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Koolhaas et Balmond D’une théorie sur la structure à sa mise en oeuvre Jean Souviron Mémoire de master Décembre 2011 Directeurs de mémoire Jean-François Blassel Guillemette Morel-Journel ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE LA VILLE & DES TERRITOIRES A MARNE-LA-VALLEE DOCUMENT SOUMIS AU DROIT D’AUTEUR

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Koolhaas et BalmondD’une théorie sur la structure à sa mise en oeuvre

Jean Souviron

Mémoire de masterDécembre 2011

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Guillemette Morel-Journel

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Mémoire de master Matières à penserDécembre 20011

Directeurs de mémoireJean-François Blassel Guillemette Morel-Journel

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Introduction 5

1. La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

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1.1 La composante technique du “manhattanisme“ 12

1.1.1 Le “ manhattanisme “ : un néologisme forgé par Koolhaas 12

1.1.2 Forme versus fonction : comment la masse critique provoque la dissociation de la forme et de la fonction

15

1.2 La remise en cause parallèle du système cartésien 19

1.2.1 Balmond : la recherche d’une nouvelle tectonique 19

1.2.2 Rencontre entre deux théoriciens : convergences et divergences de pensées 22

2. Formalisation et développement des théories par le projet 27

2.1 La définition du schéma structurel par l’organisation programmatique 29

2.1.1 Zeebrugge : Le cadavre exquis structurel 29

2.1.2 Le ZKM et la TGB : habiter la structure 35

2.2 Bigness : la nécessité de reconsidérer la coupe 41

2.2.1 Masse critique et gravité 41

2.2.2 De la nécessité d’intégrer au processus de conception le contenu technologique d’un bâtiment

44

3. Construction : le cas du Congrexpo 49

3.1 Un projet ambitieux contraint par un contexte politique et économique complexe

50

3.1.1 Un projet européen 50

3.1.2 L’ovoïde et la juxtaposition programmatique 53

3.2 Comment la pensée structurelle se définit surtout par une stratégie constructive 57

3.2.1 Hybridations structurelles 57

3.2.2 Comment la mise en œuvre d’une matière en définit ses qualités 61

Conclusion 67

Bibliographie 71

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L’architecte Rem Koolhaas et l’ingénieur Cecil Balmond s’associent depuis 1985 autour de la conception de projets remarquables par la singularité de leurs approches architecturales et structurelles.

Tous deux débutèrent leurs pratiques dans les années soixante-dix, période d’émergence du post-modernisme, période de critique virulente envers certaines pensées et doctrines de l’époque. Cecil Balmond et Rem Koolhaas participeront de cette remise en question et construiront une partie de leurs théories par rapport à ce contexte intellectuel.

L’architecture contemporaine est encore grandement influencée par les débats nés de ces années 80 et la contribution de leurs travaux, personnels et communs, est considérable. Ils apparaissent comme deux influences majeures, concentrant autour d’eux un ensemble de questions d’une grande contemporanéité.

Étudier la rencontre entre l’approche structurelle de Cecil Balmond et celle architecturale de Rem Koolhaas laisse entrevoir une partie de ces questionnements. Ce mémoire est centré sur ce sujet et questionne ainsi l’existence de cette relation et la complémentarité de leurs pensées, interrogeant le rapport entretenu entre la technique et l’architecture dans leurs projets communs.

Si Rem Koolhaas a toujours affiché un certain détachement vis-à-vis de la question structurelle, ses réalisations témoignent au contraire d’une grande attention portée à la technique. Cette observation détermine une première hypothèse : même si la structure ne semble pas primer dans la pensée de Rem Koolhaas, elle s’inscrit tout de même dans se théorie architecturale. Elle participe à une critique de la relation entre forme et fonction, occupant une position singulière dans ses œuvres architecturales.Il trouve en Cecil Balmond un interlocuteur idéal qui n’a de cesse de remettre en question la pensée cartésienne dominante. Il cherche à réinterpréter la fonction

Introduction

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de la structure dans l’architecture contemporaine, reconsidérant le rôle de l’ingénieur dans le processus de conception.

