développement de la force et de la puissance des muscles

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Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, n° 9, pp. 451-453 © Masson, Paris, 1991 Développement de la force et de la puissance des muscles de la cuisse MISE AU POINT P.PORTERO M CMK., DEA GBM (univ. techn. Compiègne), chercheur associé au Centre d'Études et de Recherches Division de Physiologie de Médecine Aérospatiale, Paris, Métabolique et Honmonade, 5 bis, avenue de la Porte-de-Sèvres, 75731 Paris. Formateur à l'ECK, chargé de cours aux U.E.R. d'Éducation physique et sportive des universités Paris Vet Paris XI Tous les systèmes biologiques répondent à des stimuli appropriés que l'on peut considérer comme des stress. La répétition d'un stress sur un système entraîne une adaptation de ce dernier qui augmente sa capacité fonctionnelle. Cepen- dant l'application de la stimulation doit être appropriée tant dans l'intensité que dans sa durée pour pouvoir induire la meilleure adapta- tion possible, c'est-à-dire en évitant blessure et surentraînement. L'arrêt de la stimulation en- traîne la réversibilité des phénomènes adaptatifs. Le système musculaire répond à ces caracté- ristiques. En effet, pour améliorer leur force et leur puissance, les individus subissent soit des entraînements pour développer ces deux para- mètres spécifiquement à leur spécialité sportive, soit des entraînements à visée rééducative après blessure, immobilisation ou chirurgie. De l'approche cellulaire faite par Mc Dougall (1986), il ressort que l'entraînement de la force entraîne une augmentation du diamètre des fibres prédominant pour les fibres de type F.T. (rapide) (17) alors que l'augmentation du nombre de fibres (hyperplasie) est un phénomène encore discuté bien que certains résultats récents (7) le prouvent. La conversion de fibres du type ET. en S.T. (lent) n'a pas été observée après entraînement de la force que l'entraînement de la capacité aérobie que provoque la transition F.T. en S.T. (25). La grande plasticité du système musculaire squelet- tique se manifeste également par des modifica- tions du réseau capillaire (24), du tissu conjonc- tif (18). Les modifications métaboliques suivent globalement celles des fibres musculaires. Tirés à part: P. PORTERa, à l'adresse ci-dessus. En ce qui concerne le contrôle nerveux, l'amélioration de la synchronisation et du niveau d'excitation du muscle est dans un premier temps (6 semaines) à l'origine de l'augmentation de force, ensuite apparaît l'hypertrophie (14). L'étude comparative (Mc Donagh et Davies, 1984) réalisée sur un grand nombre de techni- ques de renforcement musculaire (isométrique, isotonique, isocinétique) montre que la charge imposée doit être supérieure à 66 % de la force maximale volontaire et sur 10 contractions minimum par séance. Ceci rejoint l'étude de Sale et Mc Dougall (1981) pour lesquels les meilleurs gains s'observent pour des valeurs de 10 à 12 R.M. (en 6 séries) par rapport à 6 séries de 2-3 R.M. La zone de travail se situe donc entre 60 et 100 % de la R.M. Il apparaît donc que la charge élevée et sa durée totale d'application sont les deux facteurs nécessaires pour développer le contrôle nerveux dans un premier temps et l'hypertrophie dans un deuxième temps. La réponse hypertrophique résulterait d'une accélération de la synthèse protéique induite par la succession de processus de lésions-réparations liée à l'entraînement à charge élevée (5, 6). Les programmes de musculation, s'ils respec- tent les conditions d'intensité et la durée, augmentent le potèntiel musculaire. Cependant des études comparatives semblent montrer un gain plus important de force et de puissance après un entraînement isocinétique (9, 10, 13, 23). Ceci est à la résistance maximale appliquée tout au long du mouvement. De nombreux autres avantages existent comme la possibilité de passer un arc douloureux lors du

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Ann. Kinésithér., 1991, t. 18, n° 9, pp. 451-453© Masson, Paris, 1991

Développement de la force et de la puissancedes muscles de la cuisse

MISE AU POINT

P.PORTERO

M CMK., DEA GBM (univ. techn. Compiègne), chercheur associé au Centre d'Études et de Recherches Division de Physiologiede Médecine Aérospatiale, Paris, Métabolique et Honmonade, 5 bis, avenue de la Porte-de-Sèvres, 75731 Paris. Formateur à l'ECK,chargé de cours aux U.E.R. d'Éducation physique et sportive des universités Paris Vet Paris XI

Tous les systèmes biologiques répondent à desstimuli appropriés que l'on peut considérercomme des stress. La répétition d'un stress surun système entraîne une adaptation de ce dernierqui augmente sa capacité fonctionnelle. Cepen­dant l'application de la stimulation doit êtreappropriée tant dans l'intensité que dans sadurée pour pouvoir induire la meilleure adapta­tion possible, c'est-à-dire en évitant blessure etsurentraînement. L'arrêt de la stimulation en­

traîne la réversibilité des phénomènes adaptatifs.Le système musculaire répond à ces caracté­

ristiques. En effet, pour améliorer leur force etleur puissance, les individus subissent soit desentraînements pour développer ces deux para­mètres spécifiquement à leur spécialité sportive,soit des entraînements à visée rééducative aprèsblessure, immobilisation ou chirurgie.

