dites classiques ou pionnières (McHarg (1968 et 1969), Léopold (1971),Sorensen (1971), Holmes (1972) et Battelle (1972)) influencèrent grandement la plu-part des études réalisées à ce jour. En fait, ces méthodes abordaient déjà les grandsaxes possibles d’examen de l’ÉIE. Depuis, peu de méthodes ont acquis une renomméeéquivalente à celles des pionnières.

MÉTHODES D’EXPERTISE EN ÉIE

Les méthodes et outils regroupés sous ce titre sont ceux qui reposent avant tout surune opinion d’expert. La plupart du temps les méthodes d’expertise reflètent une exper-tise antérieure. C’est le cas notamment des listes de contrôle, mais quelquefois il s’agitplutôt d’une expertise actuelle ou en devenir, comme dans l’emploi de l’enquête Delphi,par exemple. Cette expertise se retrouve donc sous diverses configurations. Cesméthodes sont employées fréquemment et depuis fort longtemps en ÉIE, et on peutprétendre sans exagérer qu’il est très rare de retrouver une étude n’ayant aucunementfait appel à une forme ou une autre d’expertise.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Les diverses méthodes et outils d’expertise en ÉIE sont :

• les listes de contrôle ;

• la fiche d’impact ;

• l’enquête Delphi ;

• les méthodes ad hoc.

En ÉIE, l’objectif principal des approches faisant appel à l’expertise est habi-tuellement d’effectuer un examen rudimentaire ou initial du projet ainsi qu’une cer-taine forme de contrôle ou de codification. Exceptionnellement, l’emploi de ces méthodesvise un examen plus approfondi, comme c’est parfois le cas avec l’enquête Delphi.L’emploi de l’expertise est autant une démarche de synthèse qu’un processus d’ana-lyse. Par ailleurs, l’aspect évaluateur de l’importance des impacts est généralementsupplanté par la simple identification des impacts.

Habituellement, la prise en compte des aspects temporel, spatial et cumulatif, tantdes éléments que des impacts environnementaux, est plutôt rudimentaire. Cependant,les moyens mis en œuvre sont élémentaires et relativement faciles d’accès. Ladémarche est par conséquent commode, d’ordinaire rapide et généralement peu coû-teuse. De plus, la présentation des résultats est simple et facilement compréhensible.Par contre, les résultats sont difficilement reproductibles, sauf en ce qui concerne leslistes de contrôle, car ils reposent grandement sur des opinions et des jugements devaleurs. Compte tenu des circonstances entourant le projet à l’étude, l’emploi de tellesméthodes peut faciliter ou au contraire entraver le processus de décision.

Liste de contrôle

La «liste de contrôle» est souvent la plus rudimentaire des méthodes. Il serait généra-lement plus juste dans son cas de parler d’outils de l’ÉIE. Il faut entendre «liste de contrôle»dans le sens de «liste de référence (check list)». La plupart du temps, les listes de contrôlene permettent qu’une identification des différents paramètres à considérer pourl’étude d’un projet. Elles proposent rarement une appréciation des paramètres listéset elles ne fournissent à peu près jamais une valeur quantifiable. En règle générale, ellessont donc essentiellement des outils indicatifs. En fait, elles sont bien souvent limitéesà des mesures qualitatives et parfois même fort subjectives, du fait de leur ambitionuniverselle ou généraliste. Conséquemment, elles ne représentent souvent qu’unexamen préliminaire ou initial d’une étude plus complète. La simplicité de la liste decontrôle en fait toutefois un outil largement utilisé. Les listes constituent ainsi un élé-ment essentiel de presque toutes les autres méthodes d’identification de relevé et d’éva-luation des impacts environnementaux; elles en sont bien souvent une étape initiale.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Les listes de contrôle ont pour objectif de permettre une vue d’ensemble des impactsenvironnementaux probables d’activités humaines, une première approximation del’impact. La liste est couramment présentée sous la forme de tableaux énumérant lesdifférents paramètres. Chaque liste est plus ou moins spécifique à un type de projetou à un milieu déterminé. Certaines ne concernent que des projets de transport rou-tier, par exemple ; d’autres, par contre, peuvent être appliquées à tout type de déve-loppement. Il n’y a généralement pas de relevé des relations de cause à effet, chaquesérie de paramètres étant présentée séparément.

On retrouve au moins cinq types de liste de contrôle, selon la nature des diversparamètres exposés. Ces listes comprennent les paramètres suivants :

• activités et composantes de projet ;

• éléments de l’environnement ;

• effets et impacts environnementaux;

• indicateurs et descripteurs de l’environnement ;

• mesures correctives et d’atténuation.

Le premier type de paramètre comprend les listes d’activités humaines ou de com-posantes de projet. Celles-ci énumèrent un certain nombre d’activités ou de compo-santes communes à tout projet, ou à un genre particulier, et qui pourraient être sourcesd’impacts. Il y a bien entendu une multitude de listes énumérant les différents élémentsde l’environnement. Ces listes énumèrent les éléments environnementaux présents dansdes milieux plus ou moins particuliers, comme elles peuvent souligner ceux qui sontconsidérés comme sensibles ou valorisés d’une façon ou d’une autre par les différentsacteurs (législateurs, scientifiques et population). Tout comme la plupart des autrestypes de listes, elles sont plus ou moins exhaustives. En complément à ces deux pre-miers types, on rencontre des listes d’effets ou d’impacts appréhendés, impacts cou-ramment rattachés à des projets ou à des milieux plus ou moins précis.Viennent ensuitedes listes d’indicateurs ou de descripteurs permettant de sélectionner différents outilsde mesure des éléments, des effets et des impacts environnementaux. Enfin, le der-nier type de listes comprend celles faisant l’énumération de mesures d’atténuation oude modifications à effectuer. Ces mesures et modifications peuvent être à caractère généralet universel, ou plutôt spécifique à un seul type de projet ou de milieu.

Bien entendu, il existe aussi un certain nombre de listes hybrides ; il s’agit alorsde listes mixtes impliquant plusieurs des paramètres déjà mentionnés. Il y a donc deslistes de contrôle des impacts versus les mesures d’atténuation ou une liste d’éléments

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L’évaluation des impacts environnementaux

de l’environnement comportant aussi une énumération des indicateurs de ces dif-férents éléments.

Depuis l’avènement de l’ÉIE, un nombre imposant de listes de contrôle ont étéproposées comme référence utile dans l’examen de projet. L’une des listes parmi lesplus complètes à l’époque était celle publiée par la Commission de l’énergie atomiquedes États-Unis (Atomic Energy Commission, 1973). Une autre liste pionnière, maisnéanmoins peu traditionnelle quant à son contenu, est celle de l’Université deGéorgie (Institute of Ecology, 1971). Elle fut mise au point afin de mesurer l’impactenvironnemental des plans d’aménagement routier. Elle comporte 56 éléments sen-sibles de l’environnement que toute étude sur ce sujet devrait prendre en compte.Innovations intéressantes, chacun des éléments de l’environnement possède son propreindicateur mesurable ainsi qu’une pondération appropriée et spécifique. Les consé-quences (effets et impacts) à long terme, notamment, héritaient d’un facteur multi-plicatif de dix par rapport aux autres pour leur cote de pondération. Cette pondé-ration était cependant établie de manière trop subjective et pouvait difficilement êtrereproductible (Munn, 1977). Cela serait encore plus vrai selon les critères et les juge-ments actuellement utilisés pour la pondération. De plus, l’approche prenait en compteun facteur de génération d’erreur au hasard. Elle était cependant très exigeante surle plan des ressources et conséquemment fut, semble-t-il, fort peu employée dans sonintégralité.

La liste des activités présentée à la figure 5.1 montre par contre une liste de contrôlesimple. Elle est classique dans sa forme et pratique à utiliser en tant qu’aide-mémoire.Elle ne propose aucune forme d’évaluation; sa seule fonction est strictement indi-cative. La présentation graphique est nette et ordonnée, ce qui permet une visuali-sation rapide des résultats. Elle permet d’identifier (cocher les cases appropriées) lesparamètres présents dans le projet à l’étude de façon active et simple. Une autre liste,répertoriant cette fois les éléments de l’environnement, viendrait s’adjoindre etcompléter celle-ci. Ces deux listes peuvent servir éventuellement à construire une matricedes interactions (activités du projet versus éléments de l’environnement), comme nousl’avons fait au Maroc en 1994 pour l’implantation de conduites d’adduction d’eaupotable et de stations de pompage.

La liste de contrôle représentée à la figure 5.2 montre une liste un peu plus com-plexe que la précédente ; elle propose notamment une certaine forme d’évaluationdes éléments de l’environnement. En effet, elle contient une qualification de la sen-sibilité des divers éléments du milieu. La sensibilité de chacun des éléments d’inventaireest évaluée à l’aide d’une cotation élémentaire à trois valeurs possibles : forte,

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

moyenne ou faible. Les éléments d’inventaire à prendre en compte dans l’analyse descorridors qui est présentée ici (le même projet de conduites d’adduction d’eaupotable) sont regroupés en six grands groupes d’éléments apparentés.

Le grand avantage de l’emploi de listes de contrôle, outre leur relative simplicitéd’utilisation et de représentation, est le rapide survol qu’elles permettent. Leurapproche structurée permet une rapide identification des paramètres devant être prisen compte. Ces listes de contrôle expriment souvent la synthèse des nombreux tra-vaux effectués antérieurement en ÉIE; elles représentent ainsi un ensemble cohérentdes multiples connaissances et des jugements de leurs auteurs. En ce sens, l’utilisa-tion d’une liste reconnue ne requiert pas le relevé explicite des liens de cause à effetd’une activité déterminée, par exemple, ces liens étant implicitement légitimés parles auteurs de la liste. Cet outil d’analyse préliminaire met donc grandement àcontribution l’expertise même des évaluateurs, ceux de l’étude en cours autant queceux des études antérieures ayant permis la réalisation des listes de contrôle.

Parmi les inconvénients des listes de contrôle en tant qu’outil d’identification,on retrouve avant tout la méconnaissance des interactions entre les activités du projetet les éléments de l’environnement, comme entre les impacts eux-mêmes, d’ailleurs.Sauf exception, cet outil n’est nullement approprié à la mise en évidence des inter-actions ; il n’est d’ailleurs pas destiné à cette fin. De plus, la liste de contrôle, quoiqueconstituant un indispensable aide-mémoire, risque par le fait même de faire oublier

Figure 5.1

Liste de contrôle des activités

Études techniques

Arpentage et signalisation

Acquisition des emprises

Déboisement et reboisement

Installation de chantiers

Signalisation

Excavation, forage et creusage

Dragage et travaux maritimes

Passage des cours d’eau

Modification de tracés

Infrastructures routières

Transport et circulation

Érection de bâtiments

Installation des équipements

Pose des conduites

Lignes électriques, téléphone, etc.

Entreposage de matériaux

Disposition des déchets

Présence des ouvrages

Réseau AEP

Réseau d’assainissement

Matériel et équipement

Systèmes de traitement E.P.

Système de traitement d’eaux usées

Transport/gestion de produits chimiques

Gestion de la production d’eau

Gestion des déchets solides, liquides (boues)

Contrôle et suivi de la qualité

Disposition et réutilisation

Sécurité et intervention d’urgence

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L’évaluation des impacts environnementaux

des paramètres absents de celle-ci ; on pourrait ainsi omettre d’en tenir compte dansl’étude en cours. Enfin, les listes ne permettent pas la prise en compte des variationsdes conditions du milieu dans le temps, ni, habituellement, de l’estimation et de l’éva-luation véritable des impacts.

Fiche d’impact

L’emploi de «fiches d’impact» est une pratique courante en évaluation d’impacts. Lafiche d’impact est un des outils employés comme support de l’information de plu-sieurs méthodes d’évaluation. Toutefois, son emploi fort répandu et l’étendue de son

Figure 5.2

Liste indicative des éléments d’inventaire de corridors

ÉLÉMENTS SENSIBLES À L’IMPLANTATION DE CONDUITES ET DE STATIONS DE POMPAGE

Sensibilité: forte (F), moyenne (M) et faible (f)

1. ESPACE FORESTIER

– Boisé rare (F)– Secteur forestier d’intérêt (verger à graines, forêt

d’expérimentation, arboretum) (F)– Forêt d’enseignement et de recherche (F)– Pépinière (f)– Massif boisé d’intérêt (M)– Zone d’aménagement forestier (M)– Grande zone de perturbations récentes (brûlis,

chablis, etc.) (f)– Tourbière (F)

2. ESPACE FAUNIQUE

– Réserve faunique (M)– Aire de concentration d’oiseaux migrateurs

ou aquatiques (F)– Colonie d’oiseaux (F)– Aire de repos et de reproduction

de la sauvagine (M)– Réserve de poissons (F)– Frayère (F) – Habitat faunique d’intérêt (M)– Aire de répartition d’espèces menacées (F)

3. ESPACE AGRICOLE

– Horticulture, culture spécialisée ou zone de verger (F)

– Grande culture, aire de pâturage ou friche herbacée (M)

4. ESPACE TERRESTRE PARTICULIER

– Réserve écologique (F)– Site historique (F)– Site archéologique (F)– Zone humide d’importance nationale (F)– Zone inondable (F)– Zone à risque d’érosion (F)– Zone de ravinement ou de glissement (F)– Réservoir projeté (F)– Zone d’escarpement (M)

5. ESPACE AFFECTÉ À L’EXTRACTION

– Mine (F)– Carrière ou sablière (F)

6. ESPACE POUR LA VILLÉGIATURE, LES LOISIRS OU LE TOURISME

– Parc national de conservation (F) – Site touristique ou récréatif d’intérêt ou zone

de villégiature (f)– Équipements touristiques ou récréatifs

d’importance (F) :• terrain de golf (F) • base de plein air ou colonie de vacances, centre

de ski alpin(F)• jardin zoologique (F) • terrain de camping (F)

– Projet d’aménagement ou de développement d’importance (M)

– Site exceptionnel (M)– Lieu d’intérêt visuel (M) – Zone d’observation stratégique (M) – Route panoramique (M)

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

application (somme de données possibles), en tant qu’instrument d’identification etde support à l’information, en font au même titre que la liste de contrôle un outilbien particulier de l’ÉIE.

Nous ne présentons qu’un seul exemple de la grande variété de modèles possibles,le principe général pouvant en être aisément suivi et développé selon les besoins par-ticuliers de chaque projet. La somme des informations qui s’y retrouvent peut par-fois être très importante. La figure 5.3 montre un modèle récent de fiche d’impact,mais la plupart des fiches sont souvent plus simples. L’information concerne habi-tuellement un certain nombre des caractéristiques de l’identification et de l’évalua-tion de l’impact. Dans l’exemple présenté ici, nous trouvons de manière assez éla-borée un grand nombre des sujets courants, à savoir l’identification et la descriptionde l’impact, l’évaluation de l’impact potentiel, l’évaluation finale de l’impact, c’est-à-dire l’impact résiduel, ainsi que l’ajout de mesures d’atténuation et l’élaborationde mesures de compensation. La manière d’évaluer en deux phases complètes les impacts(impact potentiel et impact résiduel) est plutôt rare, mais elle s’avère fort utile pourle contrôle et le suivi.

Étant donné la diversité de langage et de style des résultats obtenus en provenancedes diverses disciplines impliquées en ÉIE, la fiche d’impact s’avère un outil fort com-mode de compilation des données. La standardisation permise grâce à ce support uni-forme permet une codification efficace de l’information et par la suite un moyen rapidede recherche de renseignements. Cette efficacité est importante en raison de lanature disciplinaire de la caractérisation du milieu et de la prédiction des impacts,ce qui engendre une très grande variabilité dans la description et la présentation desrésultats. Par l’emploi de fiches standardisées, il est plus facile de repérer ensuite l’in-formation complète au sujet d’un impact donné. Le contrôle et l’accès aux donnéesen sont considérablement facilités.

La fiche d’impact offre une vue incomplète de l’évaluation de l’impact d’un projet,elle ne peut contenir tous les paramètres et les aspects nécessaires à un examen entier.Toutefois, elle expose adéquatement les différents impacts environnementaux et ellereprésente un complément opportun, voire indispensable, des autres méthodesd’ÉIE et tout particulièrement des approches matricielle et cartographique.

L’enquête Delphi

L’enquête Delphi n’est pas à proprement parler une approche spécifique d’évalua-tion des impacts environnementaux; il s’agit plutôt d’une technique générale d’ac-quisition des connaissances. L’enquête Delphi est un procédé d’obtention de consensus

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L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.3

Fiche d’analyse d’impact

Activité:Élément:

Les mesures d’atténuation peuvent:

* neutraliser complètement l’impact * atténuer en majeure partie l’impact * atténuer partiellement l’impact

FORTE MOYENNE FAIBLE

Durée

Intensité

Étendue

Importance del’impact potentiel

Description de l’impact

FICHE D’IMPACT

Évaluation de l’impact potentiel

Évaluation de l’impact résiduel

Mesures d’atténuation

Mesures de compensation

FORTE MOYENNE FAIBLE NULLE

Durée

Intensité

Étendue

Importance del’impact résiduel

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

auprès d’experts sur un sujet donné de recherche. Nous n’entrerons pas ici dans leséléments détaillés de cette technique; toutefois, au cours de l’examen des méthodesd’ÉIE, nous verrons des applications concrètes issues de cette technique de résolu-tion de problèmes, notamment lors de l’examen des méthodes numériques (Batelle).

Dans sa forme classique, cette méthode vise à confronter les opinions d’un grouped’évaluateurs (experts du domaine) à l’aide de questionnaires successifs. L’objectif estd’accéder à une réponse commune et satisfaisante sur un sujet pour lequel il n’en existehabituellement pas, et ce, par consensus progressif de l’opinion des experts. L’enquêteDelphi est donc une approche basée avant tout sur les techniques et les stratégies decommunication. En ce sens et comme l’affirmaient Linstone et Turoff (1975), ladémarche de quête de l’opinion d’experts s’apparente plus au domaine des arts qu’auxsciences. En pratique, cette méthode est utilisée «pour l’appréhension de questionsoù les données sont insuffisamment structurées et où, en conséquence, une bonnepart de jugement et d’intuition entre en jeu» (Prades, 1993). Il s’agit là d’une situa-tion très fréquente en évaluation environnementale et, conséquemment, l’enquête Delphiest souvent employée de manière intégrale ou le plus souvent de façon abrégée.

La démarche générale de l’enquête se base sur le principe de rétroactions suc-cessives. Un questionnaire de départ est envoyé à une série d’experts. Les réponsessont par la suite analysées par le comité d’organisation de l’expérience. Les résultatssont renvoyés aux mêmes experts afin qu’ils réévaluent leur propre position à l’aidedes réponses fournies par les autres. L’éventail des réponses possibles se précise et sedirige ainsi peu à peu vers un certain consensus. Bien qu’il existe une foule de variantesà cette méthode, la démarche comporte généralement plusieurs étapes. Le ques-tionnement de départ auquel on veut répondre grâce à cette technique de consulta-tion doit être formulé de façon souple, mais de manière tout de même assez préciseafin de délimiter clairement le domaine d’investigation. Les répondants, quant à eux,doivent être choisis d’après des critères de sélection rigoureux et selon leurs connais-sances ou leurs expériences. Cette opération de choix des experts est cruciale et déter-minante pour la réussite de la démarche.

Plus précisément, le «questionnaire 1» est élaboré en fonction des interrogationsde départ et envoyé aux répondants (experts) retenus. L’étape suivante est l’analysedes réponses obtenues afin de dégager et de regrouper les réponses similaires. Un deuxièmequestionnaire, pouvant contenir des questions plus précises, est alors conçu et envoyéde nouveau aux experts en compagnie des réponses fournies par les autres répondants.Les répondants doivent, à cette étape cruciale, préciser, choisir et/ou commenter leurposition «finale». L’analyse des résultats de ce deuxième questionnaire permet de faireressortir les consensus et les opinions majoritaires afin de diffuser les résultats finaux.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Mentionnons, de plus, que, selon le type d’enquête Delphi employé, souvent déter-miné par le temps, les moyens et les ressources disponibles, d’autres questionnairespeuvent être élaborés, envoyés et commentés de nouveau avant la diffusion finale desrésultats, mais il s’agit habituellement d’une étape facultative.

Les sept étapes générales du processus type peuvent se résumer ainsi :

• formulation des questions ;

• choix des répondants ;

• élaboration et envoi du questionnaire 1 ;

• analyse des résultats du questionnaire 1 ;

• conception et envoi du questionnaire 2 (rétroaction);

• analyse des résultats du questionnaire 2 ;

• (facultatif : conception, envoi et analyse d’autres questionnaires) ;

• diffusion des résultats.

Dans la mise en place d’une expérience de Delphi, deux aspects importants doiventêtre considérés avec beaucoup d’attention et de précaution. Il s’agit d’abord du choixdes participants (répondants) et, ensuite, de l’élaboration même des questionsposées. Le choix des experts est important, car c’est à partir de leur propre opinionqu’une réponse finale sera éventuellement formulée. En ÉIE, l’enquête Delphi estemployée lorsque l’on dispose de peu d’information sur un élément de l’environne-ment, sur son importance ou sur un impact particulier. Dans de tels cas, cependant,il est assez difficile de sélectionner les «experts». En effet, lesquels choisir et en vertude quels critères d’expertise? De plus, comment aborder des problèmes qui, pour unegrande part, nous échappent? En conséquence, les résultats obtenus sont toujoursincertains, souvent contestés, parfois contradictoires et quelquefois irréconciliables,voire inacceptables. De son côté, l’élaboration des questions n’est pas toujours plusfacile. Il s’agit pourtant d’un aspect déterminant pour l’atteinte de résultats valableset utiles. Ainsi, des questions ambiguës ou mal posées, ce qui est fréquent dans uncontexte de faible information, peuvent amener les experts à des interprétations dif-férentes de celles souhaitées par les organisateurs de l’enquête.

L’une des particularités fort intéressantes de l’enquête Delphi est la confidentia-lité des répondants. En effet, ces derniers ne communiquent jamais les uns avec lesautres, les seuls contacts passant par l’entremise des organisateurs par le biais du cour-rier. L’anonymat ainsi obtenu réduit l’influence que certains experts, du fait de leurautorité, de leur attitude ou de leur prestance, exerceraient sur les autres, ce qui pour-rait modifier les résultats de l’enquête.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Bref, bien que les résultats reposent sur la seule opinion d’experts, la démarchesystématique de recherche de réponses par l’enquête Delphi tend à minimiser les élé-ments subjectifs. De plus, le fait que les participants s’ignorent entre eux permet d’éli-miner l’influence que certains experts à caractère dominant pourraient avoir sur lesréponses d’autres experts (un avantage éliminé, comme nous le verrons dans le casde la variante «mini-Delphi», où les experts sont réunis). Le processus de question-nement se dirige donc vers un jugement final par l’emploi de rétroaction contrôlée,c’est-à-dire par la révision du jugement des évaluateurs grâce à la confrontation desopinions des divers participants.

Variante de l’enquête Delphi

Il existe pour l’enquête Delphi une foule de variantes pour lesquelles plusieursvariables peuvent changer: le type et le nombre de répondants, le type et le nombrede questionnaires, le domaine d’application, le jumelage avec d’autres méthodes, etc.Il faut donc adapter la démarche aux buts recherchés et à l’ampleur de l’examen. Ainsi,selon le type de questionnaire, plus le nombre de répondants est élevé, plus le traite-ment des résultats peut être ardu. Dans d’autres cas, l’envoi de plus de deux questionnaires

Une vaste enquête Delphi sur les modes de transport

Plusieurs mois d’enquête Delphi sont à la base d’une récente étude québécoise traitantdes relations entre les modes de transport urbains et le développement durable, tout par-ticulièrement par rapport à l’effet de serre. L’équipe chargée de la recherche utilisa dixquestionnaires successifs auprès d’une soixantaine d’acteurs concernés par cette ques-tion, et ce, afin d’orienter la définition des problèmes et la recherche de solutions.

L’enquête était divisée en trois phases successives : la phase «enjeux» (perceptions et atti-tudes vis-à-vis des problèmes) nécessita l’envoi puis la compilation de quatre questionnaires;la phase «principes» (valeurs guidant les choix des acteurs) fut organisée autour de deuxquestionnaires ; enfin, la phase « stratégies» (vérification de la faisabilité et de l’accep-tabilité sociales des solutions proposées) nécessita quatre autres questionnaires.

Les acteurs impliqués dans l’enquête étaient de quatre catégories : des membres des dif-férents paliers de gouvernement du secteur public, des représentants du secteur privé,des membres d’organisations non gouvernementales (ONG) et des représentants du milieude la recherche et de l’université. Seize participants pour chacune des catégories com-posaient l’échantillonnage des «experts» consultés.

Source : Pradès et coll., 1998

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L’évaluation des impacts environnementaux

peut n’apporter que de légères précisions aux résultats et s’avérer à toute fin pratiqueinutile, compte tenu des exigences de temps et de moyens.

Parmi les variantes, celle appelée «mini-Delphi» ou «Delphi en temps réel»(Linstone et Turoff, 1975) est sans doute la mieux connue et la plus souvent employée.Dans cette variante, au lieu d’envoyer les questionnaires par la poste, les experts sontplutôt réunis dans un même lieu (Ducos, 1983). Le grand avantage de cette varianteest l’élimination des délais d’envoi; les résultats peuvent être obtenus en quelques heures,sinon en quelques minutes. Les résultats sont souvent automatiquement traités parordinateur. Toutefois, la démarche ne peut s’effectuer convenablement que si les opi-nions des experts sont relativement près les unes des autres, ce qui n’est pas toujourspossible, surtout concernant certaines questions (impacts sociaux, culturels et éco-nomiques). De plus, la confidentialité des répondants, caractéristique essentielle del’intégrité de l’enquête Delphi, et conséquemment la non-ingérence qui en est la résul-tante, ne sont plus ici respectées.

Méthodes ad hoc

Les multiples méthodes ad hoc sont expressément destinées à un emploi bien parti-culier, d’où leur dénomination. En réalité, on pourrait regrouper sous cette appella-tion toutes les méthodes inclassables sous un autre nom. Bien souvent, il s’agit d’unedémarche méthodologique s’appuyant sur plusieurs méthodes consacrées, maisappliquées d’une façon originale à l’objet d’étude. En ce sens, les méthodes regrou-pées sous ce titre sont très diversifiées ; elles peuvent être plus ou moins complèteset complexes selon le cas. Conséquemment, on retrouve sous cette appellation unegrande variété d’études, des plus rudimentaires, comme un court texte descriptif desgrands enjeux environnementaux, aux plus complexes, certaines parmi les meilleuresétudes réalisées à ce jour.

Les méthodes ad hoc furent développées à partir de l’expérience et du jugementdes évaluateurs et elles ne sont habituellement applicables qu’à un seul cas. La baseméthodologique de l’approche ad hoc est donc l’expérience et l’intuition des spécia-listes (évaluateurs d’impacts) qui fournissent des lignes générales sur le type et la naturedes impacts anticipés d’un projet précis.

À l’origine, les méthodes ad hoc constituaient souvent une première ébauche métho-dologique de l’évaluation environnementale. En ce sens, certaines pourraient consti-tuer aujourd’hui une étude préliminaire d’ÉIE. Elles ne constituaient alors qu’une pre-mière approximation de l’impact environnemental par le simple relevé des impactsen cause. Depuis quelques années, certaines études ad hoc montrent un degré de

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

sophistication qui va bien au-delà d’une première approximation. Les auteurs de cesétudes emploient alors une méthodologie bien particulière faisant appel, dans la plu-part des cas, à une panoplie de techniques et de résultats en provenance des autresméthodes. Ces études relèvent alors des méthodes d’évaluation, ayant dépassé et deloin l’élémentaire identification.

Outre la monotone énumération textuelle des différents éléments de l’environ-nement et des impacts appréhendés, il existe bien peu de méthodes ad hoc d’identi-fication. En ce qui concerne l’identification, les listes de contrôle et les réseaux, ainsique la superposition, occupent pratiquement tout le champ des possibilités.

Comme sa dénomination le prescrit, la locution ad hoc signifiant «pour cela»,il ne peut exister de modèle type de méthode ad hoc. Nous ne pouvons donc que pré-senter des exemples précis parmi tant d’autres. Dans le même ordre d’idées, il ne peuty avoir vraiment de méthode pionnière ; nous présentons par conséquent deuxapproches originales. La première est une approche simple applicable à l’examen d’unprojet précis; la seconde est beaucoup plus complexe et concerne une évaluation stra-tégique d’impact, c’est-à-dire un examen plus global à propos d’une éventuelle poli-tique énergétique.

Méthode ad hoc d’évaluation de projet

La méthode ad hoc que nous présentons ici est une démarche simple d’évaluationde projet employée aux États-Unis au début des années 1970. Les évaluateurs d’unprojet précis transmettaient ainsi une réponse originale et provisoire à la Loi amé-ricaine de protection de l’environnement (NEPA), qui imposait l’ÉIE dans le processusd’acceptation des projets de développement.

La figure 5.4 montre le tableau synthèse des résultats obtenus ainsi que les para-mètres employés par cette méthode particulière. Les éléments habituels de l’envi-ronnement, tels que la faune, les espèces menacées et la conformité aux plans régio-naux, sont passés en revue selon un nombre restreint de critères d’évaluation, tels quel’absence d’effet, les impacts à long terme et l’irréversibilité de l’impact. Il n’y a pasde cotation pour la grandeur ou l’importance de l’impact ; une simple mention (x)détermine la présence du paramètre pour chacun des éléments de l’environnement.

Il est intéressant de noter que le premier paramètre, «pas d’effet», est d’un grandintérêt malgré son apparente inutilité. En effet, il permet d’indiquer clairement quel’élément de l’environnement en question a bel et bien été examiné et qu’aucun impactn’a pu être identifié, évitant ainsi tout questionnement ultérieur à cet effet. Il est aussiétonnant de remarquer que les propriétés à long terme des impacts faisaient déjà partie

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L’évaluation des impacts environnementaux

des critères d’évaluation. Enfin, les impacts indéterminés étaient clairement soulignéscomme tels par les évaluateurs, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas encoreaujourd’hui, malgré la présence constante de ceux-ci dans la plupart des cas àl’étude.

Par ailleurs, les éléments biophysiques de l’environnement sont grandement agrégés(regroupés) sous quelques ensembles très étendus, notamment en ce qui concernela faune et la qualité de l’air. La répartition entre les éléments biophysiques et les élé-ments humains ou socio-économiques est relativement bien équilibrée pour l’époque.Finalement, la prise en compte d’éléments comme les espèces menacées, les activitésrécréatives et l’esthétique du paysage constitue une contribution intéressante àl’étendue et à la globalité de l’ÉIE.

Figure 5.4

Présentation finale des résultats d’une approche ad hoc

Faune x x xEspèces menacées xVégétation naturelle x x xVégétation introduite xNivellement du sol x x x xCaractéristiques du sol xDrainage naturel xEau souterraine x xNuisances sonores x xPavage xActivités récréatives xQualité de l’air x x x xEsthétique du paysage xEspace ouvert x x x xSanté et sécurité xValeurs économiques x x xÉdifices publics x x xServices publics xConformité/ plans régionaux x x x

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Source : Traduit et adapté de Rau, 1980.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Méthode ad hoc d’évaluation générique

À titre d’exemple d’une méthode ad hoc plus complexe, nous présentons une étuderéalisée par notre équipe au cours des dernières années (Raymond et coll., 1994). Ils’agissait d’une étude générique d’évaluation des impacts environnementaux, c’est-à-dire que l’objet d’étude n’était pas un projet de développement bien précis maisplutôt une analyse comparative prospective des diverses filières énergétiques dans lecontexte d’une éventuelle politique québécoise de l’énergie.

L’objet d’étude consistait à évaluer, à partir de critères environnementaux com-parables, les diverses filières énergétiques potentielles ; donc une multitude de pro-jets indéfinis et incommensurables avec précision. Il s’agissait donc d’une «évalua-tion stratégique d’impact» (ÉSI) et non d’une véritable ÉIE de projet. De plus, cetexercice constituait en quelque sorte un examen initial d’une future politique pre-nant en compte l’environnement.

Il serait trop long et sans trop d’intérêt ici de présenter en détail l’approche métho-dologique retenue pour cet examen. Toutefois, les schémas exposés aux figures 5.5et 5.6 montrent les résultats de l’étude. Cette illustration des résultats complets révèlepar contre une vaste part des paramètres et des critères de l’approche utilisée par lesauteurs de la méthode.

La démarche suivie dans cette étude fait appel à plusieurs méthodes, en parti-culier l’emploi de matrices et de fiches d’impact ainsi que l’utilisation de l’enquêteDelphi, notamment pour la pondération et l’évaluation globale des impacts.L’approche méthodologique est divisée en trois étapes ou phases principales : l’iden-tification des actions possibles, la prévision des effets de chaque action et l’évalua-tion synthétique de ces effets. Bien entendu, ces trois phases étaient subdivisées enplusieurs sous-étapes d’étude.

La première étape, celle de l’identification des actions possibles, est essentielle-ment fonction de la liste des diverses filières énergétiques qui peuvent être considé-rées comme variantes ou solutions de rechange possibles pour l’établissement d’unepolitique de gestion des ressources énergétiques au Québec. Le relevé des filières permetpar la suite d’inventorier les activités qui sont générées par chacune d’elles tout aulong du cycle de production des diverses ressources impliquées. Étant donné le trèsgrand nombre d’activités notées, celles-ci ont été agrégées (regroupées) en trois prin-cipales phases de production pour en faciliter la présentation et la compréhension,à savoir la construction, l’exploitation et le rejet final.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La seconde étape, celle de la prévision des conséquences (effets et impacts) dechaque action, doit permettre de déceler les interactions entre les activités considé-rées et les «critères environnementaux» et, ensuite, d’en évaluer l’impact sur l’envi-ronnement. Une fois encore, le très grand nombre d’interactions possibles conduità un regroupement en 16 critères. Ces critères de comparaison ont été déterminés àla suite de l’analyse des critères retenus dans plusieurs travaux similaires. L’évaluationdes impacts environnementaux se fait alors pour chacun de ces 16 critères, à partird’une série d’indicateurs applicables à l’ensemble des filières énergétiques, ce qui faci-lite la comparaison entre les filières quant à leurs impacts respectifs.

L’évaluation se base sur un état de référence qui est l’état actuel de l’environnementainsi que sur des normes de référence: techniques disponibles, processus ou façons defaire pour l’instant utilisés. Des fiches d’impact et des tableaux comparatifs résumentet codifient les éléments utilisés afin d’en arriver à attribuer une cote d’impact pourchacune des phases de production des diverses filières énergétiques, et ce, pour chacundes critères retenus. Cette cotation est attribuée soit en fonction de données quan-titatives précises, soit à partir de mesures qualitatives déterminées par consensus àl’intérieur de l’équipe de recherche. La cotation est ensuite inscrite à la matrice desimpacts potentiels, qui présente alors l’ensemble des impacts des diverses filières.

L’évaluation synthétique s’effectue dans une troisième étape d’examen. Les 16 cri-tères environnementaux sont d’abord regroupés sous quatre thèmes d’analyse,définis en fonction de principes qui se dégagent du concept de développement durableet qui serviront à établir la comparaison finale entre les filières énergétiques. Par lasuite, un rang est attribué à chacune des filières pour chacun des critères environ-nementaux. Ce rang est attribué en tenant compte des cotes précédemment établiesainsi que des renseignements contenus dans les fiches d’impact, les tableaux com-paratifs et l’évaluation qualitative. Ce premier classement permet d’intégrer les cotesémises pour les trois phases de production de chacune des filières en une seule esti-mation, et ce, de façon relative entre les filières. Le rang obtenu est alors indiqué à lamatrice comparative des diverses filières énergétiques, tel qu’illustré à la figure 5.5.

La figure 5.5 présente le classement relatif (rang respectif) des vingt (20) filièresénergétiques par rapport à chacun des seize (16) critères environnementaux de com-paraison. Les rangs obtenus par les différentes filières pour chacun des critères à l’in-térieur d’un thème d’analyse sont ensuite utilisés pour déterminer l’impact relatif dela filière à l’intérieur du thème d’analyse. Il est assez simple de déterminer le classe-ment relatif des diverses filières ; de simples données incomplètes ou qualitatives suf-fisent la plupart du temps. Par ailleurs, il est possible de comparer les résultats en pro-venance de données quantitatives pour un critère donné avec ceux d’un autre issus

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

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L’évaluation des impacts environnementaux

de données qualitatives. Toutefois, dans une telle comparaison les écarts possibles entredeux rangs ne sont pas mesurés, ce qui peut induire à des estimations erronées dansune évaluation globale.

La figure 5.6 présente par contre une matrice comparative plus complète d’éva-luation puisqu’elle possède une cotation absolue de l’ampleur des impacts anticipés.La cotation se distribue sur une échelle de trois valeurs: forte, moyenne et faible. Cettecotation nécessite une plus grande quantité de données, ou une meilleure apprécia-tion qualitative, ou quantitative des impacts puisque la fixation précise de la valeurdésignée n’est pas relative comme dans le premier cas (figure 5.5) mais absolue. Cetteévaluation plus précise de l’importance des impacts est pour certains critères extrê-mement incertaine, voire impossible à déterminer.

Figure 5.6

Matrice des impacts environnementaux potentiels de diverses filières énergétiques

Changement climatique global ✳ ✳ ✳ ✳ - - - - -

Déperdition de la couche d’ozone ✳ ✳ - ✳ - - - - - -

Précipitation acide ✳ ✳ ✳ ✳ - - - - - -

Risque de catastrophe ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - - - -

Modification d’écosystème ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ -

Modification de l’aménagement ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ -

Modification du paysage ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳

Modification du mode de vie ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳

Pollution de l’air ambiant ✳ ✳ - ✳ - - - - - -

Pollution des eaux ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - ✳ - -

Pollution du sol ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - ✳ ✳ -

Pollution thermique ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - ✳ ✳ - -

Pollution radioactive ✳ ✳ ✳ ✳ - - - - ✳ -

Pollution sonore et olfactive ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳

Santé et sécurité ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ -

Impacts globaux

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Source Adapté de Raymond et coll., 1994.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

La présentation de la démarche méthodologique de cette méthode ad hoc illustretrès bien les principaux enjeux de l’utilisation d’une méthode en ÉIE: tout d’abord,le relevé et l’évaluation des activités afférentes au projet ainsi que des impacts appré-hendés et la codification de l’information; ensuite, la pondération (importance rela-tive) des divers éléments environnementaux impliqués et l’agrégation (regroupement/addition d’impacts) des divers impacts particuliers; enfin, la comparaison de diversesoptions (solutions de rechange ou variantes) à partir de tous les paramètres ou critèresenvironnementaux ainsi que de tout autre critère possible (technique, financier, etc.).

MODÈLES ET SYSTÈMES

Sous cette dénomination, nous regroupons les méthodes qui utilisent une approchesystémique d’examen des divers paramètres: composantes du projet, éléments du milieuet impacts environnementaux. Ces différentes méthodes sont avant tout orientées versla découverte des interactions entre les divers paramètres en cause (activités, élémentset impacts). L’objectif principal est donc l’examen des relations de cause à effet del’ensemble de l’objet d’étude. Cette approche va donc plus loin que la simple iden-tification des éléments et des impacts environnementaux, comme c’est généralementle cas avec les listes de contrôle, par exemple.

Les diverses méthodes regroupées ici sont :

• les matrices ;

• les réseaux;

• les modèles et la modélisation.

Sous ce deuxième axe d’étude, nous retrouvons généralement une démarche d’ana-lyse, l’aspect synthèse n’intervenant qu’à la fin et souvent sans trop d’argumentation.Dans certains cas, il s’agit d’un processus simple d’identification bien plus qu’un exer-cice plus complet d’évaluation. Dans d’autres cas, toutefois, la démarche employéeimplique une évaluation détaillée et complète des impacts, notamment lorsqu’il s’agitde matrices. La démarche d’étude se veut générale, mais elle peut quelquefois être spé-cifique à un problème particulier, comme c’est souvent le cas en modélisation.

Ces méthodes et outils sont fréquemment employés depuis le début de l’ÉIE. Laprise en compte des aspects temporels et spatiaux n’est pas nécessairement expliciteet exhaustive, mais l’aspect cumulatif des impacts peut être relativement bien mis enévidence, notamment par les réseaux. Ces méthodes sont rarement employées pourl’étude comparative de solutions de rechange ou de variantes de projet, car une seulesolution de rechange ou variante est habituellement examinée en détail.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Les moyens mis en œuvre paraissent simples et faciles d’accès au premier abord,mais dans le cas de systèmes compliqués ou de grande portée, la prise en compte desdivers paramètres peut rapidement devenir d’une grande complexité. Conséquemment,la lourdeur de la démarche peut devenir très exigeante en temps et en argent. La pré-sentation des résultats demeure toutefois relativement simple, sauf peut-être dans lecas de réseaux pour de vastes projets ou de milieux d’insertion compliqués. L’examendes résultats est facile et ces derniers peuvent être reproductibles assez aisément. Parcontre, ceux-ci sont habituellement peu aptes à une prise de décision classique pourles décideurs, étant donné le caractère plutôt scientifique et éclectique de la démarchesystémique.

Matrice

La matrice peut n’être qu’un simple outil de présentation des résultats de l’évalua-tion; elle est d’ailleurs couramment utilisée en ce sens en ÉIE. Mais comme nous leverrons ensuite pour le réseau, l’approche matricielle peut aussi constituer une enri-chissante et expressive démarche d’examen.

Les matrices représentent habituellement des tableaux à double entrée. Les deuxaxes composant la structure d’une matrice sont souvent la reproduction de listes decontrôle reconnues ou, mieux, l’adaptation de telles listes au milieu d’insertion duprojet. La méthodologie employée est en règle générale plus complexe et plus com-plète que dans le cas de la liste de contrôle. Les matrices permettent une améliora-tion substantielle sur les listes de contrôle par la mise en évidence des interactions(cause à effet) entre l’ensemble des activités humaines et des éléments du milieu.L’évaluation des impacts peut être soit qualitative, au minimum par la simple men-tion d’une interaction, soit quantitative, grâce à l’emploi d’un indice d’importancede l’impact.

Concrètement, les matrices représentent souvent une visualisation synthèse desrésultats de l’examen d’un projet. Leur présentation est habituellement simple et rela-tivement facile à comprendre par tous, même par des non-spécialistes de l’évalua-tion. En ce sens, elles représentent une bonne façon de visualiser et de présenter l’en-semble des impacts d’un projet, et plus particulièrement les interactions entre les activitésprojetées et les éléments environnementaux. Par ailleurs, le relevé des impacts selonles différentes phases des travaux peut facilement être montré. L’emploi de plusieursmatrices simplifie parfois la représentation d’un projet complexe ou la comparaisonde solutions. Cependant, l’utilisation de matrices permet faiblement l’appréhensiondes aspects spatiaux des impacts. De plus, elle ne permet pas en soi de prévoir les impacts

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

secondaires et indirects. Une deuxième matrice «dérivée» de la première pourrait alorsêtre utilisée.

Matrice de Léopold

Parmi les matrices d’évaluation, la plus connue est sans aucun doute la «matrice deLéopold» (Léopold et coll., 1971). Il s’agit d’un des premiers efforts méthodologiquescomplets dans le domaine de l’ÉIE. De plus, elle offre à la fois la possibilité d’iden-tification et d’évaluation des impacts. La matrice fut développée pour le compte duUnited States Geological Surveys afin d’analyser différents types de projets deconstruction (Munn, 1977).

L’approche de Léopold est, par ailleurs, du point de vue pédagogique, un très bonexemple de présentation de plusieurs des paramètres méthodologiques de l’évalua-tion des impacts environnementaux. En ce sens, sa vétusté et sa faible utilisation depuisde nombreuses années n’en font pas moins, encore aujourd’hui, un bon modèle deprésentation de plusieurs aspects de l’ÉIE. Son étude permet par-dessus tout d’exa-miner les principaux avantages et inconvénients des méthodes d’ÉIE.

La matrice de Léopold peut aussi bien servir de double liste de contrôle, en uti-lisant soit l’axe vertical (les actions projetées), soit l’axe horizontal (les éléments del’environnement), que de matrice d’identification et d’évaluation des impacts envi-ronnementaux. La première utilisation des paramètres déterminés par Léopoldcomme liste de contrôle est d’ailleurs la plus fréquente actuellement. Les listes d’élé-ments et d’activités y sont assez exhaustives; elles représentent donc de précieux aide-mémoire. Par contre, sa manipulation comme matrice, surtout pour de grands pro-jets, s’avère assez complexe et imprécise.

La matrice complète est constituée d’une grille exhaustive à double entrée. L’uneregroupe les activités liées au projet et l’autre, les éléments du milieu. L’axe horizontalprésente une liste de 101 activités possibles ou «actions projetées» (diverses activitéshumaines) et l’axe vertical regroupe 86 éléments de l’environnement ou «caracté-ristiques et états de l’environnement». Ces deux axes sont subdivisés en diversgroupes d’activités et catégories d’éléments. La matrice générée à partir des deux listesde paramètres représente une immense grille offrant une possibilité de 8686 cases.Chacune des cases représente une interaction possible entre une action du projet etune caractéristique du milieu récepteur. Le mode d’emploi (instructions) proposé parl’auteur est simple, mais plutôt sommaire et imprécis.

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212

L’évaluation des impacts environnementaux

La figure 5.7 montre une petite section de la matrice de Léopold; la matrice totaleest bien sûr beaucoup plus imposante. Le mode d’emploi y est reproduit dans le coinsupérieur gauche. Compte tenu de la taille de la matrice complète, la manipulationd’un tel support n’est pas toujours très commode. Par contre, lors de la présentationfinale des résultats, la plupart des évaluateurs adoptant la méthode de Léopoldréduisent le nombre de cases au strict nécessaire des interactions présentes.

Chacune des cases d’interaction de la matrice (impact potentiel) est divisée parune ligne diagonale créant ainsi deux parties distinctes d’évaluation. La partie en hautà gauche correspond à l’intensité ou ordre de grandeur de l’impact (l’importanceabsolue), elle est considérée indépendamment de son contexte. L’autre partie sert parcontre à indiquer l’importance relative de l’impact, c’est-à-dire qu’elle tient comptedu contexte d’insertion de l’impact. L’importance relative de l’impact tient compteexplicitement de la capacité des milieux récepteurs et de la persistance de l’impact.

Une cotation sur une échelle de 1 à 10 (faible à fort) permet d’estimer plus pré-cisément l’ampleur de l’impact, tant en ce qui concerne son importance absolue queson importance relative. La notation tient aussi compte de la valeur positive (+) (favo-rable) ou négative (–) (défavorable) accordée à l’impact. Le produit des deux cota-tions donne l’estimation finale de l’impact global anticipé.

Les informations complémentaires, telles que la durée de l’impact, son étendue,sa probabilité, les impacts secondaires appréhendés et les mesures d’atténuation envi-sagées, ainsi que toutes informations supplémentaires sur la nature de l’impact oude l’environnement, se retrouvent en renvoi dans le texte d’accompagnement à la matriceou en notes de bas de page. Léopold ne proposait pas l’emploi d’une fiche d’impactstandardisée. L’évaluation globale des impacts, c’est-à-dire le produit des deux cota-tions, pouvait être reportée sous la forme d’un tableau sommaire des impacts, d’uncourt texte explicatif ou sur une nouvelle matrice finale.

La matrice de Léopold a l’avantage d’offrir une approche systématique de l’im-pact environnemental d’activités humaines ou de projets complexes. En règle géné-rale, la présentation des résultats sur la matrice est facilement représentable et com-municable (Munn, 1977). Toutefois, contrairement aux matrices plus récentes, lavisualisation de la matrice de Léopold n’est pas souvent claire et efficace comme pré-sentation synthèse et finale des impacts, notamment à cause de la représentation com-pliquée de la double cotation. Depuis longtemps, elle sert surtout de base au relevédes impacts en tant que double liste de contrôle, mais elle pourrait aussi servir, seloncertains, comme «première approximation de leur importance» (Renson-Boegaerts,1982). La cotation relativement simple de l’importance des impacts offre de plus une

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213

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a.Introduction de flore ou de faune exotiques

b.Contrôles biologiques

c.Modifications d’habitat

d.Modifications du couvert du sol

e.Modifications de l’hydrologie des eaux de surface

f.Modifications du système d’écoulement des eaux

g.Contrôle des cours d’eau/modification du débit

h.Canalisation

i.Irrigation

j.Modifications du climat

k.Brûlage

l.Pavage

m.Bruit et vibrations

a.Urbanisation

b.Aires industrielles et constructions

c.Aéroports

d.Autoroutes et ponts

e.Routes et sentiers

f.Chemins de fer

g.Câbles et monte-charges

h.Lignes de transmission, pipelines et couloirs

i.Barrières, y compris les clôtures

j.Dragage et redressement des chenaux

k.Revêtement des chenaux

l.Canaux

m.Barrages et digues

n.Jetées, brise-lames, ports de plaisance...

o.Installations en mer

p.Équipements récréatifs

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214

L’évaluation des impacts environnementaux

certaine réduction de la subjectivité afférente à tout jugement. La souplesse d’utili-sation de la matrice permet l’adaptation par l’utilisateur et ne nécessite pas d’importantesressources en temps et en moyens.

Les désavantages de la démarche de Léopold sont nombreux mais néanmoins trèsinstructifs. Parmi les plus manifestes, nous avons retenu les suivants. Les exigencesde son échelle de cotation (sur 10) requièrent une bonne mais difficile quantifica-tion des différents impacts; une échelle moins étendue, ne comportant que trois valeurs,par exemple, exigerait moins d’exactitude et de détails. La méthode ne permet pasnon plus de mettre en évidence le réseau des relations intermédiaires (interactions),notamment pour les systèmes complexes ; les impacts secondaires peuvent ainsi êtreescamotés. Elle ne mesure pas ni ne détermine clairement la nature précise de l’im-pact, les sous-critères d’évaluation n’étant pas précisés. Les deux listes de paramètresne présentent pas d’exclusion mutuelle, ce qui entraîne donc un risque élevé de doubleemploi ou de confusion quant à la sélection d’un impact ou d’une activité. La listedes éléments biophysiques est exhaustive et assez complète ; par contre, celle des élé-ments humains est plutôt restreinte et imprécise, particulièrement en ce qui concerneles considérations actuelles.

De plus, la méthode de Léopold ne permet pas de distinguer les impacts à longterme, ni d’attirer l’attention sur les domaines les plus critiques, à savoir les impactset enjeux importants ou litigieux, et ce, même si Renson-Boegaerts (1982) affirmaitque les concepteurs de la matrice recommandaient d’évaluer l’impact dans une «pers-pective des intérêts à long terme de la société». Elle ne permet pas de distinguer lesévaluations quantitatives de celles qui sont qualitatives, ni d’ailleurs des incertitudes(Munn, 1977). L’évaluation des impacts ainsi obtenue est hautement subjective; idéa-lement, elle devrait toutefois représenter un consensus des opinions d’experts de diversesdisciplines (Sadar et coll., 1994). La méthode n’est pas conçue pour comparerdiverses options au projet ; chaque option devrait faire l’objet d’une évaluation surune matrice séparée. Il n’y a pas non plus de critères bien définis pour élaborer lescotes de pondération, donc aucune possibilité d’agrégation explicite. De plus, la com-paraison de l’importance absolue avec l’importance relative confère à la méthodo-logie un biais subjectif important et des difficultés supplémentaires de manipulation.D’ailleurs, la matrice de Léopold n’est pas particulièrement objective ni explicite, cequi permet aux différents utilisateurs d’appliquer librement leur propre système declassification à l’échelle de cotation (Munn, 1977). Enfin, comme les autres matrices,elle ne tient pas vraiment compte des implications temporelles (Simos, 1990), ni spa-tiales, ni d’ailleurs des impacts cumulatifs.

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215

Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

L’analyse matricielle depuis Léopold

La méthode du Central New York Regional Planning and Development Board(1972) est semblable à celle de Léopold, mais elle utilise deux matrices. La premièrerelève les relations entre les éléments du milieu et les activités anticipées ; elle déter-mine ainsi les impacts directs ou primaires, comme dans la démarche de Léopold.La deuxième matrice reprend les impacts notés par la première et les croise de nou-veau avec les éléments de l’environnement. Elle souligne donc les impacts indirectset secondaires, moins facilement perceptibles au premier coup d’œil. De plus, un sys-tème de classement des impacts directs et indirects permet une certaine pondérationentre les deux types d’impacts. Il s’agit donc d’une méthode plus complète que cellede Léopold en ce qui concerne les interactions indirectes. Toutefois, elle ne permetpas non plus de tenir compte du facteur de temps, ni de la comparaison entre diversesvariantes. Également, le type d’activités, de projets et d’éléments de l’environnementne concerne que les projets des ressources en eau, leur application originelle, sans néces-sairement permettre leur utilisation dans d’autres contextes d’étude.