Au-delà de la complémentarité de leurs ambitions, cette association s’enrichit des recherches qu’ils mènent indépendamment et qui constituent le fondement de leurs théories, par la suite réinjectées dans un travail collectif de conception. Étudier cette collaboration nécessite donc de comprendre en quoi leurs pensées convergent, divergent et se complètent dans leurs composantes techniques.À partir de cette analyse, il est possible de regarder au travers des projets comment s’opère le passage de la théorisation à la formalisation, puis à la construction.

En distinguant de ces pensées leurs composantes techniques, l’analyse trouve une certaine profondeur dans la critique qu’elle permet de dégager. Autour de la structure s’opère une synthèse de toutes ces considérations. Elle condense les théories de Cecil Balmond et de Rem Koolhaas dont dépend l’interprétation des enjeux architecturaux et techniques induits par le contexte.

En quoi les approches théoriques de la structure que développent Balmond et Koolhaas convergent-elles ? Comment, dans leur collaboration, passent-ils de la théorie au projet et du projet à sa réalisation ?

Si de nombreux écrits s’attardent sur l’analyse du travail de Rem Koolhaas, peu en questionnent l’approche constructive et structurelle. L’intérêt est le plus souvent d’ordre théorique, formel, voir plastique. L’ouvrage de Roberto Gargiani1 est l’une des rares études attentives à la question technique. Cependant, ce livre se concentre surtout sur la recherche des mythes et théories qui traversent l’œuvre de Rem Koolhaas.Quant à Cecil Balmond, l’essentiel des recherches qui ont été faites s’avèrent être des présentations de son travail et de sa démarche conceptuelle. Aucune étude ne s’attarde sur la collaboration de ces deux hommes et en questionne l’existence.

Je crois pourtant que ces deux pensées constituent aujourd’hui un domaine d’étude riche et complexe qui permettrait de comprendre de manière plus pertinente leurs travaux et les enjeux contemporains auxquels ils se rapportent.

C’est donc par l’observation de leur travail que je propose de définir la pensée structurelle qu’ils développent. Comprendre les travaux permet de dégager les concepts qu’ils représentent et d’en étudier les applications. À partir de cette analyse se constitue une critique de l’approche structurelle de Cecil Balmond et Rem Koolhaas.

1 Roberto Gargiani, RemKoolhaas / OMA. The Construction of Merveilles, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2008

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L’analyse chronologique des projets et des écrits permet de discerner l’évolution de leur travail et d’en observer le développement théorique et pratique.Cette évolution s’organise autour de quatre étapes chronologiques à partir desquels s’établit le plan de ce mémoire.

La fin des années 80 est une période de théorisation durant laquelle l’ingénieur et l’architecte réalisent deux œuvres constituant les fondements de leurs pratiques, l’une architecturale et l’autre littéraire.Dans l’écriture de New York Délire2, Rem Koolhaas envisage la structure d’un point de vue technologique. Il y expose comment des innovations technologiques - l’ascenseur, l’éclairage artificiel, l’ossature métallique - élargissent les possibilités de concevoir un bâtiment et en accroît l’échelle. Le livre constitue un manifeste architectural et urbain dont les théories contenues établissent la base de l’approche structurelle de Rem Koolhaas.Dans la même période, Cecil Balmond contribue à la réalisation de la Staatsgallerie3. Son intérêt pour les mathématiques contribue également à la recherche d’un nouveau vocabulaire technique, remettant en question une pensée structurelle cartésienne. L’essentiel des sources rendant compte du travail mené à cette époque là est assez récente. Il convient donc de mesurer le propos rétrospectif à partir duquel il est néanmoins possible de discerner une approche structurelle.

