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ÉDITO

2 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

L’apiculture est confrontée à de nombreux défis. Elle doit faire face au déclin de production que l’on observe depuis 20 ans, même si 2015 a permis d’enrayer au moins momentanément la baisse. Les leviers d’actions sont multiples. À commencer par mieux organiser et professionnaliser le sanitaire et en particulier la lutte contre varroa. Mais aussi objectiver les données technico-économiques pour mieux structurer la filière, produire des données scientifiques pour mieux comprendre les différents aspects du phénomène de déclin qui touche le cheptel et élaborer des recommandations pour les exploitations. Il s’agit également d’établir des références indiscutables pour faire évoluer la législation sur l’utilisation des pesticides. Et, bien sûr, de continuer de dialoguer avec le monde agricole pour permettre une meilleure prise en compte de la nécessaire protection des pollinisateurs.Largement encouragé par le Plan de développement durable de l’apiculture, l’ITSAP-Institut de l’abeille a poursuivi les tra-vaux engagés ces dernières années et ouvert de nouveaux chantiers sur des questions essentielles pour l’avenir de la filière : – lancement de l’étude à grande échelle des effets non intentionnels des produits antiparasitaires utilisés en élevage bovin et ovin ; – construction de l’observatoire des mortalités et des alertes chez l’abeille, qui doit devenir l’outil de surveillance de l’état du cheptel ;– réalisation d’un test inter laboratoires pour valider la méthode du vol de retour et la proposer à l’OCDE afin d’améliorer les procédures d’homologation des pesticides ;– consolidation de l’observatoire des résidus de pesticides pour permettre à l’ITSAP de participer à la phytopharmacovigi-lance, et donc à l’évaluation des pesticides après leur mise en marché ;– étude de la miellée de tournesol pour identifier les facteurs expliquant la baisse de production de miel de tournesol ;– lancement de projets de sélection d’abeilles résistantes à Varroa en utilisant les outils modernes de la génétique ;– consolidation du réseau d’exploitations de références pour produire des indicateurs économiques fiables et reconnus pour caractériser la filière ;– aborder les sujets de controverse scientifique, technique ou sociétale : comment se préparer à l’arrivée éventuelle d’Aethina tumida sur le territoire, qu’en est-il de l’éventuelle compétition entre abeilles mellifères et abeilles sauvages, faut-il piéger ou non les fondatrices de frelon asiatique …– …

En six années d’existence seulement, l’ITSAP-Institut de l’abeille a largement pris sa place dans la filière apicole, dans le monde de la recherche et des instituts techniques agricoles. Le pas de temps du travail des scientifiques et des techniciens s’accorde parfois difficilement avec les questions pressantes qui remontent du terrain. Cependant, l’ampleur et la portée des travaux entrepris par l’Institut nous permettent d’espérer apporter aux exploitations et à la filière des réponses aux problèmes complexes qu’elles connaissent.

Jean-Yves Foignet Président

Ce compte rendu d’activité est l’opportunité de faire le bilan des travaux réali-sés au cours de l’année 2014-2015. C’est aussi l’occasion d’illustrer l’apport de l’ITSAP-Institut de l’abeille et de son réseau d’ADA dans la compréhension et la résolution des problématiques que la filière apicole doit affronter.

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SOMMAIRE

COMPTE-REN2014/2015

ITSAP – INSTITUT DE L’ABEILLE

4 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

8 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

PANORAM ITSAP – INSTITUT DE L’ABEILLE

PANORAMA

JANVIER

L’ADARA et l’ITSAP-Institut de l’abeille ont organisé une journée technique le 27 janvier 2015 à Lyon sur le thème : “Élevage et sélec-tion : un enjeu fort pour l’apiculture”.Environ 130 participants, essentiellement des apiculteurs professionnels et des techniciens apicoles, sont venus assister à cette journée, moment privilégié d’échanges autour d’inter-ventions techniques et scientifiques sur les problématiques apicoles actuelles : Quelle place pour la sélection dans le Plan de développe-

MARSÉTUDE ÉPIDÉMIOLOGIQUE SUR L’EFFET DE PRODUITS VÉTÉRINAIRES SUR LES COLONIES

Suite aux phénomènes de mortalités hiver-nales de colonies d’abeilles survenus dans les Pyrénées, l’hypothèse d’une intoxication par des médicaments antiparasitaires ou par des biocides utilisés en élevage a été avancée. La Direction générale de l’Alimentation du minis-tère chargé de l’Agriculture a décidé de mettre en place une étude épidémiologique longitudi-nale pour explorer les effets non intentionnels des produits biocides et antiparasitaires utilisés en élevage sur la santé des colonies d’abeilles.Menée par l’ITSAP-Institut de l’abeille en lien avec l’INRA d’Avignon et l’ANSES, l’étude BAPESA est conduite sur deux régions : l’Ariège et la plaine de la Crau, en PACA. Dans chacune de ces deux zones, 80 colonies d’abeilles de même origine ont été installées et font l’objet d’un suivi hebdomadaire depuis le 1er juillet et ce jusqu’à la sortie de l’hiver, et ceci pendant deux ans. Tous les acteurs de terrain ont été impliqués dans l’établissement du protocole : représentants des apiculteurs et associations régionales de développement apicole, GDS France et GDS concernés, SNGTV, services déconcentrés… Les résultats sont attendus pour décembre 2017.

FÉVRIER3E JOURNÉES DE LA RECHERCHE APICOLE

Sous le haut patronage du ministère chargé de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et en partenariat avec FranceAgrimer, l’ITSAP-Institut de l’abeille a organisé les 4 et 5 février 2015 les 3e Journées de la recherche apicole.

Rendez vous annuel pour les acteurs de la filière apicole et de la communauté scienti-fique, ces journées ont permis de présenter les résultats des travaux menés par l’ITSAP-Institut de l’abeille et par les équipes de chercheurs. Elles sont l’occasion de faire le point sur des questions d’actualité et d’échanger avec les apiculteurs sur les problématiques qu’ils ren-contrent dans la gestion de leurs exploitations.

Elles ont réuni une trentaine de chercheurs et plus de 250 personnes autour des thématiques suivantes :– ressources des pollinisateurs ;– épidémiologie et surveillance des colonies ;– impact de l’environnement et du climat sur l’abeille ;– santé de l’abeille.

Dix-sept conférences et dix-neuf posters scientifiques ont été présentés et discutés. Un café des Sciences a également réuni une centaine de personnes, pour échanger avec des représentants professionnels des apiculteurs et des représentants de la communauté scien-tifique, sur les besoins, les perceptions et les traitements scientifiques de la problématique du déclin des abeilles.

JUINPOURSUITE DU PLAN DE DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L’APICULTURE

Le 19 juin 2015, Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a publié un bilan du PDDA lancé en 2013. Il a par ailleurs annoncé la poursuite de ce Plan pour 2 ans en le recentrant sur les axes les moins aboutis. Il a également appelé la profes-sion à se structurer autour d’une interprofes-sion et à s’engager autour d’objectifs partagés avec une véritable stratégie de filière destinée à la demande du consommateur tant sur les volumes que sur l’origine.

ment durable de l’apiculture ? Quelles sont les dernières avancées et les travaux en cours concernant la génétique de l’abeille ? Des exemples concrets d’implication des apiculteurs de Rhône-Alpes dans des réseaux de testage ou des groupes de sélection ont été présentés. Enfin, une table ronde que le thème “Quels dispositifs d’aide technique en élevage pour les exploitations ?” a été organisée. La synthèse de la journée est disponible sur le site internet de l’Institut.

JOURNÉE TECHNIQUE ÉLEVAGE ET SÉLECTION

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A 2015

Axel Decourtye est intervenu le 3 juin 2015 dans le cadre des débats organisés au Pavillon France à l’exposition universelle de Milan. Son intervention portait sur les controverses qui ont suivi la publication de Henry et al. (2012), sur la perturbation du retour à la ruche des butineuses en contact avec des cultures de colza traitées au thiaméthoxame. Il était également interrogé sur la progression de la démarche établie par l’UMT PrADE pour répondre à ces controverses.Le manque de pertinence des questions posées par les scientifiques face aux attentes des citoyens est souvent un sujet de controverse. Ici, ce n’était pas le cas, probablement parce

JUILLETAPPELS À PROJETS : 100 % DE RÉUSSITE POUR L’INSTITUT

Les trois projets proposés par l’ITSAP-Institut de l’abeille aux appels à projets CASDAR ont été retenus. Ainsi, à partir de 2016, vont démarrer le projet DURAPI sur la durabilité des exploita-tions apicoles au regard de leurs stratégies de renouvellement de cheptel, le projet MOSAR sur les méthodes et outils pour sélectionner des abeilles résistantes à Varroa, et le projet “jeune chercheur” IODA pour la réalisation d’une base de données rassemblant les données issues des expérimentations de l’Institut et de son réseau.

SEPTEMBREUN VOLUME DE PRODUCTION À LA HAUSSE EN 2015Après une baisse constante de la production depuis plusieurs années, qui a atteint son niveau le plus bas en 2014 avec une estima-tion de l’ordre de 12 000 tonnes, les premiers chiffres pour 2015 se montent autour de 18 000 tonnes. Les conditions au printemps ont permis de retrouver des niveaux de pro-duction satisfaisants sur colza, acacia notam-ment. Même si elles ne représentent pas des volumes importants, certaines miellées, telles le sapin ou la luzerne, ont été exceptionnelles. Seule la miellée de tournesol, première miellée française, pose problème avec des rendements à la ruche divisés par deux depuis vingt ans.

NOVEMBRE NÉONICOTINOÏDES ET ABEILLES : LA DÉSORIENTATION DES INDIVIDUS CONFIRMÉE EN PLEIN CHAMP ; LA COLONIE ADAPTE SA STRATÉGIE

Les résultats d’une nouvelle étude publiés le 18 novembre 2015 dans la revue Proceedings of the Royal Society B. confirment en plein champ les résultats obtenus en laboratoire sur les risques de désorientation des abeilles exposées au traitement des semences de colza au thiaméthoxame. Menée par l’INRA, Terres Inovia, le CNRS, l’ITSAP-Institut de l’abeille et l’ACTA, l’étude révèle que la proximité des parcelles traitées diminue l’espérance de vie des butineuses. En réponse à cette surmortalité, les colonies modifient leur stratégie de production de couvain de façon à privilégier le renouvè-lement des ouvrières. Cette étude soulève de nouvelles pistes de recherches pour l’évaluation des risques toxicologiques sur le terrain.

Le point de départ de ce nouveau travail est une double recommandation de l’Anses suite aux premiers résultats publiés en 2012 dans la revue Science par Henry et al. concernant les effets toxiques des insecticides néonico-tinoïdes : d’une part, vérifier ou infirmer en conditions d’exposition réelles, au champ, l’im-pact de la pratique d’enrobage des semences avec certains insecticides sur la mortalité des abeilles pollinisatrices et d’autre part, préciser ses effets sur les performances des colonies, données souvent absentes des évaluations précédentes.L’expérimentation s’est déroulée sur un terri-toire de 200 km2 où une partie des parcelles de colza ont été traitées par enrobage de semences au thiaméthoxame. Cette pratique étant proscrite en France depuis 2012 par principe de précaution, un accord du ministère de l’Agriculture a été nécessaire. Au total, pour les deux années 2013 et 2014, 280 ha (41 parcelles) de colza traité ont ainsi été cultivés. Dix‐huit ruches expérimentales ne présentant aucun symptôme imputable à des parasites ou maladies ont également été placées à travers ce territoire, en prenant soin de créer un gradient de niveaux d’exposition aux parcelles traitées. Dans cet environnement expérimental grandeur nature, le destin de 7 000 abeilles a été retracé grâce à des micropuces RFID collées sur leur dos. En plaçant des capteurs électroniques à l’entrée de leurs ruches, les chercheurs ont pu étudier leur espérance de vie en fonction de l’exposition au traitement des cultures.

que la question de l’impact des insecticides néonicotinoïdes sur le vol de retour à la ruche des butineuses a été posée par les apicul-teurs eux-mêmes, suite à des dépopulations de ruches à proximité de cultures traitées. La critique sur les travaux menés a porté sur l’absence d’une gamme de doses testées et la controverse concernait la représentativité des résultats obtenus.Axel Decourtye a présenté la démarche poursuivie par le consortium scientifique pour apporter des réponses à ces critiques et aux questions soulevées. Une étude complémen-taire a permis d’établir une relation dose-ré-ponse sur le vol de retour à la ruche (Henry et al., 2014). Cinq doses comprises entre 0,42 et 2,39 ng par abeille ont été testées (quan-tifiées par analyse chimique). Une deuxième étude de grande envergure a été menée pour vérifier si les résultats obtenus avec des abeilles contaminées en laboratoire étaient vérifiés avec une contamination au champ. Les résultats de ces travaux ont été publiés en novembre (voir ci-après information du mois de novembre).

