emmanuel ratier : la gauche a totalement perdu le combat idéologique

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Emmanuel Ratier : « La gauche a totalement perdu le combat idéologique » Rivarol n o 3123 du 9 janvier 2014 D ANS le cadre de nos grands entretiens ouverts à toutes les composantes de ce qu’il est convenu d’appeler le mouvement national et où ont déjà pu s’ex- primer en toute liberté depuis la rentrée automnale Pierre Vial et tout récemment Jean-Yves Le Gallou, nous donnons aujourd’hui la parole à Emmanuel Ratier qui est l’une des personnalités les plus connues de la mouvance nationale. Il anime, depuis 1996, une lettre d’information confidentielle, Faits & Documents 1 et son propre Libre Journal sur Radio courtoisie. La librairie qu’il dirige, située dans le 9 e arrondissement de Paris, a été vandalisée dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 décembre 2013. RIVAROL — La librairie Facta, que vous dirigez, a fait l’objet d’une at- taque voici quelques semaines. Quelles sont les conséquence de cet acte de vandalisme ? EMMANUEL RATIER — En dépit de vitres très épaisses et d’un rideau de sécurité, les « courageux » « défenseurs de la liberté d’expression » ont réussi à faire un trou. Avec un compresseur à peinture, ils ont aspergé de peinture rouge environ 800 livres, neufs ou d’occasion, bon marché ou rares. Sans parler des meubles, tapis, ordinateur, etc. Pour nous, c’est un vrai problème car nous avons toujours eu une politique d’ouverture : pas de provocation, une vitrine sobre, un bon accueil des visiteurs quels qu’ils soient, mais des convictions fermes. Comme nous vendons essentiellement de l’occasion, la plupart des ouvrages ne sont dis- ponibles qu’en un seul exemplaire. D’où de grosses difficultés pour reconstituer notre stock. D’autant que, comme vous le savez, les livres « de droite » sont passés sous silence, rarement voire jamais réédités. 1. http://www.faitsetdocuments.com/ 1

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Entretien dans Rivarol no 3123 du 9 janvier 2014.

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Page 1: Emmanuel Ratier : La gauche a totalement perdu le combat idéologique

Emmanuel Ratier : « La gauche a totalementperdu le combat idéologique »

Rivarol no 3123 du 9 janvier 2014

DANS le cadre de nos grands entretiens ouverts à toutes les composantes de cequ’il est convenu d’appeler le mouvement national et où ont déjà pu s’ex-

primer en toute liberté depuis la rentrée automnale Pierre Vial et tout récemmentJean-Yves Le Gallou, nous donnons aujourd’hui la parole à Emmanuel Ratier quiest l’une des personnalités les plus connues de la mouvance nationale. Il anime,depuis 1996, une lettre d’information confidentielle, Faits & Documents 1 et sonpropre Libre Journal sur Radio courtoisie. La librairie qu’il dirige, située dansle 9e arrondissement de Paris, a été vandalisée dans la nuit du lundi 9 au mardi10 décembre 2013.

RIVAROL — La librairie Facta, que vous dirigez, a fait l’objet d’une at-taque voici quelques semaines. Quelles sont les conséquence de cet acte devandalisme ?

EMMANUEL RATIER — En dépit de vitres très épaisses et d’un rideau desécurité, les « courageux » « défenseurs de la liberté d’expression » ont réussi àfaire un trou. Avec un compresseur à peinture, ils ont aspergé de peinture rougeenviron 800 livres, neufs ou d’occasion, bon marché ou rares. Sans parler desmeubles, tapis, ordinateur, etc. Pour nous, c’est un vrai problème car nous avonstoujours eu une politique d’ouverture : pas de provocation, une vitrine sobre, unbon accueil des visiteurs quels qu’ils soient, mais des convictions fermes. Commenous vendons essentiellement de l’occasion, la plupart des ouvrages ne sont dis-ponibles qu’en un seul exemplaire. D’où de grosses difficultés pour reconstituernotre stock. D’autant que, comme vous le savez, les livres « de droite » sont passéssous silence, rarement voire jamais réédités.

