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30 | la recherche | décembre 2008 | 425 Quand le Soleil prend rendez-vous avec le climat, cela donne par exemple, entre 1645 et 1715, un petit âge glaciaire sur la Terre. Mais si les variations de luminosité du Soleil ont pu dicter les changements climatiques des siècles passés, ce n’est plus vrai aujourd’hui. Pour la majorité des climatologues, la part du Soleil dans le réchauffement actuel n’est que secondaire face à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Il n’empêche. Certains « climatosceptiques » s’efforcent toujours de lier activité solaire et évolution du climat... En omettant allègrement que corrélation n’est pas causalité. Reste que les variations du Soleil sont réelles, multiples, et encore largement incomprises, tout comme les mécanismes internes de notre étoile qui les commandent. Ils sont donc sujets à débats, tout comme l’influence de ces variations sur la Terre, le rôle des ultraviolets ou des rayons cosmiques dans le réchauffement actuel par exemple. Réchauffement : le rôle du soleil E DOSSIer Dossier préparé parHélèneLeMeur etJacques-OlivierBaruch

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30 | la recherche | décembre 2008 | nº 425

Quand le Soleil prend rendez-vous avec le climat, cela donne par exemple, entre 1645 et 1715, un petit âge glaciaire sur la Terre. Mais si les variations de luminosité du Soleil ont pu dicter les changements climatiques des siècles passés, ce n’est plus vrai aujourd’hui. Pour la majorité des climatologues, la part du Soleil dans le réchauffement actuel n’est que secondaire face à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.Il n’empêche. Certains « climatosceptiques » s’efforcent toujours de lier activité solaire et évolution du climat... En omettant allègrement que corrélation n’est pas causalité. Reste que les variations du Soleil sont réelles, multiples, et encore largement incomprises, tout comme les mécanismes internes de notre étoile qui les commandent. Ils sont donc sujets à débats, tout comme l’influence de ces variations sur la Terre, le rôle des ultraviolets ou des rayons cosmiques dans le réchauffement actuel par exemple.

Réchauffement : le rôle dusoleil

E DOSSIer

Dossier préparé � �par �Hélène �Le �Meur � �et �Jacques-Olivier �Baruch

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hélène le Meur est journaliste à La Recherche.

W en Deux MOtS W L’activité du Soleil varie : on le sait depuis que des astronomes chinois du IV e siècle ont observé à sa surface des taches sombres qui apparais-sent et disparaissent périodiquement. La mesure précise de cette variabilité en termes d’énergie rayonnée vers la

Terre a commencé il y a une trentaine d’années seule-ment, et l’interprétation des données acquises par des satellites suscite toujours de vives controverses. Les spécialistes de l’étoile, eux, peinent aussi à en propo-ser un modèle d’évolution suffisamment complet.

Le Soleil chauffe-t-il la Terre plus ou moins qu’il y a un siècle ? Cette question motive depuis plusieurs années des observations en continu de notre étoile à l’aide de satellites, ainsi que des modélisations physiques de son fonctionnement.

L’ inconstanteactivité de notre étoile

Et si c’était lui ? Dans le contexte du réchauf-fement actuel de la Terre, le Soleil est régu-lièrement pointé du doigt : les variations de sa luminosité joueraient-elles un rôle dans l’élévation de température obser-

vée depuis un siècle, voire dans celle de ces derniè-res décennies ? Que le rayonnement solaire influence notre climat, nul n’en doute. Il apporte à la surface de la Terre plus de 99,99 % de son énergie. Invoquer sa variabilité comme source possible de changements climatiques est donc tout à fait naturel. Toute la diffi-culté est d’en préciser la part exacte. Sur les trente dernières années, les conclusions du der-nier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) publié en 2007 sont claires : l’influence du Soleil est négligeable par rap-port à celle des émissions massives par l’homme de gaz à effet de serre [1]. Dans un tout récent article, Judith Lean, du Naval Research Laboratory à Washington, qui était la responsable du groupe de travail chargé de ces questions au sein du GIEC, enfonce le clou et s’avance aussi pour le dernier siècle : « Négligeable sur les derniers vingt-cinq ans, la contribution solaire serait à l’origine de 10 % du réchauffement de ces cent dernières années [2]. » Reste qu’avant 1950 les chiffres sont encore très discu-tés : « Sur le plus long terme, la contribution du Soleil est

difficile à quantifier. Elle doit être prise en compte tout comme celle du volcanisme, qui en produisant des aéro-sols dans l’atmosphère, agit sur la température moyenne du Globe », précise Édouard Bard, du Collège de France et du Cerege, à Aix-en-Provence. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, la mesure des variations de l’activité du Soleil n’est pas une mince affaire. La difficulté des observations et la complexité de phénomènes à l’œuvre au cœur de l’étoile exacerbent les débats. Il faut dire que les incertitudes sur le fonctionnement de notre étoile font la place belle aux interrogations.

Taches sombresQue notre astre ne brille pas de manière constante, on le sait depuis plusieurs siècles. Les astronomes chinois ont repéré des zones d’ombre temporaires à la surface de l’étoile dès le IVe siècle. Et à partir de 1610, les pre-mières lunettes astronomiques braquées sur le Soleil ont suivi l’évolution de ces taches sombres, bien plus grandes que le diamètre de la Terre. Elles apparaissent et disparaissent au gré d’un cycle dont la périodicité est aujourd’hui évaluée à environ onze ans. Mais leur impact sur Terre est alors loin d’être envisagé. L’un des pionniers dans ce domaine est l’astronome de Louis XV, Jean-Jacques Dortous de Mairan. En 1730,

www.ipcc.ch [1]/ipccreports/ar4-wg1.htm

J. Lean et D.H. Rind, [2] Geophys. Res. Lett., 35, L18701, 2008.

E Sommaire1 - l’inconstante activité de notre étoile

2 - Du Soleil à la terre

3 - l’atmosphère sous ultraviolets

4 - Polémique sur les rayons cosmiques

5 - naomi Oreskes : « un discours simpliste et conservateur »

