ensemble c est tout

8/12/2019 Ensemble c Est Tout

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Anna Gavalda

Ensemble, cest tout

"Et puis, qu'est-ce que ca veut dire, differents ? C'est de la foutaise, ton histoire de torchons et

de serviettes... Ce qui empeche les gens de vivre ensemble, c'est leur connerie, pas leurs

differences..." Camille dessine. Dessinais plutot, maintenant elle fait des menages, la nuit.

Philibert, aristo pur us, heberge !ranc, cuisinier de son etat, dont l'e#istence tourne autour des

filles, de la moto et de Paulette, sa grand-mere. Paulette vit seule, tombe beaucoup et cache ses

bleus, paniquee a l'idee de mourir loin de son ardin. Ces quatre la n'auraient amais du se

rencontrer. $rop perdus, trop seuls, trop cabosses... Et pourtant, le destin, ou bien la vie, le hasard,

l'amour -appele% ca comme vous voule% -, va se charger de les bousculer un peu. &eur histoire, c'est

la theorie des dominos, mais a l'envers. u lieu de se faire tomber, ils s'aident a se relever.

Anne Gavalda

Ensemble, cest tout

(uguette Clement

)*+*+-/ Corps non reclame.

PREMIERE PARIE

!

Paulette Lestafier n'etait pas si folle qu'on le disait. Bien sur qu'elle reconnaissait les jours

puisqu'elle n'avait plus que ca a faire desormais. Les compter, les attendre et les oublier. Elle savait

tres bien que c'etait mercredi aujourd'hui. D'ailleurs elle etait prete! Elle avait mis son manteau, pris

son panier et reuni ses coupons de reductions. Elle avait meme entendu la voiture de la Yvonne au

loin ais voila, son chat etait devant la porte, il avait faim et c'est en se penchant pour reposer

son bol qu'elle etait tombee en se co"nant la tete contre la premiere marche de l'escalier.

Paulette Lestafier tombait souvent, mais c'etait son secret. #l ne fallait pas en parler, a

personne.$% personne, tu m'entends& se menacait(elle en silence. $)i a Yvonne, ni au medecin et

encore moins a ton "arcon


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qu'elle brisa la vitre et au pri* d'un effort ma"nifique qu'elle se hissa jusque sur le rebord de la

fenetre.

Elle eut du mal a traverser la piece, s'a"enouilla et souleva le visa"e de la vieille dame qui

bai"nait dans une flaque rose ou le lait et le san" s'etaient deja melan"es.

/ 4o! Paulette! 5ous etes morte& 5ous etes morte, la&

Le chat lapait le sol en ronronnant, se moquant bien du drame, des convenances et des eclats

de verre tout autour.

#

Yvonne n' tenait pas trop mais les pompiers lui avaient demande de monter dans le camion

avec eu* pour re"ler des problemes administratifs et les conditions d'entree au* ur"ences

/ 5ous la connaisse0 c'te dame& Elle s'etait offusquee

/ 1e crois bien que je la connais! 6n etait a la communale ensemble!

/ %lors monte0.

/ Et ma voiture&

/ Elle va pas s'envoler votre voiture! 6n vous ramenera tout a l'heure/ Bon fit(elle resi"nee, j'irai en courses tantot

-'etait bien malcommode la(dedans. 6n lui avait indique un tabouret minuscule a cote du

brancard ou elle s'etait calee tant bien que mal. Elle serrait fort son sac a main et manquait de

tomber a chaque tournant.

2n jeune homme etait avec elle. #l "ueulait parce qu'il ne trouvait pas de veine dans le bras de

la malade et Yvonne n'aimait pas ces manieres

/ 7ueule0 pas comme ca, marmonnait(elle, "ueule0 pas comme ca 8u'est(ce que vous lui

voule0 d'abord&

/ La mettre sous perf.

/ +ous quoi&

%u re"ard du "arcon, elle sut qu'il valait mieu* la mettre en veilleuse et continua son petit

monolo"ue dans sa barbe $9e"arde0(moi ca, comment qu'il lui triture le bras, non mais re"arde0(

moi ca 8uelle misere 1e prefere ne pas voir +ainte arie, prie0 pour 4e! ais vous lui

faites mal la!

#l se tenait debout et re"lait une petite molette sur le fil. Yvonne comptait les bulles et priait

n'importe comment. Le bruit de la sirene l'empechait de se concentrer.

Elle avait pris sur son "enou la main de son amie et la lissait comme si c'etait le bas de sa

jupe, mecaniquement. Le cha"rin et l'effroi l'empechaient d'etre plus tendre

Yvonne -arminot soupirait, re"ardait ces rides, ces cals, ces taches sombres par endroits, ces

on"les fins encore, mais durs, mais sales et fendus. Elle avait pose la sienne a cote et les comparait.

-ertes elle etait plus jeune pour sa part et plus dodue aussi, mais surtout, elle avait eu moins depeine ici(bas. Elle avait travaille moins dur et recu davanta"e de caresses Elle, il avait bien

lon"temps qu'elle ne s'echinait plus au jardin +on mari continuait les patates, mais pour le reste,

c'etait beaucoup mieu* a l'#nter. Les le"umes etaient propres et elle n'etait plus obli"ee de depiauter

le c&ur des laitues a cause des limaces Et puis elle avait son monde son 7ilbert, sa )athalie et les

petites a cajoler %lors que la Paulette, qu'est(ce qu'il lui restait a elle& 9ien. 9ien de bon. 2n mari

mort, une trainee de fille et un "amin qui venait jamais la voir. 8ue des soucis, que des souvenirs

comme un chapelet de petites miseres

Yvonne -arminot etait son"euse alors c'etait ca, une vie& -a pesait si le"er& -'etait si in"rat&

La Paulette pourtant 8uelle belle femme c'etait! Et comme elle etait bonne! -omme elle

raonnait autrefois Et alors& 6u ce que c'etait donc parti tout ca&

% ce moment(la, les levres de la vieille dame se mirent a bou"er. En un instant, Yvonne chassatout ce ba0ar de philosophie qui l'encombrait

/ Paulette, c'est Yvonne. :out va bien ma Paulette 1'etais venue pour les commissions et


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/ 1e suis morte& -a est, je suis morte& murmura(t(elle.

/ Bien sur que non, ma Paulette! Bien sur que non! 5ous etes pas morte, voons!

/ %h, fit l'autre en refermant les eu*, ah

-e $ah etait affreu*. Petite sllabe decue, decoura"ee et deja resi"nee.

%h, je ne suis pas morte %h bon %h tant pis %h e*cuse0(moi

Yvonne n'etait pas de cet avis

/ %llons! #l faut vivre ma Paulette! #l faut vivre, tout de meme!La vieille dame secoua la tete de droite a "auche. % peine et tout doucement. inuscule re"ret

triste et tetu. inuscule revolte.

La premiere peut(etre

Puis ce fut le silence. Yvonne ne savait plus quoi dire. Elle se moucha et reprit la main de son

amie avec plus de delicatesse.

/ #ls vont me mettre dans une maison, n'est(ce pas& Yvonne sursauta

/ ais non, ils vont pas vous mettre dans une maison! ais non! Et pourquoi que vous dites

ca& #ls vont vous soi"ner et puis voila! Dans quelques jours vous sere0 che0 vous!

/ )on. 1e sais bien que non

/ %h! ca par e*emple, mais voila autre chose! Et pourquoi donc, mon petit bonhomme&

Le pompier lui fit un "este de la main pour lui demander de parler moins fort./ Et mon chat&

/ 1e m'en occuperai de votre chat +oe0 sans crainte.

/ Et mon 3ranc;&

/ 6n va l'appeler votre "ars, on va l'appeler de suite. 1e vais m'en char"er.

/ 1e ne retrouve plus son numero. 1e l'ai perdu

/ 1e le retrouverai, moi!

/ ais il ne faut pas le deran"er, hein #l travaille dur, vous save0

/ 6ui Paulette, je sais bien. 1e lui laisserai un messa"e. 5ous save0 comment c'est

aujourd'hui Les "amins, ils ont tous un portable 6n ne les deran"e plus maintenant

/ 5ous lui dire0 que que je que La vieille dame s'etran"lait.

%lors que le vehicule amorcait sa montee dans la cote de l'hopital, Paulette Lestafier murmura

en pleurant $on jardin a maison 9amene0(moi dans ma maison s'il vous plait

Yvonne et le jeune brancardier s'etaient deja leves.

$

/ % quand remontent vos dernieres re"les&

Elle etait deja derriere le paravent en train de se battre avec les jambes de son jean. Elle

soupira. Elle savait qu'il allait lui poser cette question. Elle le savait. Elle avait prevu son coup

pourtant Elle avait attache ses cheveu* avec une barrette en ar"ent bien lourde et etait montee surcette putain de balance en serrant les poin"s et en se tassant le plus possible. Elle avait meme

sautille un peu pour repousser l'ai"uille ais non, ca n'avait pas suffi et elle allait avoir droit a sa

petite lecon de morale

Elle l'avait vu a son sourcil tout a l'heure quand il lui avait palpe l'abdomen. +es cotes, ses

hanches trop saillantes, ses seins ridicules et ses cuisses creuses, tout cela le contrariait.

Elle finissait de boucler son ceinturon tranquillement. Elle n'avait rien a craindre cette fois(ci.

6n etait a la medecine du travail, plus au colle"e. 2n baratin pour la forme et elle serait dehors.

/ %lors&

Elle etait assise en face de lui a present et lui souriait.

-'etait son arme fatale, sa botte secrete, son petit truc en plumes. +ourire a un interlocuteur

qui vous embarrasse, on n'a pas encore trouve mieu* pour passer a autre chose. 4elas, le bou"reetait alle a la meme ecole #l avait pose ses coudes, croise ses mains et pose par(dessus tout ca un

autre sourire desarmant. Elle etait bonne pour repondre. Elle aurait du s'en douter d'ailleurs, il etait


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mi"non et elle n'avait pas pu s'empecher de fermer les eu* quand il avait pose ses mains sur son

ventre

/ %lors& +ans mentir, hein& +inon, je prefere que vous ne me repondie0 pas.

/ Lon"temps

/ Evidemment, "rimaca(t(il, evidemment 8uarante(huit ;ilos pour un metre soi*ante(trei0e,

a ce train(la vous alle0 bientot passer entre la colle et le papier

/ Le papier de quoi& fit(elle naivement./ Euh de l'affiche

/ %h! De l'affiche! E*cuse0(moi, je ne connaissais pas cette e*pression

#l allait repondre quelque chose et puis non. #l s'est baisse pour prendre une ordonnance en

soupirant avant de la re"arder de nouveau droit dans les eu*

/ 5ous ne vous nourrisse0 pas&

/ Bien sur que si je me nourris!

2ne "rande lassitude l'envahit soudain. Elle en avait marre de tous ces debats sur son poids,

elle en avait sa claque. Bientot vin"t(sept ans qu'on lui prenait la tete avec ca. Est(ce qu'on ne

pouvait pas parler d'autre chose& Elle etait la, merde! Elle etait vivante. Bien vivante. %ussi active

que les autres. %ussi "aie, aussi triste, aussi coura"euse, aussi sensible et aussi decoura"eante que

n'importe quelle fille. #l avait quelqu'un la(dedans! #l avait quelqu'unDe "race, est(ce qu'on ne pouvait pas lui parler d'autre chose aujourd'hui&

/ 5ous etes d'accord, n'est(ce pas& 8uarante(huit ;ilos, ca ne fait pas bien lourd

/ 6ui, acquiesca(t(elle vaincue, oui 1e suis d'accord #l a lon"temps que je n'etais pas

descendue aussi bas 1e

/ 5ous&

/ )on. 9ien.

