Éléments de philosophie scientifique et de philosophie morale.pdf

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Éléments de philosophie scientifique et de philosophie morale / par Paul Janet,... Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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  • lments dephilosophie scientifique

    et de philosophiemorale / par Paul

    Janet,...

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

    http://gallica.bnf.frhttp://www.bnf.fr

  • Janet, Paul (1823-1899). lments de philosophie scientifique et de philosophie morale / par Paul Janet,.... 1890.

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  • ^P^ COURS COMPLET '^j)*^j(p^ D'ENSEIGNEMENTSECONDAIKESPCIAL %X

    ]~L~IEN1' '}fr~'1i14,"LEillENT~DE l.if,

    nlILIIUilIlL MillnliiOij

    ET DE

    PHILOSOPHIE MORALE

    l'AilIl 'V u72~TTit au~ ~~v~vlm.`.:c~ o/c;'. liel'lnst., in-ia.cart. 3

    lments de Philosophie Morale et

    scientifique, ];iaii.EMi>M-in-12.

    s GRAMMAIRE ET LITTRATURE

    Cou." de Langue Franaise, parMoELETetKirnAP.tiOT.agrgus de l'Uni-versit.

    Cours lment, (lve), in-13, rart. 75 (matrej,iii-12, eart. 1 S5

    Cour moyen (lve), in-12, cart. 125 (matre), in-12, cart. 2 50

    Cours suprieur (lve), in~|2,cart. 1 50 (mait.j.in 12,cart. 3 50

    Nouveau recueil de narrations parMoule et 1 pmom n, in-13, ei'l, 2 50

    Style fct R. \;C t "> - "> pi-P ,.|!'(n't'th.t.t't.' 'f. 3_

    Uvre ilu p ;i in i jLaLai^u.} ~r,, i

    toire, ^av *'Histoire de la littrature fran-aise, par Tivieii, 4oyn Ha la Facultdeslettresd' Besanon, in-12, eart. 3 50

    Histoire de la littrature romaine,par Dbltoue. ia-12, br 4

    Choix de morceaux traduits desauteurs latins, par DELTijtietR:NN,pro 'ess'iur agrar au Lyce Conilorcet,in-18, t^rt. 4

    Histoire '\ ^afntraturo grecque

    tpar .Dh^TOsin v S bi* 4

    Choix de i ;i%e ix tre laits ifranais du xvie ai. xix sUa6Kat

    II Prosatewt. in-18, car- iPotes. ia-lS. cart 1 r ')

    Livre de lectures tires d'autsu emodernfiS, par Pkussakd, profasM.Mi

    Illyce .ouiii-lc-Orand, in 12, ruM. 1 'i5

    i Extraits d'auteurs anciens sur1 histoire rcuiain, jar Dauun.in-l;, cart 3 75

    Fxtvajtj d'autours anciens surl'histoire vrecque, par LE mi'.mb,in-18, cart. 2 50

    Recueil do m.'>i r.n. r.i),art:'an i.vo^r, pfife gnrale >

    n,Vf /. Jo c

  • 1. 11

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  • .-i " ^LMENTSDE

    PHILOSOPHIE sIeNTIFIQUET DE PHILOSOPHIE MORALE

  • SOCITA1S0NYMEd'iMPRIMERIEDEVILLEFRANCHE-DF.-ROCERGDEJules* Badoux Directeur..

  • COURS COMPLETD'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE SPCIAL

    .LMENTS

    DE

    PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUEET DE. V

    JP^OPHIE MORALE

    \*5- PAR

    i^^PAUL JANETMEMBREDEl'iSSTITCT

    PARIS

    LBBAIRIE CH. DELAGFUVVE

    15, RVE SOUFPLOT

    15"[ '

    ~8C9Q

  • Jaket. El. de Philos.. i

    LMENTS

    DE

    PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    ET DE PHILOSOPHIE MORALE

    PREMIRE PARTIE

    LMENTS DE PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    CHAPITRE PREMIER

    LA SCIENCE. LES SCIENCES. CLASSIFICATION

    ET HIRARCHIE DES SCIENCES

    1. De la science. Les hommes pour subvenir leurs besoins, sont obligs de faire attention aux objets quiles environnent et aux phnomnes qui se passent devanteux. 1 ,voient le retour des saisons, l'alternative desjours et des nuits; ils savent que le grain confi la terregermera et donnera des moissons ils savent que l'eaudevient de la glace par le froid et peut porter des corpspesants, que l'eau l'tat liquide soutient des corps flot-tants, etc. De ces donnes ils tirent des consquencespratiques c'est l-dessus que se fonde l'usage qu'ils fontdes choses; ils prvoient l'avenir d'aprs le pass. Cetensemble de notions, d'actions et de prvisions est ce qu'onappelle la connaissance vulgaire.

    Plue les hommes sont habitus au cours rgulier des

  • 2 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    phnomnes, moins ils s'en tonnent, moins ils en cher-

    chent la' raison. Mais, parmi eux, il y a des esprits plusrflchis que les autres. Ceux-l ne se' contentent pas deSavoie que les choses se passent ainsi; ils veulent encoreSavoir pourquoi elles se passent ainsi. Celui qui se de-mande le pourquoi des choses est dj un savant? et lrecherche du pourquoi est la science. Savoir, dit Aris-

    tote, c'est savoir par la cause. Ainsi le vulgaire saitque le tonnerre se produit quand il fait trs chaud et

    qu'il y a des nuages pais, et ordinairement une forte

    pluie. Le savant est celui qui sait pourquoi cela a lieu

    par exemple, que la foudre est une tincelle lectriqueproduite par la rencontre d deux nuages chargs d'-lectricits contraires.

    La science ne recherche pas seulement le joom^uo" deschoses; elle en recherche encore le comment. Ainsi levulgaire sait bien que les corps tombent, mais ls physi-cien nous apprend comment ils tombent par exemple,selon la I91 du mouvement uniformment acclr.

    Le comment des phnomnes est ce qu'on appelle leurloi; le pourquoi est ce qu'on appelle leur cause. La

    science prise d'une manire gnrale est donc la recherchedes causes et des lois.

    2. Caractres de la science. Telle est l'ide gn-rale de la science dterminons-en maintenant les carac-tres particuliers. r

    1 La science ne s'occupe que de ce qu'il y a de gnralet de permanent dans les choses. Il n'y a pas de sciencedu particulier il n'y pas de science de ce qui pass. telest l'axiome qu'Aristote rpte souvent. En effet, quoiquel'observation porte toujours sur quelque fait particulieret passager, sur quelque individu, cependant ce n'est pasce fait passager, ce n'est pas cet individu qui est l^objet de

    la science ce sont tous les phnomnes semblables; cen'st point la chute de tel corps que l'on tudie, mais cellede tous les corps; ce n'est pas l'organisation de tel cheval(Bu^hale ou Rossinante) c'est l'organisation du cheval

  • CARACTRES DE LA SCIENCE 3

    Ww~ di;nn~ln ~n.nr/~nnl ni ln~s~nnmnnnn ne..n~ 1i,en gnral. C'est donc le gnral et le permanent que l'ontudie dans le particulier et dans le passager. Il en est de

    mme en mathmatiques l'objet de l dmonstration n'est

    pas la figure trace sur le tableau, mais cette figure n'estque l'image de toutes les figures semblables les chiffres

    donns pour telle addition ou telle soustraction ne sont

    qu'un exemple des rgles qu'il faut suivre dans toute ad-dition et dans toute soustraction.

    2 La science est un enchanement de propositions.La science commence par des propositions spares et

    sans lien. On dcouvre d'abord tel fait, puis tel autre.

    Souvent la science reste immobile, parce qu'on n'a dcou-

    vert aucun lien entre les faits. Thaes avait dcouvert, dit-on,

    que l'ambre,' quand elle est frotte, a la proprit d'atti-rer les corps lgers. Mais ce fait, n'tant rapproch d'au-cun autre semblable, tait rest isol. C'est seulement auxvi sicle que Gilbert dcouvrit la mme proprit dansd'autres substances le verre, l rsine, la'soie, etc. Enfin

    l'on dcouvrit l'existence de deux lectricits contraires;et l'on arriva cette loi fondamentale les lectricits de

    mme nom se repoussent ls lectricits de nom contraire

    s'attirent. Tous les phnomnes pouvant tre ainsi rappro-chs et lis dans une loi gnrale, la science de l'lectri-cit existait.

    Nous verrons plus tard qu'il y deux sortes de' sciencesles sciences rationnelles, comme les mathmatiques, et les

    sciences exprimentales, comme la physique et la chimie.Dans ls unes l'enchanement des propositions se fait par le

    moyen du raisonnement; elles se dduisent les unes des au-

    tres, parce qu'elles sont contenues ls unes dans les autres.

    C'est 'un enchanement logique. Dans les autres, la liaison

    se fait par l'induction;' les phnomnes sont rapprochset lis par une loi commune et par une cause communec'est un enchanement exprimental. Dans les deux cas, il

    y a toujours un ensemble de propositions se rattachant a

    une mme matire, et groupes aut&nt que possible autourd'une mme ide en un mot, il y &enc/iainemnt.

  • 4 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    Au reste, nous verrons aussi que les sciences exprimen-tales elles-mmes, mesure qu'elles se dveloppent et se

    perfectionnent, tendent devenir rationnelles. C'est ainsique la physique est devenue mathmatique.

    On n'affirme pas d'ailleurs que dans toute science toutesles propositions s'enchanent les unes aux autres d'unemanire continue et sans interruption; non, car la sciencealors serait acheve et complte; on veut dire simplementqu'elles tendent cet enchanement.

    3 La science est objective et impersonnelle, Nous enten-dons par l que la science a pour but de reproduire leschoses telles qu'elles sont, abstraction faite des impres-sions individuelles de celui qui fait la science. Par exemple,le savant qui dtermine la temprature d'un lieu n'entend

    pas par l dire que lui-mme ou tout autre individu aurachaud ou froid en entrant dans ce lieu car la sensation

    dpend de l'organisation de chacun, de l'tat de sa sant,du milieu dont il. sort, etc. Il veut dire simplement quedans ce lieu la colonne thermomtrique a mont ou des-

    cendu tel niveau, ce qui est tout fait indpendant dela sensation individuelle.

    3. La posie la religion et la science. A l'origine,la science se confond plus ou moins avec la posie et avecla religion. Les premiers hommes pensent, prient et chan-

    tent en mme temps; mais. bientt ces diverses applica-tions de l'me se divisent et se sparent. La posie cre

    des images et des tableaux diffrents de la ralit; la reli-

    gion herhe pntrer par le sentiment les mystres d'unautre monde la science se rend compte, autant qu'il est

    possible l'homme, du pourquoi et du comment. L'objetde La posie est la fiction l'objet de la religion est la foi;l'objet de la scienc^ est Yexplication. Rver l'idal, croire

    h l'inconnu, comprendre le vrai, telles sont les trois gran-des formes de la pense humaine. v

    4. Essais divers de classifications dessciences.

    A l'origine, il n'y a qu'une science, parce que les hommes,

    considrant l'univers -comme un tout; croient pouvoir la

  • ESSAIS DIVERS DE CLASSIFICATIONS DES SCIENCES 511

    fois et d'un seul coup en pntrer le secrets Mais peu peuils s'aperoivent de la complexit du problme ils 'voient

    que l'univers, malgr son unit, est compos d'un nombreinfini d'objets et chacun de ces objets, pris son tourcomme une unit, parat encore trop considrable et sesubdivise galement.