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il est le premier à établir une relation entre un phé-nomène solaire et une manifestation dans l’atmosphère terrestre. En recensant les aurores boréales observées aux moyennes latitudes, il constate que leur fréquence diminue avec le nombre de taches solaires aux environs de 1645 et augmente tout comme la quantité de taches, vers 1715 [3]. La période d’activité solaire très calme, entre ces deux dates, baptisée par la suite minimum de Maunder (du nom de celui qui l’étudia un siècle plus tard), correspond justement à un épisode de refroidis-sement sur Terre, que l’on appelle aujourd’hui le petit âge glaciaire. Depuis, cette coïncidence entre épisodes froids et cycles solaires avec peu de taches a été établie et prouve bien l’influence de notre étoile sur l’atmos-phère terrestre tout au long de la période préindustrielle. D’autant que l’on retrouve les mêmes cycles dans les archi-ves climatiques (stalagmites, carottes de glace, coraux, sédi-ments lacustres, etc.) [4].Le réchauffement actuel serait-il ainsi lié à une acti-vité croissante du Soleil ? Pour faire la part entre cette influence solaire et celle d’autres facteurs, il faut des données quantitatives précises. Or, les premières mesures systématiques du rayonnement solaire n’ont débuté qu’en 1978, avec les premières missions spatia-les conçues dans ce but [fig. 1]. Pour suivre précisément la quantité d’énergie rayonnée par le Soleil reçue par la Terre au cours du temps, il faut en effet se placer en dehors de l’atmosphère terrestre, puisque cette dernière

en absorbe une partie. Or, les variations de ce rayonne-ment solaire mesurées par différentes missions succes-sives, que les spécialistes appellent « irradiance totale » se sont révélées très petites. Tout le monde s’accorde à peu près sur une fluctuation de l’ordre de 0,1 % au cours du cycle de onze ans. La tendance à long terme, elle, est plus sujette à caution : les trente ans de don-nées ne garantiraient pas encore le recul nécessaire pour l’identifier sans ambiguïté, ouvrant la porte à de nombreuses discussions. « Les énormes enjeux ont, hélas, tendance aujourd’hui à transformer ce débat scientifique en une confrontation d’idées médiatisées, occultant ainsi la relative fragilité de ces résultats, qui reposent sur des mesures expérimentales faillibles et sur de nombreuses

hypothèses », explique Thierry Dudok de Wit, de l’université d’Orléans.Il faut dire que la reconstitu-tion de l’éclairement solaire tient vraiment du défi. Il a fallu

fusionner les données d’au moins six expériences spatiales. Résultat, les trois équipes concurrentes, suisse, belge et américaine, qui y ont travaillé obtiennent trois reconstructions différentes ! Chaque instrument ayant sa propre dérive, et chaque équipe sa façon de la corriger. Ce qui n’a pas manqué d’alimenter de vives controverses. Par exemple, à partir des deux premiers cycles mesurés, en particulier des minima de 1986 et 1997, l’équipe de Claus Fröhlich, du World Radiation Center de Davos, et de Judith Lean y voyait une évolution stable [5], tan-dis que l’Américain Richard Willson de la NASA et de l’université Columbia à New York en déduisait une augmentation annuelle de 0,005 % depuis le milieu des années 1980 [6] ! Aujourd’hui, un cycle plus tard, les dernières observations semblent donner raison à la première équipe et penchent même en faveur d’une légère diminution du rayonnement solaire, ce qui ne va pas dans le sens du réchauffement terrestre [7].

Champs magnétiquesÀ plus long terme, sur quelques siècles, la reconstruc-tion de l’histoire de l’éclairement solaire passe par des indicateurs indirects, qui reflètent l’évolution de l’acti-vité magnétique du Soleil, liée à son rayonnement. Ce sont principalement les « isotopes cosmogéniques », ces atomes comme le carbone-14, le béryllium-10 ou le chlore-36, dont la production dans l’atmosphère dépend du champ magnétique du Soleil et du champ magnéti-que d’origine interne de la Terre [8]. Pour Édouard Bard, il est fondamental de cumuler les informations de différen-tes sources : « Les mesures spatiales du rayonnement solaire sur les dernières décennies, les indicateurs géomagnétiques sur plus d’un siècle et au-delà les isotopes cosmogéniques. Étant observés sur Terre, les deux derniers sont affectés à la fois par des phénomènes terrestres et solaires, d’où

Cette Courbe représente L’éCLairement,� �c’est-à-dire �la �quantité �d’énergie �reçue � �du �Soleil �sur �Terre,� �au �cours �des �trois �derniers �cycles �solaires �(21,� �22 �et �23). �Elle �résulte �de �l’assemblage �de �mesures �réalisées �par �diverses �missions �spatiales �(en �différentes �couleurs) � �et �qui �ont �dû �être �calibrées. �La �tendance �à �long �terme �n’est �détectable �que �d’un �minimum �d’activité �solaire �à �l’autre,� �les �maxima �d’activité �étant �des �périodes �de �variations �de �forte �ampleur �à �bien �plus �haute �fréquence.

Activité solaire très calme et refroidissement de la Terre vont de pair

trente ans d’éclairement Fig.1

J.-J.D. de Mairan, [3] Traité physique et historique de l’aurore boréale, Imprimerie royale, Paris, 1733.

E. Bard et M. Frank, [4] Earth Planet. Sci. Lett., 248, 1, 2006.

C. Fröhlich et J. Lean, [5] Astron. Astrophys. Rev., 12, 273, 2004.

R.C. Willson [6]et A.V. Mordvinov, Geophys. Res. Lett., 30, 1 199, 2003.

M. Lockwood et C. [7]Fröhlich, Proc. Roy. Soc. A, 463, 2 447, 2007.

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W Le soLeiL est une grosse bouLe De gaz ionisé qui brille depuis 4,6 milliards d’années, essentiellement composée d’hydrogène et d’hélium. Son cœur, qui atteint une température de 15,5 millions de degrés, est un réacteur nucléaire stabi-lisé qui transforme l’hydrogène en hélium. C’est l’énergie produite par cette transfor-mation qui finit par rayonner à l’extérieur. Autour du cœur, dans la zone radiative (≈ 500 000 kilomètres) où le gaz est très ionisé, elle est transportée par la diffu-sion des photons produits par la fusion. Dans la zone suivante dite « convective » (≈ 200 000 kilomètres) et plus opaque, les photons progressant difficilement, les mouvements de convection prennent donc le relais pour l’évacuer. La photosphère,

couche externe très fine produit alors la lumière visible que nous recevons. À l’échelle des milliards d’années, le modèle standard, fondé sur les équations qui décri-vent la gravité, les réactions nucléaires et la physique atomique, reproduit très bien les grandes lignes de ce schéma. Mais il ne prend en compte ni la rotation de l’étoile ni son champ magnétique interne et pas plus les phénomènes des couches externes, comme les taches associées à des champs magnétiques très forts, qui relèvent de la dynamique des fluides et des plasmas. Or, pour comprendre les fluctuations du champ magnétique et donc la variabilité du rayon-nement solaire à toutes les échelles, on ne peut pas négliger ces aspects. Il faut tout intégrer dans un seul modèle. Idéalement,

il faudrait le faire en trois dimensions. Pour l’instant, on a construit plusieurs blocs qui décrivent les différentes parties. Sacha Brun, du Commissariat à l’énergie atomique, a développé un modèle de la zone convective en rotation, magnétisée [1] ou non [2], et un autre de la partie radiative [3]. La zone de transition, entre régions radiatives et convectives, la tachocline, focalise l’inté-rêt car l’interaction entre les champs magné-tiques des deux régions à ce niveau paraît déterminante. Reste donc à assembler les pièces. Entreprise ardue, mais que les pro-grès escomptés d’ici cinq ans en termes de capacité numérique devraient faciliter.

A.S. Brun [1] et al., ApJ., 614, 1073, 2004.