/ Dites(moi.

/ 1e 1'ai connu des moments plus fastes, je crois #l ne rea"issait pas.

/ 5ous me le remplisse0, ce certificat&

/ 6ui, oui, je vais vous le faire, repondit(il en s'ebrouant, euh -'est quoi cette societe deja&

/ Laquelle&

/ -elle(ci, la ou nous sommes, enfin la votre

/ :ouclean.

/ Pardon&

/ :ouclean.

/ : majuscule o(u(c(


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/ -'est un "a"&

/ Bien sur que non. D'ailleurs vous alle0 la voir la dream team, elle est derriere la porte

/ 5ous faites quoi au juste&

/ 1e viens de vous le dire.

/ )on, mais vous 4ous3

/ oi& Eh bien, je ran"e, je nettoie, je balaie, j'aspire, je cire et tout le ba0ar.

/ 5ous etes femme de men&/ :tt technicienne de surface, je prefere

#l ne savait pas si c'etait du lard ou du cochon.

/ Pourquoi vous faites ca& Elle ecarquilla les eu*.

/ )on, mais je m'entends, pourquoi $ca& Pourquoi pas autre chose&

/ Pourquoi pas&

/ 5ous n'ave0 pas envie d'e*ercer une activite plus

euh

/ 7ratifiante&

/ 6ui.

/ )on.

#l est reste comme ca encore un moment, le craon en l'air et la bouche entrouverte puis are"arde le cadran de sa montre pour lire la date et l'a interro"ee sans lever le ne0

/ )om&

/ 3auque.

/ Prenom&

/ -amille.

/ Date de naissance&

/ fevrier >.

/ :ene0, mademoiselle 3auque, vous etes apte au travail

/ 3ormidable. 1e vous dois combien&

/ 9ien, c'est euh -'est :ouclean qui pae.

/ %aaah :ouclean! reprit(elle en se levant et dans un "rand "este theatral, me voila apte a

nettoer des chiottes, c'est merveilleu*

#l la raccompa"na jusqu'a la porte. #l ne souriait plus et avait remis son masque de "rand ponte

consciencieu*.

En meme temps qu'il appuait sur la poi"nee, il lui tendit la main

/ 8uelques ;ilos quand meme& Pour me faire plaisir

Elle secoua la tete. -a ne marchait plus ces trucs(la avec elle. Le chanta"e et les bons

sentiments, elle en avait eu sa dose.

/ 6n verra ce qu'on peut faire, elle a dit. 6n verra +amia est entree apres elle.

Elle descendit les marches du camion en tatant sa veste a la recherche d'une ci"arette. La

"rosse amadou et -arine etaient assises sur un banc a commenter les passants et a raler parcequ'elles voulaient rentrer che0 elles.

/ %lors& a ri"ole amadou, qu'est(ce que tu trafiquais la(deu(dans& 1'ai mon 9E9, moi! #l t'a

maraboutee ou quoi&

-amille s'est assise sur le sol et lui a souri. Pas le meme "enre. 2n sourire transparent, cette

fois. +a amadou, elle ne faisait pas sa mali"ne avec elle, elle etait bien trop forte

/ #l est smpa& a demande -arine en crachant une ro"nure d'on"le.

/ +uper.

/ %h, je le savais bien! e*ulta amadou, je m'en doutais bien de ca! 4ein que je te l'ai dit a

toi et a +lvie, qu'elle etait toute nue la(deu(dans!

/ #l va te faire monter sur sa balance

/ 8ui& oi& a crie amadou. oi& #l croit que je vais monter sur sa balance!amadou devait peser dans les cent ;ilos au bas mot, elle se frappait les cuisses


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/ 1amais de la vie! +i je "rimpe la(deu(ssus, je l'ecrabouille et lui avec! Et quoi d'autre

encore&

/ #l va te faire des piqures, a lache -arine.

/ Des piqures deu quoi d'abord&

/ ais non, la rassura -amille, mais non, il va juste ecouter ton c&ur et tes poumons

/ -a, ca va.

/ #l va te toucher le ventre aussi/ ais voons, se renfro"nait(elle, mais voons, bonjour che0 lui. +'il touche a mon ventre, je

le man"e tout cru -'est bon les petits docteurs blancs

Elle forcait son accent et se frottait le boubou.

/ 6h oui, c'est du bon miam(miam ca -'est mes ancetres qui me l'ont dit. %vec du manioc et

des cretes

de poule mm

/ Et la Bredart, qu'est(ce qu'il va lui faire a elle&

La Bredart, 1os de son prenom, etait leur "arce, leur vicieuse, leur chieuse de service et leur

tete de :urc a toutes. %ccessoirement c'etait aussi leur chef. Leur $-hef principale de chantier

comme il etait clairement indique sur son bad"e. La Bredart leur pourrissait l'e*istence, dans la

limite de ses moens disponibles certes, mais deja, c'etait relativement fati"ant/ % elle, rien. 8uand il sentira son odeur, il lui demandera de se rhabiller illico.

-arine n'avait pas tort. 1os Bredart, en plus de toutes les qualites enumerees ci(dessus,

transpirait beaucoup.

Puis ce fut le tour de -arine et amadou sortit de son cabas une liasse de papiers qu'elle posa

sur les "enou* de -amille. -elle(ci lui avait promis d' jeter un &il et essaait de dechiffrer tout ce

merdier

/ -'est quoi ca&

/ -'est la -%3!

/ )on, mais tous ces noms, la&

/ Ben c'est ma famille dis donc!

/ :a quelle famille&

/ a quelle famille, ma quelle famille& Ben, la mienne! 9eflechis dans ta tete -amille!

/ :ous ces noms, c'est ta famille&

/ :ous, opina(t(elle fierement.

/ ais t'en as combien de "amins&

/ % moi j'en ai cinq et mon frere, il en a quatre

/ ais pourquoi ils sont tous la&

/ 6u, la&

/ Euh +ur le papier.

/ -'est plus commode parce que mon frere et ma belle(s&ur habitent che0 nous et comme on a

la meme boite au* lettres alors/ )on mais, ca va pas la #ls disent que ca ne va pas 8ue tu peu* pas avoir neuf enfants

/ Et pourquoi je pourrais pas& s'indi"na(t(elle, ma mere, elle en a bien dou0e, elle!

/ %ttends, t'e*cite pas amadou, je te dis juste ce qu'il a marque. #ls te demandent

d'eclaircir la situation et de venir te presenter avec ton livret de famille.

/ Et pourquoi alors&

/ Ben je pense que c'est pas le"al votre truc 1e ne crois pas que ton frere et toi, vous ae0 le

droit de reunir vos enfants sur la meme declaration

/ 6ui, mais mon frere, il a rien, lui!

/ #l travaille&

/ Bien sur qu'il travaille! #l fait les autoroutes!

/ Et ta belle(s&ur&amadou plissa du ne0


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/ Elle, elle fait rien, elle! 9ien de rien, je te dis. Elle bou"e pas, cette mechante "ro"nasse, elle

remue jamais son "ros cul!

-amille souriait interieurement, visualisant mal ce que pouvait etre un $"ros cul au* eu* de

amadou

/ #ls ont des papiers tous les deu*&

/ ais oui!

/ Eh ben alors, ils peuvent faire une declaration separee/ ais ma belle s&ur, elle veut pas aller a la -%3 et mon frere, il travaille la nuit, alors le

jour, il dort, tu

vois

/ 1e vois. ais en ce moment, tu recois les allocs pour combien d'enfants&

/ Pour quatre.

/ Pour quatre&

/ 6ui, c'est ce que je veu* te dire depuis le debut, mais toi, t'es comme tous les Blancs, t'as

toujours raison et t'ecoutes jamais!

-amille souffla un petit vent enerve.

/ Le probleme que je voulais te dire, c'est qu'ils ont oublie ma +issi

/ -'est le numero combien assissi&/ -'est pas un numero, idiote! bouillait la "rosse femme, c'est ma derniere! La petite +issi

/ %h! +issi!

/ 6ui.

/ Et pourquoi, elle est pas, elle&

/ Dis donc, -amille, tu le fais e*pres ou quoi& -'est ma question que je te pose depuis tout a

l'heure!

Elle ne savait plus quoi dire

/ Le mieu* ce serait d'aller a la -%3 avec ton frere ou ta belle(s&ur et tous vos papiers et de

vous e*pliquer avec la dame

/ Pourquoi tu dis $la dame& Laquelle d'abord&

/ )'importe laquelle! s'emporta -amille.

/ %h, bon ben d'accord, ben t'enerve pas comme ca. oi je te demandais cette question parce

que je croais que tu la connaissais

/ amadou, je ne connais personne a la -%3. 1e n' suis jamais allee de ma vie, tu

comprends&

Elle lui rendit son bordel, il avait meme des pubs, des photos de voitures et des factures de

telephone.

Elle l'entendit "ro"nonner $Elle dit la dame alors moi je lui demande quelle dame, c'est

normal parce qu'il a des messieurs aussi, alors comment elle peut savoir, elle, si elle a jamais

ete, comment elle peut savoir qu'il a que des dames& Y en a des messieurs aussi -'est madame

1e sais tout ou quoi&/ 4e& :u boudes la&

/ )on, je boude pas. :u dis juste que tu vas m'aider et pis tu m'aides pas. Et voila! Et c'est

tout!

/ 1'irai avec vous.

/ % la -%3&

/ 6ui.

/ :u parleras a la dame&

/ 6ui.

/ Et si c'est pas elle&

-amille envisa"ea de perdre un peu de son fle"me quand +amia reapparut

/ -'est ton tour, amadou :iens, dit(elle en se retournant, c'est le numero du toubib/ Pour quoi faire&


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/ Pour quoi faire& Pour quoi faire& 1'en sais rien, moi! Pour jouer au docteur pardi! -'est lui

qui m'a demande de te le donner

#l avait note son numero de portable sur une ordonnance et note 5e vous prescris un bon

diner, rappele%-moi.

-amille 3auque en fit une boulette et la jeta dans le caniveau.

/ :u sais, toi, ajouta amadou en se relevant pesamment et en la desi"nant de son inde*, si tu

m'arran"es le coup avec ma +issi, je demanderai a mon frere de te faire venir l'etre aime/ 1e croais qu'il faisait les autoroutes ton frere&

/ Les autoroutes, les envoutements et les desenvoutements.

-amille leva les eu* au ciel.

/ Et moi& coupa +amia, il peut m'en trouver un, de mec, a moi&

amadou passa devant elle en "riffant l'air devant son visa"e

/ :oi la maudite, tu me rends d'abord mon seau et puis on se reparle apres!

/ erde, tu fais chier avec ca! -'est pas ton seau que j'ai, c'est le mien! #l etait rou"e ton seau!

/ audite, va, siffla l'autre en s'eloi"nant, maudi(teu

Elle n'avait pas fini de "rimper les marches que le camion tan"uait deja. Bon coura"e la(

dedans, souriait -amille en attrapant son sac. Bon coura"e

/ 6n va&/ 1e vous suis.

/ 8u'est(ce que tu fais& :u prends le metro avec nous&

/ )on. 1e rentre a pied.

/ %h c'est vrai que t'habites dans les beau* quartiers, toi

/ :u parles

/ %lle0, a d'main

/ +alut les filles.

-amille etait invitee a diner che0 Pierre et athilde. Elle laissa un messa"e pour annuler et fut

soula"ee de tomber sur leur repondeur.