    C'est ainsi que la science se dcompose en autant desciences qu'il peut y avoir d'objets distincts et sparsce sont les sciences particulires et ces sciences sontdevenues tellement nombreuses, que l'on a prouv lebesoin de les coordonner, de les grouper, d'en formerdes genres et des espces eri un mot, on a essay de lesclasser.

    De l plusieurs tentatives de classifications des sciences.Nous ne citerons que les plus clbres, en nous en tenantau principe de chacune d'elles.

    Classification d'Aristote. La premire classificationest celle d'Aristote. Il y a, suivant lui, trois modes possiblesde dveloppement pour-un tre intelligent -savoir, agir et.

    faire la science, la pratique et l'art. De l trois sortes de

    sciences la science spculative (savoir), la science pra-tiqu (agir), la science potique (faire ou produire).

    L^s sciences potiques et les sciences pratiques ont un

    caractre commun c'est de s'adresser un objet contin-

    gent? c'est--dire qui peut tre ou ne pas tre, en un mot

    qui ipend de la volont: Ls sciences spculatives s'a-dressent un objet ncessaire et immuable qui ne dpendpas le la volont.Quelle est maintenant la diffrence entre les, sciences

    potiques et les sciences pratiques ? Les unes ont pour objetYcirtj, les autres l'action. L'art sa fin dans un objet plachors de l'agent (un tableau une statue, un discours) l'ac-

    tioh a sa fin dans l'agent lui-mme. < Les sciences potiques'sont au nombre de trois la.po-

    tiqu y\& rhtorique, \o. dialectique. -'Les sciences pratiqus sont galement au nombre de

    trois Y thique, 'conomique et la politique. '

  • 6 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE.J. 1Enfin les sciences spculatives sont aussi au nombre de

    trois la, physique) les mathmatiques, la philosophie 'pre-mire ou thologie,

    Cette classification est savante et profonde mais ellene peut plus tre employe aujourd'hui, Pourquoi ? C'estque des trois'groupes les deux premiers, savoir lessciences potiques et les sciences pratiques, n'ont prisque peu d'accroissement depuis Aristote. Au contrairele domaine des sciences spculatives a prodigieusementaugment. Il n'y a plus de proportion entre les diffrents

    groupes. De plus, il y a un groupe de sciences qui n'est pasmme mentionn par Aristote ce sont les sciences his-toriques. Enfin les sciences potiques et pratiques sontds arts plutt que des sciences.

    Classification de Bacori. -Bacon classe les connaissanceshumaines d'aprs les facults de l'me. il y a, suivant lui,trois facults principales la mmoire, Y imagination t laraison. De l trois grandes divisions Y histoire, la posieet 14 philosophie.

    L'histoire a pour objet le particulier, l'individuel, soit

    dans la nature, soit dans l'homme. De l deux sortes d'his-toires l'histoire naturelle et l'histoire civile.

    14. posie a pour objet galement l'individuel et le par-

    ticujier, non tel qu'il est dans la ralit (comme dans

    l'histoire), mais combin et arrang par la fiction: Il y a

    trois grandes classes de posie la narrative ou l'pique,la dramatique et la parabolique o allgorique. r

    Enfin la philosophie a trois objets Dieu, la nature et.l'hoinme. De l trois parties la philosophie naturelle, la

    physique et la philosophie morale.L4 division gnrale de Bacon est inadmissible. Il n'y

    a pafe de science qui ne se fasse que par la mmoire. Dans

    toute science il faut de la mmoire pour retenir les faits.De plus, il n'y' a aucune analogie entre l'histoire natu-

    relle; et l'histoire civile. La premire se rattache videm-ment a la science de la nature, la seconde la sciencede l'homme. Mais on peut admettre la sous-division de

  • ESSAIS DIVERS DE CLASSIFICATIONS DES SCIENCES 71

    Bacon, savoir la division de la philosophie en trois

    grands objets Dieu, la nature et l'homme.

    Classification de'Descartes. Descartes considre toute

    la philosophie comme un arbre dont les racines sont la

    mtaphysique, dont le tronc est la physique, tandis queles branches qui sortent de ce tronc constituant les autres

    sciences, se rduisent trois principales: la mdecine, la

    mcanique et la morale.Cette classification, trop gnrale, n tient, pas plus

    que celle d'Aristote, compte des sciences historiques; elle

    n'tablit pas une dmarcation suffisante entre la mta-

    physique et la physique elle fait une place trop consid-

    rable la mdecine; elle ne distingue pas la connaissancedes tres vivants de celle des tres inorganiques.

    Classification d'Ampre. Ampre divise l'objet dela science en deux grands groupes d'une part, le monde

    matriel; de l'autre, la pense ou le monde moral. De ldeux grands groupes de sciences les sciences cosmologi-

    gus et les sciences noologiques SIl y a, suivant Ampre, dans toute science, deux choses

    distinguer 1 les objets; 2 les lois; par exemple, lafr

    physique se divisera en physique 'gnrale lmentaire et

    en physique mathmatique. De plus, chacun de ces deux

    termes se subdivise en deux, suivant que l'on considre 1 le point de vue apparent; 2 le point de vue cach; d'oil suit que, pour toutes les sciences, il y a toujours quatre

    divisions distinctes. Ces distinctions sont tout fait arti-

    ficielles. Il est impossible de distinguer les sciences quine porteraient que sur des objets et les sciences qui ne

    porteraient que sur des lois par exemple, en physique,si lmentaire que soit la science, elle comporte toujoursl'nonc de quelque loi mais il est encore bien plusdifficile de sparer ce qni est apparent de ce qui est cach.Toute science part de l'apparent; mais elle passe immdia-

    1. Cosmologiques, du mot grec cosmos, monde; noologiques, dudu mot grec nous, esprit.

  • 8 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    tment au cach. Cette distinction peut avoir lieu en astro-

    nomie mais partout ailleurs elle est tout fait arbitraire.

    Ampre veut appliquer aux sciences les grandes catgoriesqui ont t employes en histoire naturelle et notammenten zoologie, savoir celle des sous-rgnes, des embranche-

    ments, des ordres, des familles, etc.Il est douteux que les sciences puissent se classer d'une

    manire aussi systmatique. Ampre cependant l'a essay.Il admet dans chaque rgne deux sous-rgnes les scien-

    ces Cosmologiques se divisent en sciences cosmologiquesproprement dites, ou sciences de la matire inorganique,et sciences physiologiques, ou sciences de la vie.

    De mme les sciences noologiques se divisent en sciences

    noolgiques proprement dites, et sciences sociales. Inutilede pousser plus loin cette analyse, trop complique. Ledfaut gnral de la classification d'Ampre, c'est que lesdivisions qu'il propose au nom de certains points d vue

    abstraits, ne cadrent pas avec les divisions relles.

    Classification d'Auguste Comte. Auguste Comte a

    propos, de son ct, une classification toute diffrente decelle d'Ampre, mais beaucoup plus simple, parce qu'ellese borne l'indication des sciences fondamentales.

    Il faut distinguer les sciences et les arts, la spculationet la pratique. La science a pour objet'le vrai, non l'utile.L'art se dduira de la science, et d'ailleurs un mme art

    peut souvent rsulter de plusieurs sciences, comme une

    mme science peut donner naissance diffrents arts.Dans la spculation, il faut faire encore une nouvelle

    distinction. Il y a 1 d'une part, les sciences abstraites,gnrales, qui ont pour objet la dcouverte des lois 2 les

    sciences concrtes, particulires, qui sont l'application deces lois aux tres qui existent dans la nature. Par exem-

    ple, ^'une part la chimie, de l'autre la minralogie; d'une

    part la physiologie gnrale ou biologie, de l'autre la

    botanique ou la zoologie.Auguste Comte se borne la classification des sciences

    abstraites ou fondamentales. Il pose ce principe que les

  • ESSAIS DIVERS DE CLASSIFICATIONS DES SCIENCES 9

    ciencs doivent aller du simple au compos; qu'il futsciences doivent aller du simple au compos qu'il fautdonc les distinguer en partant des phnomnes les plussimples et par l mme les plus gnraux, et de l s'le-ver aux phnomnes les plus complexes et les plus parti-culiers,

    D'aprs ce principe, on divisera d'abord les phno-mnes en deux grands groupes 1 les phnomnes descorps bruts 2 les phnomnes des corps vivants. Ceux-cisont plus compliqus que les premiers, parce qu'ils en d-pendent ceux-l, au contraire, ne dpendent pas desseconds donc les phnomnes inorganiques doivent tretudis avant les phnomnes des corps vivants.

    Il y aura donc deux physiques Ie la physique inorga-nique; 2 la, physique organique..

    M premire se subdivise en deux parties, suivantqu'elle tudiera les phnomnes les plus gnraux del'univers ou

    physique cleste (astronomie) et les phno-mnes particuliers de la terre ou physique terrestre.

    La physique terrestre se subdivise son tour en deuxparties, suivant qu'elle tudie dans les phnomnes lepoint de vue mcanique et le point de vue chimique. De lla physique proprement dite'et la chimie.

    Mme division dans les sciences des tres organisssuivant que l'on considre l'individu et l'espce. De ldeux sortes de sciences la biologie proprement dite, ouscience de la vie dans l'individu en gnral, et la phy-sique] sociale ou sociologie, qui considre les groupes so-ciautf, et en particulier le groupe humain.

    Nous avons donc jusqu'ici cinq grandes sciences l'as-tronomie, la physique, la chimie, la biologie et la.sociolo-gie, ubordonnes les unes aux autres en raison de leur bjet distinct et dtermin. Pour tablir les sciencesparticulires nous sommes obligs de diviser, de sparer lanature en compartiments. Chaque science tant ainsi place un point de vue exclusif et spcial, l'unit des choseslui chappe; les ensembles s'effacent; les rapports et lesliens sont sacrifis. Il y a donc un besoin lgitime de l'es-

    prit qui n'est pas satisfait par les sciences spciales et quidemande sa satisfaction, savoir le besoin de synthse. A

    quelles conditions ce besoin d synthse sera-t-il satisfait ?1 Tout le monde sait que dans toute science les faits et

  • 16 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    I A A ls-kfn JW1 1 A fW\ A t *t 1 Avt 4 1 A Vb A hIiA K\a A il fffA W a 1 A A A A* ASIles lois qui constituent la partie positiv de la science sup-posent ou suggrent un certain nombre de considrations

    thoriques et gnrales que l'on appelle ordinairement la

    philosophie de cette science c'est la liaison de ces consi-drations entre elles, c'est la rduction de ces principes de

    chaque science des principes plus levs, c'est cela mme

    qui peut constituer l'objet d'une science suprieure'.2 Lorsque l'on rflchit sur ces principes des sciences, on

    s'aperoit qu'ils impliquent un certain nombre de notions

    gnrales, fondamentales, qui sont en quelque sorte l'es-sence mme de l'esprit humain. Elles sont communes toutes les sciences et inhrentes la pense humaine. Ellesse mlent tous nos jugements, comme elles sont aussimles toute ralit. Ce sont, par exemple, les notionsd'existence, de substance, de cause, 'de-force, d'action etde raction, de loi, de but, de mouvement, de devenir, etc.