M. Miesch [2] et al., ApJ., 673, 557, 2008.

A.S Brun et J.-P. Zahn, A&A, 457, 665, 2006.[3]

Le Soleil en boîte

696 000 km

494 000 km

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interdisciplinarité

D’un rapport à l’autreW À quoi tient La DifférenCe entre les rapports du GIEC de 2001 et 2007, quant à l’influence de la variabilité solaire sur le climat ? Dans la recons-titution de l’évolution de l’éclairement total du Soleil prise en compte en 2001, la valeur du minimum de Maunder, période de cycles solaire très calme autour de 1700, était fondée sur un résultat obtenu en 1990 non pas sur le Soleil, mais sur un ensemble d’étoiles de type solaire [1]. Or, en 2004, ce résultat a été démenti [2]. La courbe d’évolution a donc été revue, et la variabilité déduite diminuée. C’est cette révision qui conduit à la conclusion 2007. Le climatologue Édouard Bard, du Collège de France, voit là « la preuve que, contrairement à une critique récurrente, le GIEC prend en compte des travaux d’autres spécialités, en l’occurrence d’astrophysiciens spécialistes de toutes les étoiles de type solaire ».

S. Baliunas et R. Jastrow,[1] Nature, 348, 520, 1990.

J.C.Hall et G.M. Lockwood, [2] Astrophys. J., 614, 942, 2004.

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la complexité de leur interprétation. Mais les isotopes cosmogéniques sont le seul moyen de remonter très loin, et c’est ce que nous espérons faire en analysant une nouvelle carotte de glace extraite du Dôme Talos en Antarctique. » La reconstitution de l’évolution du rayonnement total pourra donc être précisée. Cependant, si l’éclairement total du Soleil est évidem-ment le premier paramètre à analyser – entreprise déjà ardue, nous l’avons vu – l’approche paraît aujourd’hui insuffisante. Il s’agit en effet de la somme des rayonne-ments émis par le Soleil sur une vaste plage de longueurs d’onde. Or si la résultante totale évolue peu, la varia-bilité et l’impact sur Terre de chacune des composan-tes diffèrent considérablement. C’est particulièrement vrai du rayonnement ultraviolet, très important pour le climat (lire « L’atmosphère sous ultraviolets », p. 38). « Aujourd’hui, toute la subtilité du spectre lumineux du Soleil n’est pas prise en compte. C’est la prochaine étape nécessaire. De ce point de vue, la tendance du dernier rapport du GIEC à réduire à moins de 15 % l’influence du Soleil demande à être confirmée », commente Sacha Brun, spécialiste des modèles dynamiques du Soleil au Commissariat à l’énergie atomique.Une autre voie pour réussir à quantifier la variabilité

de notre étoile consiste à comprendre l’origine de ses fluctuations. Et se situe justement du côté des modè-les qui simulent les mécanismes à l’œuvre dans l’astre. Là aussi, les questions ouvertes sont légion. Quelle est l’origine des taches ? Quel est le moteur du cycle de onze ans [9] ? La dynamique interne de l’étoile génère-t-elle d’autres cycles à plus long terme ? En moins de vingt ans, la connaissance du Soleil a énormément avancé, en particulier grâce au satel-lite européen SOHO [10]. Mais force est de constater qu’aujourd’hui aucun modèle « standard » de la dyna-mique globale du Soleil n’est capable de générer de lui-même le cycle de onze ans et ses taches, ni la variation de 0,1 % du rayonnement observée. Outre la complexité du problème et les capacités limitées des calculateurs, ce constat reflète un tout autre écueil, explique Sylvaine Turck-Chièze : « Jusqu’ici la modélisation du Soleil a été réalisée par deux communautés d’astrophysiciens qui n’interagissaient pas du tout. D’un côté, ceux qui repro-duisent les grands traits de l’évolution des étoiles sur des milliards d’années au moyen d’un modèle dit standard, fondé sur les équations gérant les équilibres fondamentaux et la production et propagation de l’énergie [11]. De l’autre, ceux qui cherchent à comprendre les phénomènes de sur-face liés aux fluctuations du champ magnétique externe, comme les éruptions solaires ou les taches, se déroulant sur des heures, voire des mois ou des années [12]. Ce sont deux approches radicalement différentes. »

Mouvements superficielsLes « modèles de surface », bien plus ad hoc, n’essaient pas d’expliquer l’origine de l’activité magnétique du Soleil. Ils simulent les mouvements superficiels pour évaluer au mieux l’énergie transmise sous forme de lumière et calculer le rayonnement résultant. Ce faisant, ils retrou-vent bien la variation de 0,1 % en expliquant pourquoi, paradoxalement, les taches solaires plus sombres et plus froides conduisent à une luminosité plus grande du Soleil. En fait, elles sont combinées à des zones plus brillantes et plus chaudes, les facules, qui dominent le bilan final. En revanche, la valeur prédictive de ces modè-les est limitée. Aucun n’est capable de prévoir aujourd’hui avec certitude le prochain cycle de onze ans.En fait les deux approches ont besoin l’une de l’autre.

D’autant que si la variabilité du Soleil ne se réduit pas aux seules taches de surface, une approche globale est le seul moyen d’exhiber des processus internes capables de faire varier le rayonnement total sur des échelles plus longues. C’est toute la démarche de Sacha Brun : « Le Soleil est une étoile, il tourne, il est magnétique, et tout cela joue sur son évolution. Pour avoir une

E. Bard [8] et al., Tellus, 52B, 985, 2000.

L. Jouve L. et A.S. Brun, [9] A&A, 474, 239, 2007.

S. Turck-Chièze, [10] in Rotation of Sun and Stars, Lecture Notes in Physics 765, 121, 2008.

S. Turck-Chièze [11]et S. Talon, Adv. Space. Res., 41, 855, 2008.

P. Foukal [12] et al., Nature, 443, 161, 2006.

S. Turck-Chièze [13] et al., Experimental Astronomy 23, doi:10.1007/s10686-008-9111-z, 2008.

Cette image,� �en �coupe,� �d’une �tache �solaire �de �15 �000 �kilomètres �de �diamètre �et �de �5000 �kilomètres �de �profondeur �a �été �obtenue �par �simulation �numérique. �Seul �un �modèle �local �permet �de �reproduire �aussi �précisément �l’évolution �de �la �surface �du �Soleil. �FrOm remPeL eT AL., 2009, ASTrOPHYS. J., © AmerIcAN ASTrONOmIcAL SOcIeTY

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vision d’ensemble, tout est à intégrer dans un seul et même modèle. » Même si, pragmatique, il reconnaît qu’il faut procéder par étape et assembler les différen-tes pièces du modèle, une fois chacune validée. D’ici cinq ans, il espère avoir un premier modèle tridimen-sionnel assez réaliste. Il faudra probablement plus longtemps pour arriver au modèle vraiment complet, selon Sylvaine Turk-Chièze, mais le chemin est tracé. Et les nombreuses expériences spatiales, en cours ou à venir, qui scrutent notre étoile devraient fournir les observations nécessaires pour ajuster les modèles. Pour n’en citer que quelques-unes, le satellite SOHO observe depuis plus de treize ans en permanence le cœur du Soleil et sa région convective, le satellite japonais Hinode enregistre actuellement en détail les phénomènes superficiels. En 2009 devraient s’envoler la mission américaine SDO, qui permettra l’étude de la partie convective plus profonde, et le micro-satellite européen Picard, qui observera l’évolution du diamètre solaire. Et, encore dans les cartons, l’ambitieux projet Dynamiccs [13] de deux satellites placés en vol en formation pour sonder le Soleil du cœur à la couronne. Responsable du projet, Sylvaine Turk-Chièze réaffirme sa position de physicienne du Soleil : « Tant que l’histoire complète du champ magnétique de l’étoile n’est pas écrite, nous ne pourrons pas vraiment quantifier toute l’influence du Soleil sur la Terre et prétendre la prédire. Il y a urgence à fournir ces informations. » La « climatologie spatiale » n’est encore qu’une expression couchée sur le papier. Mais tôt ou tard, elle sera opérationnelle. Cela paraît désormais inéluctable. W W h. l. M.