Par ailleurs, afin de pouvoir déterminer une valeur globale aux divers impacts,tout en favorisant une approche multidisciplinaire, la «matrice de Peterson» (Petersonet coll., 1974) proposait quant à elle la fixation d’une importance globale de l’impactdu projet. Cette valeur globale était obtenue par l’agrégation des différents impacts,compte tenu du poids respectif de chacun (pondération). Les impacts biophysiquesétaient analysés séparément des impacts humains et faisaient l’objet de deux matricesdifférentes. Cette séparation permettait, selon les auteurs, de mieux évaluer ces deuxtypes d’impacts, dans un premier temps, pour ensuite en combiner les résultats parla réalisation d’une troisième matrice pondérée. Cette dernière opération accorde unepondération à chacun des impacts, en fonction de leur signification pour les humains.L’agrégation de ces derniers permet ainsi la détermination de l’importance globaledes impacts (Sadar et coll., 1994).

Afin de limiter certaines lacunes de la matrice de Léopold, Loran (1975) proposaune adaptation de la démarche matricielle avec pour objectif de mieux discerner lessecteurs critiques et les impacts similaires. Il s’agissait aussi d’une des premières uti-lisations d’ordinateur en ÉIE. Les éléments de la matrice sont transférés sur fichier infor-matique afin d’en faciliter la manipulation. L’innovation la plus importante de Loran,outre le fait d’avoir proposé une échelle de cotation réduite à 6 échelons (0 à 5), estd’avoir préféré déterminer l’importance des impacts à partir du seul indice de l’im-portance relative. Pour Loran, comme pour plusieurs depuis, l’évaluation de l’impactne peut être perçue de manière indépendante des éléments de l’environnement,

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216

L’évaluation des impacts environnementaux

c’est-à-dire sans tenir compte du milieu d’insertion, comme Léopold le proposait pourl’importance absolue de l’impact.

Bref, la méthode des matrices est encore fort employée. Ses utilisations récentessont bien sûr redevables aux efforts pionniers, mais elles s’en distinguent habituel-lement par une plus grande rigueur méthodologique et une présentation générale-ment plus simple mais supérieure. Le guide méthodologique d’Hydro-Québec(Hydro-Québec, 1990), par exemple, place la méthode des matrices en bonne posi-tion dans sa démarche d’examen; l’entreprise utilise généralement une matricecomme sommaire de l’impact environnemental d’un projet.

Nous reproduisons à la figure 5.8 un exemple de matrice que nous avonsemployé récemment (Raymond et Leduc, 1995). Cette matrice représente les inter-actions potentielles entre des activités et des éléments de l’environnement dans le casde projets d’adduction en eau potable au Maroc. Afin de limiter l’étendue de la matrice,seules les activités du projet et les éléments de l’environnement ayant une interac-tion sont indiqués dans les colonnes et les rangées respectives. Les éléments de l’en-vironnement sont regroupés sous deux grands ensembles, le milieu biophysique etle milieu humain. À l’intérieur de chacun des ensembles, les divers éléments sont asso-ciés et agrégés dans des sous-ensembles regroupant les éléments similaires – l’hydro-logie, par exemple. En ce qui concerne les activités du projet, deux grandes phasesregroupent toutes les activités probables, soit la phase de construction et la phase d’ex-ploitation et d’entretien. Dans l’étude en question, l’utilisation de matrices consti-tuait autant un outil d’analyse et d’évaluation des impacts qu’un support convenableà la présentation synthèse des résultats de l’examen du projet.

Réseau

La méthode dite en «réseau» a plusieurs appellations. La dénomination de réseau ori-gine du mot anglais network, souvent traduit par le terme français «graphe». Elle estaussi dénommée flow diagrams (Munn, 1979) et se traduit alors par «méthode en sys-tèmes» (Munn, 1977). L’approche en réseau se présente généralement sous la formede diagrammes illustrant les interactions entre les activités du projet et les élémentsdu milieu ainsi que les divers liens des éléments et des impacts entre eux. L’approcheen réseau a pour objectif principal, et parfois unique, la mise en évidence des inter-actions qui existent entre les divers paramètres et, notamment, les impacts secondaireset indirects, ainsi que, dans une certaine mesure, les impacts cumulatifs. Il ne s’agitdonc pas nécessairement d’évaluer l’importance des impacts d’un projet, mais plutôtde connaître précisément et de manière complète les liens entre les différents para-mètres impliqués. Ces liens s’établissent bien sûr entre les multiples éléments de

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217

Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

l’environnement, mais aussi entre les différentes composantes du projet et l’envi-ronnement, ainsi qu’entre les différents effets et impacts (effets/impacts indirects, secon-daires et cumulatifs).

De plus, la méthode en réseau constitue parfois une relative sophistication de laméthode en matrice, afin de montrer les impacts secondaires et tertiaires. L’originalitédu réseau sur la matrice est qu’il présente les multiples enchaînements de relationsentre les activités et les différents éléments ainsi que les interactions entre ces dernierset les divers impacts. Par contre, les approches en réseau demeurent trop souvent à

Figure 5.8

Matrice type d’interactions potentielles

A

Hydrologie

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Climatologieet air ambiant

Biologie

Cadre socio-économique

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Coutumes/traductions N

Qualité de vie/santé/hygiène O

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Espace agricole R

Espace forestier S

Récréo-touristique/patrimoine T

Aire d’extraction et d’enfouissement U

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218

L’évaluation des impacts environnementaux

l’étape de la simple identification des interactions; elles offrent rarement une manièred’évaluer l’importance de l’impact.

La figure 5.9 montre une représentation simple des résultats d’une telle approcheen réseau. Dans le cas présent, le schéma général présentant les résultats indique bienl’enchevêtrement des diverses interactions présentes dans un écosystème pastoral. Cetteillustration permet de saisir facilement qu’un impact affectant les bourgeons de planteaura de multiples incidences sur plusieurs éléments de l’environnement, donc de nom-breux impacts secondaires. De plus, cette représentation démontre instantanémentla non-linéarité des enchaînements de cause à effet, donc la présence d’effets et d’im-pacts indirects et cumulatifs.

Figure 5.9

Réseau représentant les interactions d’un écosystème pastoral

Bourgeons deplante

Racines

Résidus végétaux

Litière

Mouton

Fumier

Invertébrés détritivores

Limaces

Vers

Décomposeurs(microbiens)

Sol

Source : Traduit et adapté de Wathern et coll., 1987, dans Wathern, 1992.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

La représentation en réseau s’avère souvent fort complexe et parfois même pra-tiquement irréalisable, notamment dans le cas de projets impliquant un très grandnombre de composantes. L’approche en réseau aspire à construire un modèle com-plet visant à reproduire la complexité et la multiplicité des éléments impliqués dansun écosystème donné. Compte tenu des exigences d’une telle reproduction, lesrésultats ne représentent trop souvent qu’une simplification injustifiée de la réalité(Sadar et coll., 1994). Toutefois, comme pour la modélisation, nos connaissances sou-vent incomplètes des multiples interactions impliquées dans plusieurs écosystèmesamenuisent les résultats attendus d’une telle méthode d’analyse. C’est sans doute pources raisons que la méthode en réseau est peu employée, notamment dans le cas d’ungrand projet ou lorsque le projet implique des écosystèmes complexes.

Méthode de Sorensen

La plus réputée des méthodes en réseau est sans contredit celle qui fut préconisée parSorensen au début des années 1970. L’approche de Sorensen (1971) préconisait à l’ori-gine l’identification de l’ensemble des impacts de projets d’aménagement, particu-lièrement en zones côtières. La méthode fut mise au point dans une optique d’amé-nagement du territoire et de préservation des ressources. Ultérieurement, la méthodefut adaptée par Sorensen et Moss (1973) afin de convenir à d’autres applications, touten explicitant le type de données relatives aux impacts. La méthode développée parSorensen est en fait une approche intermédiaire entre la matrice et le réseau de type«écologique». Certains auteurs classent d’ailleurs cette méthode parmi les matrices.Selon nous, il est plus judicieux de la classer parmi les réseaux, car son objectif estde mettre en évidence les nombreux enchaînements de cause à effet.

La méthode de Sorensen suppose l’utilisation de plusieurs matrices interreliées ;il s’agit en fait d’un réseau de matrices. Une première matrice relève les interactionsentre les actions du projet et les effets anticipés. La seconde représente les liens entre,d’une part, les effets anticipés et, d’autre part, les conditions initiales du milieu. Enfin,une dernière matrice présente les interactions entre les conditions initiales et les condi-tions finales (impacts indirects). Cette matrice ultime décèle aussi les effets multipleset les mesures correctives. Le tout est organisé de façon à présenter les «arborescencescausales», c’est-à-dire les enchaînements d’effets. Ces enchaînements sont habituel-lement illustrés grâce à des «représentations arborescentes» (impact tree), comme dansla méthode de Sorensen (Sorensen 1971; Sorensen et Moss, 1973) ou plus récemmentdans son adaptation par Rau (1980).

La méthode de Sorensen ressemble en pratique à une modélisation du milieu réelqui tiendrait compte des effets dynamiques (temps). Elle est, par le fait même, l’une

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220

L’évaluation des impacts environnementaux

des meilleures approches en ce qui concerne le relevé des impacts indirects et secon-daires. De plus, elle tient compte des mesures possibles d’atténuation des impacts,notamment en préconisant des mesures correctrices et des mécanismes de contrôle.Elle était d’ailleurs la première à prendre en compte de manière aussi explicite cesaspects importants de l’ÉIE. Le nombre d’éléments et d’interactions possibles limitebien sûr l’application de la méthode de Sorensen à des projets sans trop d’envergureou ne présentant qu’un nombre limité d’impacts. Par ailleurs, lors d’examen de casrelativement complexes, l’emploi de l’informatique pourrait favoriser l’utilisation dela méthode.

Toutefois, l’approche de Sorensen ne permet pas une véritable évaluation de l’im-portance des impacts, il s’agit avant tout d’une analyse indicative des interactions entraî-nant ces impacts. Les impacts directs et indirects sont habituellement bien soulignés,mais la portée et la gravité des conséquences sur l’environnement de ces impacts noussont généralement inconnues. De plus, la représentation finale s’avère assez complexeà comprendre pour les non-initiés, en particulier pour les non-biologistes, peufamiliers avec l’emploi de réseau. Enfin, elle est limitée par l’insuffisance des donnéesconcernant la dynamique de la plupart des écosystèmes et plus précisément en ce quiconcerne les caractéristiques précises du milieu local d’insertion. Voilà qui affecte biensûr la plupart des autres méthodes, mais, compte tenu de la nature propre de l’ap-proche en réseau, cette insuffisance entraîne des conséquences plus importantesqu’ailleurs sur les résultats anticipés.

Évolution de l’approche en réseau

L’approche de Sorensen fut modifiée et améliorée à la fin des années 1970 afin de per-mettre l’évaluation quantitative des impacts. En effet, Rau (1980) suggéra l’emploid’un «indice global» d’évaluation obtenu grâce à une cotation prenant en comptel’ampleur et l’importance des impacts. Cette cotation est attribuée à la suite d’uneévaluation des impacts et elle s’accompagne d’une estimation de la probabilité de leuroccurrence. La méthode ainsi obtenue permet alors l’évaluation des impacts et nonplus seulement leur identification. La figure 5.10 montre de manière détaillée cettereprésentation par Rau du modèle en réseau proposé par Sorensen. Elle montre lesdifférents paramètres employés par Rau dans son adaptation de l’approche enréseau.

La cotation de l’indice global élaboré par Rau à partir des indices (index) arbo-rescents de la méthode de Sorensen est présentée à la figure 5.11. Il s’agit des diffé-rents « indices arborescents» (branch indexes) et de l’« indice général» (grand index).La quantification de la magnitude et de l’ampleur de chacun des impacts notés y est

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221

Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

bien exprimée, ainsi que la probabilité d’occurrence de l’impact. Les calculs de la cota-tion ainsi que de l’indice général pour chacun des indices arborescents y sont clai-rement indiqués.

La cotation des impacts se répartit sur une échelle d’importance et d’ampleurvariant de 1 à 10. La représentation arborescente des impacts est reprise dans un «indicearborescent» (branch indexes) qui permet en outre une cotation des différentsimpacts et ensuite la réalisation d’un «indice général» (grand index). Ce dernier pré-sente les trois paramètres d’évaluation proposés par l’auteur.

Figure 5.10

Représentation du réseau de Sorensen selon Rau

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(B) (E) (H) (K) 2

(C)

(D) (G) (J) (M)

*Les lettres entre parenthèses de la partie (b) correspondent aux éléments de la partie (a)

2

Source : Adapté de Rau, 1980, dans Westman, 1985.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Une autre méthode en réseau est celle dénommée «approche en diagramme»(system diagrams). Elle fut initialement présentée par Odum (1971), puis reprise ensuiteet complétée par Odum et Odum (1976). L’approche en diagramme d’Odum s’ap-parente à celle du réseau de Sorensen. Elle s’inscrit toutefois dans la poursuite destravaux d’Odum sur les flux de matière et d’énergie dans les écosystèmes. En éva-luation d’impacts, il s’agit de représenter les diverses interactions entre les activitésdu projet et l’environnement sous la forme de diagrammes d’interactions, commeon le faisait pour les flux de matière et d’énergie (Odum, 1972). La présentation desdivers liens entre les éléments du projet et ceux de l’environnement est claire ; l’uti-lisation d’une symbolique particulière facilite la représentation et ensuite la com-préhension.

À partir de la symbolique et de la démarche en diagramme d’Odum, divers auteursexaminèrent de façon détaillée certains projets importants de développement. C’estainsi que Gilliland et Risser (1977) utilisèrent l’approche en diagramme dansl’examen de l’impact de la construction d’une base de missiles au Nouveau-Mexique.Plus récemment, Bisset (1992) présentait une section de l’étude exposant de manière

Figure 5.11

Méthode de calcul des index selon Rau (Brand and Grand Index)

Source : Adapté et traduit de Rau, 1980, dans Westman, 1985.

Index de l’impact environnemental

Évaluation de l’impactImpacts (intervalle de 1 à 10)

Magnitude Importance Probabilité d’occurrence

E 5 3 B E (0,8); D E (0,7)

F 2 5 A F (0,5)

G 3 4 C G (0,3); D G (0,4)

H 4 5 E H (0,7)

I 2 9 F I (0,6)

J 2 5 G J (0,8)

K 3 7 H K (0,7)

L 2 10 I L (0,9)

M 1 6 J M (0,8)

Grand index du réseau

Branche 1 (2) (5) (0,5) + (2) (9) (0,6) + (2) (10) (0,9) = 33,8

Branche 2 (5) (3) (0,8) + (5) (3) (0,7) + (4) (5) (0,7) + (3) (7) (0,7) = 51,2

Branche 3 (3) (4) (0,3) + (3) (4) (0,4) + (2) (5) (0,8) + (1) (6) (0,8) = 21,1

Total du Grand index du réseau 33,8 + 51,2 + 21,2 = 106,2

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

simplifiée une partie seulement du diagramme des interactions utilisant la symbo-lique développée par Odum. Ces études montrent clairement les limites de représentationde cette méthode, plus particulièrement l’enchevêtrement souvent confus des inter-actions entre les divers éléments impliqués ainsi que la compréhension parfois res-treinte par l’utilisation d’une symbolique étrange.

Emploi de modèles et modélisation

L’emploi de modèles et la modélisation recouvrent l’ensemble des techniques faisantappel à des modèles plus ou moins complexes, et ce, avec ou sans l’aide d’ordinateurs.Dans son sens le plus restrictif, un modèle peut être un simple schéma représentantles composantes ou le processus d’un système donné. De manière un peu plus exhaus-tive, on peut penser à tout modèle simulant un phénomène naturel ou une activitéhumaine quelconque. La modélisation est bien entendu la démarche d’élaboration com-plète d’un modèle. Nous regroupons aussi sous le titre de modèles et modélisation l’in-formatisation de listes de contrôle, de matrices et de certaines autres méthodesd’identification et d’évaluation d’impacts. Bien entendu, nous incluons aussi toutesles approches qui emploient les diverses techniques de modélisation en laboratoire (modé-lisation de bassin hydrique, simulation de diffusion de panaches de fumée, dispersiondu bruit dans l’espace, etc.). Quoique fort utiles dans leur discipline d’origine, la plu-part des utilisations en modélisation sont plutôt du domaine des études disciplinairesemployées pour la prédiction de certains impacts et, de ce fait, ne représente pas desméthodes réellement spécifiques à l’ÉIE. Nous ne les examinerons donc pas en détailici. Elles font cependant l’objet de nombreux livres de base en ÉIE (Canter, 1977 et1996; Jain et coll., 1993; Rau et Wooten, 1980; Westman, 1985).

L’utilisation d’ordinateurs dans le cas de matrices et de réseaux complexes posesouvent des problèmes concrets très importants, mais permet cependant de multiplescombinaisons des données. L’emploi de modèles simulant les modifications de l’envi-ronnement présente, quant à lui, de lourds handicaps en ÉIE, particulièrement la masseimposante de données nécessaires à la modélisation d’un milieu concret complexe oude grande dimension. Ce handicap est réduit lorsqu’il s’agit d’analyses répétitives oude projets redondants ne nécessitant que de faibles modifications des données initiales.Par ailleurs, il est presque toujours impossible d’inclure dans les modèles disponiblestous les paramètres impliqués par l’examen d’un projet, notamment parce que la connais-sance intime et complète de plusieurs des éléments de l’environnement nous échappe.

Il existe plusieurs catégories de modèles, selon la formalisation plus ou moinspoussée de la représentation symbolique d’un phénomène ou d’un système réel. Parmiles principales catégories de modèles, mentionnons (Pavé, 1994) :

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L’évaluation des impacts environnementaux

• les modèles mathématiques ;

• les modèles logiques ;

• les modèles de simulation;

• les modèles géométriques ;

• les modèles de structures de données ;

• les modèles d’intelligence artificielle.

En ÉIE, la modélisation est généralement utilisée afin de fournir des informa-tions sur une partie des paramètres impliqués par un projet. La modélisation vise àintégrer le plus d’éléments possible afin d’obtenir une représentation du fonction-nement global du système. Bien entendu, ces éléments de l’environnement doiventpréférablement être quantifiables. Les résultats sont ensuite intégrés à l’étude com-plète, elle-même examinée sous la coupe d’autres méthodes.

Parmi les mieux connus des grands modèles prédictifs, on retrouve bien sûr celuiemployé par le Club de Rome au début des années 1970, concernant l’épuisement desressources par rapport à la croissance de la population. Ces types de modèles sont géné-ralement lourds et coûteux, donc ne sont pas toujours très abordables pour des pro-jets d’ÉIE. De plus, ils sont bien peu compréhensibles et accessibles à la population.

Le schéma simplifié de la figure 5.12 montre les principales étapes de la modé-lisation mathématique d’un système biologique (Pavé, 1994). Les possibilités de retoursur des étapes antérieures sont toujours existantes ; il s’agit donc d’une démarche ité-rative. De la délimitation des objectifs et de l’objet d’étude à l’utilisation éventuelledu modèle, plusieurs étapes de réalisation jalonnent l’élaboration de la modélisationdu système biologique en cause.

Plusieurs des modèles employés en évaluation d’impacts sont des modèlesmathématiques. Ces modèles, reposant sur une relation de cause à effet, permettentde simuler la dynamique d’un système et de pouvoir simuler différentes stratégies (DeBroissia, 1987). Parmi les modèles les plus souvent employés en ÉIE, notons:

• les modèles de dispersion atmosphérique;

• la modélisation hydrologique et hydrodynamique;

• les modèles unidimensionnels, bidimensionnels ou tridimensionnels sur la qua-lité de l’eau (souterraine ou de surface) ;

• les modèles d’érosion et de sédimentation;

• la modélisation des nappes d’hydrocarbures et de gaz naturel ;

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

À l’heure actuelle, la modélisation jouit néanmoins d’une grande faveur auprèsdes décideurs dans plusieurs pays, dont le Canada, et ce, indépendamment desindispensables moyens à mettre en œuvre et des ressources de moins en moins grandes.Les modèles utilisés en évaluation, sauf en ce qui concerne les modèles de change-ment climatique, rarement exploités en ÉIE, sont rarement employés pour des sys-tèmes complexes et globaux. Le domaine d’expertise des modèles se limite le plus sou-vent à des caractéristiques spécifiques à un ou à quelques éléments seulement del’environnement. Tel est le cas notamment des modèles de simulation de l’écoule-ment de l’eau d’un bassin versant afin de mesurer les risques d’inondation.

Figure 5.12

Schéma des différentes étapes d’une modélisation mathématique

Objectifs demodélisation

Objet d’étude

InterprétationAnalyse/hypothèsesd’un système/objet

Liste desvariables

Formalisation

Qualitative Expérimentationdes données Quantitative

Validation

Utilisation

Traduction Schéma fonctionnelModèle mathématique

Source : Adapté de Pavé, 1994.

• les modèles d’analyse du risque;

• les modèles biologiques.

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L’évaluation des impacts environnementaux

REPRÉSENTATION SPATIALE ET CARTOGRAPHIQUE

Comme son titre l’indique, cet axe d’étude vise avant tout les aspects spatiaux del’examen. L’approche spatiale et cartographique peut servir autant à la présentationqu’à l’analyse des résultats. Cet axe d’étude regroupe différentes approches de repré-sentation visuelle des multiples paramètres à prendre en compte dans l’ÉIE. Jusqu’àtout récemment, toutefois, il impliquait la représentation quasi exclusive des élémentsdu milieu. Par ailleurs, il est évident que dans toute étude, des aspects cartographiqueset visuels sont présents, ne serait-ce que pour la localisation générale du site ou dutracé des infrastructures, par exemple.

Les diverses méthodes et outils regroupés sous l’axe de la représentation spatialeet cartographique sont :

• la superposition cartographique;

• l’emploi de photos, de vidéos et d’illustrations ;

• les systèmes d’information géographique (SIG).

Ces approches sont avant tout orientées vers l’aspect spatial de l’examen et consé-quemment l’objectif ultime est de fournir la meilleure représentation visuelle pos-sible. La démarche d’analyse vise à fournir une localisation claire et précise des para-mètres d’étude. Par contre, la démarche ne comprend généralement qu’une évaluationrudimentaire ou fort simplifiée des impacts eux-mêmes. Ces méthodes peuvent servirà des fins générales d’examen du projet, mais comme dans le cas particulier de la pho-tographie, par exemple, il s’agit souvent de fins spécifiques ou complémentaires à l’em-ploi d’autres méthodes d’ÉIE.

Ces méthodes sont employées depuis longtemps et elles sont grandement utili-sées dans les projets montrant une dimension spatiale importante, notamment lesprojets de type linéaire, comme les autoroutes et les réseaux d’énergie. La prise encompte des aspects temporels n’est pas explicitement incluse, mais elle peut être réa-lisable assez simplement par des représentations successives de l’état de la situation.Les aspects cumulatifs font difficilement partie de la logique et du raisonnement dela démarche d’étude, sauf en ce qui concerne la superposition cartographique.

Les moyens mis en œuvre sont relativement simples et faciles d’accès lorsqu’ils’agit de méthodes manuelles, mais ils peuvent devenir parfois très complexes et oné-reux dans le cas des méthodes informatisées, quoique ces dernières tendent à devenirplus abordables à tous les points de vue grâce à une plus grande utilisation.Conséquemment, la rapidité d’exécution, la facilité ou la lourdeur de la démarcheainsi que les coûts et les dépenses sont très variables, selon la méthode choisie.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

La présentation et la manipulation ultérieure des résultats ne sont pas très com-plexes et ces derniers sont reproductibles assez facilement, compte tenu des paramètresen cause. L’aide à la prise de décision n’est pas nécessairement plus facile ni mieuxréussie qu’avec les méthodes précédentes, mais la démarche permet une illustrationfamilière et indispensable de plusieurs des paramètres importants de l’ÉIE.

En parallèle aux études cartographiques, de nouvelles approches visuelles issuesdes domaines de l’aménagement prennent de plus en plus de place dans la présen-tation de certains impacts à forte connotation spatiale et visuelle. Les aspects esthé-tiques et structuraux des paysages, ainsi que certains éléments visuels de l’environ-nement, attirent l’attention. C’est ainsi qu’apparaissent des guides méthodologiquesd’analyse du paysage (Pelletier, 1981) et des ouvrages de conceptualisation et de repré-sentation des paysages et des espaces (De Girardin, 1979). Au Québec, une partie desrecherches faites en ce sens l’ont été pour l’entreprise Hydro-Québec, ainsi que pourle ministère des Transports, deux organisations aux nombreux projets linéaires. Leministère des Transports a mis en place une méthode d’analyse visuelle pour l’inté-gration des infrastructures de transport dès le milieu des années 1980 (Ministère desTransports, 1986). De son côté, Hydro-Québec élaborait une méthodologie complèted’analyse du paysage et des aspects visuels de l’ÉIE au début de la décennie suivante(Hydro-Québec, 1989 et 1993b). L’architecture de paysage participe aussi à l’élabo-ration des études visuelles, notamment du point de vue de la conceptualisation et del’évaluation des expériences en ce domaine (Poullaouec-Gonidec et coll., 1991).

Superposition cartographique

La méthode de la «superposition cartographique», nommée parfois «superpositiongéographique» et overlays en anglais, vise une représentation synthèse de l’impact envi-ronnemental d’activités à forte connotation spatiale. La base de cette méthode est lareprésentation cartographique des paramètres impliqués dans l’ÉIE. Les paramètresd’étude (composantes du projet, éléments de l’environnement et impacts environne-mentaux) sont transposés sur un support cartographique selon leur référence spatiale.Conséquemment, les paramètres sans référence spatiale précise ne peuvent que trèsdifficilement être indiqués et traités à l’aide de cette seule méthode. L’approche de lasuperposition cartographique est issue de techniques et de manipulations utilisées depuislongtemps en aménagement et en planification du territoire. La méthode fut intro-duite en évaluation environnementale par McHarg dès la fin des années 1960.L’approche de la superposition cartographique constitue la base de plusieurs démarchesméthodologiques employées en évaluation des impacts environnementaux.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La superposition cartographique se veut avant tout une méthode d’identifica-tion. L’évaluation des impacts est toutefois possible, mais souvent de façon sommaire.La mesure de l’impact est rarement employée par cette méthode; d’ailleurs la déter-mination des paramètres concerne rarement l’impact lui-même. Généralement, laméthode vise plutôt le relevé d’une composante du projet, d’un élément environne-mental, d’une contrainte à éviter ou au contraire d’une potentialité à prendre en comptedans l’élaboration du projet. Le principe de la superposition repose sur le regroupementpar thèmes des paramètres. Chacune des thématiques est illustrée sur un transparent,puis successivement superposée sur les autres.

La représentation simplifiée à la figure 5.13 montre la manière dont les diversesinformations thématiques peuvent être incorporées, c’est-à-dire superposées sur unemême trame spatiale. La présentation de l’information peut aussi s’effectuer à partirde la simple superposition des informations thématiques sur une trame de référence.Différents thèmes (géologie, végétation, démographie ou agriculture) peuvent suc-cessivement être superposés sur une même trame de référence afin d’obtenir un résultatcumulatif. Dans le cas présent il s’agit d’une «carte des potentialités» (possibilitésoffertes). Le résultat final classique de la superposition cartographique à l’aide de sup-ports transparents représente une carte composite comprenant les différentes cartesthématiques.

Récemment, la modéli-sation sur ordinateur apermis le transfert de cetteméthode manuelle vers letraitement informatique. Lessystèmes d’information géo-graphique (SIG) devenaientalors un outil important pourl’évaluation des impacts envi-ronnementaux. Commenous le verrons dans la suitede cette section, les SIG repré-sentent en fait une évolution

de la superposition cartographique traditionnelle par l’automatisation et l’amélio-ration des performances de traitement et d’analyse des données de base.

Le principal avantage de la superposition cartographique est la vision globale qu’ellepropose, notamment pour la comparaison de corridors ou de tracés. L’approche car-tographique offre aussi une représentation simple et facilement accessible des résultats

Figure 5.13

Démarche type de la méthode de la superposition cartographique

Carte composite

Cours d’eau

Relief

Urbanisation

Cultures

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

de l’étude. En outre, elle peut aussi permettre la visualisation de plusieurs paramètresobscurs difficilement observables par d’autres méthodes, comme l’incompatibilité d’oc-cupation du territoire entre des composantes du projet et des éléments de l’environne-ment. Ces simples raisons militent fortement en faveur de sa très large utilisationdepuis plus de 25 ans en ÉIE.

Par contre, cette méthode est limitée par les possibilités de pouvoir représenterconvenablement les nombreux éléments, impacts et contraintes environnementales(éléments faisant obstacle) impliqués dans les projets complexes. De plus, certainsde ces paramètres ne sont pas spatialement représentables (cartographiables). En effet,les activités du projet et les éléments de l’environnement, ainsi que les impacts envi-ronnementaux, doivent pouvoir être plus ou moins délimités sur un espace déter-miné. Les études réalisées à partir de cette unique méthode de superposition carto-graphique ne peuvent généralement être qu’incomplètes. L’examen complet nedevrait donc s’effectuer qu’avec l’appui complémentaire d’une ou de plusieurs autresméthodes d’étude.

Superposition de McHarg

Le professeur McHarg, de l’Université de Pennsylvanie, présenta dès 1968 la méthodede la superposition cartographique afin d’évaluer les impacts environnementaux deprojets routiers (McHarg, 1968 et 1969). Ces projets impliquaient une répartition spa-tiale importante des composantes et des activités nécessaires à leur réalisation.Provenant de l’architecture du paysage et de la planification urbaine, ces techniquessimples devinrent rapidement un outil important de «planification écologique» etelles influencèrent profondément la méthodologie de l’ÉIE.

L’approche développée par McHarg dans l’ouvrage Design with Nature (McHarg,1969 et 1992) est l’une des plus employées pour la planification environnementaleet elle est très souvent utilisée en évaluation des impacts environnementaux. Ses prin-cipaux avantages sont sa simplicité ainsi que les possibilités d’économie de temps etde moyens. De plus, elle convient bien aux nombreux projets d’aménagement de typelinéaire, une catégorie importante de projets assujettis à l’ÉIE.

La méthode consiste à indiquer sur divers supports transparents (acétates) les infor-mations relatives à certaines contraintes (de sources naturelles ou anthropiques) etles composantes environnementales pour un espace donné (une entité géogra-phique). La superposition de plusieurs transparents, chacun composé d’une théma-tique précise (social, tourisme, milieu naturel, etc.), permet d’envisager la variété deséléments qu’il est possible de prendre en compte. Conséquemment, l’intégration ou,

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L’évaluation des impacts environnementaux

au contraire, l’inadéquation des composantes du projet dans le milieu permet d’ap-préhender d’emblée l’impact global sur l’environnement. Les incompatibilités d’uti-lisation du territoire ressortent ainsi plus nettement. La superposition cartographiquefavorise donc l’analyse et la comparaison de solutions de rechange et de variantes d’amé-nagement.

Les six schémas de la figure 5.14 montrent différentes cartes thématiques, pourl’étude d’un projet d’aménagement d’une ligne de transport d’électricité, employées

comme le faisait McHarg.Les cinq premières cartes thé-matiques sont superposéessur une dernière carte syn-thèse (d’autres pourraientaussi s’y ajouter) afin d’ob-tenir une carte compositereflétant le recoupement desparamètres pris en comptedans l’étude. Les zones lesplus favorables pour l’im-plantation des composantesdu projet (infrastructuresprojetées) sont celles encore«disponibles» ou faiblementoccupées par des élémentsdu milieu. Certains para-mètres se recoupent (sesuperposent) sur une mêmeportion de territoire, d’autrespas.

Dans le cas d’entité géo-graphique importante, lazone est subdivisée en unitésplus commodes à traiter.Chaque carte thématiqueréunit les renseignements surun ou plusieurs paramètresenvironnementaux similaires.McHarg faisait figurer de

Figure 5.14

Exemple de superposition cartographique à la McHarg

a) Carte de base à trame spatiale b) Régions montagneuses

c) Zones récréatives d) Zones d’agriculture intensive

e) Infrastructures projetées f) Carte synthèse du tracé

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

onze à seize caractéristiques de l’environnement et d’utilisation du sol sur différentescartes thématiques. Le nombre de cartes n’est limité que par la lisibilité de l’ensemblelors de la superposition finale. L’utilisation ultérieure de l’ordinateur permit une plusgrande souplesse et un plus grand nombre de superpositions possibles. La lisibilitéet la clarté de la représentation finale demeurent toutefois l’ultime limite.

Pour les impacts à simple référence spatiale, la surface de zones fortement acci-dentées, par exemple, l’importance de l’impact est relativement facile à estimer. Toutefois,pour les autres impacts l’estimation devra reposer sur des critères subjectifs ou approxi-matifs ainsi que, bien entendu, sur l’utilisation des résultats d’autres méthodes, notam-ment en ce qui concerne les impacts indirects et secondaires ainsi que ceux sans réfé-rence spatiale.

L’agrégation des impacts se réalise par simple superposition des cartes. La pon-dération (les niveaux de compatibilité) d’une telle méthode repose sur l’utilisationde cotes de pondération de l’importance relative ou sur l’emploi de seuils. Ces seuilspeuvent s’établir par rapport à une situation d’impact minimal ou en comparaisonà un impact jugé inacceptable. Il s’agit d’une pondération interne à chaque paramètre(3 niveaux) mais nullement entre les différents paramètres.

La superposition de McHarg, en déterminant clairement les critères d’aptituded’une entité géographique, représente surtout un outil d’aménagement. En ce sens,la superposition cartographique permet la mise en évidence de la compatibilité desdiverses options avec le milieu d’insertion. La méthode de la superposition carto-graphique permet une présentation claire de résultats détaillés aussi bien que la syn-thèse de ceux-ci. Cependant, la méthode de McHarg ne permet pas de relever ni sur-tout d’évaluer clairement tous les types d’impacts. Elle ne permet pas non plus dedéterminer les interactions existantes ; l’analyse thématique n’offre pas une telle inté-gration. De plus, la pondération n’est pas vraiment explicite ; en fait il n’y a aucunepondération entre les différents paramètres, tous étant considérés comme égaux, cequi représente en fait la plus élémentaire des pondérations. La participation du publicn’est pas toujours aisée, surtout si les techniques employées sont peu ou pas claire-ment expliquées. En fait, cette méthode est avant tout une méthode d’identificationd’un certain nombre d’impacts, uniquement ceux cartographiables, et, dans une plusfaible mesure, d’évaluation des contraintes, des potentialités et des sensibilités de l’en-vironnement. Sans méthode complémentaire, elle ne saurait être elle non plus uneméthode complète d’évaluation de l’importance des impacts environnementaux.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La superposition cartographique depuis McHarg

La méthode de superposition cartographique développée par Krauskopf et Bunde (1972)utilisait la méthode de McHarg mais à l’aide d’ordinateurs. Les éléments cartographiquessont représentés sur des grilles de référence (cellule de 1 km2), puis ils sont superposés;il s’agit d’une technique similaire à celle généralement employée avec les SIG. La méthodeest surtout adaptée au projet d’aménagement routier. L’évaluation des impacts uti-lise une pondération qui facilite le choix entre les divers tracés possibles.

Les travaux de McHarg furent popularisés et poursuivis par plusieurs, notam-ment en France par Falque (1972). Ce dernier a affiné l’analyse, notamment la méthoded’agrégation (regroupement) des critères dits d’«aptitudes du milieu», afin d’en dresserdes cartes thématiques. L’auteur utilise aussi une matrice technique des facteurs éco-logiques qui ne sont pas de nature spatiale afin de pouvoir ensuite les traduire de manièrecartographique (Falque, 1972 et Falque et coll., 1973). L’objectif poursuivi vise à dis-socier et à mettre en valeur les aptitudes du milieu, mais aussi les considérations éco-nomiques essentielles à la prise de décision.

Une approche apparentée à la superposition cartographique et très similaire àla méthode de Falque est celle dite des «cartes de contraintes/potentialités». Les tra-vaux de Tricart (1973) et de Tricart et Killian (1979) sur l’écogéographie proposaientl’emploi de telles cartes de contraintes. Pour eux, il s’agit de cartographier scrupu-leusement les éléments naturels pouvant limiter certains usages. La superposition descinq cartes de la figure précédente en une carte synthèse représente une telle cartedes «contraintes ou des potentialités». Cette technique de cartes de contraintes/poten-tialités préfigure directement les techniques de maillage (trame de référence)employées actuellement pour l’utilisation d’un SIG.

Cette approche de cartes de contraintes/potentialités fut aussi développée en Francesous l’appellation de «planification écologique» par Tarlet (1977 et 1985) et adaptéedepuis par plusieurs dans divers pays. La planification ou «cartographie écolo-gique » est une approche ayant grandement inspiré les méthodes de planification éco-logique employées dernièrement pour certains systèmes d’information géogra-phique. Cette méthode fut largement utilisée au Canada pour la réalisation d’inventairedurant les années 1970-1980 et notamment par l’écologiste québécois Michel Jurdantsous l’appellation d’«inventaire du capital-nature» (Jurdant et coll., 1972 et Jurdant,1977).

Récemment, une approche inspirée de la planification écologique vient d’êtrepromue comme outil principal de prise de décision en aménagement du territoire

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

au Québec. Il s’agit du «cadre écologique de référence». En plus d’une cartographiecomplète de l’organisation du territoire, grâce à plusieurs niveaux de perception (dif-férentes échelles du global au local et regroupement des informations), une typologiedes principaux facteurs écologiques complète les interprétations de la capacité de sup-port, les potentiels de production et les risques de dégradation du milieu (MEF etMAM, 1997).

Au Québec, l’entreprise Hydro-Québec (1990 et 1994) utilise abondamment l’ap-proche de la superposition cartographique pour ses études sur les lignes de transportd’électricité. Le résultat d’une telle démarche est la production de «cartes de sensi-bilité» des milieux concernés. L’approche analytique des nombreux projets de l’en-treprise est supportée en grande partie par la superposition cartographique selonl’examen successif des corridors et des tracés. La démarche méthodologique et laméthode cartographique employées par Hydro-Québec sont souvent reprises par denombreuses firmes de consultation en ÉIE. Plusieurs de ces démarches se dirigentvers une automatisation des opérations manuelles de cartographie grâce à l’utilisa-tion de plus en plus fréquente des systèmes d’information géographique, de l’ima-gerie par satellite et de la cartographie numérique.

L’emploi de photos, de vidéos et d’illustrations

Pour répondre à des besoins spécifiques en ÉIE, certains outils et techniques ordi-nairement utilisés dans d’autres domaines sont fréquemment employés en complé-ment aux méthodes habituelles d’examen. Ainsi, la photographie est utilisée commesimple complément dans la plupart des études. Son usage pourrait cependant êtrerehaussé au titre de quasi-méthode dans certains cas bien précis. Nous avons récem-ment montré que l’emploi de la photographie pour des expéditions de terrain de courtedurée peut suppléer aux limites habituelles des méthodes de caractérisation dumilieu en plus de servir à la présentation des résultats (Leduc, 1997). À cause des res-trictions de temps, de financement et d’information concernant certains milieux, l’em-ploi de la photographie dans de telles circonstances prend une dimension beaucoupplus substantielle que celle d’un élémentaire outil de présentation de certains élémentsdu projet, comme c’est habituellement le cas.

Bien entendu, l’emploi de photographies, d’images vidéo ou de tout autre sup-port visuel, le dessin, par exemple, permet une représentation claire et précise de lacaractérisation du milieu; ils sont largement employés en ce sens, d’ailleurs. De plus,de simples opérations sur ces différents supports visuels peuvent améliorer la pré-sentation des impacts ou des composantes du projet. C’est le cas de la superposition

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L’évaluation des impacts environnementaux

photographique, ou plus justement de la manipulation photographique, une tech-nique un peu hybride entre la modélisation classique et la superposition cartogra-phique. Les retouches effectuées sur une photographie représentent souvent l’ajoutd’une ou de plusieurs des composantes du projet futur sur la représentation du siteactuel.

Les deux photographies présentées à la figure 5.15 donnent un aperçu des résul-tats d’une superposition photographique élémentaire. Ainsi, les composantes du pontprojeté sont reportées sur la photographie initiale du site, soit tel qu’il est avant lamise en place du projet. Cette simple manipulation permet de pouvoir mieuxestimer l’impact visuel d’une telle composante dans son milieu d’insertion. Une sériede photos similaires pourrait aisément fournir une appréciation complète de l’im-pact visuel du projet sous tous ses angles. Plusieurs photographies prises de différentspoints de vue peuvent ainsi être utilisées afin de représenter les composantes du projetsous plusieurs angles d’observation. De plus, une telle opération permet de mieuxfaire connaître les composantes d’un projet et conséquemment d’en appréhender lesconséquences.

La figure 5.16, pour sa part, montre un exemple simple de superposition dansle cas du tracé probable de l’emprise d’une conduite souterraine d’eau potable. Lemême principe pourrait être employé avec une série de photographies représentantl’ensemble du milieu traversé par les infrastructures prévues. Les divers éléments del’environnement qui seront éventuellement touchés par la mise en place du projetpeuvent ainsi être clairement déterminés. L’emploi de telles photographies représenteun excellent outil de présentation de plusieurs éléments de l’ÉIE pour le public et pourles décideurs.

Il est également possible de faire un montage panoramique en juxtaposant plu-sieurs photographies les unes à côté des autres. L’ensemble des installations ou destracés peut alors être reporté sur ces photographies afin qu’on obtienne une visionglobale du projet et des éléments de l’environnement qui seront touchés.

La superposition photographique peut également être effectuée sur un supportvidéo. De la même façon que pour les photographies, les composantes du projet sontajoutées sur le film vidéo. Le dessin peut aussi servir à la représentation du site actuelainsi que des installations prévues dans le projet. Il s’agit alors de dessiner les com-posantes du projet prévu sur une illustration préalable du site actuel.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.15

Superposition photographique

L’emploi de la superposition photographique pour la présentation publique de l’étude est fortementrecommandé, comme sur cette illustration de superposition d’un pont (Rivière des Prairies à Montréal).Source : Montage photo de Interzone photographie.

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L’évaluation des impacts environnementaux

L’aide indispensable de l’objectif

En 1995, à Cuenca en Équateur, lors d’un projet pilote d’examen préliminaire à la construc-tion d’une route dans les Andes, nous avons employé abondamment la photographieafin de caractériser le milieu et d’examiner les avantages et les contraintes de diversesvariantes au tracé routier.

L’emploi de l’objectif photographique a ainsi permis une meilleure appréciation du projet,compte tenu du temps et des ressources très limités, mais aussi de l’accès difficile de plu-sieurs parties importantes du territoire de la zone d’étude. L’observation ultérieure desphotographies a permis de compléter la collecte des données et la connaissance du milieu.

Cet outil particulier et fort utile de l’ÉIE, que nous avions employé auparavant dansdes circonstances similaires (Leduc et Raymond, 1996; Leduc, 1997), peut servir autantà la présentation des résultats qu’à l’analyse des éléments du milieu et des diverses variantesproposées.

Figure 5.16

Superposition du tracé probable de l’emprise d’une conduite souterraine d’eau potable

Juxtaposition du tracé d’une conduite souterraine d’adduction d’eau potable sur support photographique(Meknès au Maroc).

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Dans un contexte d’étude limité en moyens et en ressources ainsi que par les infor-mations disponibles, l’emploi d’outils tels que la photographie est grandement profitableà l’équipe d’évaluation. Ainsi, l’emploi de la photographie permet de bonifier l’étudeen cours sans pour autant représenter une lourde charge de travail ni des efforts dis-pendieux. Les résultats d’une telle opération peuvent servir non seulement commeoutil essentiel de présentation de l’examen mais aussi en tant qu’instruments d’ana-lyse et de collecte d’informations. De plus, ces outils simples facilitent grandementl’information et la participation de la population au processus d’examen d’un projet.

Afin de compléter ensuite les informations souvent sommaires recueillies sur le ter-rain, une simple prise de multiples photos, avec annotations sur une carte thématique,pourrait enrichir grandement la collecte de données. L’interprétation ultérieure de cesphotos apporte plus de précisions et d’informations que ne le permettent bien souventde courtes expéditions sur le terrain.En plus, l’exhibition ultérieure de ces photos constitueune manière commode de présenter une grande partie des résultats de l’étude. L’emploide la photographie sur l’ensemble d’un tracé,par exemple,permet de réaliser une séquencepresque complète du territoire couvert par les composantes d’un projet. Plusieurs sériesde photos panoramiques juxtaposées les unes aux autres permettraient d’enrichir de nou-veau l’information recueillie, particulièrement pour les portions de territoire faiblementconnues au préalable ou trop rapidement parcourues au cours de la visite de terrain, voireinaccessibles autrement, comme sur la représentation de la planche couleurs 1.

L’étude visuelle du paysage

L’étude visuelle du paysage est l’une des approches de l’axe de représentation spatialeet cartographique parmi les plus globales. Cette méthode particulière de représentationutilise en fait l’ensemble des autres techniques et outils de l’axe visuel (la photographieet la cartographie, mais aussi de plus en plus les outils de modélisation informatique,comme le font les systèmes d’information géographique). Les derniers développementsdes moyens employés en ce sens, notamment dans les disciplines reliées à l’aménage-ment du territoire et à l’urbanisme, semblent d’ailleurs s’effectuer en ce sens (Poullaouec-Gonidec, 1999).

Pour des projets s’étalant sur de grandes portions de territoire, les infrastructures de réseaude transport, par exemple, l’évaluation des impacts esthétiques des composantes du projetpeut tout particulièrement être effectuée grâce à cette méthode d’étude du paysage (Hydro-Québec, 1993b).

La conceptualisation et l’utilisation des études visuelles employées en évaluation envi-ronnementale jusqu’ici ne présentent pas toujours toute la rigueur et les résultatsattendus d’une telle approche, mais le potentiel d’évaluation d’un tel outil en ÉIE resteencore à exploiter (Poullaouec-Gonidec et coll., 1991).

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L’évaluation des impacts environnementaux

Depuis peu, cette approche est souvent incluse dans la modélisation assistée parordinateur ; la reproduction (modèle) du site sert de fond visuel sur lequel onviendra ajouter les éléments composant le projet futur. Grâce aux ordinateurs, les pos-sibilités de modification des composantes et la variation de point de vue (point d’ob-servation) deviennent désormais relativement simples et rapides. Plusieurs des plusrécents systèmes d’information géographique permettent cette utilisation très poly-valente concernant les aspects visuels de l’évaluation d’un projet (Nutter et coll., 1996).

Systèmes d’information géographique (SIG)

La présentation des systèmes d’information géographique (SIG) devrait faire l’objetd’un chapitre complet afin qu’on en comprenne un tant soit peu le fonctionnement.Tel n’étant pas notre but ici, nous n’esquisserons donc qu’un court préambule à cetteméthode complexe. Pour nos besoins, il s’agit simplement de situer les SIG par rap-port aux autres méthodes d’ÉIE et tout particulièrement en comparaison avec la super-position cartographique que nous avons examinée plus en détail auparavant.

Comme pour les méthodes de superposition cartographique, dont elle n’est encoresouvent qu’un prolongement automatisé, l’approche des SIG est surtout employéeafin d’identifier les éléments de l’environnement et les contraintes environnemen-tales à contourner. Conséquemment, elles n’offrent encore qu’une mince percée versl’évaluation véritable des impacts environnementaux. Toutefois, parmi les modèlesen voie de développement en évaluation environnementale, les systèmes d’informa-tion géographique sont sans doute aujourd’hui parmi les plus prometteurs et beau-coup d’efforts sont déployés en ce sens.

Les SIG sont souvent employés en évaluation d’impacts afin de délimiter lescontraintes ou, à l’inverse, les potentialités ainsi que les sensibilités du milieu et lesimpacts potentiels sur l’environnement. Les avantages incontestables des SIG sont bienentendu la capacité de stockage de données, le traitement flexible de celles-ci (c’est-à-dire possibilité de cumuler et de pondérer des indices variés) ainsi que la rapiditéd’exécution des multiples manipulations possibles. Les informations à références spa-tiales peuvent ainsi être emmagasinées dans d’importantes banques de données quiseront ensuite traitées, un peu comme l’étaient celles de la superposition cartogra-phique. Les données employées proviennent aussi bien de cartes, de photographiesaériennes et d’images satellites que des sources traditionnelles d’information.

Une donnée ou information géographique possède généralement deux caracté-ristiques principales : la nature du phénomène (c’est-à-dire la variable, sa valeur, sonnom) et la position (dans l’espace géographique). À l’intérieur d’un SIG, il est

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

également possible d’intégrer une troisième caractéristique importante trop souventescamotée par les autres approches, à savoir le temps. Il est possible de faire défilerdans le temps les modifications spatiales discontinues d’un phénomène ou d’un para-mètre quelconque. La composante temporelle devient particulièrement intéressantedans les cas de développement urbain versus les utilisations traditionnelles du sol, parexemple. La comparaison entre deux temps peut servir à dégager certaines tendancesou à prévoir les probables développements futurs.

Les quatre schémas représentés à la figure 5.17 montrent clairement l’évolutionintervenue au cours du siècle dans le cas de Conakry (Guinée), une ville africaine commebien d’autres en pleine expansion. La dernière carte, celle de la situation de 2020, pré-sente la disposition du développement anticipé à partir des tendances du passé illus-trées sur les trois premières cartes et des potentiels de développement sur le terrain(contraintes physiques).

Toutefois, les SIG pré-sentent également certainsinconvénients, notammenten ce qui concerne l’inter-prétation des résultats. Lanature même du supportpeut facilement entraîner desbiais difficilement décelablespar rapport à l’emploi de lacartographie traditionnelle,par exemple. Ainsi, il est sou-vent difficile, voire impos-sible, de connaître exacte-ment la qualité et la précisiondes données utilisées. Parmiles multiples facteurs quiinterviennent quant à la fia-bilité des résultats, on re-trouve les multiples sourcesde la documentation utilisée,les différentes échelles de tra-vail, les transformations signi-ficatives qui ont dû être ap-portées à certaines données,

Figure 5.17

Évolution temporelle par superposition cartographique. Développement urbain

de Conakry (Guinée): 1900-2020

1900

1980

1940

2020

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L’évaluation des impacts environnementaux

les prétraitements et les autres manipulations de l’information. Il faut donc garderen tête que l’erreur est toujours présente et tenter de mieux la cerner en se procu-rant, si possible, de l’information sur les caractéristiques intrinsèques d’élaborationet de fabrication du SIG utilisé (Baudoin et Inkel, 1994).

De plus, les systèmes actuels sont avant tout des outils de gestion de l’environ-nement bien plus que de véritables instruments d’analyse (Aspinall, 1994). Le déve-loppement d’interface entre les différentes bases de données et le perfectionnementdes outils d’interrogation, ainsi que la multiplication des liens avec les modèles desimulation, devraient permettre éventuellement aux SIG de jouer un rôle de premierplan en ÉIE. L’importance des changements temporels des écosystèmes et les mul-tiples possibilités d’affectation du territoire peuvent cependant être déjà bien repré-sentées grâce aux systèmes actuellement en usage, notamment en écologie (Johnston,1998). L’emploi des modèles se multiplie et s’ajuste de plus en plus aux caractéristiquesdes différents projets et non plus seulement aux divers milieux, comme le montrentles récentes applications dans le domaine industriel (Douglas, 1995).

La complexité même de l’outil ainsi que la relative «distanciation» entre lui etl’utilisateur ne doivent surtout pas être négligées. Malgré l’apparente simplicité desSIG, leur construction et leur utilisation sont assez complexes. Il est nécessaire de bienconnaître le fonctionnement et les emplois possibles d’un SIG pour une utilisationadéquate, ce qui demande dans bien des cas une longue période d’apprentissage. Deplus, l’emploi d’un SIG pour l’examen d’un projet suppose des moyens importants enmatériel, en données, en temps, en argent et en personnel. Toutes ces raisons limitentencore souvent l’emploi des SIG en ÉIE, malgré le potentiel de cet outil (Baudoin,1995; Nutter et coll., 1996).

Mentionnons en terminant que l’utilisation de SIG en ÉIE est surtout avantageusedans le cas de projets de grande ampleur ou de projets répétitifs (redondants pour unemême firme), étant donné les moyens importants (temps, argent et personnel) qui doi-vent être mis en œuvre pour l’élaboration d’un projet à l’aide d’un tel outil. Sans laprésence d’un spécialiste de la manipulation des SIG dans l’équipe d’évaluateurs, il n’estpas aussi facile d’utiliser un SIG que ce l’est avec les supports cartographiques tradi-tionnels. Toutefois, l’intégration des multiples dimensions et paramètres de l’ÉIE, envoie de réalisation pour les systèmes les mieux adaptés à l’ÉIE, constitue un avantageprécieux pour cette approche dans les examens de futurs projets.