1. http://www.faitsetdocuments.com/

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R. — Quelle est la spécificité de votre librairie, qui en fait une cible ?E. R. — Nous avons ouvert il y a neuf ans au 4, rue de Clichy (75009 Paris) une

librairie de livres d’occasion 2, nationaliste au sens large. L’objectif était de per-mettre aux nationalistes de tous les bords, aux dissidents et aux non-conformistesde pouvoir dénicher des ouvrages introuvables ou seulement disponibles sur in-ternet à des prix élevés. Nous avons eu une politique de prix modérés et bas, cequi fait que nous avons maintenant une clientèle fidèle qui se constitue son fondspersonnel de bibliothèque. Bref, permettre à tous ceux qui se trouvent à la margedu système politique actuel de se forger une opinion par eux-mêmes. Ce qui estévidemment scandaleux. Ceux qui ont agi ainsi n’avaient qu’un objectif : bâillon-ner toute liberté même pas d’expression, mais de lecture. Empêcher nos clients depouvoir lire. On tombe de plus en plus bas. On y ajoutera les quelques signaturesde livres neufs que nous organisons, la dernière en date étant celle d’Alain Soral,dissident entre les dissidents, qui touche un public beaucoup plus vaste que lestrict public nationaliste. Avec lui, beaucoup de jeunes, pour bon nombre d’origineimmigrée, qui auraient dû basculer à gauche (à cause de leur environnement, del’école, etc.) ont découvert qu’il y avait une autre pensée, que la télévision et laradio leur mentaient, que la gauche les voyait comme du bétail électoral et quetoute opinion dissidente était interdite. C’est de ce côté en particulier que nousavons eu beaucoup de messages de soutien avec des visites dans notre librairiesaccagée. Mais, hormis internet, aucun media n’a évoqué nos mésaventures etvous êtes les premiers à le faire, ce dont je vous remercie.

R. — Plusieurs de vos confrères ont connu des dégradations régulièressans intervention de la police 3. Des procès sont en cours pour interdire ladiffusion de certains livres non-conformes à la pensée dominante. Pourquoitant de haine de la part des chiens de garde du système ?

E. R. — Hormis des exceptions (Duquesne, Notre-Dame de France, lanouvelle Librairie française, la Librairie roumaine) qu’on compte sur le doigtd’une main, il n’y a presque plus de librairies nationalistes ou nationales-populistes à Paris. Nous sommes sans nul doute l’unique librairie d’ouvragesd’occasion à Paris (je ne parle pas des libraires de haut vol qui spéculent sur leséditions rares et les grands papiers, qui sont en fait des investissements financiersà moyen terme). La police ne fait rien, ce qui n’est pas nouveau, mais ne nousvise pas particulièrement. De moins en moins d’affaires sont résolues et, en la

2. http://librairie-facta.com/3. La liste est malheureusement longue des actions « antifa » : attaque contre la librairie Dobrée

(14, rue Voltaire, 44000 Nantes), saccage de la boutique de vêtements nordiques Tribann ( 104,rue du Port, 59000 Lille), irruption à l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris, pendant lagrand messe chantée de 10h30 avec des boules puantes le 13 novembre, dégradation régulière dela librairie catholique bordelaise Saint-Jacmes. . .

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matière, si la DCRI a des membres infiltrés au sein des Antifas ou de la Ligue dedéfense juive (les deux pistes les plus probables), elle ne va pas les griller pourquelques milliers d’euros de destruction.

Pour ce qui est de l’interdiction d’ouvrages plusieurs fois réédités et simple-ment diffusés par Kontre Kulture, la maison d’édition d’Alain Soral, on nage enplein délire. Le fameux livre totalement interdit, Anthologie des propos contreles Juifs, le judaïsme et le sionisme, est une simple compilation de propos anti-juifs, anti-israéliens ou anti-sionistes collationnés par Paul-Eric Blanrue. Elle estparue, sans jamais être poursuivie par les ligues de vertu, chez Blanche, maisond’édition dirigée par Franck Spengler. La préface était de Yann Moix, qui s’estdécouvert sur le tard marrane, prix Renaudot 2013, désormais à tu et à toi avecBernard-Henri Lévy. Son auteur a été invité (à plusieurs reprises) au selon de livredu B’naï B’rith. Tout ça ne suffit pas : le livre est purement et simplement interdit.Autre exemple, Le Salut par les Juifs de Léon Bloy pourra reparaître mais avecdes coupes. Ce livre, disponible dans de multiples éditions sans aucune censure,est un plaidoyer pour les Juifs. Ce qui lui valut nombre de problèmes. On nagedonc en plein délire, avec la criminalisation de « l’endroit d’où l’on parle ». On necondamne pas le contenu, on condamne l’idée en elle-même. Or, ce délit n’existepas encore en droit français (même si on en voit bien les prémices dans la loiGayssot et les suivantes).