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Le Soleil envoie vers la Terre des rayonnements électromagnétiques, de l’ultraviolet à l’infrarouge. Il éjecte aussi des particules, plus ou moins énergétiques et porteuses de charges électriques. Toutes ces émissions sont à l’origine d’autant de mécanismes capables d’agir sur la dynamique de l’atmosphère et sur le climat.

Du Soleil à la Terre

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Particules énergétiques

accélérées lors des éruptions solaires et dans le champ magné-tique terrestre, ces particules ionisent la haute atmosphère où elles participent à des réactions chimiques qui détruisent l’ozone.

rayonnements visibles et

infrarouges ces émissions lumi-neuses parviennent jusqu’à la surface. elles réchauffent les sols, les océans et la troposphère.

rayons cosmiques

Déviées par le champ magnéti-que et le vent solaires, ces parti-cules extragalactiques chargées ionisent l’atmosphère. ce qui pourrait favoriser la création d’aérosols, servant de noyaux de condensation autour des-quels se forment les nuages. cet effet est très controversé.

ultraviolet extrême

�ce rayonnement, dont la longueur d’onde est comprise entre 100 et 180 nanomètres, est entièrement absorbé dans l’ionosphère où il ionise l’air. Son im-pact sur le climat reste mal connu.

ultraviolet �ce rayonnement a des effets directs sur la production d’ozone dans la stratosphère. ce qui influe sur les ondes planétaires et modifie le bilan radiatif des couches inférieures.

circuit électrique

�la différence de potentiel de plusieurs centaines de kilovolts entre l’ionosphère et le sol est affectée par les particules énergétiques et peut-être par le rayonnement ultraviolet. Or, ce champ élec-trique pourrait influer sur la microphysique des nuages.

CLIMAT• II

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Orbite La forme de l’orbite terrestre (excentricité, périodes de 100 000 et 400 000 ans), l’angle entre l’équateur et l’orbite terrestre (obliquité, période de 41 0000 ans) et la précession de l’axe de la Terre (périodes de 19 000 et 23 000 ans) sont à l’origine des ères glaciaires et interglaciaires.

vent solaire Ce flot de plasma provenant du Soleil perturbe le champ magnétique terrestre. Il provoque l’accélèration des particules chargées qui se précipitent dans l’atmosphère près des pôles.

rayons cosmiques

Magnétosphère

Particulesénergétiques

rayonnements

Page réalisée avec la collaboration de Thierry

Dudok de Wit, du laboratoire de physique et chimie de l’environnement d’Orléans.

Infographie : Grégoire Cirade.

Du Soleil à la Terre

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La partie la moins intense du rayonnement solaire est aussi la plus instable dans le temps. Elle varie beaucoup au cours d’un cycle d’activité de notre étoile. Ses variations sont en outre amplifiées par la chimie de la haute atmosphère.

L’atmosphère sous ultraviolets

W en deux mots W Le rayonnement ultravio-let du Soleil ionise l’atmosphère, entraînant la production d’ozone dans la stratosphère et pro-

voquant des réactions chimiques elles-mêmes productrices de chaleur. Les modèles montrent que ces phénomènes ont des conséquences sur

la température de la haute atmosphère, mais on ne sait pas encore en quantifier les effets au niveau du sol.

Au sommet de l’atmosphère terrestre, chaque mètre carré reçoit 1 366 watts du rayonnement solaire. Depuis 1978, les instruments embarqués sur les satellites mesurent avec précision cette

« irradiance totale ». Les observations ont révélé que

cette valeur varie de 0,09 % en suivant le cycle d’ac-tivité solaire de 11 ans. Au niveau du sol, le change-ment de température induit uniquement par cette variation serait de l’ordre de 0,06 à 0,17 °C [1]. Pas suffisant pour expliquer le réchauffement climatique actuel, estiment une majorité de climatologues : il fau-

thierry dudok de Wit est professeur à l’université d’orléans. Il travaille au laboratoire de physique et chimie de l’environnement. [email protected]

Le rayonnement uLtravioLet �est, �pour � �l’essentiel, �absorbé �par �les �couches �supérieures �de �l’atmosphère, �où �il �déclenche �des �réactions �

chimiques, �en �particulier �la �production �d’ozone.

CLIMAT• III

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drait une variation d’irradiance deux ou trois fois plus importante pour expliquer la variation simultanée de la température observée au sol. Pourtant, comme les données climatiques, en particulier la température, varient elles aussi selon l’activité solaire, il est clair que le Soleil joue un rôle non négligeable sur le cli-mat. Par quel mécanisme ?Première constatation : la faible variation de l’irra-diance totale cache des modulations beaucoup plus fortes suivant la gamme de longueurs d’onde que l’on considère. Bien que les composantes infrarou-ges et visibles représentent la quasi-totalité de l’irra-diance totale, leur amplitude relative reste très faible sur un cycle solaire. En revanche, la variation relative des émissions ultraviolettes, qui ne représentent que 7 % de la puissance totale, est beaucoup plus grande. Elle avoisine les 2 % à 300 nanomètres et dépasse 100 % au-dessous de 100 nanomètres, dans l’ultra-violet extrême [fig.1]. Malgré leur faible intensité, ces émissions ultravio-lettes ont des effets sensibles sur l’atmosphère, au moins sur des échelles de temps de l’ordre de la jour-née. On les observe lors d’éruptions solaires toujours accompagnées d’un fort accroissement du rayon-nement ultraviolet. Les communications radio sont alors perturbées, et les signaux GPS sont brouillés par l’échauffement de l’ionosphère qu’induit le rayonne-ment ultraviolet. De plus, les satellites les plus proches de la Terre perdent de l’altitude par frottement avec la haute atmosphère, preuve que celle-ci se dilate [2], donc se réchauffe.