En 1985 commence une phase d’expérimentation des théories à des commandes réelles. Ils font le choix de se consacrer principalement à l’étude de projets de grande échelle. Aucun ne sera construit mais chacun constitue une expérimentation importante dans le développement de l’approche structurelle.La pensée architecturale de Rem Koolhaas et celle structurelle de Cecil Balmond trouvent l’une et l’autre une grande complémentarité autour de ces projets ambitieux. L’enjeu technique et technologique de ces bâtiment conditionne l’ambition architectural, l’architecte et l’ingénieur deviennent les auteurs confondus du projet. Les deux participent à une remise en question de la relation entre forme et fonction, complexifiant le rôle de la structure. En s’appuyant essentiellement sur l’étude des documents techniques représentant le projet, cette partie permet de se détacher du discours et de définir par le dessin l’approche structurelle.

Rem Koolhaas et Cecil Balmond réalisent leurs premiers projets au début des années 90. L’approche théorique de la structure se confronte aux enjeux économiques et constructifs du chantier. L’étude de la mise en œuvre et des qualités d’usage du bâtiment permet de prendre une distance critique.Contrairement à des projets qui restent sur le papier, il est possible de voir comment la pensée structurelle se prolonge dans les détails.

2 Publié pour la première fois en 1978 sous le titre Delirious New York, Thames & Hudson, NY3 Musée construit par James Stirling à Stuttgart entre 1977 et 1983

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En tant que première réalisation, le Congrexpo est analysé à travers ses qualités d’usage compte tenu de la commande et du programme. L’étude des réponses techniques et architecturales est plus approfondie que précédemment.

Enfin, la période contemporaine peut être vue comme une période de consécration. Dans les années 2000, une série de projets prestigieux et iconiques se réalisent : le siège du CCTV à Pékin, la bibliothèque de Seattle et la Casa de Musica à Porto. Se posent à nouveau les questions du rapport à l’échelle, du rôle de l’enveloppe et de l’expression de la masse et des matériaux. Les contextes politique et économique de ces projets ainsi que leurs réponses structurelles et architecturales sont complexes et lourdes à analyser. Elles nécessitent un travail important qu’il est impossible de mener dans le cadre de ce mémoire.

Le choix à donc été fait de se concentrer sur les trois périodes de théorisation, formalisation et construction. Si les projets récents ne sont pas analysés, cette intervalle de temps rend néanmoins compte du passage important de la théorie à sa mise en oeuvre et constitue un domaine d’étude suffisamment riche pour permettre de développer une approche critique.

L’ensemble des projets analysés participent d’un même questionnement concernant les bâtiments de grandes échelles, que Rem Koolhaas baptisent « Bigness4 ». Cette étude débutée autour de New York Délire se poursuit dans l’orientation de sa pratique architecturale. Cecil Balmond, par sa collaboration à la conception, participe à cette recherche dont l’objectif explicite est de définir une nouvelle architecture répondant aux nouveaux enjeux suscités par de telles commandes.

La Très Grande Bibliothèque de Paris, le Centre des arts et des technologies des médias de Karlsruhe, et le terminal maritime de Zeebrugge sont trois projets non réalisés, dessinés durant l’été 1989. Tous trois participent d’une même recherche, supports idéals à l’expérimentation des théories précédemment développées. Ce sont des projets déterminants dans l’évolution de l’approche structurelle commune.Le Congrexpo est le premier bâtiment de très grande échelle réalisé conjointement par Cecil Balmond et Rem Koolhaas. Contraint par un budget très limité, cette réalisation met à l’épreuve la théorie dans sa capacité à résister aux enjeux de la construction. La qualité de l’objet construit rend compte de la pertinence de la pensée et du processus de conception.Au-delà de la taille de ces projets, leur complexité programmatique impose des réponses architecturales qu’il est nécessaire d’interroger à travers la relation entretenue entre les besoins techniques et spatiaux justifiant l’existence de cette collaboration.