Grâce à l’emploi d’outils d’analyse plus conséquents avec les besoins de l’ÉIE ainsiqu’à l’élaboration de modèles et de méthodes d’optimisation des données plus facilesà traiter et à interpréter, notamment pour l’examen comparatif de multiples tracés

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

d’infrastructures (Comtois, 1999), il devient de plus en plus opportun d’utiliser desSIG en ÉIE. Cela est d’autant plus avantageux lorsqu’il s’agit de projets répétitifs, soitpar une même entreprise ou par une firme d’évaluation. Par cette intégration récente,les SIG deviennent enfin des approches plus globales, plus complètes et plus utiles d’éva-luation des projets de toutes sortes. La reproduction de la planche couleurs 6 montreles résultats des modifications du tracé d’une route selon la pondération variable appli-quée à la valeur des éléments environnementaux grâce à une méthode d’optimisationsupportée par un système d’information géographique (idem).

MÉTHODES COMPARATIVES UNICRITÈRES

Sous l’expression «méthodes comparatives unicritères», nous regroupons diversesméthodes ayant en commun la détermination d’un critère unique de comparaison.Ces méthodes sont avant tout orientées vers la transformation des diverses valeursdes paramètres d’étude en une seule et unique valeur. L’approche vise à surmonterles difficultés rencontrées lors de la comparaison d’options à partir de plusieurs para-mètres différents et à l’aide d’unités de mesure diverses. Ces diverses unités demesure doivent être normalisées sous un seul critère comparatif.

L’objectif ultime de ces méthodes comparatives consiste donc à faire reposer lejugement final sur un seul critère de comparaison, d’où l’expression «unicritère». Ellesservent avant tout des objectifs bien précis : la comparaison de solutions de rechange,d’options, de variantes ou de projets divers. Dans ce contexte particulier, elles ne consti-tuent habituellement que des approches partielles d’examen, car elles sont confinéesaux seuls aspects comparatifs de l’étude en cours. Toutefois, elles aspirent parfois àreprésenter une méthode globale d’examen du projet. C’est le cas notamment de plu-sieurs études employant la méthode de Batelle. C’est aussi le cas des méthodes éco-nomiques lorsqu’elles sont employées, ce qui n’est pas souvent le cas pour l’évalua-tion globale d’un seul projet, comme dans l’analyse coûts-avantages, par exemple.

Les deux ensembles de méthodes regroupées sous cet axe de méthodes compa-ratives unicritères sont :

• les méthodes numériques ;

• les méthodes économiques.

Les méthodes comparatives unicritères sont souvent utilisées à des fins d’examenspécifique ou complémentaire à l’emploi d’autres méthodes d’ÉIE. Par elles-mêmes,elles ne peuvent prétendre à l’étude globale du projet, même lorsqu’il s’agit de l’ap-proche développée par l’Institut Batelle, que nous examinerons en détail plus loin.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Elles servent donc généralement à hiérarchiser ou à pondérer (valeur relative des élé-ments) différents paramètres dans le cadre d’un examen comparatif. Il s’agit doncd’une recherche de l’optimum entre plusieurs choix possibles (solutions de rechangeet variantes), d’où l’importance de la pondération pour cette approche. Par l’agré-gation et la pondération complète des valeurs attribuables aux différents impacts, parexemple, l’option optimale devrait ressortir en première position. Les méthodes com-paratives unicritères représentent un examen synthèse d’évaluation. Elles sontemployées elles aussi depuis longtemps dans presque tous les cas de comparaison d’op-tions ou de variantes de projet, mais aussi, ce qui est cependant moins recomman-dable pour l’évaluation globale d’un projet.

Les moyens à mettre en œuvre semblent relativement simples et rigoureux, auxpremiers abords. Cependant, en pratique, il s’avère très complexe, voire souvent impos-sible, d’attribuer une valeur de référence unique à plusieurs des paramètres impli-qués par l’examen; ne pensons qu’à la détermination de la valeur monétaire de la viehumaine, par exemple. Par ailleurs, l’apparente complexité et la précision mathématiquede certaines opérations ne sont nullement le gage d’une rigueur scientifique à touteépreuve. Néanmoins, la démarche unicritère s’avère une tentative d’élimination desincertitudes et des impondérables, notamment par la réduction de la subjectivité inhé-rente à beaucoup d’étapes de l’évaluation. Toutefois, il y a là une sous-estimation dela globalité des enjeux en cause, notamment de la «valeur» des éléments de l’envi-ronnement difficilement quantifiables.

La lourdeur dans l’obtention de certains résultats (évaluation de certains para-mètres) peut entraîner des dépenses de temps et d’argent considérables, particuliè-rement lorsqu’il s’agit d’enjeux ou de projets contestés. Le recours à l’expertised’études antérieures non contestées pourrait par contre rendre l’exercice d’une rela-tive simplicité, et ce, avec assez de rapidité et peu de moyens. La prise en compte desaspects temporel, spatial et cumulatif ne fait pas nécessairement partie de la démarched’étude. Par sa nature spécifique à la comparaison, elle représente cependant un com-plément d’examen utile à d’autres méthodes d’ÉIE.

La présentation du résultat final est simple et facilement compréhensible.Toutefois, le processus d’étude ayant mené à l’atteinte des résultats n’est pas toujoursd’une clarté et d’une simplicité facilement accessible à tous. De plus, la reproducti-bilité des résultats s’avère difficile, car certains des résultats sont fréquemment le fruitde jugements de valeur implicites ou fortement biaisés. Il n’est pas si simple d’éliminertoute subjectivité en ce domaine. En fait, l’approche comparative unicritère s’avèresouvent un examen trop linéaire et superficiel des questions en jeu en ÉIE.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Ces méthodes sont généralement perçues comme une aide efficace et précieuseà la prise de décision, particulièrement par les décideurs, en raison du choix uniqueultime, apparemment clair et net pour eux, notamment lorsque celui-ci s’exprimeen termes financiers. Pour le public, par contre, il est parfois difficile de comprendrela démarche employée et la validité des résultats est souvent remise en question.

Méthodes numériques

L’objectif des méthodes dites «numériques» est d’obtenir une plus grande objecti-vité dans l’évaluation globale d’un projet ou d’options. Il s’agit d’une tentative de nor-malisation par l’agrégation des impacts afin d’obtenir la mesure de l’impact global.Les techniques numériques servent donc à affiner l’évaluation des impacts, notam-ment afin de normaliser sur une base comparable les différents impacts. L’objectifprincipal est de pouvoir pondérer chacun des paramètres (éléments, effets et impacts)les uns par rapport aux autres à l’aide d’un critère unique normalisé. L’obtention d’unevaleur «objective» de pondération permet notamment une meilleure comparaisondes différentes options d’un projet.

Le critère unique servant de base comparative à tous les critères distinctsemployés dans l’étude peut prendre plusieurs formes. Sans réussir toujours à justi-fier hors de tout doute la validité d’un unique critère de comparaison, les différentestechniques numériques y aspirent. Il s’agit d’une approche souvent contestée en ÉIE,car plusieurs pensent qu’il serait souhaitable de se tourner plutôt vers la recherchede méthodes multicritères applicables à l’évaluation des impacts environnementaux.

Par ailleurs, les techniques numériques requièrent beaucoup de temps et de res-sources étant donné les attentes, la complexité et la lourdeur de la démarche.Conséquemment, elles sont rarement employées intégralement. Toutefois, leurs sys-tèmes de pondération sont occasionnellement employés afin d’évaluer plus justementles impacts identifiés à l’aide de matrices ou d’autres méthodes d’évaluation. En outre,elles ont grandement inspiré les méthodes de traitement de l’information des SIG.

Globalement, les techniques numériques présentent certaines contraintes etlimites importantes dont nous ne mentionnerons que les principales. Il y a d’abordl’éventualité de divergence et de polarisation des points de vue dans l’attribution desvaleurs pour certains éléments. Ces valeurs ne se construisent, la plupart du temps,sur aucun fondement réel ou incontestable; en fait, elles sont empreintes de jugementsde valeur et d’incertitudes. Dans ce cas, ces méthodes ne sont pas vraiment d’une aidebien précieuse pour la prise de décision. L’emploi de «spécialistes» pour l’attribu-tion des valeurs, au détriment de l’opinion générale, peut entraîner une évaluation

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L’évaluation des impacts environnementaux

fort différente pour l’évaluation de plusieurs impacts déterminants dans l’apprécia-tion globale du projet. De plus, la complexité des méthodes et conséquemment leslimitations afférentes aux ressources en temps et en argent peuvent s’avérer un han-dicap sérieux pour leur emploi dans la plupart des projets. Finalement, les informa-tions ne sont pas nécessairement toujours disponibles à tous ; elles ne sont bien sou-vent accessibles qu’aux seuls spécialistes. Toutes ces limites peuvent forcément biaiserles résultats obtenus à partir de telles démarches ou à tout le moins réduire sensiblementla validité du travail d’évaluation.

Méthode de Batelle

La méthode de l’Institut Batelle fut présentée par Dee et ses collaborateurs au débutdes années 1970 (Dee et coll., 1972 et 1973). Il s’agit essentiellement d’une méthodede normalisation et de rationalisation conçue par les laboratoires Batelle de Columbusaux États-Unis, et ce, pour le compte du Département américain de l’intérieur.Initialement, il s’agissait d’évaluer les impacts de projets hydriques.

Le développement de la «méthode de Batelle» représente l’un des plus grandsefforts jusqu’à ce jour de sophistication et de formalisation des méthodes d’évalua-tion. Cet effort est particulièrement manifeste dans les domaines de l’agrégation etde la pondération d’impacts. Cette vaste tentative de réduire le plus possible les aspectssubjectifs en ÉIE, par l’élaboration d’une série d’outils rationnels d’évaluation,permet aujourd’hui de mieux saisir l’étendue des limites de nos connaissances et l’am-pleur de l’appréciation subjective en ÉIE. Également, comme pour la méthode deLéopold, la compréhension de l’approche numérique de l’Institut Batelle représenteun excellent apprentissage à la méthodologie de l’ÉIE.

La méthode de Batelle comporte deux grandes opérations. Il faut d’abord déter-miner l’importance des impacts et, ensuite, distribuer convenablement la valeur rela-tive des divers éléments affectés par ces impacts. La première opération s’effectue grâceà l’élaboration de diverses « fonctions de valeur environnementale» de la qualité del’environnement. La seconde est réalisée à l’aide d’une liste de pondération des élé-ments de l’environnement. L’évaluation globale est alors possible, puisqu’il s’agit decombiner ces deux opérations afin de déterminer la valeur finale de l’impact du projetou des options à l’étude.

Pour l’élaboration des diverses opérations nécessaires à la démarche complète,l’Institut Batelle utilisa les techniques de l’enquête Delphi. L’enquête permit d’obtenirles fonctions de valeur environnementale ainsi que la pondération entre les différentséléments de l’environnement. La conjugaison de ces deux dernières opérations

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

permit de déterminer un indice agrégé de comparaison. L’indice ainsi obtenu, uneunité de mesure standardisée se nomme l’« unité d’impact environnemental »(Environmental Impact Unit (EIU)).

La valeur de l’impact ou «fonction de valeur environnementale» de la qualitéde l’environnement est déterminée grâce à la réalisation de courbe singulière de lavaleur environnementale. Les deux schémas de la figure 5.18 montrent des exemplesde courbes de fonctions de la valeur environnementale pour deux éléments. La qua-lité de l’environnement est évaluée sur une échelle de 0 (médiocre) à 1 (très bonne),cette échelle est graduée en sous-unités. Il s’agit d’exemples de courbes relativementsimples de valeurs environnementales telles que spécifiées par la méthode de Batelle.

Figure 5.18

Deux exemples de courbes de «fonctions de valeur» dans la méthode de Batelle

1

0,8

0,6

0,4

0,2

02 4 6

MG/L

Oxygène dissous

Qua

lité

de l’

envi

ronn

emen

t

8 10

1

0,8

0,6

0,4

0,2

020 40 60

Rapport herbivores/ruminants

Herbivores/ruminants

Qua

lité

de l’

envi

ronn

emen

t

80 100

La méthode vise à déterminer de manière précise la valeur des modifications résul-tant de la qualité de l’environnement. Elle permet donc de mesurer de manière quan-titative, pour chacun des paramètres possédant une courbe de valeur environnementale,la différence entre l’état initial de l’environnement et l’état subséquent, c’est-à-direà la suite de l’intervention projetée. La façon détaillée de mesurer cette différence estexpliquée dans la légende de la figure 5.19. La valeur obtenue pour chacun des indi-cateurs d’impact, exprimée en fractions de l’échelle de qualité de l’environnement(0 à 1), représente alors l’indice de modification, soit l’« indice de la qualité de l’en-vironnement» (Environmental Quality Index (EQI)). Ainsi, chacun des impacts ou

Source : Adapté de Munn, 1977.

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L’évaluation des impacts environnementaux

des éléments de l’environnement peut donc être évalué avec précision selon la for-mule suivante :

EQI = EQ avec projet – EQ sans projet

Afin de pouvoir déterminer la courbede la fonction de valeur de chacun desparamètres à examiner (indicateurs d’im-pacts) Dee et coll. (1972) recomman-daient de suivre une approche en septétapes, grandement inspirée de l’enquêteDelphi. Munn (1977) présentait ainsi lesdiverses étapes de la démarche préconisée:

• recherche de l’information sur lesrelations du paramètre avec l’envi-ronnement ;

• graduer l’échelle en abscisses, de façonà ce que la valeur minimale soit zéro;

• diviser l’échelle des ordonnées enintervalles égaux de 0 à 1 et déterminerla valeur du paramètre pour chacundes intervalles afin d’obtenir unecourbe;

• ces trois premières étapes doivent êtreeffectuées indépendamment par dif-férents spécialistes et faire la moyennedes courbes ainsi obtenues ;

• présenter aux évaluateurs (Delphi) les courbes obtenues et réclamer unerévision si des écarts sont significatifs et modifier la nouvelle courbe moyenne;

• reprendre les 5 premières étapes avec un autre groupe de spécialistes afin devérifier la reproductibilité de la courbe moyenne finale ;

• reprendre les différentes étapes pour chacun des paramètres retenus.

Bien entendu, la validité des courbes ainsi formées est directement tributaire denos connaissances de l’ensemble des éléments en cause. Il est sûr que pour certainséléments de l’environnement les connaissances actuelles sont nettement insuffisantesà la réalisation de telles courbes.

Figure 5.19

Évaluation de l’importance de l’impact selon Batelle

Mode d’emploiSi la valeur de l’oxygène dissous (axe des x) varie dupoint A (7 mg/l) au point B (4,5 mg/l) à la suite d’uneactivité quelconque, la valeur de la qualité de l’en-vironnement (axe des y) variera conséquemment dela valeur 0,9 à 0,27. Dans ce cas, la valeur de l’im-pact est égale à – 0,63.

1,0

0,8

0,6

0,4

0,2

02 4 6

Oxygène dissous (MG/L)

A

B

Qua

lité

de l’

envi

ronn

emen

t

8 10

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Dans un autre ordre d’idées, afin qu’on puisse réaliser une comparaison entredifférentes options, cette première opération de délimitation de la fonction de valeurne suffit pas. En effet, il faut aussi déterminer une pondération entre les différentséléments de l’environnement. L’approche développée par les laboratoires Batelle pro-pose donc une méthode de pondération qui se veut rigoureuse, objective et complète.Les éléments de l’environnement sont divisés en quatre catégories principales, elles-mêmes subdivisées en composantes (20 au total), qui à leur tour se répartissent en78 indicateurs d’impacts. Le groupe de l’Institut Batelle propose donc une série de78 courbes de «fonctions de valeur».

Une démarche similaire à celle ayant mené à la réalisation des courbes de fonc-tions de valeurs est employée pour la pondération entre les différents indicateurs etgroupes d’indicateurs. Munn (1977) décrivait ainsi les différentes étapes de sélectiondes cotes de pondération auprès des experts consultés de nouveau dans une expé-rience de Delphi :

• expliquer le principe et l’utilité de la pondération à un groupe d’évaluateurs ;

• dresser la liste des catégories, des composants et des indicateurs d’impacts etdemander aux évaluateurs de les classer en ordre décroissant d’importance;

• chacun attribue la valeur 1 à la première catégorie et positionne les autres surune échelle décimale de 0 à 1 ;

• comparer ainsi toutes les catégories d’impacts ;

• reprendre les étapes 3 et 4 pour les composantes et les indicateurs ;

• établir les différentes moyennes des valeurs obtenues ;

• communiquer aux participants les résultats collectifs ;

• reprendre l’expérience avec le même groupe de participants ;

• reprendre l’expérience avec un autre groupe.

La pondération ainsi obtenue est supposée refléter l’importance relative dechacun des indicateurs d’impacts. Dans la méthode, cette importance relative des para-mètres constitue le «paramètre de pondération unitaire» (Parameter Importance Unit(PIU)). Il est alors possible de déterminer l’importance relative (PIU) de chacun desparamètres, du plus important à celui qui l’est moins. L’Institut Batelle proposait ainsiune pondération complète pour soixante-dix-huit (78) paramètres ou indicateurs usuelsd’évaluation. Ces paramètres présentent une plus ou moins grande agrégation; cer-tains sont très précis – l’oxygène dissous, par exemple. D’autres, par contre, sont assezgénéraux; c’est le cas notamment de l’utilisation du territoire.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Afin de faciliter les opérations, la somme totale des divers indicateurs (78) est fixéecomme étant égale à 1000 unités d’impact environnemental (EIU). La répartition dela somme des unités (EIU) est subjective et relative aux valeurs accordées par les expertslors de l’évaluation par l’enquête Delphi. La répartition des unités s’effectue selonl’examen successif, par consensus des experts, à partir des niveaux les plus générauxvers les plus spécifiques. Les résultats obtenus sont pour les quatre grandes catégo-ries de critères: écologie (240), pollution environnementale (physique/chimie) (402),esthétique (153) et intérêts humains (205). La catégorie «pollution environnemen-tale» obtient la plus grande part des 1000 unités d’impact possibles. Parmi cette caté-gorie privilégiée, la pollution aquatique domine largement avec 318 unités, soit pra-tiquement le tiers des unités, et l’indicateur «oxygène dissous» en représente 31. Cerésultat est bien entendu largement attribuable à la nature hydrique initiale ayant pré-valu au développement de la méthode de Batelle. Pour chacun des indicateurs par-ticuliers, la valeur peut varier de 2 à 31 EIU.

L’«unité d’impact environnemental» (EIU), la valeur globale de chacun des impacts,est alors obtenue en multipliant le premier indice, l’« indice de la qualité environne-mentale» (EQI), par le second, le «paramètre de pondération unitaire» (PIU). La for-mule complète de caractérisation de l’«unité d’impact environnemental» (EIU) estdonc:

EIU = EQI • PIU

ou EQI = EQI avec projet – EQI sans projet

L’impact global du projet, quant à lui, est obtenu en effectuant la sommation desdiverses unités d’impact environnemental (EIU) de chacun des éléments de l’envi-ronnement (indicateurs) impliqués par le projet, soit :

Impact global = ∑ EIU

De plus, la méthode prévoit l’emploi d’un indicateur d’alerte, servant à soulignerune contrainte majeure inadmissible, communément appelé «drapeaux rouges» (redflag). Cet indicateur particulier est employé lorsque la valeur d’un indicateur ne peutêtre déterminée, lorsqu’une étude ultérieure à son sujet s’avère nécessaire ou lorsquel’impact est jugé inacceptable. En pratique, toutefois, l’indicateur d’alerte n’est habi-tuellement utilisé que dans le dernier cas.

La méthode de Batelle présente fort bien les inconvénients que nous présentionspour l’ensemble des techniques numériques, à savoir le recours aux spécialistes et lacomplexité de l’approche. De plus, elle requiert des ressources, du temps et des moyens

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

financiers souvent considérables afin de pouvoir adapter les courbes de valeurs et lapondération au contexte particulier du projet à l’étude; à moins bien sûr de reprendreaveuglément les résultats proposés par l’Institut Batelle ou ceux d’un autre projet. Enraison de toutes ces difficultés, la méthode de Batelle dans sa version intégrale fut peuemployée et elle ne l’est plus vraiment aujourd’hui, sauf dans de rares cas.

Par ailleurs, des objections survinrent dès le départ quant à l’agrégation inévi-table pour la réalisation de la pondération. Ainsi, Sorensen et Moss (1973) s’oppo-saient à l’agrégation des valeurs environnementales, sauf pour des catégories com-munes et comparables. Selon eux, l’évaluation finale devrait permettre de juger lesimpacts de manière individuelle, la prise de décision acquérant ainsi plus de souplessepar les possibilités de modification et de mesures d’atténuation. De plus, l’agrégationrisque trop souvent de dissimuler la présence d’un impact majeur. En outre, la méthodede Batelle n’est pas très explicite en ce qui a trait à la nature des impacts et les impactsindirects ne sont pas considérés (Simos, 1990). Enfin, elle semble plutôt difficile à expli-quer au grand public et cette imperfection pourrait représenter un obstacle majeurà son application (Munn, 1977).

Par contre, la méthode présente peu d’ambiguïtés, l’ensemble de la démarche métho-dologique est bien expliqué; par conséquent, elle peut être facilement reproductible.Le processus d’étude est systématique et complet en ce qui a trait aux aspects cru-ciaux de l’ÉIE. Malgré les écarts possibles de la pondération des paramètres, laméthode permet une comparaison rigoureuse de diverses solutions de rechange ouvariantes à un même projet. Toutefois, les paramètres utilisés concernent plus spé-cifiquement des projets hydriques et ils devraient être sérieusement remaniés afin deconvenir à d’autres types de projet.

La méthode de Batelle est un exemple éloquent de tentative de dépassement descontraintes concernant l’évaluation précise des impacts. Les efforts en vue de déli-miter l’ampleur des impacts, notamment la détermination précise des écarts entreles deux états de référence de l’environnement (avec et sans le projet), ont permis unegrande amélioration des estimations. Cet exercice méthodologique, en apparence rigou-reux, repose toutefois sur un effort irréaliste de quête de rationalité. Il est surtout mani-feste en ce qui concerne la pondération des différents indicateurs de l’environnementafin d’aboutir à un unique critère de comparaison. Ainsi, malgré son emballage derigueur scientifique (emploi abondant des mathématiques), cette pondération, le cœurde la méthode, ne repose en fait que sur l’opinion des «experts consultés» et non surune série de mesures expérimentales fiables. Les risques d’incertitudes et de mauvaisesinterprétations, sans pour autant être très visibles aux yeux des utilisateurs et des obser-vateurs d’une telle méthode, n’en sont pas moins réels et sans doute fort nombreux.

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L’évaluation des impacts environnementaux

L’apparente rationalité de l’approche de Batelle, en dissimulant notamment la sub-jectivité sous-jacente à une grande partie de l’évaluation, est un biais méthodologiquetrès important, d’autant plus qu’il est caché à la plupart des utilisateurs et des inter-venants.

Méthode d’Odum

De manière similaire à la méthode de Batelle, la méthode d’Odum ou «méthode del’Université de Georgie» (Odum, 1971) vise à favoriser une estimation globale de l’im-pact à partir d’un critère unique d’évaluation. Antérieure à la précédente méthode,elle comporte néanmoins deux innovations importantes. L’auteur introduit l’emploid’une double pondération, «actuelle» et «future», cette dernière étant jugée bien entenduplus importante. Il propose ensuite l’introduction d’un facteur d’erreur (écart-type), compte tenu de l’imprécision de la prévision en écologie. L’auteur admet quela valeur des paramètres peut varier au hasard d’environ 50%.

Ces légères modifications apportées par Odum aux approches numériques amé-liorent les résultats, mais elles compliquent de nouveau l’obtention de résultats pro-bants. La principale amélioration est sans doute l’utilisation d’une pondérationtemporelle différenciée et plus élevée pour les conséquences à long terme. Ce pro-grès permet d’accorder une importance dix fois plus grande aux impacts à long terme,une proposition peu souvent reprise par la suite par les autres méthodes. Dans l’en-semble, par contre, les mêmes insuffisances que celles qui sont relevées pour la méthodede Batelle se retrouvent ici. En ce qui concerne la prise en compte du facteur d’er-reur, ces modifications améliorent sans aucun doute la validité des résultats, mais aug-mentent aussi la manipulation des données et conséquemment la lourdeur et la com-plexité de l’exercice.

Méthodes économiques

Les méthodes dites économiques visent elles aussi à obtenir une certaine pondéra-tion pour les multiples impacts afin de pouvoir comparer diverses options ou le bien-fondé d’un projet. Ces méthodes ambitionnent de traduire par un seul indice l’im-portance des divers impacts environnementaux, en l’occurrence par le critèremonétaire. Elles servent ainsi à comparer divers projets, diverses variantes ou solu-tions de rechange, sans autre lien de comparaison que leur valeur monétaire. Dansle cas de l’analyse coûts-avantages, le but de l’approche consiste à comparer les avan-tages (bénéfices) par rapport aux désavantages (coûts) du seul et même projet. Parl’ambition de convertir tous les paramètres en fonction du seul critère monétaire, ils’agit donc bien de l’archétype des méthodes d’évaluation unicritères.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Toutes ces méthodes posent le délicat problème de l’évaluation monétaire de valeursnon marchandes, à savoir la fixation d’une valeur économique pour chacun des élé-ments environnementaux. Règle générale, la plupart des éléments environnementauxne possèdent évidemment pas de valeur marchande ou monétaire. Conséquemment,les méthodes économiques ont pour objectif paradoxal de mettre un prix sur ce quipour ainsi dire n’en a pas. Dans un tel contexte, l’intervention des sciences écono-miques à l’évaluation des impacts environnementaux posera de grands problèmesdont plusieurs sans doute insolubles, notamment la fixation d’une valeur monétaireprécise aux divers éléments, effets et impacts environnementaux.

Globalement, l’emploi de méthodes économiques est idéalement avantageux, carcomme l’affirme Dron (1995): «la traduction des biens et dommages environnementauxdans le langage monétaire a en théorie l’avantage d’exprimer ceux-ci dans le langagecommun aujourd’hui dominant, celui de l’économie». En ce qui concerne plus spé-cifiquement l’ÉIE, toutefois, leur utilisation pose de sérieux problèmes de pertinence,car comme le déclarait le même auteur : « le langage économique, pour simple qu’ilsoit, intégrateur et universel qu’il paraisse, est un support trop pauvre pour pouvoirtranscrire dans ces codes ces savoirs biologiques, écologiques ou socioculturels» (ibid.).Néanmoins, aussi pernicieux que peuvent l’être parfois les résultats des méthodes éco-nomiques, ils permettent tout de même d’apporter un éclairage complémentaire àcelui des autres méthodes d’évaluation.

Il existe en sciences économiques plusieurs méthodes originales de fixation dela valeur environnementale. Le schéma de la figure 5.20 montre une série de ces méthodesde fixation de la valeur environnementale des dommages. On retrouve des méthodesdites «directes» de fixation de la valeur – c’est le cas, par exemple, de l’évaluation ducoût des «dommages aux milieux productifs». Il existe par contre des méthodes «indi-rectes» ou «contingentes», telles que la «fonction de prix hédonique» et le «consen-tement à payer». Enfin, il existe des méthodes particulières d’évaluation pour des élé-ments précis; c’est notamment le cas pour la «valeur de la vie». Bien entendu, les valeursobtenues à partir de différentes méthodes peuvent différer beaucoup pour un mêmeélément, comme elles varient selon les contextes socioculturels et à travers le temps.

Toutes ces techniques de fixation de la valeur environnementale sont largementutilisées en ÉIE afin de mesurer la valeur relative des divers éléments et impacts envi-ronnementaux. D’une part, elles sont utiles pour délimiter un ordre de grandeur (moné-taire) à plusieurs des éléments et impacts environnementaux. En ce sens, les modèleséconomiques jouent le même rôle que les outils similaires des autres disciplines impli-quées dans l’examen d’un projet en ce qui concerne leurs champs respectifs de recherche.D’autre part, cependant, elles imposent une appréciation de l’environnement presque

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L’évaluation des impacts environnementaux

exclusivement en regard de sa transposition en termes monétaires, dans la mesureou elles débordent les limites de ses interventions possibles, ce qui est trop souventle cas. Toutefois, comme le déclarait Dron, en 1995, «tant que l’économie restera l’uniqueréférence des décideurs, il est vital pour l’environnement que le plus possible de sesexigences puissent être ainsi traduites».

Figure 5.20

Méthodes économiques de fixation de la valeur

Méthodes de fixation de la valeur

Directes

Dommages aux milieuxproductifs

Coûts de déplacement

Fonction de prix hédonique

Coût d’opportunité

Consentement à payer

Consentement à recevoir

Approche du capitalhumain

Dépenses médicales

Valeur de la vie

Coûts d’entretien

Coûts de remplacement

Indirectes

Contingentes

Cas particulier:santé et vie

humaine

Source : Adapté de Revéret et coll., 1990.

Analyse coûts-avantages

Parmi les méthodes des sciences économiques, la mieux connue en évaluation des impactsenvironnementaux est sans aucun doute la classique «analyse coûts-avantages»,nommée trop souvent «analyse coûts-bénéfices» (OCDE, 1992 et 1994c). Cetteméthode, sans doute la plus discutée en ÉIE, ramène toute l’analyse au seul critère

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

monétaire des éléments en cause. L’analyse s’effectue sur la base des fameuses « loisdu marché», telles que définies par la théorie économique classique. C’est ainsi quel’évaluation des impacts environnementaux d’un projet peut être totalement trans-férée sous le regard de l’indice unique de sa valeur monétaire.

L’analyse coûts-avantages repose sur la «fonction du bien-être social» (Social WelfareFunction), une fonction déterminée par la quantité et la qualité de biens consomméspar chaque individu de la société pour une période donnée et à partir de l’impor-tance relative de cette utilité. L’approche coûts-avantages présume que toutes les chosespossèdent une valeur monétaire. Elle soutient aussi qu’on peut estimer convenable-ment ces diverses valeurs même si cela n’est pas toujours facile. Conséquemment, l’éva-luation consiste à estimer le changement de bien-être que chaque impact environ-nemental apporte, soit positivement, soit négativement, le résultat se traduisant sousla forme d’une valeur monétaire commune.

Plusieurs rejettent les méthodes coûts-avantages comme outil principal d’éva-luation environnementale (Revéret, 1984). McAllister (1980) signalait qu’il fallait faireappel à une série de techniques complexes afin de «monétariser» les différentsimpacts et que ces techniques n’étaient pas vraiment transparentes et hors de toutecritique. De plus, certains impacts ou éléments de l’environnement, virtuellement impos-sibles à traduire sous forme d’une valeur monétaire, sont néanmoins estimés. Ces der-nières valeurs sous-estiment habituellement la «valeur réelle» qui pourrait leur êtreapposée et conséquemment biaisent les résultats globaux. Finalement, les aspects delong terme, notamment les «valeurs» des générations futures, ne sont pas pris en compteou si peu, les considérations temporelles n’étant habituellement que de court termeen sciences économiques. Ainsi, la prise en compte par l’analyse coûts-avantages reflètegénéralement la seule «valeur attribuable» actuellement, une valeur bien relative, comptetenu des importantes fluctuations du prix des ressources au fil du temps, particuliè-rement en fonction de la plus ou moins grande rareté de l’élément.

Une autre faiblesse de ces méthodes d’analyse coûts-avantages est la sous-estimation, voire l’absence totale d’estimation des coûts évités dans le calcul des avan-tages (bénéfices). Pourtant, les coûts évités de dommages à l’environnement aug-menteraient de manière significative les bénéfices obtenus d’une prise en charge del’élimination ou de l’atténuation des dommages à l’environnement. Ces coûts évitésnon comptabilisés représentent la plupart du temps ce que l’on nomme les «exter-nalités», à savoir les coûts afférents à un projet mais qui ne sont pas compris dans lecoût officiel estimé. Ces externalités, le coût des dommages environnementaux, parexemple, devront cependant être assumées tôt ou tard par l’ensemble de la société.La prise en compte des externalités peut se réaliser par l’internalisation, c’est-à-dire

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L’évaluation des impacts environnementaux

l’incorporation des coûts extérieurs (non comptabilisés) aux coûts globaux. Il s’agitd’une opération difficilement réalisable pour la plupart des éléments et impacts envi-ronnementaux, étant donné l’insurmontable difficulté à les quantifier.

Les nombreux jugements de valeurs sous-jacents à l’évaluation, notamment la trans-formation en valeur monétaire, ne sont pas explicitement exprimés et ne peuvent alorsque difficilement faire l’objet d’une discussion sociale. C’est ainsi que les «argumentsextra-économiques semblent peser d’un tel poids dans le processus de décision enmatière d’évaluation économique prévisionnelle» (Dron, 1995) qu’il devient hasar-deux de réduire l’examen à la seule science économique. De plus, les grandes incer-titudes qui entourent l’estimation monétaire de plusieurs des éléments et impacts envi-ronnementaux représentent une marge d’erreurs, d’incertitudes et de subjectivité quilimitent considérablement de telles évaluations. Ces derniers aspects sont pourtantmasqués par l’apparente rationalité de l’approche.

Matrice d’obtention d’objectifs

La «matrice d’obtention d’objectifs» (Goals-achievement matrix) présentée par Hill(1968) vise à évaluer diverses issues par rapport à la réalisation des objectifs du projet.Il s’agit en fait d’une adaptation, ou plus précisément d’une tentative de dépassement,de l’analyse coûts-avantages aux fins de l’évaluation environnementale. Le critère ultimede comparaison de la démarche est l’atteinte des objectifs initiaux du projet, la valeurunique de référence pouvant ne pas être une valeur monétaire mais tout simplementle degré d’atteinte des objectifs visés.

L’approche de Hill consiste à estimer l’atteinte ou le degré de réalisation des objec-tifs du projet pour chacune des options proposées. Ces objectifs pourraient très bienconcerner des améliorations souhaitables à l’environnement ou tout autre objectifsocial, politique ou économique. L’atteinte des objectifs peut s’exprimer de diversesfaçons. Une hiérarchisation des différents objectifs possibles au projet permet la for-mation de classes d’objectifs.

La cotation des actions, des activités particulières ou des options s’effectue en tenantcompte des coûts et des avantages qui y sont rattachés. Chaque classe d’objectifs peutse voir attribuer une pondération différente. La pondération devrait tenir compte autantque possible des préférences de la population. L’importance relative des préférencesest déterminée par les différents acteurs impliqués dans le processus de décision. Lacotation peut bien entendu s’exprimer en valeur monétaire, mais elle peut aussi tra-duire toute autre valeur quantitative, comme ne faire l’objet que d’une appréciationqualitative.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation globale de chaque option s’obtient par l’agrégation des diverses actionset selon l’indice unique de cotation à l’aide de la pondération accordée à chaque classeou pour chacune des actions. La méthode se présente sous la forme d’une matricedont l’un des axes regroupe les différentes actions du projet et l’autre, les différentsobjectifs.

La méthode de la matrice d’obtention d’objectifs est plus flexible et plus com-mode que l’analyse coûts-avantages, notamment à cause de la possibilité de diversindices de valeur. En outre, cette possibilité de diverses manifestations de la valeurdes éléments présente de manière plus explicite les risques, les incertitudes et les désac-cords possibles. C’est ainsi que les jugements de valeur sous-jacents à l’évaluation,particulièrement ceux de la pondération, peuvent être pris en compte par l’ensembledes intervenants et non plus demeurer dissimulés à leurs yeux. L’approche de la matriced’obtention d’objectifs ouvrait la voie en quelque sorte aux méthodes comparativesmulticritères et particulièrement aux modèles multicritères.

Par ailleurs, la modélisation a aussi fait son apparition dans le domaine des scienceséconomiques. L’emploi de modèles dynamiques est notamment prisé dans l’évalua-tion des considérations économiques au sujet de l’utilisation des ressources et de cer-taines conséquences sur l’environnement (renouvelables et non renouvelables) (Ruthet Hannon, 1997). Ces modèles fournissent avant tout des indications sur l’utilisa-tion optimale des ressources à des fins économiques et des simulations dynamiquesde la plupart des paramètres économiques classiques.

MÉTHODES COMPARATIVES MULTICRITÈRES

Sous l’expression «méthodes comparatives multicritères» sont regroupées diversesméthodes ayant en commun l’utilisation de critères multiples de comparaison. Cesméthodes sont avant tout orientées vers l’évaluation à partir des valeurs possibles dechacun des différents paramètres d’étude. L’objectif ultime consiste à faire reposerle jugement final entre solutions de rechange, variantes ou projets divers, sur les mul-tiples critères significatifs de comparaison.

Les méthodes comparatives multicritères regroupées ici sont :

• les techniques ordinales ;

• les modèles multicritères.

Encore plus que les méthodes unicritères, les méthodes comparatives multicritèresne peuvent en elles-mêmes prétendre à l’étude globale du projet. En effet, elles ne sont

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L’évaluation des impacts environnementaux

utiles qu’à des fins d’examen bien spécifiques, celles de la comparaison d’options.Conséquemment, elles ne peuvent elles aussi qu’être complémentaires à l’emploi d’autresméthodes d’ÉIE. Dans le cadre presque exclusif d’un examen comparatif, elles serventà hiérarchiser ou à pondérer différents paramètres. Il s’agit donc d’une recherche del’optimum entre plusieurs choix possibles. La comparaison minimale se réalise entrele projet et l’option zéro, c’est-à-dire en l’absence du projet.

Les méthodes multicritères se distinguent d’une démarche similaire à celles desméthodes unicritères par la prise en compte des incertitudes et des impondérables,ainsi que par une plus grande polyvalence dans l’évaluation des paramètres d’étude.De plus, avec les méthodes multicritères les valeurs qualitatives incomplètes ouincertaines peuvent influencer aussi bien les résultats que les données quantitativescomplètes et certaines.

Les méthodes comparatives multicritères représentent avant tout un examen syn-thèse comparatif et non une approche globale d’évaluation d’un projet. La prise encompte des aspects temporel, spatial et cumulatif ne fait pas nécessairement partiede la démarche d’étude; habituellement, ces aspects sont totalement ou partiellementoubliés. La nature spécifique de la comparaison d’option devrait être comprisecomme un complément d’examen à d’autres méthodes d’ÉIE.

Les moyens mis en œuvre par l’approche multicritère peuvent être relativementsimples tout en étant rigoureux, ce qui n’est pas nécessairement le cas des versionsde modèles informatisés. Pour les non-initiés, ces derniers s’avèrent très complexesà comprendre, quoique leur utilisation puisse être relativement simplifiée. Ladémarche multicritère représente une tentative de prendre en compte les incertitudeset l’impondérable ainsi que la globalité des paramètres et enjeux en cause, notam-ment la valeur des éléments de l’environnement difficilement quantifiables.

Dans un autre ordre d’idées, l’assouplissement des règles de pondération et dehiérarchisation, notamment dans la version classique de Holmes, entraîne desdépenses de temps et d’argent moindres qu’avec les autres méthodes comparativesunicritères et multicritères. Voilà qui est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agitd’enjeux ou de projets fortement contestés ou se situant dans un contexte financierlimité. Le recours à l’expertise d’études antérieures, bien entendu non contestées, pour-rait rendre l’exercice d’une relative simplicité, et ce, avec une certaine rapidité d’exé-cution.

De plus, la présentation des résultats est simple et facilement compréhensible,même lorsqu’il s’agit de l’emploi de modèles informatiques élaborés. Dans ce

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

dernier cas, toutefois, le processus d’étude ayant mené à l’atteinte des résultats n’estpas toujours d’une clarté et d’une simplicité accessibles à tous. La reproductibilité desrésultats s’avère aussi difficile qu’avec les méthodes unicritères, sans entraîner cepen-dant autant de remises en question, d’autant plus que les ajustements et les modifi-cations possibles sont facilement et rapidement réalisables. De plus, les jugements devaleur implicites ou explicites peuvent s’exprimer clairement et ainsi participer à l’éla-boration du résultat final, ce qui est plutôt rare avec les autres méthodes.

Ces méthodes sont généralement perçues comme une aide assez efficace et pré-cieuse à la prise de décision, particulièrement pour les récents modèles informatisés.Il serait même possible d’envisager que la prise de décision soit elle-même directe-ment issue de la démarche d’examen, notamment à partir de l’emploi des modèlesmulticritères. Toutefois, les méthodes multicritères sont encore peu employées en ÉIE.Dans tous les cas, cependant, l’emploi de telles méthodes se bute à des appréhensions,sans doute fort légitimes, face à l’énigmatique «petite boîte noire» qui déciderait àla place des humains.

Technique ordinale

Les «techniques ordinales» visent à évaluer l’importance respective des multiples élé-ments et impacts environnementaux afin de pouvoir comparer des options sans l’em-ploi de techniques numériques. La base de l’analyse comparative et l’agrégation desparamètres d’étude ne reposent donc pas sur un critère unique de comparaison.

La méthode la plus connue des techniques ordinales est sans doute la «méthoded’ordonnancement de Holmes». Cette technique d’ordonnancement n’est plus beau-coup employée de manière intégrale, mais sa démarche générale inspire encoregrandement plusieurs adaptations contemporaines. L’ordonnancement propre à latechnique ordinale en fait une technique simple d’analyse multicritères. Les contrainteset limites des approches unicritères trouvent ici une tentative de surpassement.

Méthode d’ordonnancement de Holmes

La «méthode ordinale» développée par Holmes (1972), aussi nommée «méthode d’or-donnancement», cherche à simplifier la pondération entre différents impacts ou élé-ments de l’environnement, grâce à l’utilisation d’une hiérarchisation comprenant unnombre réduit de classes d’impacts ou d’éléments. L’objectif visé par cette méthodeest bien sûr de déterminer le choix optimal entre diverses options (solutions de rechangeou variantes) d’un projet, ainsi que de comparer le projet à l’étude avec un autre projetou par rapport à l’état actuel de l’environnement (sans le projet).

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L’évaluation des impacts environnementaux

Contrairement aux méthodes unicritères, l’approche de Holmes utilise tous lescritères possibles de comparaison. Le difficile exercice de transposition de divers fac-teurs de comparaison en une valeur unique est ainsi contourné. La pondération desdifférents paramètres (impacts et éléments environnementaux) est facilitée par la réduc-tion des valeurs de la pondération à trois ou quatre valeurs possibles seulement. Cestrois ou quatre classes d’importance de la pondération regroupent des paramètresconsidérés d’égales valeurs. De plus, comme en ÉIE la sélection peut aussi tenir comptedu choix optimal du point de vue environnemental mais aussi des critères écono-miques, techniques et sociaux, l’approche de Holmes permet aisément d’intégrer cesderniers à l’examen.

De manière simplifiée, la méthode consiste à déterminer une hiérarchisation (ordred’importance) parmi les multiples paramètres ou critères de comparaison possibles.La hiérarchisation conçue par Holmes consiste à regrouper les différents critères decomparaison en un nombre restreint de classes d’importance. Holmes suggérait quatreclasses seulement ou un nombre égal ou inférieur au nombre d’options étudiées. Cettefaçon de procéder facilite considérablement le difficile exercice de hiérarchisation detous les critères de comparaison; il est beaucoup plus facile de regrouper en quelquesclasses d’importance que d’ordonner systématiquement tous les critères les uns parrapport aux autres. Bien entendu, dans chacune des classes d’importance, les critèresde comparaison sont considérés comme possédant une importance égale. La démarchecomplète est donc divisée en trois étapes: hiérarchisation des critères, positionnementdes options et classement global.

La première étape consiste d’abord à choisir les critères de comparaison àemployer. La sélection des critères est simple ; il s’agit de ne retenir que les critèresnon communs ou possédant une valeur (importance) différente selon les diversesoptions. Il faut ensuite déterminer la hiérarchisation des critères, l’étape vraiment fon-damentale de la méthode. Le classement ordinal des différents critères par ordre d’im-portance détermine l’ordonnancement des différents critères sélectionnés de la pre-mière à la quatrième classe, leur pondération, en quelque sorte. Après la hiérarchisationdes multiples critères sélectionnés, il ne reste donc plus que quatre types de critèresen importance, tous étant par ailleurs considérés équivalents à l’intérieur d’une mêmeclasse.

La deuxième étape, le positionnement des options,consiste à déterminer la performanceou la position relative de chacune des solutions proposées, et ce, par rapport à chacundes critères sélectionnés dans les quatre classes d’importance. Afin de faciliter la com-préhension de la hiérarchisation, Holmes propose une matrice spéciale servant de baseau positionnement des options. Cette matrice décale successivement vers la droite (dans

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Classe de critères # Positions correspondantes de l’option

1 2 3 4 5 6 7

I 4 A B C D12 D C B A17 A D C B

II 8 B D C A13 A B D C15 D A B C9 A C D B5 A D C B

III 18 C B D A19 C A B D14 A D B C11 A C D B7 D B C A

IV 1 B D A C2 A B D C6 D A B C8 D B C A

10 C A D B

Gains de position A 2 3 3 2 3 3 1des B 0 2 2 5 6 2 1

options C 0 1 5 4 3 2 3D 1 2 3 7 3 3 0

Source : Traduit et adapté de Holmes, 1971.

259

Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

une autre colonne) la deuxième classe de critères par rapport à la première, et ainside suite pour les classes subséquentes. Un exemple de la matrice employée parHolmes est présenté à la figure 5.21. Par cette disposition particulière, Holmes fondeune correspondance entre une deuxième place pour les critères de première classeet une première place pour les critères de seconde classe, et ainsi de suite. La perfor-mance des options par rapport à la hiérarchisation des critères selon les diverses classesd’importance devient ainsi plus manifeste. Le positionnement consiste à déterminerle rang (la position relative) des diverses options pour tous les critères de comparaison.L’évaluation du positionnement se fait soit à partir de données quantitatives ou qua-litatives plus ou moins complètes, soit à partir d’une évaluation issue d’une méthoded’expertise – l’enquête Delphi, par exemple.

Figure 5.21

Matrice désagrégée de Holmes

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L’évaluation des impacts environnementaux

La troisième étape détermine le classement final ou global des diverses options.Holmes suggère alors de relever pour chacune d’elles la position au classement (rangrespectif) obtenue pour chacune des classes d’importance, indépendamment de laposition respective des critères à l’intérieur d’une même classe. Le classement relatifde chacune des options pour les critères de première importance permet de hiérar-chiser les options. Le choix optimal est alors obtenu si une option se démarque for-tement des autres dès la comparaison des critères de première importance.L’accumulation de bonnes performances pour les classes inférieures de critères necontribue donc pas à améliorer le rendement global d’une option. Dans les cas d’éga-lité entre deux ou plusieurs options, on effectue la même opération pour la deuxièmeclasse d’importance, et ainsi de suite pour la troisième et la quatrième, si nécessaire.Afin d’améliorer la validité des résultats obtenus, Holmes suggère de procéder à quelquesvariations de la hiérarchisation et de la sélection des critères à l’intérieur d’une mêmeévaluation, afin de déterminer plus adéquatement le choix optimal.

La méthode ordinale de Holmes présente de façon simple et explicite les résul-tats pour la comparaison de diverses options d’un projet ainsi que les critères de sélec-tion et d’estimation sous-jacents à la méthode d’évaluation. La démarche et la pré-sentation des résultats se prêtent donc bien à l’information et à l’intervention du public.De plus, elle est utile et facilement accessible aux différents décideurs. Elle s’avère doncfort utile quant au choix à faire entre diverses solutions de rechange ou variantes, etce, pour la plupart sinon la totalité des intervenants impliqués.

Par surcroît, la méthode de Holmes réduit certaines contraintes reliées habi-tuellement à la pondération grâce à une hiérarchisation commode des critères de com-paraison en un nombre restreint de classes d’importance. Il n’est donc plus néces-saire de connaître la place respective de chacun des critères, une opération difficileà réaliser dans la plupart des cas. Cette simplification de la pondération facilite la com-paraison et, de plus, ce sont les critères les plus significatifs qui déterminent le clas-sement respectif des options (solutions de rechange ou variantes).

Toutefois, la prise en compte des écarts possibles entre les différents critères ainsiqu’entre le positionnement respectif des solutions de rechange et variantes est à peuprès absente, ce qui pourrait limiter parfois les résultats. En effet, une option se clas-sant première mais tout juste devant les autres, en ce qui concerne certains critères,et loin derrière du point de vue d’autres critères aussi importants serait tout de mêmeavantagée. L’écart entre les rangs ou les positions des différentes variantes est parfoisaussi important à considérer que la position des unes par rapport aux autres. Cetteopération, qui affine habituellement les résultats d’une analyse multicritère, n’est vrai-ment possible qu’à l’aide des modèles multicritères informatisés.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Comme pour la plupart des autres méthodes d’évaluation, mais tout particuliè-rement pour celles faisant appel à l’opinion d’experts, une forte proportion de l’éva-luation comporte la prise en compte de plusieurs aspects subjectifs. Cependant, larelative transparence de la démarche d’étude permet de connaître assez bien et demanière explicite la part de subjectivité dans l’acquisition des résultats et ainsi de pou-voir en tenir compte, notamment dans la sélection et la hiérarchisation des critères.Enfin, il est relativement simple et rapide de modifier les paramètres (critères, hié-rarchisation et performance relative des options) et en conséquence les résultats; cettealtération pourrait même se réaliser en direct durant une séance de consultation auprèsdes divers acteurs.

Applications contemporaines de techniques ordinales

Plusieurs des projets comprenant des options clairement énoncées emploient unedémarche d’étude d’ordonnancement similaire à celle utilisée jadis par Holmes. Parmiles plus récents exemples d’application, nous n’allons examiner qu’un seul cas, celuide l’organisme fédéral Parcs Canada concernant la décontamination des sédimentsde fond du canal Lachine, projet étudié devant une commission mixte fédérale-provinciale en 1996.

Le projet de décontamination du canal Lachine est un projet fort intéressant enraison de la présence de six options de décontamination et de gestion des sédiments.Toutefois, la solution zéro, c’est-à-dire le maintien du statu quo, n’a pas été retenue.Les six possibilités retenues par le promoteur sont :

• le confinement en milieu terrestre des sédiments du canal ;

• le confinement in situ des sédiments au fond du canal (géomembrane) ;

• l’encapsulation des sédiments à l’intérieur du canal ;

• la solidification/stabilisation ex situ ;

• la solidification/stabilisation in situ ;

• l’extraction physicochimique.

L’approche de Holmes en matrices et tableaux n’a pas été conservée, mais le clas-sement en trois groupes de critères de comparaison, considérés égaux à l’intérieurd’une même classe, est intégralement repris. Les évaluateurs ont déterminé une cota-tion comprenant deux ou trois rangs possibles pour chacun des critères de compa-raison afin d’affiner l’évaluation. Ces rangs sont déterminés à partir d’objectifs de qua-lité. La présentation des résultats est par contre plutôt inusitée, car le rapport d’ÉIEn’offre qu’un simple texte continu. Pourtant, la représentation en tableaux et matrices,

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L’évaluation des impacts environnementaux

comme le proposait Holmes, semble très limpide et pratique, notamment dans le casd’un projet présenté en audience publique, comme c’était effectivement le cas pource projet.

Nous avons récemment employé des matrices et des tableaux de comparaisonde solutions de rechange et de variantes inspirés de l’approche de Holmes. La figure5.22 montre un exemple de matrice détaillée de hiérarchisation utilisée pour la com-paraison de cinq variantes de projet à partir de dix critères de comparaison distri-bués en trois classes d’importance.

Positions respectives des optionsClasseset CRITÈRES 1 2 3 4 5

Critère 1 A C D B E

1e Critère 2 E C B A D

Critère 3 D B A E C

Critère 4 D A C E B

2e Critère 5 A C B D E

Critère 6 A D E C B

Critère 7 C D E A B

3e Critère 8 D B C E A

Critère 9 A D E B C

Critère 10 A E D B C

1 2 3 4 5

Figure 5.22

Matrice détaillée de hiérarchisation (inspirée de Holmes)

De son côté, la figure 5.23 montre un tableau général des résultats du classementfinal des diverses options pour chacune des classes d’importance. Les résultats sontceux de la matrice détaillée précédente.

Les modèles multicritères

Nous n’aborderons pas en détail les modèles multicritères, car l’apprentissage de tellestechniques devrait faire l’objet d’un livre complet. De plus, ce ne sont pas desméthodes spécifiques à l’ÉIE puisqu’il s’agit en fait d’un outil de recherche opérationnelleutilisé dans diverses sphères de la société (Roy et Bouyssou, 1993). Il est toutefois impor-tant de souligner les forces et les faiblesses de cette approche par rapport aux autresméthodes employées en ÉIE.