L’ITSAP-INSTITUT DE L’ABEILLE AU PAVILLON FRANCE À L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE MILAN

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L’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation - Institut de l’abeille a pour objectif de concourir au développement de l’apiculture à travers la recherche appliquée, l’assistance technique et économique, l’animation, la diffusion et la valorisation des résultats de la recherche, ou encore la formation. Il conduit les actions décidées par les professionnels de la filière apicole. Ses travaux traduisent les attentes et préoccupations prioritaires du terrain.

L’ITSAP-Institut de l’abeille a également pour vocation de coordonner au niveau national les travaux de recherche et d’expérimentation menés en apiculture. Il fédère en son sein les associations régionales de développement apicole (ADA) et les groupements spécialisés, regroupés dans le Comité du réseau du dévelop-pement apicole (CRDA). Ainsi, il s’appuie sur le réseau des ADA, qui mettent en œuvre les expérimentations techniques sur le terrain a. Ce réseau couvre pratique-ment tout le territoire français, y compris l’île de La Réunion, et représente environ 32 ETP (ingénieurs et techniciens), avec une disparité selon les régions, en fonction de l’antériorité des structures, du nombre d’apiculteurs professionnels et l’impor-tance de l’apiculture régionale. Ce travail d’animation du réseau est essentiel car il permet un partage des expériences, une harmonisation des procédures et une mutualisation des savoir-faire.

a Voir organisation de l’institut et structures affiliées dans le dernier chapitre

ÊTRE AU SERVICE DE LA FILIÈRE APICOLE

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La communauté scientifique s’accorde pour considérer que la mortalité des abeilles trouve son origine dans la combinaison de plusieurs facteurs (pathogènes, ravageurs, pesticides, diminution de la biodiversité florale, variations climatiques...). Les recherches actuelles se basent sur des approches pluridisciplinaires prenant en compte les éventuels effets en cascade, voire les synergies, entraînés par les divers facteurs de pression, afin d’analyser et de comprendre les mécanismes aboutissant à l’affaiblissement ou à la mortalité des colonies.

Il est indispensable de développer les connais-sances et les moyens nécessaires pour se prémunir et lutter contre les facteurs de pression affectant les colonies. Parmi ceux-ci, Varroa destructor reste un élément-clé de l’état sanitaire des colonies.L’ITSAP-Institut de l’abeille participe au déve-loppement de projets de recherche appliquée, en particulier dans le cadre de l’UMT PrADE, afin de :– mieux comprendre les cas d’affaiblissement et de mortalité hivernale des colonies au travers de la mise en place d’observatoires de ruchers ;– tester de nouvelles méthodes de lutte (entre autres contre Varroa destructor et le frelon asiatique, Vespa velutina).

PRÉSERVER LE CHEPTEL APICOLE DES BIOAGRESSEURS

L’ITSAP-Institut de l’abeille participe au développement de protocoles (efficacité des médicaments vétérinaires, méthodes de lutte contre les bioagresseurs) et coordonne les expérimentations réalisées par des ADA afin de mutualiser les moyens mis en œuvre, de consolider les résultats et de mieux valoriser et diffuser les connaissances et les références acquises dans le réseau.Enfin, l’ITSAP-Institut de l’abeille apporte son expertise et s’implique dans les réseaux de santé animale (Réseau français de la santé animale, plateforme d’épidémiosurveillance, Groupe expert apicole du CNOPSAV, groupe de travail de la DGAL sur Vespa velutina et sur Aethina tumida).

RÉDUIRE LA MORTALITÉ

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RÉALISER ET CONSOLIDER LES ESSAIS SUR LE TERRAIN

L’Institut a également participé au dépôt à l’appel à projet de recherche de l’Agence nationale de la recherche (ANR) du projet BeeH@ppy. Porté par l’INRA d’Avignon (Laboratoire Biologie et Patho-logie de l’abeille et Laboratoire de Toxicologie Environnementale) en partenariat avec l’ANSES (Sophia Antipolis), le Centre de Recherche sur le Médicament (CERMN) de Caen, l’Université d’Albi (VacBio), Véto-pharma (laboratoire de

Varroa destructor : tester de nouveaux traitements pour améliorer les moyens de lutte

L’ITSAP-Institut de l’abeille a abordé ce point essentiel pour la profession au moyen de la coordination d’essais de terrain réalisés dans différentes régions par les ADA, sur la base de protocoles communs permettant de consolider les résultats obtenus sur chaque site.

pharmacie vétérinaire) et l’ITSAP, ce projet a comme objectif de caractériser la résistance des populations de Varroa aux acaricides amitraze et tau-fluvalinate en France. In fine, l’objectif est de produire des outils de diagnostic et rechercher in silico de nouvelles molécules potentiellement acaricides tout en considérant leur effet sur les abeilles.

SANTÉ DU CHEPTEL .//. PRÉSERVER LE CHEPTEL APICOLE DES BIOAGRESSEURS

20 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

Pour l’action 1, l’étude a été mise en œuvre sur des ruchers en circuit de production par l’ADAAQ, l’ADAPI, l’ADARA et la Chambre régionale d’agriculture d’Alsace en déterminant pour chaque rucher la miellée d’été visée, et en adaptant le calendrier de l’étude aux particulari-tés régionales.Cette étude comprend au final 8 ruchers, soit 90 et 120 colonies respectivement pour les lots “acide oxalique” et MAQS®, en comparaison avec des lots non traités (soit 120 colonies).Après avoir déterminé aléatoirement trois lots de 15 colonies sur chaque rucher, les traitements réalisés ont été les suivants : i) trois applications d’une solution d’acide oxalique (40 g/l de sirop) entre fin avril et début juin et ii) emploi du MAQS® (acide formique) début juin, soit un mois avant la miellée d’été visée, en comparaison avec iii) un lot de colonies non traitées. Les dates ont été adaptées aux circuits de production selon les régions et les miellées, en particulier en Aquitaine où la miellée visée était la bruyère callune. Dans les trois autres régions (Langue-doc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Rhône-Alpes), la miellée visée était la miellée de lavande.Les variables mesurées comprenaient : i) l’évolu-tion de la pression parasitaire par la mesure de la charge en varroas phorétiques (lavage d’un échantillon d’abeilles) au cours de la saison ; ii) l’évaluation de la population des colonies à l’arrivée des colonies sur la miellée d’été et au moment de la récolte par description visuelle au moyen de la méthode Coleval ; et iii) le gain de poids des colonies et leur performance (pesée de la récolte) lors de la miellée d’été ainsi que l’analyse des résidus (acide oxalique et acide formique) dans le miel récolté en juillet.

TEST DE NOUVEAUX MÉDICAMENTS (ALUEN CAP® ET HIVE CLEAN®) ET DE TRAITEMENTS EN COURS DE SAISON (ACIDE OXALIQUE ET MAQS®) : ESSAIS 2015-2016

En 2015, les essais de lutte anti-varroa mis en place ont été axés sur deux actions indépendantes mais complémentaires :– Action 1 : tester des traitements en saison en comparant l’effet de deux moda-lités de traitement avant la miellée d’été sur la pression parasitaire, les perfor-mances des colonies et la qualité du miel produit lors de la miellée d’été ; – Action 2 : tester deux nouveaux médicaments anti-varroa, l’Aluen CAP® et le Hive Clean®, pour calculer leur efficacité et l’évolution des populations d’abeilles suite à leur emploi, en comparaison avec un traitement de référence Apilife var®.Ces essais coordonnés ont été financés par FranceAgriMer.

Au moment de la rédaction de ce rapport d’acti-vité, les données de trois des quatre structures partenaires transmises représentent des popula-tions de 90 colonies par modalité (acide oxalique, MAQS® ou témoin) sur six ruchers expérimen-taux et réparties à part égales entre ruches Dadant et Langstroth. L’ensemble des données n’ayant pas été recueillies à ce jour, l’analyse des résultats fera l’objet d’un rapport diffusé lors du premier trimestre 2016.L’action 2 consistait à tester un nouveau médica-ment nommé “Aluen CAP®”, développé à l’ini-tiative d’un groupement technique d’apiculteurs argentins, avec l’appui de la recherche publique et actuellement en cours de fabrication indus-trielle. Ce médicament est composé de lanières de cellulose imprégnées d’acide oxalique, ce qui permet une libération prolongée de la substance active avec une durée d’application préconisée de 6 semaines.D’autre part, certaines ADA ont testé le traite-ment Hive Clean® de la société autrichienne Bee Vital, composé d’acides organiques (oxalique, formique et citrique) ainsi que d’extraits de pro-polis au moyen de 3 applications hebdomadaires de 15 ml de la solution liquide instillée directe-ment sur les abeilles situées entre les cadres de couvain.

Ces traitements ont reçu une autorisation d’em-ploi en Agriculture Biologique dans leurs pays de fabrication respectifs. Un lot de colonies traitées avec l’Apilife var® constituait un traitement de référence. Selon les modalités testées, les ruchers expérimentaux étaient ainsi constitués de deux à trois lots de 10 colonies tirées aléatoirement. Cet essai a été mis en œuvre sur les ruchers expérimentaux du GIE Bretagne, de l’ADAAQ (Aquitaine), de l’ADAM (Midi-Pyrénées), de l’ADAPRO LR (Languedoc-Roussillon), de l’ADAPI (Provence-Alpes-Côte-d’Azur) et de l’ADARA (Rhône-Alpes) et concernait, selon les lots, 60 ou 30 ruches pour respectivement les lots Aluen CAP® ou Apilife var® d’une part, et Hive clean® d’autre part. Les variables mesurées permettront de calculer l’efficacité, le nombre de varroas résiduels et l’infestation pour chaque colonie, ainsi que l’évolution de la charge parasitaire obtenue par le lavage d’un échantillon d’abeilles réalisé avant et à l’issue du traitement testé. De la même façon, est suivi l’état des colonies par leur description visuelle au moyen de la méthode Coleval avant et à l’issue du traitement testé, et par la pesée des ruches.Les analyses des résultats réalisées par l’ITSAP-Institut de l’abeille seront interprétées fin janvier 2016 avec les ADA ayant participé à l’essai avant d’être diffusées lors de journées techniques des ADA ou dans des articles publiés dans les revues apicoles. Un compte rendu complet des expéri-mentations sera aussi disponible en ligne sur le site de l’ITSAP-Institut de l’abeille.

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L’objectif du projet PROBEE, piloté par l’INRA d’Avignon, est de tester l’effet de l’apport de probiotiques à base de bactéries d’acide lactique (élément majeur de la flore intestinale des abeilles) sur l’état sanitaire des abeilles et des co-lonies, notamment sur leur tolérance au varroa. Pour cela, les apports en probiotiques, produits et développés par l’Université de Lund (Suède), ont été réalisés en 2014 sur deux lots de ruches : soit dans le courant de la saison, soit pour pré-parer la mise en hivernage, en comparaison avec un troisième lot ne recevant pas de probiotiques. Deux cas de figure ont été considérés : un rucher traité en conventionnel et un autre selon des pratiques de traitement AB, dans l’hypothèse où les acides organiques peuvent avoir un effet sur la flore intestinale des abeilles.L’ITSAP-Institut de l’abeille est en charge de la mise en œuvre des expérimentations et les réalise avec l’ADAPI (obtention des ruchers, application des traitements, suivi des colonies, et les prélèvements). Les analyses pathologiques, physiologiques et transcriptomiques sont réali-sées par l’INRA d’Avignton (Unité de recherches 406 Abeille et environnement), qui pilote le projet.