La si le"ere -amille 3auque s'eloi"na donc. +eulement retenue au macadam par le poids de

son sac a dos et par celui, plus difficile a e*primer, des pierres et des caillou* qui s'amoncelaient a

l'interieur de son corps. 5oila ce qu'elle aurait du raconter au medecin du travail tout a l'heure. +i

elle en avait eu l'envie 6u la force& 6u le temps peut(etre& Le temps surement, se rassurait(elle

sans trop croire. Le temps etait une notion qu'elle n'arrivait plus a apprehender. :rop de semaines

et de mois s'etaient ecoules sans qu'elle prenne part d'aucune maniere et sa tirade de tout a l'heure,

ce monolo"ue absurde ou elle essaait de se persuader qu'elle etait aussi vaillante qu'une autre

n'etait que pur menson"e.

8uel mot avait(elle emploe deja& $5ivante, c'est ca& -'etait ridicule, -amille 3auque n'etait

pas vivante.

-amille 3auque etait un fantome qui travaillait la nuit et entassait des caillou* le jour. 8ui se

deplacait lentement, parlait peu et s'esquivait avec "race. -amille 3auque etait une jeune femmetoujours de dos, fra"ile et insaisissable.

#l ne fallait pas se fier a la scene precedente, si le"ere en apparence. +i facile. +i aisee.

-amille 3auque mentait. Elle se contentait de donner le chan"e, se forcait, se contrai"nait et

repondait presente pour ne pas se faire remarquer.

Elle repensait a ce docteur pourtant Elle se moquait bien de son numero de portable mais

son"eait qu'elle avait peut(etre laisse passer sa chance #l avait l'air patient celui(la, et plus attentif

que les autres Peut(etre qu'elle aurait du Elle avait failli a un moment Elle etait fati"uee, elle

aurait du poser ses coudes sur le bureau elle aussi, et lui raconter la verite. Lui dire que si elle ne

man"eait plus, ou si peu, c'est parce que des caillou* prenaient toute la place dans son ventre.

8u'elle se reveillait chaque jour avec l'impression de macher du "ravier, qu'elle n'avait pas encore

ouvert les eu*, que deja, elle etouffait. 8ue deja le monde qui l'entourait n'avait plus aucuneimportance et que chaque nouvelle journee etait comme un poids impossible a soulever. %lors, elle


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pleurait. )on pas qu'elle fut triste, mais pour faire passer tout ca. Les larmes, ce liquide finalement,

l'aidaient a di"erer sa caillasse et lui permettaient de respirer a nouveau.

L'aurait(il entendue& L'aurait(il comprise& Evidemment. Et c'etait la raison pour laquelle elle

s'etait tue.

Elle ne voulait pas finir comme sa mere. Elle refusait de tirer sur sa pelote. +i elle

commencait, elle ne savait pas ou cela la menerait. :rop loin, beaucoup trop loin, trop profond et

trop sombre. Pour le coup, elle n'avait pas le coura"e de se retourner.De donner le chan"e, oui, mais pas de se retourner.

Elle entra dans le 3ranpri* en bas de che0 elle et se fit violence pour acheter des choses a

man"er. Elle le fit en homma"e a la bienveillance de ce jeune medecin et pour le rire de amadou.

Le rire enorme de cette femme, ce travail debile che0 :ouclean, la Bredart, les histoires

abracadabrantes de -arine, les en"ueulades, les ci"arettes echan"ees, la fati"ue phsique, leurs fous

rires imbeciles et leurs mechantes humeurs quelquefois, tout cela l'aidait a vivre. L'aidait a vivre,

oui.

Elle tourna plusieurs fois autour des raons avant de se decider, acheta des bananes, quatre

aourts et deu* bouteilles d'eau.

Elle apercut le 0i"oto de son immeuble. -e "rand "arcon etran"e avec ses lunettes rafistolees

au sparadrap, ses pantalons feu de plancher et ses manieres martiennes. % peine avait(il saisi unarticle, qu'il le reposait aussitot, faisait quelques pas puis se ravisait, le reprenait, secouait la tete et

finissait par quitter precipitamment la queue quand c'etait son tour devant les caisses pour aller le

remettre a sa place. 2ne fois meme, elle l'avait vu sortir du ma"asin puis entrer de nouveau pour

acheter le pot de maonnaise qu'il s'etait refuse l'instant precedent. Drole de clo=n triste qui amusait

la "alerie, be"aait devant les vendeuses et lui serrait le c&ur.

Elle le croisait quelquefois dans la rue ou devant leur porte cochere et tout n'etait que

complications, emotions et sujets d'an"oisse. -ette fois encore, il "emissait devant le di"icode.

/ 2n probleme& demanda(t(elle.

/ %h! 6h! Euh! Pardon! @#l se tordait les mains.A Bonsoir mademoiselle, pardonne0(moi de

euh de vous importuner, je 1e vous importune, n'est(ce pas&

-'etait horrible ce truc(la. Elle ne savait jamais si elle devait en rire ou avoir pitie. -ette

timidite maladive, sa facon de parler super alambiquee, les mots qu'il emploait et ses "estes

toujours spaces la mettaient affreusement mal a l'aise.

/ )on, non, pas de probleme! 5ous ave0 oublie le code&

/ Diantre non. Enfin pas que je sache enfin je je n'avais pas considere les choses sous cet

an"le on Dieu, je

/ #ls l'ont chan"e peut(etre&

/ 5ous son"e0 serieusement& lui demanda(t(il comme si elle venait de lui annoncer la fin du

monde.

/ 6n va bien voir CB>

Le cliquetis de la porte se fit entendre./ 6h, comme je suis confus -omme je suis confus 1e -'est pourtant ce que j'avais fait,

moi aussi 1e ne comprends pas

/ Pas de probleme, lui dit(elle en s'appuant sur la porte.

#l fit un "este brusque pour la pousser a sa place et, voulant passer son bras au(dessus d'elle,

manqua son but et lui donna un "rand coup derriere la tete.

/ isere! 1e ne vous ai pas fait mal au moins& -omme je suis maladroit, vraiment, je vous

prie de m'e*cuser 1e

/ Pas de probleme, repeta(t(elle pour la troisieme fois.

#l ne bou"eait pas.

/ Euh supplia(t(elle enfin, est(ce que vous pouve0 enlever votre pied parce que vous me

coince0 la cheville, la, et j'ai e*tremement malElle riait. -'etait nerveu*.


11/236

8uand ils furent dans le hall, il se precipita vers la porte vitree pour lui permettre de passer

sans encombre

/ 4elas, je ne monte pas par(la, se desola(t(elle en lui indiquant le fond de la cour.

/ 5ous lo"e0 dans la cour&

/ Euh pas vraiment sous les toits plutot

/ %h! parfait @#l tirait sur l'anse de son sac qui s'etait coince dans la poi"nee en laiton.A

-e -e doit etre bien plaisant/ Euh oui, "rimaca(t(elle en s'eloi"nant rapidement, c'est une facon de voir les choses

/ Bonne soiree mademoiselle, lui cria(t(il, et salue0 vos parents pour moi!

+es parents #l etait tare, ce mec Elle se souvenait qu'une nuit, puisque c'etait toujours au

milieu de la nuit qu'elle rentrait habituellement, elle l'avait surpris dans le hall, en pjama et en

bottes de chasse avec une boite de croquettes a la main. #l etait tout retourne et lui demandait si elle

n'avait pas vu un chat. Elle repondit par la ne"ative et fit quelques pas avec lui dans la cour a la

recherche dudit matou. $#l est comment& s'en(quit(elle, $4elas, je l'i"nore, $5ous ne save0 pas

comment est votre chat& #l se fi"ea $Pourquoi le saurais(je& 1e n'ai jamais eu de chat, moi! Elle

etait claquee et le planta la en secouant la tete. -e tpe etait decidement trop flippant.

$Les beau* quartiers Elle repensait a la phrase de -arine en "ravissant la premiere marche

des cent soi*ante(dou0e autres qui la separaient de son "ourbi. Les beau* quartiers, t'as raisonElle lo"eait au septieme eta"e de l'escalier de service d'un immeuble cossu qui donnait sur le

-hamp(de(ars et, en ce sens oui, on pouvait dire qu'elle habitait un endroit chic puisqu'en se

juchant sur un tabouret et en se penchant dan"ereusement sur la droite, on pouvait apercevoir, c'etait

e*act, le haut de la tour Eiffel. ais pour le reste ma cocotte, pour le reste, ce n'etait pas vraiment

ca

Elle se tenait a la rampe en crachant ses poumons et en tirant derriere elle ses bouteilles d'eau.

Elle essaait de ne pas s'arreter. 1amais. % aucun eta"e. 2ne nuit, cela lui etait arrive et elle n'avait

pas pu se relever. Elle s'etait assise au quatrieme et s'etait endormie la tete sur les "enou*. Le reveil

fut penible. Elle etait fri"orifiee et mit plusieurs secondes avant de comprendre ou elle se trouvait.

-rai"nant un ora"e elle avait ferme le vasistas avant de partir et soupira en ima"inant la

fournaise la(haut 8uand il pleuvait, elle etait mouillee, quand il faisait beau comme aujourd'hui,

elle etouffait et l'hiver, elle "relottait. -amille connaissait ces conditions climatiques sur le bout des

doi"ts puisqu'elle vivait la depuis plus d'un an. Elle ne se plai"nait pas, ce perchoir avait ete

inespere et elle se souvenait encore de la mine embarrassee de Pierre essler le jour ou il poussa la

porte de ce debarras devant elle en lui tendant la clef.

-'etait minuscule, sale, encombre et providentiel.

8uand il l'avait recueillie une semaine auparavant sur le pas de sa porte, affamee, ha"arde et

silencieuse, -amille 3auque venait de passer plusieurs nuits dans la rue.

#l avait eu peur d'abord, en apercevant cette ombre sur son palier

/ Pierre&

/ 8ui est la&/ Pierre "emit la voi*.

/ 8ui etes(vous&

#l appua sur le minuteur et sa peur devint plus "rande encore

/ -amille& -'est toi&

/ Pierre, san"lota(t(elle en poussant devant elle une petite valise, il faut que vous me "ardie0

ca -'est mon matos vous comprene0 et je vais me le faire voler 1e vais tout me faire voler

:out, tout 1e ne veu* pas qu'ils me prennent mes outils parce que sinon, je creve, moi 5ous

comprene0& 1e creve

#l crut qu'elle delirait

/ -amille! ais de quoi tu parles& Et d'ou tu viens& Entre!

athilde etait apparue derriere lui et la jeune femme s'effondra sur leur paillasson.#ls la deshabillerent et la coucherent dans la chambre du fond. Pierre essler avait tire une

chaise pres du lit et la re"ardait, effrae.


12/236

/ Elle dort&

/ 1'ai l'impression

/ 8u'est(ce qui s'est passe&

/ 1e n'en sais rien.

/ ais re"arde dans quel etat elle est!

/ -huuut

Elle se reveilla au milieu de la nuit le lendemain et se fit couler un bain tres lentement pour nepas les reveiller. Pierre et athilde, qui ne dormaient pas, ju"erent preferable de la laisser

tranquille. #ls la "arderent ainsi quelques jours, lui laisserent un double des clefs et ne lui poserent

aucune question. -et homme et cette femme etaient une benediction.

8uand il lui proposa de l'installer dans une chambre de bonne qu'il avait conservee dans

l'immeuble de ses parents bien apres leur mort, il sortit de sous son lit la petite valise ecossaise qui

l'avait menee jusqu'a eu*

/ :iens, lui dit(il. -amille secoua la tete

/ 1e prefere la laisser ic

/ Pas question, la coupa(t(il sechement, tu la prends avec toi. Elle n'a rien a faire che0 nous!

athilde l'accompa"na dans une "rande surface, l'aida a choisir une lampe, un matelas, du

lin"e, quelques casseroles, une plaque electrique et un minuscule fri"idaire./ :u as de l'ar"ent& lui demanda(t(elle avant de la laisser partir.