    Ainsi ces principes, que l'on trouve la racine de' toutesles sciences, sont en mme temps ls principes de la raison

    humaine, et soit qu'on les considre l'un ou l'autre pointde vue, il y aune science des premiers principes 3 Cen'est pas tout. Non seulement les sciences tudient ls lois

    ou principes, mais elles tudient les causes. Or chaquescience n'tudi que des causes particulires, et ces causeselles-tnmes doivent avoir leurs causes. Mais peut-on s'le-ver de cause en cause sans jamais en rencontrer de der-niret Si nous cherchons la cause de toutes les choses deunivers, prises sparment, n'y a-t-il pas lieu de chercherla cause de l'univers tout entier? Si donc il y a une sciencedes premiers principes, il y en a une aussi des premirescause ou plutt c'est la mme, car principes et causesne diffrent que par abstraction..

    Il y a donc une science qui est la science de ce qu'il y a deplus gnral dans toutes les autres, la science des concep-tions fondamentales de l'esprit humain, la science de l'treen tant qu'trei la science des premiers principes et despremires causes. C'est cette science que l'on est convenud'appeler, depuis Aristote, la mtaphysique.

  • HIRARCHIE DES SCIENCES 11

    11 Double objet de la philosophie. L'homme et

    Dieu. Unit de ces deux objets. Il rsulte des re-

    cherches prcdentes qu'il y a au moins deux objets quisont rests en dehors du cadre des sciences proprementdites. Ces deux objets sont 1 l'esprit humain, prsent

    lui-mme par la conscience; 2 les plus hautes gnralits

    possibles, que nous avons appeles, avec Aristote, les pre-miers principes et les premires causes. On appelle philo-

    sophie la science ou les sciences qui s'occupent de ces deux

    objets; et il y aura par consquent deux sortes de philo-sophie 1 la philosophie de l'esprit humain; 2" la philoso-

    phie premire ou mtaphysique.12. Hirarchie des sciences. La classification des

    sciences conduit leur hirarchie. On peut entendre parl soit l'ordre dans lequel ces sciences doivent tre tu-

    dies, soit l'ordre de dignit de chacune d'elles. Pour ce

    qui est de l'ordre de dignit, le dbat est difficile car au-

    cune science ne voudra se reconnatre infrieure aux

    autres. Il suffira d'examiner leur dpendance logique.Auguste Comte, aprs avoir divis les sciences, s'est

    occup de les classer d'aprs leur dpendance logique. Il'1part de ce principe que la hirarchie des sciences doitaller du simple au compos, c'est--dire qu' la base, doi-vent 'tre places les sciences qui s'occupent des objets les

    plus simples et les plus abstraits, et qu' mesure que l'ob-

    jet devient plus complexe, on s'lve une science su-

    prieure. D'aprs ce principe, on obtient, suivant AugusteComte, la hirarchie suivante 1 les mathmatiques, quis'occupent de ce qu'il y a de plus abstrait et de plus gn-ral, l quantit (nombre et tendue), et qui fait abstractionde toute crporit 2e Y astronomie, qui s'occupe des corpsclestes, lesquels, par leur loignmnt;mme, nous pa-raissnt comme des points gomtriques en mouvement,ce qui fait que cette tude est surtout une tude de gom-

    trie, et de mcanique; 3 la physique qui s'occupe des

    phnomnes que manifestent les corps inorganiques, ph-nomnes beaucoup plus compliqus que ls phnomnes

  • 18 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE__ a 1 l *

    astronomiques; 4 la chimie, qui trait des compositionset des dcompositions des corps, lesquelles sont subor-donnes aux phnomnes physiques (chaleur, lumire,lectricit) et sont beaucoup plus caches et beaucoupplus difficiles comprendre que les phnomnes physiquesproprement dits; 5 la biologie ou physiologie, qili s'occupedes tres vivants, c'est--dire d'tres qui, manifestantd'abord des phnomnes physiques et chimiques, en ajou-tent d'autres encore qui sont les phnomnes de la vie; 6 enfin la sociologie, ou science de la socit, qui vientajouter l'tude d'un fait nouveau tous ceux qui prc-dent, savoir le fait de la socit.

    Cette thorie gnrale d'Auguste Comit offre certainsavantages. Il est rationnel de coordonner les sciences d'a-

    prs leur ordre de complexit et de gnralit; et l'on peutdire Qu'en gnral. les phnomnes les plus complexesdpendent des phnomnes les plus simples, ef par cons-quent que l'tude des sciences suprieures suppose logique-ment celle des sciences infrieures (quoiqu'il y ait aussi considrer souvent un ordre inverse). Mais ce qui manque la classification de. Comt, et par consquent la hi-rarchie tablie par lui; c'est surtout d mettre part lessciences morales et philosophiques, comme constituant,un domaine suprieur aux sciences physiques, et mmeaux sciences biologiqus. Ce n'est pas assez de reprsenterces sciences morales par la sociologie. La psychologie, lalogique, la morale, l mtaphysique, enfin la philosophie ytout entire doivent occuper le haut de l'chelle soit quel'on s^ place au point de vue de lcmplxit des problmeset des objets, soit qu'on se place au'point de vue de leurdignit et de leur importance. Nous admettrions donccomme sixime science fondamentale l philosophie,dont la sociologie elle-mme ne serait qu'une partie. Quant l'histoire proprement dite elle serait l'gard de la

    sociologie, Ou science sociale, ce qu'est l'histoire naturelle

    (botanique etzooldgie) l'gard de la biologie.

  • CHAFlTKJii 11

    LES SCIESCES MATHMATIQUES

    Les sciences mathmatiques. Leur division, leur objet. M-thode des mathmatiques/ Dfinitions. 'Axiomes. Le rai-sonrinient. Analyse et synthse. *-i- Analyse mthode de d-

    composition, .-f- Analysa des gomtres'. Les deux analysesrduites une seule. De la mthode des gomtres. Du rledes aiiomes et des dfinitions en mathmatiques, r- De l'videncemathmatique doctrine de Dugald-Stewart et de Kant. Dfautsde l mthode des gomtres. De l'lgance en gomtrie.

    13. Leur division j leur objet. La premire ques-tion rsoudre dan la philosophie d'une science, c'estd'en donner la dfinition.. r

    L dfinition la plus gnralement reue des mathma-

    tiques est celle-ci les mathmatiques sont la science des

    grandeurs. Cette dfinition est vraie au fond; mais elle est

    superficielle et demande explication,. De quelles grandeurs s'agit-il en mathmatiques ? Est-ce

    de toute grandeur en gnral ? Non car alors tout serait

    objet ds mathmatiques, puisque tout est grandeur, si dumoins on se contente de dfinir l grandeur comme on lefait d'ordinaire ce qui est susceptible d'augmentationet de diminution; car cela s'applique tout; une chose

    peut tre plus ou moins belle, une action plus o moins

    bonne, un plaisir plu ou moins vif, un homme plus ou

    moins spirituel ce ne sont p l des grandeurs, math-

    matiques. Pourquoi ? C'est que ce rie sont point des gran-deurs mesurables. Qu'est-ce qu'une grandeur niesurabie,'et, en gnral, qu'est-ce que mesurer,? G'est comparerune grandeur quelconque une grandeur donne prisepour unit. Mesurer une route, c'est comparer la longueurpour un~t: Mesurer une route, c'est domparer la longueurde la route une unit de longueur que l'on appelle le

  • 20 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    mtre, et dire combien de fois elle comprend cette unit.Mais qui pourra dire, par exemple, combien de fois le,talent de Catulle est contenu dans le gnie d'Homre1?

    Il n'y a donc que les grandeurs mesurables qui soient

    l'objet des mathmatiques. Del cette nouvelle dfinitionc'est la science de la mesure des grandeurs.

    Cette dfinition est plus juste que la prcdente maiselle est encore superficielle. En effet, mesurer ne semblegure en ralit qu'une opration purement mcanique.Or c'est l l'objet d'un art, non d'une science. L'arpentagen'est pas la gomtrie. C'est l'arpenteur qui mesure c'estle gomtre qui fournit les moyens de mesurer. Lav mesuren'est donc pas l'objet immdiat de la science. Elle n'enest que l'objet indirect et loign. Voyons comment ellepeut devenir un objet vraiment scientifique..

    La comparaison directe et immdiate d'une grandeurquelconque l'unit est, la plupart du temps, impossible,Par exemple, si je demande combien il y a d'arbres dansune fort, je ne puis le savoir qu'en comptant les arbresun i|n, ce qui demanderait un temps infini. Il en est demme! dans la plupart des cas. Prenons le plus facile lamesure d'une ligne droite par la superposition d'une deses parties. Cela suppose 1 que nous pouvons parcourirla ligne, ce qui exclut les longueurs inaccessibles (parexemple la distance des corps clestes) 2* que la ligne nesoit ni trop grande ni trop petite, qu'elle soit convenable-ment feitue par exemple horizontale, non verticale. Sicela est vrai des lignes droites, cela est vrai plus forteraison des lignes courbes, des surfaces, des volumes, et

    1. quels caractres reconnat-on qu'une grandeur est mesura-ble ? Pour qu'une grandeur soit mesurable, il faut et il suffit, quel'on sache dfinir ce que c'est que l'galit et l'addition de deuxgrandeurs de cette espce; en effet, pour mesurer une grandeur, ilfaut reproduire un certain nombre de fois l'unit, ce qui exige quel'on sache ce que c'est que l'galit, et l'ajouter ellp-mm, ce quiexige que l'on sache ce que c'est que l'addition. On reconnat cescaractres, par exemple, qu'une ligne droite est une grandeur, me-surable^ tandis qu'une sensation n'est pas une grandeur mesurable.

  • LES SCIENCES MATHMATIQUES 2tIl

    plus forte raison encore des vitesses, des forces, etc. Com-menttoutes ces quantits peuvent-elles tre mesures? C'estl le problme qui rend ncessaires les mathmatiques.

    Les mathmatiques, dans leur essence mme, ont donc

    pour objet de ramener les grandeurs non immdiatementmesurables des grandeurs immdiatement mesurables.C'est par l qu'elles sont une science. En effet, l'intervalle

    qui spare une grandeur mesurer de la grandeur im-mdiatement mesurable peut tre plus ou moins grand.De l une srie de rductions depuis la grandeur. la

    plus loigne jusqu' la plus prochaine; et c'est la rduc-tion de ces grandeurs les unes aux autres qui constituela science soit, par exemple, mesurer la chute verticaled'un corps pesant. Il y a ici deux quantits distinctes:la hauteur d'o le corps est tomb, et le temps de lachute. Or, ces deux quantits sont lies l'une l'autreelle sont, comme on dit en mathmatiques, fonctions l'unede l'aittre. D'o il suit que l'on peut mesurer l'une parl'autre/, par exemple dans le cas d'un corps tombant dansun prcipice, on mesure la hauteur de la chute par le tempsqu'il met tomber en d'autres cas, au contraire, le temps,n'tant pas directement observable, sera dduit de la hau-teur.- Si donc on trouve une loi qui lie ces deux quantitset qui permette de conclure de l'une l'autre, on aurarduit une grandeur non mesurable directement uneautre ijui peut l'tre. C'est l un problme mathmatique.Autre exemple. Comment mesurer la distance des corpsclestes, qui sont inaccessibles? On regardera cette dis-tance |omme faisant partie d'un triangle, dont on con-natra un ct et deux angles. Or, la gomtrie nous

    apprend dans ce cas dcouvrir les deux autres cts du

    triangle, et par consquent nous donne le moyen de cons-truire \e triangle dans lequel il suffira de tirer une lignedu sommet la base pour avoir la distance relle. Main-tenant, la distance tant connue, on peut, d.u diamtre ap-parent conclure le diamtre rel, passej del au volume,et mme au poids, en y ajoutant d'autres lments.