Répercussions au solCes effets observables des émissions ultraviolettes ont amené certains climatologues à se demander si la grande variabilité de ce rayonnement ne pouvait expliquer les modifications climatiques passées, ou une part du réchauffement actuel. Pour en savoir plus sur ces questions, ils ont recours aux modèles atmosphériques de circulation générale. Ces der-niers, toujours en cours de développement, permet-tent de simuler l’évolution des paramètres météoro-logiques (vents, température, …) à l’échelle du Globe en incluant de nombreux mécanismes physiques et, depuis peu, chimiques. Le principal défi de ces modèles est de pouvoir expli-quer dans quelle mesure une variation du rayon-nement ultraviolet peut avoir des répercussions jusqu’au niveau du sol. Car, contrairement aux émissions solaires visibles et infrarouges qui sont essentiellement absorbées par la troposphère et la surface, la composante ultraviolette n’atteint qu’en partie les basses couches atmosphériques. Les lon-gueurs d’onde inférieures à 180 nanomètres sont principalement absorbées dans l’ionosphère, au-delà

de 90 kilomètres d’altitude. Les longueurs d’onde supérieures sont davantage absorbées dans la stra-tosphère, typiquement entre 20 et 50 kilomètres. Les ultraviolets y ionisent les gaz et y dissocient les molécules de dioxygène et de diazote par photolyse, entraînant des réactions chimiques en chaîne qui libèrent de la chaleur. Certaines d’entre elles jouent un rôle fondamental : elles produisent de l’ozone. C’est ce mécanisme de production de l’ozone qui est intégré par les modèles de circulation générale qui prennent en compte le rayonnement ultraviolet du Soleil. Il a été proposé dès 1994 par Joanna Haigh, de l’Imperial College de Londres [3]. Elle a alors décrit comment la présence de l’ozone stratosphéri-que affecte les plus basses couches atmosphériques. Comme l’ultraviolet parvient plus intensément

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J. D. Haigh, [1] Living Reviews in Solar Physics, 4, 2007.

J. Lilensten [2] et al., Annales Geophysicae, 26, 269, 2008.

J. Haigh, [3] Nature, 370, 544, 1994.

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sous les tropiques, l’ozone est principalement généré vers l’équateur, mais sa concentration s’ho-mogénéise car il est transporté vers les plus hautes latitudes par les vents stratosphériques. Mais, phé-nomène plus important dans l’étude du réchauffe-ment climatique, il modifie aussi le bilan radiatif de la troposphère en absorbant le rayonnement visible et infrarouge. Certains modèles intègrent également les réactions chimiques que l’ultraviolet provoque par photolyse. Par ses travaux pionniers, Karin Labitzke, de l’uni-versité libre de Berlin, a montré que la chaleur que les réactions chimiques libèrent affecte la propagation des ondes planétaires*, modifiant ainsi la circulation générale de l’atmosphère [4].

Mesures continuesAfin de paramétrer les modèles qui prennent en compte ces mécanismes et évaluer leur réalisme, les climatologues doivent s’appuyer sur des don-nées fiables et continues sur le flux de rayonnement ultraviolet du Soleil. Or, nous n’en disposons que depuis peu. Comme il est en grande partie absorbé par l’atmosphère, il a fallu en effet attendre la mise au point d’instruments embar-qués dans des satellites. En 1977, le travail de mesure a pu débuter avec l’américain Atmospheric Explorer-E. Mais ses instruments ne mesuraient que des portions du spectre ultraviolet. Ce n’est que depuis 2002, avec le satellite américain TIMED, que le spectre entier a enfin pu être mesuré sans interruption. Ces données sont aujourd’hui récoltées par le satellite SORCE (Solar Radiation and Climate Experiment) et bien-tôt par Solar Dynamics Observatory, le successeur de l’européano-américain SOHO. Quant aux variations du flux ultraviolet à long terme, les seules indications proviennent d’indices indirects concernant l’irradiance totale. Il s’agit du nombre de taches solaires, des variations journalières du champ magnétique terrestre ou des radio-isotopes cosmogé-niques tels que le carbone-14 et le béryllium-10 (lire « L’inconstante activité de notre étoile », p. 31). Les incertitudes y sont très grandes. De plus, sans savoir si la part des émissions ultraviolettes dans l’irradiance totale a varié au cours des siècles, il est très difficile d’en tirer des conclusions sur le flux. Manque de recul dans les données récentes, ignorance des variations du flux à long terme... On se rend bien compte de nos difficultés pour évaluer le change-ment de température induit au niveau du sol. C’est pourquoi les modèles n’intègrent pas directement le flux ultraviolet mais un paramètre différent, l’indice décimétrique f10.7. Cette variable représente la puis-

sance émise par le Soleil à la longueur d’onde radio de 10,7 centimètres. C’est un traceur commode de l’ac-tivité solaire : il est mesuré quotidiennement depuis 1947 à partir du sol, et cela, indépendamment des conditions météorologiques, alors que la mesure du rayonnement total nécessite différents instruments complexes embarqués dans les satellites. Mais son uti-lisation, au lieu du rayonnement ultraviolet lui-même, crée une approximation préjudiciable au réalisme des modèles. Un autre problème lié aux modèles est qu’ils considèrent l’atmosphère comme une succession de couches indépendantes, telles des pelures d’oignon. Ils se concentrent sur les premiers 15 à 20 kilomètres et ne permettent donc pas une prise en compte correcte des interactions entre les différentes couches.Malgré ces défauts et incertitudes, les derniers modèles qui prennent en compte les réactions sur l’ozone et les réactions chimiques liées aux émissions ultraviolettes du Soleil ont clairement révélé un impact sur le climat. Ils ont montré qu’une augmentation du flux ultraviolet conduit, en moyenne, à une hausse de la température

dans la stratosphère et dans la troposphère, avec cependant de fortes disparités en fonction de la latitude et de l’altitude.Il est cependant encore préma-turé de se servir de ces modè-

les pour quantifier la hausse de la température au sol que l’ultraviolet induit. En effet, malgré une amé-lioration continue, ils prédisent des concentrations en ozone dont la concordance avec les observations reste insatisfaisante, tant en amplitude qu’en distri-bution spatiale [5]. Conclusion provisoire : même si son impact est encore incertain, la grande variabilité du rayonnement ultraviolet du Soleil reste un bon candidat à l’action de notre étoile sur le climat. Néanmoins une forte majorité de scientifiques, ainsi que le Groupe d’ex-perts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), considèrent que cette contribution solaire est aujourd’hui devenue secondaire face aux autres effets, naturels et anthropogènes.Il n’empêche que, même mineure, la contribution du Soleil est réelle. Pour comprendre les mécanismes en jeu et affiner les résultats, il faudra lever les différents obstacles scientifiques dont nous venons de parler. Une autre pierre d’achoppement est d’ordre structu-rel : au sein du GIEC, le traitement de la composante ultraviolette est partagé entre deux groupes diffé-rents, l’un traitant des influences externes du climat et l’autre des modèles de circulation. Ce découpage est à l’image des nombreuses barrières qui entravent le dialogue entre communautés scientifiques. Il explique en partie la place discrète occupée par le Soleil dans les rapports du GIEC. W W t. d. de W.