IMPACT DES PROBIOTIQUES SUR LA RÉSISTANCE AU VARROA ET LA SANTÉ DES COLONIES D’ABEILLES DOMESTIQUES - ANNÉE 2 DU PROJET PROBEE

Actuellement, plusieurs traitements sont disponibles pour lutter contre le Varroa. Cependant, ils comportent des risques de contamination des produits de la ruche, peuvent affecter la santé des abeilles et ne sont pas efficaces à 100 %. Les équipes de recherche s’intéressent donc à des moyens naturels permettant, en complé-ment de la lutte contre Varroa, de renforcer le système immunitaire des abeilles.

Sur chacun des ruchers (AB ou conventionnel), deux lots de 20 ruches ont été créés aléatoire-ment au printemps 2014. Sur chacun des deux ruchers, les probiotiques (LAB) ont été appliqués chaque mois sur un lot de vingt colonies en comparant leur devenir avec l’autre lot de vingt colonies “placebo” (application de la même solu-tion sur les abeilles mais sans probiotiques).Les observations (méthode ColEval) et les prélè-vements d’abeilles ont été réalisés chaque mois par les équipes de l’INRA (Biologie et patholo-gies de l’abeille), l’ADAPI et l’ITSAP-Institut de l’abeille. À la fin de la saison, avant la réalisation des traitements anti-varroas, un troisième rucher a été intégré à l’étude avec pour chaque lot de vingt colonies deux applications de LAB ou de placebo dans le mois. Les analyses biomoléculaires sur la vitellogé-nine ont été réalisées par l’équipe de l’INRA Biologie et pathologies de l’abeille. L’évolution de la population des ruches (ColEval) et de la pression en varroas phorétiques a été obtenue par l’ADAPI respectivement après saisie des éva-luations réalisées lors des visites régulières d’une part, et à partir du lavage des abeilles prélevées, d’autre part.

Les résultats n’ont pas montré de différence entre le lot traité LAB et le lot témoin, aussi bien pour les évaluations Coleval (nombre d’abeilles, surface de couvain ouvert et fermé, et réserves en miel et en pollen) que pour la pression para-sitaire (nombre de varroas pour cent abeilles), et ce, sur les trois ruchers en suivi.En 2015, le protocole expérimental a été modifié par le comité de pilotage pour tester l’apport des probiotiques dans une situation de développement précoce de l’infestation en varroas, c’est-à-dire sur des essaims de l’année en développement.Le mode d’application a également été modifié pour l’adapter aux pratiques apicoles, en faisant un nourrissement stimulatif. Au lieu d’une installation entre les cadres, directement sur les abeilles, en faible quantité (360 mL/mois), les apports ont été effectués lors des nourrisse-ments, dans un sirop dilué (0,5 kg/L) appliqué tous les 10 jours pendant deux mois, puis tous les mois pendant quatre mois. La concentration en sucre du sirop utilisé pour les apports a été limitée pour ne pas perturber le dé-veloppement des micro-organismes probiotiques. Deux ruchers ont été suivis selon le même pro-tocole d’observations et de prélèvements qu’en 2014, comparant deux lots de colonies “traitées LAB” et “témoins” afin de mesurer l’impact des probiotiques sur leur dynamique de développe-ment et leur pression parasitaire. Les analyses seront réalisées au cours de l’hiver 2016, mais un premier retour d’expérience a mis en évidence des cas de mortalité importante d’abeilles noyées dans le nourrisseur couvre-cadre concordant avec une fermentation du sirop apporté, phénomènes qui remettent en cause ce mode d’apport, en particulier lors d’une miellée.

RéférencesProjet : FEAGA 2013-2016Pilote du projet : C. Alaux, INRA – UR406 Abeilles et Environnement / UMT PrADEPartenaires : ITSAP-Institut de l’abeille, ADAPI, Université de Lund (Suède), Université de Gent (Belgique).

22 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

Face à cette situation, V. velutina a été classé en décembre 2012 comme un danger sani-taire de deuxième catégorie pour l’apiculture, puis en janvier 2013, comme espèce exotique dont l’introduction est interdite. Les ministères chargés de l’Agriculture et de l’Environne-ment, à l’origine de ce double classement, ont alors réuni un groupe de travail, constitué de différents acteurs de la filière. Ceux-ci ont défini les actions à mettre en œuvre dans le cadre du

PROTÉGER LE RUCHER DU FRELON ASIATIQUE

Le frelon asiatique V. velutina (Lepeletier, 1836) génère depuis 2005, année de sa première détec-tion, une pression croissante sur le cheptel apicole français. Un premier programme national de recherche (MNHN5; INRA ; CNRS ; IRD) a permis, entre 2007 et 2011, d’améliorer les connaissances relatives au comportement de cet insecte. En parallèle, des initiatives de développement et de mise en œuvre de moyens de lutte opérationnelle (piégeages, destruction de nids) se sont progressi-vement multipliées au niveau local. Cependant, le manque de coordination entre ces différentes actions n’a pas permis d’aboutir à des préconisations claires et uniformes en matière de lutte.

Lutter contre le frelon asiatique Vespa velutina

plan de prévention, surveillance et lutte, présenté au printemps 2013 dans une note de service9. Au sein de ce groupe de travail, l’ITSAP-Institut de l’abeille a été chargé du recensement des méthodes de lutte, de leur évaluation et de la diffusion d’informations.

SANTÉ DU CHEPTEL .//. PRÉSERVER LE CHEPTEL APICOLE DES BIOAGRESSEURS

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ÉVALUATION DES MÉTHODES DE PIÉGEAGE

Les caractéristiques des méthodes de piégeage de protection du rucher restent à ce jour insuffisamment connues. Le développement de ces méthodes, majoritairement mené de façon empirique, a permis l’émergence rapide d’outils de lutte opéra-tionnels. Cependant, l’abondance et la diversité des préconisations souffrent d’un manque d’évaluation chiffrée de leurs efficacité et sélectivité.

– protéique à base de chair de poisson mixée et diluée à 25 % (modalité D-Pois),– protéique commercial ACTO (modalité D-Acto).

Dans les Alpes-Maritimes, les captures de chaque modalité de piégeage ont été mesurées du 8 septembre au 28 novembre 2014. En Haute-Ga-ronne, elles ont été mesurées du 24 septembre au 24 novembre 2014, avec une interruption entre le 31 octobre et le 12 novembre. Les captures réalisées avec ces modalités, disposées simultanément et dans des conditions identiques sur des ruchers d’essai, ont été comparées.

Les quantités capturées par jour et le niveau de pression exercé par V. velutina se sont révélés très variables selon les ruchers. Comme en 2013 (Decante, 2014 ), les effectifs de V. velutina capturés en Haute-Garonne, sur le site de Pibrac et de Labarthe-sur-Lèze, sont notoirement bas (moyennes inférieures à 0,09 et 2,5 V. velutina/jour respectivement, contre 9,1 et 4,5 V. velutina/jour sur les deux sites des Alpes-Maritimes). Se basant sur l’hypothèse d’un retard de développe-ment des nids de V. velutina et d’une modifi-cation du comportement de prédation, déjà formulée en 2013, ces données ont été exclues de la suite de l’analyse.

Les dispositifs de piégeage D-Pois, D-VeP et VeP-VeP présentent à la fois les plus fortes attractivi-tés pour V. velutina (voir figure 1) et des niveaux de sélectivité élevés vis-à-vis des insectes non cibles. Pour enrayer précocement la fréquenta-tion de ruchers par V. velutina, la modalité D-Pois est la plus intéressante. Cette modalité piège moins d’A. mellifera et de V. crabro. Cependant l’appât (poisson frais) requiert un renouvelle-ment fréquent (au minimum tous les trois jours) et soigné (nettoyage méticuleux de la portion du piège contenant l’appât) et sa préparation “artisanale” est fastidieuse (broyage en frais et congélation). L’appât protéique D-Acto, qui a été testé car il possède l’avantage d’être prêt à l’emploi, n’a pas donné satisfaction comme solution alternative.

La modalité associant le piège et l’appât de Véto-pharma (VeP-VeP) présente une forte attractivité pour V. velutina (voir figure 1), mais plus tard dans la saison. Par ailleurs, la bonne conservation de l’appât Veto-pharma permet de ne renouveler l’appât qu’une fois par semaine en automne (sauf température élevée). Par contre, cette modalité présente une faible sélectivité vis-à-vis d’A. mellifera et de V. crabro, et le volume de la chambre de piégeage trop limité peut rendre le piège inopérant en moins d’une semaine.La modalité associant le piège dôme et l’appât Véto-pharma (D-Vep) possède une efficacité tout aussi tardive et légèrement inférieure à la moda-lité précédente (VeP-VeP), et l’appât possède de même une bonne capacité de conservation. De plus, cette modalité piège moins d’A. mellifera et la chambre de piégeage du piège dôme est plus grande que celle du piège Véto-pharma.

Efficacité des modalités de piégeage au rucherCette étude a été menée dans 49 ruchers, répartis pour moitié dans un rayon de 35 km autour de Toulouse, et pour l’autre moitié, dans une zone de 20 km de large longeant le littoral des Alpes-Maritimes. Les ruchers appartiennent très majoritairement à des apiculteurs de loisir tet comprenaient entre quatre et treize ruches. Le bon état sanitaire et de développement des ruches suivies ainsi que la présence d’une reine en ponte ont été vérifiés par les techniciens de l’ADAM et de l’ADAPI préalablement au début des mesures.

Les rares évaluations disponibles se sont concentrées sur la quantité d’insectes capturés (V. velutina et insectes non cibles), sans mesurer l’impact sur la préservation ou le rétablissement de l’activité de butinage des colonies.Devant la nécessité d’adjoindre au plan de prévention des préconisations précises de pié-geage et de protection du rucher, l’ITSAP-Institut de l’abeille s’est vu confier l’élaboration et la réalisation d’un protocole d’évaluation compa-rative de ces méthodes. En 2013, une première évaluation, articulée autour de deux dispositifs de mesure distincts, a été menée entre août et novembre 2013 en région Midi-Pyrénées, en collaboration avec l’ADAM (cf. Rapport 2014 ITSAP-Institut de l’abeille).En 2014, l’attractivité, la sélectivité et l’effica-cité des modalités de piégeage retenues par le groupe de travail national sur V. velutina ont été comparées par un dispositif expérimental coordonné par l’ITSAP-Institut de l’abeille. Sa mise en œuvre a été réalisée en Haute-Garonne par l’ADAM, avec la participation du GDSA 31 et du Syndicat d’apiculture méridionale (SAM), pour constituer le réseau de ruchers. Dans les Alpes-Maritimes, le même dispositif a été mis en œuvre par l’ADAPI, avec la participation du GDSA 06 et du CIVAM apicole des Alpes-Maritimes. Compte tenu du niveau de pression de V. velutina très faible en Haute-Garonne, l’essentiel des résultats obtenus est basé sur les mesures effectuées dans les Alpes-Maritimes.

Attractivité et sélectivitéLe premier dispositif visait à évaluer de façon comparative l’attractivité de pièges pour le frelon asiatique et leur sélectivité vis-à-vis des insectes non-cibles. Les modèles de pièges et les types d’appâts correspondent à ceux retenus en concer-tation avec le groupe de travail MAAF-MEDDE :– piège et appât commercial Véto-pharma (modalité “VeP-VeP”) ;– piège dôme associé avec les appâts suivants :

– sucré Véto-pharma (modalité D-VeP),– sucré à base de bière (modalité D-BiSu),– sucré à base de sirop de nourrissement pour abeille (modalité D-Siro),

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Convaincu qu’un partage des informations est un prérequis à une construction collective de la lutte, il a été décidé d’employer la modélisation d’accompagnement (méthode ARDI pour : Acteurs, Ressources, Dynamiques, Interactions) afin de stimuler la participation des acteurs dans l’élaboration de scénarios de lutte contre A. tumida. La méthode ARDI a été appliquée lors d’entre-tiens individuels avec des acteurs concernés par la problématique (apiculteurs, organisations sanitaires, administration, recherche et dévelop-pement) et au cours d’un atelier collectif regrou-pant des acteurs de la région Aquitaine.En effet, depuis l’arrivée du frelon asiatique, les acteurs locaux sont sensibilisés aux consé-quences de l’introduction d’un nouveau bio-agresseur et les conditions pédoclimatiques de cette région sont potentiellement favorables à l’acclimatation et l’implantation d’A. tumida en France. D’autre part, la section apicole de l’Organisme à vocation sanitaire (OVS), nouvel acteur régional issu de la réforme du sanitaire, était en cours de construction dans cette région.