Plus globalement, le système est aux abois, plus que largement soumis auxlobbies dont chacun sait qu’ils n’existent pas. Pour comprendre combien noussommes tombés bas, on apprend, si on s’en tient aux grands media, que lagrande information de ce début d’année 2014, c’est la « quenelle » de l’humoristeDieudonné M’Bala M’Bala, qui a pourtant quelques quartiers d’antifascismemilitant (il fut notamment candidat à Dreux contre Marie-France Stirbois). Ils’agit évidemment d’un simple geste obscène (un « bras d’honneur »), et nond’un fantasmatique « salut nazi inversé » (ce qui ne veut strictement rien dire).C’est un pied de nez au système. Eh bien, le système a décidé de criminaliser toutcritique à son égard. On est arrivé au point où si Dieudonné se mettait torse nu, laLicra et le Crif l’accuseraient de défiler en chemise noire. . .

R. — Dans les années 1990, vous aviez consacré plusieurs livres et articlesà la mouvance antifasciste radicale (comme Ras l’Front ou le Scalp). Depuisl’affaire Clément Meric, les bandes qui la constituent actuellement tententde reprendre l’offensive dans la rue. Comment voyez-vous l’évolution de cecourant marginal ?

E. R. — Clément Méric était un étudiant blanc bourgeois en premièreannée de la principale machine à reproduire l’élite administrative française, enclair à Sciences-Po Paris. Par ailleurs, fils de deux universitaires. Une parfaite

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représentation des « héritiers » de Pierre Bourdieu. Il suffit de regarder les photosdu groupuscule auquel il adhérait. Ils sont tous pareils. Pas un ouvrier, pasun étranger. Des étudiants, des profs, des intermittents du spectacle et autrespermanents de la médiocrité et petits profiteurs du système bourgeois. À lalimite, des bourgeois déclassés (mais qui seront toujours repêchés par le système,on l’a vu avec tous les leaders de Mai-68). Il s’agit d’un prurit d’adolescent,d’une incapacité absolue à concevoir la diversité du monde. Pour résumer,l’antifascisme, c’est l’intelligence des imbéciles. Les agents du Kominternl’avaient bien compris pour manipuler les masses et les intellectuels.

Ce qui gêne ces groupuscules, et leurs maîtres, comprendre le PS, SOS-Racisme et les autres ligues de vertu, c’est que la jeunesse leur échappe désormais.Il suffit de voir d’une part la mobilisation de très nombreux jeunes dans le combatcontre le « mariage » homosexuel, d’autre part le public de Dieudonné et deSoral, pour comprendre que les gauchistes et anarchistes libertaires de tout poil,mais plus globalement la gauche au sens large, ont totalement perdu le combatidéologique. La France est au moins à droite dans le domaine des valeurs mêmesi cela ne s’est pas encore totalement traduit politiquement (car la population n’aplus confiance dans la classe parlementaire).

R. — On a évoqué une « droitisation » de la communauté juive françaiseen réaction à la situation en Palestine et à la montée d’un « antisémitisme desbanlieues ». Pensez-vous que ce phénomène soit une réalité ? Que répondez-vous à ceux qui veulent tendre la main aux sionistes dans nos milieux, commecertains identitaires et des dirigeants du néo- Front national ?