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Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Les modèles multicritères tel que «Electre» ou «Promethé» impliquent uneapproche visant la prise en compte de tous les éléments possibles d’un problème dansle processus de décision (Maystre et coll., 1994). Ces modèles aspirent à éclairer et àrépondre aux questions dont la formulation peut être plus ou moins confuse, com-plexe ou évolutive. Ils fonctionnent sensiblement de la même manière que les tech-niques ordinales que nous venons de voir, avec en plus pour l’analyse des divers cri-tères, quelques raffinements méthodologiques issus des possibilités offertes parl’informatisation des opérations (Schärlig, 1985).

Dans une analyse multicritère, la démarche s’articule autour de quatre grandesétapes qui sont selon Waaub (1995) :

– la définition de l’ensemble des solutions potentielles (actions ou scénarios) etla désignation de la problématique (choix, tri ou rangement) ;

– l’analyse des conséquences des actions, l’élaboration des critères et l’évalua-tion de chaque action sur les critères (tableau des performances) ;

– la modélisation des préférences globales et des procédures d’agrégation des per-formances (critères à retenir, agrégation des performances des actions sur cescritères, importance relative des critères, etc.) ;

– la synthèse multicritère (analyse des résultats, sensibilité ou robustesse).

Depuis quelques années les modèles multicritères sont de plus en plus employés,tant en enseignement qu’en recherche. Quoique bien considérés par plusieurs, ils sontcependant encore très peu utilisés dans des projets concrets d’ÉIE, comme l’a montréSimos (1990) pour l’un des rares cas bien documentés, celui de l’analyse comparative

Figure 5.23

Tableau du classement final des alternatives (Holmes)

Options/ Première Deuxième Troisièmealternatives importance importance importance

A 143 211 4511

B 432 535 5244

C 225 324 1355

D 351 142 2123

E 514 453 3432

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L’évaluation des impacts environnementaux

des options possibles pour les déchets urbains de Genève en Suisse2. Les modèles mul-ticritères, comme nous le mentionnions récemment à propos des différents outils sophis-tiqués employés en ÉIE (Leduc et Raymond, 1996), sont bien sûr des instruments d’ana-lyse performants et ils pourraient fournir de grands services en ÉIE. Comme pour lesautres méthodes comparatives, ils ne représentent toutefois qu’une démarche partielleet spécifique d’évaluation. Les modèles multicritères ne sont pas adaptés pour l’éva-luation globale d’un projet. Ils permettent de comparer les avantages et les inconvé-nients de diverses options à partir des différents critères de comparaison possibles. Ilsagissent en fait un peu comme l’approche d’ordonnancement de Holmes. Cependant,l’emploi du support informatique implique une grande combinaison et manipulationdes données et en conséquence des résultats. L’organisation et le traitement des don-nées s’effectuent à la collecte, au classement, à l’arrangement et, surtout, lors de l’opé-ration de modélisation.

Par ailleurs, même lorsqu’ils sont compatibles avec l’ampleur des projets àl’étude, ce qui n’est pas toujours le cas, ces outils souffrent de fréquentes déficiencesdes ressources de support (matériel, temps et personnel) à leur bonne utilisation. Deplus, l’insuffisance sinon l’absence de données solides complique et restreint gran-dement les avantages d’une telle approche. Comme c’est le cas également pour toutmodèle, il est habituellement difficile d’appréhender les limites de tels outils sans unecertaine connaissance intrinsèque du sujet. Dès lors, ils exigent un apprentissage longet dispendieux, une laborieuse adaptation aux conditions locales et spécifiques ainsiqu’une dépendance par rapport aux concepteurs ou spécialistes des modèles.

Nous pourrions très bien étendre aux modèles multicritères, et ce, pour l’ensembledes pays à l’heure actuelle, les allégations de l’un de nos collègues qui remettait encause l’emploi des systèmes d’information géographique (SIG) en Afrique, sauf raresexceptions. L’auteur soulignait que les données de base (c’est-à-dire cartographie récente,recensements disponibles), ainsi que l’assistance technique minimale (c’est-à-dire res-sources matérielles et humaines), étaient trop souvent défavorables à un apprentis-sage et à une utilisation efficace de ces modèles comme outil efficace de gestion (Baudoin,1995).

2. Pour en savoir plus sur les modèles multicritères et tout particulièrement sur le traitement des don-nées et la présentation des résultats de tels outils, nous conseillons fortement la lecture du livre del’auteur (Simos, 1990).

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6Chapitre

Collecte de l’information et présentation des résultats

a présentation des résultats de l’évaluation des impacts environnementaux revêt unedimension particulièrement importante en raison de la présence de divers inter-

venants dans le déroulement du processus d’évaluation. En effet, les résultats doiventêtre transmis à plusieurs acteurs distincts les uns des autres: scientifiques et techniciensde diverses disciplines,mais aussi administrateurs et décideurs, ainsi que citoyens et groupesde pression des populations impliquées. Ces différents intervenants se retrouvent unpeu partout, dans l’entreprise même (promoteur et évaluateur d’impact), dans la zoned’implantation du projet, et dans certains cas ils se retrouvent même à l’extérieur dupays. C’est le cas notamment des administrateurs et des analystes des bailleurs de fondsinternationaux. Dès lors, la manière de transmettre les résultats de l’étude doit rendrecompte d’un certain nombre d’aspects, dont la vulgarisation des jargons techniques etscientifiques ainsi que l’illustration des propos et la somme des informations nécessairesà une compréhension suffisante de l’étude1.

L

1. Rappelons que telle que nous l’entendons, l’ÉIE est avant tout un processus d’examen et non passimplement un rapport d’évaluation. De plus, les aspects traités dans ce chapitre peuvent s’adresseraussi bien au rapport final de l’ÉIE, c’est-à-dire à l’étude d’impacts, qu’aux autres rapports possiblesdu processus : rapport de consultation, rapport interne de l’organisme de contrôle, etc., sauf dansles cas où ils n’intéressent qu’un seul de ces rapports.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La gestion de l’environnement est souvent caractérisée par une gestion réactive,les décisions ne visant alors qu’à régler la crise du moment. En ÉIE, par contre, la néces-sité de réagir est secondaire. La réflexion s’étale sur une plus longue durée et l’urgenced’agir ne devrait pas être impérieuse dans un tel processus de planification. Toutefois,l’information ne peut être présentée que dans les meilleures conditions possibles, autre-ment elle ne sera que d’un faible recours pour la prise de décision. Malgré les zonesd’incertitude de la connaissance, l’information fournie doit être intégrée (multidis-ciplinarité) et utilisée de manière appropriée afin de servir utilement dans le processusd’examen.

En pratique, de simples questions comme la langue d’usage, la terminologieemployée ou le degré de vulgarisation du rapport final sont des aspects non négli-geables. Ils sont particulièrement importants lorsqu’il s’agit de projets internationaux,et encore plus dans le cas de populations peu scolarisées, voire analphabètes. En fait,l’ÉIE est aussi bien un outil d’analyse et d’évaluation qu’un outil de communication.

En plus de la présentation finale des résultats sous la forme d’un rapport écritplus ou moins complet, le processus même d’évaluation requiert presque toujoursla transmission orale de l’information. Dans les deux cas, la présentation des résul-tats se doit d’être rigoureuse et complète, sans nécessairement être exhaustive et détailléecomme dans le rapport principal. Certains aspects de l’examen, la méthodologie détailléede collecte des données, par exemple, devraient plutôt faire l’objet de documentsconnexes ou être placés en annexes. Dans le contexte du développement durable, lamission principale de la présentation des résultats est de servir de base à une déci-sion éclairée des interventions projetées, et ce, par et pour le plus grand nombre pos-sible d’intervenants. En ce sens, l’information doit être significative, accessible, com-préhensible et visuellement explicite.

Avant d’aborder la question des résultats, il faut tout d’abord recueillir l’infor-mation existante, quitte à rechercher les données manquantes (nouvelles recherches)par la suite. Dans la mesure où ces données s’avèrent significatives pour l’étude, dansle cas de résultats inédits et essentiels, par exemple, leur pertinence ne se questionnemême pas. Ces recherches originales sont parfois difficiles à effectuer, compte tenudes ressources, des moyens et du temps disponibles. La détermination des enjeux del’étape de «cadrage» (scoping) y trouve l’une de ses raisons d’être. Il serait malvenude recueillir des données qui s’avéreraient superflues ou d’employer des descripteursinappropriés alors que de l’information indispensable n’aurait pu être recueillie fautede temps ou d’argent.

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Collecte de l’information et présentation des résultats

La quête de résultats sigificatifs, vérifiables et suffisants pour un examen com-plet repose aussi sur le choix de descripteurs ou d’indicateurs d’impacts. La pertinencede l’information, l’exactitude des données fournies ainsi que l’intégrité des méthodesemployées et des résultats obtenus engagent la confiance du lecteur envers l’étude etl’équipe d’évaluateurs. Dans le cas contraire, l’ÉIE peut difficilement tenir son rôled’éclairage convenable et approprié à la prise de décision.

COLLECTE DES DONNÉES

Il y a de multiples sources de collecte de l’information: les bilans environnementaux,les rapports sur l’état de l’environnement, les compendiums de statistiques, lesrecueils de données, les analyses coûts-avantages, les audits environnementaux dis-ponibles et les nombreux rapports d’évaluation des impacts environnementaux déjàproduits. En outre, l’expertise même des évaluateurs et les visites sur le terrain ainsique la consultation des spécialistes et des citoyens viennent compléter les donnéesnécessaires à une bonne étude d’impacts. De plus, des recherches originales sur cer-taines questions viennent achever, à l’aide de données inédites, la collecte des don-nées indispensables à l’examen du projet.

Dans un autre ordre d’idées, certaines études errent par excès de «caractérisa-tion du milieu». Elles offrent alors une intéressante vision encyclopédique du milieud’étude, certes favorable à l’avancement des connaissances académiques, mais tropsouvent accessoire et fort peu utile au cheminement de l’examen en cours. Au coursdes années 1980, la caractérisation du milieu avait pris une place disproportionnéepar rapport aux besoins réels de l’ÉIE. À l’époque, mais c’est encore parfois le cas aujour-d’hui, plusieurs rapports d’ÉIE représentaient une masse importante de données àcaractère encyclopédique (inventaires exhaustifs), et conséquemment très souvent rébar-batifs aux citoyens (Lacoste et coll., 1988). La connaissance complète des différentesespèces d’arbres dans la zone d’étude n’est d’aucune utilité pour l’examen d’un projetn’ayant aucune incidence sur la forêt. Au contraire, cette collecte désordonnée des don-nées disperse les efforts de recherche. Il survient alors un risque que des informationsessentielles ne puissent bénéficier des ressources, des moyens et du temps qui leurseraient accordés autrement. Un inventaire «sélectif» du milieu ne devrait s’effectuerqu’à la suite du relevé des interactions entre les activités prévues et les éléments del’environnement. Ainsi, l’examen du projet profite de la concentration des efforts versles aspects significatifs à étudier pour le projet en question.

Par ailleurs, la complexité des problèmes environnementaux nécessite une quan-tité importante d’information, notamment lorsqu’il s’agit d’appréhender la réalité des

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L’évaluation des impacts environnementaux

écosystèmes, et non seulement des fragments portant sur un élément ponctuel et exclusif.Cela suppose sans doute des nouvelles manières de compiler, d’analyser et de pré-senter l’information. Comme la qualité de l’information est souvent le préalable à unedécision judicieuse, l’ÉIE doit renfermer les données indispensables et significativespour le projet à l’étude. Il manque trop souvent d’informations pertinentes etconvaincantes pour la prise de décisions. Ces informations sont parfois non dispo-nibles pour de multiples raisons, mais elles sont aussi quelquefois inexistantes. Dansces cas, assez fréquents en ÉIE, il faut donc agir au mieux des connaissances dispo-nibles. Contrairement à certains rapports sur l’environnement, la rédaction d’un bilanenvironnemental national, par exemple, le manque d’information ne peut êtreinvoqué ici comme facteur de remise de la prise de décision.

Et pourtant, il y avait des experts dans la salle!

Au début des années 1980, au cours de l’examen d’un projet de construction d’un quaidans l’est de Montréal pour le déversement de neige usée dans les eaux de fleuve Saint-Laurent, les experts de l’étude d’impacts furent surpris d’apprendre que la faune ich-tyologique n’était pas celle qu’ils avaient estimée dans l’étude rendue publique. Sur labase d’une évaluation reposant sur le peu d’abondance, la faible diversité et le médiocrepotentiel des espèces de poissons du milieu d’insertion, ces experts estimaient que l’im-pact du déversement de neige serait faible.

Lors des audiences publiques, toutefois, des pêcheurs fréquentant le site depuis longtempsvinrent contredire les estimations présentées dans l’étude d’impacts. Selon eux, les espècesprésentes étaient abondantes, diversifiées et intéressantes pour la pêche sportive (doréjaune, doré noir et esturgeon jaune, par exemple). Les commissaires chargés de l’enquêteaccordèrent plus de crédibilité aux dires des pêcheurs, corroborés d’ailleurs par les res-ponsables de ces questions (ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche), qu’à ceuxdes évaluateurs du projet (BAPE, 1982).

La commission d’enquête chargée d’examiner le projet blâma les supposés experts del’étude d’impacts pour la pauvreté des résultats, les nombreuses omissions et le laxismegénéral de l’examen. En conséquence, elle recommanda de ne pas autoriser le projet enquestion. Certains experts (les pêcheurs), sous-estimés sans doute, n’avaient tout sim-plement pas été consultés lors de l’examen.

Nous affirmions que la gestion de l’environnement est souvent réactive et carac-térisée par l’improvisation. La prise de décision ne vise alors qu’à régler au plus tôtla crise du moment et à apaiser les craintes du public. En ÉIE, par contre, la néces-sité de réagir immédiatement aux pressions des circonstances présentes est beaucoupmoindre. Le processus d’examen permet une quête de l’information et un temps de

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Collecte de l’information et présentation des résultats

réflexion plus long, et offre dans le meilleur des cas le choix entre plusieurs solutionsde rechange. La planification des activités de développement devrait donc retenir que«l’information est le préalable à toute décision» (Croze et Vandeweerd, 1992). Il fauttoutefois que cette information essentielle à la prise de décision puisse être présentée«aux fins du processus décisionnel» (Holtz, 1992). En conséquence, le savoir scien-tifique en soi, aussi limpide et solide qu’il puisse être, n’est pas un gage de réussited’une utilisation judicieuse de l’information dans la décision. Il existe des conditionsplus ou moins propices à son utilisation, comme il existe d’autres savoirs (traditionnel,technique et politique) aussi essentiels.

Il manquera toujours des informations pertinentes pour la prise de décision dansle domaine de l’environnement. Ce que l’ÉIE vise, cependant, c’est d’éviter autant quepossible «que le manque d’information puisse être invoqué comme facteur dans laprise de décision» (Croze et Vandeweerd, 1992). Même si généralement « les déci-deurs ont besoin de critères explicites pour prendre des décisions» (Potvin, 1991),il restera presque toujours une zone d’incertitude dans les décisions prises en éva-luation d’impacts. Comme pour l’information environnementale en général, le fosséà combler entre les besoins d’information des décideurs et ceux satisfaits par l’ÉIEne peuvent être surmontés qu’en optimisant « l’utilisation des données et de l’infor-mation existantes» (Environnement Canada, 1992). Cette mesure nécessite uneintégration et une utilisation appropriées des données disponibles en provenance desdifférentes disciplines impliquées dans l’examen, notamment celles éloignées du lan-gage courant de la plupart des gens.

Les différents acteurs impliqués dans le processus d’examen peuvent fournir unesomme importante d’informations judicieuses. Il faut cependant les consulter afinde pouvoir en bénéficier. Ceux qui détiennent l’information ne sont pas toujours enclinsà la diffuser facilement et, par surcroît, le processus d’examen ne permet pas toujoursde consulter un large public (spécialistes, administrateurs et public). Ces contraintessont parfois de nature politique (insuffisance démocratique, hiérarchie décisionnelleet tradition d’élitisme), mais elles sont aussi le résultat de moyens, de ressources etde temps limités.

En règle générale et afin d’accroître son efficacité, la collecte des données devraitse préoccuper des points suivants :

• un rapport direct entre les données recueillies et les besoins de l’étude;

• la crédibilité des résultats et l’acceptabilité des interprétations ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• la mise en évidence des solutions apportées aux problèmes soulevés, notam-ment aux enjeux;

• des réponses satisfaisantes aux préoccupations publiques ainsi qu’à celles desscientifiques.

Il existe de nombreuses banques de données, de plus en plus disponibles sous formeinformatique (sites Web), dans lesquelles il est possible de puiser lors de l’examen d’unprojet. Bien entendu, l’ampleur des recherches sera proportionnelle aux nécessitésdu sujet d’étude, mais aussi aux ressources et aux moyens mis en œuvre. Parmi lessources de données fréquemment employées au Québec, mais qu’on peut aussi trouverhabituellement un peu partout avec plus ou moins de facilité, notons les sources spé-cifiques suivantes :

• principales statistiques relatives à la population et aux comportements démo-graphiques ;

• principales statistiques relatives à l’évolution des populations et des ménages;

• renseignements sur le cadre biophysique et l’environnement socio-économique:traits du paysage, ressources économiques, services publics, ressources etinfrastructures de transport ainsi que des réserves indiennes et des territoiresnon organisés ;

• recueil d’information sur les municipalités et les régions: données sur la popu-lation et la superficie des municipalités, renseignements sur les organismes supra-municipaux;

• comptes économiques annuels des revenus et des dépenses, et les compilationshistoriques ;

• normes d’inventaire forestier en vigueur; description des différentes étapes,cartographie, photointerprétation, sondage en forêt et compilation de don-nées ;

• renseignements sur la santé, les services sociaux et leurs variations géographiquesmajeures ainsi que les disparités sanitaires et environnementales, les facteursde risque associés à l’eau potable, les statistiques de base et la comparaison his-torique des paramètres du tourisme: envergure, importance, place, caracté-ristiques et situation de l’emploi dans les secteurs touristiques ;

• présentation des régions naturelles: territoires aménagés ou protégés et les diversesactivités possibles. Cartes de l’histoire naturelle et des sentiers de randonnée.

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Collecte de l’information et présentation des résultats

Il existe, de plus, plusieurs autres sources de données plus générales, comme:

• le répertoire des bibliothèques gouvernementales et administratives ainsi quedes ministères: répertoire des ressources documentaires disponibles des diversorganismes et des services offerts par les bibliothèques et les centres de docu-mentation;

• le répertoire des ensembles de données statistiques des organismes gouver-nementaux ou non gouvernementaux;

• la version informatisée des répertoires précédents : recherche multicritèrepar catégorie de sujets et par auteurs ou mots-clés ;

• le répertoire des informations et des services disponibles aux photocartothèques:liste des différents documents, cartes et services disponibles : découpage car-tographique, arpentage, cadastre, géodésie, photographie aérienne, télédétec-tion, cartes thématiques et topographie ;

• le recueil comprenant l’ensemble des lois et des règlements relatifs à l’envi-ronnement: qualité de l’environnement, pesticides, protection des arbres, pro-tection des non-fumeurs, etc. ;

• le recueil des lois et des règlements sur la faune et les parcs : lois et règlementsrelatifs à la faune et les parcs du Québec (conservation et mise en valeur dela faune, les oiseaux migrateurs, les pêcheries, les parcs, terres et forêts) ;

• la Gazette officielle du Québec Partie 2 (Gouvernement du Québec): recueil deslois et règlements sanctionnés avant publication dans le recueil annuel ainsique décrets du gouvernement, décisions du Conseil du Trésor et arrêtésministériels ;

• le bulletin bibliographique mensuel de différents ministères, comme celui duministère de l’Environnement et de la Faune: Environnement et faune: Som-maire de la documentation courante ;

• le recueil des sommaires de revues dans le domaine de l’environnement, lesnouvelles acquisitions des centres de documentation et des bibliothèques ;

• les données statistiques et revues dans ce domaine: recueil de l’évolution desprincipaux indicateurs socio-économiques et environnementaux;

• les articles et reportages des médias de communication, écrits ou électroniques.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Et pourtant, l’expert ne savait pas lire!

Une étude récente (1998) traitant de l’ensemble des pressions humaines sur la forêt gui-néenne ne pouvait atteindre des résultats satisfaisants sans l’apport inestimable des connais-sances des chasseurs locaux. Quoique analphabètes et sans aucune connaissance scien-tifique notable, ces guides de la forêt possèdent des connaissances détaillées et uniquessur les espèces présentes sur le territoire, leur répartition, leur abondance relative et leurmode de vie.

Les ressources et les moyens financiers disponibles pour effectuer la recherche étaient fortmodestes. De plus, il n’existait que très peu d’études antérieures, voire aucune, dans cer-tains cas, à partir desquelles orienter l’examen. Le recours aux chasseurs locaux, véri-tables experts de la faune, permit aux évaluateurs de dresser un portrait assez completde la situation, et même d’estimer des solutions possibles à la dégradation de la fauneet à une part importante des ressources du milieu.

De telles études ne pourraient être menées avec succès, dans la plupart des pays, et àplus forte raison dans les pays en voie de développement, sans l’apport des populationslocales. Celles-ci possèdent en effet une connaissance globale et systémique de leur milieu.La participation de tels acteurs au processus d’examen est d’autant plus essentielle queles activités projetées se concrétiseront chez eux, si ce n’est pour eux.

DESCRIPTEURS D’IMPACTS

Malgré les incertitudes scientifiques et le manque de connaissances de la dynamiquedes systèmes complexes, l’examen d’un projet requiert des outils capables de décelerles interactions, de prévoir les modifications et d’évaluer les impacts. Seuls des des-cripteurs ou des indicateurs pertinents peuvent permettre de mesurer les para-mètres des éléments significatifs pour l’étude du projet. Bien entendu, le niveau d’in-certitude de l’information croît avec la complexité des questions abordées etl’incompréhension des phénomènes en cause.

Il existe une multitude d’indicateurs employés en ÉIE. La plupart d’entre eux sontissus des disciplines impliquées dans l’examen et ne sont pas nécessairement spéci-fiques à la méthodologie de l’ÉIE. La littérature en ÉIE en fait une présentation largeet étendue à l’ensemble des domaines d’étude en évaluation d’impacts. À ce sujet nousrecommandons fortement la lecture des textes de Westman (1985), de Canter (1977;1986 et 1996), de Best et Haeck (1983) et de Spellerberg (1991).

On peut présenter sommairement un descripteur ou un indicateur commeétant un indice représentatif d’un impact ou d’un état de l’environnement résultant

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Collecte de l’information et présentation des résultats

soit d’une activité humaine, soit de l’évolution «naturelle» de l’environnement. Lateneur en SO2 de l’atmosphère urbaine ou celle du mercure dans la chair des pois-sons des lacs du Nord québécois en sont de bons exemples. L’objectif de l’ÉIE est detrouver puis d’utiliser «quelques indicateurs qui pourraient refléter suffisamment leséléments essentiels pour servir à orienter les politiques globales» (Potvin, 1991) oul’évaluation du projet.

En ce qui concerne l’ensemble des indicateurs employés en environnement, etnon pas seulement ceux utilisés en ÉIE, Pearce et Freeman (1992) mentionnaient qu’ilsdevaient s’appuyer sur plusieurs principes de base, dont :

• une compréhension claire de l’objectif du développement durable ;

• une structure analytique basée sur le modèle «pression-état de l’environnement-réaction» développé par l’OCDE;

• l’efficacité de l’information dans le processus de décision;

• la fiabilité de l’information (en tenant compte des limites actuelles) ;

• la mise en évidence des questions d’équité (répartition des gains et des pertesde chacun dans le changement environnemental appréhendé).

La mise en évidence des questions d’équité fait référence au fait que l’impact envi-ronnemental n’est pas subi de la même manière par tous. En effet, «comme c’est lecas de toute politique publique, les politiques environnementales profitent davantageà certains membres de la société qu’à d’autres» (idem). Les différents acteurs impli-qués dans le processus d’ÉIE requièrent une somme d’informations judicieuses ser-vant d’assise à leurs réflexions et à leurs décisions, mais elles doivent être adaptées àleurs connaissances et à leur compréhension des choses. La plupart d’entre eux nepeuvent véritablement apprécier les perturbations dans les écosystèmes, telles qu’ex-primées par les scientifiques, par exemple. Ils doivent cependant recourir à desinformations qui permettent de fonder leurs jugements, et ce, de manière concrèteet utile au processus décisionnel (Leduc et Pradès, 1993). En conséquence, la manièrede dire est aussi capitale que le contenu même du message.

Le modèle de sélection des indicateurs de l’OCDE, de plus en plus accepté, reposesur une analyse en trois temps: «pression-état de l’environnement-réaction» (OCDE,1991a et 1991b):

• «pression», c’est-à-dire détermination du problème environnemental ;

• «état de l’environnement», ce qui comprend en fait deux éléments: l’état pro-prement dit de l’environnement et l’impact socio-économique qui en résulte ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• «réaction», c’est-à-dire déterminer dans quelle mesure la politique environ-nementale mise en place est efficace.

L’environnement est d’une complexité telle qu’une somme considérable d’in-formations est nécessaire afin d’appréhender chacun de ses problèmes. Plusieurs élé-ments de base compliquent sensiblement les questions de l’évaluation de l’environ-nement :

• la prise en compte des dimensions temporelles à court, moyen et long terme;

• les dimensions spatiales, du niveau local aux niveaux régional, continental etmondial ;

• les aspects reliés à la réversibilité ou non des impacts ainsi qu’à leurs aspectscumulatifs.

Les descripteurs d’impacts employés en ÉIE représentent habituellement les outilsde mesure des multiples paramètres environnementaux issus des méthodes spécifiquesà chacune des disciplines impliquées dans l’examen. Ces méthodes, non particulièresà l’ÉIE, regroupent l’ensemble des méthodes standardisées des diverses disciplines scien-tifiques, tant en sciences physiques qu’en sciences humaines. Ce peut être, parexemple, l’évaluation (relevé et quantification) des émissions de CO2 en ce qui concernela qualité de l’air, des paramètres physicochimiques de l’eau (DBO, pH, sels miné-raux et turbidité), ou la mesure des incidences sociales (migration, patrimoine et cou-tumes), psychologiques (qualification des craintes et des odeurs) ou économiques (créa-tion d’emplois, investissements et retombées locales) sur une population ou un sited’accueil.

La figure 6.1 présente une liste d’indicateurs couramment employés. La liste estdressée en fonction de plusieurs éléments et impacts environnementaux potentiels.Pour chacun de ces paramètres, un certain nombre d’indicateurs plus ou moins spé-cifiques est mentionné. La liste présente en outre des paramètres (éléments, impactset indicateurs) tant pour le milieu biophysique que pour le milieu humain.

Les descripteurs d’impacts devraient pouvoir fournir, dans un premier temps,la mesure de l’état actuel des éléments de l’environnement. Ils devraient ensuite per-mettre l’estimation des agressions résultant de la mise en place des diverses activitéset des composantes du projet sur ces éléments du milieu. Un indicateur ne devientun outil efficace que s’il traduit de manière concise, compréhensible et utilisable parle plus grand nombre l’information pertinente à l’examen du projet. La très grandequantité de données sur certains sujets et son abord, parfois difficile pour certains,empêchent parfois l’intégration des préoccupations environnementales dans les

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Collecte de l’information et présentation des résultats

processus de décision. Dans ce cas, il semble prudent, mais tout de même parfois risqué,d’attribuer un ordre de priorités aux éléments environnementaux en présence(Environnement Canada, 1992).

Figure 6.1

Série d’indicateurs selon les éléments et les impacts choisis

Éléments Impacts potentiels Indicateurs d’impacts

Milieu biophysique

Cours d’eau Altération de la qualité des eaux Variation de DCO, pH, température,de surface MES, oxygène dissous, matières

organiques, DBO et traces desubstances toxiques (Pb, Hg, etc.),ainsi que bactéries et virus.

Modification de l’écoulement Variation dans l’écoulement, le débit,des eaux de surface et souterraines la direction, la perméabilité et le bilan

hydrique.

Qualité de l’air Altération de la qualité de l’air Variation de l’émission de particules(pollens, cendres, poussières, fibres, etc.).Degré de perception olfactive.

Bruit Altération de l’ambiance sonore Variation de la fréquence ou del’intensité sonore (dB).

Faune terrestre Altération de la végétation Variation de la structure, de la densitéet aquatique et de son habitat et de la composition des populations

animales et végétales.

Flore terrestre Modification sur la faune Variation du taux de croissance et deet aquatique et son habitat reproduction.

Variation de l’aire de reproduction.Variation du taux de productionprimaire ou de la biomasse.

Milieu humain

Coutumes/ Perturbation des coutumes Changement des coutumes destraditions et des traditions résidants.

Déplacement de la population Variation du coût des services(eau, électricité, etc.).

Activité Modification de la santé Fluctuation des taxes et des impôts.économique et des conditions de vie Présence de nouvelles entreprises.

Mise en chantier de logements.Variation de la consommation.

Dommages causés aux routes Variation de l’achalandage.et risques d’accidents

Source : Adapté de Raymond et Leduc, 1995.

En conséquence, un descripteur d’impact, à l’image de tout indicateur environ-nemental (Environnement Canada, 1991), devrait posséder les caractéristiques suivantes:

• être scientifiquement valide, c’est-à-dire être fondé sur suffisamment de don-nées pour traduire l’évolution dans le temps;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• pouvoir répondre aux changements se produisant dans l’environnement;

• être représentatif, compréhensible et pertinent, eu égard aux objectifs visés etaux problèmes à résoudre;

• pouvoir être comparé (idéalement) à une concentration seuil ou cible.

La pertinence, la clarté et l’opportunité de l’information

L’information transmise par un indicateur se doit d’être pertinente, à savoir significa-tive pour les éléments et le projet d’étude. Elle doit toutefois être recueillie en temps opportun,afin de mieux prévoir et de résoudre ultérieurement les problèmes (Croze et Vandeweerd,1992). Une information complète après le fait accompli est habituellemnt moins per-tinente qu’une information partielle en temps opportun. Ainsi, la connaissance ultérieure,celle issue du suivi, par exemple, est bien sûr valable, mais elle ne peut aucunement ousi peu orienter les décisions concernant le projet en cours d’examen.

La tendance actuelle de remettre à la phase du suivi les réponses à certaines interroga-tions (impacts potentiels de certaines activités, évolution probable de la situation, etc.)n’est donc pas sans causer des difficultés nouvelles à une prise en compte réelle de l’en-vironnement dans la planification des projets. Elle devrait se limiter aux impactsmineurs ou non significatifs pour la prise de décision et l’intégrité de l’environnement.

De plus, afin que l’information communiquée aux décideurs ainsi qu’aux autres acteursimpliqués supporte des «décisions rationnelles», il faut que les décideurs puissent «disposeren temps opportun d’une information qui, sur les plans scientifique, technique et des poli-tiques, soit à la fois exacte et compréhensible» (Environnement Canada, 1992). Autrement,l’exercice ne serait qu’une opération aléatoire sans trop de prise sur les réalités.

Un descripteur doit donc faciliter la projection temporelle, c’est-à-dire permettrede suivre son évolution dans le temps. De plus, il devrait permettre la prise en comptedes incertitudes inhérentes, tant en ce qui concerne les écosystèmes que les com-portements humains (Ruitenbeek, 1991). Il existe des descripteurs simples, commele nombre d’individus d’une espèce donnée, et des descripteurs composés, obtenuspar agrégation d’indices simples – le produit national brut (PNB), par exemple. Laprofondeur, c’est-à-dire le degré de détails, et l’étendue du champ d’étude des des-cripteurs doivent être conséquents avec l’objet d’étude, les moyens et les ressourcesde l’équipe. Les résultats obtenus doivent permettre néanmoins une connaissance suf-fisante des phénomènes en cause, sans quoi il serait très difficile de souligner et d’éva-luer correctement les impacts environnementaux potentiels.

Un descripteur d’impacts efficace devrait prétendre au statut d’un indice uni-versellement valable, afin d’être employé, en guise de comparaison, un peu partout

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Collecte de l’information et présentation des résultats

et pour divers projets. Toutefois, ce statut d’universalité peut représenter dans biendes cas un critère discriminant à plus d’un titre ; d’abord en invalidant des indica-teurs autrement acceptables, ensuite en faussant la comparaison entre les divers pays,notamment au désavantage de certains (Leduc et Pradès, 1993). C’est ainsi que lesobjectifs qui sous-tendent la démarche d’universalité des indicateurs environnementauxde l’OCDE (OCDE, 1991a et 1991b) ne font pas l’unanimité ; ces indices sont doncrarement employés.

L’universalité des descripteurs d’impacts et des indicateurs environnementaux estdonc une source d’interrogations. L’état de développement technique et scientifiquedes différents pays ainsi que les traditions et les valeurs locales peuvent entraîner desinterprétations contradictoires, voire discutables. Ainsi, des indicateurs jugés appro-priés pour les pays développés et élaborés par leurs propres experts ne le sont peut-être pas pour les autres (Leduc et Pradès, 1993). Un indicateur simple, comme les émis-sions de dioxyde de carbone (CO2) par habitant, par exemple, «désavantage les paysutilisant des ressources énergétiques classiques (bois, charbon et pétrole) par rapportà ceux qui emploient des ressources plus récentes ou plus exigeantes du point de vuetechnique (hydroélectricité et nucléaire)» (idem).

Par ailleurs, et de manière comparable aux indicateurs environnementaux en général,les descripteurs d’impacts «peuvent être bien ou mal utilisés par les politiciens» (Potvin,1991). En conséquence, «chaque société doit établir sa propre échelle de valeurs» etensuite «faire des choix politiques fondés sur ces valeurs sociales» (idem). La ratio-nalité scientifique peut parfois être utilisée pour masquer des objectifs et des inté-rêts politiques ou autres que ceux qu’on prétend défendre.

PRÉSENTATION DU RAPPORT

La présentation des résultats peut différer dans les détails d’une étude à une autre,mais dans l’ensemble elle contient sensiblement les mêmes éléments indispensables.Les traditions et coutumes nationales et régionales interviennent bien sûr, et il en résulteune disparité entre les différents rapports d’examen. Toutefois, cette disparité est sur-tout tributaire des procédures particulières d’ÉIE en vigueur ainsi que des normescorporatives spécifiques à l’entreprise lorsque c’est le cas, mais elle s’amenuise sousla pression des tendances d’harmonisation et de mondialisation.

La plupart des procédures d’ÉIE recommandent ou exigent une présentation géné-rale des résultats de l’étude. Les grands bailleurs de fonds internationaux ont eux aussileurs propres exigences; c’est notamment le cas de la Banque mondiale et de la Banque

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L’évaluation des impacts environnementaux

africaine de développement. Ce dernier point faisait l’objet d’un traitement détailléau cours du chapitre trois.

La présentation du rapport final de l’étude peut aussi varier selon qu’il s’agit d’unrapport interne à diffusion restreinte ou d’un rapport externe à large diffusionpublique. Bien entendu, l’ampleur du travail à accomplir et conséquemment lerésultat final diffèrent énormément lorsqu’il s’agit d’un examen préliminaire ou sim-plifié, comparativement à une étude complète et détaillée.

Certains estiment qu’en pratique, «[trop peu] de connaissances techniques et scien-tifiques sont effectivement diffusées avec le souci réel de leur compréhension»(Dron, 1995). Conséquemment, plusieurs informations demeurent difficilementaccessibles au simple citoyen, voire à un plus large éventail d’intervenants, ce qui nefavorise pas la participation pleine et entière de tous les intervenants possibles au pro-cessus d’examen. Dans ce contexte restreint, l’ÉIE ne bénéficie pas de tous les avan-tages potentiels d’une diffusion large de l’information et d’une collaboration efficacede tous les intervenants.

Généralement, le rapport final est l’un des derniers éléments du processus d’éva-luation, sauf dans les cas de la tenue subséquente d’audiences publiques. Il s’agit doncle plus souvent d’y inscrire la synthèse des acquis et des connaissances issus des étapesprécédentes de l’évaluation. La rédaction devrait conséquemment refléter cet état defait, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi, en France, selon Simos (1990), 50% desrapports faisaient preuve soit d’insuffisance ou d’absence de quantification satisfai-sante des émissions et étaient par ailleurs difficilement compréhensibles par le grandpublic. De tels rapports participent alors très peu à l’amélioration d’un projet, et, defaçon plus globale, ils favorisent bien peu l’implication des préoccupations environ-nementales dans les projets de développement, désavantageant ainsi la mise en placed’un développement viable. En définitive, le rapport final devrait démontrer l’amé-lioration du projet en question ou, plus précisément, refléter au moins les bénéficesqui en résultent.

Contenu du rapport

Sous la plupart des réglementations, il est exigé ou fortement recommandé d’inclureles éléments suivants dans le rapport final d’évaluation:

• un résumé;

• le contexte institutionnel, législatif et administratif ;

• une description du projet ;

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Collecte de l’information et présentation des résultats

• la justification du projet ;

• une analyse des solutions de rechange et des variantes au projet ;

• une description du milieu;

• une évaluation des impacts sur l’environnement ;

• une description des mesures d’atténuation prévues ;

• une description des programmes de gestion et de suivi ;

• et, si nécessaire, une conclusion (recommandations, propositions).

Le résumé qui accompagne l’étude complète apporte une vision globale etrapide des aspects essentiels de l’examen du projet. Celui-ci se doit d’être simple, com-plet et compréhensible en soi, car il s’agit bien souvent du premier contact, sinon del’unique contact que les nombreux intervenants entretiennent avec l’évaluation desimpacts du projet. Le texte doit exposer les éléments les plus significatifs pour la com-préhension du projet et les solutions proposées pour faire face aux éventuels problèmes.Selon le type de lecteur éventuel, une attention toute particulière devrait être accordéeà son exécution. Nous verrons au cours du prochain chapitre que la diffusion de l’in-formation aux différents acteurs impliqués dans le processus d’ÉIE nécessite un cer-tain «savoir-faire», mais qu’elle suppose aussi une certaine «façon d’être». En effet,la transmission de l’information a des exigences qui lui sont propres, notamment leséléments de transmission de l’information (émetteur/récepteur) et les catégories decommunication (types de médium).

La présentation du contexte institutionnel, législatif et administratif doitcontenir une description des différentes conjonctures dans lesquelles l’évaluation envi-ronnementale doit être réalisée, notamment les autorisations à obtenir et les normesà respecter, comme nous l’avons mentionné au chapitre quatre.

La description du projet doit permettre une compréhension sommaire mais suf-fisante du projet. Elle présente les aspects techniques et financiers, mais aussi les com-posantes et les activités prévues, ce qui inclut les échéanciers, la localisation et les acti-vités connexes au projet. La description devrait fournir une quantification desémissions probables et des caractéristiques des procédés et ressources de toutes sortesqui seront employés.

La section de la justification du projet doit permettre une compréhension desraisons légitimant le bien-fondé du projet et sa réalisation éventuelle pour le promoteur,d’une part, mais surtout pour l’ensemble de la société, d’autre part.

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L’évaluation des impacts environnementaux

L’analyse des solutions de rechange et des variantes au projet proposées devraitpermettre leur comparaison systématique des options possibles et/ou proposées, etce, en termes de conception, de localisation et de technologie de construction et d’ex-ploitation ainsi qu’en ce qui concerne les investissements et la durée respective. Lesavantages, les coûts, les bénéfices et les contraintes devraient être estimés de manièreà permettre leur appréciation. Bien entendu, les critères et les méthodes ayant servià la comparaison doivent être clairement exposés, et ce, de façon à autoriser une contre-expertise des solutions choisies.

La description du milieu est complémentaire à la description du projet. En cesens, elle doit se consacrer en priorité aux éléments de l’environnement qui risquentle plus d’être touchés par la mise en place du projet. Elle devrait contenir au préa-lable la délimitation des trois domaines de référence: zone d’étude, état de référenceet horizon anticipé. Ensuite, cette section doit fournir une description générale desconditions physiques, biologiques et socio-économiques du milieu d’insertion. Deplus, les autres projets de développement, en cours de réalisation ou proposés pourl’avenir, devraient aussi être exposés.

L’évaluation des impacts sur l’environnement devrait être présentée en trois temps:l’identification des interactions entre les activités du projet et les éléments de l’envi-ronnement, l’estimation des modifications résultantes et finalement l’évaluation pro-prement dite des impacts. La présentation de ces derniers peut incorporer les mesuresd’atténuation donnant lieu à des impacts résiduels. Cette section du rapport final devraitpermettre à l’éventuel lecteur d’apprécier l’ampleur et la qualité des données dispo-nibles et des résultats obtenus ainsi que les informations absentes et les incertitudesreliées aux prédictions. Pour des raisons similaires, la démarche méthodologique etles méthodes employées devraient y être expliquées.

La description des mesures d’atténuation prévues devrait contenir le relevé etla localisation des mesures ainsi qu’éventuellement leur faisabilité, la relation coûts-avantages de l’ensemble de ces mesures et les frais associés à leur implantation et leurscoûts d’entretien. De plus, l’estimation des besoins institutionnels de formation et,ultérieurement, de ceux concernant la surveillance et le suivi associés à ces mesures,devrait être incluse. Un plan de gestion des mesures d’atténuation doit être présenté(plan d’action, détails du programme proposé et échéanciers). Le plan devrait incluredes mesures de compensation là où les mesures d’atténuation sont difficilement appli-cables ou trop coûteuses.

La description des programmes de gestion et de suivi doit contenir les spécifica-tions au sujet des diverses activités relatives à ces questions: type de suivi, intervenants

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281

Collecte de l’information et présentation des résultats

des programmes, coûts inhérents aux activités et autres ressources nécessaires à leur bonfonctionnement, incluant des programmes de formation. Pour beaucoup de projets,un plan d’intervention en cas d’urgence et, si nécessaire, une évaluation des risquestechnologiques devraient s’ajouter.

En guise de conclusion, la dernière section d’un rapport d’évaluation reprendles points forts de l’argumentation concernant le projet et porte un jugement globalet final sur l’évaluation réalisée. On peut en outre y retrouver une série de recom-mandations, de commentaires et d’observations en vue de la prise de décision dansle cas de rapports autres que celui de l’étude d’impacts proprement dit.

La prise en compte de ces différents aspects est de plus en plus courante en ÉIE.Le soin apporté à la limpidité du rapport écrit pour le bénéfice de tous les types d’ac-teurs qui interviennent dans le processus en est une manifestation. En outre, la tenuede consultations publiques faisant preuve d’une plus grande ouverture d’esprit et favo-risant la participation en est une autre. La compréhension du rapport final et des docu-ments connexes ainsi que la participation aux consultations ne sont plus exclusive-ment du ressort des spécialistes.

De manière plus concrète, l’apparence et la facilité de compréhension jouent desrôles souvent déterminants parmi les aspects visuels de la présentation des résultats.Les deux matrices présentées à la figure 6.2 et qui comprennent exactement les mêmesrésultats permettent la comparaison visuelle de présentation légèrement différente. Lamatrice de gauche (6.2a) reproduit celle établie lors d’une étude effectuée en 1974. Laprésentation des résultats est surchargée par de nombreux symboles plus ou moins signi-ficatifs; son interprétation devient donc difficile. Nous avons repris dans la matrice dedroite (6.2b) les résultats de l’étude, mais de manière à en alléger les symboles.L’interprétation est ainsi grandement facilitée. Ce changement est manifeste dans le casde la disparition de l’omniprésent symbole étoilé (��), qui ici n’est pourtant qu’acces-soire puisqu’il correspond aux impacts «non appréciables». Des remarques similairespeuvent s’adresser aux autres modes de présentation des données, notamment en cequi concerne la clarté et la compréhension des tableaux, figures et cartes utilisées.

Une représentation graphique soignée, l’utilisation de la couleur, par exemple,peut elle aussi améliorer la présentation des résultats, augmentant d’autant leur com-préhension et leur apparence. La planche couleurs 8 montre les possibilités offertespar la simple utilisation de la couleur dans l’emploi d’une matrice (la même que cellesde la figure 6.2). La nature positive ou négative des impacts peut ainsi être mieux miseen évidence. Les possibilités d’utilisation de différents types et tailles de symboles peutaussi grandement améliorer le résultat.

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Collecte de l’information et présentation des résultats

L’utilisation ultérieure des résultats d’une étude est un aspect essentiel à ne passous-estimer ni négliger. En effet, l’information contenue dans une étude peut et devraitpresque toujours servir lors d’études ultérieures. Les données recueillies peuvent êtreréutilisées dans le cas de projets de même type ou bien servir comme description dumilieu pour l’ensemble des autres projets, et ce, pour un espace de référence donné.L’information sert aussi à d’autres fins qu’à l’évaluation ultérieure d’autres projets.Elle sert d’abord à l’avancement des connaissances générales sur les sujets étudiés,mais elle pourrait très bien servir à toute autre compilation des données. Ce derniercas est très bien illustré par la recommandation de la Banque africaine de dévelop-pement à l’effet que l’information recueillie lors des évaluations de projet puisse servirà dresser le bilan environnemental de chacun des pays concernés, notamment pourla réalisation de rapports nationaux sur l’environnement.

Enfin, la présentation des résultats participe activement à la sensibilisation de l’en-semble de la société aux questions environnementales. Dans certains cas, elle assumeune mission de formation ou d’éducation des acteurs impliqués de près dans le pro-cessus d’examen, même si, pour plusieurs raisons, les résultats ne sont pas toujoursaussi riches que ceux espérés.

RECOMMANDATIONS ET AIDE À LA DÉCISION

Cette section du rapport d’évaluation est d’importance variable selon les exigencesde la réglementation en vigueur, mais surtout en vertu de la nature différente du rap-port en question (rapport interne versus rapport externe). De surcroît, son influencesur la décision est très inégale. L’influence se traduit par des recommandations, desconseils, des suggestions, des avis, des propositions, des exigences ou des obligations.La prise de décision qui interviendra par la suite pourra ou non entériner les«conclusions» formulées dans le rapport d’ÉIE. La portée et la nature des recom-mandations varient aussi selon le type de rapport à produire, qu’il s’agisse d’un rap-port interne, externe ou de contrôle. L’étude effectuée pour le compte du promoteurest très peu loquace à ce sujet, puisque la plupart des recommandations sont déjà inclusesdans les autres parties de l’étude (modification du projet, mesures d’atténuation, etc.).Dans tous les cas, cependant, il s’agit bien ici d’un pouvoir de recommandation etnon pas d’une réelle prise de décision.

En apparence, la prise de décision est extérieure au processus d’évaluation; ce sontdes tiers qui effectuent le choix ultime à la lumière des informations fournies entreautres par le processus d’ÉIE. En pratique, toutefois, l’organisme de contrôle, gou-vernemental ou ministériel, est rarement indépendant et affranchi de toute attache

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L’évaluation des impacts environnementaux

par rapport à la plupart des projets. L’assujettissement à la procédure d’ÉIE ne se faitsouvent qu’en vertu de l’existence d’un lien quelconque entre l’administration cen-trale et l’intervention projetée ; c’est la cas au Canada et aux États-Unis, par exemple.Ces gouvernements sont impliqués directement ou indirectement par l’entremise deleurs multiples activités, dans plus de la moitié des projets.

Afin de pouvoir mieux répondre aux attentes de ceux qui recoivent les conclu-sions de l’examen et tout particulièrement pour ceux qui décideront des suites à donner,il est important de bien identifier les décideurs. D’une part, cela permet de mieux déter-miner leurs besoins ainsi que ceux de l’ensemble des intervenants au processus, et, d’autrepart, de connaître aussi les liens qu’ils entretiennent entre eux et avec l’ensemble dela société. Ces liens de contrôle et de pouvoir devraient être représentés dans la pers-pective du «système acteur» (Barouch, 1989), que nous verrons plus en détail au pro-chain chapitre. Une meilleure connaissance de la dynamique qui anime les décideurspermet de mieux répondre à leurs attentes, à leurs objectifs et à leur stratégie.

Selon Pearce et Freeman (1992), «si les besoins des divers décideurs se rejoignenten bonne part quant au type d’information, ils diffèrent quant au mode de présen-tation de l’information et à son actualité». Toujours selon les mêmes auteurs, ondénombre plusieurs types de décideurs, mais ils peuvent se regrouper sous les troistypes généraux suivants :

• les fonctionnaires des différents paliers de gouvernement, c’est-à-dire «les res-ponsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques» ;

• les gestionnaires des diverses entreprises ou des organismes impliqués, àsavoir ceux chargés de l’élaboration et de l’administration des politiquesdans les secteurs privé ou public ainsi que du respect des lois et des règlements;

• les consommateurs/citoyens, soumis au respect des politiques, des droits, deslois et des règlements.

Le pouvoir de recommandation

Selon la réglementation en vigueur, plusieurs étapes de recommandation peuventprendre place tout au long du processus d’évaluation. Ainsi, dès l’élaboration de ladirective, l’organisme de contrôle, lorsque c’est de son ressort, détermine les grandeslignes de l’évaluation à réaliser. Les évaluateurs s’assureront ensuite de produire uneétude la plus conforme possible par rapport aux directives émises. Selon le cas, desrecommandations peuvent apparaître lors des diverses consultations avec le publicou auprès des autres organismes publics ou privés concernés. Finalement, la dernièresection du rapport final d’évaluation, ainsi que celles des autres rapports d’examen

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Collecte de l’information et présentation des résultats

possibles (commission d’enquête publique, évaluation interne de contrôle, etc.)présente les réflexions, les suggestions de modification ou de correctifs à apporter etles conclusions finales concernant l’opportunité de réalisation ou non du projet.

L’élaboration de recommandations, de modifications, de conclusions ou de sug-gestions dans le rapport final constitue l’étape « ultime » du processus d’évaluationdes impacts environnementaux menant à la prise de décision. Les procédures par-ticulières d’ÉIE déterminent peu les formalités à observer en ce sens (l’étendue etla portée). Comme nous les avons abordés auparavant, les spécificités sociocultu-relles propres à chaque culture et le contexte démocratique du moment et du lieuen question influencent la portée de cette étape. Le pouvoir de recommandationn’est parfois qu’une simple formalité réglementaire, voire administrative, sansgrande importance ni signification tangible par rapport à l’issue du développementproposé. Toutefois, il arrive aussi qu’il s’agisse là d’un exercice marquant pour lavalidité socio-économique et environnementale du projet, reflétant ainsi l’in-fluence substantielle de la dimension politique du processus d’ÉIE.

Conclusion et propositions d’une commission d’étude

Lors de l’examen en audience publique d’un projet de construction d’une usine d’élec-trolyse (Alcan à Alma), la commission chargée de l’examen proposa une série derecommandations pour l’approbation du projet par le gouvernement du Québec (BAPE,1997). Ces recommandations étaient de divers types et ne concernaient pas uniquementle promoteur.

D’une part, la commission concluait son rapport en estimant que le projet présenté parle promoteur était «acceptable dans son ensemble, tout en proposant certaines mesuressupplémentaires afin d’assurer une protection accrue du milieu». Les commissaires esti-maient notamment que l’entreprise «devrait favoriser l’utilisation de combustibles etde coke de pétrole à basse teneur en soufre, de façon à réduire davantage ses émissionsde gaz contribuant aux précipitations acides» (idem).

La commission proposait d’autre part que l’organisme de contrôle (le ministère del’Environnement du Québec), en collaboration avec les autorités municipales (Alma),développe une «procédure de transmission des données relatives à la qualité de l’envi-ronnement qu’il recueille sur le territoire municipal» (idem).

Enfin, parmi une série de mesures proposées, la commission proposait «qu’un plan détailléde maximisation des retombées économiques soit élaboré par Alcan en concertation avecle milieu» (idem).

Source : Rapport d’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement(BAPE), 1997.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Le type et la portée des recommandations varient sensiblement.Plusieurs des recom-mandations concernent avant tout la dimension technique de l’étude. On suggère alorsdes correctifs particuliers à une composante du projet, des mesures d’atténuation perti-nentes ou des éléments spécifiques à prendre en compte dans le programme de suivi.D’autresrecommandations par contre sont du domaine politique.C’est le cas notamment des conclu-sions à tirer des craintes exprimées par les citoyens ou du bien-fondé de la justificationmême du projet. Enfin, au point de vue scientifique, les commentaires ou les recom-mandations concernent la validité des résultats obtenus et des méthodes employées ainsique des objets spécifiques d’étude, comme la répartition d’une espèce sur le territoire.