Visions individuelles et collective des acteurs impliquésLors des interviews individuelles, huit acteurs sont perçus comme majeurs dans la lutte : les apicul-teurs ou leurs syndicats, la DDPP, la recherche publique, les structures d’appui technique apicole, ainsi que des structures sanitaires. Pour l’ensemble des interviewés, les apiculteurs jouent un rôle primordial dans la gestion des risques liés à l’arrivée du petit coléoptère des ruches en France. Les deux premières ressources citées sont d’ordre financier et les connaissances scientifiques sur A.tumida (biologie – morphologie), mais aussi les médias d’information, les connaissances tech-niques (symptômes et épidémiologie), les colonies d’abeilles, les moyens humains et la formation.

ANTICIPER UNE NOUVELLE CRISE SANITAIRE

Depuis la description en septembre 2014 d’adultes et de larves d’Aethina tumida dans des colonies d’abeilles de Calabre puis en Sicile, la filière apicole s’inquiète quant aux risques d’introduction sur le territoire français. Le petit coléoptère des ruches est classé en danger sanitaire de première caté-gorie en France. Il était nécessaire de connaître les besoins et les attentes des différents acteurs et d’identifier leurs rôles dans la limitation du risque d’arrivée sur le territoire du petit coléoptère des ruches. L’expérience des pays où il est maintenant installé permet d’optimiser le système de surveil-lance, mais aussi d’anticiper les moyens de lutte et les changements de pratiques apicoles, néces-saires en cas d’implantation. L’ITSAP-Institut de l’abeille a donc mené une étude prospective sur les risques liés à l’arrivée d’Aethina tumida en France.

Aethina tumida, le petit coléoptère des ruches – Quels sont les risques face à ce nouveau danger sanitaire ?

Les dynamiques citées sont majoritairement éco-nomiques. Elles sont par exemple i) la capacité à changer de pratiques apicoles (transhumance ou non, production de reines ou d’essaims à destination de l’export ou du marché interne, ii) la mise en place de mesures d’aides financières pour que les exploitations apicoles s’adaptent à la présence du parasite (aide à la construc-tion d’une chambre froide, achat de pièges).

Ces dynamiques sont également d’ordre social avec, par exemple, le respect des règles relatives aux échanges et notamment de l’interdiction d’importer du matériel apicole depuis des zones infectées. Enfin, certaines dynamiques sont éco-logiques : les services de pollinisation attendus par le monde agricole risquent de ne pas pouvoir être assurés.

Catégorie d’acteur Accent mis sur :

Structures d’appui technique apicole (ADA, GIE, ITSAP)

_ la surveillance sanitaire– le contrôle des échanges commerciaux de matériel apicole– la formation des apiculteurs et leur information– les moyens de lutte contre le parasite

Apiculteurs élus (syndicat et ADA) _ la recherche de moyens de lutte contre le parasite– la transmission de l’information entre les acteurs– la sensibilisation des acteurs aux conséquences qu’aurait la perte du “statut indemne” pour la France

– Structures sanitaires locales et nationale– Vétérinaires praticiens– Vétérinaires d’organisations sanitaires locales ou nationales– Élus d’organisations sanitaires locales

– la surveillance sanitaire– la police sanitaire– le contrôle– l’information– le plan de lutte collectif

Administration (DGAl et services déconcentrés)

– le contrôle des échanges transfrontaliers d’abeilles– la surveillance sanitaire– l’organisation du sanitaire– la transmission des informations

Recherche publique - Scientifiques – la surveillance sanitaire– la formation– la transmission de l’information

Industriels commercialisant du matériel apicole

– les aides financières– les moyens de lutte– l’amélioration des connaissances sur le parasite– la diffusion d’informations

Priorités des actions selon les acteurs interviewés

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Cette étude prospective visait, dans un premier temps, à identifier le point de vue de différentes parties prenantes concernées par les risques liés à l’arrivée du petit coléoptère des ruches en France. La représentation de la problématique des représentants du monde apicole (apiculteurs, techniciens/ingénieurs de la recherche et du développement) exprime leur pessimisme sur la capacité des procédures actuelles à détecter l’arrivée d’Aethina tumida et à enrayer sa diffu-sion sur le territoire. Cette vision a été confirmée de façon plus consensuelle par l’atelier collectif en région Aquitaine qui a identifié le besoin d’améliorer le plan de surveillance en tenant compte des moyens disponibles mais aussi de la mobilisation effective des acteurs (agents des DDPP, mais aussi apiculteurs à la base de la surveillance actuelle).Pour améliorer le dispositif actuel, les repré-sentants de l’administration et des structures sanitaires soulignent que les apiculteurs doivent mieux respecter la réglementation (déclaration des ruchers, des échanges commerciaux et des maladies réglementées) et mieux accepter les plans de lutte collective. Les apiculteurs, quant à eux, identifient les éléments qui doivent être améliorés pour qu’ils mobilisent plus les réseaux

CONCLUSIONS DE L’ÉTUDE

officiels : complexité ; manque de disponibilité et de compétences dans les services déconcentrés de l’état ; manque de transparence, de pédago-gie et de retours ; indemnisation inexistante ou insuffisante ; mesure de destruction du cheptel inadaptée et traumatisante.Pour ces différentes raisons, les représentants du monde apicole avouent ne pas croire à la déclaration des apiculteurs auprès des services dé-concentrés de l’Etat dans le cas où ils découvrent A. tumida dans leurs colonies ni à l’efficacité de la politique d’éradication, se référant à l’expérience d’implantation de Varroa destructor sur le terri-toire français et en Europe. Ils se posent des ques-tions sur les modalités de transition de la politique d’éradication actuellement promue pour limiter la dissémination du parasite sur les territoires, vers une politique d’accompagnement des apiculteurs pour gérer un problème sanitaire établi.La poursuite de la structuration de la filière apicole par la construction d’une interprofession a été soulignée lors de l’atelier en région. D’après les échanges, cette instance permettrait de fixer les grandes stratégies souhaitées par la filière : lutter uniquement par la somme de mesures appliquées chez chaque apiculteur, ou également par des plans de lutte collective.

“Détecter et limiter l’infestation par le petit coléoptère des ruches : quels sont les moyens employés aux États-Unis ?”

Le petit coléoptère des ruches est une menace pour les colonies d’abeilles mellifères et l’apicul-ture. Les adultes et les larves se nourrissent du pollen, du miel et du couvain d’abeille. Même si les colonies peuvent contenir leur infestation, les larves d’Aethina tumida souillent le miel et provoquent sa fermentation, le rendant ainsi impropre à la consommation. Les apiculteurs des États-Unis vivent avec ce ravageur depuis plus de quinze ans. Les apiculteurs français peuvent donc bénéficier de leur expérience pratique afin d’envisager quelles devront être les modifications des pratiques apicoles permettant de faire face à son arrivée. La gestion du petit coléoptère néces-sitera d’associer plusieurs approches, dans la ruche, au rucher et à la miellerie pour limiter son développement. Ces différentes approches ainsi que les recommandations de bonnes pratiques à mettre en œuvre sont abordées dans la fiche technique intitulée ”Détecter et limiter l’infes-tation par le petit coléoptère des ruches : quels sont les moyens employés aux États-Unis ?” disponible sur le site www.itsap.asso.fr

28 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

DISPOSER D’OUTILS DE MESURES ET DE CRITÈRES DE SURVEILLANCE STANDARDISÉS

DÉFINIR LA FORCE D’UNE COLONIE AVEC LA MÉTHODE COLEVAL : UN OUTIL EN COURS DE STANDARDISATION

Améliorer la santé du cheptel apicole suppose d’une part, d’être en mesure d’évaluer cette santé selon des caractéristiques reconnues et reproductibles, et d’autre part, d’être capable d’identifier les facteurs ayant un impact sur la santé du cheptel. Sur ces deux aspects, un manque réel de moyens et de connaissances factuelles était ressenti. L’ITSAP-Institut de l’abeille s’est investi dans plusieurs projets visant à apporter à la filière les outils et connaissances nécessaires au développement de bonnes pratiques.

D’où vient la méthode ColEval?Pour décrire l’état de développement des colonies d’Apis mellifera dans différents contextes, peu de méthodes exactes et non contraignantes sont disponibles. La méthode ColEval (pour “Colony Evaluation”) est née de ce constat, ainsi que de la nécessité de devoir procéder à un grand nombre de descriptions en un temps réduit dans le cadre d’expérimen-tations in situ s’intéressant à la structure des colonies (Kretzschmar et Maisonnasse, sous presse).

En premier lieu, le projet APIMODEL a, démarré depuis 2009, avait pour objectif de décrire entre 400 et 600 colonies en début et fin de miellée de lavande. Dans ce projet, Alban Maisonnasse (ADAPI) et André Kretzschmar (INRA) ont conçu la méthode ColEval, qui a ensuite été diffusée dans le réseau expérimental de l’ITSAP-Institut de l’abeille et des ADA, dans le cadre de nombreux projets tels que RésAPI (sur les pertes hivernales), Probee (sur l’emploi de sirop enrichis en lacto-bacillus), l’Observatoire des résidus de pesticides, l’Observatoire de la miellée de tournesol, etc. Au dernier recensement, plus de 10 000 descriptions ont été réalisées de cette manière, ce qui a permis d’améliorer nos procédés, jusqu’à dépas-ser largement le stade de prototype.Suite à l’expérience acquise, il est possible d’affirmer que la description par la méthode ColEval d’une colonie dépourvue de hausse demande moins de 10 minutes à un binôme d’opérateurs aguerris. Les ruchers expérimen-taux, constitués de 20 à 30 ruches, peuvent ainsi être décrits en une seule journée, ce qui limite les biais d’analyse. Bien sûr, des précautions particu-lières sont à prendre en contexte à risque pour le pillage, par exemple en plaçant le premier cadre en ruchette fermée et en replaçant le couvre-cadre après chaque retrait - insertion de cadre tout au long de la visite.

Caractériser le comportement des colonies

En quoi consiste la méthode ?Le principe de la méthode est simple. Il s’agit d’estimer le pourcentage d’occupation du couvain operculé, du couvain ouvert, des réserves de miel, de pollen et des abeilles par rapport à la surface totale de la face du cadre.

Afin de toujours se référer à la même surface, les “100 %” d’une face de cadre sont délimités par l’intérieur du cadre en bois, et non par la cire bâtie (voir figure 1).

a Projet financé par le programme apicole européen (FEAGA), piloté par l’Unité Biologie et proces-sus spatiaux de l’INRA d’Avignon en partenariat avec l’ADAPI.

Figure 1 : Une face de cadre avec, en rouge, la délimitation de la surface de référence (correspondant à 100 %) pour l’estimation de recouvrement.

“Plus de 10 000 descriptions réalisées avec ColEval”

SANTÉ DU CHEPTEL .//. PRÉSERVER LE CHEPTEL APICOLE DES BIOAGRESSEURS

29

Figure 2 : Capture d’écran d’une session de formation. À droite est affichée la photo précédente avec, en dessous, l’estimation faite par l’utilisateur ainsi que la valeur réelle.

Figure 3 : Capture d’écran de l’analyse des erreurs en fin de session.

Figure 4 : En ordonnées figurent les pourcentages de photos d’une série de 20 pour lesquelles l’erreur se situe dans la classe déterminée par la couleur de la courbe.

Chaque face de cadre composant une ruche est ainsi décrite, et les estimations sont notées sur une fiche standardisée. À l’issue de ce travail de terrain, les descriptions obtenues par face de cadre sont sommées et converties en nombre d’abeilles, de cellules pour le couvain, et de dm² pour les réserves de miel et pollen, afin de restituer des informations à l’échelle de la colonie.

Étant donné que cette méthode repose sur l’estimation d’un observateur, les valeurs générées sont subjectives et donc sujettes à l’effet “observa-teur”. En effet, chaque opérateur aura potentiellement une tendance à commettre des erreurs d’une certaine nature (par ex. sur-estimation ou sous-estimation systématique d’un paramètre), erreurs qui lui sont propres, tout comme leur amplitude.