De l'approche cellulaire faite par Mc Dougall(1986), il ressort que l'entraînement de la forceentraîne une augmentation du diamètre desfibres prédominant pour les fibres de type F.T.(rapide) (17) alors que l'augmentation dunombre de fibres (hyperplasie) est un phénomèneencore discuté bien que certains résultats récents(7) le prouvent.

La conversion de fibres du type ET. en S.T.(lent) n'a pas été observée après entraînement dela force que l'entraînement de la capacité aérobieque provoque la transition F.T. en S.T. (25). Lagrande plasticité du système musculaire squelet­tique se manifeste également par des modifica­tions du réseau capillaire (24), du tissu conjonc­tif (18). Les modifications métaboliques suiventglobalement celles des fibres musculaires.

Tirés à part: P. PORTERa, à l'adresse ci-dessus.

En ce qui concerne le contrôle nerveux,l'amélioration de la synchronisation et du niveaud'excitation du muscle est dans un premiertemps (6 semaines) à l'origine de l'augmentationde force, ensuite apparaît l'hypertrophie (14).

L'étude comparative (Mc Donagh et Davies,1984) réalisée sur un grand nombre de techni­ques de renforcement musculaire (isométrique,isotonique, isocinétique) montre que la chargeimposée doit être supérieure à 66 % de la forcemaximale volontaire et sur 10 contractions

minimum par séance. Ceci rejoint l'étude de Saleet Mc Dougall (1981) pour lesquels les meilleursgains s'observent pour des valeurs de 10 à12 R.M. (en 6 séries) par rapport à 6 séries de2-3 R.M. La zone de travail se situe donc entre60 et 100 % de la R.M.

Il apparaît donc que la charge élevée et sadurée totale d'application sont les deux facteursnécessaires pour développer le contrôle nerveuxdans un premier temps et l'hypertrophie dansun deuxième temps. La réponse hypertrophiquerésulterait d'une accélération de la synthèseprotéique induite par la succession de processusde lésions-réparations liée à l'entraînement àcharge élevée (5, 6).

Les programmes de musculation, s'ils respec­tent les conditions d'intensité et la durée,augmentent le potèntiel musculaire. Cependantdes études comparatives semblent montrer ungain plus important de force et de puissanceaprès un entraînement isocinétique (9, 10, 13,23). Ceci est dû à la résistance maximaleappliquée tout au long du mouvement. Denombreux autres avantages existent comme lapossibilité de passer un arc douloureux lors du

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TABLEAU 1. - Couples de force (N/M) des extenseurs etfléchisseurs du genou aux vitesses 30o/s. et 300o/s.

ExtenseursFléchisseurs

300/s.

1

251,2 136,4± 43,4

± 38,61

3000/s

1158,93 91,93

± 36,51± 26,7

mouvement, de travailler à des vitesses spécifi­ques de la force (30-600/sec.) ou de la puissancemusculaire (1800/sec.-2100/sec.) (12), de réaliserdes enchaînements rapides agonistes-antago­nistes sollicitant l'utilisation de l'énergie élasti­que série propre à de nombreuses activitéssportives (8, Il) (tableau 1).

Enfin il est possible d'évaluer certaines carac­téristiques de la fonction musculaire bien corré­lées avec des tests de terrain; la détente verticaleest très bien corrélée avec les valeurs de couplesde forces mesurées à 1800/sec. pour le quadri­ceps et les ischio-jambiers (27).

La valeur de ces tests est en relation étroiteavec les performances athlétiques; les basket­teurs de haut niveau de l'INSEP possèdent tousdes caractéristiques de force et puissance desquadriceps et ischio-jambiers propres à leuractivité (4). Ces résultats paraissent logiques enregard des contraintes imposées par la pratiqueintensive du basket-ball. Les ischio-jambiersdoivent être puissants pour assurer la stabilitérotatoire (19) et compenser la laxité des liga­ments croisés antéro-externes (1, 26).

Les programmes d'entraînement isocinétiquetels qu'ils sont proposés (4, 10, 22) combinentdes séries à vitesse lente (30-600/sec.) et rapide(1800 et plus) suivant des modalités différentes:soit des séries maximales de 10 ou 15 mouve­ments, soit des séries d'épreuves de fatigue(séries de mouvements réalisées jusqu'à ce quele couple de forces baisse de 50 % par rapportau couple de départ). Ces programmes peuventêtre améliorés par l'utilisation d'un feedbackvisuel tant dans l'évaluation de la force maxi­male (20) que dans la sensibilité du travailréalisé, ceux-ci influent sur le résultat final (2,9). De plus il est préférable de débuter ce typede renforcement seulement lorsque les sujets

peuvent soulever en dynamique ou maintenir enstatique une dizaine de kilos sur 8 séries de10 mouvements (22). L'entraînement de la forcedoit être complété par un entraînement de lacapacité aérobie de la jambe à rééduquer carl'immobilisation, l'arrêt de l'entraînement ontprovoqué non seulement une atrophie mus­culaire mais également une transformation defibres S.T. en F.T. et une diminution du potentielaérobie. Ce réentraînement aérobie peut se fairependant 30 minutes à une intensité croissantejusqu'à ce que le sujet puisse maintenir unepuissance de 2,5 Kpm (3).

La réussite de ces programmes est condition­née en partie par la brièveté de la phased'immobilisation (22) qui modifie le synchro­nisme des unités motrices. Enfin l'aspect trèsanalytique de ce type de programmes ne doitpas nous faire oublier les techniques permettantle passage à la fonction et aux gestes sportifs.

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