La portée des recommandations peut se déployer de la plus générale, celle qui repré-sente en fait la conclusion même de l’étude, aux plus particulières, celles qui ne concer-nent qu’un aspect précis de l’examen. Les recommandations générales expriment l’es-timation globale de l’impact du projet sur l’environnement. Les recommandationsparticulières, par contre, énoncent divers avis et propositions concernant des pointsbien précis de l’étude ou du projet. Dans ce cas, il peut s’agir de la présentation descorrectifs à apporter à certaines composantes du projet, d’une liste de mesures d’at-ténuation appropriées et quelquefois même de mesures de compensation. Dans d’autrescas, il s’agira plutôt d’une appréciation du choix de site, des possibilités de solutionsde rechange ou de variantes. Nous reviendrons plus en détail sur ces derniers aspectsau cours du chapitre huit.

Deux coalitions face à face dans un même projet

Dès les premières phases d’évaluation du projet Grande-Baleine au début des années1990, le promoteur du projet, Hydro-Québec, ainsi que les deux gouvernements responsablesdes autorisations, le Québec et le Canada, durent tenir compte de deux puissants regrou-pements d’acteurs voués à la défense d’intérêts divergents.

Le premier groupe, la Coalition en faveur du projet Grande-Baleine, regroupe des repré-sentants du Conseil du patronat, de l’Association des manufacturiers du Québec, de laChambre de commerce de Montréal et de celle du Québec ainsi que ceux de laFédération des travailleurs du Québec. À plusieurs reprises, le groupe a exprimé son impa-tience de voir démarrer le projet au plus tôt, tout en manifestant très peu d’inquiétudesquant aux éventuels impacts sur l’environnement.

À l’opposé, le Forum québécois pour l’examen public du complexe Grande-Baleine appré-hende les nombreux impacts potentiels et il espère un «débat rigoureux et scientifiquesur les retombées environnementales du projet». Le Forum est constitué de représen-tants des milieux écologistes et universitaires (Presse Canadienne, 20 avril 1991).

Ces deux coalitions se joindront aux autres acteurs impliqués dans le processus d’examendu projet, notamment aux organismes autochtones (Cris et Inuits) grandement intéressés.

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Collecte de l’information et présentation des résultats

Comme le rapport final de l’ÉIE ne représente pas la prise de décision en tant quetelle, les recommandations, suggestions et propositions contenues dans ce dernier nepeuvent que l’inspirer, voire l’orienter plus ou moins profondément. C’est d’autantplus vrai que d’autres rapports et sources d’influences diverses apportent souvent uncomplément sinon contrebalancent le rapport d’évaluation. Rappelons finalement quel’objectif de l’ÉIE, malgré sa proximité par rapport à la décision finale, reste de sup-porter et de favoriser la prise de décision optimale d’un point de vue environnemental.

La prise de décision

La prise de décision en ÉIE est habituellement unique, globale et sans recours.L’organisme responsable de l’autorisation accepte ou refuse le projet proposé. En pra-tique, toutefois, cette affirmation doit être nuancée. En effet, il existe parfois plusieursorganismes responsables des autorisations. C’est le cas des projets soumis à l’appro-bation de plus d’un organisme réglementaire de l’ÉIE (national, régional, local, voireinternational). C’est aussi le cas lorsque plusieurs législations s’appliquent à un mêmeprojet et que cela nécessite des autorisations particulières. Il est rare qu’un projet n’im-plique pas au moins une autre loi que celle régissant l’ÉIE (mines, forêts, agriculture,aménagement, biens culturels, énergie, etc.). De plus, il existe parfois des prises de déci-sion partielles en cours de processus. Par ailleurs, l’acceptation «finale» d’un projetest de temps à autre sujette à une modification ultérieure plus ou moins substantielle.

La prise de décision en ÉIE soulève des questions d’ordre éthique et humanitaire,en plus des aspects environnementaux en présence. En effet, elle est pour une bonnepart tributaire des valeurs et des procédures de la société dans laquelle elle s’exerce,que celles-ci soient institutionnalisées ou non. Dans ce contexte général de la gestiondes affaires humaines, les rapports de force existant entre tous les groupes et indi-vidus impliqués sont d’une importance déterminante et ils influencent grandementles « façons de faire». À titre d’exemple, mentionnons la répartition des bénéfices etdes inconvénients des projets de développement ainsi que le déplacement des popu-lations et le dédommagement des expropriés. Ces aspects sont presque toujours pré-sents lors de la mise en œuvre d’infrastructures linéaires importantes. L’intérêtgénéral et la sauvegarde des éléments sensibles de l’environnement occupent aussiune place cruciale dans la validation du projet. D’autant plus lorsqu’ils font face àdes intérêts privés ou à des exigences techniques et financières.

Comme pour les recommandations, l’ensemble du processus d’ÉIE offre plusieurspossibilités de prises de décision partielles. La plus importante demeure cependantla décision finale et globale concernant l’opportunité du projet. Les occasions de prisesde décision partielles varient bien entendu selon la procédure en cours. Ces prises

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L’évaluation des impacts environnementaux

de décision restreintes concernent certains aspects répartis tout au long de ladémarche d’examen. C’est souvent le cas de l’assujettissement des projets. De plus,même s’il est généralement le résultat d’une décision prédéterminée par les critèresd’assujettissement (liste d’inclusion ou d’exclusion), il peut aussi relever du pouvoirdiscrétionnaire des organismes de contrôle.

Lors du déroulement du processus, d’autres décisions partielles peuvent intervenir.Cela peut se produire avec l’élaboration de la directive, l’analyse de conformité, le modede diffusion de l’information ou certaines modalités de la participation publique. Pources derniers aspects, les évaluateurs du projet collaborent fréquemment avec les orga-nismes de contrôle de l’environnement. Comme tout n’est pas nécessairement fixé dansla réglementation, il existe une marge de manœuvre propice à la négociation entre lesprincipales parties impliquées dans la préparation et la validation du rapport final.

La décision finale est la plupart du temps un compromis entre les préoccupa-tions environnementales et les « impératifs» économiques et techniques. C’est ainsiqu’un projet pourtant dommageable à l’environnement biophysique peut être acceptéd’emblée à cause des importants investissements qu’il représente ou parce qu’ilimplique la création de nombreux emplois. Par contre, des correctifs avantageux pourle projet ne pourront être apportés à cause de contraintes techniques jugées insur-montables ou de pertes de bénéfices financiers. Néanmoins, le réarrangement, mêmetrès partiel, d’un projet compromettant pour l’environnement est un moindre malpar rapport à un développement sans bornes. De plus, à l’occasion, des enjeux envi-ronnementaux modifient de manière importante un projet pourtant jugé initialementincontournable et non modifiable par ses promoteurs. C’est ainsi qu’un projet de ligneà haute tension (750 kW) au-dessus du fleuve Saint-Laurent se transforma en projetde tunnel sous le fleuve à la suite des fortes pressions des citoyens en faveur de la pro-tection de la valeur patrimoniale et esthétique des lieux. Pourtant, le promoteur s’ob-jectait au départ à une telle éventualité sous le double prétexte de considérations tech-niques et financières insurmontables (Gauvin, 1992).

Dans le cadre plus restreint du mandat même de l’étude, la prise de décision englobeaussi les rapports qu’entretiennent les différents évaluateurs entre eux ainsi qu’avecl’ensemble des autres acteurs impliqués dans le processus. Les rapports entre les dif-férents intervenants sont inégaux et variables au cours du déroulement de l’examen.C’est ainsi que les «rapports de force» entre la firme d’évaluateurs et l’entreprise fai-sant régulièrement appel à ses services ne peuvent être régis de manière convenableque par des mécanismes extérieurs de contrôle ou un comportement éthiqueinfaillible. Dans un contexte de transparence de l’information, l’élémentaire signa-ture du rapport par l’évaluateur est sans doute l’une des meilleures garanties.

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Collecte de l’information et présentation des résultats

Comme pour les recommandations du rapport final de l’ÉIE, l’étude d’impactselle-même ne représente pas une prise de décision en tant que telle. Le rôle de l’éva-luateur d’impact n’est donc pas de se substituer à celui du décideur. Il ne peut quesupporter et favoriser la prise de décision optimale qui sera prise par d’autres. Celle-ci n’est pas toujours une mince affaire puisque l’un des défis importants de la prisede décision est la résolution d’un éventuel dilemme entre des enjeux, des objectifs etdes intérêts différents, voire divergents. L’ÉIE ne peut donc que fournir l’éclairage essen-tiel et indispensable à une décision instruite et fondée. Le rôle de l’évaluateur est detransmettre toute l’information nécessaire et significative à la prise de décision. Commel’évaluateur, le décideur représente en fait une équipe. En conséquence, la décisionultime est fréquemment le résultat d’un compromis issu de l’appréciation de plusieurspersonnes, et ce, sur la base de l’expertise et de l’influence de multiples acteurs, à partird’intérêts, de perception, de jugements et de connaissances multidisciplinaires et mul-tidimensionnelles (scientifiques, techniques et politiques)2.

L’une des épineuses questions en ce qui concerne la prise de décision est celle de laplace des élus dans le processus de décision. Dans plusieurs juridictions, seuls des repré-sentants élus par la population peuvent prendre une décision,comme c’est le cas au Québec.Les autres représentants du gouvernement et des organismes publics (c’est-à-dire les fonc-tionnaires de l’État et les commissaires enquêteurs) ne disposent que d’un pouvoir derecommandation3. Dans certains cas, toutefois, des «représentants de l’État» faisant partied’une commission d’étude peuvent disposer d’un réel pouvoir décisionnel.Les commissionsd’examen américaines dans le domaine énergétique en sont de bons exemples.

Lorsque l’ÉIE participe vraiment au processus décisionnel, les responsabilités de l’équiped’évaluation sont considérables, car les jugements fondant la décision reposent alors engrande partie sur son travail. L’opinion des experts, sans être toujours acceptée d’em-blée ni être la seule valable, pèse donc lourdement dans les décisions des décideurs.

Finalement, la décision ultime concernant la réalisation du projet à l’étude revientau promoteur. En effet, ce dernier doit trancher en bout de ligne quant à l’opportu-nité de réaliser ou non son projet, compte tenu des craintes, des exigences, des modi-fications, des conditions et des limites issues du processus d’évaluation. Le promoteurdécide donc d’annuler, de reporter ou de réaliser, avec ou sans modifications, son projet.

2. Afin de mesurer les différences de perception et d’intervention possibles des différents acteurs dansle processus d’ÉIE, nous conseillons la consultation du volume L’évaluation des impacts environne-mentaux: processus, acteurs et pratique (André et coll., 1999).

3. Cette question cruciale dans un régime démocratique est largement abordée dans une rechercherécente (Vézina, 1996) portant sur le partage du pouvoir entre les élus, les représentants de la fonc-tion publique et les citoyens dans le monde municipal à Montréal au cours des années 1980-1990.

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7Chapitre

Contexte de la négociationenvironnementale

e processus officiel d’évaluation environnementale des projets fait partie de l’en-semble plus vaste de la négociation environnementale. Cette dernière regroupe

l’ensemble des pourparlers, des réunions formelles et informelles et des tractationspubliques et privées entre les différentes parties impliquées dans la mise en place d’unprojet, en vue d’en arriver à une entente. L’entente dont il est question ici, notam-ment les conditions d’autorisation du projet, fait suite à un examen complet du dos-sier dont font partie le rapport et le processus d’ÉIE. Les différentes parties impli-quées dans l’examen doivent se mettre d’accord sur la validité du projet proposé etle cas échéant sur les conditions d’approbation. La décision finale concernant le projetpeut être le résultat d’un compromis ou d’un accord quelconque entre les parties,voire, exceptionnellement, s’accomplir sur la base d’un consensus. En conséquence,l’évaluateur d’impact doit conserver à l’esprit l’allégation de Simos (1990) à l’effetque «connaître, comprendre et respecter les rationalités des autres partenaires :accepter la diversité, voire les divergences des points de vue», demeurent des basesessentielles de l’évaluation des impacts environnementaux. Au-delà de la présenta-tion des résultats de l’étude, la négociation environnementale englobe tout le pro-cessus d’examen. Comme dans d’autres domaines, la pratique de l’ÉIE exige du «savoir-faire», mais aussi beaucoup de «savoir-être».

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L’évaluation des impacts environnementaux

En ce qui concerne les relations du promoteur avec la firme d’évaluation ainsiqu’avec les différents acteurs de l’extérieur, les techniques de communication ainsique celles relatives à la participation du public devraient être maîtrisées. Enfin, lestechniques de résolution des conflits demeurent des aspects importants et utiles detout processus d’évaluation des impacts environnementaux.

NÉGOCIATION ENVIRONNEMENTALE

Le terme «négociation» est habituellement défini comme représentant une «série d’en-tretiens, d’échanges de vues, de démarches qu’on entreprend pour parvenir à un accord,pour conclure une affaire» (Robert, 1986). Le terme «négocier», non limité au domaineéconomique, est souvent opposé à l’affrontement et en conséquence il désigne la négo-ciation comme «l’ensemble des démarches entreprises pour conclure un accord, untraité, rechercher une solution à un problème social ou politique, son résultat» (Hachette,1989). Dans le cadre d’une société de plus en plus tournée vers le négoce et l’intérêtpersonnel, n’est-il pas normal de placer la «négociation» comme processus majeurd’interactions entre les membres d’une même société ainsi qu’entre cette dernière etses voisines?

Faute d’un terme général plus adéquat, nous employons l’expression «négocia-tion environnementale» pour rassembler l’ensemble des interactions entre les diversacteurs impliqués dans un processus d’évaluation environnementale. Cet ensembleregroupe des activités et des démarches aussi disparates que l’information du public,la consultation, la concertation et la participation publique, ainsi que la médiation,l’arbitrage, les recours judiciaires, les ententes de compensation, les jeux d’influence,le lobbying, l’utilisation des médias et toute autre forme de négociation formelle etinformelle, de nature privée ou publique. Le schéma du tableau 7.1 présente suc-cinctement une typologie simple d’exemples de négociation environnementale,selon qu’il s’agit d’une démarche privée ou publique, dans un cadre formel ou informel.Les flèches à droite et en bas du tableau donnent une appréciation générale du nombrede participants au processus et de la volonté manifestée par ces derniers de négocier.

Il est de plus en plus fréquent en ÉIE de concevoir le processus d’évaluation commeun processus négocié (Simos, 1990). Pour Barouch (1989), la négociation se définitobjectivement et par opposition aux conflits, comme une «procédure plus ou moinscodifiée socialement en vue de la résolution de problèmes communs à plusieurs per-sonnes». Elle se définit toutefois de manière plus objective et en rapport au processusde décision en cours comme «un cadre relationnel subjectif qui conditionne la com-munication entre individus» (idem). De plus, plusieurs praticiens de l’environnement

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Contexte de la négociation environnementale

englobent comme nous sous l’expression « négociation environnementale » lesdiverses interactions entre les acteurs impliqués dans l’examen d’un projet (Gorczynsky,1991).

Tableau 7.1

Typologie simplifiée de la négociation environnementale et exemple d’accords entre les parties

L’environnement est une scène d’émergence pour de nombreux conflits, notam-ment parce que s’y entrechoquent des problèmes issus tant du domaine de la scienceet de la technique que du politique (idéologique, éthique et social) (Beauchamp, 1996).En effet, les «conflits environnementaux» regroupent des problèmes, des acteurs, desvaleurs, des intérêts et des horizons de temps et d’espace très variés. Nous reviendronsde manière plus complète à cette question de la nature particulière des problèmes envi-ronnementaux au cours de la section «Typologie de la résolution des problèmes».

Stratégies de négociation

Confronté aux nombreux problèmes environnementaux, tout observateur attentif estpartagé entre une vision pessimiste ou optimiste par rapport à l’avenir. Dans une optiquestratégique de gestion de l’environnement, Mermet (1992) constate un paradoxe vis-à-vis des diverses positions possibles. D’une part, l’impression de gâchis peut être tel-lement considérable, la dégradation de l’environnement étant constante et infinie,que le seul constat possible est alors celui du « laisser-faire» et de la «non-gestion».Le pessimisme est alors à son comble. D’autre part, pour celui qui possède une foitenace dans les possibilités de la raison humaine, il y a encore lieu d’être optimiste.Cet optimisme autorise l’élaboration de stratégies de gestion de l’environnement dansle sens d’une longue marche de l’humanité vers une gestion responsable.

PRIVÉE PUBLIQUE

INFORMELLE Entente privée avec l’industrie Débat dans les médias

FORMELLE Médiation Audience publique

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Nombre de participants

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L’évaluation des impacts environnementaux

Les multiples dimensions, problèmes, intérêts et acteurs impliqués en environ-nement supposent des stratégies de gestion bien particulières. La plus globale de cesstratégies responsables est le développement durable. Des stratégies plus spécifiquespermettent toutefois d’atteindre cette future gestion globale de l’environnement. Lanégociation environnementale est l’une de ces stratégies de prise en compte des inté-rêts et enjeux multiples dans le domaine de l’environnement. Elle répond donc auxexigences d’une gestion responsable et partagée, dans la mesure où elle se situe dansun encadrement «démocratiquement acceptable», car elle se fonde alors sur un par-tage réel du diagnostic et des enjeux, admettant la plus grande diversité possible d’apports (Dron, 1995).

Dans une approche théorique de compréhension des forces sociales en présenceet notamment de leur prise en compte dans les processus de gestion, Barouch (1989)présente une approche systémique: le «système-acteur». Constatant que les forcessociales forment un tout cohérent, en fait un système basé sur des réseaux d’échangesentre divers acteurs à l’influence inégale, l’auteur propose une méthodologie d’ana-lyse et d’intervention au sein des organisations humaines. L’approche système-acteur est définie comme une «procédure de recueil et d’analyse de données visantà étudier un problème puis à intervenir sur un système; elle repose sur la confron-tation et l’intégration successive des points de vue exprimés sur la réalité étudiée»(idem).

L’un des constats les plus importants de l’approche du système-acteur pour l’éva-luateur d’impacts est que l’homme d’étude devient un acteur du processus de négo-ciation parmi d’autres. De plus, « il sait en particulier que son système d’interpréta-tion vient en concurrence avec les autres systèmes d’interprétation existant de façoncontradictoire au sein de l’organisation (idem). Le principal apport pratique de l’ap-proche est celui «de montrer, quand c’est nécessaire, que l’ensemble des solutions pos-sibles est plus grand qu’on serait tenté de le croire sur la base de raisonnements etmodèles a priori» et qu’en conséquence «elle augmente la liberté des décideurs et leschances de parvenir à des solutions plus efficaces» (idem).

Rappelons que le rôle des décideurs dans le processus d’élaboration et de miseen œuvre en ÉIE est déterminant. Et comme l’affirmaient Pearce et Freeman (1992),«les décideurs réagissent aux préoccupations exprimées à l’égard de l’environnementpar le public, les experts scientifiques et les groupes de pression, mais ils mettent entrain des politiques environnementales indépendamment des opinions extrêmes».Conséquemment, augmenter la liberté des décideurs par l’expression d’un plusgrand nombre d’enjeux et de solutions, comme le préconise l’approche système-acteur,est un bénéfice inestimable pour le processus d’ÉIE. Le bénéfice attendu est non

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Contexte de la négociation environnementale

seulement au niveau scientifique d’examen (la compréhension du milieu humain enprésence), mais aussi, et surtout, aux niveaux technique (solutions techniques plusefficaces) et politique (validité et acceptabilité plus grande des solutions adoptées).

Compte tenu du contexte d’insertion et des conditions de mise en œuvre de laplupart des évaluations d’impacts, les négociations regroupant deux parties seulementet uniquement autour d’un unique enjeu sont rarissimes. En effet, il existe toujoursplusieurs parties impliquées, et ce, sur la base d’enjeux et d’intérêts multiples. Il estdonc évident qu’il faille élargir les processus de négociation et de décision actuels,c’est-à-dire du type «monoacteur» ou «technocrate éclairé», et ce, en favorisant lanégociation multiacteurs (Barouch, 1989). En ÉIE, de telles négociations sur le fondnécessitent une approche intégrative, c’est-à-dire une «négociation raisonnée» (prin-cipled negociation) (Fisher et Ury, 1991).

Étant donné la complexité de la négociation environnementale en ÉIE, le dénoue-ment généralement atteint résulte d’une prise de décision en situation d’incertitude(Raiffa, 1982). En effet, les résultats escomptés et l’évaluation sur laquelle ils reposent,avec tous les avantages et désavantages qu’ils comportent, s’appuient sur des estima-tions et sur un long processus de négociation impliquant des intérêts et des acteursmultiples.

Par ailleurs, la recherche de l’harmonie et de la convergence entre le développe-ment économique et la protection de l’environnement, d’une part, et les divers objec-tifs et intérêts en cause, d’autre part, embrouille encore plus l’univers de la négocia-tion environnementale. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on évite de réfléchir et de tenircompte des contradictions possibles, mais surtout chaque fois qu’on s’efforce de mas-quer les conflits (Godard, 1992). En ce sens, toute pratique de négociation ne devraitpas reposer uniquement sur une approche de réduction des conflits, puisque au contrairec’est parfois grâce à eux que des solutions supérieures émergent.

Parmi les nouvelles stratégies de négociation qui manifestent l’expression des chan-gements de mentalité dans les administrations publiques, Lascoumes et Valluy (1996)définissent les «activités publiques conventionnelles» comme de nouvelles pra-tiques de mise en valeur, de mise en visibilité et d’évolution des façons de faire. Leurtypologie des activités publiques conventionnelles regroupe les accords et activitéssuivantes :

• accords informels non publiés ;

• préliminaires (consultations officieuses) ;

• arrangements (accords oraux) ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• accords informels publiés ;

• initiatives suggérées (chartes de bonne conduite) ;

• accords normatifs (entente négociée avec un secteur industriel, par exemple);

• accords formels publiés ;

• actes de droit public non armés (contrats administratifs) ;

• actes de droit public armés (contrats administratifs avec sanctions).

Le résultat de ces pratiques représente des ententes (accords), plus ou moins for-melles, issues de nouvelles stratégies de négociation en environnement entre certainsacteurs (promoteurs et industriels) et l’administration publique.

En pratique, une stratégie de négociation reposant sur une approche système-acteur cherchera à définir clairement les cinq paramètres suivants (Barouch, 1989) :

• les unités sociales du système;

• la proximité et la fréquence des échanges ;

• les disparités de pouvoir ;

• la participation aux événements ;

• la structure globale du système.

En situation réelle, une négociation environnementale n’est pas aussi claire et netteà examiner que le portrait théorique que l’on peut en dresser, aussi systématique etcomplet qu’il puisse être. De plus, dans le feu de l’action, c’est-à-dire lorsque le véri-table jeu se déroule («while the big game is being played»), il est beaucoup plus diffi-cile de comprendre, d’apprécier et de pouvoir réagir aux multiples interactions pos-sibles (Gorczynski, 1991). Gorczynski, l’un des praticiens de l’évaluation environnementaleaux États-Unis, propose une analyse et un usage de la négociation environnementaleà partir d’une connaissance critique des acteurs en présence ainsi que de la stratégieet des tactiques possibles d’intervention (idem). Nous verrons en détail au cours dela prochaine section la typologie très pragmatique des acteurs que l’auteur propose,mais voyons tout d’abord les étapes de la stratégie proposée et les différentes tactiquesd’intervention.

Pour Gorczynski (idem), il y a cinq étapes principales d’une stratégie de négo-ciation environnementale :

• l’enquête : connaître les problèmes en cause, mais surtout les comportementset les attentes des autres acteurs impliqués, notamment des leaders en présence;

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Contexte de la négociation environnementale

• l’inventaire : évaluer les forces et les faiblesses de chacun ainsi que les alliancespotentielles et élaborer trois scénarios possibles :

– le meilleur résultat possible ;

– le pire résultat possible ;

– le meilleur résultat espéré ;

• l’organisation : établir un plan et la préparation de l’équipe, dont :

– mobiliser et former l’équipe;

– faire des approches auprès de ceux ayant des intérêts communs;

– mobiliser et former les alliés retenus;

– déterminer des objectifs réalistes pour la négociation;

– déterminer un plan d’action et un échéancier à court et à long terme;

– déléguer et répartir les tâches ;

• l’action : choisir le moment propice pour agir, ni trop tôt ni trop tard, maisagir, déterminer les règles du jeu ou connaître celles qui s’appliquent, sanscompter qu’elles peuvent varier en cours de négociation;

• la réaction : ne pas croire que la partie est gagnée d’avance et se méfier des réac-tions de la partie adverse ;

– il y a sept réactions possibles, mais la plus plausible est celle du compromis;dans ce cas, il s’agit de pouvoir obtenir une partie de ce qu’on veut, mais àla condition de concéder à l’autre partie une partie de ce qu’elle veut.

Une telle stratégie de négociation répond avant tout à une démarche de confron-tation entre deux parties en opposition puisque l’écoute, l’analyse des arguments desautres parties et la recherche de solutions communes prend peu de place ici.

En ce qui concerne les tactiques d’intervention possibles, l’auteur (idem) présenteneuf tactiques souvent rencontrées au cours de ses années d’expériences en tant quenégociateur environnemental. Il serait trop fastidieux ici d’en donner les caractéris-tiques principales. Retenons cependant les conseils et les observations qui suivent :

• selon les circonstances, il est préférable d’employer l’une ou l’autre des tac-tiques, ce qui n’exclut aucunement l’emploi successif de tactiques différentes,voire opposées ;

• la tactique la plus commune est celle qui passe par un échange indirect par lebiais des médias; la confrontation publique qui en résulte influencera les posi-tions de départ des parties ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• la tactique préférée des experts, ingénieurs et autres scientifiques passe par l’in-timidation de la partie opposée, en tirant profit de la confiance naïve de cesderniers en leur expertise, et le rejet systématique de toute autre solution quecelle qu’ils proposent ;

• les « lobbyistes» baseront leur tactique de négociation sur la séduction desmembres de la partie adverse, notamment en les considérant comme des «amis»;

• l’arrogance, l’insulte, la contestation et la destruction des arguments de la partieadverse est une tactique souvent employée par les avocats ; elle peut parfoismener à des attaques personnelles d’adversaire à adversaire ;

• enfin, lorsque l’issue de la négociation est connue, l’auteur propose un cer-tain nombre de comportements pour les vainqueurs et les vaincus, afin de main-tenir viables de futures négociations.

Types d’acteurs

L’univers des acteurs possibles est considérable et très diversifié. Que ceux-ci soiententraînés à s’impliquer d’une façon ou d’une autre ne modifie en rien la légitimité deleur participation. La prise en compte des multiples intérêts, parfois divergents et opposés,lors d’un projet significatif pour la population, émergera tôt ou tard. Dans certainscas, comme nous le verrons plus loin («Typologie de résolution des problèmes»), l’émer-gence d’intérêts divergents dès les premières étapes d’examen du projet permet d’at-ténuer, voire d’éliminer les éventuels et inévitables conflits. La consultation élargie àl’ensemble des intervenants permet une meilleure acceptation du projet, une bonifi-cation des avantages et une atténuation des conséquences négatives de celui-ci.

Nous avions précédemment relevé trois grandes classes d’acteurs (Simos, 1990):

• ceux impliqués d’office (requérants, évaluateurs et autorités responsables) ;

• ceux s’impliquant d’eux-mêmes (écologistes et populations concernées) ;

• ceux amenés à s’impliquer (diverses administrations et experts-conseils).

Tous ces acteurs sont entraînés à s’impliquer dans le processus d’examen du projet,soit de manière officielle dans les consultations prévues, soit de façon non officiellepar l’habituel « jeu des pressions» ou soit par la manifestation publique des opposi-tions.

Pour l’évaluateur d’impact, comme pour l’organisme de contrôle de la procédure,l’identification de tous les acteurs potentiels et des relations qui les animent devraitfigurer parmi les premières tâches d’examen du projet. L’apport des différents acteurs

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Contexte de la négociation environnementale

sera en effet utile dès les premières phases d’étude, ne serait-ce que pour transmettredes données indispensables à l’évaluation en cours.

La Loi canadienne d’ÉIE détermine neuf catégories d’acteurs aux intérêts variésqui s’impliquent habituellement dans l’examen des projets au Canada (ACÉE, 1994).Ces catégories sont :

• les habitants locaux;

• les autochtones ;

• les représentants des gouvernements municipaux et régionaux;

• les organisations communautaires comme les groupes de propriétaires domi-ciliaires, les organisations de personnes âgées, les clubs de service et lesgroupes de conservation;

• les associations professionnelles et commerciales ;

• les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME);

• les établissements d’enseignement ;

• les groupes intéressés du public ;

• les médias.

Le U.S. Army Corps of Engineers relève quant à lui une quinzaine de catégoriesd’intervenants possibles (Canter, 1996). Même s’il s’agit d’intervenants dans ledomaine de l’eau, les différentes catégories ne sont pas foncièrement différentes decelles que nous venons de décrire. Elles répartissent simplement les acteurs d’une manièreplus exhaustive, en faisant par exemple des groupes sportifs et des organisations defermiers des catégories à part.

De façon plus stratégique, Gorczynski (1991) classe les différents acteurs (playersof the game) en neuf catégories aux intérêts, stratégies et tactiques bien définis :

• les ingénieurs et autres scientifiques «objectifs»;

• les politiciens et les élus ou ceux qui espèrent l’être ;

• les bureaucrates ;

• les industriels et les promoteurs ;

• les activistes environnementalistes ;

• les citoyens ;

• les médias ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• les juristes et les groupes de pression (lobbyists) ;

• les vulgarisateurs, les porte-parole (primary leader) et les «conciliateurs»(bridgebuilders).

La procédure de participation pourrait attribuer une place plus importante à lacontribution du public dans la prise de décision elle-même, et ce, grâce à de véritablesresponsabilités à toutes les phases d’examen. Ainsi, lors du récent examen du projetGrande-Baleine (centrales d’Hydro-Québec à la baie d’Hudson), le public futimpliqué lors de la tenue d’audiences publiques préliminaires, dès l’étape de formulationde la «directive». Par la suite, de nouvelles consultations lors de l’analyse de confor-mité à la directive permirent aux différents acteurs de participer au processus d’ac-ceptation de l’étude d’impacts elle-même. Cette double intervention du public,contrairement à la procédure habituelle au Québec, permit une implication accruedes différents acteurs, et ce, très en amont de la remise du rapport final. La poursuitede l’examen du projet fut toutefois arrêtée à cette étape par le report du projet à unedate ultérieure de la part du promoteur.

Le public peut être constitué par les différents acteurs que nous avons défini audébut, notamment par les deux derniers, à savoir ceux s’impliquant par eux-mêmes,les écologistes et les riverains, ainsi que ceux amenés à s’impliquer, à savoir les diversesadministrations et les experts-conseils. Les acteurs de ces deux catégories s’opposentrégulièrement à ceux de la première, à savoir ceux impliqués d’office, particulière-ment lorsqu’ils ne sont consultés qu’à la fin de l’examen ou lorsqu’ils estiment queleur apport est négligé.

Par ailleurs, la localisation spatiale des différents acteurs par rapport au projet ajouteune dimension nouvelle à cette question. Ainsi, certains acteurs bénéficient, directe-ment ou indirectement, des avantages du projet sans en être nécessairement incom-modés, alors que d’autres ne pourraient qu’être lésés par l’implantation du projet, sanstoujours en tirer vraiment un bénéfice. L’éloignement des acteurs par rapport au sited’implantation doit être pris en compte, et ce, surtout s’il existe une répartition diver-sifiée pour une même catégorie d’acteurs. Chacune des catégories d’acteurs neconstitue pas toujours un bloc monolithique aux opinions et aux intérêts communs.

Il faut aussi retenir que tous les groupes de la population n’ont pas le même pou-voir de négociation. Ainsi, les groupes autochtones, notamment dans les Amériques,bénéficient selon certains d’un traitement de faveur par rapport aux autres groupesminoritaires de la population. Depuis plusieurs années déjà, ces groupes ont indé-niablement acquis une expérience appréciable des négociations avec les pouvoirs enplace et tout particulièrement sur les questions touchant de près à l’évaluation

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Contexte de la négociation environnementale

environnementale. De plus, l’examen d’un projet est souvent le prétexte pour eux denégocier d’autres sujets en rapport avec leurs intérêts propres, notamment l’autonomiepolitique et les revendications territoriales.

Démocratie et participation publique

Le contexte politique de beaucoup de pays limite sérieusement la participation publique.La simple consultation des autres ministères que ceux impliqués directement dans l’éla-boration d’un projet est souvent déficiente et l’information circule très peu entre les dif-férents fonctionnaires. À plus forte raison, les instances nationales consultent rarementleurs propres autorités locales, et encore moins les autorités locales traditionnelles(c’est-à-dire chefs de villages). La gestion des affaires publiques suit donc fidèlement lavoie hiérarchique du haut vers le bas (Leduc, 1997)

En conséquence, la plupart des gens et forcément les populations rurales semblent rési-gnés vis-à-vis des autorités supérieures. L’acquiescement spontané de la population auxdécisions des responsables désignés semble donc aller de soi. Il y a ainsi une précarité etune insuffisance, voire une absence quasi complète de la participation publique dansl’évaluation des projets de développement, et ce, même lorsqu’elle est exigée par les orga-nismes internationaux (Banque mondiale, Programme des Nations Unies pour l’envi-ronnement ou Agence canadienne de développement international). C’est pourquoi, sansdoute, « le respect des temps de cheminement des autres, s’appuyant sur une sincère atti-tude exemplaire de notre part, demeure notre meilleure garantie» que la participationpublique puisse un jour tenir un rôle de premier plan (Leduc et Raymond, 1996).

Il y a donc fort peu de bénéfices directs et indirects obtenus de la participation publiquedans un contexte politique aussi restreint. En définitive, seul un long processus collectifd’apprentissage, auquel participera activement mais modestement l’ÉIE, autorisera unemodification lente mais progressive des traditions démocratiques et du partage du pou-voir dans ces contextes de faible participation publique (Leduc, 1997).

Finalement, de nouveaux acteurs importants ont fait récemment plusieurs inter-ventions remarquées ; il s’agit des groupes environnementaux internationaux. Leursinterventions s’effectuent souvent dans les pays en voie de développement, mais ilsagissent aussi ailleurs dans des projets dans les États voisins, comme cela se passa entrele Canada et les États-Unis dans le dossier Grande-Baleine. Dans le cas des projetsinternationaux, il n’est pas rare de voir se manifester une organisation non gouver-nementale internationale (ONGI) ou l’un des grands groupes écologistes, ainsi queplusieurs intervenants d’autres pays (gouvernements étrangers, organismes d’aide,institutions financières, etc.).

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L’évaluation des impacts environnementaux

PARTICIPATION DU PUBLIC

La démarche de «participation du public» laisse libre cours à de multiples interpré-tations. En effet, l’expression est utilisée pour recouvrir des situations tout à fait dif-férentes selon les procédures en vigueur. Le type d’intervention qu’elle recouvre estvaste et diversifié. En pratique, la participation publique est soit cantonnée dans unerelative passivité, soit promue à une contribution active dans le processus de déci-sion. Le rôle de la participation du public dans les processus de décision est donc trèsvariable. En conséquence, son influence sur les décisions est elle aussi très variable.Elle est parfois réduite à sa plus simple expression, à savoir l’élémentaire informa-tion a posteriori de la réalisation d’une ÉIE; le public est alors strictement informé.À l’opposé, le public a quelquefois la possibilité de participer à plusieurs étapes impor-tantes de l’examen en cours et ainsi de pouvoir participer activement à l’étude.Habituellement, le public n’est consulté qu’au sujet du rapport final d’ÉIE, lors d’au-diences publiques, par exemple, et non pas en cours d’examen. Sans pouvoir modi-fier l’étude d’impacts, il peut au moins faire entendre sa voix avant la prise de déci-sion finale, ce qui change quelquefois les évaluations et les orientations prisesprécédemment.

Une participation pleine et entière devrait débuter dès la phase initiale d’élabo-ration du projet et s’échelonner jusqu’à la décision finale de l’acceptation définitivedu projet. Récemment, la participation du public s’est étendue à la plupart des pro-cédures d’ÉIE et elle tend à prendre encore plus de place là où elle se trouvait déjà.Autrement, l’influence de la participation publique se réduit trop aux ultimes cor-rectifs acceptables des points de vue technique et financier, lors de la présentation durapport final d’ÉIE au cours d’une étape plus ou moins active de consultationpublique. Or, à cette étape, l’état d’élaboration du projet est tellement avancé que lescorrectifs encore possibles ne concernent que des aspects mineurs et accessoires.

Dans les limites actuelles de l’examen a posteriori, la participation publiqueentraîne aussi certaines altérations de la procédure. Se sentant exclu de la démarched’évaluation, le public ne collabore qu’avec réticence et son évaluation du projet encause est alors méfiante, rapide et très émotive. De plus, il se produit une polarisationdes points de vue, sinon une opposition manifeste par rapport au projet, au promo-teur et à l’équipe d’évaluateurs. La justification même du projet est alors perçue defaçon plus négative et les résultats présentés apparaissent moins convaincants. De plus,comme la faible diffusion de l’information et le peu de résultats compréhensibles ainsique les moyens dérisoires dont le public dispose habituellement n’ont rien pour releverle niveau de participation (Dron, 1995), plusieurs acteurs deviennent perplexes

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Contexte de la négociation environnementale

vis-à-vis d’un tel processus de participation. Au sujet de ce dernier aspect évoquantles moyens dérisoires dont disposent les citoyens pour participer activement au pro-cessus d’évaluation, il serait souhaitable que les initiatives de financement des groupeset des individus, comme cela se produit lors des commissions fédérales canadiennesd’évaluation, par exemple, se multiplient, voire deviennent une pratique courante.

En conséquence, le processus de négociation s’avère incomplet, voire superficielet sans trop d’importance. Voilà qui réduit certes les bénéfices entraînés par l’ÉIE ence qui concerne les aspects scientifiques et techniques, diminuant par le fait mêmel’atteinte des deux premiers objectifs de l’ÉIE. Mais le plus inquiétant est la très faibleintégration du projet dans le milieu humain, réduisant presque au silence le troisièmeobjectif, l’acceptabilité sociale et politique du développement. Dans l’optique du déve-loppement durable, la participation publique devrait permettre une «réappropria-tion par les citoyens de la responsabilité de leur milieu» (Ost, 1995). L’atteinte de cetobjectif progresse un peu partout, mais beaucoup de négociation reste à faire en cesens. Enfin, il ne faudrait pas confondre la participation publique avec les relationspubliques. Alors que la première recherche l’implication des citoyens dans les pro-cessus de décision, une campagne de relations publiques aspire plutôt à influencerl’opinion des citoyens. La communication en ÉIE ne doit pas se limiter à un simpleéchange d’informations ; elle doit plutôt représenter «un échange actif et constructifd’informations, d’interprétations et d’opinions qui bénéficie à la fois à ceux qui pro-posent et qui financent [ainsi qu’au] public concerné» (OCDE, 1994c).

Après l’évocation de ses avantages et de ses inconvénients, nous allons aborderla participation publique sous l’angle des règles et des principes, avant d’examinerla portée usuelle de la participation publique dans les processus de décision, pour enfinconclure avec l’audience publique et la préparation essentielle des citoyens ainsi queleur participation au comité de suivi. Nous poursuivrons toutefois nos réflexions surla participation publique au cours des deux sections suivantes: les techniques de com-munication et la résolution des problèmes.

Les avantages et les inconvénients de la participation publique

La participation publique gagne progressivement du terrain et de nouveaux adeptes.Un peu partout à travers le monde, elle s’insère dans les pratiques de gestion des affairespubliques et tend donc de plus en plus à s’intégrer aux processus traditionnels de déci-sion. Loin d’être partout une obligation réglementaire, elle devient une pratique cou-rante lorsqu’il s’agit de planification environnementale. Les lieux propices à la par-ticipation publique dans le processus d’examen sont nombreux. Ainsi, le public pourraitparticiper aussi bien aux étapes de l’évaluation initiale (screening) et de cadrage

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L’évaluation des impacts environnementaux

(scoping) qu’à celles de l’évaluation proprement dite (identification et évaluation desimpacts), en plus de donner son avis sur la prise de décision, sans oublier sa contri-bution à la mise en œuvre du programme de suivi.

Plusieurs raisons incitent à un meilleur emploi de la participation publique. Parmiles raisons largement reconnues, on peut mentionner que:

• le public et les autres acteurs sont mieux informés;

• la consultation favorise l’apprentissage des acteurs en présence, à partir du par-tage des connaissances mutuelles ;

• les différents points de vue peuvent émerger plus aisément ;

• les intérêts en présence peuvent être mieux appréciés ;

• les craintes et les inquiétudes peuvent s’extérioriser ;

• les désaccords peuvent s’exprimer plus ouvertement ;

• la consultation bien menée favorise la confiance mutuelle ;

• la consultation peut diminuer les tensions et les conflits ;

• la consultation peut repousser ou exclure les recours judiciaires et autres ;

• la prise de décision devient plus «confortable» pour les décideurs et plus accep-table pour les citoyens.

Quoique la pratique actuelle limite la participation du public à une infime por-tion des possibilités offertes, cet engagement populaire est en voie de devenir une pra-tique reconnue et valide en ÉIE. À ce propos, nous avons examiné au cours du cha-pitre trois l’influence déterminante des organismes et des ententes internationales enfaveur de la participation publique et de la généralisation de l’ÉIE à l’ensemble de laplanète. Le public est de mieux en mieux informé des résultats de l’étude et ses pré-occupations s’insèrent de mieux en mieux dans le cadre parfois étroit de l’évaluationdes projets. Les consultations permettent l’émergence des points de vue et des inté-rêts en présence. Ces renseignements se transmettent avant tout sous la forme de craintes,d’inquiétudes et de doléances, mais de plus en plus de questions, d’informations per-tinentes et de suggestions constructives émergent des consultations. La collaborationet la contribution des citoyens et des groupes est de plus en plus considérable et remar-quable à mesure que croissent l’information, le «savoir-faire» et la confiance en leursmoyens. Comme les désaccords peuvent habituellement s’exprimer plus ouvertementet que la consultation bien menée favorise la confiance mutuelle entre les participants,les tensions et les conflits peuvent diminuer de manière significative. Une telle situa-tion semble repousser et réduire, voire exclure les recours judiciaires et les manifes-tations d’hostilité.

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Contexte de la négociation environnementale

Dans l’optique du développement durable, la contribution du public au processusd’évaluation devrait permettre la consultation mutuelle, voire une collaboration étroiteet une acceptation des décisions des responsables. Actuellement, la participation activedu public n’est pas toujours sans heurts avec les décisions qui sont prises d’habitude.En effet, comme l’affirme Goddard (1992), cité par Dron (1995), « les préférences dupublic conduisent à des choix qui vont plus loin dans le sens de la préservation dela qualité de l’environnement que les choix qu’expriment les politiques courantes».En ce sens, les grands enjeux, comme la justification et les options de certains projets,offrent encore un terreau fertile à de nombreuses controverses et litiges entre les objec-tifs des autorités et ceux des citoyens. Cependant, de ces conflits potentiels peuventnaître une adhésion supérieure du développement dans son milieu d’insertion,l’émergence de solutions nouvelles et mutuellement plus satisfaisantes ainsi qu’unemeilleure prise de responsabilité de tous par rapport à l’environnement et au déve-loppement.

Plusieurs autres raisons sont favorables à la participation publique en ÉIE. Sadaret coll. (1996) mentionnent les six raisons suivantes :

• reconnaissance que le «public» représente un étalage de divers individus etregroupements ;

• respect mutuel des divers partenaires ;

• bonne compréhension de la diversité des valeurs, des buts et des objectifs dela société ;

• comportement responsable, individuel et collectif de la part de tous ;

• reconnaissance mutuelle et acceptation des droits, des aspirations et des inté-rêts des autres ;

• application de règles mutuelles et de procédures de consultation publique.

En ce sens, la participation du public devrait donc être favorisée au cours de l’exé-cution de toutes les étapes essentielles du processus d’évaluation et, idéalement, lorsde chacune des prises de décision. Dans le cadre du développement viable, un cer-tain consensus semble se dessiner à l’effet que la participation du public devrait êtrefavorisée et intensifiée un peu partout. Dans de nombreux pays, par contre, la par-ticipation du public est encore grandement entravée par un contexte démocratiquepassablement précaire, sinon carrément absent. Dans ce contexte restrictif, la parti-cipation publique constitue beaucoup plus un vœu pieu qu’une réalité.

La pratique de l’ÉIE se réalise dans un cadre de processus de décision générale-ment très variables, plusieurs étant fort peu propices à la diffusion de l’information,

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L’évaluation des impacts environnementaux

mais surtout à la nécessaire transparence de la démarche complète. Avec la mondia-lisation des pratiques, l’émergence de la participation publique dans des contextespeu favorables à son épanouissement (c’est-à-dire régimes autoritaires) soulève desproblèmes concrets d’ajustement entre les «exigences» des uns et les «concessions»des autres. Malgré les limites plutôt floues imposées un peu partout à la participa-tion publique, le rôle moteur joué par les organisations internationales est indéniableet indispensable pour faire avancer la place des individus dans la gestion des affairespubliques. Ne pensons qu’aux actions de la Banque mondiale, de l’Union mondialepour la nature (UICN) et de l’Institut international pour l’environnement et le déve-loppement (IIED). Le rôle de ces deux derniers est tout particulièrement importantdans l’amélioration des procédures d’ÉIE en Afrique (Faloux et Talbot, 1992).

L’imprécision quant au rôle et limites de la participation publique n’est pas tou-jours facile à discerner et surtout pas commode à intégrer dans l’évaluation environ-nementale d’un projet. Les traditions démocratiques et les divers publics autorisés às’impliquer sont tellement incertains et disparates qu’un processus de participationpublique tel que nous le concevons dans le présent ouvrage est impossible à mettreen place. Dans un contexte démocratique restreint, la consultation n’inclut que la consul-tation des autorités locales, soit les représentants de l’administration officielle et ceuxdes autorités traditionnelles. Les populations touchées par le projet ne reçoivent qu’unesimple information à sens unique, sans retour sur le messager.

Généralement, il existe deux grandes utilisations de la participation publique enÉIE. La première, plus utile à l’évaluateur qu’au public même, sert de source d’in-formation. La consultation des gens permet en effet une collecte de données parfoissurprenante et fort utile à l’étude en cours. Cette forme d’utilisation est d’autant plusnécessaire dans des contextes de faible information. La deuxième, bien plus engageanteque la première, parce qu’elle implique nécessairement un partage du pouvoir, est lacritique et la validation de l’ÉIE par le public intéressé, mais aussi l’approbation oule rejet du développement projeté.

La participation du public aux processus de décision est l’un des principes fon-damentaux du développement durable de nos sociétés, d’autant plus lorsqu’il s’agitde la qualité de vie des citoyens ou de celle de leur environnement. Malgré les ten-dances de privatisation des affaires publiques et de déréglementation gouvernementale,l’ÉIE continue de faire la promotion d’une concertation accrue entre tous les paliersde décisions en matière d’environnement. Le nombre de structures formelles d’exer-cice de la participation publique aux processus décisionnels est actuellement trop faibleet leur portée n’est pas toujours à la hauteur des attentes des participants, alors que

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Contexte de la négociation environnementale

sans l’apprentissage d’expériences concluantes de participation, les individus seméfient de la faible portée de leurs interventions, compte tenu des résultats des expé-riences passées (Leduc et Pacaut, 1998). Même si, à l’heure actuelle, «l’accès des citoyensà la compréhension des problèmes en cause demeure totalement marginal malgré desprocédures comme les enquêtes publiques» (Lascoumes, 1994), nous croyons qu’ilest nécessaire de poursuivre les efforts de promotion de la participation du plus grandnombre à l’amélioration de leur qualité de vie.

Au Québec, l’expérience de la consultation publique s’appuie notamment sur unevingtaine d’années de pratique en évaluation environnementale par le biais duBureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Le public peut s’expri-mer librement et la Commission chargée des audiences en fera mention dans son rap-port, comme nous l’avons indiqué au chapitre trois, mais exclusivement à la suite del’examen réalisé. Il arrive que des consultations publiques se tiennent au cours du pro-cessus d’examen, mais il s’agit là de pratiques privées organisées par le promoteur.La consultation formelle en amont de la remise finale du rapport d’ÉIE, comme dansle cas du dossier Grande-Baleine (lors de l’étape du cadrage), est une pratiqueexceptionnelle. La consultation pourrait être favorisée à l’intérieur du processus d’éva-luation et de prise de décision, notamment aux premières étapes. En effet, selon plu-sieurs intervenants, «plus la consultation intervient tôt dans le processus qui mèneà une décision, plus elle porte sur les orientations, et plus grande sera l’influence descitoyens sur l’ensemble du projet» (Thibault, 1991). Toutefois, certains craignent quela multiplication des étapes de consultation publique n’entraîne des délais, des coûtset des containtes nouvelles.

Les règles et principes de la participation publique

La pierre d’achoppement des processus de participation publique se trouve quelque-fois dans le manque d’information et de préparation des différents intervenants, maisc’est plutôt la méconnaissance ou le refus des «règles du jeu» ainsi que la méfiance mutuellequi sont en cause. En effet, les simples citoyens ne disposent pas toujours d’un tempsde préparation adéquat ni de savoir-faire efficace, et ce, même lorsqu’ils disposent d’in-formations appropriées afin de soutenir une intervention publique. L’aide financièrequ’ils pourraient obtenir de la part des autorités et des promoteurs faciliterait gran-dement leur tâche. Une participation plus grande de la population suppose des délais,des coûts et des explications supplémentaires. Mais avant tout, une telle situation imposel’intrusion d’acteurs nouveaux et parfois dérangeants (intérêts particuliers, objectifsdifférents, opinions inopinées, etc.) dans les processus de décision habituels, et, en défi-nitive, l’avènement d’un partage du pouvoir que tous ne souhaitent pas. En conséquence,

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la participation du public est faible et les bénéfices que le processus d’évaluation enretire sont réduits.

Du point de vue théorique, plusieurs auteurs ont examiné les principes qui per-mettent d’organiser une démarche de participation publique efficace et utile. L’und’eux relève nettement six conditions essentielles à une véritable participationpublique (Gariépy, 1997) :

• La procédure doit permettre un véritable dialogue entre les parties (autorités,commissaires et citoyens).

• Chacun des acteurs (promoteurs, autorités et citoyens) doit être crédible.

• La procédure doit permettre une véritable pédagogie du projet soumis à consul-tation.

• Les mécanismes de participation publique doivent être liés à un système cohé-rent de planification.

• La participation publique doit permettre d’influencer la décision finale.

• Le mécanisme de participation publique doit inclure une démarche de suivisignificative.

D’autres proposent une série d’exigences afin d’assurer une participation publiqueefficace et harmonieuse, notamment par rapport aux «obligations» des gestionnairesdes processus de participation publique (Thibault, 1991). Ces exigences sont les sui-vantes :

• Les autorités doivent entreprendre ou favoriser la tenue de la consultation.

• Un moment opportun doit être déterminé pour la tenue de la consultationpublique (le plus tôt possible dans le processus de prise de décision).

• Le projet soumis à la consultation doit offrir des solutions de rechange.

• L’information diffusée ainsi que le processus de consultation doivent être clairs,honnêtes et vrais.

• La consultation doit être effectuée dans l’optique finale d’une prise de déci-sion.

• La consultation doit toujours être effectuée et demeurer accessible au public.

En définitive, il n’est pas simple de dresser les balises de la participation publique,ni d’admettre clairement la place et le rôle qu’elle devrait avoir. Beaucoup font la pro-motion de la participation publique, alors que d’autres présument que la participationpublique est une véritable «boîte de Pandore». Ces derniers craignent tout pouvoir

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accordé à la population. Il n’est pas rare de constater l’extrême méfiance des déci-deurs vis-à-vis de la perte probable de contrôle des organismes actuels de prise dedécision. Les élus, notamment, hésitent à partager le pouvoir de prendre des déci-sions avec de simples citoyens. Même des partis politiques pourtant très favorablesà une large participation du public avant leur prise du pouvoir, comme le Rassemblementdes citoyens de Montréal (RCM), avaient pris peur par rapport à l’ingérence possibledes citoyens et conséquemment avaient révisé complètement leur ancien point de vue(Vézina, 1996). Selon l’opinion de chacun au sujet des résultats anticipés de la par-ticipation publique, il pourrait en sortir le meilleur comme le pire. L’intensificationde la participation du public est vue comme une nécessité ou comme la pire des menaces.