/ 6ui.

/ -a ira ma "rande&

/ 6ui, repeta, -amille en retenant ses larmes.

/ :u veu* "arder nos clefs&

/ )on, non, ca ira. 1e qu'est(ce que je peu* dire qu'est(ce que

Elle pleurait.

/ )e dis rien.

/ erci&

/ 6ui, fit athilde en l'attirant contre elle, merci, ca va, c'est bien.

#ls vinrent la voir quelques jours plus tard.

La montee des marches les avait epuises et ils s'affalerent sur le matelas.

Pierre riait, disait que cela lui rappelait sa jeunesse et entonnait $La boheee(meu. #ls burent

du -hampa"ne dans des "obelets en plastique et athilde sortit d'un "ros sac tout un tas de

victuailles merveilleuses. Le -hampa"ne et la bienveillance aidant, ils oserent quelques questions.

Elle repondit a certaines, ils n'insisterent pas.

%lors qu'ils etaient sur le point de partir et que athilde avait deja descendu quelques

marches, Pierre essler se retourna et la saisit par les poi"nets

/ #l faut travailler, -amille :u dois travailler maintenant

Elle baissa les eu*

/ 1'ai l'impression d'en avoir beaucoup fait ces derniers temps Beaucoup, beaucoup#l resserra son etreinte, lui fit presque mal.

/ -e n'etait pas du travail et tu le sais tres bien! Elle leva la tete et soutint son re"ard

/ -'est pour ca que vous m'ave0 aidee& Pour me dire ca&

/ )on. -amille tremblait.

/ )on, repeta(t(il en la delivrant, non. )e dis pas de betises. :u sais tres bien que nous t'avons

toujours consideree comme notre propre fille

/ Prodi"ue ou prodi"e& #l lui sourit et ajouta

/ :ravaille. :u n'as pas le choi* de toute facon

Elle referma la porte, ran"ea leur dinette et trouva un "ros catalo"ue de che0 +ennelier au

fond du sac. $on compte est touours ouvert6 lui rappelait un Post(it. Elle n'eut pas le coura"e de le

feuilleter et but la fin de la bouteille au "oulot.Elle lui avait obei. Elle travaillait. %ujourd'hui, elle nettoait la merde des autres et cela lui

convenait parfaitement.


13/236

En effet, on crevait de chaud la(dedans +uper 1os les avait prevenues la veille $5ous

plai"ne0 pas, les filles, on est en train de vivre nos derniers beau* jours, apres ce sera l'hiver et on se

pelera les miches! %lors vous plai"ne0 pas, hein!

Elle avait raison pour une fois. -'etait la fin du mois de septembre et les jours raccourcissaient

a vue d'&il. -amille son"ea qu'elle devrait s'or"aniser autrement cette annee, se coucher plus tot et

se relever dans l'apres(midi pour voir le soleil. -e "enre de pensee la surprit elle(meme et c'est avec

une certaine nonchalance qu'elle enclencha son repondeur$-'est maman. Enfin ricana la voi*, je ne sais plus si tu vois de qui je parle aman, tu

sais& -'est ce mot(la que prononcent les "entils enfants quand ils s'adressent a leur "enitrice, je

crois Parce que tu as une mere, -amille, tu t'en souviens& E*cuse(moi de te rappeler ce mauvais

souvenir, mais comme c'est le troisieme messa"e que je te laisse depuis mardi 1e voulais juste

savoir si l'on dejeunait toujours ens

-amille l'interrompit et remit le aourt qu'elle venait d'entamer dans le fri"idaire. Elle s'assit

en tailleur, attrapa son tabac et fit un effort pour se rouler une ci"arette. +es mains la trahissaient.

Elle s' reprit a plusieurs fois pour rouler son papier sans le dechirer. +e concentrait sur ses "estes

comme s'il n' avait rien eu de plus important au monde et se mordait les levres jusqu'au san".

-'etait trop injuste. :rop injuste d'en chier comme ca a cause d'une feuille de papier alors qu'elle

venait de vivre une journee presque normale. Elle avait parle, ecoute, ri, sociabilise meme. Elleavait minaude devant ce docteur et fait une promesse a amadou. -a n'avait l'air de rien, et

pourtant #l avait bien lon"temps qu'elle n'avait plus rien promis. 1amais. % personne. Et voila

que quelques phrases sorties d'une machine lui de"lin"uaient la tete, l'entrainaient en arriere et

l'obli"eaient a s'etendre, broee qu'elle etait sous le poids d'improbables "ravats

%

/ onsieur Lestafier!

/ 6ui, chef!

/ :elephone

/ )on, chef!

/ 8uoi, non&

/ +uis occupe, chef! demande0 qu'on rappelle plus tard

Le bonhomme secoua la tete et retourna dans l'espece de placard qui lui tenait lieu de bureau

derriere le passe.

/ Lestafier!

/ 6ui, chef!

/ -'est votre "rand(mere 9icanements dans l'assemblee.

/ Dites(lui que je la rappellerai, repeta le "arcon qui desossait un morceau de viande.

/ 5ous faites chier, Lestafier! 5ene0 prendre ce putain de telephone! 1e ne suis pas lademoiselle des postes, moi!

Le jeune homme s'essua les mains avec le torchon qui pendait a son tablier, epon"ea son

front sur sa manche et dit au "arcon qui travaillait sur la planche d'a cote, en faisant mine de le

sai"ner

/ :oi, tu touches a rien, sinon couic

/ -'est bon, fit l'autre, va commander tes cadeau* de )oel, a amie qu'attend

/ -onnard, va

#l entra dans le bureau et prit le combine en soupirant

/ eme&

/ Bonjour 3ranc; -e n'est pas ta "rand(mere, c'est madame -arminot a l'appareil

/ adame -arminot&/ 6h! qu'est(ce que j'ai eu comme mal a te retrouver 1'ai d'abord appele au* 7rands

-omptoirs et puis on m'a dit que tu n' travaillais plus, alors j'ai app


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/ 8u'est(ce qui se passe& la coupa(t(il brusquement.

/ on Dieu, c'est Paulette

/ %ttende0. Bou"e0 pas.

#l se leva, ferma la porte, reprit l'appareil, s'assit, hocha la tete, palit, chercha sur le bureau de

quoi ecrire, dit encore quelques mots et raccrocha. #l enleva sa toque, prit sa tete dans ses mains,

ferma les eu* et resta ainsi plusieurs minutes. Le chef le devisa"eait a travers la porte vitree. #l finit

par fourrer le morceau de papier dans sa poche et sortit./ -a va mon "ars&

/ -a va, chef

/ 9ien de "rave&

/ Le col du femur

/ %h! fit l'autre, c'est frequent che0 les vieu* a mere, ca lui est arrive a di* ans et vous

la verrie0 aujourd'hui 2n vrai lapin de "arenne!

/ Dites, chef

/ 6n dirait que tu vas me demander ta journee, toi

/ )on, je vais faire le service de midi et je ferai ma mise en place de ce soir pendant ma

pause, mais j'aimerais bien quitter apres

/ Et qui c'est qui fera le chaud ce soir&/ 7uillaume. #l peut le faire, lui

/ #l saura&

/ 6ui, chef.

/ 8u'est(ce qu' m'dit qu' saura&

/ oi, chef.

L'autre "rimaca, apostropha un "arcon qui passait par la et lui ordonna de chan"er de chemise.

#l se tourna de nouveau vers son chef de partie et ajouta

/ %lle0(, mais je vous previens, Lestafier, s'il a une couille pendant le service de ce soir, si

j'ai une seule remarque a faire, une seule, vous m'entende0& -'est sur vous que ca retombera, on est

bien d'accord&

/ 6n est bien d'accord, chef.

#l retourna a sa place et reprit son couteau.

/ Lestafier! %lle0 d'abord vous laver les mains! 6n n'est pas en province ici!

/ 3ais chier, murmura(t(il en fermant les eu*. 3aites tous chier

#l se remit au travail en silence. %u bout d'un moment son commis osa

/ -a va&

/ )on.

/ 1'ai entendu ce que tu disais au "ros Le col du femur, c'est ca&

/ 6uais.

/ -'est "rave&

/ )an, j'crois pas, mais le probleme c'est que je suis tout seul/ :out seul pour quoi&

/ Pour tout.

7uillaume ne comprit pas mais prefera le laisser tranquille avec ses emmerdes.

/ +i tu m'as entendu parler avec le vieu*, ca veut dire que t'as compris pour ce soir t

- Yes.

/ :u pourras assurer&

/ -a se monnae

#ls continuerent de travailler en silence, l'un penche sur ses lapins, l'autre sur son carre

d'a"neau.

/ a becane

/ 8uoi&/ 1e te la prete dimanche

/ La nouvelle&


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/ 6uais.

/ Eh ben, siffla l'autre, il l'aime sa mamie 6. -a marche.

3ranc; eut un rictus amer.

/ erci.

/ 4e&

/ 8uoi&

/ Elle est ou ta vieille&/ % :ours.

/ Et alors& :'en auras besoin de ton sole* dimanche, si tu dois aller la voir&

/ 1e peu* m'arran"er autrement La voi* du chef les interrompit

/ +ilence, s'il vous plait messieurs! +ilence! 7uillaume affuta son couteau et profita du bruit

pour murmurer

/ -'est bon, va :u me la preteras quand elle sera "uerie

/ erci.

/ )e me remercie pas. 1e vais te piquer ton poste a la place

3ranc; Lestafier hocha la tete en souriant.

#l ne prononca plus une seule parole. Le service lui parut plus lon" que d'habitude. #l avait du

mal a se concentrer, aboait quand le chef envoait les bons et tachait de ne pas se bruler. #l faillitrater la cuisson d'une cote de b&uf et ne cessait de s'insulter a voi* basse. #l son"eait au merdier

qu'allait etre sa vie pendant quelques semaines. -'etait deja complique de penser a elle et d'aller la

voir quand elle etait en bonne sante, alors la 8uelle chienlit, putain #l ne manquait plus que

ca #l venait de se paer une moto hors de pri* avec un credit lon" comme son bras et s'etait

en"a"e dans de nombreu* e*tras pour paer les traites. 6u est(ce qu'il allait bien pouvoir la caser au

milieu de tout ca& Enfin #l n'osait pas se l'avouer, mais il etait content de l'aubaine aussi Le

"ros :iti venait de lui debrider son en"in et il allait pouvoir l'essaer sur l'autoroute

+i tout allait bien, il allait se re"aler et serait la(bas en a peine plus d'une heure

#l resta donc seul en cuisine pendant la coupure avec les "ars de la plon"e. Passa ses fonds, fit

l'inventaire de sa marchandise, numerota des morceau* de viande et laissa une lon"ue note a

l'attention de 7uillaume. #l n'avait pas le temps de repasser che0 lui, il prit donc une douche au*

vestiaires, chercha un produit pour nettoer sa visiere et quitta les lieu* l'esprit confus.

4eureu* et soucieu* a la fois.

&

#l etait moins de si* heures quand il planta sa bequille sur le par;in" de l'hopital.

La dame de l'accueil lui annonca que le temps des visites etait passe et qu'il pouvait revenir le

lendemain a partir de di* heures. #l insista, elle se raidit.

#l posa son casque et ses "ants sur le comptoir/ %ttende0, attende0 6n ne s'est pas bien compris, la essaait(il d'articuler sans s'enerver,

j'arrive de Paris et je dois repartir tout a l'heure, alors si vous pouvie0 me

2ne infirmiere apparut

/ 8ue se passe(t(il& -elle(ci lui en imposait plus.