Une application informatique de formationAfin de fiabiliser la mesure, l’Institut, en partenariat avec les concepteurs de la méthode au sein de l’UMT Prade, assure depuis 2015 des forma-tions aux agents de son réseau expérimental. Outre le volet technique en situation, indispensable à l’acquisition de la méthode, une application informatique a été développée afin de permettre aux opérateurs de s’entraîner à l’estimation visuelle.

Le principe de l’application consiste à proposer des séries de 20 photos de faces de cadre, ce qui correspond donc à une ruche de 10 cadres, pour lesquelles l’utilisateur saisit son estimation du paramètre pour lequel il a choisi de s’entraîner.

Deux déclinaisons de ce principe ont été développées : – la première affiche la vraie valeur après la saisie de chaque estimation (voir figure 2) afin que l’utilisateur puisse se corriger au fur et à mesure de sa session (dite de “formation”) ;– la seconde ne restitue les erreurs qu’au terme de la session (dite de “validation”), imposant à l’utilisateur de travailler “en aveugle”, dans des conditions plus proches du terrain.

Cependant, seuls le couvain operculé et les abeilles ont été choisis pour l’application car le couvain ouvert est difficilement observable sur photo. De plus, l’entraînement sur couvain operculé est aussi profitable aux estimations des réserves en miel et pollen, ces trois paramètres étant facilement identifiables visuellement.Enfin, les séries de photos peuvent n’inclure que des photos de couvain ou d’abeilles, ou bien alterner les deux, là encore pour se rapprocher des conditions de terrain.

Dans tous les cas, au terme de chaque série de 20 photos, une analyse des erreurs commises au cours de la session est proposée via un gra-phique de répartition (voir figure 3) et une comparaison chiffrée entre la somme des estimations et celle des surfaces réelles. Ceci permet donc à l’utilisateur d’évaluer sa performance et potentiellement de se corriger.

Pour aller plus loin dans le suivi de toute personne souhaitant se former à la méthode ColEval, l’application inclut un système d’identification (login) permettant de conserver toutes les sessions réalisées par un utilisateur. Ainsi, il devient possible de suivre de près les progrès de l’utilisateur au cours du temps ainsi que la nature de ses erreurs. Cela se concrétise par un menu dédié dans l’application qui donne accès à diffé-rents graphiques de visualisation des erreurs, dont le premier se focalise sur la progression des estimations par série de 20 photos (voir figure 4).

Chaque courbe correspond à une classe d’erreur. Ici (données fictives), l’évolution de la courbe verte suggère une progression du sujet, avec une augmentation de 60 à 90 % de photos pour lesquelles l’erreur relative commise est inférieure à 5 % (c’est-à-dire comprise entre - 5 et 5 %). Les autres courbes de couleur permettent de décliner et affiner cette analyse.

Évolution des erreursd’estimation par ruche

prop

ortio

n de

pho

tos

par

clas

se d

’err

eur

(en

%)

colonies évaluées

classe d’erreur(en % de face de cadre)

0 à 5%5 à 10%10 à 15%15 à 20%supérieur à 20%

100

80

60

40

20

0

0 5 10 15 20 25

31

COMPRENDRE LES PERTES HIVERNALES AVEC UN RÉSEAU PROTOTYPE DE RUCHERS ATELIERS – FIN DU PROJET RÉSAPI

Les pertes hivernales fragilisent les exploitations apicoles. En réponse à ce constat, un réseau formé par 9 apiculteurs professionnels, 3 ADA (ADAAQ, ADAPRO LR et ADAPI) et les équipes techniques et scientifiques de l’INRA d’Avignon et de l’ITSAP-Institut de l’abeille (au sein de l’UMT Prade) a vu le jour en 2012. Appelé “RÉSAPI”, le projet conçu par ce groupe de travail avait pour but de mieux comprendre les pertes hivernales et permettre l’identification d’indicateurs précoces afin d’orienter les apiculteurs dans la gestion de leur cheptel en fin de saison.

Pyrénées, Aquitaine, Centre et Franche-Comté (à partir de 2016), ainsi qu’avec l’Institut des sciences analytiques du CNRS de Villeurbanne et l’INRA d’Avignon (dans le cadre de l’UMT Prade).

Appelé “Surveillance et caractérisation des troubles et affaiblissement des colonies d’Apis mellifera” et financé par FranceAgriMer, ce projet a pour principal objectif d’éprouver sur le terrain une méthodologie permettant de discriminer statistiquement le profil de colonies (démographie, comportement) faisant l’objet d’une alerte par les apiculteurs de celui de colonies au développement normal.Les causes de ces évènements sont recherchées par des investigations sur les résidus de pesti-cides, la présence de varroas, de Nosema et des principaux virus. La communauté scientifique étant unanime sur la multiplicité des facteurs de stress impactant l’abeille domestique, le protocole expérimental conçu par le groupe de travail intègre, pour chaque colonie étudiée :– la description des symptômes observés, c’est-à-dire des abeilles tremblantes ;– la description de l’état de développement des colonies en termes de couvain (ouvert et operculé), miel, pollen et population de la colo-nie par la méthode ColEval (voir paragraphe précédent) ;– la détermination de la charge en varroas phorétiques ;

– la quantification des spores de Nosema spp ;– la quantification de la charge virale portée par les abeilles pour les virus DWV, CBPV, ABPV, IAPV, KBV, SBV, et BQCV, analysée au sein du laboratoire de l’INRA d’Avignon ;– l’analyse des résidus de pesticides présents dans le pain d’abeille. 40 molécules sont ciblées parmi lesquels les néonicotinoïdes et les pyréthrinoïdes avec des limites de détection pertinentes pour ces composés. La méthode analytique mise en œuvre a été développée et présentée lors des Journées de la recherche api-cole 2015 par l’Institut des sciences analytiques du CNRS de Villeurbanne.

Afin de pouvoir s’inscrire, à terme, dans un système de surveillance, le déploiement du dispositif expérimental prend sa source dans le signalement d’un cas d’affaiblissement par un apiculteur professionnel auprès de l’ADA à laquelle il est adhérent. Le cas signalé est alors contextualisé à l’aide d’une grille de rensei-gnement (lieu, date d’arrivée du rucher sur l’emplacement, etc.) et son adéquation avec l’expérimentation est examinée. En effet, afin d’être en accord avec les contraintes imposées par un plan officiel d’alertes, une seule visite du rucher doit être réalisée, ce qui impose de disposer d’un référentiel pour qualifier l’affai-blissement. C’est pourquoi le rucher touché doit impérativement contenir aussi des colonies

non affaiblies. À défaut, un rucher situé à proximité (dans le même contexte environne-mental), possédé par le même apiculteur peut être utilisé. Ces colonies seront considérées comme cas-témoins et serviront à la constitu-tion de références en termes de structure et de population des colonies en bonne santé. Au terme des actions de terrain, l’apiculteur qui a donné l’alerte est recontacté afin de valider le maintien en bon état des colonies témoins et connaître le devenir des colonies jugées symp-tomatiques lors de l’alerte.

Ce projet constitue également un point de départ à l’agrégation de données harmonisées directement liées à des affaiblissements en saison. Dans le cadre du maintien de ce disposi-tif pendant au moins 3 années, une analyse statistique portant sur la recherche de facteurs causaux des affaiblissements sera menée.

Démarche expérimentaleLe dispositif expérimental inclut la description (par la méthode ColEval – voir paragraphe précédent) de 450 colonies par an à la fin des saisons 2012 à 2014 (entre fin octobre et début novembre), ainsi que la détermination de leur charge en varroas phorétiques. En étudiant un ensemble plus réduit de colo-nies (environ 350 en tout), les autres facteurs de risque susceptibles d’influencer la survie hivernale selon la littérature (virus, Nosema, pesticides) ont également été mesurés. Des bio-marqueurs de l’état physiologique des colonies

(taux de vitellogénine et de corps gras) ont été analysés.Au printemps, l’état des colonies a été qualifié selon les catégories “mortes”, “non-valeurs” et “vivantes”. La catégorie “non-valeurs” ciblent les colonies ayant passé l’hiver mais jugées inaptes par les apiculteurs pour le retour en production, contrairement à celles qualifiées de “vivantes”. Afin de se placer au plus près des préoccupations de la filière apicole, le groupe de travail a décidé de regrouper les colonies “mortes” et “non-valeurs”, désignées par la suite en tant que “pertes hivernales”.

Le premier axe d’analyse des données s’est intéressé aux liens existants entre la survie hivernale, les facteurs de risque et l’état de développement des colonies (démographie, réserves). Dans un deuxième temps, seuls les facteurs dont la valeur peut être appréciée par les apiculteurs ont été pris en considération (description des colonies, charge en varroas), avec pour objectif la mise en évidence d’indica-teurs précoces des pertes hivernales.

36 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

Décrire l’exposition des abeilles aux substances toxiques et analyser les effets néfastes qui peuvent en résulter sont des objectifs incontournables pour mieux comprendre pourquoi chaque année une partie du cheptel apicole meurt ou n’arrive plus à produire du miel. C’est pourquoi l’ITSAP Institut de l’abeille poursuit ces efforts pour comprendre comment l’utilisa-tion de substances toxiques dans l’environnement contamine les ressources des abeilles et affecte leur performance et leur état de santé.

En 2015, l’effort a été investi dans la coordi-nation de l’étude épidémiologique BAPESA qui s’intéresse pour la première fois au risque lié à l’exposition des abeilles aux substances biocides et antiparasitaires utilisées par les éleveurs. L’implication particulière de l’ITSAP-Institut de l’abeille et de ses partenaires dans le projet BAPESA illustre plus généralement leur engagement à produire des références tech-niques et scientifiques permettant d’objectiver les problèmes en matière d’écotoxicologie de l’abeille. Car en effet, à l’heure où l’impact des polluants environnementaux sur la santé animale est de plus en plus considéré par les gestionnaires du risque, les pouvoirs publics et les filières végétales, traduire les observations faites par les apiculteurs en données scienti-

RÉDUIRE L’IMPACT DES STRESS CHIMIQUES SUR L’ABEILLE

fiques objectives et intelligibles est devenu une priorité de l’ITSAP-Institut de l’abeille. Pour y arriver, l’Institut et les ADA sur lesquelles il s’appuie, s’attachent à mettre en place des dispositifs d’observation de plus en plus complexes de par leur envergure et la rigueur technique qu’ils requièrent.Outre les actions conduites sur le terrain pour acquérir de nouvelles connaissances, l’ITSAP-Institut de l’abeille œuvre également à leur diffusion et à leur prise en compte par les différentes parties prenantes de la filière. La mise en place de bases de données, les interventions auprès de syndicats apicoles, des chambre d’agriculture ou des gestionnaires du risques, les publications scientifiques ou de vulgarisation sont autant de médias par

lesquels l’ITSAP-Institut de l’abeille diffuse ses connaissances et fait des recommandations afin de réduire le stress chimique auquel les abeilles peuvent être exposées.Parallèlement à ces travaux, l’ITSAP-Institut de l’abeille continue de s’impliquer dans des instances qui ont vocation à travailler à l’élabo-ration de normes ou de méthodes d’évaluation du risque. Enfin, lorsqu’il est sollicité, l’Institut contribue par son expertise à l’interprétation de données écotoxicologiques générées par d’autres parties prenantes de la filière (DGAl, ANSES).

COMPRENDRE LES MÉCANISMES EN CAUSE CHEZ LES ABEILLES EXPOSÉES AUX SUBSTANCES TOXIQUES

SANTÉ DU CHEPTEL .//. RÉDUIRE L’IMPACT DES STRESS CHIMIQUES SUR L’ABEILLE

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La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt adoptée fin 2014 par l’Assemblée Nationale prévoit la mise en place d’un dispositif de phytopharmacovi-gilance (Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 - Article 50). Ce dispositif doit permettre d’assurer la surveillance des effets indésirables des produits phytopharmaceutiques sur l’homme, les animaux d’élevage (dont l’abeille domestique), les plantes cultivées, la biodiversité, la faune sauvage, l’eau et le sol, la qualité de l’air et les aliments, ainsi que l’apparition de résistances à ces produits. L’ANSES a en charge la coordination de ce dispositif qui reposera sur les informa-tions produites par les réseaux de surveillance et/ou vigilance existants.