La portée de la participation publique

L’étendue du champ d’action de la participation publique, ainsi que son influencevéritable dans la prise de décision, varie en fonction de la place qui lui est accordéedans les différentes procédures. Elle se réduit souvent à la simple information sur latenue de l’ÉIE, voire l’annonce des résultats et du rapport final, mais sans participa-tion réelle au processus d’évaluation. Dans ce cas, le public n’est qu’un acteur passifqu’on informe sommairement. Par contre, la participation peut s’effectuer activementà plusieurs moments du processus d’évaluation et par le fait même influencer le dérou-lement de l’étude. Le public participe ainsi à l’évaluation du projet en transmettantses informations, ses enjeux, ses valeurs et son interprétation de l’examen. Une par-ticipation active du public exerce une réelle influence sur l’avenir du projet.

Au Québec la participation publique à l’évaluation du projet et au processus déci-sionnel est cantonnée dans le cadre d’audiences publiques, à la suite du dépôt de l’étuded’impacts par le promoteur. Cette consultation permet une participation active descitoyens dans les limites des modalités de l’intervention qui sont fixées et connuesdes intervenants familiers avec la procédure. Ailleurs, l’ampleur de la participationdu public dépend du contexte législatif, des assises démocratiques et des traditionsparticipatives. Le contexte général sociopolitique encadre et détermine grandementla place et l’importance de la participation du public. Sans de solides assises et pra-tiques démocratiques, il est illusoire d’espérer une pleine et entière participation desdivers acteurs impliqués par le projet.

L’influence des citoyens dans le processus de décision est plus ou moins considé-rable, selon le cas. L’estimation de l’importance de la participation est difficile à mesurer,notamment parce que plusieurs aspects subjectifs entrent dans son appréciation et queselon le point de vue de l’observateur la valeur intrinsèque de la participation est variable.

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Dans une optique de démocratisation de la gestion publique, Arnstein (1969) adressé une échelle visant à mesurer le pouvoir effectif des citoyens dans les processusde participation. La figure 7.1 schématise le modèle proposé par l’auteur en 1969.

Figure 7.1

Modèle de l’échelle de participation des citoyens d’Arnstein

Source : Adapté de Arnstein, 1969, dans Vézina, 1996.

Contrôle descitoyens

Pouvoirdélégué

Partenariat

Conciliation

Consultation

Information

Thérapie

Manipulation

Pouvoir des citoyens

Pouvoir symbolique

Non-participation

Pouvoir croissant descitoyens

Selon Arnstein, citée par Vézina (1996), les huit échelons du modèle s’étendentde la simple manipulation des citoyens par les décideurs au contrôle par les citoyensdu processus de décision. Les deux premières marches, la manipulation et la «thé-rapie», représentent plutôt une non-participation des citoyens. Les trois suivantes,l’information, la consultation et la conciliation, représenteraient un pouvoir avanttout symbolique. En fait, ce n’est qu’aux trois échelons les plus élevés, partenariat,pouvoir délégué et contrôle par les citoyens, que l’auteur attribue un réel pouvoir àces derniers. Dans une telle approche, les citoyens ne participent réellement que lorsqu’ils possèdent un véritable pouvoir de décision (idem).

Outre les diverses catégories de participation possibles du public que nousvenons de voir, on peut classer le degré de pouvoir réel des participants dans la prisede décision selon le genre de réunions formelles dans lesquelles la participation dupublic s’insère. Ainsi, lors d’un affichage d’information (annonce dans les journaux),le pouvoir réel du public est fort limité comparativement à ce qu’il peut être lors d’au-diences publiques ou de comités de médiation, par exemple. Les techniques de com-munication avec le public, que nous aborderons dans la prochaine section, nous per-mettront de mieux comprendre cet aspect.

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Contexte de la négociation environnementale

En ce qui concerne le mode de fonctionnement et la préparation des participants,le défunt Bureau de consultation de Montréal (BCM), chargé jusque-là (1994) desquestions d’audiences publiques sur le territoire de la ville de Montréal, avait publiéun excellent guide pratique d’initiation à la consultation publique. Ce guide (BCM,1994) vise à préparer le public à agir efficacement dans le cadre d’un processus d’au-dience publique. Selon ce guide, la participation du public au processus d’évaluationimplique une information adéquate sur les éléments d’étude. Afin de permettre aupublic de pouvoir porter un jugement éclairé sur les implications du projet, cette infor-mation doit être disponible en temps opportun. Elle doit aussi être suffisante, com-préhensible et de qualité. Voilà qui est encore plus essentiel dans un contexte de par-ticipation active du public. Cet aspect de la participation du public soulève des questionsconcernant l’accès à l’information (permission, horaires et lieux disponibles) et la confi-dentialité de certaines données (sûreté nationale, secret de fabrication). Il faut aussiconsidérer le financement de l’implication du public. Il est parfois difficile de se déplacervers les lieux de consultation, d’avoir le temps d’examiner l’information convenablementet de préparer des questions ou de formuler des recommandations.

En pratique et afin d’être efficace, la participation du public suppose donc queles informations nécessaires à l’examen public soient disponibles. Il faut aussi que cesinformations soient accessibles, suffisantes et compréhensibles par l’ensemble des non-experts en évaluation, et ce, avant la tenue de ces consultations. La compréhensiondes non-spécialistes en ÉIE est une prémisse importante au succès de la participa-tion du public.

Enfin, la présentation finale des résultats de l’examen, habituellemnt le rapportfinal de la commission d’étude, devrait tenir compte de l’implication et des interven-tions du public, afin de favoriser la prise en compte des opinions et des commentairesexprimés dans la prise de décision éventuelle. Dans la mesure ou l’audience publiqueou toute autre forme de consultation s’insère à l’intérieur du processus d’examen duprojet (l’ÉIE proprement dite) et non pas à la suite, le rapport final doit inclure cettepartie importante de la démarche. La procédure canadienne lors des «examens indé-pendants» sous les auspices d’une commission ad hoc fonctionne de cette façon, cequi n’est pas le cas de la procédure québécoise. Ce qui importe, en définitive, c’est quele public estime qu’il peut influencer réellement les décisions; autrement, l’exercice luiparaîtra futile et il cessera de collaborer avec de tels processus de consultation, en diri-geant ses efforts vers d’autres formes de manifestation de ses intérêts et de ses opinions.

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L’audience publique

L’audience publique représente l’une des composantes essentielles de la participationpublique, sans pour autant représenter la seule forme possible de consultation de lapopulation. Nous la présentons séparément, étant donné son importance de plus enplus grande et fréquente dans les processus d’ÉIE, quoique récemment sa «lourdeur»ait été de plus en plus contestée par les entrepreneurs (promoteurs). Dans plusieurspays, elle fait partie des procédures régulières d’ÉIE, mais n’est utilisée qu’à titre excep-tionnel. Comme nous l’avons vu au chapitre trois, au Québec, l’audience publiqueest la forme officielle de consultation de la population régissant la procédure d’ÉIE.

La plupart du temps, l’audience publique s’insère dans un formalisme bien par-ticulier qui prend la forme d’une commission ou d’un comité public doté de pou-voirs quasi judiciaires. Les modalités déterminent la façon de faire selon les traditionslocales de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Selon la pro-cédure en cause, l’implication des participants tient une plus ou moins grande placeet les «responsabilités» qui leur sont octroyées varient grandement d’un endroit àun autre. Le rôle du public, et dans une certaine mesure aussi de tous les intervenantsindirectement impliqués dans la promotion du projet (autorités locales et autres admi-nistrations), est souvent limité pour plusieurs raisons. Parmi les raisons les plus cou-rantes, notons l’état d’avancement du projet qui ne permet que peu de changements,le rôle passif du public dans la gestion des affaires publiques ainsi que la complexitédu projet en cause ou celle de l’information disponible, lorsqu’il y a vraiment diffu-sion de l’information.

L’influence d’une audience publique dépend grandement du réel pouvoir de recom-mandation ou de décision qui lui est dévolu. Malgré l’importance et la crédibilité desaudiences publiques au Québec, par exemple, plusieurs décisions gouvernementalesallaient à l’encontre des conclusions de ces dernières. Mais comme nous le précisionsen ce qui concerne le rapport final d’ÉIE, le rapport d’audience publique n’est pas leseul document sur lequel s’appuie la décision ultime des autorités. De plus, dans laplupart des procédures actuelles, l’audience publique ne détient qu’un pouvoirconsultatif de recommandation et non décisionnel.

L’indépendance d’une commission publique par rapport aux différents acteurset à l’État impliqués dans le processus, comme le mode de fonctionnement des audienceselles-mêmes, est tributaire des pratiques démocratiques. Comme nous l’avons men-tionné au sujet de la participation publique, le contexte démocratique influence énor-mément les façons de faire.

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La tenue d’audience publique fait appel aux diverses techniques de participationdu public et de communication ainsi qu’à celles, parfois nécessaires, de résolution desproblèmes. Parmi ces dernières, on retrouve les techniques de négociation et de recherchede consensus. Ces aspects pratiques de la négociation environnementale ferontl’objet des deux prochaines sections («Techniques de communication» et «Typologiede résolution des problèmes»).

La participation du citoyen et la consultation publique

Le citoyen peut non seulement participer au processus officiel de consultation, l’au-dience publique, par exemple, mais il dispose aussi d’un éventail de moyens et de façonsde s’informer, de donner son opinion ou de faire des recommandations en parallèleà celui-ci. La consultation publique devrait viser à «développer un espace propice audialogue afin d’assurer une meilleure adéquation entre les attentes de la populationet les propositions des administrations et des services publics» (BCM, 1994).

Lorsque au moment de la consultation publique les décideurs n’ont pas encorefait de choix définitifs, ils sont encore disposés à être influencés de manière positive.Les citoyens qui désirent s’impliquer dans le processus de décision doivent par contrese préparer en conséquence, notamment en obtenant l’information voulue et en com-muniquant leur point de vue de façon claire et précise. Une préparation adéquate ducitoyen exige en premier lieu un minimum d’information appropriée sur le projet. Cetteinformation permet au citoyen de mieux cerner les aspects à traiter et de bien com-prendre le projet. L’information existe habituellement en quantité suffisante, mais encorefaut-il savoir la trouver. Afin de bien s’informer, le citoyen peut demander aux fonc-tionnaires responsables de l’environnement, des divers niveaux administratifs ou d’autressecteurs (aménagement, urbanisme, agriculture, culture, etc.), des informations surtout ce qui peut le toucher ou affecter sa qualité de vie. Il peut aussi poser des ques-tions aux élus lors des diverses assemblées de conseil, comités ou commissions parti-culières, ainsi que directement auprès des fonctionnaires ou des élus.

L’importance des citoyens et leur orientation dans le processus de consultationpublique nous fait parfois oublier l’autre partie prenante de la consultation, à savoirles autorités engagées dans la consultation. Ces dernières sont grandement responsables,par la préparation même de la consultation, de la bonne marche et du succès de celle-ci. En ce sens et afin de renforcer la crédibilité des procédures, certains pensent qu’ilest essentiel de se doter d’un code d’éthique afin de mieux encadrer la tenue de consul-tations publiques (BCM, 1993).

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Par ailleurs, afin d’améliorer la participation, il y aurait lieu d’accroître la prépa-ration et la formation des «décideurs» ainsi que des membres de l’administrationpublique. On suppose souvent à tort que ces intervenants ont les habilités et les com-pétences pour faire face aux citoyens lors de consultations publiques. Plusieursconfondent les aptitudes et les capacités nécessaires aux relations publiques avec cellesde la participation publique. Le peu d’expérience en ce domaine affecte aussi bienles citoyens que les autres parties prenantes aux consultations. En plus des méthodeset outils de la participation et des relations publiques, les principaux concepts et enjeuxconcernant l’environnement, la gestion de projet et la conservation de l’environne-ment devraient être évoquées dans l’indispensable formation des décideurs et inter-venants officiels. Cette préparation des autorités et des professionnels désignés lorsd’une consultation publique rehausserait l’efficacité et l’utilité du processus de par-ticipation publique (idem).

Le type de processus adopté par les décideurs afin de consulter la populationinfluence le degré d’intervention du citoyen durant la consultation. En effet, lors d’unecommission consultative, par exemple, le citoyen n’obtient le droit de poser qu’unnombre limité de questions, ce qui entraîne généralement une seule réponse par ques-tion. Dans ce cas, le citoyen a donc intérêt à bien préparer ses questions, notammenten les notant par ordre de priorité, en les clarifiant, en les précisant ou en les orien-tant selon le type de réponse voulue (précise ou générale).

Dans le cas d’une consultation publique, celle du BAPE, par exemple, le citoyenqui désire exprimer son point de vue sur l’ensemble du projet ou sur certains aspectsprécis de celui-ci peut le faire simplement en se présentant à l’assemblée publiquede consultation. L’expression de son point de vue, de ses interrogations et de ses objec-tions ou accords peut se faire soit en exprimant oralement son opinion, soit en dépo-sant un document écrit (mémoire), celui-ci pouvant aussi faire l’objet d’une présentationpublique. Ce type de processus laisse davantage de latitude au citoyen, qui a alors undroit de parole direct. Lors d’une telle consultation, le citoyen peut disposer libre-ment d’une période de temps limitée afin de demander des précisions, d’argu-menter sur le projet, de donner son opinion ou de présenter son «mémoire».

Une consultation efficace divise habituellement en deux périodes bien distinctesles questions du public et les informations du promoteur concernant le projet, d’unepart, les positions et les opinions respectives des divers intervenants, d’autre part (Leducet Pacaut, 1998). Une telle division de la consultation en deux temps permet unemeilleure préparation de tous les acteurs impliqués ainsi qu’une ambiance favorisantune plus grande efficacité de la démarche.

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Certaines consultations ne sont pas publiques; elles s’effectuent de manière indi-recte et privée. À la suite d’une information à propos du projet, souvent par l’entre-mise des médias écrits, le citoyen transmet sa position, ses questions ou ses recom-mandations par la poste. Quelques procédures emploient cette façon de faire, soit pourtous les projets d’ÉIE, sauf exception, soit pour les projets jugés mineurs quant à leurimpact sur l’environnement. La réponse du citoyen et des groupes d’intervenants estainsi formulée de manière privée, sans rencontrer directement des commissaires oudes fondés de pouvoir avec qui entretenir une certaine interaction. Cette interactionest pourtant nécessaire parfois à l’avancement des connaissances et au cheminementmenant à la recherche de solutions nouvelles, consensuelles ou de compromis.

Un mémoire est un document qui présente par écrit le point de vue du citoyensur le projet ou sur certains de ses aspects. Un citoyen est libre de transmettre orale-ment son point de vue, sans obligation de le transcrire sur papier. Aucune exigencen’est en général imposée quant à la longueur ou à la forme du mémoire. Les seulesconditions importantes sont que l’opinion se rapporte à l’objet de la consultationpublique, que les arguments y soient présentés clairement et que le document soit lisibleet compréhensible. Plusieurs guides d’intervention du citoyen orientent et informentles participants en vue d’une éventuelle consultation. Dans certains d’entre eux, onretrouve de précieux conseils sur le «comment faire» et le «comment être» ainsi qu’unedescription méthodique d’outils permettant une meilleure participation, telles que grillede lecture, grille d’écoute, etc. (BCM, 1994).

Dans tous les cas, le citoyen peut exprimer son point de vue de manière indivi-duelle ou collective, comme il peut s’étendre sur l’ensemble du projet ou uniquementsur un aspect particulier. La tâche peut être effectuée en collaboration avec d’autrespersonnes ou en collaboration avec un groupe d’intervenants. Dans ce cas, le citoyenpeut rechercher des groupes concernés (environnementaux, sociaux, communautaires,industriels ou corporatifs) ou susceptibles de l’être, ou solliciter leur appui sous uneforme quelconque: pétitions, signature conjointe du mémoire, aide à la rédaction ouprésence à l’audience (Leduc et Pacaut, 1998).

Le citoyen ou les groupes peuvent aussi utiliser d’autres moyens d’interventionou intervenir auprès d’autres intervenants que ceux identifiés auparavant, dont :

• le recours aux tribunaux afin de faire appliquer une législation ou une régle-mentation particulière, notamment par rapport à la législation sur la qualitéde l’environnement ou toute autre législation pertinente au projet ou au milieud’insertion, telle que la Loi sur les biens culturels au Québec, par exemple ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• le « lobbying» auprès d’intervenants reliés directement ou non aux questionsd’aménagement et d’environnement (commerçants, partis politiques, associationsprofessionnelles et syndicales, etc.) ;

• les demandes d’information ou la formulation de recommandations auprèsdes fonctionnaires des services municipaux ou des ministères, autres que ceuxde l’environnement ;

• la rédaction et la diffusion de lettres d’opinion ou la collaboration à des articlesdans les journaux, ou toute autre forme de transmission d’informations à tra-vers les médias ;

• le regroupement de citoyens et la formation de groupes communautaires oude protection d’un élément particulier ou à portée générale ;

• l’organisation d’une consultation publique populaire, comme c’est parfois lecas en milieu urbain (le projet de réaffectation de la gare Jean-Talon àMontréal en 1997, par exemple) (idem).

Comme dans bien d’autres domaines, les procédures officielles de consultationde la population ne constituent souvent qu’un petit maillon (la pointe de l’iceberg)dans le processus complet de «négociation» inspirant la prise de décision. En effet,la partie non officielle du processus d’ÉIE met en jeu de nombreuses discussions, «jeuxde pressions» (lobbying) et tractations de toutes sortes entre les multiples interve-nants publics et privés (les promoteurs, le gouvernement et ses mandataires, les muni-cipalités, les groupes d’intérêts, les citoyens, etc.). Ce processus non officiel, privé etsouvent confidentiel peut influencer grandement la décision finale concernant le projet.Dans certains cas, il pourrait même influer dangereusement sur l’issue finale de laprocédure officielle d’étude et de consultation publique. En conséquence, le citoyenprudent et les groupes d’intervenants avisés devraient veiller sur le déroulement desdifférentes phases de consultation et d’examen, qu’elles soient officielles ou non, afinde pouvoir défendre leurs intérêts, le cas échéant, contre les «négociations» de cer-tains autres intervenants.

Les comités de suivi et le citoyen

On peut définir un comité de suivi, aussi nommé comité de surveillance ou de vigi-lance, comme étant un comité multipartite regroupant les différents acteurs impliquéspar un projet et assurant généralement diverses fonctions de surveillance et de suivi(Leduc et André, 1999). Le rôle d’un tel comité est de faire participer activement tousles acteurs intéressés au suivi d’un projet, notamment la population concernée. En fait,cette démarche vise à trouver une «solution à la permanence des consultations

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publiques» (Villeneuve, 1998). Une telle démarche de participation active de la popu-lation à la gestion du développement repose sur le postulat que «le développementde la personne en tant qu’être fonctionnel et responsable dans une société libredépend de l’opportunité qu’a une personne de participer activement aux décisions quil’affectent de manière significative» (Bachrach, 1967, cité par Vézina, 1996).

Les trois principales fonctions d’un comité de suivi sont de veiller à la conformitédu décret, des normes et autres exigences, de recommander des mesures à l’exploi-tant (fonctionnement, atténuation) ou aux autres intervenants (ministères et muni-cipalités) et d’informer la population. Parmi les avantages de la présence d’un comitéde suivi, notons la circulation d’informations privilégiées entre les acteurs; la modi-fication de l’image de l’entreprise; la souplesse et l’adaptabilité accrue du programmede suivi; le passage d’une démarche de confrontation à celle de la collaboration; la modi-fication des pratiques et des comportements des acteurs; l’accélération des interven-tions sur le terrain et le temps de réflexion plus long pour les questions en attente ainsique l’acquisition mutuelle de connaissances nouvelles (Leduc et André, 1999).

Il existe bien sûr des limites et des contraintes à l’implantation d’un comité desuivi. Parmi les plus importantes, notons qu’il ne s’agit presque toujours que d’unpouvoir de recommandation, qui dépend de la «bonne volonté», des «possibilités»et des pressions de tous les participants ; que son pouvoir d’intervention est forte-ment limité par le pouvoir de gestion de l’entreprise et le pouvoir de contrôle des auto-rités ; que le climat de méfiance mutuelle persiste souvent et qu’enfin, le financementpour la recherche et l’intervention est limité (idem).

Les six conditions essentielles qui suivent semblent favoriser la mise en œuvreet le succès d’un comité de suivi :

• légitimité reçue des autorités ;

• représentativité et crédibilité des acteurs ;

• partage du pouvoir («véritables dialogues») ;

• fonctionnement structuré et accepté par tous («règles du jeu») ;

• maintien de l’intérêt à l’égard du projet ;

• diffusion et information publique (idem).

En conclusion à la participation du public, disons qu’il s’agit d’une épineuse etdélicate opération qui relève autant de l’efficacité des résultats obtenus grâce à elle quede questions plus fondamentales telles que l’équité et la transparence. Les droits dechacun ne sont pas nécessairement partout les mêmes. L’intérêt collectif est parfois

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difficilement perceptible dans le fatras des intérêts privés. De plus, l’intérêt collectif,particulièrement dans une vision à long terme, repose rarement sur la simple sommedes intérêts de chacun. Ici aussi le tout est plus grand que la somme des parties. Laparticipation du public n’est nullement indépendante du contexte sociopolitique d’unesociété. Par ailleurs, la participation des simples citoyens aux processus de consulta-tion semble souvent déboucher sur le recours aux experts et autres «détenteurs véri-tables d’un éco-pouvoir montant» (Lascoumes, 1994), notamment chez certainsreprésentants écologistes. Ce contexte n’étant pas toujours très favorable à la partici-pation publique, le public s’exprime donc de manière très variable, subordonné aucontexte démocratique local. C’est ainsi que la démarche de participation du publicest inégale, passant de la plus élémentaire participation, telle une simple séance d’in-formation, à la véritable consultation des citoyens, notamment à travers une audienceparticipative. Pourtant, la prise en compte de la participation publique est unedemande expresse du rapport Brundtland (CMED, 1988) et de la plupart des législa-tions actuellement en vigueur ainsi que des directives récentes des grands bailleurs defonds internationaux.

La participation active de la population à la vie politique, tout particulièrementdans le domaine de l’évaluation d’impacts, devra déborder quelque peu les possibi-lités actuellement offertes dans nos sociétés, afin de ne plus demeurer, comme c’esttrop souvent le cas actuellement, qu’une suite de complaisants «vœux pieux». En consé-quence, il faudra donc étendre et assouplir les pratiques de la «vie démocratique»de la plupart sinon de la totalité des États de la planète. Éventuellement, sans doute,une véritable participation des citoyens s’élèvera au-dessus de la simple consultationde certains.

TECHNIQUES DE COMMUNICATION

La participation du public, comme la présentation du rapport final d’ailleurs, fait appelaux diverses techniques de communication. Parmi l’ensemble de ces techniques, cesont surtout celles de consultation et de participation avec le public qui nous inté-ressent en évaluation des impacts environnementaux.

L’un des grands problèmes de communication en ÉIE, c’est la grande diversitédes acteurs en présence et toutes les conséquences qui en découlent. En effet, commel’affirmait Dron (1995) : «en général, les acteurs en présence n’ont pas appris le lan-gage de leurs interlocuteurs et ne reconnaissent pas la légitimité de leurs représen-tations : c’est ce que certains ont appelé la nécessité du zéro mépris.»

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Contexte de la négociation environnementale

Comme toute présentation ou communication rigoureuse de résultats, le rap-port final d’ÉIE, de même que les différents rapports préliminaires, selon le cas, doittenir compte d’un certain nombre de paramètres. La communication nécessited’abord la présence de trois éléments indissociables pour pouvoir être efficace et ilexiste au moins deux grands types de communication. Ainsi :

• la transmission d’information requiert trois éléments :

– l’émetteur, c’est-à-dire celui ou ceux qui transmettent l’information;

– le médium, à savoir le moyen physique par lequel circule l’information (rap-port écrit ou oral et moyens de communication divers) ;

– le récepteur, celui ou ceux qui reçoivent l’information transmise de l’émet-teur par le médium; il faudrait particulièrement en connaître les limites etles attentes ;

• il existe deux grandes catégories de communication:

– la communication différée, préparée à l’avance et transmise ensuite sousune forme quelconque, par exemple un rapport écrit ;

– la communication directe, que le récepteur reçoit directement en présencede l’émetteur ; c’est le cas notamment en audience publique.

Le tableau 7.2 montre diverses techniques de communication avec le public. Letableau présente une analyse comparative de 24 différentes techniques de commu-nication et de participation du public. Ces techniques couvrent un large éventail d’in-terventions possibles, de l’audience publique à la révision du rapport d’ÉIE par le public,en passant par les réunions d’information, les expositions et les groupes de travail.L’ampleur de l’implication du public est fort variable, selon les techniques employées.

L’auteur du tableau (Bishop, 1973, repris par Sadar et coll., 1996) évalue pour cha-cune des techniques présentées les caractéristiques de la communication et les objec-tifs de la planification. Cette grille d’analyse est en rapport avec les ressourceshydriques, mais peut très bien être transposée pour tout type de projet. Les princi-pales caractéristiques de la communication sont mises en rapport avec les objectifsde planification. Parmi les caractéristiques de la communication, on retrouve le niveaude contact avec le public, la capacité de traiter d’intérêts spécifiques et le niveau dedialogue. Chacune de ces caractéristiques est évaluée sur une échelle de valeur(faible, moyenne et élevée).

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L’évaluation des impacts environnementaux

Tableau 7.2

Techniques de communication avec le public

2 1 1 Audiences publiques X X

2 1 2 Séances publiques X X X

1 2 3 Réunions non officielles de petits groupes X X X X X X

2 1 2 Réunions d’information du public X

1 2 2 Exposés à l’organisation communautaire X X X

1 3 3 Colloques de coordination de l’information X X

1 2 1 Bureaux sur le champ d’opérations X X X X

1 3 3 Visites de planification locale X X X

1 3 1 Recours collectif en justice X X X X

2 2 1 Brochures et dépliants publicitaires X

1 3 3 Excursions sur le terrain et visites de sites X X

3 1 2 Expositions destinées au public X X X

2 1 2 Démonstrations de modèles X X X X

3 1 1 Documents destinés aux mass media X

1 3 2 Réponse aux demandes du public X

3 1 1 Communiqués de presse suscitant commentaires X X

1 3 1 Lettres de demande de commentaires X X

1 3 3 Groupes de travail X X X X X

1 3 3 Comités consultatifs X X X X

1 3 3 Groupes spéciaux de travail X X X

1 3 3 Embauche de la population locale X X X

1 3 3 Défenseurs des intérêts communautaires X X X

1 3 3 Ombudsman ou son délégué X X X X X

2 3 1 Révision par le public du rapport d’évaluationdes impacts sur l’environnement X X X X X X

1 = FAIBLE 2 = MOYEN 3 = ÉLEVÉ X = CAPACITÉSource : Traduit et adapté de Sadar et coll., 1994

Participation du public/Techniques de communication

Caractéristiques dela communication

Objectifs de la planification

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Contexte de la négociation environnementale

Télédiffusion des audiences publiques

L’audience publique est une pratique de participation ouverte et interactive, mais ellene touche directement que les personnes présentes dans la salle d’audience. Bien sûr, ladiffusion ultérieure du rapport peut toucher un grand nombre d’individus, parfois fortéloignés des lieux de la réunion. Ces derniers, toutefois, ne peuvent plus interagir avecles participants de l’audience et forcément influencer la rédaction du rapport et l’éven-tuelle décision.

Afin d’élargir l’auditoire des audiences tenues dans diverses communautés locales, éloi-gnées des grands centres, les membres de la Commission du Bureau d’audiencespubliques sur l’environnement (BAPE), chargée d’examiner le programme de pulvéri-sation des forêts québécoises, en 1983, envisagèrent la télédiffusion des débats à la gran-deur du Québec (BAPE, 1983). Même si la télédiffusion des audiences fut transmise surle réseau d’une télévision communautaire (Télé-université), le nombre d’auditeurs aug-menta considérablement et les gens de l’extérieur du lieu d’audience pouvaient posereux aussi des questions aux membres de la Commission.

Un certain nombre d’audiences publiques tenues sous l’égide du Bureau de consulta-tion de Montréal (BCM) au cours des années 1980 et 1990 furent elles aussi diffuséessur les ondes d’une télévision communautaire de Montréal, afin d’élargir la diffusionde l’information sur des projets de développement urbain. Cette expérience fut récem-ment reprise (été 1999) avec la télédiffusion des audiences publiques sur la gestion del’eau au Québec, de nouveau sous les auspices du BAPE.

Les moyens imposants mis en œuvre ici afin de diffuser l’information sont à mettre enparallèle avec ceux que nous examinerons plus loin à propos du « flanellographe» (pro-chain encadré). Néanmoins, mis à part l’écart entre les techniques employées dans chaquecas, il est important de noter l’adaptation des «évaluateurs» aux moyens et ressourcesdu milieu afin de favoriser la participation de la population dans la gestion environ-nementale du développement de leur société.

Selon l’ampleur ou la nature du projet à l’étude, l’emploi d’une ou de plusieursdes techniques de communication peut être recommandé. Dans le cadre de petits pro-jets, des contacts informels avec les divers intervenants peuvent suppléer à l’emploide moyens plus considérables de communication. Par contre, dans le cas de grandsprojets, la publication de brochures d’information accompagnant des séances d’in-formation est la plupart du temps nécessaire. Les objectifs de la planification pour-suivis par les auteurs de la démarche sont l’information/éducation, la déterminationdes problèmes/valeurs et des idées/solutions, les réactions, l’évaluation et la résolu-tion de différends/unanimité. Le tableau spécifie si chaque technique peut y répondre(capacité) ou non. Grâce à une telle grille d’intervention, il est relativement simple

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L’évaluation des impacts environnementaux

d’examiner les diverses techniques de communication et de déterminer ensuite cellequi offrira le plus de satisfaction par rapport à un besoin quelconque de communi-cation. Il peut s’agir d’un besoin déterminé principalement par le contexte administratif(obligation légale), ou par les moyens et les ressources en présence, ou encore en fonc-tion du temps disponible.

Le «flanellographe», outil «traditionnel» de communication

La diffusion et la vulgarisation de l’information, auprès d’une population peu fami-lière avec les techniques modernes et de surcroît analphabète, posent parfois des pro-blèmes aux «communicateurs» faisant un usage exclusif des technologies modernes decommunication. Pourtant, certains outils et moyens de communication relativement simpleset rudimentaires peuvent être employés afin de rendre accessible aux populationsconcernées l’information de base pourtant indispensable à leur participation. L’emploide techniques de communication accessibles au public cible n’est qu’une des facettes del’adaptation des évaluateurs chargés de l’étude par rapport au milieu d’insertion du projet.

C’est ainsi que dans le cas d’un projet minier à Madagascar, l’équipe d’évaluateurs aadapté des techniques traditionnelles de communication à sa démarche de participa-tion des populations locales à l’évaluation du projet. Cette démarche, nommée « fla-nellographe», a l’avantage de pouvoir transmettre une information accessible grâce àdes procédés simples, progressifs, interactifs et accueillants, à partir des savoirs traditionnelsdes populations concernées.

Le flanellographe est à mi-chemin entre les techniques artistiques de la scène et le dessinprimitif. Il consiste essentiellement en l’utilisation de morceaux de flanelle, représen-tant grossièrement les éléments de l’environnement et les composantes du projet à pré-senter, qu’on pose sur une toile tendue, elle-même en flanelle. La démarche est progressiveet interactive, en ce sens qu’elle se déploie selon l’avancement de la compréhension desauditeurs en présence.

Sans de tels procédés de communication, il est illusoire de croire possible une réelle par-ticipation des populations concernées, notamment à cause de l’incompréhension du lan-gage courant et technique ainsi que des réalités et des conséquences des infrastructuresprojetées. De tels outils rudimentaires de communication peuvent être employés un peupartout, mais particulièrement sur les lieux mêmes d’implantation de futur projet etauprès des populations locales.

Source : Revéret, 1999.

Les nouvelles techniques audiovisuelles, notamment par l’entremise des multiplesréseaux de communication comme la télévision, le téléphone et plus récemment l’or-dinateur, viennent compléter la panoplie des moyens de communication en ÉIE. En

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Contexte de la négociation environnementale

parallèle, ou plutôt en contrepartie, des techniques anciennes et des applications nou-velles apportent le soutien nécessaire à la communication dans des cas bien particu-liers. C’est ainsi que pour transmettre l’information à des populations analphabètesou très peu familières avec les techniques modernes de communication, l’emploi d’émis-sions de radio accessibles au grand public ou d’affiches symboliques interprétant lesaspects essentiels du projet d’étude sont des moyens efficaces d’information. Dans cer-tains cas on fera intervenir les représentations «théâtrales», voire les jeux de rôle adaptésaux coutumes locales de communication.

TYPOLOGIE DE RÉSOLUTION DES PROBLÈMES

La résolution des problèmes n’est pas souvent incluse dans le processus même d’éva-luation. Elle s’avère néanmoins un excellent outil de solution face aux divers conflitsqui peuvent survenir. Elle représente parfois une voie privilégiée de dénouement faceà l’adhésion des différents acteurs concernant les principaux enjeux environnemen-taux que présente un projet. Il ne faudrait donc pas cantonner les techniques de réso-lution de problèmes à l’extérieur de la sphère d’intervention de l’ÉIE. Elles ne serventpas uniquement à faire face à des controverses sérieuses déjà établies, mais aussi à enprévenir d’éventuelles.

L’environnement est un lieu d’émergence de nombreux conflits, notamment parcequ’on y retrouve de nombreuses questions sans réponse. De plus, ces questions nonrésolues sont issues autant du domaine de la science et de la technique que du poli-tique (idéologique, éthique et social).Afin de mieux reconnaître la spécificité des «conflitsenvironnementaux», Beauchamp (1996) en énonce les caractéristiques suivantes :

• Les problèmes sont souvent mal définis et difficilement isolables.

• Les protagonistes sont nombreux et aux intérêts multiples.

• L’intérêt commun est constamment invoqué comme une «instance critique».

• Les conflits dépassent constamment les dimensions techniques.

• Les principes, les valeurs et les croyances y sont omniprésents.

• L’horizon de temps déborde l’ordre habituel de référence.

• Le contrôle de la zone d’ignorance est difficilement estimable.

Dans un tel contexte, il semble opportun de pouvoir bénéficier d’une motiva-tion mutuelle des parties à la résolution des divergences et des insatisfactions, voiredes conflits eux-mêmes. Afin de parvenir à une issue favorable dans plusieursconflits, il faut que les acteurs impliqués dans une démarche de résolution présument

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L’évaluation des impacts environnementaux

que l’atteinte d’un «compromis demande une volonté de compréhension réci-proque et des concessions mutuelles d’ordre privé pour obtenir un bénéfice public»(Dron, 1995).

Les sources de conflit en environnement sont multiples. Il existe plusieurs typesde problèmes ou de conflits possibles. On peut les regrouper en quatre grandes caté-gories, selon la «nature» des conflits en cause: la compréhension différente de la situa-tion, les divergences de jugements de valeurs, les conflits d’intérêts et, enfin, les rela-tions interpersonnelles conflictuelles (Canter, 1996).

La résolution des problèmes ne signifie pas nécessairement l’évitement desoppositions, des confrontations, voire des conflits. En effet, il ne s’agit pas de s’en-fermer dans une recherche désespérée de la convergence des idées, des intérêts et desattentes de tous les acteurs impliqués. Bien au contraire, une telle attitude ne feraitque masquer certains problèmes et le désintéressement de plusieurs réalités essen-tielles. Une conception restrictive de la divergence et des oppositions entraîne unemauvaise évaluation des problèmes et par le fait même élimine souvent les solutionsles plus appropriées. Comme l’affirmait de nouveau Dron (1995) : «C’est grâce auxconfrontations des savoirs que progressent la connaissance commune et son degréde pertinence, à condition de pouvoir organiser l’expression des divers points de vueet instaurer un mode clair et consensuel de concertation.»

Le tableau 7.3 présente une typologie des techniques ou méthodes de résolutiondes conflits ou des problèmes en environnement. Chacun des cinq types présentésdans cette typologie est défini et accompagné d’un exemple. De l’anticipation des conflitsà l’arbitrage, en passant par l’approche «résolutive conjointe», la médiation et le «déve-loppement de politiques», les divers outils de résolution des conflits sont préventifsou plutôt judiciaires (Westman, 1985).

Il existe des conditions minimales à l’emploi des techniques de résolution des pro-blèmes. Selon Canter (1996), ces conditions minimales requises sont :

• la motivation mutuelle à négocier ;

• la détention d’un pouvoir sensiblement comparable ;

• l’acceptation des risques de rupture du processus ;

• la présence d’une autorité crédible (conciliateur) ;

• un minimum de questions en litige ;

• un processus contrôlé.

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Contexte de la négociation environnementale

Tableau 7.3

Typologie de résolution de conflits en environnement

Type Définition Exemples

Anticipation Un tiers relève les litiges potentiels Les processus d’examen préalabledu conflit avant que les positions adverses ne soient des études d’impacts décèlent les

entièrement déterminées. problèmes possibles et les groupesaffectés.

Approche Les rencontres de groupe clarifient et Ateliers structurés; comités consultatifsrésolutive peuvent résoudre les problèmes et les de citoyens sur la planificationconjointe différends. Les ententes sont informelles. environnementale; évaluation

environnementale souple.

Médiation Négociations formelles entre les Rencontres techniques afin de rechercherreprésentants. Le médiateur facilite mais une solution au conflit ; le médiateurn’impose pas le règlement du conflit. utilise une variété de techniques de

négociation et de médiation.

Développement Rencontres pour discuter et résoudre les Comités consultatifs intersectoriels ;de politiques différends entre les agences en conflit ; rencontres ad hoc entre les membres des

les résultats sont à titre consultatif pour différentes agences gouvernementales.les services officiels qui préparent les politiques.

Arbitrage Les arguments formels sont présentés Contrat d’arbitrage sur la gestion dupar les parties adverses; l’arbitre impose travail ; audiences dans un tribunalle règlement auquel les parties avaient d’arbitrage.préalablement convenu de se conformer.

Source : Traduit et adapté de Westman, 1985.

La résolution des conflits en évaluation environnementale n’est pas uniquementune démarche de résolution des problèmes, même si cette fonction demeure très impor-tante. Elle est aussi, et sans doute de plus en plus, une démarche d’anticipation desconflits et de recherche de compromis. En ce sens, elle représente une manière de pla-nifier la confrontation d’intérêts ou d’enjeux divergents. C’est ainsi que l’«anticipa-tion de conflits», l’approche «résolutive conjointe» et le «développement des poli-tiques» visent à anticiper et à prévenir tout durcissement des opinions, ce qui évitepar la suite l’implantation de conflits durables entre certains acteurs impliqués dansle processus. Ces conflits pourraient même perdurer et se poursuivre lors de l’examendes autres projets d’un même promoteur ou de tout autre projet.

Les diverses techniques ou démarches de résolution de conflits peuvent aussi per-mettre la médiation ainsi que l’arbitrage. La médiation est une démarche de mieuxen mieux perçue comme voie de solution de certains conflits en environnement. Àcet effet, la médiation en tant que processus de négociation a fait l’objet d’un inté-ressant rapport d’étude de la part du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement(BAPE) (BAPE, 1994a). La médiation se substitue bien souvent et de plus en plus àl’arbitrage, un processus judiciaire souvent lourd et peu adapté au contexte

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L’évaluation des impacts environnementaux

environnemental généralement complexe et incertain. Comme nous l’avons vu aucours du chapitre consacré à l’examen de la législation canadienne et québécoise enévaluation d’impacts, la médiation devrait faire partie de la future procédure du Québec,comme elle fait désormais partie de la nouvelle procédure fédérale canadienne. Enpratique, elle devrait jouer un rôle complémentaire aux audiences publiques dans cer-taines circonstances et selon des limites précises.

Les démarches de résolution des conflits peuvent aussi s’appuyer sur les servicesdes techniques de communication ayant recours au dialogue. Les démarches faisantappel au dialogue, la tenue de réunions de discussion, par exemple, permettent autantde déterminer les intérêts, les valeurs et les attentes des divers intervenants (acteurs)dans le processus que d’accéder à une certaine recherche de solution du fait du par-tage même de ces particularités. Par surcroît, la plupart des techniques de résolutiondes conflits, que ce soit dans la résolution des problèmes ou plus spécifiquement dansla médiation, ont grandement recours au dialogue.

Consultation ou manifestation publiques

Le peu de cas fait à la consultation des populations avant la mise en œuvre d’un projetentraîne souvent du mécontentement et parfois des oppositions marquées. Ce fut le casd’un projet routier fort contesté à Cuenca (Équateur) au milieu des années 1990. Laconsultation tardive des populations concernées, alors que le tracé était «définitivement»approuvé, entraîna des suites inattendues par le promoteur, l’État, en l’occurrence. Commec’est trop souvent le cas, même les gens directement concernés par l’implantation desinfrastructures routières, notamment la plupart des propriétaires ou « locataires» desterrains touchés, n’avaient pas été informés ouvertement à l’avance.

Le patrimoine artisanal et agricole de la région ainsi que la sécurité des gens en bor-dure de la route nationale projetée étaient des éléments fortement valorisés par la popu-lation locale. Le promoteur croyait sans doute passer outre les intérêts de cette dernièreau nom de l’intérêt général des futurs utilisateurs routiers. Dès le début des travaux,diverses manifestations vinrent en perturber la bonne marche. Puis les moyens de pres-sion des citoyens prirent de l’ampleur et une manifestation publique importanteentraîna l’arrêt des opérations et la tenue d’une consultation publique sur les optionspossibles au projet en cours.

La consultation permit la recherche de nouvelles variantes au tracé routier, notammentgrâce aux connaissances étonnantes et systématiques, voire systémiques, de plusieurs cul-tivateurs et habitants du coin. Des solutions nouvelles à la meilleure satisfaction des citoyenstouchés furent finalement approuvées, notamment la sélection d’un troisième tracé pourl’infrastructure routière en substitution des deux qui avaient été examinés dans un pre-mier temps par le promoteur.

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Contexte de la négociation environnementale

Dans le contexte de la résolution des problèmes et des conflits en environnement,il est parfois fort utile et rarement superflu de permettre la mise en évidence des cri-tères sous-jacents aux prises de position des divers intervenants. Les intérêts personnels,qu’ils soient plus ou moins intéressés, les jugements de valeurs, explicites ou non, etles opinions bien arrêtées, ainsi que les attentes distinctes des divers intervenants, gagnentsouvent à être explicitement connus. Les méthodes multicritères font d’ailleurs appelà plusieurs de ces critères implicites de toute évaluation d’impacts (Simos, 1990).L’objectif poursuivi par l’ensemble de ces techniques de résolution de problèmes demeurela conciliation d’intérêts divergents par la recherche d’un compromis ou d’unconsensus acceptable pour tous les intervenants. Le processus même des démarchesd’analyse multicritères se fonde d’ailleurs sur ces prémisses.

Finalement, les différentes démarches de résolution de conflits sont presque tou-jours intimement liées et employées parfois successivement. De plus, lors de la réso-lution des conflits, la formulation de mesures de compensation, acceptables par tousou imposées comme telles, représente une intéressante voie de solution. La mise enplace de mesures de compensation est en fait le recours ultime afin de minimiser lesimpacts résiduels du projet. Leur intervention permet bien souvent de trouver unesolution satisfaisante à plusieurs des problèmes soulevés par l’évaluation des impactsenvironnementaux.

La médiation environnementale

La médiation est l’une des techniques particulières de résolution des problèmes. Elleest employée lorsqu’il existe un nombre relativement restreint d’intervenants. Elle repré-sente actuellement l’une des nouveautés en évaluation des impacts environnemen-taux. La future Loi québécoise sur la procédure d’ÉIE, comme ses homologues cana-dienne et américaine, devrait en faire explicitement mention.

La médiation environnementale est l’un des mécanismes de participation du publicen plein développement un peu partout dans les pays industrialisés. Il s’agit plus pré-cisément d’une des techniques de négociation et de recherche de consensus. Telle qu’em-ployée actuellement ou en voie de l’être, la médiation remplace ou complète les grandsforums de consultation publique telle que l’audience publique. La médiation estemployée lorsqu’il existe des litiges entre certains acteurs impliqués dans le processusd’ÉIE. Certains auteurs s’opposent cependant au pragmatisme américain en coursdans la négociation environnementale et, en conséquence, ne conçoivent pas lamédiation comme l’un des mécanismes de résolution des conflits (Six, 1995).

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L’évaluation des impacts environnementaux

La médiation est une démarche particulière de négociation privée. Au Québec,le ministre de l’Environnement peut choisir de tenir une médiation plutôt qu’uneaudience publique. Les échanges à huis clos sont limités aux représentants du pro-moteur et à quelques acteurs ayant manifesté des inquiétudes ou des objections à proposdu projet. Ces deux parties se retrouvent engagées dans une démarche de résolutiondes problèmes sous la coordination d’un tiers, le médiateur.

Afin de pouvoir obtenir un accord entre les parties impliquées, habituellementsous la forme d’un compromis, voire à l’occasion à la suite d’un consensus, le litigene devrait pas mettre en cause le bien-fondé même du projet. Ces litiges négociablesentre les parties devraient en conséquence être mineurs et ne concerner que des pointsbien particuliers de l’étude ou du projet. Il est un peu présomptueux de croire pos-sible un accord à partir d’une divergence profonde quant à la justification du projet,par exemple. Lors de tels affrontements, la médiation ne semble constituer qu’un exer-cice impossible, le désaccord étant trop grand ou trop complet. Dans ce cas, la média-tion environnementale ne peut efficacement se substituer aux audiences publiques,même si le nombre réduit des intervenants pourrait l’y inciter.

Médiation ou audience publique

Tous les mandats de médiation n’aboutissent pas à une entente de médiation. Pour demultiples raisons, notamment sur des questions de fond comme la justification mêmedu projet, il est parfois impossible de cheminer vers une entente entre les parties pre-nantes.

C’est ainsi qu’une commission mandatée en 1994 par le Bureau d’audiences publiquessur l’environnement (BAPE) afin de réaliser une médiation dans le cas d’un projet d’agran-dissement d’un site d’enfouissement sanitaire en banlieue de Montréal (Lachenaie) concluaitson rapport sur l’impossibilité d’en arriver à une entente. Le rapport de la commissionconcluait qu’il «était impossible d’entreprendre une démarche de médiation et qu’enraison de la dynamique qui caractérise ce dossier et des préoccupations dont il fait l’objet,il devrait être examiné dans le cadre d’une audience publique» (BAPE, 1994b).

En conséquence, le projet contesté fut examiné en audience publique l’année suivante(1995). La nouvelle commission déposa un rapport favorable au promoteur, avec tou-tefois un certain nombre de recommandations et de mesures d’atténuation supplémentairesà celles prévues dans l’ÉIE (BAPE, 1995b).

Source : Rapports du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE),(BAPE, 1994b et 1995b).

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Contexte de la négociation environnementale

La médiation environnementale suppose bien sûr une participation active desintervenants présents, mais à l’abri du regard public. L’influence et les habilités res-pectives des acteurs impliqués dans la procédure de médiation sont très variables, maisleurs attitudes et leurs comportements les uns vis-à-vis des autres sont aussi impor-tants pour l’issue de l’expérience et de l’accord possible.

Dans la procédure québécoise, la médiation se divise en trois phases : une pre-mière phase informative, regroupant les requérants et le promoteur ; une deuxièmephase d’analyse et de consentement à la médiation; et, finalement, une troisième phase,celle de la médiation proprement dite (Renaud, 1994). La troisième phase de la média-tion vise la recherche d’une solution satisfaisante pour les parties en cause. Le rôledu médiateur est de faciliter cette recherche de solution. Lorsqu’il y a entente entreles acteurs, les requérants retirent leur demande d’audience publique et la prise dedécision peut intervenir. Dans le cas contraire, lorsque la médiation échoue, la pro-cédure habituelle devrait s’accomplir, à savoir par la tenue d’une audience publique.

Multiples ententes de médiation

Lors d’un mandat de médiation, le résultat n’est pas toujours aussi négatif que dansl’exemple que nous donnions dans le précédent encadré. Dans un dossier similaire d’en-fouissement sanitaire, une entente de médiation est intervenue tout récemment (1999)sous l’égide de la Commission du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement(BAPE) mandatée à cet effet.

Le commissaire médiateur du BAPE favorisa l’entente intervenue entre le promoteur(la municipalité de Gaspé) et les trois requérants (une représentante d’un propriétairetouché, un groupe local communautaire et un groupe écologiste provincial). Desréunions communes ou séparées furent tenues entre le 17 novembre 1998 et le 28 jan-vier 1999, date de la dernière réunion annonçant l’entente (BAPE, 1999).

L’entente en question est constituée en fait de dix-huit ententes particulières entre lesparties impliquées. Certaines ne concernent qu’un seul requérant, notamment le pro-priétaire touché, alors que d’autres portent la signature des deux autres requérants ainsibien entendu que celle de la municipalité concernée (idem). À titre d’exemple, les ententesparticulières ont rapport à la quantité de déchets pouvant être enfouis, à l’interdictionde l’emploi de biocides, à l’élaboration du programme de suivi et de contrôle ainsi qu’auremplacement d’un chemin forestier existant.

Source : Rapports du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE),(BAPE, 1999).

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L’évaluation des impacts environnementaux

Comme l’affirme Beauchamp (1996), une telle interprétation du rôle de lanégociation dans la procédure québécoise est assez restrictive. En effet, seuls les requé-rants d’audience publique sont invités à joindre les parties impliquées dans le pro-cessus de médiation. Voilà qui limite donc la participation publique par rapport à lasituation de l’audience publique, qui est ouverte à tous.

Par ailleurs, le pouvoir d’enquête du médiateur, un pouvoir quasi judiciaire dansla procédure québécoise, restreint parfois la portée de la médiation comme processusvolontaire de négociation. Dans ce sens, certains recommandent que le processus demédiation s’applique à l’extérieur des organismes gouvernementaux, comme leBAPE, afin d’acquérir plus de souplesse et d’éviter toute confusion avec l’audiencepublique (idem).

L’étude des cas de médiation dans la procédure québécoise au cours des dix der-nières années aboutit bien entendu à la conclusion que cette démarche de résolutiondes conflits «est restreinte à la négociation d’enjeux environnementaux limités entreles représentants du décideur, ceux du promoteur et ceux des publics concernés»(Gauthier, 1998). Compte tenu de ces évidentes restrictions, la médiation ne peut doncse substituer aux audiences publiques que dans un nombre de cas très limité.

En définitive, la médiation vise la recherche de solutions dans la gestion de conflitsmineurs déjà existants et reconnus comme tels par un certain nombre d’acteurs impli-qués dans l’examen d’un projet. La procédure de médiation fait appel à la partici-pation active de ces acteurs, et ce, dans une démarche de recherche active d’un accord.L’accord éventuel obtenu entre les parties, favorisé par l’intervention du médiateur,est parfois le résultat d’un consensus, mais la plupart du temps il est le fruit d’un com-promis acceptable. La médiation représente une option valable aux méthodes tradi-tionnelles de résolution de conflits, telles que l’arbitrage judiciaire ou les recours auxtribunaux, dans les cas de litiges ne portant pas sur le bien-fondé du projet lui-même.

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8Chapitre

Modification du projet et mesures d’atténuation

des impacts

un des trois objectifs de l’ÉIE, à savoir la minimisation de l’impact environne-mental des projets de développement, se concrétise avant tout grâce aux divers

moyens d’intervention que nous allons examiner au cours de ce chapitre. Les aspectsque nous abordons ici concernent surtout le niveau technique d’examen. Toutefois,les aspects scientifiques, notamment les résultats du suivi, et les orientations politiques,particulièrement en ce qui concerne la sélection d’options ainsi que les mesures decompensation, s’insèrent continuellement entre les éléments techniques.

De la modification du projet initial au suivi qui lui succédera éventuellement,les divers moyens de réduire l’impact environnemental sont intimement liés. Il n’estdonc pas facile de distinguer toujours si une action donnée représente une mesured’atténuation ou une modification au projet. Ainsi, les efforts du début (modifica-tion et correctifs) permettent en effet de réduire la nécessité de ceux qui seraient autre-ment nécessaires par la suite (mesures d’atténuation et de compensation). De la mêmemanière, l’emploi de la compensation et du suivi s’en trouvent réduit lorsque l’atté-nuation des impacts est significative. Par ailleurs, moins la phase d’élaboration d’unprojet aura incorporé les questions environnementales, plus les modifications, les cor-rectifs, les solutions de rechange, les variantes ainsi que les mesures d’atténuation, decompensation et de suivi seront nécessaires. Dans de tels cas, l’évaluation environ-nementale devra faire usage d’un large éventail de tels moyens afin de réduire les impacts

L’

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L’évaluation des impacts environnementaux

appréhendés d’un projet. À l’inverse, plus tôt seront intégrés les aspects environne-mentaux dans l’élaboration d’un projet, par des modifications et des correctifs ainsiqu’un choix judicieux d’options, moins deviendront nécessaires les choix de variantes,les mesures d’atténuation et de compensation.