E. R. — Il y a d’abord un fossé énorme entre la communauté juive et lesinstances censées la représenter, comme le Crif. Le phénomène est identiqueaux États-Unis. Toutes les enquêtes d’opinion (en France et outre-Atlantique)montrent que la communauté juive vote globalement à gauche (à environ 65%) etpas à droite. Il y a surtout un second fossé avec la communauté juive en Israël, quiest devenue très majoritairement d’extrême droite, voire racialiste et raciste. Leparti travailliste, naguère au pouvoir, a pratiquement disparu au profit de groupesreligieux fondamentalistes. Pour comprendre ce double bind politique, il suffit dese référer aux écrits du sociologue américain Kevin B. MacDonald (dont plusieurslivres ont été traduits par La Sfinge) ou de l’historien américain Yuri Slezkine(Le Siècle juif, éd. La Découverte) pour comprendre pourquoi. Dans le mêmetemps, à la suite de l’effondrement interne du communisme international et del’accélération de la mondialisation (l’euro n’étant qu’un cas particulier), le lobbyaméricain néo-conservateur ultra-sioniste (pour la quasi-totalité venu des rangstrotskystes) a créé un nouvel ennemi, avec les pays de l’« axe du mal » constituéde toutes pièces avant même les événements du 11-septembre 2001. Bien

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évidemment, les pays les plus dangereux, comme la Corée du Nord stalinienneet l’Arabie saoudite ultra-fondamentaliste (dont étaient issus la quasi-totalité desacteurs du 11 septembre) n’en faisaient pas partie. Y étaient en revanche inclusles rares pays musulmans les plus « laïcs » (c’est-à-dire notamment protégeant lesminorités chrétiennes) comme l’Irak, la Syrie, la Libye ou l’Iran. On a alors vu lesagents dormants pro-américains révéler leur vraie nature, y compris dans la droitenationale (notamment par le biais de la multiplication de sites internet destinés àbrouiller les repères idéologiques), milieu toujours idéal pour les manipulationsles plus grossières.

Le phénomène est général en Europe, partout où les mouvements nationalistesou nationaux-populistes se développent, et avec une quasi-unanimité (reposant surune inextinguible soif de reconnaissance et de respectabilité). En la simplifiantau maximum, l’idée, c’était de prétendre s’entendre entre « nationaux » (je suisnationaliste en Israël, tu es nationaliste en France), sur le dos des « Arabes ». Onavait déjà vu ça en 1967 au moment de la guerre des Six-Jours où certains anciensdéfenseurs de l’Algérie française (pas tous heureusement) virent d’un bon oeille vaillant pioupou tsahalien « casser du bicot ». Cette proposition d’alliance estune aimable plaisanterie (qu’on a vue cent fois dans le passé) car ces proposi-tions viennent directement d’Israël et pas du tout de France, où la Licra, SOS-Racisme, le Mrap et autre pseudopode sont en première ligne à la fois dans lecombat pro-immigrés et anti-droite nationale. Je crois qu’il faut avoir une lignesimple et claire, comme par exemple de prendre systématiquement le contre-pieddes analyses de Bernard-Henri Lévy distillées chaque semaine dans Le Point. Engénéral, il y a peu de chances de se tromper (il suffit de vérifier tous les six moisce que Botul écrit. . .)

Pour finir, il y a d’évidence une vraie montée, essentiellement en paroles, del’antisémitisme dans les banlieues de non-droit. C’est un antisémitisme fantas-magorique, sans base idéologique ou culturelle, mâtinée d’ignorance religieuseet de frustrations multiples (aux raisons diverses : difficultés d’intégration, soifde consommation immédiate, primat absolu de la question juive dans l’étude dela Seconde Guerre mondiale, etc.) La quasi-totalité des immigrés d’origine arabeignorent d’évidence qu’ils sont eux-mêmes des sémites, les descendants des fils deSem, et que, ethniquement, rien ne les différencie des juifs. Il suffit de regarder desphotos ethnographiques de populations d’Afrique du nord au début du XXe siècle.Il est impossible, sauf pour des spécialistes, de distinguer entre populations arabeet juive. Hormis quelques communautés très concentrées (Sarcelles par exemple),il n’y a pas de présence juive dans les banlieues parisiennes de « non-droit », enraison de leur très rapide ascension sociale. En revanche, vous avez de grossesimplantations dans les banlieues huppées, comme Neuilly ou Vincennes. Ce sontdes populations qui ne se côtoient qu’exceptionnellement, sauf à Paris (XIXe en

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particulier). On est très loin des équipées de bouchers de la Villette sous la houlettedu marquis de Morès. Si effectivement, on n’aurait pas vu il y a dix ans des sallesentières reprendre Shoananas, je crois que cela n’aura strictement aucune consé-quence en terme électoral. Ce sont des populations marginales et marginaliséesqui ne votent pas.