/ Bonjour euh e*cuse0(moi de deran"er, mais je dois voir ma "rand(mere qui est arrivee

hier en ur"ence et je

/ 5otre nom&

/ Lestafier.

/ %h! 6ui! elle fit un si"ne a sa colle"ue. +uive0(moi

Elle lui e*pliqua brievement la situation, commenta l'operation, evoqua la periode de

reeducation et lui demanda des details sur le mode de vie de la patiente. #l avait du mal a percuter,soudain "ene par l'odeur du lieu et par le bruit du moteur qui continuait de bourdonner a son oreille.


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/ Le voila votre petit(fils! annonca "aiement l'infirmiere en ouvrant la porte, 5ous voe0& 1e

vous l'avais bien dit qu'il viendrait! Bon, je vous laisse, ajouta(t(elle, passe0 me voir dans mon

bureau sinon on ne vous laissera pas sortir

#l n'eut pas la presence d'esprit de la remercier. -e qu'il voait la, dans ce lit, lui brisa le c&ur.

#l se retourna d'abord pour retrouver un peu de contenance. Defit son blouson, son pull, et

chercha du re"ard un endroit ou les accrocher.

/ #l fait chaud, ici, non& +a voi* etait bi0arre./ -a va&

La vieille dame, qui essaait vaillamment de lui sourire, ferma les eu* et se mit a pleurer.

#ls lui avaient retire son dentier. +es joues semblaient affreusement creuses et sa levre

superieure flottait a l'interieur de sa bouche.

/ %lors& :u as encore fait la folle, c'est ca& Prendre ce ton badin e*i"eait de lui un effort

surhumain.

/ 1'ai parle avec l'infirmiere, tu sais, et elle m'a dit que l'operation s'etait tres bien passee. :e

voila avec un joli morceau de ferraille a present

/ #ls vont me mettre dans un hospice

/ ais non! 8u'est(ce que tu nous chantes la& :u vas rester ici quelques jours et apres tu iras

dans une maison de convalescence. -'est pas un hospice, c'est comme un hopital mais en moins"rand. #ls vont te chouchouter et t'aider a remarcher et apres, hop, au jardin la Paulette!

/ -a va durer combien de jours&

/ 8uelques semaines %pres, ca dependra de toi #l faudra que tu t'appliques

/ :u viendras me voir&

/ Bien sur que je viendrai! 1'ai une belle moto, tu sais

/ :u ne roules pas trop vite au moins&

/ :ttt, une vraie tortue

/ enteur

Elle lui souriait dans ses larmes.

/ %rrete ca, meme, sinon je vais chialer, moi aussi

/ )on, pas toi. :u ne pleures jamais, toi eme quand t'etais minot, meme le jour ou tu t'es

retourne le bras, je ne t'ai jamais vu verser une larme

/ %rrete quand meme.

#l n'osait pas lui prendre la main a cause des tuau*.

/ 3ranc;&

/ 1e suis la, meme

/ 1'ai mal.

/ -'est normal, ca va passer, il faut que tu dormes un peu.

/ 1'ai trop mal.

/ 1e le dirai a l'infirmiere avant de partir, je lui demanderai de te soula"er

/ :u vas pas partir tout de suite&/ ais non!

/ Parle(moi un peu. Parle(moi de toi

/ %ttends, je vais eteindre Elle est trop moche cette lumiere

3ranc; remonta le store, et la chambre, qui etait orientee a l'ouest, bai"na soudain dans une

douce penombre. #l bou"ea ensuite le fauteuil de place pour se trouver du cote de la bonne main et

la prit entre les siennes.

#l eut du mal, d'abord, a trouver ses mots, lui qui n'avait jamais su parler ni se raconter #l

commenca par des bricoles, le temps qu'il faisait a Paris, la pollution, la couleur de sa +u0u;i, le

descriptif des menus et toutes ces betises.

Et puis, aide en cela par le declin du jour et le visa"e presque apaise de sa "rand(mere, il

trouva des souvenirs plus precis et des confidences moins faciles. #l lui raconta pourquoi il s'etaitsepare de sa petite amie et comment s'appelait celle qu'il avait dans le collimateur, ses pro"res en

cuisine, sa fati"ue #l imita son nouveau colocataire et entendit sa "rand(mere rire doucement.


17/236

/ :u e*a"eres

/ 1e te jure que non! :u le verras quand tu viendras nous voir et tu comprendras

/ 6h, mais je n'ai pas envie de monter a Paris, moi

/ %lors on viendra, nous, et tu nous prepareras un bon repas!

/ :u crois&

/ 6ui. :u lui feras ton "ateau de pommes de terre

/ 6h, non pas ca -'est trop rustique#l parla ensuite de l'ambiance du restaurant, des coups de "ueule du chef, de ce jour ou un

ministre etait venu les feliciter en cuisine, de la de*terite du jeune :a;umi et du pri* de la truffe. #l

lui donna des nouvelles de omo et de madame andel. #l se tut enfin pour ecouter son souffle et

comprit qu'elle s'etait endormie. #l se leva sans faire de bruit.

%u moment ou il allait passer la porte, elle le rappela

/ 3ranc;&

/ 6ui&

/ 1e n'ai pas prevenu ta mere, tu sais

/ :'as bien fait.

/ 1e

/ -hut, il faut dormir maintenant, plus tu dormiras et plus vite tu seras sur pied./ 1'ai bien fait&

#l hocha la tete et posa un doi"t sur sa bouche.

/ 6ui. %lle0, dors maintenant

#l se sentit a"resse par la violence des neons et mit un temps fou a retrouver son chemin.

L'infirmiere de tout a l'heure le happa au passa"e.

Elle lui desi"na une chaise et ouvrit le dossier qui le concernait. Elle commenca par lui poser

quelques questions pratiques et administratives, mais le "arcon ne rea"issait pas.

/ -a va&

/ 3ati"ue

/ 5ous n'ave0 rien man"e&

/ )on, je

/ %ttende0. 6n a ce qu'il faut ici

Elle sortit de son tiroir une boite de sardines et un paquet de biscottes.

/ -a ira&

/ Et vous&

/ Pas de probleme! 9e"arde0! 1'ai plein de "ateau*! 2n petit coup de jaja avec ca&

/ )on merci. 1e vais prendre un -oca au distributeur

/ %lle0(, moi je me sers un petit verre pour vous accompa"ner, mais motus, hein&

#l man"ea un peu, repondit a toutes ses questions et reprit son barda.

/ Elle dit qu'elle a mal

/ -a ira mieu* demain. 6n a mis des anti(inflammatoires dans sa perfusion et elle sereveillera en meilleure forme

/ erci.

/ -'est mon metier.

/ 1e parlais des sardines

#l roula vite, s'effondra et s'etouffa dans son oreiller pour ne pas craquer. Pas maintenant. #l

avait tenu le coup si lon"temps #l pouvait lutter encore un peu

'

/ -afe&/ )on, -oca s'il vous plait.


18/236

-amille le but a petites "or"ees. Elle s'etait accoudee dans un cafe en face du restaurant ou sa

mere lui avait donne rende0(vous. Elle avait pose ses deu* mains bien a plat de chaque cote du

verre et fermait les eu* en respirant lentement. -es dejeuners, si espaces fussent(ils, lui

bousillaient toujours les intestins. Elle en ressortait pliee en deu*, chancelante et comme ecorchee

vive. -omme si sa mere s'appliquait, avec une meticulosite sadique et probablement inconsciente,

quoique, a "ratter les croutes et a rouvrir, une a une, des milliers de petites cicatrices. -amille

l'apercut dans le miroir derriere les bouteilles, qui franchissait les portes du Paradis de 1ade. Ellefuma une ci"arette, descendit au* toilettes, paa sa consommation et traversa la rue. Les mains dans

les poches et les poches croisees sur son ventre.

Elle apercut sa silhouette voutee et vint s'asseoir en face d'elle en prenant une lon"ue

inspiration

/ Bonjour m'man!

/ :u ne m'embrasses pas& fit la voi*.

/ Bonjour, maman, articula(t(elle plus lentement.

/ -a va&

/ Pourquoi tu me demandes ca&

-amille s'a"rippa au bord de la table pour ne pas se relever immediatement.

/ 1e te demande ca parce que c'est en "eneral ce que les "ens se disent quand ils serencontrent

/ 1e ne suis pas $les "ens, moi

/ :u es quoi, alors&

/ 6h, je t'en prie, ne commence pas, hein! -amille detourna la tete et re"arda la decoration

immonde, faite de stucs et de bas(reliefs pseudo asiatiques. Les incrustations d'ecaille et de

nacre etaient en plastique et la laque en formica jaune.

/ -'est joli ici

/ )on, c'est affreu*. ais je n'ai pas les moens de t'inviter a la :our d'%r"ent, fi"ure(toi.

D'ailleurs, meme si je les avais, je ne t' emmenerais pas %vec ce que tu man"es, ce serait de

l'ar"ent jete par les fenetres

%mbiance.

Elle se mit a ricaner amerement

/ )ote bien, tu pourrais aller sans moi parce que tu en as de l'ar"ent, toi! Le malheur des uns

fait le bonh

/ %rrete ca tout de suite, menaca -amille, arrete ca ou je m'en vais. +i tu as besoin d'ar"ent, tu

me le dis et je t'en prete.

/ -'est vrai que mademoiselle travaille 2n bon travail #nteressant en plus 3emme de

mena"e -e n'est pas croable venant de quelqu'un d'aussi bordelique :u ne cesseras jamais de

m'etonner, tu sais&

/ +top, maman, stop. 6n ne peut pas continuer comme ca. 6n ne peut pas, tu comprends&

Enfin, moi, je ne peu* pas. :rouve autre chose, s'il te plait. :rouve autre chose/ :u avais un beau metier et tu as tout "ache

/ 2n beau metier )'importe quoi Et je ne le re"rette pas en plus, je n'etais pas heureuse

la(bas

/ :u n' serais pas restee toute ta vie Et puis qu'est(ce que ca veut dire $heureuse& -'est le

nouveau mot a la mode, ca 4eureuse! 4eureuse! +i tu crois qu'on est sur cette terre pour batifoler

et cueillir des coquelicots, tu es bien naive, ma fille

/ )on, non, rassure(toi, je ne crois pas ca. 1'ai ete a bonne ecole et je sais qu'on est la pour en

chier. :u me l'as asse0 repete

/ 5ous ave0 choisi& leur demanda la serveuse. -amille l'aurait embrassee.

+a mere etala ses pilules sur la table et les compta du doi"t.

/ :'en as pas marre de prendre toutes ces merdes&/ )e parle pas de ce que tu ne connais pas. +i je ne les avais pas, je ne serais plus la depuis

lon"temps


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/ 8u'est(ce que tu en sais d'abord& Et pourquoi tu n'enleves jamais ces lunettes affreuses& Y a

pas de soleil ici

/ 1e suis mieu* avec. -omme ca je vois le monde tel qu'il est

-amille decida de lui sourire et lui tapota la main. -'etait ca ou lui sauter a la "or"e pour

l'etran"ler.

+a mere se derida, "emit un peu, evoqua sa solitude, son dos, la betise de ses colle"ues et les

miseres de la copropriete. Elle man"eait avec appetit et fronca les sourcils quand sa fille commandaune autre biere.

/ :u bois trop.

/ -a c'est vrai! %lle0, trinque avec moi! Pour une fois que tu ne dis pas de betises

/ :u ne viens jamais me voir

/ Et la& 1e fais quoi, la&

/ :oujours le dernier mot, pas vrai& -omme ton pere

-amille se fi"ea.