*Les �ondes �planétaires � �ou �ondes �de �Rossby �sont �des �perturbations � �de �grande �échelle � �qui �affectent �l’atmosphère. �

Les derniers modèles ont établi un impact du flux ultraviolet sur notre climat

K. Labitzke, [4] GRL, 14, 535, 1987.

J. Austin [5] et al., JGR, 113, D11306, 2008.

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Plus le champ magnétique solaire est intense, moins il y a de nuages sur Terre. Ce phé-nomène, fondé sur des mécanismes indirects, a été ces dix dernières années au centre de vifs débats sur la corrélation du flux de rayons cosmiques et du réchauffement actuel.

Polémique sur les rayons cosmiques

Ce sont des protons et d’autres parti-cules électriquement chargées prove-nant de l’extérieur du système solaire. Ces « rayons cosmiques » sont pour la plupart déviés par le champ magnéti-

que solaire. Ceux qui parviennent malgré tout dans l’atmo sphère terrestre entrent en collision avec des molécules d’oxygène et d’azote. Ce faisant, ils produi-sent une cascade de particules plus légères et ionisent ainsi l’atmosphère, essentiellement vers 12 à 15 kilo-mètres d’altitude. Or les ions ainsi formés pourraient favoriser la formation d’aérosols qui, eux-mêmes, servent de noyaux de condensation autour desquels se forment les nuages.La baisse du flux de rayons cosmiques diminuerait donc la quantité de nuages renvoyant la lumière du Soleil. La

surface terrestre recevant plus de rayonnement solaire, la température de l’atmosphère augmenterait. Ce scé-nario expliquerait-il l’augmentation de température observée pendant le siècle dernier sur Terre ?En juillet 1997 deux Danois, Henrik Svensmark et Eigil Friis-Christensen, déclarèrent qu’en effet la couverture nuageuse de la Terre variait avec le rayonnement cosmique [1]. Afin d’étayer leur affir-mation, Henrik Svensmark et Eigil Friis-Christensen avaient comparé la variation du flux de rayons cosmiques, mesuré indirectement par des moniteurs à neutrons au sol, et celle de la couverture nuageuse au-dessus des océans, déduite des données recueillies par les satellites météorologiques par l’International Satellite Cloud Climatology Project (ISCCP). Entre juillet 1983 et août 1994, les deux courbes semblaient bien corrélées [fig. 1].

Nuages basEn 2000, utilisant eux aussi les données ISCCP, Enric Pallé Bagó et C. John Butler, de l’Armargh Observatory en Irlande, démontraient que la corrélation était maxi-male si l’on ne considérait que les nuages bas, dont l’altitude est inférieure à 3,2 kilomètres, dans la zone intertropicale [2]. Henrik Svensmark et Nigel Marsh, éga-lement à l’Institut de recherche spatiale danois, confir-mèrent aussitôt cette importance des nuages bas.D’autres données de l’ISCCP devenant disponibles, Henrik Svensmark et Nigel Marsh publièrent ensuite, en 2003, une nouvelle courbe de la couverture de nua-ges bas sur la période 1983-2001 [fig. 1], allongeant selon eux la période de corrélation avec le flux de rayons cos-miques [3]. Ces analyses furent fortement critiquées.

W en deux mots W en 1997, la couverture nuageuse de la Terre est corrélée avec le flux de rayons cosmiques qui inonde notre planète.

ces derniers favoriseraient en effet la formation d’aérosols propices à la condensation de l’eau atmosphérique. Une baisse de ce flux serait

donc responsable du réchauffement actuel. mais après dix ans de controverse, cette hypo-thèse ne compte plus beaucoup de partisans.

Jacques-olivier Baruch est journaliste à La Recherche.

H. Svensmark [1]et E. Friis-Christensen, J. Atmosph. Solar-Terr. Phys., 59, 1225, 1997.

E. Pallé Bagó [2]et C. J. Butler, Astronomy & Geophysics, 41, 4.18, 2000.

N. Marsh [3]et H. Svensmark, Space Sci. Rev., 107, 317, 2003.

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Les données sur la couverture nuageuse étaient très imprécises. Quand seul un canal dans l’infrarouge est utilisé, les imageurs à bord des satellites géostation-naires ne peuvent pas distinguer les nuages bas de la surface terrestre, car le contraste entre les deux est trop faible. De plus, le signal renvoyé par les nuages bas est similaire à celui des cirrus fins de haute altitude [4]. On pouvait donc les confondre. En outre, l’incertitude sur les données (de 1 % à 3 %) était du même ordre de grandeur que la variation mesurée. Enfin, la durée d’observation n’était pas suffisante.Un autre problème concernait le traitement des données. En effet, dans leur article de 2003, Henrik Svensmark et Nigel Marsh arguèrent d’une mauvaise calibration des satellites géostationnaires entre 1994 et 1995 pour appliquer une correction ad hoc aux données postérieures sur les nuages. Aujourd’hui, les données ISCCP, disponibles de juillet 1983 à juin 2007, ont été prudemment recalibrées jusqu’en juin 2005 [5]. Aucune corrélation n’est plus visible après 1994 entre les courbes du flux de rayons cos-miques et de la couverture nuageuse [fig. 2].

Variation tropicaleCette année, Terry Sloane, de l’université de Lancaster, et Arnold Wolfendale, de l’université de Durham, ont analysé les résultats des Danois sous d’autres angles [6]. Comme le flux de particules cosmiques arrivant sur Terre dépend de la force du champ magnétique du Soleil, il varie sur un cycle solaire. Mais davantage aux pôles (50 %) qu’à l’équateur géomagnétique (5 %). On s’attendrait alors que la plus forte variation de la cou-verture nuageuse se produise aux hautes latitudes. Or c’est sous les tropiques que les Danois la trouvent.Terry Sloane et Arnold Wolfendale se sont aussi appuyés sur d’autres variations du flux de rayons cosmiques : celles, sporadiques, qui se produisent lors des brusques éjections de matière solaire. Ces événe-ments dits de Forbush conduisent à des diminutions du flux de rayons cosmiques de 10 % à 20 % en quel-ques jours. Leur avantage est que leur étude ne dépend pas des incertitudes sur les données satellitaires à long terme telles que les défauts de calibration ou la lente déviation des satellites sur leur orbite. Résultat : Terry Sloane et Arnold Wolfendale évaluent à seulement 23 % la probabilité qu’il existe un lien étroit entre le flux de rayons cosmiques et la couverture nuageuse.L’hypothèse de Henrik Svensmark est-elle donc à rejeter ? Il est clair que la variation du flux de rayons cosmiques liée à celle de l’activité du Soleil n’explique pas le réchauffement climatique constaté ces derniè-res années. Cependant, tout n’est pas vain dans cette polémique. Elle a permis d’attirer de nombreuses équipes sur la question de la formation des nuages, dont le rôle peut être important vis-à-vis des varia-

tions du climat. Il faut en effet approfondir le rôle de l’ionisation. L’idée qu’un milieu ionisé favorise la formation d’aérosols n’est pas nouvelle. Elle avait déjà été utilisée en 1911 par Charles Wilson quand il avait inventé la chambre à brouillard pour ses étu-des sur les ions. Aujourd’hui l’étude des traînées de condensation des avions permet de commencer à quantifier cet apport de l’ionisation à la formation des nuages. Fangqun Yu et Richard Turco, de l’uni-versité de New York, ont développé un modèle dans lequel croissent des groupes d’aérosols moléculai-res de ces traînées de condensation. Ils ont montré qu’une augmentation du taux d’ionisation de 25 % accroît de 4 % la quantité d’aérosols d’acide sulfu-rique et d’eau qui peuvent former des noyaux de condensation [7]. L’altitude à laquelle ces aérosols se concentrent serait comprise entre 4 et 7 kilomètres, au-dessus des nuages bas décrits par les Danois.D’autres résultats sont attendus des expériences. Cloud, qui sera menée au CERN à partir de 2009, consiste à observer comment un flux de protons, simulant les rayons cosmiques, forme des aérosols dans une chambre à bulles. W W J.-o. B.