La figure 8.1 montre la place et les liens entre les six moyens de réduire l’impactenvironnemental d’un projet. Les mesures de modification et les correctifs concernentle projet, c’est-à-dire l’activité humaine perturbatrice. Par contre, les mesures de com-pensation, ainsi qu’une bonne part des mesures d’atténuation et de suivi, ne s’appliquentqu’aux éléments de l’environnement. Finalement, la sélection des solutions derechange et des variantes ainsi que l’autre partie des mesures d’atténuation et de suivise retrouvent à l’interface des deux «mondes», à savoir autant du côté du projet quede celui de l’environnement1.

Figure 8.1

Représentation schématique des divers moyens de réduire l’impact

Projet

Modification du projet Correctifs au projet

VariantesSolutions de rechange

Mesures d’atténuation

Inspection et suivi

Mesures de compensation

Sélection d’options

1. L’organisation des différentes actions présentées dans la figure 8.1 pourrait être modifiée en dépla-çant certaines d’entre elles vers le haut ou le bas du schéma. Nous croyons cependant que l’agen-cement présenté ici correspond à l’ordre probable d’application des actions dans la plupart des casà l’heure actuelle.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

MODIFICATION DU PROJET INITIAL

La simple présence d’une procédure d’ÉIE constitue un incitatif à la prise en comptede l’environnement dans la plupart des projets. Il semble en effet que la crainte dedevoir faire face au processus d’évaluation influence l’élaboration initiale ainsi quecertaines composantes et activités des projets de développement. La mise en place deprocédures environnementales corporatives, une politique environnementale del’entreprise, par exemple, ainsi que les exigences environnementales des bailleurs defonds influencent aussi dans le même sens les promoteurs des futurs projets.

Assez souvent, lorsque débute l’élaboration d’un projet, les préoccupations envi-ronnementales ne sont pas incluses aux côtés des préoccupations techniques etfinancières. L’environnement est parfois présent lors des premières étapes d’élabo-ration, mais c’est parce qu’il interfère soit avec la technique, soit avec les finances. Laconception des projets n’a que très rarement intégré l’environnement dans ses tâchesinitiales. De plus en plus, cependant, la prise en compte des aspects environnemen-taux survient dès les premières étapes d’élaboration du projet par le promoteur. Enconséquence, leur intégration dans le projet n’est plus perçue comme une étape sup-plémentaire de réalisation. Cette intégration précoce de l’environnement entraîne parle fait même des délais et des coûts supplémentaires de moins en moins importants.Mais, encore trop souvent, les préoccupations environnementales occupent uneplace secondaire, et leur rôle dans la conception des projets est fortement réduit. Lorsquel’intervention de l’environnement se manifeste en aval de l’élaboration d’un projet,il devient parfois difficile d’intégrer des modifications sans trop remettre en causeles aspects techniques et financiers. Il est donc dans l’intérêt même des préoccupa-tions environnementales que leur intégration dans la conception des projets s’effectuele plus tôt et le plus librement possible. D’autant plus que l’expérience acquisedepuis les débuts de l’ÉIE permet souvent de connaître à l’avance plusieurs des com-posantes et des activités susceptibles d’amélioration ou de correction. Par contre, plusle projet sera parachevé et plus seront élevées les barrières à leur incorporation.

En général, la conception des projets est très avancée lorsque l’environnementintervient ; seule la modification du projet initial devient alors envisageable, dans unpremier temps. Les modifications possibles sont très variables selon la nature du projetet l’ampleur des opérations ou des composantes. Les procédés de fabrication, la qua-lité des intrants dans la production, l’ampleur des opérations ou de la production,les délais ou la durée des opérations, la gestion des rejets et les techniques de dépol-lution sont des exemples des modifications qui peuvent être apportées.

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L’évaluation des impacts environnementaux

À mesure qu’avance la conception détaillée d’un projet, les possibilités de modi-fications subséquentes s’amenuisent. Il ne restera finalement possibles que de légerscorrectifs à effectuer. Néanmoins, les modifications apportées au projet initial, et ilen sera de même des correctifs, permettront d’éliminer à la source d’éventuelsimpacts, éliminant du fait même l’emploi de coûteuses mesures d’atténuation ou decompensation ainsi que des options indésirables.

Modification d’un projet au Burkina Faso

Dans le nouvel esprit d’intégration des questions environnementales à l’élaboration ini-tiale des projets, le récent projet d’approvisionnement en eau potable de la ville deOuagadougou (Burkina Faso) est un exemple éloquent.

La coopération entre les ingénieurs, les économistes et l’équipe d’évaluateurs d’impactspour l’évaluation du projet a permis de mieux ajuster les composantes techniques avecles besoins réels et les conséquences environnementales. La préparation de l’étude d’im-pacts dans un processus parallèle aux autres nécessités de préparation du projet (tech-nique et financière) aurait permis, selon les experts de la Banque mondiale, de réduirede 25% les surfaces inondées, de diminuer les relocalisations involontaires et d’amoin-drir d’autres impacts.

Source : Goodland et Mercier, 1999.

Quoique des modifications importantes soient parfois apportées à certains pro-jets, comme dans le cas de la transformation de la ligne aérienne transfluvialeGrondines-Lotbinière (projet d’Hydro-Québec) en une ligne sous-fluviale en tunnel,l’exercice de la modification d’un projet est plutôt exceptionnel. Il semble cependantque la vaste majorité des modifications apportées aux projets, à la suite d’un examend’ÉIE, ne concerneraient que des aspects mineurs ou modérés, mais nullement lescomposantes majeures (Lee, Walsh et Reeder, 1994). Dans ce cas, il y aurait donc lieude parler plutôt de correctifs au projet.

CORRECTIFS AUX COMPOSANTES DU PROJET

Les modifications significatives étant évincées par l’état d’avancement de la concep-tion même du projet, il ne reste plus très souvent que la possibilité d’intervenir parle moyen de correctifs. L’apport de correctifs à un projet demeure souvent l’ultimeet unique mesure en vue d’intégrer l’environnement dans la conception détaillée d’unprojet.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

Il est possible d’apporter des correctifs aux composantes et aux activités afférentesau projet tout au long du processus d’examen. L’apport de correctifs apparaît habi-tuellement au cours de l’étape d’évaluation des impacts. Certains ajustements s’avèrenttoutefois nécessaires dès la première analyse des activités relatives au projet, alors qu’àl’opposé, d’autres ne se présenteront qu’au moment, ou peu avant, de la prise de déci-sion finale concernant l’acceptabilité du projet. À l’occasion, certains correctifs ne serontapportés qu’à la suite de la surveillance des travaux ou au cours du suivi d’exploita-tion. Ultimement, il pourrait s’avérer nécessaire d’effectuer des correctifs à certainescomposantes du projet, et ce, après un suivi postprojet.

Les correctifs apportés s’appliquent souvent à une seule composante ou activitédu projet, sans remettre en cause l’ensemble des composantes ou des activités. Quel-quefois, il s’agit de certains des aspects déjà touchés par une modification importante,mais avec une ampleur beaucoup moindre. Dans ce cas, les correctifs concernent sou-vent les délais, la durée ou l’horaire (jour/nuit, intermittence) des opérations, notam-ment pour la phase de construction, ainsi que la gestion des rejets et des dispositifsantipollution.

Par ailleurs, les correctifs apportés à un projet en cours d’examen ne sont pas tou-jours très distincts de certaines des mesures d’atténuation; ils sont parfois, d’ailleurs,confondus. Les deux concourent cependant à l’amélioration du projet ou à la mini-misation de ses répercussions sur l’environnement. Cette remarque est aussi valablepar rapport aux modifications et à la sélection de solutions de rechange et devariantes. Ainsi, certaines modifications au projet initial et, dans une moindremesure, certains des correctifs employés, ne se différencient pas vraiment du choixdes solutions de rechange ou des variantes en cours d’étude.

SÉLECTION DE SOLUTIONS DE RECHANGE ET DE VARIANTES

Dans le contexte restrictif de l’évaluation du nouveau projet, la nécessité d’examinerdes solutions de rechange et des variantes au projet à l’étude est capitale. Elle devraitdonc constituer une étape importante de l’examen. Dans le cadre plus global de l’éva-luation stratégique, cette sélection de la meilleure solution de rechange pour l’envi-ronnement est aussi essentielle ; elle en est d’ailleurs l’un des objectifs primordiaux.Bien entendu, dans les rares cas d’évaluation stratégique préalable à la présentationde projets précis, l’étude de ces derniers en est facilitée en ce qui a trait à la sélectionde l’option optimale.

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L’évaluation des impacts environnementaux

La sélection de solutions de rechange et de variantes

L’examen de solutions de rechange et de variantes est l’une des meilleures façons deminimiser l’impact d’un projet. La sélection peut s’opérer à deux niveaux. Ellepermet, d’une part, de choisir les composantes et les activités du projet les plus sus-ceptibles du moindre impact sur l’environnement, et, d’autre part, de délimiter lesmeilleures zones d’implantation dans le milieu, le choix de site, par exemple. Dansce dernier cas, il s’agira d’éliminer les environnements riches ou susceptibles de l’êtreéventuellement et de déterminer ceux qui posent le moins de contraintes environ-nementales à la mise en place du projet.

Comme nous l’avons vu au chapitre quatre, la marge de manœuvre de la sélec-tion dépend grandement du type de projet, puisque tous ne permettent pas les mêmesoptions. Ainsi, dans le cadre d’un projet de gestion des déchets, plusieurs possibilitéss’offrent (incinération, enfouissement, recyclage, etc.), alors que pour l’exploitationd’une mine, les options sont très réduites. Dans ce dernier cas, il n’y a en fait qu’unesolution de rechange à l’exploitation, c’est celle de ne pas faire d’exploitation du gise-ment et ainsi de renoncer au projet. Par contre, tant pour la gestion des déchets quepour les projets miniers ou autres, il existe plusieurs variantes possibles d’exploita-tion et d’implantation ; celles-ci diffèrent par leur procédé d’extraction ou decueillette, de transformation, d’infrastructures fixes, d’aménagement des accès, de réduc-tion des rejets, etc.

La distinction entre une «solution de rechange» et une «variante», comme nousl’avions noté auparavant, n’est à peu près jamais bien définie ni expliquée. Elle laisselibre cours à toutes les interprétations possibles des lois, des règlements ou des sta-tuts en ce sens. L’examen de plusieurs rapports d’ÉIE montre que les évaluateurs inter-prètent assez différemment ce que devrait être une solution de rechange ou une variante.Dans la plupart des cas, de modestes variantes au projet principal sont présentées commedes solutions de rechange valables et entières. Il faut bien admettre qu’il n’y a pas,entre ces deux notions apparentées, une démarcation toujours bien franche ni biencomprise. Le recours aux dictionnaires n’est pas d’un précieux secours, quoique lavariante soit définie comme une «solution légèrement différente, mais voisine». Voilàqui laisse place à une certaine subjectivité dans l’appréciation et une grande margede manœuvre pour les évaluateurs et les promoteurs.

Quant à nous, une solution de rechange représente, comme dans l’exemple ci-dessus de la gestion des déchets, une notion plus complète et plus distincte du projetinitial que ne l’est une simple variante. Jusqu’à un certain point, une solution de rechangeest un ensemble de composantes de projet d’une nature différente d’une option à une

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

autre. Il ne s’agit donc pas simplement d’une variation plus ou moins substantielled’un même projet, comme dans le cas d’une variante. De la même manière que lesdifférentes façons de gérer les déchets domestiques, le choix de solutions de rechangeà un projet de centrale thermique au gaz naturel, par exemple, devrait inclure les diversesoptions en vue de fournir des services énergétiques (hydroélectrique, nucléaire,éolien, économies d’énergie, etc.). Par contre, la sélection entre divers sites ou cou-loirs d’implantation, comme une modification mineure dans le procédé de fabrica-tion ou la durée d’exploitation du projet, relève plutôt d’un choix de variantes. Le projetinitial reste le même; seules des variantes de mise en œuvre sont offertes, dans ce der-nier cas. Par ailleurs, les solutions de rechange autant que les variantes peuvent impli-quer l’ensemble des composantes du projet ou une partie seulement de celles-ci.

L’examen d’options lors de l’étude d’un projet est presque toujours une exigenceréglementaire. Toutefois, malgré l’ancienneté et la reconnaissance de cette pratiqueen ÉIE, il est rare de retrouver de véritables solutions de rechange dans les rapportsd’évaluation que nous avons consultés. En fait, compte tenu de l’imprécision des conceptset de la libre interprétation qui en est faite, l’examen se limite habituellement à unchoix de variantes. On retrouve alors une analyse comparative, plus ou moins rigou-reuse et complète, de variantes de sites ou de tracés pour les infrastructures.

Dans le cadre étroit de l’évaluation de projet, contrairement à l’évaluation stra-tégique, il est souvent impensable pour le promoteur d’envisager la possibilité d’unesolution de rechange. Ainsi, une entreprise spécialisée dans la production d’un bienparticulier se retrouve souvent devant l’impossibilité de proposer la fourniture d’unbien d’une tout autre nature. Dans le cas de certains types de projets, les projets miniers,par exemple, le promoteur n’a aucune autre option que celle de ne pas réaliser l’ex-ploitation proposée. Les promoteurs omettent alors de proposer des solutions autresque leur propre projet. Pour les autres acteurs non liés au promoteur, le choix de solu-tions de rechange demeure toujours présent, ne s’agirait-il que de la possibilité de rejeterle projet proposé.

En ce qui concerne l’évaluation stratégique, par contre, il n’y a habituellementpas qu’un seul projet ni un seul promoteur potentiel en lice. Les possibilités envisa-geables sont alors multiples, comme dans le cas précédent des déchets ou de la four-niture des services électriques, par exemple. En conséquence, la portée de l’évalua-tion environnementale est fortement diminuée quant à la sélection de la meilleureoption, si elle est cantonnée uniquement dans la sphère de l’examen de projet.L’évaluation stratégique des politiques et des programmes permettrait donc de cla-rifier les choses, notamment en filtrant le type de projet admissible par l’entremised’une véritable comparaison d’options. Les projets ainsi présélectionnés pourraient

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L’évaluation des impacts environnementaux

ensuite être examinés sous l’optique d’un choix de variantes dans le cadre d’une éva-luation de projet. Grâce à un tel élargissement de la place de l’ÉIE dans nos processusde décision, l’aléatoire, le subjectif et les jeux de pouvoir du niveau politique de l’éva-luation seraient plus restreints qu’ils ne le sont actuellement.

L’objectif de sélection de solutions de rechange ou de variantes, et à plus forte raisonlorsqu’il s’agit de l’examen comparatif de différents projets, est bien sûr l’arrêté d’unchoix optimal. L’examen nécessite donc l’emploi de techniques de comparaison en vued’évaluer le meilleur choix possible. En fait, il est de plus en plus courant de consi-dérer le «choix optimal» non pas comme une seule possibilité mais bien comme unéventail, plus ou moins étendu, des meilleurs choix possibles. Comme nous l’avonsindiqué au cours de l’étude des modèles multicritères, la possibilité de plusieurs «choixoptimaux» dépend du nombre de scénarios anticipés afin d’estimer l’évolution futurede la conjoncture actuelle. Plus la variété des scénarios est grande et plus les possibi-lités de choix optimaux se multiplient, mais plus différée sera la prise de décision.

La méthodologie d’évaluation des options doit comprendre une procédure par-ticulière permettant l’exercice de sélection du choix optimal. La sélection des optionspossibles et l’analyse comparative de celles-ci à partir de critères et d’une méthodede comparaison relèvent surtout du domaine technique de l’ÉIE. Les critères serontgénéralement examinés à l’aide des connaissances et de l’expertise de la science. Toutefois,les choix qui seront effectués, grâce à des valeurs de pondération, et les acteurs quiparticiperont à l’exercice concernent plutôt le niveau politique de l’étude. La sélec-tion du choix optimal s’exprime donc à travers l’intégration des trois niveauxd’examen de l’ÉIE.

En pratique, la sélection de solutions de rechange et de variantes fait appel auxtechniques d’agrégation et de pondération; ce qui est avant tout du ressort dudomaine scientifique de l’évaluation d’impacts, sans dénier toute responsabilité de niveaupolitique à ces deux opérations. De plus, les méthodes de comparaison préconisentsouvent les techniques d’ordonnancement. Selon la méthode employée par les éva-luateurs, l’insistance portera vers l’une ou l’autre des techniques d’ordonnancement.

Enfin, l’une des options qu’on devrait toujours rencontrer dans l’examen d’unprojet, mais qui est souvent passée sous silence, est la non-réalisation du projet enquestion, c’est-à-dire le maintien du statu quo. En plus d’offrir une solution valableà envisager, la prise en compte du statu quo permettrait d’estimer et d’évaluer plusadéquatement l’évolution anticipée du milieu d’insertion sans l’intervention duprojet. De plus, la prise en compte du statu quo permet d’évaluer plus complètementle bien-fondé de la justification même du projet.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

L’ordonnancement des solutions de rechange ou des variantes

L’ordonnancement représente un ensemble de techniques particulières de classement.Elle vise à mettre en valeur ou à comparer des solutions de rechange ou des variantes.Il s’agit généralement de classer les différentes options, les possibilités de choix de site,par exemple, selon des critères d’évaluation relative, sans pour autant faire appel auxtechniques d’agrégation ni de stricte pondération. Au-delà des aspects plutôt tech-niques, l’ordonnancement implique aussi plusieurs dimensions politiques. Le clas-sement peut s’effectuer à partir d’un seul critère de comparaison, mais il est généra-lement obtenu à partir d’une série de critères, telle que présentée dans l’exemple dela figure 8.2.

Figure 8.2

Matrice comparative de deux tracés possibles, selon de multiples critères

Classe Enjeux environnementaux Tracé A Tracé B Choix d’enjeux optimal

Microchamps 8,5 km 6,6 km B

Nombre de «douars» 6 7 A

Accessibilité/travaux faible moyenne B

Coût du projet 480 510 A

Nuisances/Route 1 13,5 km 28 km A

Glissement de terrain moyen faible B

Impact sonore moyen moyen A ou B

Arbres en bordure de routes 0 km 3 km A

Vergers et vignes 8 km 13,2 km A

Traversée de «oueds» 4 4 A ou B

Terres à céréales 30,5 km 34,5 km A

1

2

3

Rappelons que l’ordonnancement correspond normalement à la plus simple destechniques de pondération, celle de la hiérarchisation. La pondération est la recherchede la valeur relative de divers paramètres: éléments, effets ou impacts environnementaux.La hiérarchisation, quant à elle, est la disposition des paramètres environnementauxou des critères de comparaison selon un ordre allant du plus important au plus banal,par exemple. La hiérarchisation est en fait une classification relative assez vague plutôtqu’une comparaison rigoureuse des divers paramètres ou critères.

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L’évaluation des impacts environnementaux

En règle générale, la hiérarchisation classe tous les paramètres dans une série limitéede classes d’importance. L’avantage de la hiérarchisation par rapport aux autres tech-niques de classement ou de pondération réside dans la simplification du rangementdes paramètres étudiés. Ailleurs, le classement est parfois très compliqué à réaliser.La hiérarchisation réduit les opérations de comparaison de tous les paramètres lesuns par rapport aux autres. Elle emploie un nombre réduit de classes de paramètresà considérer. Leur nombre est généralement limité à deux ou trois possibilités de classesseulement. La valeur relative des classes suit un ordre décroissant d’importance. Lesparamètres ou critères les plus importants sont séparés des autres et placés dans laclasse de première importance. Comme pour tout exercice de pondération, il existebien entendu de nombreux aspects subjectifs qui se glissent dans une telle opération.Le choix des critères de comparaison, par exemple, n’est pas aussi simple et objectifqu’il paraît, et leur classement n’est pas non plus dénué d’embûches et de surprises.En effet, les valeurs changent selon l’endroit et le temps considéré ; ce qui nous appa-raît aujourd’hui comme essentiel pourrait très bien apparaître comme accessoire pourles gens de demain ou pour la population actuelle d’un autre pays. Finalement, la hié-rarchisation en classes restreintes ne détermine aucune hiérarchie entre les différentsparamètres ou critères de comparaison à l’intérieur d’une même classe. Tous ces élé-ments (paramètres et critères) sont considérés égaux entre eux, ce qui simplifie debeaucoup l’opération, qui pourrait s’avérer complexe autrement.

Parmi les méthodes de comparaison utilisées en ÉIE, nous pouvons rangerl’analyse multicritères et la méthode de Holmes comme les plus grands utilisateursde la hiérarchisation. L’utilisation de critères multiples vise à contourner les inéluc-tables problèmes reliés à toute comparaison reposant sur un seul critère, comme lavaleur monétaire de la plupart des méthodes unicritères. La hiérarchisation permetcependant de simplifier, sans trop compromettre la validité des résultats obtenus, laprise en compte de critères multiples lors de la comparaison rigoureuse de diversesoptions.

MESURES D’ATTÉNUATION DES IMPACTS

La mise en place de mesures d’atténuation peut être prescrite lors de plusieurs desétapes d’élaboration et d’examen d’un projet. Ces atténuations des impacts sont appli-cables en tout temps, de la phase préliminaire de planification à l’ultime phase d’ins-pection (suivi d’exploitation). Cette action de minimisation de l’impact représentel’une des opérations principales de l’ÉIE, notamment pour les promoteurs désireuxde voir autoriser leur projet. La mise en œuvre de mesures d’atténuation correspondà l’un des moyens parmi les plus efficaces d’atteindre la réduction de l’impact

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

environnemental des projets. La mise en œuvre de mesures d’atténuation permet soitd’atténuer, soit d’éliminer l’impact environnemental d’une activité ou d’une com-posante du projet. En pratique, les mesures d’atténuation constituent des «correc-tifs», plus ou moins significatifs, apportés aux diverses composantes et activités pro-jetées. Lorsqu’elles sont intégrées dans l’élaboration du projet, elles se confondent parfoisavec certains des correctifs, voire certaines modifications modestes. Plus tôt inter-viendront les mesures d’atténuation, mieux s’effectuera leur intégration et plus ellesseront efficaces et pertinentes. Ainsi, comparativement à une intervention plus tar-dive, l’intervention de mesures d’atténuation dès les premières étapes d’élaborationde l’étude réduit considérablement le coût d’implantation du projet. Cela est parti-culièrement vrai pour les mesures qui doivent être mises en place lors de la phase deconstruction et encore plus si elles s’avèrent nécessaires en cours d’exploitation.

Parfois, l’application des mesures d’atténuation neutralise l’impact, c’est-à-direqu’elle l’élimine complètement. Il se peut toutefois qu’elle n’atténue qu’une partie desconséquences néfastes sur le milieu. Cette atténuation peut néanmoins être notable ;l’importance de l’impact est en conséquence fortement diminuée. Par contre, la miseen œuvre de mesures d’atténuation peut n’atténuer que très partiellement les consé-quences négatives, l’impact qui en résulte demeurant alors similaire à ce qu’il étaitinitialement. L’« impact résiduel» représente le résultat obtenu à la suite de la miseen œuvre de mesures d’atténuation sur un impact potentiel. Rappelons par ailleursqu’en vertu du même objectif de réduction de l’impact, des «mesures de bonifica-tion» peuvent être incorporées au projet. Ces mesures de bonification permettent d’ac-croître l’importance ou la valeur des impacts positifs du projet.

L’élimination d’un impact potentiel consiste à apporter des rectifications suffi-sant soit à l’activité perturbatrice, soit à la situation même de l’élément, et ce, afinque l’impact résiduel qui en résulte soit nul ou négligeable. L’atténuation, quant à elle,représente aussi la mise en place de mesures, mais sans que l’impact résiduel soit nulou négligeable pour autant. Le résultat d’un tel impact résiduel présente alors uneimportance encore significative, mais néanmoins inférieure à la valeur initiale de l’im-pact potentiel. Dans ce cas, seul un programme de suivi saura déterminer avec jus-tesse si les mesures proposées présentaient les dispositions espérées.

Concrètement, il existe trois résultats possibles à la mise en place de mesures d’at-ténuation. Tout d’abord, on retrouve la mince possibilité d’élimination totale de l’im-pact. On rencontre aussi la situation la plus courante, soit l’élimination partielle plusou moins appréciable de l’impact. Dans ce cas, la valeur de l’impact potentiel peutêtre diminuée fortement et l’impact résiduel sera alors faible. Enfin, il se peut que lamesure proposée n’ait éventuellement aucune influence sur l’impact lui-même. La

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L’évaluation des impacts environnementaux

seule façon de pouvoir s’assurer de l’efficacité d’une mesure d’atténuation consisteà en vérifier ultérieurement les résultats. Mais comme les enseignements des rares pro-grammes de suivi sont insuffisants, cette dernière possibilité est peut-être plusimportante qu’on le croit habituellement.

La figure 8.3 présente une liste de mesures d’atténuation. Ces mesures sont ditesgénérales, simplement parce qu’elles concernent l’ensemble des activités ou descomposantes du projet, voire tout type de projet. Ainsi, des mesures telles que l’en-couragement à l’emploi de la main-d’œuvre locale, la réduction au minimum de ladurée des travaux de construction et l’utilisation d’une signalisation routière adéquateconstituent des mesures applicables en tout temps et partout. Dans la section desplanches couleurs, nous avons placé plusieurs photographies de mesures d’atténua-tion générales et courantes ou d’implications possibles d’atténuation de certaines acti-vités de construction des infrastructures.

Figure 8.3

Liste de mesures générales d’atténuation

• Respecter un périmètre de protection autour des zones sensibles suivantes:

– rives des lacs et cours d’eau;

– habitats fauniques importants;

– bassins d’alimentation en eau;

– pentes raides et sensibles à l’érosion;

– tourbières et marécages.

• Encourager l’emploi de la main-d’œuvre locale.

• Mettre en place un code de «bonne pratique» environnementale pour les travaux de construction.

• Favoriser la réutilisation des matériaux et des équipements ayant servi à la construction.

• À la fin des travaux, nettoyer et remettre en état les éléments du milieu et restaurer le site.

• Choisir le site des installations de chantier (roulottes et autres) de façon à minimiser les perturba-tions.

• Coordonner les travaux de construction avec les autres utilisateurs du territoire.

• Réduire au minimum la durée des travaux dans les zones sensibles.

• Utiliser une signalisation routière adéquate.

• Contrôler l’accès au site de manière sécuritaire.

• Établissement de procédures adéquates de formation en environnement pour le personnel.

• Limiter l’expropriation des emprises et favoriser le partage des utilisations ultérieures aux travauxde construction.

Source : Adapté de Raymond et Leduc, 1995.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

À l’inverse, certaines mesures d’atténuation sont dites particulières, parce qu’ils’agit d’une série de mesures à appliquer à certains aspects particuliers des compo-santes ou des activités d’un projet. Elles sont donc d’une nature plus spécifique queles mesures générales ; elles sont d’ailleurs bien souvent rattachées à des éléments, àdes activités ou à des impacts bien déterminés. La figure 8.4 montre une liste de cesmesures particulières d’atténuation. Dans l’exemple présenté, les mesures proposéessont combinées à des impacts potentiels clairement soulignés. Ainsi, pour chacun destrois impacts potentiels envisagés, une série de mesures d’atténuation est particuliè-rement recommandée. Cela signifie que, d’ordinaire, ces mesures d’atténuation sontproposées comme solution à ces différents impacts. Seul l’examen précis du milieud’insertion et des particularités du projet décidera si de telles mesures peuvent êtreenvisagées.

Figure 8.4

Liste de mesures courantes d’atténuation

Impacts potentiels Mesures d’atténuation

• Planifier les périodes d’intervention dans les zones sujettes aux inonda-tions ou présentant un fort ruissellement en dehors des saisons de cruesou de fortes pluies.

• Ne pas entraver le drainage des eaux de surface et prévoir des mesuresde rétablissement.

• Respecter le drainage superficiel en tout temps. Éviter d’obstruer lescours d’eau, les fossés ou tout autre canal. Enlever tout débris quientrave l’écoulement normal des eaux de surface.

• Orienter les eaux de ruissellement et de drainage de façon à ce qu’ellescontournent le site des travaux et les diriger vers les zones de végétation.

• Stabiliser le sol mécaniquement pour réduire le potentiel d’érosion.

• Éviter la construction sur les sols de forte pente.

• Obtenir les autorisations nécessaires pour les travaux en zone humide.

• Limiter les interventions sur les sols érodables. Choisir des véhiculesadaptés à la nature du sol.

• Éviter l’aménagement d’accès dans l’axe des longues pentes continues, favoriser plutôt une orientation perpendiculaire ou diagonale.

• À la fin des travaux, compacter les sols remaniés et y favoriser l’implan-tation d’une strate herbacée stabilisatrice.

• Prévoir des aménagements pour la circulation des véhicules chaque foisqu’il y a risque de compaction ou d’altération de la surface.

• Conserver le sol organique pour la restauration du site.

• Réglementer de façon stricte la circulation de machinerie lourde.Restreindre le nombre de voies de circulation et limiter le déplacementde la machinerie aux aires de travail et aux accès balisés.

Modification de l’écoulement des eaux de surfaceet souterraines ainsi que des conditions de drainage

Érosion et déstabilisation du sol

Altération de la nature du sol

Source : Adapté de Raymond et Leduc, 1995.

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L’évaluation des impacts environnementaux

Diverses catégories de mesures d’atténuation

Les mesures d’atténuation peuvent aussi être regroupées de diverses manières. C’est ainsiqu’on peut les rassembler en classes de mesures d’ingénierie (choix de techniques d’as-sainissement), d’aménagement (revégétalisation d’une zone), sociopolitiques (mise enplace de comité de suivi), économiques (paiement de frais d’éloignement), d’entretien(programme de lutte aux parasites) et à liens temporels (limitation des heures d’opé-ration des travaux).

Source : André et coll., 1999.

La figure 8.5 présente une dernière liste de mesures d’atténuation. Dans ce cas,il s’agit d’une série de mesures particulières reliées aussi à des impacts potentiels biendéfinis, comme pour la figure précédente. La liste est tout simplement plus exhaus-tive quant aux mesures et au nombre d’impacts potentiels.

Toutefois, la mise en place de mesures d’atténuation des impacts potentiels peutentraîner à son tour des impacts environnementaux. Ces derniers doivent eux aussiêtre pris en compte dans l’examen ainsi qu’au cours du suivi. Bien entendu, l’inter-vention de telles mesures d’atténuation ne devrait jamais entraîner d’impacts envi-ronnementaux plus importants ou plus néfastes que ceux initialement prévus et qu’ontentait au contraire de minimiser.

L’inspection durant la phase de construction (surveillance des travaux), et parla suite le suivi d’exploitation, devraient garantir la conformité des mesures d’atté-nuation mises en place avec celles proposées dans l’ÉIE. De plus, l’inspection permetde vérifier la validité et l’efficacité des mesures, tout en confirmant ou non l’oppor-tunité d’apporter de nouveaux correctifs. Les photos de la figure 8.6 montre deuxexemples de mesures courantes d’atténuation et une mesure particulière.

Les coûts d’implantation des mesures d’atténuation sont évalués entre 3 et 5%du coût total du projet par les experts de la Banque mondiale (World Bank, 1991).En pratique, ces coûts peuvent toutefois varier de 0 à 10% des coûts totaux du projet.Ces montants sont cependant considérés comme minimes par rapport aux sommesqu’il faudrait autrement engager sans leur mise en place. À titre d’exemple, mentionnonsles dépenses souvent très élevées occasionnées par une épidémie de malaria consé-cutive à la réalisation d’un projet hydrique, ou à l’inévitable modification d’une com-posante essentielle qui s’avérerait ensuite inacceptable mais fort dispendieuse aprèsla mise en place du projet.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

L’évaluation globale de l’impact environnemental du projet peut être présentéedans le rapport final avec ou sans la prise en compte des mesures d’atténuation. Dansle premier cas, les impacts se montrent alors plus grands que ceux qui se produirontéventuellement. Dans le second, il s’agira d’impacts résiduels qui refléteront assez bienceux qui apparaîtront à la suite du projet. Il serait cependant plus prudent de présenter

Figure 8.5

Liste de mesures d’atténuation particulières

Impacts potentiels Mesures d’atténuation

• Planifier les chemins d’accès/de contournement en concertation avec les exploitants forestiers de la région.

• Aviser les propriétaires de la durée des travaux.

• Prévoir des mécanismes de concertation entre les autorités concernées et avec les propriétaires privés.

• Éviter d’obstruer les sentiers de randonnée pédestres et nettoyerl’accès aux sentiers.

• Utiliser les carrières commerciales existantes. Respecter les normesd’exploitation des carrières et des sablières et réduire au minimumle nombre d’emprunts.

• Signaler les dommages causés aux ouvrages et les réparer rapide-ment.

• Préparer un plan de réaménagement des emprunts conforme auxnormes et procéder à leur restauration.

• Avant le début des travaux, procéder aux fouilles archéologiquesdes sites potentiels identifiés et favoriser l’analyse et la mise envaleur des vestiges.

• Pendant les travaux, assurer une surveillance des aires de travail etsuspendre toute activité lors de découvertes.

• Choisir les équipements qui altèrent le moins possible le patrimoinearchitectural.

• Ne pas localiser les équipements en façade de ces sites.

• Sceller adéquatement les puits et forages avant leur abandon.

• Établir des pratiques de forage adéquates.

• Renforcer la sécurité des travailleurs par l’établissement d’un pland’intervention d’urgence.

• Informer les conducteurs et les opérateurs de machines des normesde sécurité à respecter en tout temps.

• Prévoir la réutilisation des eaux et des boues à des fins agricoles ouautres.

• Mettre en place un site d’enfouissement adéquat.

• Prévoir un réseau d’assainissement approprié pour les eaux usées.

Modification de l’espace forestier

Perturbation des activitésrécréo-touristiques

Perturbation des activitésaux aires d’extraction

Perturbation des sitesarchéologiques

Impacts visuels et monuments historiquesreconnus

Contamination de la nappe souterraine

Nuisances causées par les rejets

Sécurité publique

Source : Adapté de Raymond et Leduc, 1995.

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L’évaluation des impacts environnementaux

les deux types de résultats dans le rapport final. On assurerait ainsi un meilleur contrôlelors de l’inspection ultérieure des impacts environnementaux. De plus, cette pratiquepermet de noter clairement les bénéfices environnementaux obtenus grâce à l’examenenvironnemental.

Figure 8.6

Deux exemples de mesures courantes d’atténuation et une mesure particulière

Photos : G. Leduc et Interzone photographie.

Le parapet de sécurité au centre desvoies de circulation est amovibleafin de permettre un ajustementdu nombre de voies selon le trafic(photo de gauche). Afin de réduirel’altération des terrains (photo enhaut à gauche), la partie supé-rieure du sol devrait être conservéeafin d’être réutilisée lors du nivel-lement du terrain. Le creusementd’un canal (en avant-plan de laphoto du bas) vise à réduire lesrisques de noyade pour lespêcheurs qui s’avanceraient surles roches en aval de l’évacuateurde crues de barrage.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

MESURES DE COMPENSATION

Les mesures de compensation représentent l’ultime moyen de réduire l’impact envi-ronnemental lors du processus d’ÉIE menant à l’autorisation d’un projet. En pratique,la compensation permet de remédier aux conséquences négatives sur l’environnement.Les mesures de compensation sont constituées de l’ensemble des différents moyenspermettant, après l’introduction des mesures d’atténuation, de faire contrepoids auxconséquences négatives des impacts résiduels.

La compensation des impacts peut être globale ou partielle. Une compensationglobale vise à faire face à la mauvaise perception globale ou à la désapprobation géné-rale du projet. La perception du projet par le milieu émane généralement des acteursdirectement affectés par le projet ou par certains autres acteurs impliqués (parexemple, les groupes environnementaux nationaux). Une compensation partiellevise plutôt à contrebalancer l’impact du projet sur un ou sur quelques-uns des élé-ments de l’environnement. Elle implique les mêmes acteurs que lors de la situationprécédente.

De façon similaire aux mesures d’atténuation, la perception négative des impactsrésiduels peut être amoindrie, diminuée, repoussée ou exclue par l’introduction demesures de compensation. Ces mesures peuvent être de nature financière ou plutôtde nature environnementale. Dans le premier cas, il peut s’agir de la compensationmonétaire des personnes touchées directement par les impacts ou les inconvénientsdu projet. Dans le second, il s’agira du remplacement pur et simple d’éléments envi-ronnementaux, perturbés par l’implantation du projet, par des éléments similaires.Une communauté pourrait ainsi se voir compenser des inconvénients du projet parla voie d’une contribution financière à des installations communautaires, à l’amé-lioration d’un parc ou du centre communautaire, ou au financement d’un groupede sauvegarde du patrimoine. La compensation d’un élément environnemental, parcontre, pourrait signifier la relocalisation ou l’installation d’éléments similaires surun autre site, comme de nouvelles plantations d’arbres en marge des installations,en remplacement des arbres abattus.

Comme pour la mise en œuvre des mesures d’atténuation, certaines mesures decompensation font appel aux techniques de l’ingénieur, de l’aménagiste ou du tech-nicien de la faune. Les dimensions techniques de la compensation sont parfois simi-laires à celles concernant les mesures d’atténuation. C’est ainsi que le remplacementd’un marais détruit par la mise en place d’un projet peut se concrétiser par l’amé-nagement d’un nouveau marais, comme nous l’avons mentionné auparavant. On com-pense alors la perte d’un élément de l’environnement par la création d’un élément

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L’évaluation des impacts environnementaux

identique ou similaire dans un lieu proche de celui perturbé par le projet. Il en va demême pour la détérioration, voire la destruction d’un site archéologique ou d’un lieude haute valeur patrimoniale, même si ces cas soulèveraient plus de contraintes. Lorsdes travaux de construction du barrage d’Assouan en Égypte, le temple antique d’Abou-Simbel fut désassemblé et réinstallé pierre par pierre au-dessus du niveau d’eau dunouveau réservoir.

Programme de mise en valeur de l’environnement

Des programmes corporatifs de compensation peuvent être mis sur pied par les grandesentreprises responsables de nombreux projets affectant l’environnement. Ainsi, l’entre-prise québécoise Hydro-Québec a mis en pratique un programme permanent de «miseen valeur de l’environnement». Pour chacun des projets devant faire l’objet d’une éva-luation environnementale, l’entreprise affectait 1% du budget disponible pour l’ensembledes travaux à ce programme de mise en valeur environnementale. Ces ressources finan-cières devaient servir à financer des réalisations à caractère environnemental, sous laresponsabilité d’organismes locaux (Hydro-Québec, 1992b).

C’est ainsi que furent aménagés, au cours des années 1980-1990, le petit parc «Curé-Labelle», à Labelle, dans les Laurentides (Québec) et le parc écologique Godefroy àBécancour, par exemple. Le programme fut modifié au cours des dernières années, afind’accepter, outre les projets de nature environnementale, ceux à vocation communau-taire et locale de toutes sortes.

La compensation peut également s’effectuer par l’entremise de mesures indivi-duelles, comme dans le cas d’une compensation monétaire des personnes relocali-sées, ou bien s’accomplir par des mesures collectives, comme c’est le cas lors de l’amé-nagement d’un parc municipal. Parmi les autres mesures de compensation, notonsl’aménagement d’une réserve faunique en substitution d’un milieu perturbé, l’in-demnisation monétaire des commerçants locaux pour les désagréments causésdurant les travaux et l’indemnisation collective sous la forme d’une somme versée àune communauté éprouvée par la mise en place du projet. Pour des raisons de jus-tice et d’équité, les mesures collectives devraient être privilégiées dans la plupart descas d’impacts résiduels. Bien sûr, lorsqu’il s’agit d’expropriation, qu’elle soit tempo-raire, partielle, complète ou permanente, et lors de pertes individuelles de valeur mar-chande, les compensations individuelles sont aussi requises, même si ce n’est pas tou-jours une pratique obligatoire.

Les mesures de compensation représentent souvent une solution acceptable auxoppositions, aux conflits et aux litiges générés par la mise en place du projet.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

Rappelons donc que la compensation est fréquemment l’une des composantesimportantes de la médiation ou de toute autre forme de négociation environnementaleformelle ou informelle.

INSPECTION ET SUIVI

L’inspection en vigueur en ÉIE couvre plusieurs facettes. Dans un premier temps, elleconcerne les activités de vérification du bon déroulement de l’étude, de la part de l’or-ganisme de contrôle. Ce dernier s’assure du respect de l’assujettissement, du contenude la directive, de la conformité de l’étude d’impacts à la directive, de l’emploi justifiédes méthodes ainsi que de la collecte des données et de la bonne marche des diversesétapes de la procédure, dont la consultation publique. Toutes ces activités d’inspec-tion concernent avant tout l’organisme de contrôle, bien plus que l’évaluateur d’im-pacts. Nous concentrerons donc notre attention sur les activités d’inspection qui fontsuite à l’acceptation du projet et qu’on regroupe habituellement sous le terme «suivi».

Dans le rapport final, le suivi représente les engagements futurs du promoteur.Le respect de ces engagements concerne les correctifs apportés au projet par l’examend’impacts, la mise en place des mesures d’atténuation prévues et le programme decontrôle ultérieur à la mise en marche des installations projetées. Parfois, ces enga-gements sont prolongés par la promesse d’une bonne pratique environnementale lorsdes travaux ou par tout autre engagement des promoteurs et des exploitants issus del’examen d’ÉIE. Cette avant-dernière section du rapport final concerne donc des acti-vités à réaliser après l’acceptation du projet par les décideurs. En ce sens, tous ces aspectsultimes de l’ÉIE, parce qu’ils ont lieu après la décision et la mise en œuvre, relèventde ce qu’on nomme couramment le «suivi environnemental».

Rappelons que le suivi environnemental comprend au moins trois grands typesd’opérations bien distinctes. La première opération se préoccupe de l’exécution destravaux de construction des installations, mais elle débute un peu avant lors des étapespréliminaires de mise en œuvre des travaux. Cette première étape de suivi se nommela «surveillance des travaux». Ensuite, la vérification de certains paramètres envi-ronnementaux représente le «suivi d’exploitation» (monitoring), et ce, tout au longde la phase d’exploitation du projet. Lorsque c’est le cas, enfin, ce qui est plutôt excep-tionnel dans la pratique courante, une nouvelle étude des répercussions environne-mentales s’effectue plusieurs années après la mise en place des installations. Cette ultimeinspection se nomme le «suivi postprojet».

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L’évaluation des impacts environnementaux

Ces trois types de suivi font tour à tour appel aux trois niveaux d’étude de l’ÉIE.Toutefois, chacun relève avant tout d’un des trois niveaux. Seul le suivi d’exploita-tion appartient vraiment au niveau politique de l’examen, et encore, plusieurs pré-fèrent le situer au niveau scientifique. Pour sa part, la surveillance des travaux a plutôtrapport au niveau technique. Le suivi postprojet, quant à lui, touche beaucoup plusaux aspects scientifiques de l’ÉIE, quoique, comme l’ensemble de l’ÉIE, il intègre lestrois niveaux.

Les trois types de suivi font appel à la volonté «politique» des divers acteurs devraiment prendre en compte l’environnement dans la gestion de l’ensemble des acti-vités humaines. Sans la mise en place d’un véritable programme de suivi, l’ÉIE ne serait,comme plusieurs le pensent, qu’un commode «cataplasme sur une jambe de bois»(Jurdant, 1984). Trop souvent, cependant, «une fois le projet réalisé, aucun organismede contrôle n’ayant été mis en place, personne n’est chargé de façon bien définie devérifier la réalisation des mesures dont souvent seule l’application pleine et entièrea permis d’autoriser le projet» (Guigo, 1991).

La mise en place d’un programme de suivi démontre manifestement le rôle etla place de l’ÉIE dans la gestion de la société. Quoique l’ÉIE soit un exercice prévi-sionnel, il est assez paradoxal de constater qu’en pratique, on porte assez peu d’at-tention aux répercussions réelles. En somme, sans suivi, « l’ÉIE peut devenir un pro-cessus pour la forme, une chasse aux rapports pour garantir le permis du projet plutôtqu’un exercice rationnel de gestion environnementale» (Davies et Sadler, 1990).L’élaboration d’un plan de surveillance des travaux et de suivi d’exploitation ne relèvepas nécessairement d’une ferme volonté de prendre au sérieux l’ÉIE puisqu’elle répondpresque toujours à une obligation réglementaire concernant certains des éléments del’environnement ou des rejets de l’exploitation. Par contre, la réalisation d’un suivipostprojet démontre un réel souci de faire de l’ÉIE un outil important de la gestiondu développement, et ce, de manière égale aux études financières et techniques.

Parmi les autres aspects politiques du suivi, une activité nouvelle est apparue récem-ment, celle de la formation de comité de suivi ou de surveillance. Ces comités sontformés des divers acteurs impliqués dans le processus global de la négociation envi-ronnementale. Ce sont bien sûr les citoyens et les groupes d’intérêts, le promoteur etses conseillers (firme-conseil externe) et les organismes de contrôle ou apparentés.Généralement, ces comités de suivi voient au respect des engagements du promoteur,assumés lors de l’ÉIE ou de l’approbation du projet (conditions particulières d’ac-ceptation), mais aussi au respect des normes en vigueur et des améliorations possiblesqui peuvent apparaître en cours d’exploitation. Ces comités s’occupent donc des aspects

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

qui se retrouvent dans un premier temps sous l’étape de surveillance des travaux, puissous celle du suivi d’exploitation.

Fonctionnement d’un comité de suivi

Le bon fonctionnement d’un comité de suivi suppose l’élaboration et l’acceptation partous de règles de fonctionnement («règles du jeu») ainsi que d’un «code d’éthique» afinde favoriser un partage du pouvoir équitable entre les acteurs et de «véritables dialogues».Bien entendu, la motivation à participer de chacun des membres repose sur le main-tien de l’intérêt en regard du projet et des actions concrètes toujours possibles, mais ausside la volonté politique exprimée par les autorités gouvernementales (la formation ducomité étant une condition du certificat d’autorisation du projet).

Même s’il ne s’agit que d’un pouvoir de recommandation, les membres du comité doiventpercevoir qu’ils ont un pouvoir réel d’influence sur les décisions qui doivent être prises, soitpar le promoteur du projet, soit par l’organisme de contrôle ou les autorités locales.

Les six membres du Comité de surveillance «Enfouissement J.M. Langlois», un lieu d’en-fouissement et de «dépôt de matériaux secs» (DMS), de Laprairie, au sud-ouest deMontréal, se réunissent depuis près de trois ans (1997-1999) dans les locaux de l’en-treprise. Leurs fonctions consistent à veiller à la conformité du décret, des normes et autresexigences réglementaires, à recommander des mesures à l’exploitant (fonctionnement,atténuation) ou aux autres intervenants (ministères et municipalités) et, enfin, àinformer la population des actions posées par le comité.

Parmi les membres de ce comité de surveillance, dont les membres sont renouvelés annuel-lement, on retrouve un représentant de l’entreprise (un tiers engagé en ce sens), un autrede la population (élu parmi les citoyens en périphérie du site), un fonctionnaire du minis-tère de l’Environnement (secteur régional), un délégué des services de santé (local) etdeux représentants des municipalités directement touchées (le site se trouvant à la fron-tière des deux villes). La première réunion du comité eut lieu en janvier 1997. Quatreréunions réparties tout au long de l’année permettent le cheminement des dossiers, ledépôt des documents par l’entreprise et l’organisme de contrôle (bilan environnemental)et les échanges entre les participants. Jusqu’à maintenant le comité a effectué le dépôtde deux rapports annuels (février 1998 et 1999).

Source : Centre de consultation et de concertation (CCC), 1998 et 1999.

Le fonctionnement d’un tel comité de suivi est parfois régi par les conditions par-ticulières déterminées lors de l’acceptation du projet (décret ou certificat d’autori-sation). Il engage les parties prenantes à veiller au respect et à la conformité des condi-tions prescrites dans l’ÉIE ainsi qu’éventuellement dans les autorisations subséquentes.Il favorise donc une gestion respectueuse de l’environnement, notamment en formulant

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L’évaluation des impacts environnementaux

des recommandations en vue d’améliorer l’exploitation, de réduire les conséquencesnéfastes et d’atténuer les impacts réels. De plus, le comité de suivi a habituellementle mandat d’informer adéquatement les citoyens et les autres intervenants quant audéroulement des opérations (Leduc et André, 1999).

La surveillance des travaux

Contrairement aux activités relatives au suivi d’exploitation et au suivi postprojet,la surveillance des travaux représente l’opération la plus près d’un examen purementtechnique. La surveillance environnementale des travaux vise d’abord à s’assurer queles engagements pris lors de l’ÉIE soient respectés, particulièrement les exigences légaleset réglementaires. Ces engagements sont les mesures d’atténuation générales et par-ticulières ainsi que le respect des lois, des règlements, des certificats et des décrets,sans oublier les autres engagements environnementaux pris par l’entreprise. Enoutre, la surveillance des travaux veille à l’atteinte d’une saine pratique environne-mentale lors de l’exécution même des travaux, que ceux-ci soient du ressort du pro-moteur ou de l’un de ses partenaires. La surveillance des travaux s’effectue duranttoute la phase de mise en place du projet. Celle-ci comprend la conception des planset devis, la cruciale phase de construction des installations et de mise en place deséquipements ainsi que la période de démarrage de l’exploitation. L’exécution de lasurveillance des travaux peut être confiée à des représentants du promoteur ou à ceuxd’une firme ou d’un organisme externe en environnement. La surveillance des tra-vaux peut se subdiviser en deux sous-étapes: celle de l’élaboration du programmede surveillance et celle de la mise en œuvre de ce programme.

Élaboration du programme de surveillance des travaux

Les diverses activités de la surveillance environnementale sont prévues dès la prépa-ration de l’étude des impacts environnementaux. Le programme d’activités etl’échéancier de réalisation doivent parfois être inclus dans le rapport final d’évalua-tion, mais la plupart du temps ces activités relèvent des affaires internes du promo-teur et des organismes de contrôle. Lorsque c’est le cas, le programme de sur-veillance inclut un protocole d’inspection qui définit clairement les activités desurveillance à entreprendre tout au long de la mise en œuvre du projet.

Le programme de surveillance se compose souvent de deux parties bien distinctes.La première concerne l’inspection lors de la conception définitive des plans et devisainsi que des documents d’appels d’offres et de ceux des sous-contractants. Ladeuxième partie concerne l’inspection même des travaux de construction sur le ter-rain.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

En premier lieu, le programme de surveillance devrait être conçu afin de permettrela vérification des plans et devis ainsi que des documents complémentaires. Il devraitse préoccuper particulièrement de l’intégration des aspects suivants :

• l’ensemble des mesures d’atténuation générales et particulières ;

• les conditions d’application incluses dans les autorisations gouvernementalesà l’égard du projet (décrets, certificats) ;

• le respect des lois, des règlements et des normes environnementales envigueur, et ce, pour tous les niveaux de gouvernement;

• toutes les mesures nécessaires à la protection de l’environnement, c’est-à-direla mise en œuvre d’un «code de bonne pratique environnementale» pour l’exé-cution des travaux;

• la mise en place d’un plan de sensibilisation et d’information, auprès des diversintervenants sur le terrain, en accord avec le «code de bonne pratique envi-ronnementale»;

• la mise en place d’un plan d’intervention d’urgence sur le chantier.

En second lieu, lors de l’exécution de l’inspection des travaux de constructionsur le terrain, le programme de surveillance doit être conçu afin de permettre la véri-fication des aspects suivants :

• que les mesures d’atténuation générales et particulières prévues aux plans etdevis, telles que proposées dans le rapport d’ÉIE, sont effectivement mises enplace;

• que les mesures d’atténuation sont apparemment efficaces ;

• que les lois, les règlements et les normes, ainsi que les autres mesures touchantl’environnement, seront respectés dans l’exécution des travaux;

• contrôler les différentes activités de construction en ce qui a trait aux consi-dérations environnementales, en conformité avec le «code de bonne pratiqueenvironnementale», tant en ce qui concerne les activités du promoteur quecelles de tous les autres exécutants ;

• vérifier qu’aucun impact imprévu ne se présente et, le cas échéant, y remédierle plus tôt possible.