R. — Les prochaines élections doivent en principe marquer une progres-sion du Front National. Que pensez-vous de la stratégie de Marine Le Pen ?

E. R. — Je n’aime pas faire de prévisions (surtout avec trois mois d’avance)mais il sera très difficile de tirer des conclusions claires des élections municipales,nombre de candidats FN ou RBM (Rassemblement Bleu Marine) ne figurant passur des listes clairement identifiées. Par ailleurs, le FN ne dispose absolument plusde l’implantation locale militante qu’il avait dans les années 1980 et 1990. Le FNest devenu un grand parti de membres, mais pas un parti de cadres et n’est plus unparti de militants (c’est d’ailleurs le cas de la quasi-totalité des partis politiquesfrançais). La démonisation médiatique, qui perdure malgré tout, fait que le FNaura certainement du mal à boucler nombre des listes annoncées. Là où des listesFN seront présentes, elles pourront sans doute se maintenir au second tour, ce quientraînera automatiquement des triangulaires. Quelques mairies devraient être ga-gnées, pas forcément plus qu’en 1995, mais je crois que la situation restera stable,avec des majorités évidemment beaucoup plus courtes (voire relatives) pour lesmaires sortants. D’évidence, la gauche, qui va quand même sauver Paris et Lyon,aura du mal à mobiliser et nombre d’électeurs s’abstiendront. Il y aura donc peut-être des changements de majorité municipale avec des marges faibles.

En revanche, aux élections européennes fin mai, je crois que les listes FN fe-ront un score remarquable (même si la campagne sera très courte), voire arrive-ront en tête dans plusieurs régions. Ce qui provoquera une accélération de la sisepolitique et favorisera, à mon avis, le retour de Nicolas Sarkozy. Sur le fond, il ya un abîme entre la stratégie et la tactique. On peut avoir les meilleurs générauxlors des kriegspiel et perdre toutes les batailles sur le terrain. Regardez le Particommuniste, longtemps ultra-organisé en appareil, et sa quasi-disparition élec-torale. Marine Le Pen a certainement une stratégie mais elle n’a pas été claire-ment exposée, étant sans doute distincte de celle du Front national stricto sensu(comme il y avait une différence entre De Gaulle et les gaullistes ou Mitterrandet les socialistes). Sa tactique est plus clairement perceptible (pour simplifier : lagauche du travail, la droite des valeurs). Elle a une qualité : elle fonctionne dansles sondages et les urnes. Le FN est devenu un parti de second tour et s’il poursuitson ascension, il pourra en juin 2017 l’emporter dans nombre de circonscriptionslégislatives.

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L’électorat français national-populiste (totalement distinct du strict milieunationaliste), c’est-à-dire l’électeur de base, a toujours tout ignoré et ignore toutdes querelles internes, des prises de position, des luttes de clans et des inimitiéspersonnelles. Tout cela ne concerne qu’un minuscule microcosme ultra-politisé.L’électeur de base vote sur quatre ou cinq affects (le chômage, l’insécurité,l’immigration, etc.) et ignore le reste. Voyez Jean-Marie Le Pen sans troupeen 1999 (5,4%) et au second tour en 2002 sans aucun travail idéologique. Lesboulevards vers le pouvoir se succèdent pour le FN sans interruption depuis plusde 30 ans car c’est d’abord le pouvoir (UMP ou PS) qui ne résout aucun problèmeet ses représentants qui sont lamentables. En l’occurrence, c’est l’étiquette« FN » ou « RBM », et pas un programme détaillé, qui fera la différence dansles urnes. L’équation personnelle ne permet que de grignoter à la marge. Maisle « système » (globalement la haute finance, l’arc parlementaire constitutionnel,les mondialistes et les européistes, la haute administration, l’hyper-classemondialisée, les lobbies) en tant que tel se porte encore très bien et fera tout pouréliminer le FN dès lors qu’il risquera de nuire réellement à ses intérêts. On l’avu entre les deux tours de 2002 alors que le système n’était pas encore vraimentmenacé.

Propos recueillis par MONIKA BERCHKOV.

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