C. Stubenrauch[4] et al., J. of Climate, 12, 3 419, 1999.

http://isccp.giss.nasa [5].gov

T. Sloane [6]et A. Wolfendale, Environ. Res. Lett.,3, 024001, 2008.

F. Yu et R. P. Turco, [7]J. Geophys. Res., 106, 4 797, 2001.

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LA RECONSTITU-TION �actuelle �du �flux �de � rayons �cosmiques � (en �rouge) �et �de � la �couverture �nua-geuse �(en �bleu) �ne � laisse �appa-raître � aucune �corrélation. �

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CLIMAT•V

La RecheRche : Quel regard portez-vous sur le débat concernant le rôle du

Soleil dans le réchauffement climatique ?

Naomi oReSkeS : Personne ne conteste que le Soleil joue un rôle clé dans le cli-mat terrestre. La question est de savoir si ce facteur

peut expliquer le réchauf-fement observé depuis un siè-cle. À l’évidence, ce n’est pas l’avis de la très grande majo-rité de la communauté scien-

tifique. Cette idée a été explorée

en détail :

n’oublions pas que c’est une des premières questions que les climatologues se sont posées lorsque s’est enga-gée la discussion sur le changement climatique à la fin des années 1980. Dès le début, une part énorme de l’effort scientifique a été consacrée à démêler l’im-portance relative des différents facteurs (Soleil, gaz divers, aérosols…) susceptibles de modifier le climat. Cet effort ressort clairement de la lecture des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évo-lution du climat (GIEC), qui sont particulièrement détaillés sur ces questions. Dans l’état présent des connaissances, il apparaît que la composante solaire de l’actuel réchauffement est très minoritaire (de l’or-dre de 10 %) par rapport aux gaz à effet de serre et à la déforestation, autrement dit aux phénomènes liés à l’action de l’homme. Il faut souligner que, depuis le début de ce débat, nous avons accumulé beaucoup de données sur la question, en particulier celles four-nies par les satellites depuis les années 1970. Et, rap-port après rapport, l’importance prédominante des activités humaines est confirmée.

comment expliquez-vous alors la persistance de cette discussion ?Naomi oReSkeS : La communauté scientifique n’exclut pas, bien sûr, la possibilité qu’un nouveau mécanisme, par lequel l’activité solaire influerait davantage sur le climat, soit découvert un jour. Mais rien de convain-cant n’a pour l’instant été proposé en la matière, et

Les « climatosceptiques » mettent en cause pêle-mêle l’ampleur du réchauffement climatique et la responsabilité de l’homme. Pourquoi le rôle prépondérant du Soleil est-il leur argument favori ?

Naomi Oreskes : « Un discours simpliste et conservateur »

W eN deux motS W Depuis la fin des années 1980, des groupes très organisés défendent l’idée que le Soleil est le premier responsable

de la hausse de la température moyenne du Globe. Ils s’appuient sur les incertitudes de la science climatique pour entretenir le doute.

Pour l’essentiel, ces critiques émanent d’allian-ces entre des idéologues ultralibéraux et des industriels émetteurs de dioxyde de carbone.

Naomi oreskes, historienne des sciences de la terre, dirige le département « culture, arts et technologie » à l’université de californie à San diego.

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Naomi Oreskes : « Un discours simpliste et conservateur »

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aucune tendance pluridécennale en matière de rayon-nement solaire n’a encore été établie. Pour moi, plus que d’une réalité scientifique, la persistance de ce débat résulte d’une stratégie de communication des « climatosceptiques ». Ces derniers martèlent une explication simpliste qui se résume à dire : « C’est la faute du Soleil ». Et ils la réactivent périodiquement soit à la lumière de nouvelles données, soit, à défaut, en recyclant d’anciens résultats. De tels propos ne sont pas systématiquement réfu-tés par les auteurs des conclusions du GIEC. Vous savez, les scientifiques ne sont pas forcément très portés sur la communication ; ils ont ten-dance à penser qu’en produi-sant périodiquement un rap-port ils ont fait tout ce qui était de leur ressort pour informer le public de l’état des connaissances. Or, même les parties du rapport du GIEC destinées à « Monsieur Tout-le-monde » sont assez techniques et indigestes. En tant qu’historienne des sciences de la Terre, je consacre toute ma vie pro-fessionnelle à comprendre ces débats. Je peux vous dire que c’est difficile et que cela demande beaucoup de travail ! Quand les « climatosceptiques » viennent tout mettre sur le compte du Soleil, ils font le pari que cette idée simpliste marquera davantage les esprits que le message plus complexe des scientifiques.

Vous semblez penser que les « climatosceptiques » sont très organisés.Naomi oReSkeS : En tout cas aux États-Unis ils le sont !

Et ce depuis l’émergence du débat climatique, vers la fin des années 1980. Ils ont des stratégies de commu-nication très élaborées, très efficaces ; ils travaillent dur pour comprendre le fonctionnement des médias, pour former leurs porte-parole à argumenter efficacement ; ils sont bien financés et depuis longtemps, ils ont des contacts dans la presse, au Congrès, publient des bro-chures, achètent du temps d’antenne à la radio et à la télévision, organisent des conférences et des ateliers. J’ai étudié l’une de leurs principales organisations, le George Marshall Institute, particulièrement inté-

ressante de ce point de vue. Il s’agit d’un « think tank » influent, fondé par un émi-nent physicien, Frederick Seitz (décédé en mars 2008), qui avait présidé l’Académie des

sciences américaine. Frederick Seitz a travaillé dans les années 1970 et 1980 pour le cigarettier R. J. Reynolds : il était chargé de diriger un programme de recher-che contestant le lien entre la cigarette et le cancer du poumon. L’argumentaire développé à l’époque avait pour objectif d’accréditer l’existence d’un « doute rai-sonnable » afin d’empêcher toute réglementation. En substance, le message était que les faits n’étaient pas prouvés, que personne ne savait au juste ce qu’était le cancer, que les études établissant un lien entre cancer et tabac avaient des défauts méthodologiques et qu’il fallait plus de recherches avant d’agir. Cette straté-gie a été très efficace parce qu’elle contient évidem-ment une part de vérité : oui, le cancer est une mala-die complexe avec énormément d’inconnues, que