Les dispositifs de suivi de colonies mis en place par l’ITSAP et ses partenaires, qui produisent chaque année de nombreuses informations sur l’exposition des abeilles et leur santé, ont été identifiés pour intégrer ce réseau de surveil-lance.Parmi ces dispositifs, on peut citer le réseau de ruchers mis en place dans le cadre de l’appel à projet FAM Expérimentation. Ce réseau, qui réunit les ADA de plusieurs régions, permet notamment de collecter selon un protocole standardisé des informations sur la contamina-tion des pollens par des résidus de pesticides. Un focus sur la miellée de tournesol est réalisé dans les 3 principaux bassins de production (Centre, Aquitaine, Midi-Pyrénées) afin de mieux comprendre les fortes diminutions de rendement enregistrées sur cette miellée

CARACTÉRISER LES EFFETS DES PRODUITS PHYTOSANITAIRES ET DES BIOCIDES SUR L’ABEILLE

OBSERVATOIRE DES RÉSIDUS DE PESTICIDES DANS L’ENVIRONNEMENT DE L’ABEILLE

Phytopharmacovigilance : mieux connaître la pression à laquelle les colonies d’abeilles sont soumises

depuis plusieurs années. Depuis la création de ce réseau, ce sont plus de 500 échantillons de pollen de trappe, 80 échantillons de miel et les cires de corps de plus de 350 colonies qui ont été analysés.

L’analyse des résultats permet de décrire au cours de la saison apicole et dans différents agrosystèmes (céréalier, vergers, maraîchage, vignes,…) l’exposition des colonies aux résidus de pesticides. Les résultats présentés aux Jour-nées de la recherche apicole en février 2015 témoignent d’une exposition importante des colonies. Par exemple, 72% des pollens échan-tillonnés en 2014 étaient contaminés et 25 % d’entre eux renfermaient au moins 5 résidus de pesticides (Voir tableau 1).

Outre la description de l’exposition des abeilles aux résidus de pesticides, ce dispositif permet également de surveiller la mise en évidence de substances impliquées dans des cas d’intoxica-tion (par exemple, imidaclopride ou spinosad) ou de révéler dans l’environnement l’utilisation de substances interdites en agriculture (par exemple, coumaphos, carbaryl, dieldrine). D’autres actions, comme le projet “Affaiblisse-ment” également financé par l’appel à projet FAM Expérimentation ou les projets INTERAPI et RISQAPI dans lesquels l’ITSAP-Institut de l’abeille est partie prenante, permettent eux aussi d’acquérir des informations sur l’expo-sition des abeilles aux résidus de pesticides et d’en étudier les impacts.

C’est en s’appuyant sur ces projets qui ont pour la plupart vocation à durer dans le temps que reposera une partie de la phytopharma-covigilance de l’abeille, l’autre partie étant assurée par les actions de l’ANSES (RESABEILLE) et de la DGAl (note de service DGAL/SDQPV/2014-899). Pour faciliter la collecte et la gestion des données, des outils informatiques seront développés avec l’appui des gestion-naires de l’Observatoire des résidus de l’ANSES.

matrices miel pollen ciresubstances recherchées 430 430 293échantillons analysés 33 165 138échantillons contaminés 9% 72% 98%échantillons contaminés par plus de 5 résidus 0% 25% 20%nombre max de résidus par échantillon 2 11 10

résidus détectés 4 66 21insecticides 1 23 10fongicides 3 32 5herbicides 0 8 1régulateurs de croissance 0 3 3

Tableau 1. Bilan des analyses des pollens de trappe collectés en 2014.

38 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

Suite aux phénomènes de surmortalités hivernales de colonies d’abeilles survenus en 2013 dans les Pyrénées (départements de l’Ariège et des Pyrénées-Orientales), l’hypothèse d’une intoxication par des médicaments antiparasitaires ou par des biocides utilisés en élevage a été avancée. Le Ministre en charge de l’Agriculture a demandé à l’ITSAP-Institut de l’abeille, en lien avec l’Anses, de mettre en place une étude permettant d’explorer l’effet de santé de ces substances sur les colo-nies d’abeilles. Cette étude épidémiologique de type prospective, baptisée BAPESA, est conduite dans deux zones géographiques distinctes, toutes deux zones d’élevages (Ariège et plaine de la Crau dans les Bouches-du-Rhône). Elle est coordonnée avec des représentants des parties prenantes (INRA, Anses, ADA France, GDS France et SNGTV) et financée par la DGAl. Durant les 2 années de l’étude (2015-2016 à 2016-2017), sa mise en œuvre est assurée par l’ITSAP-Institut de l’abeille, qui s’appuie sur les ADA des deux régions (ADAPI et ADAM) et sur leurs réseaux d’apiculteurs pour déterminer les sites d’étude et fournir le matériel biologique.

La démarche expérimentale de l’étude implique de conduire deux actions en parallèle :– un suivi hebdomadaire (juillet à mars) de l’état de santé des 80 colonies implantées dans chaque région. Trois techniciens recrutés pour ce projet relèvent toutes les semaines l’activité des abeilles, la présence de symptômes et de mortalité, et réalisent des prélèvements de matrices si des évènements de santé sont observés. Une évaluation du nombre d’abeilles, du couvain et de la surface des réserves est

EXPLORATION ÉPIDÉMIOLOGIQUE DES EFFETS NON INTENTIONNELS DES BIOCIDES ET ANTIPARASITAIRES UTILISÉS EN ÉLEVAGE SUR LA SANTÉ DES COLONIES D’ABEILLES - ÉTUDE BAPESA

VALIDATION D’UNE MÉTHODE D’ANALYSE CHIMIQUE MULTI-RÉSIDUSChaque année, pour des raisons expérimen-tales d’enquête ou de surveillance, un grand nombre d’analyses chimiques sont réalisées sur des matrices apicoles dans l’objectif de rechercher des résidus de pesticides. Le labo-ratoire PRIMORIS est un prestataire de service régulièrement sollicité par les laboratoires de recherche, les instituts techniques et les ADA pour l’analyse d’échantillons de pollen, de pain d’abeille, de miel, de cire et d’abeilles.

également réalisée toutes les 3 semaines (juillet à octobre, puis sortie d’hivernage) ;– des enquêtes sur l’utilisation des biocides et antiparasitaires auprès des détenteurs d’ani-maux dont les exploitations ou les parcelles sont situées dans un rayon de 500 m autour des 160 colonies. Les enquêtes de terrain réalisées par l’ingénieure qui coordonne l’étude sont effectuées selon un questionnaire élaboré par l’INRA, GDS-France, la SNGTV et l’ANSES.Les données recueillies permettront de

répondre à 3 questions :– existe-il un lien entre la charge en animaux autour des colonies et leur état de santé ?– existe-il un lien entre l’utilisation de subs-tances biocides et antiparasitaires dans les élevages et la santé des colonies ?– existe-il un lien entre la présence de biocides et antiparasitaires dans les matrices apicoles et la santé des colonies ?Le compte rendu final de l’étude est attendu pour décembre 2017.

Dans le cadre du développement technique lié à la miniaturisation des méthodes d’ana-lyse, une étape de validation a été réalisée sur chaque matrice. L’ITSAP-Institut de l’abeille a recherché et fourni les matrices blanches nécessaires à cette étape. Un rapport du travail de validation de la méthode doit être transmis à l’Institut début 2016.

SANTÉ DU CHEPTEL .//. RÉDUIRE L’IMPACT DES STRESS CHIMIQUES SUR L’ABEILLE

39

Le Plan de développement durable de l’apiculture prévoit le renforcement de la capacité de surveillance et de suivi des affaiblissements et des mortalités des colo-nies d’abeilles mellifères. La mise en place au niveau national d’un observatoire des mortalités et des alertes chez l’abeille mellifère (OMAA) a pour ambition de répondre à cette demande.

Plus spécifiquement, l’OMAA devrait permettre de répondre aux objectifs suivants : – alerter précocement les autorités compé-tentes (ministère de l’Agriculture, de l’Agroa-limentaire et de la Forêt) en cas de suspicion de dangers sanitaires de catégorie 1, en cas de mortalité massive aiguë ou lors d’augmentation inhabituelles de mortalités de d’anomalies des colonies dans le temps et/ou dans l’espace ;– créer de l’expertise et les méthodes permet-tant de :

– engager des investigations en fonction de la nature des dangers suspectés en se reposant notamment sur des protocoles d’analyses standardisés sur demande des organisations professionnelles apicoles dans le cadre de plans collectifs volontaires de lutte ;– recenser et documenter les différentes typologies des anomalies des colonies, et les causes et facteurs de ces anomalies ;– produire une analyse et une interprétation régulière des données collectées sur l’évolu-tion spatiale et temporelle de l’état de santé global de la population apiaire en France ;– alerter sur la nécessité de poursuivre les expertises, soit par l’intermédiaire d’investi-gations complémentaires, soit dans le cadre de protocoles de recherche hors champs de l’OMAA.

OBSERVER LES ABEILLES POUR PRÉVENIR LES DANGERS SANITAIRES ET TOXICOLOGIQUES

ÉPIDÉMIOSURVEILLANCE : CRÉATION D’UN OBSERVATOIRE DES MORTALITÉS ET DES ALERTES CHEZ L’ABEILLE MELLIFÈRE (OMAA)

La construction de cet outil a été décidée fin 2014 par le ministère chargé de l’Agriculture et a été confiée à l’ITSAP-Institut de l’abeille. Cette mission a débuté en mars 2015 avec le recrutement d’Orianne Rollin, jeune chercheure basée dans les locaux de l’UMT PrADE d’Avi-gnon (84). Elle travaille en lien étroit avec les membres du groupe “Troubles des abeilles” de la Plateforme d’épidémiosurveillance ESA.

Un groupe de travail, composé des membres du groupe “Troubles des abeilles” de la plate-forme ESA et de membres extérieurs sollicités pour leurs connaissances techniques de l’abeille et de l’apiculture (en particulier des ADA), s’est réuni à deux reprises et a permis la validation de plusieurs tâches :– bilan des connaissances et outils de surveil-lance chez l’abeille actuellement mis en place à l’échelle nationale mais aussi à l’étranger ;– validation des définitions et du lexique épidémiologique en regard des spécificités de l’abeille ; – validation des objectifs et du périmètre de l’OMAA ;– validation d’un outil d’expression des besoins pour la création d’un réseau d’épidémiosurveil-lance chez l’abeille (questionnaire d’enquêtes EXPRESS). Cet outil a été développé et formalisé spécifiquement pour l’OMAA, dans

l’objectif de fournir un guide pour des entre-tiens semi-directifs auprès des différents acteurs de la surveillance. Il permet de tenir compte des moyens disponibles (humains et financiers) pour la prise de décisions dans la construction de l’observatoire. Il est prévu un début des entretiens courant février 2016.

Cet observatoire est destiné à l’ensemble des acteurs de la santé des abeilles et plus largement de la santé environnementale : apiculteurs, vétérinaires, laboratoires, admi-nistrations, agences d’évaluation des risques sanitaires, instituts techniques et de recherche. La veille sera fondée sur l’identification, le suivi et l’analyse des signaux relatifs aux dangers sanitaires et toxicologiques. Les produits de cet observatoire doivent aider ces acteurs dans leur prise de décisions à court-terme et dans la construction de leurs programmes à plus long-terme. L’OMAA doit être fonctionnel fin 2016.

40 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

Apporter une expertise sur l’évaluation de l’impact des pesti-cides et des médicaments vétérinaires

Comme chaque année, l’ITSAP-Institut de l’abeille met à disposition son expertise en écotoxicologie de l’abeille en participant à des groupes de travail impliqués dans l’élaboration de rapport d’étude, le développement de méthodes d’évalua-tion du risque ou l’élaboration de normes.

L’ITSAP, PARTENAIRE DE RÉFÉRENCE POUR UNE EXPERTISE MULTIFACTORIELLE

À la suite des travaux de recherche montrant l’importance des interactions entre les facteurs de stress sur la vitalité des abeilles et la santé des colonies, l’unité d’évaluation des risques liés à la santé, l’alimentation, et au bien-être des animaux de l’ANSES a formé un groupe de travail multidisciplinaire. Il a pour mission d’établir un rapport sur la “Co-exposition des abeilles aux facteurs de stress”. Cyril Vidau, écotoxicologue, et Axel Decourtye, Directeur scientifique et technique de l’Institut, ont apporté leur contribution à ce travail.Le rapport “Co-exposition des abeilles aux facteurs de stress” fait un état des lieux des connaissances sur les interactions entre facteurs de stress dans la survenue de troubles chez l’abeille domestique Apis mellifera. Cette synthèse a été rédigée par un groupe multidis-ciplinaire de scientifiques suite à deux ans de travaux et se fonde sur plus de 800 références bibliographiques.