  • 22 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    En rsum, comme le dit Auguste Comte, 1 les mathma-

    tiques ont pour objet la mesure indirecte des grandeurs.On s'y propose de dterminer les grandeurs les unes par les

    autres, d'aprs les relations prcises qui existent entre elles.C'est ce titre que la mathmatique est une science, et

    non un art, comme il semblait d'abord. C'est une science,

    parce qu'elle cherche dterminer entre les grandeurs desrelations constantes, ce qui suppose un enchanement

    d'oprations intellectuelles plus ou moins compliques,selon le nombre des intermdiaires introduire entre les

    quantits inconnues et les quantits connues, et suivant la

    nature des rapports qui les unissent entre elles.

    Les; sciences mathmatiques sont la gomtrie, qui a

    pour objet l'espace et l'tendue V arithmtique, qui a pourobjet les nombres; la' mcanique, qui a pour objet le mou-

    vement- Ces trois sciences sont domines par l'algbre,qui tudie, d'une manire abstraite, les grandeurs et leurs

    relations; le calcul diffrentiel et intgral est la partie la

    plus leve de l'algbre le calcul des probabilits en estun ca& particulier.

    14. Mthode des mathmatiques, La mthode des

    mathmatiques comprend trois parties l'des dfinitions

    par lesquelles on dtermine la nature des choses dont on

    parle} 2 des asiomes dont on part et qui sont des prin-cipes vidents par eux-mmes; 3 des dmonstrations par

    lesquelles des dfinitions et des axiomes on tire des con-

    squences ncessaires, par lesquelles on rend videntes des

    propositions qui ne sont pas videntes par elles-mmes.

    Ma?s, pour bien faire comprendre ce que c'est que des

    dfinitions, des axiomes, des dmonstrations, quelquesnotions de logique gnrale sont indispensables2.

    15* Dfinitions, On appelle terme l'attribut ou le

    1. Cour? de Philosophie positive, 3e leon.2. Tout ce petit rsum de logique, depuis le 14 jusqu'au 22, ne

    pourra, tre bien compris que si Onse rapporte 4 des traits de logiqueplus dvelopps. Nous ne le donnons ici que pour les professeurs etles lves qui veulent pousser un peu plus loin la thorie des mthodes.

  • DFINITIONS 23

    nnsifnn Varie, rlfi l'p.snrit nui PArrpsnnnilsujet d'une proposition l'acte de l'esprit qui correspond chacun de ces termes s'appelle ide. Le terme est singu-lier quand il ne dsigne qu'une seule chose, ex. Alexan-

    dre, Charlemagne gnral ou universel, quand il exprimeune ide commune un nombre indtermin d'objets,comme homme, cheval; particulier, quand, dans un tout

    gnral, il ne s'applique qu' un nombre indtermin d'in-dividus, ex. quelques hommes.

    On distingue dans les termes gnraux ou universelsl'extension et la comprhension. La comprhension est l'en-semble des caractres par lesquels l'ide reprsente estdistincte d'une autre ide la comprhension du termehomme se compose des attributs vivant, raisonnable, par-lant, etc. L'extension dsigne l'ensemble des sujets aux-

    quels s'appliquent ces caractres.En comparant les termes au point de vue de l'extension,un wu^mauncs tenues au jivuuuo yucucicaicibium,

    on' voit qu'ils sont subor-donns le terme Europens 7~

    /T^ (A) a moins d'extension que

    le terme hommes (B), puis- J

    V v/ qwetous les Europens sont l(T) fis)/

    X^j/ des hommes et que les Asia- ^~ytiques, les Africains, etc., ^s.

    qui ne sont pas des Euro-

    pens, sont aussi des hommes. Ou bien ils sont coor-donns, comme courage (A) et pru-dence (B), compris l'un et l'autre

    dans le terme vertu (C) contraires,commue blanc (A) et noir (B), qui,compris l'un et l'autre dans leterme couleur (C), sont les plusloigns possibles l'un de l'autre;* contradictoires, comme blanc (A)et non blanc (B), quand l'un desdeux nie absolument le contenu oula comprhension de l'autre.

    Les anciens logiciens distinguaient, en se plaant ce

  • 24 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    point de vue le genre, qui contient d'autres termes (animalest un genre par rapport homme) l'espce', qui est con-tenue dans un autre terme (homme est une espce parrapport animal); le propre, qui dsigne ce qui est entendude la chose comme suite de son essence (la facult de

    parler, qui est une suite de la raison, est une proprit de

    l'homme); la diff'rence, qui distingue un universel d'unautre et qui est gnrique ou spcifique, selon qu'elle sert distinguer les genres oules espces; l'accident, qui indi-que ce qui peut tre prsent ou absent sans que le sujetprisse. Le genre et l'espce, au point de vue logique, sont

    distincts de l'espce et du genre tels que les conoit l'his-

    toire naturelle, puisque animal, par exemple, est une es-

    pce par rapport tre et un genre par rapport homme;ces deux notions, avec le propre, la diffrence et l'accident

    constituaient les cinq universaux.La proposition est au jugement ce que l terme est

    l'ide. Elle comprend un sujet, un attribut ou prdicat, etune copule ou lien la neige (sujet) est (copule) blanche

    [prdicat). On distingue les propositions au point de vuede la Quantit et de la qualit au premier point de vueelles sont universelles quand le sujet est universel, c'est--dire pris dans toute son extension; individuelles ou singu-lires quand le sujet est un nom propre; particulires,quand le sujet est un terme particulier. Les individuelles

    peuvent tre ramenes aux universelles, puisque le sujetest pris dans toute son extension. Au point de vue de

    la qualit, les propositions sont affirmatives ou ngatives.De l quatre espces de propositions, qu'on dsignait par .rles quatre lettres A, E, I, 0 les universelles affirmatives(A) t

  • AYI03IES 25

    :t hnmmo Itt l'{\T\n1p.. pct lP T\&1:t

    tLllv If UVM xo

    t homme, le

    2

    laquelle le sujet est homme; la copule, est; le prdicatou attribut, animal raisonnable. Homme est une espcedont animal est le genre le plus prochain; raisonnable in-

    dique la diffrence par laquelle l'espce homme se distin-

    gue des autres espces, chien, cheval, oiseau, qui rentrentaussi dans le genre animal. Le genre prochain et la diff-rence spcifique (animal raisonnable) forment ce que l'on

    appelle l'essence ou l'ide premire et prcise du sujet(homme). La proposition est rciproque, parce que le sujetpeut tre mis la place de l'attribut sans que la proposi-tion cesse d'tre vraie on peut dire tout animal raison-nable est un homme. La proposition: l'homme est un mam-

    mifre, n'est pas une dfinition, parce qu'il n'est pas vraide dire que tout mammi fre est un bimane.

    Les dfinitions mathmatiques sont le rsultat de la con-struction, c'est--dire qu'elles sont obtenues par un actelibre de l'esprit quand je dis un triangle est une figure

    plane forme par trois lignes droites quise coupent deux

    deux,iQ suis sr que la dfinition contient tout ce que j'yai mis et rien autre chose que ce que j'y ai mis. Leur seulecondition est de ne pas tre contradictoires, ou de ne pascontredire une dfinition dj donne. Elles sont ncessai-res et absolues, et se distinguent ainsi des dfinitions em-

    piriques qui sont contirigentes et provisionnelles, parcequ'on ta'est jamais sr qu'un fait nouveau, un cas inconnune viendra pas modifier l'ide qu'on se forme d'un genreou d'unie espce.

    16. Axiomes. Quand on examine la raison humaineet la nanire dont elle se comporte dans toutes ses re-

    cherches, on s'aperoit qu'elle est domine par un prin-cipe fondamental, l'accord de la pense avec elle-mme. Ce

    principe prend deux formes principales. La premire,

    laquelle on donne le nom de principe d'identit, exprimela ncessit pour la pense que chaque ^terme soit conucomme identique lui-mme, c'est--dire comme ne chan-

    geant pas au moment o on le pense et en tant qu'on le

    pense. Car si, au moment o je dis Pierre est homme, le

  • 26 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    sujet Pierre venait changer quand je pense l'attribut,ce que je dis du premier sujet pourrait ne plus tre vraidu second; il en serait de mme de l'attribut, si l'ide decet attribut changeait en mme temps que je le pense. Lamanire la plus simple et la plus abstraite de formuler le

    principe d'identit est celle-ci A est A, toute chose elle-

    mme.La seconde forme a reu le nom de principe de contra-

    diction; elle signifie que deux propositions dont l'une niece que l'autre affirme n peuvent tre vraies ensemble.

    Ce principe se formule de cette manire Une mmechose ne peut pas la fois tre et n'tre pas; ou bien Ane peiit pas tre $. la fois A et non A; c'est--dire qu'unechose ne peut pas tre la fois elle-mme et son contraire.

    Cependant, pour que ce principe soit indubitable, il faut

    y ajouter plusieurs caractres; car la contradiction neserait pas une vraie contradiction si dans les deux pro-positions il ne s'agissait pas du mme sujet. Or, un mme

    sujet pris en deux moments diffrents n'est pas le mme

    sujet t, par consquent, il peut avoir des attributs oppo-ss oji ajoutera donc au principe la circonstance en mme

    tempsi De plus, un sujet complexe peut avoir plusieursattributs opposs l'un l'autre un homme peut tre lafois sage et non sage, suivant la circonstance et le pointde vu^ o l'on se place, sage comme homme public, non

    g Comme homme priv, etc. il faudra donc ajouterque le sujet soit considr sous le mme point de vue, et le

    principe complet sera exprim de cette faon Le mmeattribut ne peut pas en mme temps convenir et ne pasconvenir au mme sujet, considr au mme point de vueet sou| les mmes rapports. (Aristote, Mtaphys., IV, 3.)

    Les axiomes des mathmaticiens ne sont presque tous quedes cas particuliers du principe de contradiction. Citonsdes exemples Le tout est plus grand que la partie, ce. quiest impliqu dans cette dfinition le tout est la sommede ses parties. Veux quantits gales une troisimesont gales entre elles, etc.

  • LE RAISONNEMENT 27

    Il n'en est pas de mme des postulats. Les postulatssont des principes dont le contraire n'est pas contradic-

    toire, mais qui ont une vidence suffisante pour qu'on le

    dsigne sous le terme commun de principes et qui se jus-tifient par leurs consquences. Tel est le fameux postulatd'Euclide, savoir, que d'un point donn on ne peutmener qu'une parallle une droite; en d'autres termes, qu'une perpendiculaire et une oblique doivent ncessai-rement se rencontrer.1 .''