Les parties du rapport du GIEC pour Monsieur Tout-le-monde sont assez indigestes

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nous sommes aujourd’hui encore loin d’avoir entièrement réduites. Il était donc tout à fait légitime de réclamer davan-tage de recherche. Néanmoins le but réel n’était pas de faire avancer la science mais de permettre à Reynolds de se défendre devant les tribunaux. C’est cette stratégie qui a pratiquement été reprise telle quelle pour semer le doute sur le réchauffement climatique.

mais quelles sont, selon vous, les motivations de ces « climatosceptiques » ?Naomi oReSkeS : On les a souvent assimi-lés à des porte-parole du lobby pétrolier, mais mes recherches montrent que les choses sont plus compliquées. L’affaire prend en réalité naissance à la fin de la guerre froide, avec la constitution d’un groupe de physiciens, souvent issus du projet Manhattan, regroupés précisément autour de Frederick Seitz. Lui était phy-sicien des solides, mais il y avait aussi un astrophysicien, des physiciens nucléaires, etc. Tous ces scientifiques, très anticom-munistes et conservateurs, se considé-raient comme des soldats de la liberté et se sont en quelque sorte retrouvés « sans ennemi » avec la chute du mur de Berlin. Ils ont perçu la montée des préoccupa-tions environnementales et la tendance à une plus grande réglementation qui en découlait comme un recyclage de l’idéologie commu-niste, une menace pour le marché libre. Pour eux, les écologistes étaient des cryptocommunistes : des « rou-ges repeints en vert », selon leur expression. Du coup ce groupe a été en pointe contre l’idée du réchauffe-ment climatique, mais aussi sur d’autres sujets liés à l’environnement : ils ont contesté l’existence des pluies acides, par exemple, ou celle du trou dans la couche

d’ozone. On ignore par exemple souvent que Sallie Baliunas, une astrophysicienne « climatosceptique » très impliquée dans le George Marshall Institute, avait auparavant contesté le lien entre les chlorofluocarbu-res (CFC) et le trou d’ozone… Et elle est l’auteure de nombreux articles attribuant le réchauffement cli-matique à la variabilité solaire ! L’industrie des com-bustibles fossiles, principalement Exxon Mobil mais

Pour en savoir Plus

Livres et articlesW E. Nesme-Ribes et G. Thuillier, Histoire solaire et climatique, Belin, 2000.W J. D. Haigh, M. Lockwood et M. S. Giampapa, The Sun, Solar Analogs and Climate, Springer Verlag, 2004.W P. Lantos, Le Soleil en face : le Soleil et les relations Soleil-

Terre, Dunod, 1997.W J. Lilensten et J. Bornarel, Sous les feux du Soleil, EDP Sciences, 2001.W J. Haigh, The Sun and The Earth Climate, www.livingreviews.org/lrsp-2007-2W E. Bard et M. Frank, Earth and Planetary Science Lett., 248, 1, 2006.

W S. Turck-Chièze et P. Lambert, Adv. Space. Res., 40, 907, 2007.

Les Dossiers de La RechercheW Le Soleil, Hors Série n° 15, avril 2004.W Le risque climatique, n° 17, novembre 2004.W Le défi climatique, n° 31, mai 2008.

Les sites WebW http://tinyurl.com/65zgmq Les présentations du colloque 2008 Soleil-climat du Collège de France.W http://lpce.cnrs-orleans.fr/~ddwit/climat/ Bibliographie réalisée par Thierry Dudok de WitW www.lesia.obspm.fr/~malherbe/Soleil/films/index.html Des images fixes et animées du Soleil

�Les missions d’observation du Soleil :W http://soho.esac.esa.int/W www.isas.jaxa.jp/e/enterp/missions/hinode/index.shtmlW http://sdo.gsfc.nasa.gov/W http://smsc.cnes.fr/PICARD/Fr/

L’InDuStRIe DeS CombuStIbLeS FoSSILeS a souvent été désignée comme principal opposant au consensus sur les causes du réchauffement clima-tique. L’analyse historique montre que c’est un peu plus compliqué.

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aussi l’industrie du charbon, ont ensuite financé géné-reusement le Marshall Institute. Au fond il y a eu une alliance entre des idéologues et des gens qui défen-daient leurs parts de marché.

en France, le débat sur le Soleil a connu un rebondissement récent, avec en particulier un vif affrontement public entre le scientifique et ancien ministre claude allègre et la commu-nauté des climatologues. S’agit-il du même phénomène ?Naomi oReSkeS : Le « climatoscepticisme » est une réa-lité politico-sociale complexe où de multiples proces-sus sont à l’œuvre. Il y a un phénomène assez courant, qu’illustre bien, aux États-Unis, le cas de Freeman Dyson, un physicien célèbre. Il s’agit de scientifiques âgés, qui ont eu énormément de succès à l’apogée de leur carrière et qui à présent reçoivent de moins en moins d’attention. Adopter des positions iconoclas-tes sur des sujets sensibles leur permet de continuer à bénéficier d’une certaine existence médiatique et scientifique. Au fond de tout cela il y a surtout, à mon avis, un désir irrépressible d’être sous les feux de la rampe. Je connais Claude Allègre, parce qu’étant géo-chimiste de formation j’ai étudié précisément dans son domaine d’expertise. Pour moi, il s’inscrit dans cette catégorie.

mais d’autres que lui défendent l’idée que la variabilité solaire ou le rayonnement cosmique ont été sous-estimés.Naomi oReSkeS : Il existe également des scientifiques qui aiment avoir la posture de l’opposant ; ils se font l’avocat du diable, ferraillent seuls contre tous, et sans doute d’ailleurs croient-ils honnêtement contribuer de cette façon à faire avancer la science. En France, ce profil correspond sans doute à celui de Vincent Courtillot, directeur de l’Institut de physique du Globe de Paris. Il a été au cœur d’un débat animé sur la cause de l’extinction des dinosaures, il y a quel-ques années. Face à l’idée dominante selon laquelle il s’agissait d’un impact d’astéroïde, Vincent Courtillot a toujours été un « sceptique », attribuant l’extinction à un épisode volcanique. Au plus vif du débat, même s’ils n’emportaient pas l’adhésion, ses arguments étaient respectés. Il s’agissait en effet d’un sujet sur lequel il avait travaillé toute sa vie et qu’il connais-sait remarquablement bien. D’ailleurs une partie de la discussion est toujours ouverte, et son hypothèse sera peut-être un jour confirmée, totalement ou en partie. Sur les questions climatiques, il semble désor-mais adopter la même attitude, mais il connaît beau-coup moins bien ce domaine. Et la dernière discus-sion que j’ai eue avec lui, lors d’un colloque à Londres, me conforte dans l’idée que, tout comme Claude Allègre, il n’a tout simplement pas assez travaillé sur le sujet pour que ses critiques soient crédibles. W W Propos recueillis par Yves Sciama

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