EXPERTISE POUR L’ANSES

EXPERTISE POUR LE GROUPE “MÉTHODE ABEILLE” DE LA COMMISSION DES ESSAIS BIOLOGIQUESPar ailleurs, suite à une demande de la Direc-tion de l’Évaluation des risques de l’ANSES, le groupe de travail “Méthode Abeille” de la CEB a publié en septembre 2015 un document de référence définissant quelles sont les matrices pertinentes à analyser pour justifier de l’expo-sition d’une colonie à des résidus de produits phytosanitaires. Ce document intitulé “Justifi-cation de l’exposition des abeilles - Synthèse du 25 septembre 2015” a pour vocation d’aider les évaluateurs dans leur travail d’analyse des dossiers d’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires.Les principales recommandations sont de dif-férencier les matrices d’exposition pertinentes étudiées à l’échelle de la colonie dans le cadre d’études menées sur le court terme (durée de la floraison des cultures) ou sur le long terme (plusieurs mois).

Le rapport s’est penché tout particulièrement sur les interactions entre stresseurs microbiens et substances phytosanitaires. Il détaille les mé-canismes complexes de survenue des troubles, qui font souvent suite à des expositions simul-tanées à plusieurs familles de substances, de façon répétée dans le temps. Un état des lieux sanitaire et des substances phytosanitaires des matrices apicoles a été réalisé sur la base des données disponibles dont celles issues des tra-vaux des ADA et de l’ITSAP-Institut de l’abeille.Il recommande finalement la prise en compte de ces interactions dans l’investigation des mortalités anormales, quel que soit le contexte, dans l’épidémiosurveillance et pour les proto-coles de test préalables à l’autorisation de mise sur le marché des substances phytosanitaires.Lien vers le rapport : https://www.anses.fr/fr/system/files/SANT2012sa0176Ra.pdf

Par ailleurs, dans le cadre du projet d’épidé-miosurveillance “RESABEILLE” conduit dans six départements français et dans lequel l’exposi-tion des abeilles aux pesticides est notamment prise en compte, l’ITSAP-Institut de l’abeille est intervenu dans le groupe de travail formé par l’ANSES pour construire un protocole de prélè-vement et d’analyse de matrices apicoles.Les prélèvements effectués fin 2014 ont été analysés courant 2015. Les résultats du volet écotoxicologie du projet “RESABEILLE” ont été présentés devant le CNOPSAV en octobre 2015 et publiés dans les bulletins Résabeilles présents sur le site internet de la plateforme d’épidémio-surveillance animale (www.plateforme-esa.fr).

SANTÉ DU CHEPTEL .//. RÉDUIRE L’IMPACT DES STRESS CHIMIQUES SUR L’ABEILLE

42 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

Validation d’une méthode mesurant les effets des pesticides sur le vol de retour à la ruche des abeilles domestiques butineuses

Avec la révision actuelle du principe d’évaluation du risque des pesticides sur l’abeille domestique avant leur mise sur le marché, de nouvelles méthodologies sont deman-dées (Plan de développement durable de l’apiculture (PDDA) ; EFSA, 2013) a.

Parmi celles-ci, un test sur le taux de succès de retour à la ruche des butineuses est identifié pour évaluer les effets sublétaux des pesticides.

Projet financé par la Fondation Lune de Miel

ÉVALUER LE SEUIL DE RISQUE DES PESTICIDES SUR L’ABEILLE DOMESTIQUE

Les effets sublétaux comme ceux observés sur le comportement des abeilles peuvent potentiellement affecter le développement et la survie des colonies (EFSA, 2013). Néanmoins, aucune méthode standardisée n’est disponible actuellement pour évaluer les effets sublétaux des pesticides sur les abeilles. Dans le cadre d’un projet de 3 ans (2014-2016), l’ITSAP-Institut de l’abeille coordonne un projet de validation d’une méthode mesurant les effets des pesticides sur le vol de retour à la ruche des butineuses en partenariat avec l’INRA et l’ACTA. L’objectif final est de proposer l’inscrip-tion de la méthode dans les lignes directrices internationales référentes de l’OCDE pour les tests réglementaires effectués avant la mise sur le marché de nouveaux produits.

Après une première validation interne de la méthode au sein de nos laboratoires en 2014, nous avons poursuivi les travaux en 2015 avec la création d’un groupe international de la-boratoires volontaires préalablement formés pour tester à leur tour la méthode. L’inscription de la méthode du vol de retour dans les lignes directrices de l’OCDE est en effet conditionnée par la réalisation de ce test circulaire afin de tester la reproductibilité des résultats dans des contextes différents et de fixer le domaine de validité de la méthode. Dix laboratoires euro-péens (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Suisse, France) ont participé à ce test circulaire.En 2015, l’Institut, ses partenaires et les laboratoires volontaires ont mesuré les effets de différentes doses sublétales de la molécule néonicotinoïde thiamethoxam sur les perfor-

mances de retour à la ruche des butineuses à partir de la technologie RFID. L’équipe a testé les effets de la dose de 1 ng par abeille de thia-methoxam, comme pour Henry et al. (2012) et les expérimentations de 2014, et a également testé les effets de deux doses inférieures de 0,11 et 0,33 ng par abeille. L’objectif était de déterminer une dose sans effet (NOED) sur le retour à la ruche des abeilles comparée à la modalité témoin et d’évaluer la variabilité des résultats selon le laboratoire. La variabilité des probabilités de retour à la ruche des abeilles témoins de chaque répétition du test a été plus particulièrement considérée afin d’établir un seuil de validité du test.Pour s’assurer que les abeilles connaissaient le site expérimental, l’institut a capturé des butineuses porteuses de pelotes de pollen de phacélie à l’entrée de la ruche. Ces butineuses provenaient d’une parcelle de 0,5 à 1 hectare de phacélie, spécifiquement implantée pour les besoins de l’essai et située à 1 km (+/- 100 m) de la ruche expérimentale équipée du dispositif RFID. Au laboratoire, les abeilles étaient toutes marquées avec un transpondeur RFID et expo-sées ou non (témoin) au traitement. Conformé-ment aux résultats des tests de 2014, l’équipe a opté pour une exposition collective des abeilles. Les abeilles ont ensuite été transportées au niveau de la parcelle de phacélie pour être relâchées. Le retour à la ruche des butineuses a été enregistré pendant 24 heures après relâcher avec le dispositif RFID. Trois répétitions du test étaient demandées, chacune menée avec une colonie différente.

Sur les dix laboratoires participants, sept labo-ratoires ont pu mener dans sa totalité l’étude (trois répétitions). Un laboratoire n’a pu réaliser que partiellement le test (une seule répétition) et deux laboratoires n’ont pas pu mener le test à cause de problèmes liés à la parcelle de phacélie. Ces problèmes ont entraîné des difficultés pour collecter un nombre suffisant de butineuses porteuses de pollen de phacélie pour la réalisation du test.Chez chacun des sept laboratoires ayant pu mener l’étude, la proportion d’abeilles retournant à la ruche était significativement plus faible après exposition à la plus forte dose comparée aux abeilles témoins. Ces résultats ont permis d’obtenir une NOED commune de 0,33 ng par abeille (Figure 1) et soulignent la robustesse et la fiabilité de la méthode pour l’estimation de doses avec et sans effets d’un produit sur le succès de retour à la ruche.Les résultats présentent une variabilité dans les probabilités de retour à la ruche d’une répétition à l’autre et d’un laboratoire à l’autre. Cette variabilité pourrait s’expliquer par l’état sanitaire des abeilles, l’expérience des opéra-teurs avec la méthode, ou encore le paysage ou le climat différent d’une expérimentation à l’autre. En considérant la modalité témoin, les probabilités de retour des abeilles variaient en majorité entre 60 et plus de 90 %. Pour chaque répétition du test, un seuil minimal de 60 % de retour à la ruche chez les abeilles témoins pourrait être considéré comme critère de validité du test.Ces premiers résultats seront discutés avec les laboratoires du test circulaire lors d’une réunion de restitution en janvier 2016 et un second test sera proposé aux laboratoires afin de finaliser la procédure de validation de la méthode.

a EFSA. Guidance on the risk assessment of plant protection products on bees (Apis mellifera, Bombus spp. and solitary bees). EFSA J. 11, 3295 (2013).

SANTÉ DU CHEPTEL .//. RÉDUIRE L’IMPACT DES STRESS CHIMIQUES SUR L’ABEILLE

44 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

Projets de recherche en cours sur la thématique pesticides

Les systèmes de céréaliculture actuels incluent dans leurs successions culturales des cultures fleuries très attractives pour les abeilles, telles que le colza ou le tournesol, butinés essentiellement pour leur nectar, mais aussi le maïs fournissant un pollen abondant et facile à récolter par les butineuses. Ces cultures peuvent être traitées par un cortège de produits phytosanitaires suspectés de favoriser l’affaiblissement des colonies d’abeilles. D’autres sources de stress (pathogènes, frelon asiatique, réduction des ressources mellifères natu-relles), susceptibles d’agir en interaction avec l’exposition aux pesticides, ont également été évo-quées mais n’ont jamais été analysées conjointement.

DÉTERMINER LES LIENS ENTRE LES PESTICIDES, LES AUTRES FACTEURS DE STRESS ET L’ÉTAT DES COLONIES D’ABEILLES – UNE APPROCHE CONCERTÉE APICOLE/AGRICOLE POUR LEUR RÉDUCTION

Dans cette perspective, le projet RISQAPI piloté par Mickaël Henry (INRA Avignon/UMT PrADE) vise à évaluer, en condition de pratiques api-coles réelles à l’échelle d’un territoire, l’impact des pressions phytosanitaires sur le dévelop-pement et le maintien des colonies d’abeilles mellifères dans un système de grandes cultures. Une démarche d’écotoxicologie spatiale est mise en place dans ce projet, s’appuyant en partie sur un ensemble de données apido-logiques (connaissance de la biologie de l’abeille), écologiques (utilisation de l’espace par les abeilles) et agronomiques (prévalence de l’usage de produits dans l’espace) capi-talisées depuis cinq ans. Cette démarche est gérée par le CNRS-CEBC sur une superficie de 450 km2 sur le territoire de la zone-atelier Plaine-et-Val-de-Sèvre appelée ZAPVS, Poitou-Charentes. L’ensemble de ces données, issues de l’observatoire ECOBEE, constitue un socle de connaissances unique en son genre pour la compréhension des relations entre apiculture et

ÉVALUER À L’ÉCHELLE D’UN TERRITOIRE L’IMPACT DES PRESSIONS PHYTOSANITAIRES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES COLONIES DANS UN SYSTÈME DE GRANDES CULTURES - ANNÉE 2 DU PROJET RISQAPI

agriculture à l’échelle d’un territoire. Le projet RISQAPI poursuit trois objectifs complémen-taires :– quantifier, de manière spatialement explicite, le lien entre l’usage des produits phytosa-nitaires et les risques d’affaiblissement des colonies d’abeilles ;– déterminer en quoi ce lien est affecté par trois autres stress environnementaux majeurs : la raréfaction des ressources mellifères sau-vages, l’acarien Varroa destructor et le frelon asiatique Vespa velutina ;– valider l’utilisation des traits d’histoire de vie des individus comme outil de surveillance pré-coce des risques d’affaiblissement des colonies.L’ITSAP-Institut de l’abeille intervient notam-ment par la réalisation d’enquêtes sur les pratiques phytosanitaires des agriculteurs (dates de traitement, dose, type de produit). Ces données serviront à alimenter des analyses statistiques pour évaluer le lien entre l’usage de ces produits et l’état des colonies d’abeilles

RéférencesProjet : FEAGA 2013-2016 Pilote du projet : M. Henry, INRA – UR406 Abeilles et Environnement / UMT PrADE Partenaires : ACTA, INRA Lusignan, INRA UE Magneraud, ITSAP-Institut de l’abeille, CEBC-

mellifères suivies sur cette même période. Une partie des actions de ce projet est en lien étroit et mutualisée avec le projet DEPHY-Abeille piloté par l’ITSAP-Institut de l’abeille.Afin d’alimenter le premier objectif, l’institut a poursuivi en 2015 des actions initiées en 2014 :– évaluation de la pollution de la ressource alimentaire par des prélèvements de nectar sur fleur de colza, au printemps. Ces nectars, prélevés par la méthode de microcapillarité, ont été analysés afin d’y rechercher la présence ou l’absence de résidus de substances actives ;– réalisation d’une enquête auprès d’une trentaine d’exploitants agricoles de la ZAPVS destinée à recueillir les données de pratiques agricoles. Cette enquête se poursuit pendant l’hiver 2015, et l’ensemble des données collec-tées alimentent un observatoire qui rassem-blera en 2016 sept années de données sur les itinéraires techniques de systèmes de cultures en céréaliculture, polyculture-élevage, en biolo-gique et en conventionnel sur la ZAPVS.