    17. Le raisonnement. L'essence du raisonnementconsiste trouver quelques intermdiaires par lesquels on

    puisse unir les ides trop loignes, peu prs comme unhomme qui, au moyen d'une toise, s'assure d l'galitde longueur de deux maisons qu'il ne peut superposer'l'une sur l'autre; ou encore comme celui qui place une

    pierre 'au milieu d'un ruisseau pour l'emjamber en deux

    fois, ne le pouvant faire en une.On distingue gnralement deux modes de raisonne-

    ment celui qui va du gnral au particulier, et que l'on

    appelle dductif, et celui qui va du particulier au gnral,et qu^ l'on appelle inductif ces expressions, dit Stuart

    Mill, se recommandent plus par leur brivet que parleur clart. Leur sens est que l'induction infre une pro-

    position gnrale de plusieurs autres qui le sont moins

    qu'elle, et que la dduction infre une proposition gn-rale d'autres propositions qui le sont galement ou mme-

    plus. Lorsque de l'observation d'un certain nombre defaits individuels on s'lve une proposition gnrale, ou

    lorsque, combinant plusieurs propositions gnrales, onen tir^ une plus gnrale encore, le procd s'appelle in-

    duclioft, Lorsqu'au contraire, d'une proposition gnralecombine avec d'autres on en infre une qui l'est, moins,c'est ty dduction. (Mill, Log., Il, ch. 1,.) s

    1. Euclide a exprim ce postulat sous une autre forme Si une-droite tombant sur deux droites fait deux angles extrieurs pluspetits que deux droits, ces deux droites prolonges se rencontre-ront du ct o les angles sont plus petits que deux droits,

  • 28 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUEA 1w11 _u~. t n vnn .nn

    18. Dduction. Le raisonnement dductif peut sefaire de deux manires; 1 instinctivement et par unefacult naturelle sans que l'esprit se rende compte des dif-frents' moments de l'opration et des ides moyennesqu'il emploie: c'est le procd le plus habituel dans lavie pratique, et mme dans la littrature et dans l'lo-quence 2 avec rflexion et analyse, en dcomposant leraisonnement et en le ramenant tous ses lments cons-titutifs. La sret et la justesse du raisonnement ne d-pendent pas ncessairement de cette forme rigoureuse, quin'est de mise que dans les sujets abstraits et lorsqu'il ya difficult bien saisir toutes les parties de l'opration.Autrement, le sens droit suffit. J'ai connu un homme,dit Locke, qui les rgles du syllogisme taient entire-ment inconnues, qui apercevait d'abord la faiblesse etle faux raisonnement d'un long discours artificieux et

    plausible o les gens exercs se laissaient attraper.

    Locke fait encore remarquer justement qu'il y a dansle raisonnement deux facults, qui sont la sagacitpour trouver les ides moyennes, et la facult de tirerdes conclusions ou d'infrer ; en un mot, comme ditLeibniz, Y invention et le jugement; car raisonner c'estencore juger.

    Cependant, quoique le raisonnement soit une suite de

    jugements, il n'est pas seulement une addition de juge-ments. Il a son unit particulire, qui consiste lier les

    jugements. Pour raisonner, il faut pouvoir penser lafois plusieurs jugements, comme pour juger il faut penser la fois plusieurs ides.

    19. Dduction et syllogisme, matire et forme duraisonnement. Le syllogisme est la dduction ce

    que la proposition est au jugement. Dduire, c'est tirerd'une proposition plus gnrale une autre proposition quil'est moins. Le syllogisme est une runion de trois-propo-sitions telles que, les deux premires tant poses, la troi-sime s'ensuit ncessairement. Ainsi si je pose en prin-cipe que toute vertu rend l'homme heureux, et que j'ajoute

  • DMONSTRATION 29:A.&1_L_1,A- 1

    uein ses A'

    2.

    La temprance est vertu, il s'ensuit par l mme que la teni-

    prance rend l'homme heureux. Tout syllogisme comprend trois propositions; les deux premires s'appellent les pr-misses, la troisime est la conclusion. Dans le syllogismesuivant

    Tous les avares sont malheureuxHarpagon est un avareDonc Harpagon est malheureux,

    le terme avare est sujet dans la premire et attribut dansla seconde proposition; Harpagon est sujet dans la secondeet dans la troisime malheureux est attribut dans la pre-mire et dans la troisime. Les trois termes que comprend `.le syllogisme sont employs deux fois chacun. Harpagon,sujet dans la conclusion, est le petit terme malheureux,qui y e^t attribut, est le grand terme; avare, qui ne se trouvepas dans la conclusion, est le moyen terme. La premiredes prmisses, qui contient le grand terme, malheureux, estla majeure (du latin major s= plus grand) la seconde, quicontient le petit terme Harpagon, est la mineure (du latinminor-plus petit). Si l'on reprsente Harpagon par lecercle A on verra que ce terme est contenu dans le termeavare |B) et, par suite, dans le terme malheureux (C), quicontient le terme avare.

    Il fajit distinguer dans le syllogisme la matire ou lavrit intrinsque des propositions, et la forme ou la liaison

    logique de ces propositions. Le syllogisme ne garantit quela liaison, c'est--dire le rapport de la conclusion aux pr-misses il ne sait rien de la vrit ou de la fausset desprmisses. Le syllogisme suivant, par exemple, tire uneconclusion vraie de deux prmisses fausses Ma tabatireest dank la lune, la luna est dans ma poche, donc ma taba-tire est dans ma poche,

    20. Dmonstration. La dduction conduit la d-

    monstration. On dduit pour dmontrer; dmontrer estlebut, dduire est le moyen. La dduction est le mcanismedu raisonnement la dmonstration en est l'essence Aris-tote, qui a donn les rgles du syllogisme dans ses Pre-

  • 30 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    mters analytiques , a donn les rgles de la dmonstration

    dans, les Seconds.La dmonstration, dit-il, c'est le syllogisme scientifique,

    c'est--dire le syllogisme qui produit la science et le savoir.Or qu'est-ce que savoir ? Savoir, c'est connatre les choses

    par leur cause. Si savoir consiste connatre par la cause,et si la dmonstration est le syllogisme du savoir, il s'en-suit que la dmonstration suppose des principes antrieurs,primitifs, plus notoires que la conclusion dont ils sontCause,

    21. Propositions antrieures et immdiates. Ob-

    jections. La dmonstration suppose donc des prin-cipes intrieurs, prcdemment admis. Or cette conditiondonne naissance deux objections

    1* La dmonstration est impossible, car elle suppose desprincipes. Or, ces principes ont besoin eux-mmes de d-monstration et cette dmonstration doit avoir des princi-pes qui sont eux-mmes sujets tre dmontrs il y aainsi progrs l'infini. Si, au contraire, on s'arrte, il fautse contenter de principes non dmontrs..

    2 La science dmonstrative est possible; mais la d-

    monstration est circulaire et rciproque.1 La premire de ces deux objeclions, qu'Aristote se

    fait lui-mme, a t reprise par Pascal suivant lui, c'est une infirmit de la raison humaine de ne pas pouvoir toutprouver: ;

    Le vritable ordre, dit-il, consiste tout dfinir et , tout`

    prouver. Certainement cett mthode serait belle mais elleest absolument impossible car il est vident que les pre*miers termes qu'on voudrait dfinir en supposeraient de pr-cdent^ pour servir leur explication; et, que, de mme, le&premir$s propositions qu'on voudrait prouve^ en supposeraientd'autres qui les prcdassent, et ainsi il est clair qu'on n arrive-rait jamais aux premiers. Ainsi, en poussant les rcherches deplus en plus, on arrive ncessairement des mots primitifs qu'onne peut plus dfinir, et des principes si clairs qu'on n'en trouveplus qui le soient davantage pour servir leur preuve. D'o il

  • PROPOSITIONS ANTRIEURES ET IMMMDIATES 31

    parait que les hommes sont dans une impuissance naturelleet immuable de traiter quelque science que ce soit dans un or-dre absolument accompli,

    II ne s'nsuit pas 'qu'on doive abandonner toute sorte d'ordre,car il y en a un, et c'est celui de la gomtrie, qui est la vritinfrieure en ce qu'il est moins convaincant, mais non pas ence qu'il est moins certain. Il ne dfinit pas tout et il ne prouvepas tout, et c'est en cela qu'il lui cde mais il ne suppose quedes choses claires et constates par la lumire naturelle

    ristote avait rpondu dj cette objection

    Nous soutenons, dit-il, que toute science n'est pas dmonstra-tive que les propositions immddiates sont connues sans dmons-tration. Que cela soit de toute ncessit, c'est ce qu'on voit sanspeine car s'il est ncessaire de connatre les principes et lesdfinitions dont se tire la dmonstration, et si l'on s'arrte des principes immdiats, il est certain que ces principes doiventtre p'r~,.C,i.p..e. S.~Jll~dia,Nous qu'il ces,pr.,iP.P~.

    4~~~.ent,tre indmontrables. Nous soutenons qu'il en est ainsi.

    1:, H

    Il semble que, dans cette rponse, Aristote ne fasse

    que constater le. fait et la ncessit du fait, sans en prouver

    la lgitimit Cependant, en mditant avec soin ce passaged'Aristote, on y remarquera un terme dcisif et cract-

    ristique c'est le mot immdiat. Si nous devons nous

    arrte'r des principes, ce n'est pas seulement parcequ'il faut s'arrter^ ce qui pourrait bien n'tre que l'effetde l'imperfection humaine, comme le pense Pascal, maisc'est que nous rencontrons des propositions immdiates,c'est--dire sans moyen terme. A quoi sert la dmonstra-tion A tablir un rapport entre l'attribut et le sujet par

    M l'intermdiaire d'un moyen terme. Mais s'il y a des pro-positions o un tel rapport existe par lui-mme, et sans

    qu'il soit ncessaire d'introduire entre les deux extrmes

    aucun moyen terme, et mme sans que cela soit possible,puisqu'il n'y en a pas, n'est-il pas vident que, dans ce

    cas-l, la dmonstration est impossible et inutile, non par

    1, Pascal, de l'Esprit gomtrique (dition Ern. Havet, II, p. 282).