/ %h! tu n'aimes pas quand je te parle de lui, hein& declara(t(elle triomphante.

/ aman, je t'en prie )e va pas dans cette direction

/ 1e vais ou je veu*. :u ne finis pas ton assiette&

/ )on.+a mere secoua la tete en si"ne de desapprobation.

/ 9e"arde(toi 6n dirait un squelette +i tu crois que tu donnes envie au* "arcons

/ aman

/ 8uoi $maman& -'est normal que je me fasse du souci pour toi, on ne met pas des enfants

au monde pour les voir deperir!

/ :u m'as mise au monde pour quoi, toi&

En meme temps qu'elle prononcait cette phrase, -amille sut qu'elle etait allee trop loin et

qu'elle allait avoir droit a la "rande scene du F. 2n numero sans surprise, mille fois repete et

parfaitement au point chanta"e affectif, larmes de crocodile et menace de suicide. Places ou dans

l'ordre.

+a mere pleura, lui reprocha de l'avoir abandonnee tout comme l'avait fait son pere quin0e ans

auparavant, lui rappela qu'elle n'avait pas de c&ur et lui demanda ce qui la retenait sur cette terre.

/ Donne(moi une seule raison d'etre encore ici, une seule&

-amille se roulait une ci"arette.

/ :u m'as entendue&

/ 6ui.

/ %lors&

/ erci, ma cherie, merci. :a reponse est on ne peut plus claire

Elle renifla, posa deu* tic;ets(restaurant sur la table et s'en alla.

)e pas s'en emouvoir surtout, le depart precipite aant toujours ete l'apotheose, le tombe de

rideau en quelque sorte, de la "rande scene du F.D'habitude l'artiste attend la fin du dessert, mais c'est vrai qu'on etait dans un chinois

aujourd'hui et que sa mere n'aimait pas particulierement leurs bei"nets, litchis et autres nou"ats trop

sucres

6ui, ne pas s'emouvoir.

-'etait un e*ercice difficile, mais -amille avait rode son petit ;it de survie depuis le temps

Elle fit donc comme d'habitude et tenta de se concentrer pour se repeter mentalement certaines

verites. 8uelques phrases simplissimes et pleines de bon sens. Petites bequilles bricolees a la va(vite

qui lui permettaient de continuer a la voir Parce que ces rencontres forcees, ces conversations

absurdes et destructrices n'auraient aucun sens finalement si elle n'avait pas la certitude que sa mere

trouvait son compte. 6r, helas, -atherine 3auque trouvait parfaitement son compte. +e racler les

bottes sur la tete de sa fille lui procurait un "rand reconfort. Et meme si elle abre"eait souvent leursrencontres dans un mouvement de drape outra"e, elle s'en trouvait toujours satisfaite. +atisfaite et


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repue. Emportant avec elle sa bonne foi abjecte, ses triomphes pathetiques et son comptant de

mauvais "rain a moudre jusqu'a la prochaine fois.

-amille avait mis du temps a comprendre cela et d'ailleurs, elle ne l'avait pas compris toute

seule. 6n l' avait aidee. -ertaines personnes dans son entoura"e, autrefois surtout, quand elle etait

encore trop jeune pour la ju"er, lui avaient donne des clefs pour comprendre l'attitude de sa mere.

6ui mais voila, c'etait autrefois, et tous ces "ens qui avaient veille sur elle n'etaient plus la

desormaisEt aujourd'hui, elle morflait la petite.

Drolement.

(

6n avait debarrasse la table et le restaurant se vidait. -amille ne bou"eait pas. Elle fumait et

commandait des cafes pour ne pas etre mise a la porte.

#l avait un monsieur edente dans le fond, un vieil %siatique qui parlait et riait tout seul.

La jeune fille qui les avait servies se tenait derriere le bar. Elle essuait des verres et lui

adressait, de temps a autre, quelques remontrances dans leur lan"ue. Le vieu* se renfro"nait, setaisait un moment puis reprenait son monolo"ue idiot.

/ 5ous alle0 fermer& demanda -amille.

/ )on, repondit(elle en deposant un bol devant le vieu*, on ne sert plus, mais on reste ouvert.

5ous voule0 un autre cafe&

/ )on, non merci. 1e peu* rester encore un peu&

/ ais, oui, reste0! :ant que vous etes la, ca l'occupe!

/ 5ous voule0 dire que c'est moi qui le fais rire comme ca&

/ 5ous ou n'importe qui

-amille devisa"ea le vieil homme et lui rendit son sourire.

L'an"oisse dans laquelle sa mere l'avait plon"ee s'estompa peu a peu. Elle ecoutait les bruits

d'eau et de casseroles echappes de la cuisine, la radio, ces refrains incomprehensibles au* sonorites

pointues que la jeune fille reprenait en se dandinant, elle observait le vieu* qui attrapait de lon"s

vermicelles avec ses ba"uettes en se mettant du bouillon plein le menton et eut soudain l'impression

de se trouver dans la salle a man"er d'une vraie maison

4ormis une tasse de cafe et son paquet de tabac, il n' avait plus rien devant elle. Elle les posa

sur la table d'a cote et commenca a lisser la nappe.

Lentement, tres lentement, elle passait et repassait le plat de sa main sur le papier de mauvaise

qualite, reche et tache par endroits.

Elle fit ce "este pendant de lon"ues minutes.

+on esprit s'apaisa et les battements de son c&ur devinrent plus rapides.

Elle avait peur.Elle devait essaer. :u dois essaer. 6ui mais, il a si lon"temps que je

-hut, se murmura(t(elle, chut, je suis la. :out ira bien, ma "rande. 9e"arde, c'est le moment

ou jamais %lle0 )'aie pas peur

Elle souleva sa main a quelques centimetres de la table et attendit que ses tremblements

cessent. -'est bien, tu vois Elle attrapa son sac a dos et farfouilla a l'interieur, il etait la.

Elle sortit le coffret en bois et le posa sur la table. Elle l'ouvrit, prit une petite pierre

rectan"ulaire et la passa sur sa joue, c'etait dou* et tiede. Elle defit ensuite un tissu bleu et en sortit

un baton a encre, une forte odeur de santal s'en de"a"ea, enfin, elle deroula un napperon en lattes de

bambou ou dormaient deu* pinceau*.

Le plus "ros etait en poil de chevre, l'autre, beaucoup plus fin, en soie de porc.

Elle se leva, prit une carafe d'eau sur le comptoir, deu* annuaires et fit une petite courbette auvieu* fou.


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Elle placa les annuaires sur son sie"e de facon a pouvoir etendre le bras sans toucher la table,

versa quelques "outtes d'eau sur la pierre en ardoise et commenca a broer son encre. La voi* de

son maitre lui revint a l'oreille $ourne ta pierre tres lentement, petite Camille6 7h3 plus lentement

encore3 Et plus longtemps3 Deu# cents fois peut-etre, car, vois-tu, en faisant cela tu assouplis ton

poignet et prepare ton esprit a de grandes choses6 8e pense plus a rien, ne me regarde pas,

malheureuse3 Concentre-toi sur ton poignet, il te dictera ton premier trait et seul le premier trait

compte, c'est lui qui donnera vie et souffle a ton dessin6 8uand l'encre fut prete, elle lui desobeit et commenca par de petits e*ercices dans un coin de

la nappe pour se reapproprier des souvenirs trop lointains. Elle fit d'abord cinq taches, de la plus

noire a la plus diluee pour se rememorer les couleurs de l'encre, essaa ensuite differents traits et

realisa qu'elle les avait presque tous oublies. En demeuraient certains la corde defaite, le cheveu, la

"outte de pluie, le fil enroule et les poils de b&uf. 5inrent ensuite les points. +on maitre lui en avait

ensei"ne plus de vin"t, elle n'en retrouva que quatre le rond, le rocher, le ri0 et le frisson.

%sse0. :u es prete maintenant Elle saisit le pinceau le plus fin entre son pouce et son

majeur, tendit son bras au(dessus de la nappe et attendit encore quelques secondes.

Le vieu*, qui n'avait rien perdu de son mane"e, l'encoura"ea en fermant les eu*.

-amille 3auque sortit d'un lon" sommeil avec un moineau, puis deu*, puis trois, puis une

volee d'oiseau* a l'&il moqueur.Elle n'avait rien dessine depuis plus d'un an.

* * *

Enfant, elle parlait peu, encore moins qu'aujourd'hui. +a mere l'avait obli"ee a suivre des

lecons de piano et elle detestait ca. 2ne fois, alors que son professeur etait en retard, elle avait pris

un "ros marqueur et avait dessine, consciencieusement, un doi"t sur chacune des touches. +a mere

lui avait devisse le cou et son pere, pour calmer tout le monde, etait revenu le =ee;(end suivant

avec l'adresse d'un peintre qui donnait des cours une fois par semaine.

+on pere mourut peu de temps apres et -amille n'ouvrit plus jamais la bouche. eme pendant

ses cours de dessin avec ce monsieur Dou"hton @elle disait Dou"ue(tonA qu'elle aimait tant, elle ne

parlait plus.

Le vieil %n"lais ne s'en formalisa pas et continua de lui indiquer des sujets ou de lui ensei"ner

des techniques en silence. #l montrait l'e*emple et elle l'imitait, se bornant a hocher la tete pour dire

oui ou non. Entre eu*, et dans cet endroit seulement, tout allait bien. +on mutisme meme semblait

les arran"er. #l n'avait pas a chercher ses mots en francais et elle se concentrait plus facilement que

ses condisciples.

2n jour pourtant, alors que tous les autres eleves etaient partis, il brisa leur accord tacite et lui

adressa la parole pendant qu'elle s'amusait avec des pastels

/ :u sais, -amille, a qui tu me fais penser& Elle secoua la tete./ Eh bien, tu me rappelles un peintre chinois qui s'appelait -hu :a :u veu* que je te

raconte son histoire&

-amille fit oui, mais il s'etait retourne pour eteindre sa bouilloire.

/ 1e ne t'entends pas -amille :u ne veu* pas que je te la raconte&

#l la devisa"eait a present.

/ 9eponds(moi, petite fille. Elle lui jeta un re"ard noir.

/ Pardon&

/ +i, articula(t(elle enfin.

#l ferma les eu* en si"ne de contentement, se servit un bol et vint s'asseoir pres d'elle.

/ 8uand il etait enfant, -hu :a etait tres heureu* #l but une "or"ee de the.

/ -'etait un prince de la dnastie des in" +a famille etait tres riche et tres puissante. +onpere et son "rand(pere etaient des peintres et des calli"raphies celebres et le petit -hu :a avait herite

de leurs talents. 3i"ure(toi qu'un jour, alors qu'il n'avait pas huit ans, il dessina une fleur, une simple


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fleur de lotus couchee sur un etan" +on dessin etait si beau, si beau, que sa mere decida de

l'accrocher dans leur salon. Elle affirmait que "race a lui, on sentait une petite brise fraiche dans

cette "rande piece et que meme, on pouvait respirer le parfum de la fleur quand on passait devant.

:u te rends compte& eme le parfum! Et sa mere ne devait pas etre commode %vec un mari et un

pere peintres, elle en avait vu d'autres

#l se pencha de nouveau sur son bol.