Centre d’Études Biologiques de Chizé-CNRS, MNHN, Université de Lorraine (Laboratoire Agronomie et Environnement), UMR 7205 MNHN-CNRS et Université de La Rochelle (Labo-ratoire L3I – Informatique, Image et Interaction).

SANTÉ DU CHEPTEL .//. RÉDUIRE L’IMPACT DES STRESS CHIMIQUES SUR L’ABEILLE

48 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

PERSPECTIVES

POURSUITE DE LA MISE EN ŒUVRE DE L’OBSERVATOIRE DES MORTALITÉS ET DES ALERTES CHEZ L’ABEILLE (OMAA)La loi d’Avenir de l’Agriculture, de l’Agroali-mentaire et de la Forêt, votée par l’Assemblée nationale en octobre 2014, prévoit la mise en place d’une phytopharmacovigilance dont l’objectif général est de mieux contrôler, après leur mise sur le marché, les effets indésirables des pesticides sur l’homme, les animaux et l’environnement.Le dispositif inclut dans son schéma un chapitre “abeilles mellifères” dans lequel l’exposition des abeilles aux résidus de pesticides ainsi que les effets non intentionnels de ces molécules sur la vitalité des colonies seront pris en compte. Le volet exposition de la phytophar-macovigilance sera assuré par les activés de l’observatoire des résidus de pesticides alors que le volet effets non intentionnels sera assuré par l’Observatoire des mortalités et des alertes en apiculture (OMAA) dont la mise en place par l’ITSAP-Institut de l’abeille est prévue en 2017.

VALIDATION D’UNE MÉTHODE MESURANT LES EFFETS DES PESTICIDES SUR LE VOL DE RETOUR À LA RUCHE DES BUTINEUSES D’ABEILLES DOMESTIQUES – ANNÉE 3

ÉTUDE BAPESA – ANNÉE 2En 2016, une partie importante des activités de l’ITSAP en écotoxicologie sera encore consacrée à la coordination de l’étude BAPESA. Le bilan de la première année d’étude sera réalisé à par-tir d’avril 2016. Parallèlement, la préparation et la mise en place du dispositif expérimental pour la seconde année de l’étude seront effectuées avec l’appui des ADA et des apiculteurs de chaque région.

Un second test circulaire sera proposé aux laboratoires afin de finaliser la procédure de validation de la méthode.

Ce second test aura comme objectif de réduire la part de variabilité des résultats liée aux opérateurs grâce à leur expérience acquise en 2015. Des ajustements méthodologiques seront également proposés afin de s’assurer des bonnes conditions de maintien et d’exposi-tion des abeilles avant leur relâcher au champ. Enfin, la parcelle de phacélie ayant été identi-fiée comme un facteur limitant possible pour la réalisation de l’expérimentation, l’Institut a testé une méthode alternative en interne. Les premiers résultats obtenus étant prometteurs, il sera proposé aux laboratoires partenaires l’utilisation de cette méthode alternative.

Le réseau de laboratoires volontaires sera renforcé en 2016 par un onzième partenaire (Suisse).

SANTÉ DU CHEPTEL .//. RÉDUIRE L’IMPACT DES STRESS CHIMIQUES SUR L’ABEILLE

50 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

SANTÉ DU CHEPTEL .//. CONFORTER LES RESSOURCES ALIMENTAIRES DE L’ABEILLE

52 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

CONCILIER LA MISE EN ŒUVRE DES COUVERTS ET LES INTÉRÊTS DES ABEILLES ET DE LA FILIÈRE APICOLE

Ce projet InterAPI, piloté par l’ITSAP-Institut de l’abeille, répondait à l’appel à projet 2012 du CAS-DAR Partenariat et Innovation a. Il s’est achevé début 2015 après trois années d’échanges fructueux entre les partenaires et deux années d’expérimentation. L’objectif était d’aborder les problèmes de surmortalité des colonies durant l’hiver et le dévelop-pement de Couverts Intermédiaires Mellifères (CIM) pouvant apporter une diversité botanique b et une augmentation de l’offre en nectar et en pollen dans les systèmes de culture en période de pré hivernage pour les colonies. In fine, l’objectif était de montrer qu’il est possible de concilier les intérêts de ces couverts (cadre réglementaire et piégeage des nitrates, apport en matière organique, protection des sols contre l’érosion) avec la protection des abeilles et le soutien à la filière apicole.

Étude de l’influence des couverts végétaux produisant du nectar et du pollen en zone de grandes cultures sur la dynamique des colonies d’abeilles mellifères - Fin du projet InterAPI

Pour marquer la fin du projet, l’ITSAP a orga-nisé un colloque de restitution en novembre 2014 qui a rassemblé 150 personnes sur le thème “Créer un territoire conciliant les besoins des abeilles mellifères et les enjeux d’une agriculture durable.” Les participants, parmi lesquelles céréaliers, apiculteurs, conseillers agricoles et apicoles, ainsi qu’étudiants en agri-culture, ont pris connaissance de l’ensemble des résultats obtenus. Dans ce projet, le choix a été d’orienter les réflexions vers l’un des

a Cf. résumés des interventions du colloque de restitution InterAPI du 25 novembre 2014, disponibles sur www.itsap.asso.frb Cf. cahier technique Hivernage et pertes de colonies chez les apiculteurs professionnels français, disponible sur www.itsap.asso.fr

nombreux facteurs en cause dans le déclin des colonies d’abeilles : la dégradation de l’habitat, entraînant principalement dans les zones agri-coles intensives, une irrégularité dans l’espace et dans le temps des ressources florales. Mais les partenaires se sont également intéressés à la qualité de cette ressource par la description de la pollution en insecticides néonicotinoïdes dans les nectars issus des espèces végétales semées en tant que CIM (voir tableau 1).

Les travaux pilotés par l’ITSAP montrent que, dans les conditions testées en région Centre, l’implantation, à proximité d’éléments boisés semi-naturels, de 30 ha de CIM dans l’envi-ronnement de 30 colonies, offre à ces colonies d’abeilles une alimentation en pollen plus diversifiée. Sans les CIM, les apports en pollen restent essentiellement dépendants de la pré-sence de lierre dans le paysage, malgré l’appari-tion aléatoire des moutardes. L’introduction de CIM dans l’environnement des colonies tend à diversifier leurs réserves en pollen et à accroître leur capacité de renouvellement de la popu-lation d’ouvrières à l’automne. Ces ouvrières, sur lesquelles repose la survie hivernale de la colonie, présentent ainsi de meilleures défenses naturelles. Cela a été révélé par un marqueur physiologique, la vitellogénine, un antioxydant impliqué dans les défenses immunitaires et la longévité de l’abeille mellifère. Finalement, en augmentant les performances de régénération des populations et en produisant des individus en meilleure santé, les CIM participent à l’aug-mentation de la survie des colonies d’abeilles pendant l’hiver. Dans cette étude, le niveau d’infestation des colonies par l’acarien varroa a également montré qu’il impactait négativement les chances de survie hivernale.

Précédent cultural (Nombre de parcelles)

Taux de détection Imidaclopride (n=nombre d’éch. analysés)

Concentration moyenne

d’imidaclopride (ppb*)

< LD (molécule non détectée)

> LD (imida en trace ou quantifié)

Enrobage à base d’imidaclopride (2 parcelles)

50% (n=17)

50% (n=17)

0,59(n=17)

Enrobage à base d’autres molécules (4 parcelles)

60% (n=30)

40% (n=20)

0,56(n=20)

Tableau 1 : Taux de détection de l’imidaclopride et quantification en fonction du précédent cultural a

SANTÉ DU CHEPTEL .//. CONFORTER LES RESSOURCES ALIMENTAIRES DE L’ABEILLE

SANTÉ DU CHEPTEL .//. CONFORTER LES RESSOURCES ALIMENTAIRES DE L’ABEILLE

54 | COMPTE RENDU D’ACTIVITÉ ITSAP 2014/2015

RÉPONDRE AUX NOMBREUSES INTERROGATIONS SUR LA MIELLÉE DE TOURNESOL ET SES PERTES DE RENDEMENT

L’essor de la culture de tournesol, à partir des années 80, a stimulé le développement d’une apiculture professionnelle de grande culture ou de plaine dans les régions productrices, avec 1 000 000 ha cultivés en 1994. Cela a favorisé la professionnalisation de l’apiculture dans les terri-toires céréaliers. Le miel de tournesol, avec celui du colza, représentait environ 70 % de la produc-tion française en 2011 (Audit Protéis+ - FranceAgriMer, 2011). Depuis, les surfaces de tournesol ont baissé pour atteindre 620 000 ha en 2014 (Agreste).Les rendements importants et stables que l’on connaissait sur cette miellée de tournesol il y a encore une vingtaine d’années ont fortement chuté et deviennent actuellement incertains voire nuls. Les apiculteurs professionnels témoignent à la fois de diverses difficultés dans la production de miel de tournesol et s’interrogent sur l’état et la dynamique attendue de la colonie à l’approche de cette miellée, sur le comportement des abeilles sur les capitules de tournesol, mais également sur l’impact négatif qu’auraient les nouvelles variétés (potentiel nectarifère faible).

Expérimentation coordonnée sur la miellée de tournesol : relations entre la sécrétion nectarifère de différents culti-vars de tournesol et la production de miel par des colonies d’abeilles domestiques – Année 2

La filière apicole dispose de peu de données structurées sur la production de ce miel ni d’ail-leurs de synthèse argumentée des nombreux témoignages entendus. L’unique illustration disponible présente une baisse de 50 % de production entre 1994 et 1999, observée sur un panel de producteurs adhérents à la coopé-rative France Miel.Dans ce contexte, l’Institut a proposé une expé-rimentation multi-sites (régions Centre, Aqui-taine et Midi-Pyrénées, Île-de-France et PACA) dans le cadre de l’appel à projets FranceAgri-Mer (FAM EXPE) en associant les partenaires de l’UMT PrADE à l’ADAM, l’ADAAQ, l’ADAPIC et Terres Inovia. L’expérimentation s’inscrit dans la durée et a été construite afin de répondre aux deux hypothèses posées dans la question suivante :

Les limites de la production de miel sont-elles influencées par l’abondance et la qualité des ressources (nectar et pollen) produites par les cultivars de tournesol et/ou par une dyna-mique de la population de la colonie d’abeilles mellifères avant et pendant la floraison du tournesol ?

Pour la deuxième année de cette étude, les ob-jectifs à court et moyens termes visés étaient :– collecter des références techniques sur les variétés (dont le potentiel nectarifère) et la conduite des cultures de tournesol afin de caractériser des situations agronomiques plus ou moins favorables à la production de miel de tournesol et d’améliorer l’état de nos connais-sances sur la chaîne nectarification - fréquen-tation des variétés par les abeilles - production de miel ;

– collecter des références sur la dynamique des colonies tout au long de la miellée de tournesol afin de mieux appréhender le comportement de stockage des réserves en miel de ces colo-nies ;– caractériser l’état initial (colonial, sanitaire, réserves) dans lequel les colonies doivent être apportées sur la culture de tournesol pour obtenir le meilleur résultat ;– estimer le “coût” de cette miellée pour les colonies et ses conséquences pour la mise en hivernage ;– améliorer les relations entre les apiculteurs et les agriculteurs sur le terrain par la sensibili-sation aux contraintes inhérentes aux métiers de chacun et définir des recommandations à destination des producteurs des deux filières en fonction des résultats obtenus dans le but d’augmenter leur productivité.