  • 32 .PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    impuissance de notre part, mais par la nature des choses ?Ce qui explique l'erreur de Pascal, c'est qu'il a confonduces deux,cas, savoir, celui o la 'dfinition et la dmons-tration sont impossibles par notre faute, et celui o ellesle sont par la nature mme; par exemple, le postulatumd'Euclide n'est peut-tre indmontrable que par notre faute,mais ses axiomes le sont par leur nature mme, On s'tonned'ailleurs qu'un esprit aussi exact que Pascal ait pu dire

    qu'une science parfaite est celle o tout serait dmontrune telle ide est videmment contradictoire car elle con-

    duirait un progrs l'infini dont on ne trouverait jamaisle terme, et 1& srie n'ayant aucun point d'arrt, il faudraitdire non pas que tout est dmontr, mais que rien ne l'est.On eut douter que ce que nous appelons principes soientles" vrais principes en soi; mais on ne peut pas douter quela vraie mthode ne suppost de tels principes; et poursoutenir que ls ntres ne sont pas les vritables, il faudraitles prendre l'un aprs l'autre et dmontrer qu'ils ne ont

    pas vidents or, pour ce qui concerne la gomtrie, il yen a au moins un dont l'vidence est incontestable, c'est le

    principe d'identit quant tous les autres, on peut sou-tenir 'avec Leibniz qu'ils sont susceptibles d'tre dmontrs,et il approuvait qu'on essayt de le faire, quoique cela neft ps trs utile pratiquement. Peut-tre tait-ce l aufond l pense de Pascal par exemple, lorsqu'il dit Le

    manque de dfinition est plutt une perfection qu'un d-

    faut >>; mais il ne l'a pas assez clairie; et l'objection,telle qu'il la prsent, est insoutenable.

    2 Suivant d'autres philosophes, la dmonstration est

    possible; mais elle ne l'est qu' la condition d'tre circu-laire Et rciproque, c'est--dire de dmontrer les principespar ls conclusions, et les conclusions par les principes.

    Mas une telle opinion est inadmissible, suivant Aris-

    tot; car nous avons vu que dmontrer c'est partir dechoses antrieures, et que la seule science possible estcelle de la dmonstration: or les mmes choses ne peu-vent pas tre en mme temps antrieures et postrieu-

  • PROPOSITIONS NCESSAIRES 33

    "+ ~'I1'V' n.n"1I't"'Io~ n " .+ a" r.res les unes par rapport aux autres. Il ne peut donc pas yavoir de dmonstration par cercle.

    Pour qu'une dmonstration circulaire ft possible sans

    dgnrer en cercle vicieux, il faudrait que les termesfussent rciproques or il n'y a qu'un petit nombre dedmonstrations de ce genre.

    Il est donc tabli que la dmonstration consiste partirde propositions videntes et indmontrables.

    22i Propositions ncessaires. Un autre caractrede la dmonstration est de partir de propositions nces-saires. ''. ,:

    Puisqu'il est impossible qu'une chose que l'on sait absolu-ment soit autrement qu'elle n'est, l'objet du savoir, quandon le possde par voie de science dmonstratrive, doit trencessaire. La dmonstration est le syllogisme fond sur despropositions ncessaires.

    Ainsi toute dmonstration est un syllogisme, maistout syllogisme n'est pas une dmonstration. Il y a deux

    espces de syllogisme: le syllogisme en matire proba-ble et contingente, et le syllogisme en matire ncessaire.C'est le second seul qui est dmonstratif. Il n'y 'a doncde dmonstration rigoureuse qu'en mathmatiques, en

    logique, en mtaphysique partout ailleurs le syllogismen'est que contingent; cependant on peut par extension ap-pliquer le terme de dmonstration d'autres cas, en pre-nant pour ncessaires les principes gnralement admis.

    Quelles sont les conditions des principes ncessaires ?w

    Aristote en signale trois; il faut 1 que le sujet soituniversel; 2 que l'attribut soit essentiel; 3 que l'attribut':soit lui-mme universel et'aussi tendu que le sujet: ilfaut donc que la proposition soit rciproque. :

    En effet 1 rien de particulier n'est ncessaire ce quiv

    n'est vrai que d'une certaine partie du sujet, par exemplede quelques hommes, n'a rien de ncessaire; 2 ce quiest accidentel n'est pas ncessaire, car l'accident, c'est

    ce qui peut tre ou ne pas tre; ce qui est ncessaire ap-

  • 34 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    partient essentiellement au sujet et ne peut pas en trespar; 3 donc il lui est co-essentiel, aussi universel quelui, et par consquent rciproque.

    Il est vident qu'Aristote parle ici de la ncessiten soi, et non d'une ncessit purement empirique; parexemple les hommes sont mortels n'exprime qu'une n-cessit de fait, mais non une ncessit a priori, la seuledont il soit question dans les dmonstrations.

    Des principes prcdents Aristote tire les consquencessuivantes:

    1 Des prmisses. ncessaires conduisent toujours une conclusion dmontre

    2* Sans prmisses ncessaires, pas de dmonstration,mme lorsque ls prmisse sont probables et vraies;

    3 II n'y a pas de dmonstration de l'accident ni des cho-ses prissables toute dmonstration est ternelle.

    23. Principes propres et principes communs. Ilne sufft pas que des propositions soient ncessaires, vi-dentes, indmontrables, pour servir,de principes il faut

    encore ici faire une distinction entre les principes.

    Il ya deux sortes de principes les principes propres

    et les principes communs. Les principes propres sort ceux

    qui s&nt spciaux, une science les principes communssont ceux qui peuvent s'appliquer la fois plusieurs scien-ces. Aristote donne comme exemple de principes propresla dfinition de la ligne, ou de la droite; et comme exem-ple dje principes communs l'axiome que deux quantitsgales une troisime sont gales entre elles. En gnral,Aristote entend par principes propres les dfinitions, etde plfis l'existence des objets propres de chaque science

    par exemple, l'existence de l'unit et des grandeurs est un

    principe propre des mathmatiques l'existence du mouve-ment est un principe propre de la physique. Quant auxprincipes communs, ce sont les axiomes.

    De cette, distinction Aristote tir cette rgle que chaqutchose doit tre dmontre par ses principes propres, et nonpar les principes d'une autre science par exemple, on ne

  • LOIS DE LA DMONSTRATION 35

    doit pag dmontrer par l'arithmtique une question de

    gomtrie, moins que l'une de ces sciences ne soit subor-donne l'autre, par exemple l'optique la gomtrie.En consquence, Descartes ne violait pas la rgle d'Aristoteen dmontrant la gomtrie par l'algbre, puisque les ob-

    jets de la gomtrie sont des grandeurs qui peuvent tre

    reprsentes par des symboles algbriques. Cette rglene doit pas d'ailleurs tre entendue d'une manire troite,et il peut y avoir quelquefois avantage transformer un

    problme et le rsoudre par des moyens indirects etdtourns. Mais, en gnral, c'est une loi excellente de lo-

    gique de traiter chaque question d'aprs ses propres prin-cipes et sans emprunter les principes d'une autre science .c'est ce qui fait qu'un savant raisonne presque toujoursmal dans une science dans laquelle il n'est pas vers,parce qu'il transport d'ordinaire ses principes d'unescience l'autre j ce genre d'erreur, si frquent, est ce

    qu'jristote appelle passage d'un genre l'autre.

    Unj autre genre d'erreur consiste prouver une chosenon par les principes propres d'une autre chose, mais pardes principes communs, c'est--dire trop gnraux, et quine expliquent pas particulirement la question pose.C'est ce qu'on appelle des lieux communs, c'est--dire des

    vrits trop gnrales, qui ne s'appliquent pas la ques-tion ^'uje manire spciale.

    24. Lois de la dmonstration. Les principales lois

    tablfes par Aristote sont les suivantes1 jLa dmonstration universelle, est suprieure la d-

    monstration particulire.2 ^,a dmonstration affirmative vaut mieux que la d-

    monstration ngative.3 La dmonstration affirmative et mme la dmonstra-

    tion iigative valent mieux que la dmonstration par l'ab-surde.

    On distingue encore la dmonstration directe ou ostensive,et la dmonstration indirecte ou apagogique la premireconsiste dmontrer que la chose est vraie la seconde,

  • 36 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE_1_ . _1 M i

    appele aussi dmonstration par l'absurde, consiste d-montrer que le contraire est faux. Enfin on distingue ladmonstration ascendante et la dmonstration descendantemais cette distinction revient celle de Vawlyse et de lasynthse.

    25. Analyse et synthse. Toute mthode peut se ra-mener deux procds essentiels l'analyse et fa synthse,Ces deux termes ont t employs par les logiciens dansdeux sens bien diffrents, ce qui jette beaucoup d'obscu-rit sur la thorie de la mthode. Expliquons ces deuxsens, en en montrant d'abord la diffrence nous verronsensuite s'ils peuvent se rduire un seul. Pour comprendrele sens de ces mots en mathmatiques, il faut en chercherla signification gnrale.

    26. Analyse, mthode de dcomposition. 1 Dansle premier sens, celui qui, depuis Condillac, est le plus g-nralement rpandu, l'analyse est une mthode de dcom-position, et la synthse une mthode de recomposition. Untout rn'tant donn, si j'en cherche les diffrents lments,je l'analyse si avec ces lments je reconstruis le tout,je fais une synthse. Par exemple

    Que je veuille connatre une machine, dit Condillac, je la d-composerai pour en tudier sparment chaque partie. Quandj'aurai de chacune une ide exacte et que je pourrai les remettreensuite dans le mme ordre o elles taient, alors je conce-vrai parfaitement cette machine, parce que je l'aurai dcom-pose et recompose.

    C'est ainsi qu'en chimie on fait l'analyse de l'eau en laramenant ses lments, oxygne et hydrogne, et la

    synthse, en rapprochant ces lments de manire enrefaire de l'eau. C'est ainsi que je fais l'analyse d'un livre,en le dcomposant. en ses diffrentes parties; l'analysed'un sujet propos, en dgageant les ides distinctes dontil se compose. Descartes donne la rgle de cette oprationlorsqu'il dit Diviser chaque difficult en autant de par-celles qu'il se pourra faire pour la mieux rsoudre,

  • ANALYSE DES GOMTRES 37J

    Janet. El. de Philos. 3

    27. Analyse, mthode de rgression. 2 Dans lesecond sens, qui est celui de la Logique de Port- Royal etdes anciennes logiques, l'analyse est une mthode de

    rgression, qui consiste, tant donne une question,

    remonter de cette question ses conditions et de celles-ci aux conditions antrieures, jusqu' ce qu'on ait trouvle principe dont la solution dpend. La synthse, au con-

    traire, est une mthode qui de ce mme, principe redes-

    cend la proposition cherche comme une consquence.

    Ces deux mthodes, dit la Logique de Port-Royal, diffrentcomme le chemin qu'on fait an montant d'une valle en unemontagne, de celui que l'on fait en descendant de la montagnedans la valle; ou comme diffrent les deux manires dont onpeut s0 servir pour prouver qu'une personne est descendue desaint Louis, dont l'une est de dmontrer que cette personne atel pour pre, qui tait le fils d'un tel, et celui-l d'un autre 5et l'autre de commencer par saint Louis et de montrer qu'il aeu tels enfants, et ces enfants d'autres, en descendant jusqu'la personne dont il s'agit.

    Cet exemple prouve clairement que l'analyse n'est pastoujours une mthode de dcomposition car supposonsque je demande si tel prince de Parme (l'lve de Con-

    dillacj par exemple) descendait de saint Louis, qu'aurai-je dcomposer pour rpondre la question ? Ici, il ne peuttre question de dcomposition mais de rgression. Dans

    le cas particulier dont il s'agit, j'emploierai l'analyse s'il

    s'agit de trouver une gnalogie inconnue, et la synthses'il s'agit de Y expliquer aprs l'avoir trouve Aussi'

    disait-on que l'analyse tait une mthode d'invention oude rplulion, et la synthse une mthode de doctrine oud'enseignement.