/ %insi "randit :a, dans l'insouciance, le plaisir et la certitude d'etre un jour, lui aussi, un"rand artiste 4elas, quand il eut di*(huit ans, les andchous prirent le pouvoir a la place des

in". Les andchous etaient des "ens cruels et brutau* qui n'aimaient pas les peintres et les

ecrivains. #ls leur interdirent donc de travailler. -'etait la la pire chose qu'on puisse leur imposer, tu

t'en doutes bien La famille de -hu :a ne connut plus jamais la pai* et son pere mourut de

desespoir. Du jour au lendemain, son fils, qui etait un coquin, qui aimait rire, chanter, dire des

betises ou reciter de lon"s poemes fit une chose incroable 6h! mais qui vient la& demanda

monsieur Dou"hton, avisant son chat qui s'etait pose sur le rebord de la fenetre et commencant avec

lui, e*pres, une lon"ue conversation bebete.

/ 8u'est(ce qu'il a fait& finit(elle par murmurer.

#l cacha son sourire dans les broussailles de sa barbe et continua comme si de rien n'etait

/ #l a fait une chose incroable. 2ne chose que tu ne devineras jamais #l a decide de se tairepour toujours. Pour toujours, tu m'entends& Plus un seul mot ne sortirait de sa bouche! #l etait ec&ure

par l'attitude des "ens autour de lui, ceu* qui reniaient leurs traditions et leurs croances pour etre

bien vus des andchous et il ne voulait plus jamais leur adresser la parole. 8u'ils aillent au diable!

:ous! -es esclaves! -es laches! %lors, il ecrivit le mot (uet sur la porte de sa maison et si

certaines personnes essaaient de lui parler quand meme, il deploait devant son visa"e un eventail

ou il avait aussi ecrit(uet et l'a"itait dans tous les sens pour les faire fuir

La petite fille buvait ses paroles.

/ Le probleme, c'est que personne ne peut vivre sans s'e*primer. Personne -'est

impossible %lors -hu :a, qui avait comme tout le monde, comme toi et moi par e*emple,

beaucoup de choses a dire, eut une idee "eniale. #l partit dans les monta"nes, loin de tous ces "ens

qui l'avaient trahi et se mit a dessiner Desormais, c'etait ainsi qu'il allait s'e*primer et

communiquer avec le reste du monde a travers ses dessins :u veu* les voir&

#l alla chercher un "rand livre blanc et noir dans sa bibliotheque et le posa devant elle

/ 9e"arde comme c'est beau -omme c'est simple 1uste un trait, et voila 2ne fleur, un

poisson, une sauterelle 9e"arde ce canard, comme il a l'air fache et ces monta"nes, la, dans la

brume 9e"arde comment il a dessine la brume -omme si ce n'etait rien, que du vide Et ces

poussins, la& #ls ont l'air si dou* qu'on a envie de les caresser. 9e"arde, son encre est comme un

duvet +on encre est douce -amille souriait.

/ :u veu* que je t'apprenne a dessiner comme lui& Elle hocha la tete.

/ :u veu* que je t'apprenne&

/ 6ui.8uand tout fut pret, quand il eut fini de lui montrer comment tenir le pinceau et de lui

e*pliquer cette histoire de premier trait si important, elle resta un moment perple*e. Elle n'avait pas

bien saisi et croait qu'il fallait e*ecuter tout le dessin d'un seul tenant sans lever la main. -'etait

impossible.

Elle reflechit lon"temps a un sujet, re"arda autour d'elle et avanca le bras.

Elle fit un lon" trait ondule, une bosse, une pointe, une autre pointe, descendit son pinceau en

un lon" dehanche et revint sur la premiere ondulation. -omme son professeur ne re"ardait pas, elle

en profita pour tricher, leva le pinceau pour ajouter une "rosse tache noire et si* petites ratures. Elle

preferait lui desobeir plutot que de dessiner un chat sans moustache.

alcolm, son modele, dormait toujours sur la fenetre et -amille, dans un souci de verite,

termina donc son dessin par un fin rectan"le autour du chat.Elle se leva ensuite pour aller le caresser et, quand elle se retourna, elle remarqua que son

professeur la devisa"eait d'une drole de facon, presque mechamment


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/ -'est toi qui as fait ca&

#l avait donc vu sur son dessin qu'elle avait leve le pinceau plusieurs fois Elle "rimaca.

/ -'est toi qui as fait ca, -amille&

/ 6ui

/ 5iens par la, s'il te plait.

Elle s'avanca, pas tres fiere, et s'assit pres de lui.

#l pleurait/ -'est ma"nifique ce que tu as fait la, tu sais a"nifique 6n l'entend ronronner ton

chat 6h, -amille

#l avait sorti un "ros mouchoir, plein de taches de peinture, et se mouchait bruamment.

/ Ecoute(moi, petite fille, je ne suis qu'un vieu* bonhomme et un mauvais peintre qui plus est,

mais ecoute(moi bien 1e sais que la vie n'est pas facile pour toi, j'ima"ine que ce n'est pas

toujours drole a la maison et j'ai appris aussi pour ton papa, mais )on, ne pleure pas :iens,

prends mon mouchoir ais il a une chose que je dois te dire les "ens qui s'arretent de parler

deviennent fous. -hu :a, par e*emple, je ne te l'ai pas dit tout a l'heure, mais il est devenu fou et

tres malheureu* aussi :res, tres malheureu* et tres, tres fou. #l n'a retrouve la pai* que lorsqu'il

etait un vieillard. :u ne vas pas attendre d'etre une vieillarde, toi, n'est(ce pas& Dis(moi que non. :u

es tres douee, tu sais& :u es la plus douee de tous les eleves que j'aie jamais eus, mais ce n'est pasune raison, -amille -e n'est pas une raison Le monde d'aujourd'hui n'est plus comme celui de

-hu :a et tu dois te remettre a parler. :u es obli"ee, tu comprends& +inon, ils vont t'enfermer avec

de vrais fous et personne ne verra jamais tous tes beau* dessins

L'arrivee de sa mere les interrompit. -amille se leva et la prevint, d'une voi* rauque et

saccadee

/ %ttends(moi 1e n'ai pas fini de ran"er mes affaires

2n jour, il n' a pas tres lon"temps, elle recut un paquet mal ficele accompa"ne d'un petit mot

9onour,

5e m'appelle Eileen :ilson. (on nom ne dit probablement rien a vous, mais 'etais l'amie de

Cecil Doughton qui fut votre professeur de dessin autrefois. 5'ai le triste de vous annoncer que

Cecil a quitte nous il 0 a deu# mois de cela. 5e sais que vous apprecie% que e vous dise )pardonne%

mon pauvre francais/ que nous l'avons enterre dans son region du Dartmoor qu'il aimait tant

beaucoup dans une cimetere auquel la vue est tres belle. 5'ai mis ses brosses et ses peintures dans le

terre avec lui.

vant de mourir, il m'avait demander de vous donner ceci. 5e crois qu'il sera o0eu# si vous

l'user en pensant a lui.

Eileen :.

-amille ne put retenir ses larmes en decouvrant le materiel de peinture chinoise de son vieu*

professeur, celui(la meme dont elle se servait a present

* * *

#ntri"uee, la serveuse vint recuperer la tasse vide et jeta un &il sur la nappe. -amille venait d'

dessiner une multitude de bambous. Leurs ti"es et leurs feuilles etaient ce qu'il avait de plus

difficile a realiser. ;ne feuille, petite, une simple feuille qui se balance dans le vent e#igeait de ces

maitres des annees de travail, une vie entiere, parfois6 5oue avec les contrastes. $u n'as qu'une

couleur a ta disposition et pourtant tu peu# tout suggerer6 Concentre-toi mieu#. 2i tu veu# que e

te grave ton sceau un our, tu dois me faire des feuilles bien plus legeres que ca6

Le support, de mauvaise qualite, se "ondolait et buvait l'encre beaucoup trop rapidement.

/ 5ous permette0& demanda la jeune fille.

Elle lui tendait un paquet de nappes vier"es. -amille se recula et posa son travail sur le sol. Levieu* "emissait, la serveuse l'en"ueula.

/ 8u'est(ce qu'il dit&


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/ #l rale parce qu'il ne peut pas voir ce que vous faites

Elle ajouta

/ -'est mon "rand(oncle #l est paralse

/ Dites(lui que le prochain sera pour lui

La jeune fille revint vers le bar et prononca quelques paroles a son intention. #l se calma et

re"arda -amille severement.

Elle le devisa"ea lon"uement puis dessina, sur toute la surface de la nappe, un petitbonhomme hilare qui lui ressemblait et qui courait le lon" d'une ri0iere. Elle n'etait jamais allee en

%sie, mais improvisa, en arriere(plan, une monta"ne dans la brume, des pins, des rochers et meme

la petite cabane de -hu :a sur un promontoire. Elle l'avait croque avec sa casquette )i;e et sa veste

de survetement, mais l'avait laisse jambes nues, seulement vetu du pa"ne traditionnel. Elle ajouta

quelques "erbes d'eau qui "iclaient sous ses pieds et une bande de "amins lances a sa poursuite.

Elle se recula pour ju"er son travail.

Beaucoup de details la contrariaient bien sur, mais enfin, il avait l'air heureu*, vraiment

heureu*, alors elle placa une assiette sous la nappe comme support, ouvrit le petit pot de cinabre

rou"e et apposa son sceau au milieu a droite. Elle se leva, debarrassa la table du vieu* et revint

chercher son dessin qu'elle posa devant lui.

#l ne rea"issait pas.6ups, se dit(elle, j'ai du faire une "affe, la

8uand sa petite(niece revint de la cuisine, il poussa une lon"ue plainte douloureuse.

/ 1e suis desolee, dit -amille, je croais que Elle fit un "este pour l'interrompre, alla

chercher une "rosse paire de lunettes derriere le comptoir et les "lissa sous la casquette. #l se pencha

ceremonieusement et se mit a rire. 2n rire d'enfant, cristallin et "ai. #l pleura aussi et rit de nouveau

en se balancant et en croisant ses bras sur sa poitrine.

/ #l veut boire du sa;e avec vous.

/ +uper

Elle apporta une bouteille, il hurla, elle soupira et repartit en cuisine.

Elle revint avec un autre flacon, suivie du reste de la famille. 2ne dame mure, deu* hommes

d'une quarantaine d'annees et un adolescent. -e ne fut que rires, cris, courbettes et effusions en tout

"enre. Les hommes lui tapaient sur l'epaule et le "amin lui claquait la paume de la main a la maniere

des sportifs.

-hacun retourna ensuite a son poste et la jeune fille deposa deu* petits verres devant eu*. Le

vieu* la salua puis vida sa coupe avant de la remplir de nouveau.

/ 1e vous previens, il va vous raconter sa vie

/ Pas de probleme, fit -amille, 4ouuuh c'est fort, non&

L'autre s'eloi"na en riant.

#ls etaient seuls a present. L'ancetre jacassait et -amille l'ecoutait "ravement en opinant

seulement du ne0 a chaque fois qu'il lui presentait la bouteille.

Elle eut du mal a se relever et a recuperer ses affaires. %lors qu'elle se tenait pres de la sortie,apres s'etre maintes et maintes fois courbee pour prendre con"e du bonhomme, la jeune fille vint

vers elle pour l'aider a tirer la poi"nee de la porte qu'elle s'obstinait a pousser en riant betement

depuis un bon moment.

/ 5ous etes ici che0 vous, d'accord& 5ous pouve0 venir man"er quand vous voule0. +i vous ne

vene0 pas, il sera fache Et triste aussi

8uand elle arriva au boulot, elle etait completement petee.

+amia s'e*citait

/ 6h, toi, t'as trouve un mec&

/ 6ui, avoua -amille, penaude.

/ -'est vrai&

/ 6ui./ )an -'est pas vrai #l est comment& #l est mi"non&

/ +uper mi"non.


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/ )an, trop cool, ca #l a quel a"e&

/ 8uatre(vin"t(dou0e ans.