Pour une meilleure efficacité de l’opération de surveillance environnementale,notamment pour les travaux sur le terrain, il est nécessaire que le programme de sur-veillance soit établi de manière détaillée. Cette pratique implique au préalable une

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L’évaluation des impacts environnementaux

connaissance suffisante des travaux à effectuer et des saines façons de faire. Le pro-gramme de surveillance détaillé devrait contenir les éléments suivants :

• la détermination des lieux et des objets de l’inspection (la localisation des impacts,des mesures d’atténuation et des points principaux d’intervention);

• l’échéancier précis des travaux qui seront réalisés ;

• la fréquence d’intervention des inspections (quotidienne, hebdomadaire,annuelle, etc.) ;

• les implications directes et indirectes des diverses mesures d’atténuation pré-vues;

• les différents engagements environnementaux de l’entreprise, en ce quiconcerne l’exécution des travaux selon un code de bonne pratique, et, si c’estle cas, des sous-contractants impliqués.

Conformément à la législation en vigueur (certificat d’autorisation, décret,permis), certaines dispositions particulières peuvent intervenir de manière exceptionnelle,notamment l’obligation de déterminer les circonstances d’un arrêt temporaire ou per-manent des travaux, par exemple. C’est le cas de la plupart des législations concer-nant la conservation du patrimoine humain, à savoir les monuments et sites histo-riques ainsi que les objets d’art et d’archéologie. C’est aussi le cas en ce qui concerneles accidents ou les déversements impliquant des produits nocifs pour l’environne-ment et particulièrement pour la santé humaine.

Mise en œuvre du programme de surveillance des travaux

La mise en œuvre des activités prévues dans le programme de surveillance des tra-vaux devrait commencer dès le début des travaux de préconstruction (aménagementdes accès et du chantier) et de l’élaboration définitive des plans et devis. La surveillancedoit s’effectuer conformément au programme préétabli et doit servir à s’assurer queles différentes considérations environnementales (mesures d’atténuation, lois, règle-ments, etc.) sont respectées.

En premier lieu, c’est à l’intérieur des plans et devis ainsi que dans les documentsd’appels d’offres que les vérifications sont effectuées. Il s’agit d’abord de s’assurer del’intégration des mesures d’atténuation générales et particulières qui sont prévues dansle projet final. Les lois, les règlements et les conditions reliés aux autorisations émisespar les autorités gouvernementales doivent également être respectés. Le cas échéant,des rectifications devront être apportées afin que tous les documents officiels et défi-nitifs concernant le projet soient conformes aux exigences environnementales.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

En second lieu, c’est sur le terrain (chantier et sites des travaux) que la surveillances’effectue. Il faut d’abord s’assurer que les travaux sont effectués selon les considé-rations environnementales prévues dans les plans et devis ainsi que dans les docu-ments d’appels d’offres, et que, de plus, tous les travaux s’effectuent dans une optiquede protection de l’environnement. La vérification de l’application des mesures d’at-ténuation doit également permettre d’évaluer l’efficacité de la mise en œuvre de cesmesures. Bien que ces dernières soient prévues selon des connaissances acquises aupréalable, certains ajustements de dernière minute sont souvent nécessaires. Eneffet, les mesures projetées peuvent s’avérer défaillantes à atténuer les impacts initialementanticipés ou impossibles à mettre en place sur le site même d’implantation. Lorsquela surveillance environnementale révèle une mesure d’atténuation défaillante, cettedernière doit être modifiée de façon à renforcer son efficacité ou une nouvellemesure d’atténuation plus efficace doit alors être instaurée.

Lors de la surveillance sur le terrain, il faut aussi s’assurer que les travaux sonteffectués conformément aux lois et aux règlements en vigueur ainsi qu’aux condi-tions émises par les autorités gouvernementales et selon le code corporatif environ-nemental de l’entreprise, s’il y a lieu. Dans le cas contraire, il faut prendre desmesures afin de les faire respecter dans l’exécution des travaux, particulièrement lorsqu’il s’agit d’intervention d’urgence à effectuer. Le surveillant des travaux peutaussi profiter des visites sur le terrain pour parfaire la sensibilisation et l’informationdes divers exécutants quant à la «bonne pratique environnementale».

L’exécution du programme de surveillance environnementale peut également mettreen évidence des impacts non prévus lors de l’étude d’impacts. Dans un tel cas, desmesures d’atténuation de ces impacts imprévus devront être mises en œuvre rapi-dement afin d’en minimiser l’ampleur. Certaines modifications ou correctifs aux com-posantes du projet pourraient aussi être apportés afin de corriger une telle situation.

La surveillance environnementale est une étape importante de l’évaluation envi-ronnementale, car elle permet de s’assurer que les différents aspects de l’environne-ment considérés lors du processus d’évaluation sont réellement intégrés et respectéslors de la réalisation du projet. Autrement, l’évaluation des impacts ne sera qu’unefutile et coûteuse opération de maquillage environnemental sans grande influencesur les actions concrètes.

Suivi d’exploitation

Le suivi d’exploitation, couramment nommé monitoring, même en français, vise lavérification de l’ampleur des impacts prévus (impacts potentiels/impacts résiduels)

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L’évaluation des impacts environnementaux

et l’évolution de certains éléments environnementaux particulièrement sensibles. Lesuivi d’exploitation permet d’évaluer progressivement, selon les différentes inspec-tions périodiques, l’impact réel du projet sur les éléments de l’environnement faisantl’objet du suivi.

En outre, deux objectifs secondaires se joignent parfois à cet objectif principaldu suivi d’exploitation. Il s’agit d’abord de vérifier l’efficacité à long terme desmesures d’atténuation; seule l’inspection sur le terrain au cours des années subsé-quentes à leur mise en place permet d’en valider ou non l’efficacité réelle. Il s’agit fina-lement d’acquérir de l’information nouvelle sur les interactions concrètes du projetsur l’environnement. Les enseignements découlant du suivi serviront à l’améliora-tion éventuelle des méthodes de prévision des impacts ainsi que de la mise en placede mesures d’atténuation adéquates pour les projets futurs s’il y a diffusion de tellesinformations.

L’exécution du travail relatif au suivi d’exploitation est généralement confiée àdes spécialistes des différents domaines impliqués ou à des membres qualifiés du per-sonnel de l’entreprise. Il y a parfois une inspection effectuée en parallèle, voire en col-laboration avec les organismes de contrôle de l’environnement. L’inspection pério-dique des différents paramètres s’effectue à l’aide d’indicateurs choisis, similaires ouidentiques à ceux employés au cours de l’ÉIE. Ils sont généralement déterminés dèsl’élaboration du programme de suivi.

Élaboration du programme de suivi d’exploitation

Lors de l’élaboration d’un programme de suivi d’exploitation, on doit tenir comptedes différents milieux touchés, mais plus particulièrement des éléments environne-mentaux très sensibles ou grandement perturbés par les composantes du projet. Leprogramme de suivi doit être élaboré en considérant les trois aspects méthodologiquessuivants :

• les éléments du suivi peuvent être effectivement mesurés ;

• les éléments peuvent être mesurés par des méthodes reconnues;

• les variations mesurées excèdent les variations du «bruit de fond»;

• les mesures effectuées reflètent les changements survenus.

Le suivi environnemental de la phase de l’exploitation doit être rigoureusementstructuré. Ainsi, le programme de suivi doit inclure, pour chacun des impacts sélec-tionnés, un protocole de suivi comprenant entre autres les aspects suivants :

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

• les éléments et les impacts en cause;

• la fréquence d’échantillonnage (jours, semaines, mois, années) ;

• la méthode d’échantillonnage;

• les méthodes d’analyse des données recueillies ;

• les résultats escomptés;

• et, si possible, les mesures à prendre en cas de résultats imprévus (impact réeltrès différent de l’impact potentiel, mesure d’atténuation défaillante, nouvelimpact, etc.).

Mise en œuvre du programme de suivi d’exploitation

La réalisation du suivi d’exploitation permet d’abord de vérifier la validité desimpacts prévus en ce qui concerne les éléments environnementaux faisant l’objet dusuivi. Cette activité permet aussi de réagir à un impact mal estimé, en modifiant ouen mettant en œuvre des mesures d’atténuation adéquates. L’inspection des paramètressélectionnés devrait s’effectuer tout au long de la phase d’exploitation ou jusqu’à ceque la nécessité de le faire s’en fasse sentir.

Des procédures similaires de contrôle et la présence d’acteurs analogues à ceuxde l’examen originel peuvent gouverner la mise en œuvre du suivi d’exploitation. Lesuivi d’exploitation se déroule dans un processus similaire à celui de l’ÉIE. Le suivid’exploitation est parfois accompagné d’un comité de suivi. Ce comité devrait êtreformé des principaux acteurs ayant participé au processus d’examen.

Étant donné la spécificité des protocoles de suivi pour chacun des impacts, le pro-gramme de suivi est réalisé généralement sur une période de temps étendue, cor-respondant à toute la phase d’exploitation, et ce, par plusieurs spécialistes différents.La périodicité des inspections varie selon l’objet d’étude, certains paramètres requé-rant des vérifications régulières sur une base mensuelle, voire hebdomadaire, commedans le cas de la caractérisation des rejets, alors que d’autres s’effectuent plutôt surune base annuelle – l’échantillonnage sur les grands mammifères, par exemple. Lesuivi environnemental de l’exploitation permet également de vérifier, à moyen et àlong terme, l’efficacité des mesures d’atténuation mises en œuvre initialement et, lecas échéant, permet de corriger une mesure d’atténuation s’avérant inefficace.

Rappelons enfin que l’apport d’enseignements et d’expériences que le suivienvironnemental fournit devrait servir, d’une part, à valider l’évaluation effectuée surcertains paramètres du projet, et, d’autre part, à évaluer la pertinence des mesures

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L’évaluation des impacts environnementaux

d’atténuation mises en place dans le cadre du présent projet. En conséquence, ces pré-cieuses informations ainsi recueillies permettront ensuite de mieux prévoir lesimpacts et les mesures d’atténuation lors de l’examen des projets futurs. Mais encorefaudrait-il diffuser de telles informations.

Suivi postprojet

Le troisième type de suivi, le suivi postprojet, représente beaucoup plus qu’un simplesuivi d’exploitation, ce dernier étant généralement limité à certains paramètres seu-lement. Le suivi postprojet vise au contraire à effectuer une évaluation complète duprojet, et ce, à partir de tous les paramètres examinés initialement dans l’ÉIE et quisont encore pertinents. La vérification de l’ensemble des aspects significatifs du projetaprès quelques années d’exploitation permet une réévaluation de l’examen initial. Cetteultime inspection permet, en outre, l’amélioration de l’ensemble des pratiques en éva-luation environnementale.

Le suivi postprojet n’est généralement pas un examen d’une ampleur égale àl’examen initial. Toutefois, il se doit d’être aussi complet, sauf pour les aspectsdevenus caducs en raison de la mise en place du projet, notamment la justificationet la description des composantes du projet. Dans presque tous les cas, un examencomplet demeure pertinent pour tous les aspects encore utiles tels que l’évaluationdes impacts et les mesures d’atténuation ainsi que les prédictions et les modèles employés.

Précisons que l’évaluation des impacts réels ne peut être réalisée qu’à la suite d’unexamen postprojet. Pour l’avancement des connaissances en ÉIE, il serait utile de pou-voir bénéficier de plusieurs de ces études, ne serait-ce qu’afin de vérifier la pertinencedes évaluations réalisées à ce jour. De plus, l’efficacité réelle des mesures d’atténua-tion ainsi que la fiabilité des estimations et des modèles pourraient être mesurées.Les enseignements obtenus d’une des opérations les plus essentielles, d’un point devue scientifique, permettraient une inestimable évaluation du processus mêmed’ÉIE. Cela favoriserait l’avancement des connaissances, tout comme le perfection-nement des pratiques d’évaluation.

Élaboration du programme de suivi postprojet

D’un point de vue méthodologique, le moment le plus propice pour mettre en œuvreun tel suivi n’est pas simple à résoudre. Le cas par cas semble donc de mise. En effet,si le temps d’attente est trop court, les impacts à long terme ne pourront être éva-lués, alors que s’il est trop long, la pertinence même d’une comparaison avec une situa-tion antérieure très éloignée dans le temps perd de sa crédibilité.

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Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

Suivi postprojet au Mali

Les impacts physiques et socio-économiques du barrage de Selingue (Mali) furent rééva-lués par le gouvernement malien après quatorze années d’opération. Grâce à ce contrôlerétrospectif, plusieurs recommandations furent mises en œuvre afin de réduire lesimpacts négatifs et de rehausser certains impacts positifs du projet.

Parmi les recommandations formulées par l’équipe d’évaluation, notons l’améliorationde la qualité de vie des habitants locaux par la fourniture d’électricité, la mise en placed’un meilleur système de contrôle et de suivi (monitoring), le perfectionnement du contrôledes pêches et le renforcement des plans de soins de santé pour la communauté locale.

Source : Goodland et Mercier, 1999.

L’élaboration d’un programme de suivi postprojet ressemble aux premièresétapes d’examen d’un projet initial, tel que nous l’avons présenté. Il existe toutefoisun nouvel aspect fondamental : il ne s’agit plus de prédire d’aléatoires modificationsà venir, sans toujours disposer de toutes les informations nécessaires à un examenrigoureux. Contrairement à l’examen originel, le suivi postprojet n’est ni abstrait nispéculatif. Dans le suivi postprojet, l’étude porte sur des spécimens réels et des situa-tions concrètes. L’état de la situation présente à ce moment-là sert de dénouement àl’état de la situation initiale avant la mise en place des composantes du projet.

Lors de l’élaboration d’un programme de suivi postprojet, on doit tenir comptedes différents éléments environnementaux, qu’ils aient fait l’objet du suivi d’exploi-tation ou non. Le programme de suivi doit être élaboré en considérant les trois aspectsméthodologiques suivants :

• Les aspects significatifs (éléments, impacts, mesures d’atténuation, méthodes)sont compris dans l’étude.

• Les interférences autres que celles du projet doivent être distinguées.

• Les mesures comparatives (examen originel de la situation versus examen post-projet) reflètent les changements survenus.

Le suivi environnemental postprojet doit être aussi bien structuré qu’une étuded’impacts détaillée. Il doit aussi suivre les mêmes recommandations que nousconseillions pour le suivi d’exploitation, en plus des aspects suivants :

• l’estimation rétrospective de l’évolution «naturelle» de l’environnement;

• la détermination des autres causes de perturbation que celles du projet ini-tial ;

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L’évaluation des impacts environnementaux

• l’évolution de l’environnement induite par la mise en place du projet ;

• la comparaison des impacts réels par rapport aux impacts potentiels et rési-duels ;

• la validité des estimations et des modèles d’évaluation;

• l’analyse comparative de l’évaluation des impacts réels par rapport auximpacts résiduels ;

• l’efficacité réelle des mesures d’atténuation;

• les résultats imprévus (élément, impact, mesure d’atténuation);

• les enseignements et les recommandations en vue d’améliorer l’expertise dis-ponible en vue des évaluations futures.

Mise en œuvre du programme de suivi postprojet

Des procédures similaires de contrôle et la présence d’acteurs analogues à ceux del’examen originel peuvent gouverner la mise en œuvre du suivi postprojet. Dans unecertaine mesure, le suivi postprojet devrait se dérouler dans un processus très sem-blable à celui de l’ÉIE. Il permet de vérifier à long terme la validité des prévisions etdes mesures correctrices mises en place. Il permet aussi d’effectuer les derniers ajus-tements possibles. Un comité de suivi devrait être formé afin de jouer le même rôleque lors du suivi d’exploitation. La réalisation du suivi postprojet permet aussi devérifier en situation réelle la validité des impacts prévus et, selon le cas, permet unedernière réaction par rapport à un impact mal ou nullement estimé initialement ainsiqu’à la mise en place de mesures d’atténuation plus adéquates.

Étant donné la similarité du suivi postprojet et de l’examen général de l’ÉIE, lesméthodes et outils habituels ainsi que les résultats des études semblables seront uti-lisés, et ce, selon les différentes disciplines impliquées dans l’examen en cours. Au-delà de l’apport du suivi d’exploitation, les résultats du suivi postprojet sont indis-pensables, parce que plus complets. En conséquence, ils peuvent plus adéquatementservir éventuellement dans le cadre de l’examen détaillé d’autres projets et servir àl’indispensable validation des résultats, des méthodes et des mesures d’atténuationemployés en ÉIE.

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9Chapitre

Critique, validité et efficacité de l’évaluation

des impacts environnementaux

ous avons esquissé au cours des derniers chapitres les nombreuses contraintes etles limites mais aussi la validité et l’efficacité même de l’évaluation des impacts

environnementaux. Le présent chapitre aspire donc à fournir une critique globale deces différents aspects de l’ÉIE. Il s’agit à présent de reprendre de façon plus systématiquecertaines questions abordées partiellement et séparément auparavant.

Le texte qui suit tentera d’intégrer tous ces aspects critiques, sans trop de redites,et dans une vision globale des éléments fondamentaux de l’ÉIE. Notre réflexion por-tera plus particulièrement sur les aspects méthodologiques contraignants et sur lesparamètres limitatifs des méthodes en général ainsi que sur la critique complète desprocessus et procédures d’ÉIE. Dans le contexte particulier de la promotion d’outilsefficaces de développement durable, nous aborderons aussi deux aspects indispen-sables, à savoir la validité et l’efficacité des études réalisées jusqu’à maintenant.

CONTRAINTES MÉTHODOLOGIQUES

L’une des premières limites de notre connaissance de l’impact des activités humainessur l’environnement demeure sans doute notre connaissance insuffisante, voirenotre ignorance des mécanismes qui régissent la plupart des écosystèmes qui nousenglobent et des multiples êtres vivants qui les composent. Nous ne connaissons

N

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L’évaluation des impacts environnementaux

souvent qu’une partie bien infime des informations qui nous seraient nécessaires àune pleine intelligibilité des choses. Cette lacune est aussi valable pour le milieu naturelque pour la nature humaine. Pensons seulement aux nombreuses incertitudes et hypo-thèses contradictoires en ce qui concerne les précipitations acides ou les conséquencesde l’effet de serre, deux sujets pourtant abondamment étudiés au cours des dernièresannées par de nombreuses équipes de recherche disposant de puissantes ressources.Sur ces deux questions globales, nous ne pouvons actuellement qu’estimer grossiè-rement les modifications biophysiques et les comportements humains. Que dire alorsde sujets peu observés ou qui nous étaient inconnus avant que l’étude d’un projetne les mette en évidence? À mesure que s’accroîtra la qualité de notre perception del’environnement, ces limites conceptuelles et scientifiques auront sans doute tendanceà diminuer. Toutefois, nous n’atteindrons sans doute jamais une connaissance com-plète et sans faille des complexes réalités qui nous entourent. Le «principe de pré-caution» nous enseigne cependant que nous n’avons pas toujours besoin d’une connais-sance exhaustive des choses avant de pouvoir agir, même si en pratique l’objectif deprécaution ne fait pas toujours le poids devant les exigences et les prérogatives dudéveloppement.

L’approche étroite et quelquefois bornée de la recherche est une deuxièmecontrainte méthodologique importante de l’ÉIE, d’autant plus qu’elle amplifie notreconnaissance partielle de l’environnement. Il s’agit autant des contraintes de com-préhension entre les diverses disciplines scientifiques que des démarches scientifiqueslinéaires et étroites qui ne permettent que peu d’ouverture à la recherche des inter-actions existant dans tout système. L’approche systémique offre une voie de solutionintéressante, mais certes pas la voie de la facilité. En effet, la mise en pratique des prin-cipes de l’approche systémique n’est pas toujours commode à réaliser. Un autre aspectde la linéarité de la recherche concerne le fossé parfois important entre la rigueur métho-dologique des méthodes employées, lorsque c’est le cas, et l’insuffisance des donnéesnécessaires à leur plein emploi. Ces difficultés se rencontrent souvent lors de l’utili-sation des méthodes numériques d’évaluation, voire de toute méthode quantitativeen ÉIE.

L’une des faiblesses des méthodologies employées et sur laquelle nous avons insistédans le passé est bien sûr l’insuffisante élaboration théorique sous-jacente à la pré-paration de plusieurs des approches. L’absence de lignes directrices bien précises concer-nant les aspects méthodologiques de l’ÉIE, dans la presque totalité des législationset des réglementations en vigueur, entraîne souvent des approches du cas par cas sanstoujours beaucoup de rigueur. Cette liberté d’expression des évaluateurs ouvre par-fois la voie à l’aléatoire et à l’incertitude.

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Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

La présence d’aspects subjectifs, notamment de jugements de valeurs, dans plu-sieurs aspects importants de l’évaluation, constitue une autre contrainte importante.Cette subjectivité limite parfois grandement la valeur et la rigueur de l’évaluation.Cependant, il ne faut pas nécessairement voir là une contrainte insurmontable, ni tou-jours décisive. L’examen subjectif de certaines questions n’est pas automatiquementune faiblesse grave. C’est particulièrement le cas en ce qui a trait à la délimitation desenjeux et à l’évaluation des impacts sociaux. Il faudrait toutefois que de telles études,parfois incontournables et souvent fort utiles, en fassent explicitement mention afinqu’on puisse en contrôler mieux les conséquences. Le non-respect de la transparenceen ce domaine entraîne souvent des contestations et des litiges importants entre lesdifférents acteurs, voire le rejet complet de l’ÉIE et de l’équipe d’évaluateurs.

Une autre contrainte, parfois déterminante pour la crédibilité de l’examen,apparaît lorsqu’il faut combiner des données quantitatives avec des données quali-tatives. En effet, des problèmes de cohérence et d’intégration surgissent lors de la com-paraison, d’une part, de résultats quantitatifs, habituellement assez précis et expli-cites, et, d’autre part, de résultats qualitatifs, pas toujours très rigoureux, ni biendémontrés. La conjugaison de ces données de nature différente n’est pas toujours simpleà effectuer, notamment dans les procédés d’agrégation et de pondération. En fait, touteétude présente des résultats dont l’estimation, même approximative, demeure impos-sible ou très difficile à réaliser. Ces paramètres inquantifiables et inqualifiables avecun peu de précision font glisser l’évaluation vers des estimations très incertaines, dif-ficilement conciliables avec les autres données de l’étude. En conséquence, l’examenvisera à permettre la compréhension de l’approche retenue par les évaluateurs afinde faire face à cette inévitable intégration du qualitatif avec le quantitatif ainsi quede permettre une juste appréciation des diverses données servant de base à l’étude.

Par ailleurs, l’arbitraire engendré par les aspects spatio-temporels, notammentl’étendue et la durée des différents impacts ainsi que de la zone d’étude, constitue aussiune contrainte parfois importante. Les fluctuations plus ou moins notables de cesaspects entraînent une délimitation de frontières imprécises, tant en ce qui concernel’espace que le temps. Ces variations influencent la prise en compte de l’état de réfé-rence, notamment l’état initial des éléments de l’environnement et les modificationssubséquentes du milieu. L’estimation de l’ampleur des impacts et conséquemmentl’importance de l’impact environnemental du projet dans son ensemble peuvent ainsivarier considérablement.

Nous ne reviendrons pas sur la recherche fortuite d’un critère unique d’évalua-tion, particulièrement d’une valeur économique étalon. Il semble prématuré, voiremême futile de tenter de déterminer une valeur économique pour chacun des

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L’évaluation des impacts environnementaux

impacts et des éléments de l’environnement. L’insistance trop grande à vouloirramener toute l’évaluation sur un indice unique d’évaluation néglige trop les mul-tiples dimensions et particularités des éléments et des impacts. Il existe trop souventdes différences et des spécificités difficilement comparables sur de telles bases. Voilàqui est d’autant plus regrettable que l’analyse multicritères que nous avons esquisséelors de l’examen de certaines méthodes d’évaluation apporte des solutions fort inté-ressantes et sans doute souhaitables dans le cadre d’un développement durable.

LIMITES DES MÉTHODES ET DES OUTILS

Nous n’aborderons les limites des diverses méthodes et des outils spécifiques à l’ÉIEqu’avec une vision générale et globale. Les aspects particuliers à chacune d’elles, ayantété présentés abondamment lors de l’examen des différents axes possibles, ne serontdonc pas repris ici. Nous examinerons plutôt de manière globale les limites de l’em-ploi des méthodes d’évaluation.

La limite générale, concernant la totalité des méthodes employées jusqu’à main-tenant, est sans contredit l’incomplète prise en compte de tous les éléments d’iden-tification et d’évaluation nécessaires à une étude complète. Sauf dans le cas de cer-taines méthodes ad hoc, aucune des méthodes d’évaluation examinées ne permet detenir compte de tous les éléments d’analyse nécessaires à une étude complète, selonles «règles de l’art». Toutefois, la variété des méthodes permet une mise en commundans la recherche d’une évaluation globale et complète. La complémentarité de cer-taines méthodes et leur collusion dans une même étude permettent ainsi une percéevers la prise en compte globale de tous les éléments essentiels de l’ÉIE.

Par surcroît, les méthodes reposent parfois sur des méthodologies contrai-gnantes et limitatives. Dans ces circonstances on peut difficilement s’attendre à desrésultats probants et satisfaisants. Une méthode peut rarement être meilleure que lesprésupposés méthodologiques sur lesquels elle repose. L’emploi fréquent de méthodesunicritères dans des domaines incertains en est un exemple patent. En parallèle à cettequestion coexiste la recherche d’approche uniquement préoccupée par les résultats,oubliant par le fait même les autres considérations méthodologiques sous-jacentes.

L’une des limites des méthodes couramment mentionnées est l’absence deréflexion ou d’approfondissement suffisant par rapport au mode d’évaluation desimpacts et surtout en ce qui concerne l’agrégation et la pondération de ces évalua-tions (Simos, 1990). Depuis fort longtemps, l’emploi de ces deux opérations indis-pensables n’est conseillé qu’avec la plus grande prudence (Sorensen et Moss, 1973;Munn, 1977). Les méthodes d’agrégation, en particulier, sont une importante source

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Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

de controverse. Certains pensent que l’agrégation n’est admissible que pour certainescatégories communes ou très similaires d’impacts et d’éléments, par exemple les dif-férents paramètres de la qualité de l’air ou de l’eau; autrement, les impacts devraientêtre jugés individuellement (Sorensen et Moss, 1973). L’agrégation sectorielle seraitainsi tolérée mais pas l’agrégation globale. C’est d’autant plus vrai que le procédé del’agrégation globale risque de dissimuler un impact majeur (Simos, 1990). Pour d’autres,l’agrégation ne peut être utilisée que dans un certain cadre méthodologique bien précis,à savoir que «si la valeur de chacun des indicateurs est également donnée, la tech-nique d’agrégation est clairement étayée et la technique comprend une dispositionprévoyant le rejet ou la mise en évidence d’un impact inacceptable» (Munn, 1977).D’où la nécessité d’utiliser des «drapeaux rouges» (red flag), c’est-à-dire une indi-cation clairement repérable pour des impacts inadmissibles.

Nous ne reviendrons pas sur la discussion concernant la valeur des méthodes uni-critères d’évaluation versus les méthodes multicritères, particulièrement en ce quiconcerne les méthodes économiques ; nous en avons abondamment discuté aupara-vant. Ajoutons simplement qu’il est préjudiciable de tenter d’étendre et de généra-liser à l’ensemble de l’étude des résultats spécifiques et l’interprétation souvent spé-culative de ceux-ci.

Finalement, la limite suprême et ultime de plusieurs études est souvent la dis-proportion entre, d’une part, les besoins nécessaires à l’étude des phénomènes en causeet, d’autre part, les moyens réels dont disposent les évaluateurs. Les moyens mis à ladisposition des évaluateurs résultent des disponibilités financières relatives au projet.La part attribuée à l’évaluation des impacts environnementaux est habituellement égaleà 1% du budget total du projet (World Bank, 1991), mais elle est en fait souvent infé-rieure à ce seuil cible. Par ailleurs, la compréhension de certains phénomènes envi-ronnementaux requiert de longues et coûteuses études qui souvent nécessiteraientdes sommes plus importantes, lorsqu’elles sont bien sûr au moins équivalentes à ce1%. Dans ces circonstances, il n’est pas surprenant de constater que le budget de cer-tains projets d’ÉIE est outrepassé avant même la fin de l’étape de l’évaluation des impacts.

En plus des contraintes financières, les ressources limitées en personnel compé-tent et disponible au moment voulu affectent parfois le plein emploi des méthodeset des outils de l’ÉIE. Ne pensons qu’aux besoins en ressources pour l’utilisation conve-nable des systèmes d’information géographique (SIG) ou aux inventaires exhaustifshabituellement requis pour l’estimation de certains impacts pour les élémentsméconnus de l’environnement. L’emploi inconsidéré des SIG, notamment dans lecontexte de projet modeste et unique ainsi que dans plusieurs pays en voie de déve-loppement, entraîne des conséquences multiples, dont l’examen insuffisant des

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L’évaluation des impacts environnementaux

autres aspects pourtant essentiels de l’ÉIE et conséquemment un rétrécissement dela portée et du mandat de l’étude, faute de moyens (Baudoin, 1995 ; Leduc etRaymond, 1996). De plus, le temps alloué à la réalisation de l’examen est souvent troprestreint pour permettre un usage optimal des méthodes et des outils qui seraient néces-saires à un examen approprié.

VALIDITÉ DES ÉVALUATIONS

La validation des résultats des nombreuses évaluations effectuées depuis les débutsde l’ÉIE n’est pas une opération facile. En effet, les données nécessaires afin de déter-miner si les effets anticipés et les impacts prévus ainsi que les conséquences des mesuresd’atténuation mises en place reposent sur trop peu d’informations. Beaucoup derecherches restent à faire afin de pouvoir valider convenablement les méthodologieset les méthodes employées ainsi que les résultats mêmes des évaluations. Nous n’ensommes encore qu’aux premiers balbutiements en ce domaine pourtant fort impor-tant de l’ÉIE.

Depuis longtemps, un certain nombre de comités d’étude furent formés afin d’exa-miner et éventuellement d’améliorer la validité et l’efficacité des ÉIE. En avril 1983aux États-Unis, le U.S. National Research Council (NRC) on Basic Biology créait leCommittee on Applications of Ecological Theory of Environmental Problems(CAETEP) afin d’étudier ces questions. Le Canada emboîta le pas en janvier 1984 avecla création du Conseil canadien de la recherche sur l’évaluation environnementale(CCREE), organisme public ayant pour objectif principal l’amélioration des bases scien-tifiques et techniques ainsi que des procédures de l’ÉIE.

Plus récemment, le Bureau fédéral d’examen des évaluations environnementales(BFEEE) du Canada, en collaboration avec l’International Association for ImpactAssessment (IAIA), réalisa une étude sur l’efficacité de l’évaluation environnemen-tale (Sadler, 1996). L’étude se proposait d’examiner les pratiques d’ÉIE dans l’optiquede leur rôle véritable dans les processus de décision (IAIA, 1994 et ACÉE, 1995). Cettevaste étude internationale publiée en 1996 visait à combler les lacunes au sujet de l’ef-ficacité véritable de l’ÉIE, ce que ne permet pas l’examen cas par cas des rares éva-luations réalisées sous les auspices des promoteurs.

Parmi les aspects importants de l’inefficacité de certaines évaluations, et princi-palement tributaire des limites des méthodes employées, le rapport international surl’efficacité de l’ÉIE (Sadler, 1996) mentionne:

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Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

• la faiblesse des estimations concernant l’importance et la portée des impactsprévus ;

• l’insuffisant degré de précision des estimations mêmes, ce qui dépend pourune bonne part de la précision des données, de la détermination rigoureusede l’état de référence de départ (imprécision de l’état initial, comme enmétéo) et de l’exactitude des modifications anticipées ;

• l’incompréhension et la méconnaissance de plusieurs des mécanismes mis encause, notamment en ce qui concerne la complexité de certains éléments envi-ronnementaux et particulièrement la dynamique des écosystèmes;

• enfin, l’absence de vérification systématique en ce qui concerne l’efficacité desmesures d’atténuation mises en place ainsi que, dans une certaine mesure, pourles mesures de compensation.

Une grande partie de ces aspects de l’efficacité des évaluations est particulière-ment difficile à évaluer en raison de l’absence systématique d’inspection en ce sens.La tenue d’évaluations postprojets et la diffusion de leurs résultats pourraient éclaireravantageusement cette zone d’ombre de l’ÉIE. Selon la plupart des experts, ce n’estqu’ainsi qu’on pourra atteindre une réduction réelle des impacts environnementauxet la mise en place de mesures d’atténuation efficaces (idem).

La validité des évaluations, particulièrement l’estimation de l’importance des impactspotentiels et des mesures d’atténuation proposées, est fort différente selon les disci-plines en cause. Les sciences physiques et biologiques affichent parfois une plus granderigueur méthodologique et une plus importante abondance de données fiables.Elles prétendent proposer une meilleure et plus grande validité que les démarches etméthodes issues des sciences humaines et économiques. Cela est sans doute tribu-taire, mais en partie seulement, des ressources imposantes mises à contribution auxfins des recherches en sciences biophysiques. Elles sont donc soutenues par une pluslongue et plus complète expérience pratique.

Par ailleurs, l’inspection ultérieure à la réalisation du projet afin de vérifier la vali-dité des évaluations effectuées est une pratique plutôt rarissime. La vérification du bien-fondé de l’examen d’un projet est rarement effectuée. Cet aspect du processus d’ÉIEest pourtant mentionné fréquemment dans les procédures en vigueur actuellementet la présentation d’un programme de suivi est souvent une exigence réglementaire.Seuls de véritables et réguliers programmes de suivi pourraient permettre une solidevérification de la validité de l’ÉIE. Les contrôles effectués lors de la surveillance destravaux et lors de la phase d’exploitation sont trop souvent partiels et incomplets pourvalider convenablement l’étude complète. Dans un tel contexte, seulement

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certains paramètres, notamment ceux concernant les mesures d’atténuation ainsi quecertains indicateurs hautement significatifs pour quelques-uns des éléments de l’en-vironnement ou activités d’exploitation, peuvent être validés. La tenue d’évaluationpostprojet, dans les dix années suivant la mise en place d’un projet, par exemple, estpresque partout une pratique exceptionnelle, sauf pour certaines très grandes entre-prises aux projets récurrents.

La mise en place d’un véritable programme de suivi, c’est-à-dire incluant une rééva-luation complète du projet, est essentielle à l’avancement des connaissances en ÉIE.Seule la tenue d’une telle inspection générale permettrait de connaître les impactsréels et d’ainsi valider les évaluations initiales. De plus, la diffusion des résultats detelles opérations permettrait une importante contribution à l’avancement desconnaissances en évaluation d’impacts. Une telle inspection ultérieure permettraitune validation des examens réalisés et l’amélioration des prédictions et des évalua-tions pour les futures études. Bien entendu, cette nécessité soulève la question sui-vante : qui devrait être responsable de telles études ? Plusieurs pensent qu’ellesdevraient être du ressort des autorités gouvernementales de contrôle, alors que cer-tains croient plutôt qu’elles devraient demeurer l’entière responsabilité du promo-teur, et ce, tant en ce qui concerne l’exécution que le financement et la diffusion.Actuellement, l’inspection et le suivi sont souvent des tâches partagées entre les pro-moteurs et les autorités gouvernementales.

Le septième Congrès annuel de l’Association québécoise pour l’évaluation d’im-pacts (AQÉI), tenu à Montréal à l’automne 1998, portait sur la validité de l’ÉIE. Lesdeux thèmes majeurs de discussion traitaient de la validité des prédictions effectuéeset des mesures d’atténuation mises en place au Québec depuis les vingt dernières années.En conséquence, ces deux questions étaient examinées en parallèle aux enseignementsdes rares programmes de suivi réalisés jusqu’à maintenant (AQÉI, 1999). Il ressortdes discussions qu’une masse considérable d’informations existe déjà mais que le bilande leur enseignement n’est pas près d’être publié.

Un dernier aspect de la validité des évaluations concerne l’équité et la transparencedu processus d’évaluation employé par rapport aux attentes de tous les acteurs. En effet,les procédures d’ÉIE ne permettent pas toujours la satisfaction des besoins, des pré-occupations et des valeurs parfois divergentes des divers acteurs impliqués par la réa-lisation d’un projet. Sans reprendre l’argumentation développée au cours du premierchapitre entre ceux qui croient que l’ÉIE est un nuisible obstacle au progrès et ceuxpour qui ce ne serait qu’un cataplasme sur un grand corps malade, nous pensons quel’ÉIE, telle que nous l’avons présentée dans ce livre, est un processus valable parce qu’iloffre notamment l’occasion aux divers intérêts en présence de se manifester.

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Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

EFFICACITÉ DU PROCESSUS

L’efficacité du processus et des procédures d’évaluation est une question qui soulèveplus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Comme pour la vérification dela validité des évaluations, cette opération pourtant essentielle à toute recherche scien-tifique, voire à toute action humaine, est souvent oubliée rapidement à la suite de l’ap-probation et de la mise en œuvre du projet. Les efforts méthodiques d’examen duprojet et de l’environnement s’interrompent souvent comme par enchantement lorsde la prise de décision. On justifie cette situation d’insouciance par des motifs de tempset d’argent, et ce, tant de la part des promoteurs que de celle des autorités respon-sables. En conséquence, les études sérieuses sur l’efficacité du processus d’ÉIE sonttrès rares encore aujourd’hui et son efficacité véritable reste toujours à confirmer.

Un premier indice intéressant démontrant l’efficacité de l’évaluation des impactsenvironnementaux, ou plus précisément qui témoigne de son utilité intrinsèque, nousest fourni par la disparition d’un certain nombre de projets ayant des impacts envi-ronnementaux très importants. C’est ainsi que, selon le Conseil de la qualité de l’en-vironnement (Council of Environmental Quality) des États-Unis, certains projets, parmiles plus néfastes pour l’environnement, seraient éliminés du seul fait de l’abandondu projet par les promoteurs avant même la tenue de l’étude d’impacts (Sassevilleet coll., 1977). Les promoteurs deviennent alors plus conscients de l’impact du déve-loppement sur l’environnement, tout simplement parce qu’ils doivent se soumettreà la procédure d’ÉIE en vigueur. Ainsi, la présence de procédures d’ÉIE, conjuguéeaux préoccupations du public au sujet de l’environnement et sans doute appuyée parle syndrome «pas dans ma cour» (NIMBY), élimineraient de fait les projets les plusnéfastes ou litigieux pour l’environnement. Par exemple, au cours de la dernière décennie,plusieurs projets de centrales nucléaires, d’incinérateurs de déchets organiquesindustriels, de centrales thermiques au charbon et d’enfouissement de déchetsdomestiques en milieu urbain n’ont jamais cheminé jusqu’à l’envoi de l’avis de projetpar leurs promoteurs potentiels.

En pratique, le processus d’évaluation entraîne parfois des modifications majeurespar rapport au projet initial, comme ce fut le cas pour le projet de ligne à haute ten-sion au-dessus du fleuve Saint-Laurent au début des années 1990. Toutefois, desrecherches récentes tendent à démontrer que la vaste majorité des modifications appor-tées aux projets, à la suite d’un examen d’ÉIE, ne concerneraient que des aspects mineursou modérés, mais nullement les composantes majeures (Lee, Walsh et Reeder, 1994).Mais comme nous l’avons constaté au cours du dernier chapitre, plus tôt intervientl’environnement dans l’élaboration d’un projet, moins les modifications en coursd’examen deviennent nécessaires.

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Comme pour la validité des évaluations, la vérification de l’efficacité du processusoffre la possibilité de retour sur l’ÉIE initiale. Elle permettrait surtout une meilleureefficacité de l’ensemble des diverses étapes ainsi qu’une meilleure utilisation des esti-mations et des résultats de la recherche. Tous ces éléments permettraient un rende-ment plus élevé des moyens, des ressources, des informations et des multiples inter-venants impliqués dans un processus d’examen. Le rapport d’ÉIE serait en quelquesorte plus près des réalités qu’il prétend refléter. En conséquence, le processusd’examen offrirait un éclairage supérieur à la prise en compte de l’environnementdans la planification du développement. La pertinence de l’ÉIE en tant qu’outil degestion et instrument de la prise de décision en serait rehaussée.

Afin de faire face aux critiques et de relever de nouveaux défis, l’évaluation desimpacts environnementaux (ÉIE) doit améliorer certaines de ses pratiques. L’ÉIE doitnotamment accéder à un niveau supérieur d’intégration de ses différents processuset outils. Comme l’ont montré l’étude internationale sur l’efficacité de l’évaluationd’impacts (Sadler, 1996) ainsi que les dernières positions de la Banque mondiale (WorldBank, 1996 et Goodland et Mercier, 1999), une meilleure intégration des divers typesd’évaluation (stratégique, régionale, sectorielle et de projet) est nécessaire afin d’amé-liorer les processus d’évaluation actuellement en vigueur. Plusieurs des enjeux du déve-loppement durable (CMED, 1988) reposent en effet sur une efficacité plus grandedes processus et des outils de gestion et de planification environnementale (Sadler,1998).

Par ailleurs, le contexte interne de l’évaluation d’impacts pose désormais de nou-velles exigences : raccourcissement des délais de la procédure (Partidàrio, 1996), éco-nomie d’argent dans l’étude des projets (Duport et coll., 1994) et détermination préa-lable des enjeux environnementaux du développement (Dom, 1997). Les tendancesactuelles de mondialisation, de privatisation, de retrait de l’État et de déréglementa-tion renforcent ces dernières exigences. Enfin, d’un point de vue méthodologique,l’évaluation d’impacts doit aussi trouver des réponses satisfaisantes à certaines ques-tions globales, comme la prise en compte des impacts cumulatifs et des impacts sociauxainsi que de la sélection des solutions de rechange et des variantes au projet proposé.De plus, l’intégration de la participation publique au processus d’examen devrait segénéraliser et s’étendre en amont de l’étape de validation finale de l’étude d’impacts.

L’amélioration de l’efficacité du processus d’évaluation semble essentielle au main-tien de l’ÉIE comme outil de planification du développement futur et surtout au renforcement de l’ÉIE comme instrument clé du développement durable. Ce dernierrequiert en effet l’atteinte du triple objectif visé par l’évaluation des impacts envi-

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ronnementaux, à savoir une connaissance suffisante de l’impact environnemental desprojets de développement, une atténuation substantielle des conséquences négativesde ces derniers et une approbation notable du développement par le milieu.

CRITIQUE GÉNÉRALE DE L’ÉIE

Malgré le chemin parcouru au cours des vingt-cinq dernières années, la critique géné-rale adressée à l’ÉIE concerne encore l’insuffisance des procédures et des processusd’ÉIE mis en place et surtout les pratiques concrètes qui en découlent. D’un pointde vue restreint, la nature plutôt incitative et permissive de la législation a sans doutecomme résultat une très grande variabilité quant à la qualité même des études réa-lisées. D’un point de vue global, la portée de l’ÉIE demeure encore trop étroite et samise en œuvre est en outre passablement timide, sinon franchement négligente.

Il faut admettre qu’il y a parfois une disparité très grande entre la volonté d’in-tervention et les réalisations concrètes. D’une part, les procédures mises en place sontsouvent en retard par rapport aux «règles de l’art» en ÉIE et, d’autre part, la miseen œuvre des procédures en vigueur n’est pas toujours aussi complète, profonde etconsistante que ce à quoi on s’attendrait. De bonnes législations s’arrêtent souventau point de vue légal, sans réelle emprise sur la pratique concrète de la gestion desaffaires humaines. Ainsi, la place de l’ÉIE dans la société est trop souvent réduite àl’arrière-plan des décisions. Son rôle demeure alors mineur et sans trop d’influencesur les habitudes traditionnelles de gestion et de planification. Le rôle de l’ÉIEcomme «pierre angulaire» du développement durable n’est toujours pas assuré, caril ne permet pas encore une véritable prise en compte des aspects environnementauxdans la gestion des activités humaines.

Parmi les critiques les plus souvent rencontrées depuis les presque débuts de l’ÉIE,mentionnons:

• l’intégration trop tardive de l’ÉIE dans l’élaboration du projet ; l’ÉIE devraitse joindre au plus tôt au processus de planification des projets ;

• les responsabilités des divers intervenants qui ne sont pas clairement établieset toujours partagées (rôle de l’ÉIE, place des évaluateurs, du promoteur, dela population, etc.) ;

• la complexité et le peu de flexibilité de certaines procédures d’ÉIE; l’avenir devraitplutôt tendre vers une simplification et une meilleure compréhension des procédures administratives, ce qui inclut particulièrement les aspects législa-tifs et réglementaires ;

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• la précarité des moyens mis à la disposition de l’ÉIE par rapport au projet même;il faudrait dès lors une détermination plus précise des moyens disponibles auxfins de l’ÉIE, particulièrement des coûts, et espérer réduire ainsi le nombred’études incomplètes ou abandonnées en cours de route à cause de cette situa-tion.

La vaste étude internationale sur l’efficacité de l’évaluation environnementale sousles auspices de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE) et del’International Association of Impact Assessment (IAIA) concluait son rapport parles recommandations suivantes (Sadler, 1996) :

• revenir à l’essentiel (processus reconnu), c’est-à-dire améliorer la mise en œuvredu processus, éviter les chevauchements et préciser sa place dans le processusdécisionnel, ainsi que mettre en place un code international (IAIA ou ISO);

• améliorer les processus et les activités de l’ÉIE, à savoir consolider les méca-nismes de contrôle de la qualité, renforcer la détermination du champ (sco-ping), améliorer la prise en compte des impacts sociaux et ceux sur la santéainsi que la participation publique, la communication des résultats et l’éva-luation des impacts cumulatifs et globaux;

• promouvoir l’«évaluation environnementale stratégique» (ÉES) et favoriserdes approches souples et adaptatives, des méthodes et des procédures fiablesainsi que les mêmes améliorations pour l’ÉES que pour l’ÉIE;

• favoriser l’ÉIE en tant qu’outil de développement durable, notamment pourla prise en compte de la biodiversité, le développement d’indicateurs et de cri-tères en ce sens, ainsi qu’afin de parvenir à la compensation des impacts rési-duels ;

• faire face aux nouveaux défis de l’évaluation environnementale, à savoir :

• l’évaluation des impacts cumulatifs à grande échelle et la gestion des res-sources, les deux dans un contexte transfrontière ;

• la prise en compte du commerce et des programmes d’aide internationaux;

• l’analyse du cycle de vie, des plans d’aménagement et du renforcement descapacités des PVD ainsi que la diversification et la polyvalence de l’ÉIE;

• diriger les efforts vers l’évaluation et la planification du développementdurable, notamment par des politiques intégrées et régionales.

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Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

Le plus récent rapport du Conseil américain sur la qualité de l’environnement(Council on Environmental Quality (CEQ)) concernant l’application de la Loi amé-ricaine (NEPA) constatait que la mise en pratique de la Loi depuis plus de vingt-cinqans suscite de nombreuses critiques. Ces critiques concernent surtout l’inefficacité(«inefficient and ineffective») de celle-ci (CEQ, 1997, cité par Webster, 1998). Cet étatde fait serait le résultat d’une intégration trop tardive dans le processus d’accepta-tion des projets.

Les contraintes institutionnelles sont souvent vues comme responsables des insuf-fisances rencontrées et de la faible performance de l’ÉIE en général. Faisant un retoursur les résultats de l’étude internationale sur l’efficacité de l’ÉIE ainsi que sur ceuxde l’étude du CEQ américain, Sadler (1998) mentionnait récemment que la portéedes études est limitée par une délimitation et une application trop restrictives du conceptde l’ÉIE par les institutions responsables. C’est particulièrement le cas pour le social,la santé humaine et les impacts cumulatifs, des aspects couverts habituellement demanière inadéquate. Ces remarques reprenaient des déclarations antérieures de l’au-teur ainsi que celles d’Ortolano et Sheppard (1995) concernant les grands problèmeslimitant l’ÉIE. L’évaluation de l’impact cumulatif des divers développements proposésdoit devenir un exercice routinier et systématique (Goodland et Mercier, 1999). Ence sens, l’emploi d’évaluations régionales et sectorielles devrait être favorisé.

Dans un autre ordre d’idées, la conjugaison de l’ÉIE avec le processus de prise dedécision est une préoccupation très ancienne. Reprise au cours des dernières années,elle implique la liaison de l’ÉIE avec les orientations d’ensemble en environnement,voire la mise en place du développement viable. L’orientation de l’ÉIE vers la prise dedécision est restrictive par rapport aux objectifs environnementaux visés. C’est ainsique la vision fragmentée des phénomènes et des impacts environnementaux, inhé-rente à plusieurs évaluations et qui résulte parfois de restrictions imposées par le pro-cessus même d’évaluation, n’apporte pas une prise en compte souhaitable des préoc-cupations environnementales. Cette fragmentation des préoccupations peut alorsconstituer «un corridor étroit et contraignant» pour une bonne perception de la pro-blématique environnementale, une situation remarquée depuis fort longtemps déjà(Sasseville et coll., 1977). Conséquemment, l’amélioration des outils de gestion et deplanification environnementale passe par l’intensification des liens entre l’évaluationenvironnementale stratégique et l’usuelle évaluation de projet. Elle s’inscrit dansl’évolution de l’ÉIE au cours des dernières années vers un élargissement de la portéeet du mandat de l’étude (Jacobs et Sadler, 1991; Lévesque, 1994; Gariépy, 1995). Leslégislations canadienne (Environnement Canada, 1995) et québécoise (Gouvernementdu Québec, 1992; MEF, 1995) favorisent désormais son emploi dans les procédures

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officielles1. Il semble que l’emploi de l’évaluation stratégique ait recueilli l’attentiondes gouvernements un peu partout dans le monde (Risse, 1998).

Par ailleurs, il semble que l’information fournie dans le rapport d’ÉIE ne soit pastoujours appropriée pour une utilisation judicieuse par ceux qui prennent des déci-sions. La faute serait imputable aux évaluateurs eux-mêmes. Selon certains, ces der-niers seraient inaptes à fournir clairement et simplement des résultats utiles et com-préhensibles pour la prise de décision (Webster, 1998). Dans une telle situation, l’ÉIEpeut difficilement jouer son rôle d’outil essentiel de conciliation des impératifs del’environnement vis-à-vis de ceux du développement et contribuer ainsi à l’instau-ration d’un développement durable.

En ce qui concerne les possibles orientations futures de l’évaluation environne-mentale pour le nouveau millénaire, le rapport international faisait état de deux niveauxde perspectives, celles à court terme et celles à long terme (Sadler, 1996). Ces pers-pectives sont :

À court terme:

• mondialisation: pressions sur ressources – normes internationales ;

• déréglementation: limitation du secteur public – importance de l’ÉES;

• privatisation: vente de l’État – renforcer les normes nationales et internationales;

• réduction des effectifs de l’État : décentralisation – responsablisation;

• récupération des coûts : efficacité accrue du processus – faire payer l’ÉE parles promoteurs.

À long terme:

• vers le développement durable ;

• évaluation environnementale à grande échelle.

La mondialisation des pratiques et des procédures d’ÉIE accentuera les tendancesd’harmonisation (recherche de cohérence) et de partage des compétences ainsi quede diffusion et de mise en œuvre à l’ensemble des pays. Cependant, la direction prisepar plusieurs pays vers la déréglementation et le retrait de l’État des affaires publiquesimplique un repositionnement des divers outils de gestion, dont l’évaluation d’im-pacts. Afin de ne pas essuyer un recul, l’ÉIE devra sans doute être appuyée par uneplus étroite et plus intense adhésion de la population au processus d’examen.

1. La nouvelle réglementation québécoise n’est toutefois pas encore en vigueur (hiver 2000).

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Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

L’ÉIE est un processus d’examen en constante évolution. Depuis trente ans, sonemprise s’étend à de plus vastes domaines et à un plus grand nombre d’endroits. Cetteprogression de l’influence de l’ÉIE dans les affaires humaines a encore besoin de nom-breux appuis. Toutefois, cette évolution soutient fermement une meilleure prise encompte de l’environnement dans la planification des activités futures. L’efficacité del’ÉIE en tant qu’outil essentiel du développement durable dépend avant tout de laplace et du rôle que nous voudrons bien lui accorder dans la gestion des affaireshumaines.

Nous souhaitons que notre travail favorisera le développement des méthodes etdes pratiques d’ÉIE. Ce développement de l’ÉIE doit se réaliser aux trois niveauxd’examen du processus d’évaluation. Il ne s’agit donc pas seulement d’améliorer lesoutils de prédiction des impacts, quoique cette tâche soit fort utile. Il s’agit aussi d’af-finer nos démarches d’élaboration des projets en tenant mieux compte de l’envi-ronnement. Finalement, il s’agit de perfectionner et d’humaniser nos outils de prisede décision afin de les rendre plus compatibles avec un développement qui soit viableà long terme. Le développement futur de nos sociétés ne pourra se réaliser sans qu’in-terviennent activement les questions environnementales dans les processus de prisede décision. À ce moment-là, l’ÉIE, aussi influente et respectable que le rapport tech-nique et l’analyse financière, pourra tenir son rôle d’outil indispensable d’une prisede décision éclairée.

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