    28, Analyse des gomtres, Pour bien compren-dre ce second sens du mot analyse, il faut remonter

    1. Ls chercheurs de succession (profession, dit-on, assez lucrative)emploient cette mthode pour retrouver la gnalogie d'une per-sonne morte sans avoir fait de testament.

    t* ~t n\1. '2

  • ANALYSE DES GOMTRES 39

    1. La fausset de la conclusion serait au contraire une preuvecertaine de la fausset des prmisses.

    mdiate et ncessaire.. Si cela est possible, le but qu'ons'tait propos est atteint, et la division de la question,dont parle Descartes, est rduite son minimum. Mais ilest rarement possible d'oprer ainsi gnralement on

    trouve bien une proposition dont la proposition donneest consquence, mais cette proposition elle-mme n'est

    pas vidente on devra alors oprer sur celle-ci commesur la premire, et ainsi de suite jusqu' ce qu'on arrivesoit un principe, soit une proposition reconnue vraie

    alors, sans qu'il soit besoin de rien ajouter, la proposi-tion donne sera devenue consquence d'une proposition

    vraie, et par consquent sera vraie elle-mme.Tel est le mcanisme gnral de la dmonstration ana-

    lytiqile cette analyse diffre essentiellement de celle

    d'Euclide, qui est insuffisante. Euclide, en effet, dans sesElments de gomtrie,* prsente ainsi la mthode analy-tique soit dmontrer une proposition; je suppose cette

    proposition vraie, et j'en tire une consquence que je sup-

    pose. yraie son tour, et d'o je tire une noutelle cons-

    quence si j'arrive une proposition vraie, la premirel'est. On voit que cette mthode est l'oppos de la prc-dente au lieu de chercher une proposition dont la propo-sition donne soit consquence, elle cherche une cons-

    quence de la proposition donne; or tout le mond sait

    que d'une proposition fausse on peut, par des raisonne-

    ment^ justes, tirer une conclusion vraie, et par cons-

    quent la vrit de la conclusion n'est pas une preuve dela vrit des prmisses Cependant la mthode d'Euclide

    peut si conserver et venir en aide, de certaines cndi-

    tions, la mthode analytique il suffira que toutes les

    propositions qu'amne considrer l'analyse euclidienne

    soient rciproques deux deux en effet, de la proposi-tion & dmontrer* supposition vraie, je dduis une autre

    proposition si ces deux propositions sont rciproques,

  • t

    ANALYSE DES GOMTRES 39

    mdiate et ncessaire.. Si cela est possible, le but qu'ons'tait propos est atteint, et la division de la question,dont parle Descartes, est rduite son minimum. Mais ilest rarement possible d'oprer ainsi gnralement ontrouve bien une proposition dont la proposition donneest consquence, mais cette proposition elle-mme n'estpas vidente on devra alors oprer sur celle-ci commesur la premire, et ainsi de suite jusqu' ce qu'on arrivesoit un principe, soit une proposition reconnue vraiealors, sans qu'il soit besoin de rien ajouter, la proposi-tion donne sera devenue consquence d'une propositionvraie, et par consquent sera vraie elle-mme.

    Tel est le mcanisme gnral de la dmonstration ana-lytique; cette analyse diffre essentiellement Je celled'Eulide, qui est insuffisante. Euclide, en effet, dans sesElments de gomtrie,' prsente ainsi la mthode analy-tique soit dmontrer une proposition je suppose cetteproposition vraie, et j'en tire une consquence que je sup-pose, yraie son tour, et d'o je tire une noutelle cons-quence si j'arrive une proposition vraie, la premirel'est. On voit que cette mthode est l'oppos de la prc-dente au lieu de chercher une proposition dont la propo-sition donne soit consquence, elle cherche une cons-quence de la proposition donne; or tout le mond saitque d'une proposition fausse on peut, par des raisonne-ments justes, tirer une conclusion vraie, et par cons-quent la vrit de la conclusion n'est pas une preuve dela vrft des prmisses Cependant la mthode d'Euclidepeut se conserver et venir en aide, de certaines condi-tions, la mthode analytique il suffira que toutes lespropositions qu'amne considrer l'analyse euclidiennesoient rciproques deux deux en effet, de la proposi-tion dmontrer* supposition vraie., je dduis une autreproposition si ces deux propositions sont rciproques,

    1. La fausset de la conclusion serait au contraire une preuvecertaine de la fausset des prmisses.

  • 40 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    la nrfimifirfl sera rnnsiSmiftnrfi Ap. Ta HeuviAmp et mla premire sera consquence de la deuxime, et par suitenous retombons dans la mthode prcdente.

    En rsum, la vritable mthode analytique est celle-ci

    A est consquence de B.H -C.

    Or N est vrai, donc A est vrai.La mthode insuffisante d'Euclide est celle-ci

    B est consquence de A.C B.

    y l..e.lv.eeoi~f,n " "ai.

    Or N est vrai; donc A est vrai nous avons dit en quoipchait cette mthode.

    Enfin, si toutes les propositions sont rciproques, lesdeux Sries prcdentes seront vraies en mme temps, etla mthode sera irrprochable c'est cette dernire m-

    thode qui est gnralement employe par les mathmati-ciens il est, en effet, plus facile de trouver la consquenced'une proposition que de trouver une proposition dont la

    proposition donne soit consquence et, commua plu-part du temps les propositions qu'on dcouvre ainsi sont

    rciproques, la mthode pourra s'appliquer avec succs.

    Quant aux moyens employer pour l'application de cette

    mthode, il n'y a aucune rgle prcise cet gard une

    proposition peut tre la consquence de plusieurs propo-sition^ diffrentes, ou, inversement, avoir des consquences

    diverses les unes pourront donner la solution de la

    question, les autres reuler indfiniment la difficult sansla rsoudre c'est le choix de ces propositions auxiliaires

    qui fa le talent et l'habilet du gomtre'.Ain$i, pour ce qui concerne les thormes, la mthode

    1, Tout ce passage sur l'analyse des gomtres est d mon filsPaul Janet, charg de cours la facult des sciences de Grenoble.

  • LES DEUX ANALYSES RDUITES A UNE SEULE 41

    si nelle-ci suDDOser le thorme vrai et en tirer les con-

    1. Pour bien comprendre le rle de l'analyse en gomtrie, soit"pour les thormes, soit pour les problmes, voyez surtout Duha-mel (Mthodes dans les sciences de raisonnement, part. I, eh. v et vi).

    est celle-ci supposer le thorme vrai et en tirer les con-

    squences si ces consquences sont fausses, le thormeest faux (ab absurdo) si elles sont, vraies, il est vrai, mais une condition, c'est que.ce soient des propositions rci-

    proques.2 L'analyse gomtrique est employe plus souvent

    pour la solution des problmes que pour l dcouvertedes thormes. Elle consiste aussi supposer le problmersolu. Aprs quoi on dduit de cette supposition une sriede consquences aboutissant une conclusion finale, la-

    quelle ou bien se rsout en un autre problme ckntonsait la solution, ou bien suppose une opration reconnue

    impraticable. Dans le premier cas, ce qui reste faire estde recourir la construction du problme auquel l'ana-

    lyse vient aboutir; puis, revenant sur ses pas, de dmon-trer synthtiquemnt que cette construction remplit toutesles conditions. (D. Stewart, lments, part. II, ch. v,sect. fii). Soit, par exemple, inscrire un hexagone dansun cercle donn. Je suppose le problme rsolu, c'est--dire que je tire une corde, qui sera par hypothse le ctde l'hexagone cherch, et je mne deux rayons aux deux

    extrmits or, si j'examine le triangle ainsi construit, jedmontre qu'il doit tre quilatral; que par consquentle ct de l'hexagone est gal au rayon d'o il suit queje n'ai qu' porter le rayon six fois sur la circonfrence

    pour inscrire un hexagone dans un cercle

    29. Les deux analyses rduites une seule. De

    l'analyse gomtrique revenons l'analyse ordinairenous verrons que la mthode rgressive ou rsolutive, quela Logique de Port-Royal appelle analyse, est tout faitsemblable l'analyse des gomtres. Elle consiste tou-jours ramener un problme un autre, une proposition un$ autre c'est une mthode de rduction. Duhamel

  • 42 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE1_ -1 1. w..montre trs bien comment dans tous les cas, mme dans

    l'usage pratique, on raisonne comme le gomtre. (M-thode dans les sciences de raisonnement, p. 81.)

    Quant au premier sens du mot analyse (dcomposition),nous verrons que ce sens ne diffre pas non plus essen-tillement de celui que nous venons d'expliquer. Car la

    dcomposition n'est pas une pure et simple division. Ana-

    lyser, ce n'est pas couper en morceaux analyser une

    machine, ce n'est pas la mettre en quatre. Mettez un igno-rant en face de l'eau, et dites-lui que pour la bien con-

    natre il faut commencer par l'analyser, il ne sera pasplus avanc qu'auparavant; car, comment s'y prendrepour analyser une substance aussi simple en apparenceque l'eau? Comment s'y prendre pour analyser la lu-mire ? De mme, si je mets un lve inexpriment enface d'un sujet de rhtorique, il ne saura comment s'yprendre pour en dcomposer les parties. Ainsi l'analyseentendue dans le sens de Condillac n'est pas proprementparler une mthode; c'est un problme rsoudre, qui,comme tous les problmes, suppose la mthode analytiqueou rgressive. Que l'on examine, par exemple, comment

    Lavoisier est arriv dcomposer l'eau, on verra qu'il araisonn exactement comme le gomtre qui, supposantle problme rsolu, le traduit dans un autre,' et celui-cidans tin autre encore, jusqu' la solution cherche. Ainsi

    l'analyse, comme mthode de dcomposition, n'est encore

    qu'un cas particulier de la mthode de rgression*. >

    Il en est de mme des dfinitions de l'analyse et de la

    synthse donnes par Newton:" Par l'analyse, on peut aller des composs aux com-

    posants, des mouvements aux forces qui les produisent,et en gnral -des effets aux causes, et des causes particu-lires jtux causes plus gnrales, jusqu' ce qu'on arrive

    1. D. Stewart se trompe donc lorsqu'il dit que le sens du mot"analyse, en physique et en chimie, est radicalement diffrent- decelui qvt'il a pour les mathmaticiens. Duhamel est tout fait dansle vrai sur ce point.

  • DE LA MTHODE DES GOMTRES 43

    aux plus gnrales de toutes. C'est l la mthode d'analyse.La synthse consiste prendre les causes dcouvertes etconstates pour principes, et expliquer par elles les ph-nomnes qui en naissent et qui prouvent la vrit de l'ex-

    plication. On voit videmment par ce passage que Newton entend

    l'analyse et la synthse dans un sens tout fait analogue celui des gomtres, puisque, dans un cas, on remonte

    des effets aux causes, comme des consquences aux prin-cipes et, dans l'autre cas, on redescend des causes aux

    effets, comme des principes aux consquences.Dans tous les cas, que l'analyse soit entendue comme

    mthode de dcomposition, ou comme mthode de rgres-sion et de rsolution, elle est toujours l'antcdent nces-saire de la synthse car, d'une part, on ne peut recom-

    poser que ce qui a t dj dcompos; et, de l'autre, on

    ne peut dduire l'effel de la cause ou la consquence du

    principe, qu'aprs avoir dcouvert la cause ou le principe.Or, ort ne peut les dcouvrir qu'en partant de ce qui est

    donn d'une part, l'effet produit; de l'autre, le problmersolu; et en remontant, d'une part, aux causes et, de

    l'autre, aux principes.30. De la mthode des gomtres. C'est dans les

    mathmatiques, et particulirement en gomtrie, que s'ap-plique; dans toute sa rigueur la mthode de dmonstration.