/ %rrete tes conneries, idiote, il a quel a"e&

/ Bon, les filles -'est quand vous voule0, hein! La 1os indiquait le cadran de sa montre.

-amille s'eloi"na en "loussant et en se prenant les pieds dans le tuau de son aspirateur.

)

Plus de trois semaines s'etaient ecoulees. 3ranc;, qui travaillait tous les dimanches comme

e*tra dans un autre restaurant sur les -hamps, se rendait chaque lundi au chevet de sa "rand(mere.

Elle se trouvait desormais dans une maison de convalescence a quelques ;ilometres au nord

de la ville et "uettait son arrivee des le lever du jour.

Lui, par contre, etait obli"e de re"ler son reveil. #l descendait comme un 0ombi jusqu'au

troquet du coin, buvait deu* ou trois cafes d'affilee, enfourchait sa moto et venait se rendormir

aupres d'elle sur un affreu* fauteuil en s;ai noir.

8uand on lui amenait son plateau(repas, la vieille dame posait son inde* sur sa bouche et

indiquait, d'un mouvement de tete, le "ros bebe enroule sur lui(meme qui lui tenait compa"nie. Ellele couvait du re"ard et veillait a ce que son blouson reste bien en place sur sa poitrine.

Elle etait heureuse. #l etait la. Bien la. 9ien qu'a elle

Elle n'osait pas appeler l'infirmiere pour lui demander de remonter son lit, saisissait sa

fourchette delicatement et man"eait en silence. Elle cachait des choses dans sa table de nuit, des

morceau* de pain, sa portion de froma"e et quelques fruits pour les lui donner quand il se

reveillerait. Ensuite, elle repoussait la tablette tout doucement et croisait ses mains sur son ventre en

souriant.

Elle fermait les eu* et somnolait, bercee par le souffle de son petit homme et les

debordements du passe. Elle l'avait perdu tant de fois deja :ant de fois #l lui semblait qu'elle

avait passe sa vie a aller le chercher %u fond du jardin, dans les arbres, che0 les voisins, cache

dans des etables ou affale devant leur television, puis au cafe bien sur, et maintenant sur des petits

bouts de papier ou il lui avait "riffonne des numeros de telephone qui n'etaient jamais les bons

Elle avait fait tout ce qu'elle avait pu pourtant Elle l'avait nourri, embrasse, caline, rassure,

houspille, puni et console, mais tout cela n'avait servi a rien % peine sut(il marcher ce "amin(la,

qu'il prit la poudre d'escampette et quand il eut trois poils au menton, c'etait fini. #l etait parti.

Elle "rimacait parfois au milieu de ses reveries. +es levres tremblaient. :rop de cha"rins, trop

de "achis, et tellement de re"rets #l avait eu des moments si durs, si durs 6h, mais non, il ne

fallait plus penser, d'ailleurs il se reveillait, les cheveu* en bataille et la joue balafree par la

couture du fauteuil

/ #l est quelle heure&

/ Bientot cinq heures/ 6h, putain, deja&

/ 3ranc;, pourquoi tu dis toujours putain&

/ 6h, saperlipopette, deja&

/ :u as faim&

/ -a va, soif plutot 1e vais aller faire un tour Et voila, son"ea la vieille dame, voila

/ :u t'en vas&

/ ais non, j'm'en vais pas, pu perlipopette!

/ +i tu croises un monsieur rou* avec une blouse blanche, tu pourras lui demander quand est(

ce que je sors d'ici&

/ 6uais, ouais, fit(il en passant la porte.

/ 2n "rand avec des lunettes et une #l etait deja dans le couloir./ %lors&

/ 1e l'ai pas vu


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/ %h&

/ %lle0 meme lui dit(il "entiment, tu vas pas te remettre a chialer quand meme&

/ )on, mais je 1e pense a mon chat, a mes oiseau* Et puis il a plu toute la semaine et je

me fais du mouron pour mes outils -omme je ne les ai pas ran"es, ils vont rouiller, c'est sur

/ 1e passerai a la maison en repartant et j'irai les mettre a l'abri

/ 3ranc;&

/ 6ui&/ Emmene(moi avec toi

/ 6h e fais pas ce coup(la a chaque fois 1'en peu* plus

Elle se reprit

/ Les outils

/ 8uoi&

/ #l faudrait les passer a l'huile de pied de b&uf #l la re"arda en "onflant ses joues

/ 4e, si j'ai le temps, hein& Bon, c'est pas le tout, mais on a notre cours de "m, nous #l est

ou ton deambulateur&

/ 1e ne sais pas.

/ eme

/ Derriere la porte./ %lle0, debout la vieille, je vais t'en montrer des oiseau*, moi!

/ Pfff, en a pas ici. Y a que des vautours et des charo"nards

3ranc; souriait. #l aimait bien la mauvaise foi de sa "rand(mere.

/ -a va&

/ )on.

/ 8u'est(ce qui cloche encore&

/ 1'ai mal.

/ :'as mal ou&

/ Partout.

/ Partout, ca se peut pas, c'est pas vrai. :rouve(moi un endroit precis.

/ 1'ai mal dans ma tete.

/ -'est normal. 6n en est tous la va %lle0, montre(moi plutot tes copines

/ )on, tourne. -elles(ci je ne veu* pas les voir, je ne peu* pas les souffrir.

/ Et lui, la, le vieu* avec son bla0er, il est pas mal, non&

/ -e n'est pas un bla0er, "ros beta, c'est son pjama, en plus il est sourd comme un pot Et

pretentieu* avec ca

Elle posait un pied devant l'autre et disait du mal de ses petits camarades, tout allait bien.

/ %lle0, j' vais

/ aintenant&

/ 6ui, maintenant. +i tu veu* que je m'occupe de ta binette 1e me leve tot moi demain

fi"ure(toi et j'ai personne pour m'amener mon petit dejeuner au lit/ :u me telephoneras& #l hocha la tete.

/ :u dis ca et puis tu ne le fais jamais

/ 1'ai pas le temps.

/ 1uste bonjour et tu raccroches.

/ D'accord. %u fait, je ne sais pas si je pourrai venir la semaine prochaine Y a mon chef qui

nous emmene en "o"uette

/ 6u donc&

/ %u oulin(9ou"e.

/ -'est vrai&

/ ais non, c'est pas vrai! 6n va dans le Limousin rendre visite au "ars qui nous vend ses

betes/ 8uelle drole d'idee

/ -'est mon chef, ca #l dit que c'est important


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/ :u ne viendras pas alors&

/ 1e ne sais pas.

/ 3ranc;&

/ 6ui

/ Le medecin

/ 1e sais, le rouquin, j'essae de le choper Et tu fais bien tes e*ercices, hein& Parce que le

;ine n'est pas tres content a ce que j'ai pu comprendre%visant la mine etonnee de sa "rand(mere, il ajouta, facetieu*

/ :u vois que ca m'arrive de telephoner

#l ran"ea les outils, man"ea les dernieres fraises du pota"er et s'assit un moment dans le

jardin. Le chat vint s'entortiller dans ses jambes en ralant.

/ :'inquiete pas, "ros pere, t'inquiete pas. Elle va revenir

La sonnerie de son portable le tira de sa torpeur. -'etait une fille. #l fit le coq, elle "loussa.

Elle proposait d'aller au cinema.

#l roula a plus de cent soi*ante(di* pendant tout le trajet en cherchant une astuce pour la sauter

sans etre obli"e de se co"ner le film. #l n'aimait pas trop le cinema. #l s'endormait toujours avant la

fin.

!*

5ers la mi(novembre, alors que le froid commencait son mechant travail de sape, -amille se

decida enfin a se rendre dans un Brico quelconque pour ameliorer ses conditions de survie. Elle

passa un samedi entier, traina dans tous les raons, toucha les panneau* de bois, admira les outils,

les clous, les vis, les poi"nees de porte, les trin"les a rideau*, les pots de peintures, les moulures, les

cabines de douche et autres miti"eurs chromes. Elle alla ensuite au raon jardina"e et fit l'inventaire

de tout ce qui la laissait reveuse "ants, bottillons en caoutchouc, serfouettes, "rilla"e a poules,

"odets a semis, or brun et sachets de "raines en tout "enre. Elle passa autant de temps a inspecter la

marchandise qu'a observer les clients. La dame enceinte au milieu des papiers peints pastel, ce jeune

couple qui s'en"ueulait a propos d'une applique hideuse ou ce frin"ant preretraite en chaussures

:B+ avec son carnet a spirale dans une main et son metre de menuisier dans l'autre.

Le pilon de la vie lui avait appris a se mefier des certitudes et des projets d'avenir, mais il

avait une chose dont -amille etait sure un jour, dans tres tres lon"temps, quand elle serait bien

vieille, encore plus vieille que maintenant, avec des cheveu* blancs, des milliers de rides et des

taches brunes sur les mains, elle aurait sa maison a elle. 2ne vraie maison avec une bassine en

cuivre pour faire des confitures et des sables dans une boite en fer(blanc cachee au fond d'un buffet.

2ne lon"ue table de ferme, bien epaisse, et des rideau* de cretonne. Elle souriait. Elle n'avait

aucune idee de ce qu'etait la cretonne, ni meme si cela lui plairait mais elle aimait ces mots rideau*

de cretonne Elle aurait des chambres d'amis et, qui sait& peut(etre des amis& 2n jardin coquet, despoules qui lui donneraient de bons &ufs a la coque, des chats pour courir apres les mulots et des

chiens pour courir apres les chats. 2n petit carre de plantes aromatiques, une cheminee, des

fauteuils defonces et des livres tout autour. Des nappes blanches, des ronds de serviettes chines dans

des brocantes, un appareil a musique pour ecouter les memes operas que son papa et une cuisiniere

a charbon ou elle laisserait mijoter de bons b&ufs carottes toute la matinee

De bons b&ufs carottes n'importe quoi

2ne petite maison comme celles que dessinent les enfants, avec une porte et deu* fenetres de

chaque cote. 5ieillotte, discrete, silencieuse, envahie par la vi"ne vier"e et les rosiers "rimpants.

2ne maison avec des "endarmes sur le perron, ces petites betes noires et rou"es qui vont toujours

collees deu* par deu*. 2n perron bien chaud qui aurait emma"asine toute la chaleur du jour et sur

lequel elle s'assierait le soir, pour "uetter le retour du heronEt puis une vieille serre qui lui tiendrait lieu d'atelier Enfin ca, ce n'etait pas sur 1usqu'a

present, ses mains l'avaient toujours trahie et peut(etre valait(il mieu* ne plus compter sur elles


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Peut(etre que l'apaisement ne pouvait pas passer par la finalement&

Par ou alors& Par ou, s'an"oissait(elle soudain.

Par ou&

Elle se ressaisit aussitot et interpella un vendeur avant de perdre pied. La petite chaumiere au

fond des bois, c'etait bien joli, mais en attendant, elle se les "elait au fond d'un couloir humide et ce

jeune homme en polo jaune vif serait surement capable de l'aider

/ 5ous dites que l'air passe au travers&/ 6ui.

/ -'est un 5elu*&

/ )on, un vasistas.

/ -a e*iste encore ces machins(la&

/ 4elas

/ :ene0, voila ce qu'il vous faut

#l lui tendit un rouleau de bourrelet a clouter special $calfeutra"e fenetres en mousse "ainee

P5-, durable, lavable et etanche. 2n vrai bonheur.

/ 5ous ave0 une a"rafeuse&

/ )on.

/ 2n marteau& des clous&/ )on.

Elle le suivait comme un petit chien dans tout le ma"asin pendant qu'il remplissait son panier.

/ Et pour me chauffer&a

ensemble c est tout

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