    Pascal, dans son petit trait de Y Esprit gomtrique a,rsum avec nettet les rgles fondamentales de cette

    mthode. Elle se compose de trois choses les axiomes,les dfinitions et les dductions. Voici les rgles de Pascalsur ces trois objets.

    Rgles pour les dfinitions. 1 N'entreprendre de dfi-nir aucune des choses tellement connues d'elles-mmes

    qu'on n'ait point de termes plus clairs pour les expliquer.C'est ce que nous voyons dans la gomtrie Elle ne

    dfinit aucune de ces choses, espace, temps, mouve-

    ment, etc.

    2. Une seconde rgle, qui est la rciproque, de la prc-

  • 44 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    dente et qui sera admise de tout le monde, est qu' il nefaut admettre aucun des termes un peu obscurs et quivo-ques sans les dfinir, etc.

    3 Ce qui est le corollaire de la rgle prcdente N'em-

    ployer dans la dfinition des termes que des mots parfai-tement connus ou dj expliqus.

    Rglespour les axiomes. 10 N'admettre aucun principencessaire sans avoir demand si on l'accorde, quelqueclairet vident qu'il puisse tre.

    2 Ne dmander en axiomes que des choses parfaite-ment videntes d'elles-mmes.

    Rgles pour les dductions. 1 N'entreprendre dedmontrer aucune des choses qui sont tellement viden-tes d'elles-mmes qu'on n'ait rien de plus clair pour les

    prouvr. 1

    2 kt Prouver toutes les propositions un peu obscureset n'employer leurs preuves que des axiomes trs vi-

    dents, ou des propositions dj accordes ou dmontres.

    3 Substituer toujours mentalement les dfinitions aux

    dfinis, pour ne pas se laisser tromper par l'quivoque des

    termes.

    Aprs avoir expos ces huit rgles, Pascal. les rduitd'abord cinq, et enfin deux, qui sont

    1 frfinir tous les noms qu'on impos; Prouver tout, en substituant mentalement la dfinition

    `

    au dfini.Cette dernire rgle est la plus neuve de toutes celles

    de Pascal, et elle est une des plus importantes pratique-ment Seulement, il ne faut pas la prendre la lettre; carce serait dtruire tout le fruit qui rsult du langage, quiest surtout un systme d'abrviation; et ce serait une gneinsupportable et inutile, toutes les fois qu'on parle d'uncercle en gomtrie, d'en rpter la dfinition: en gom-trie, moins que partout ailleurs, ces rptitions seraientutiles. Mais il est certain qye dans les questions morales,par exemple, o on est. sans cesse sollicit changer lesens d'un mot, cause de circonstances nouvelles ou de

  • DE L'VIDENCE MATHMATIQUE 45

    lntrfloiif nrnVn r**i rtuc rtimSiriic il CPpQ f-rulinil^C

    3.odiges..

    5

    rapports nouveaux qu'on n'a pas prvus, il sera toujoursbon d'avoir prsente l'esprit la rgle de Pascal.

    On objecte ces rgles qu'elles sont trop simples, tropclaires, trop connues. Pascal rpond cette objection Rien n'est plus commun que les bonnes choses.

    Pascal prtend que les rgles, prcdentes ont t em-

    pruntes par la logique la gomtrie, mais qu'elle lesa empruntes sans en comprendre la force, et en les

    noyant au milieu d'une multitude d'autres inutiles. Maisc'est'une question de savoir si ces rgles sont venues de

    la gomtrie la logique, ou de la logique l gomtrie

    La |ogiqe des gomtres, dit Leibniz, est une extension

    ou promotion particulire de la logique gnrale.

    31. Du rle des axiomes et des dfinitions en ma

    thmatiques. Dugald Stewart a tabli que les vri-tables principes (Voyez plus haut 23, Principes propres et

    `

    principes communs) du raisonnement mathmatique sontles dfinitions et non les axiomes. Sans doute, les axiomessont absolument ncessaires. Ils sont la condition, les vin-cula du raisonnement; mais par eux-mmes ils sont videset infconds, Que conclure en effet de cet axiome le tout est

    plus grand que la parti, si aucun tout ne vous est donn?Au contraire, ce sont les dfinitions qui fournissent les

    donnes du raisonnement. De quel principe se tirent les

    proprits du cercle, sinon de la dfinition du cercle? 2'

    (D; Stewart, lments, part. H, chap, t, sect. i.)3. De l'vidence mathmatique. On s'est de-

    mand quelle circonstance on devait attribuer le caractreparticulier d'exactitude et de rigueur que prsentent les

    dmonstrations mathmatiques. Condillac a soutenu quece caractre tait d ce que tout raisonnement math-

    matique se ramne l'identit des termes'et repose sure

    ce' principe que le mme est le mme.

    Le gomtre, dt-il, avance de supposition en supposition, etretournant sa pense sous mille forms, c'est en rptant sanscesse' &mme :ht le mme qu'il opre tous ces prodiges.

    " ' " 3.3.

  • 46 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    Dugald Stewart combat l'opinion de Condilla (lments,t. II, ch. h, sect. m). Il montre que l'erreur consiste con-fondre ici Y galit avec Y identit.

    Lorsqu'on avance, par exemple, que l'aire d'un cercle estgale celle d'un triangle qui aurait pour base la circonf-rence et pour hauteur le rayon n'y aurait-il pas un flagrantparalogisme infrer de l que le triangle et le cercle sont uneseule et mme chose?

    Duhaml {Mthodes de raisonnement ch. xiv, 73)com-bat; galement Condillac en disant qu'il est reconnu en

    logique que de deux propositions fausses on peut conclureune proposition vraie (360). Il serait absurde de soutenirqu'une proposition vraie est identique une propositionfausse.

    33. Doctrine de Dugald Stewart et de Kant surl'vidence mathmatique. Selon Dugald Stewart,l'exactitude daraisonnementmathmatique tient surtout ce que les mathmatiques sont fondes sur des dfinitions,'est--djre sur des hypothses (Ibid.).

    Dans les autres sciences, dit-il, les propositions tablirdoivent exprimer des faits, tandis que celles que les mathma-tiques dmontrent noncent seulement une connexion entre

    certaines suppositions et certaines consquences. Elles ont pourbut, fton de constater des vrits concernant des existencesrelles, mais de dterminer la filiation logique des consquen

    ces qui dcoulent d'une hypothse donne. Si, partant de cettehypothse, nous raisonnons avec exactitude, 'il est manifesteque rien ne pourrait manquer l'vidence du rsultat.

    Il parait trange de dire que les mathmatiques repo-sent sur des suppositions. Cependant, qu'est-ce qu'une d-finition gomtrique, si ce n'est une conception de notre

    esprit? Dire que le triangle est un espace enferm partrois lignes droites qui se coupent, n'est-ce pas comme si

    on disait supposez que vous enfermiez un espace par troislignes; cette portion d'espace, je l'appelle triangle. Dansce cas, c'est vous qui faites l'opration et qui la faites

  • DOCTRINE DE DUGALD STEWART ET DE KANT

    librement. Vous ne mettez dans votre concept que ce quevous voulez y mettre, rien de moins, rien de plus. Le rai-sonnement appliqu des donnes aussi rigoureusementdtermines doit donner les consquences les plus rigou-reuses. '

    C'est le philosophe Knt qui a. le mieux expliqu lecaractre d'exactitude et de certitude absolue dont jouis-sent les mathmatiques; mais son opinion ne diffre pasexclusivement de celle de Dugald Stewart. Kant ajoutcependant cette considration importante, qu'il n'y a quele concept de quantit qui se. prte ainsi une construc-tion priori. P'p il suit qu'il n'est pas vrai de dire, avec

    Dugald Stewart, que l'on pourrait imiter la rigueur math-

    matique dans tout autre domaine en partant de. dfinitionslibres. Car hors le cas de la quantit, il y a toujours de,,l'indtermination dans le concept.

    Ce qui caractrise le mieux, suivant lui, les mathmati-

    ques, c'est ce qu'il appelle la construction des concepts. Voicice qu'il entend par l. Les mathmaticiens, en rduisanttoutes les grandeurs leurs lments les plus simples,peuvent, l'aide de ces donnes, construire des concepts de

    plus en plus compliqus, en s'assurant parla que les con-

    cepts ne contiennent absolument rien, de plus que ce, quenous y avons mis. Par exemple, l'aide^duconcept d'unit,nous pouvons construire toute la srie des nombres, puis-qu'il pe s'agit que d'ajouter indfiniment l'unit elle-

    nim pour obtenir un nombre quelconque. Avec le con-

    cept de ligne droite, nous construisons toutes les surfaces,et avec les surfaces les volumes. Ces concepts sont,doncparfaitement clairs, parce que nous savons qu'ils ne con-

    tiennent rien autre chose que ce que nous y avons mis.En mme temps, ces concepts, quoique idaux, sont par-

    faitenjient applicables l'exprience, car on peut affirmer

    des objets rels tout ce qui est v.rai des concepts mathma-

    tique^, Ainsi, si la mesure d'un rectangle est la base mul-

    tiplie par la hauteur, on peut affirmer qu'on obtiendra

    l'tendue de surface d'un champ de forme rectangulaire

  • 48 PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE

    An mnitirvliant la hoa nat* l taiitOiiT** f*t la ifTv&nna mi'len multipliant la base parla hauteur; et la diffrence qu'ily aura entre la figure idale et la figure' relle aura peud'importance dans la pratique. Dans les cas o la diff-rence serait plus considrable, il y aurait lieu intro-duire des corrections indiques par l'exprience mais lavrit gnrale subsistera; et elle est absolument certaine,prcisment parce qu'on a fait abstraction d'avance detout lment concret, et que l'on s'est born la figureabstrait, que l'on a. soi-mme construite en en rappro-chant e'lments. Par exemple, je construis le conceptde triangle en supposant que trois lignes droits se coupentdans un plan, Je construis le concept du cercle en faisanttourner une ligne droite qui prend son point d'attach un point fixe autour de ce point, etc. Dans ces diffrentes

    conceptions, il n'y a aucun autre lment que ceux dont

    je me suis servi pour les construire je ne puis donc ti*e

    tromp par aucune circonstance inconnue, ce qui arriveau contraire dans les sciences exprimentales, et ce qui

    exige des oprations bien plus compliques et bien moinscertaines.

    34. Dfauts de la mthode des gomtres. La

    Logique de Port-Royal signal certains dfauts non dansla mthode des gomtres, mais dans l'application qu'onen peut faire. Ces critiques s'appliquent- surtout aux go-jntres de ce temps-l mais elles peuvent tre toujoursutiles a mditer pour ceux qui s'occupent de gomtrie

    1 Avoir plus d