4 Bigness, or the problem of large, titre d’un texte paru dans S,M,L,XL, OMA, Rem Koolhaas, Bruce Mau, New-York, Monacelli Press, 1998. Première parution dans Domus, n° 764, octobre 1994

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1. La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

Publié en 1978, New York Délire jette les bases d’une approche fictionnelle et scénaristique à partir de laquelle Rem Koolhaas définira sa pratique. Dans la même période, Cecil Balmond collabore avec l’architecte James Stirling autour de la Staatsgallerie de Stuttgart, achevé en 1983. Ce musée constitue une première expérimentation pratique lui confirmant la nécessité de poursuivre ses recherches sur la définition d’une nouvelle tectonique.

Autour de ces deux œuvres s’expriment les fondements de leur théorie architecturale et structurelle. L’observation de ces deux pensées permet d’en dégager les convergences et les divergences et d’étudier en quoi elles se complètent dans leurs composantes techniques.

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron12

1.1 La composante technique du « manhattanisme »

À travers New York Délire se lit la formulation d’une théorie urbaine et architecturale concentrée dans le néologisme « manhattanisme ». Définie par Rem Koolhaas à partir de l’étude du Manhattan congestionné du début du XXe siècle, elle constitue le fondement de son approche architecturale, faisant du gratte-ciel l’émergence bâtie de ce manifeste.

De l’étude de ce propos, il est possible de discerner la composante technique du manhattanisme qui s’organise autour de deux problématiques principales : l’influence de l’innovation technologique sur l’architecture contemporaine et la remise en question du fonctionnalisme.

1.1.1 Le “manhattanisme” : un néologisme forgé par Koolhaas

« Manhattan est un théâtre du progrès1. »

« On croyait déjà plus en ce “Progrès“ qu’en la Bible, et cet évangile semblait irréfutablement démontré chaque jour par les nouveaux miracles de la science et

de la technique2. »

Né dans la trame manhattanienne de 1811, le gratte-ciel est le produit d’un Manhattan congestionné du début du XXe siècle, contexte culturel singulier dont cette nouvelle typologie architecturale en est devenue l’émergence bâtie.

Le plan de la commission et ses 2028 blocs sont les limites immuables d’une compétition architecturale matérialisant les spéculations d’une société capitaliste en plein essor : 500 000 habitants en 1850, 5 500 000 en 1900. L’île, submergée par l’arrivée d’une foule toujours plus massive d’Européens, va trouver dans l’apparition de nouvelles technologies les outils nécessaires à son développement vertical.

L’invention de l’ascenseur par Otis va permettre l’émergence de l’architecture du gratte-ciel en rendant économiquement intéressant le développement d’un édifice au-delà du cinquième étage. L’ossature métallique en sera la structure, fine et robuste, support d’une spéculation immobilière définie par une nouvelle équation : « plus le terrain vaut cher, plus l’immeuble doit être élevé pour atteindre son point de rendement économique maximum.3 »

1 Rem Koolhaas, New York délire, Un manifeste rétroactif pour Manhattan, Paris, Chêne, 1978, p. 10

2 Stefan Zweig, Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, Paris, Le Livre de Poche, 1996, (1942) pp. 17-18

3 W. C. Clark et J. L. Kingston, The Skyscraper. A study in the Economic Height of Modern Office Building, Amercican institute of steel construction, 1930. Publié dans Form Follows Finance, EAV n°7. Cet article rassemble plusieurs extraits de l’ouvrage de Carol Willis, Form Follows Finance, New York, Princeton Arch. Press, 1995. Traduction Hervé Denès

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13La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

Au-delà de ces avancés techniques, c’est l’ensemble du processus de conception qui se modernise sous la pression d’un libéralisme envahissant. Annoncé par la construction du Crystal Palace en 1851, les chantiers s’organisent autour de nouvelles méthodes de construction ultra-efficaces, notamment grâce à la préfabrication des éléments de construction.

« Tout en bas, dans la rue, les conducteurs de camions travaillaient selon les mêmes horaires. Ils savaient, pour chaque heure du jour, s’ils étaient censés livrer des poutres métalliques ou des briques, des châssis de fenêtres ou des blocs de pierres pour l’Empire State. L’heure de départ du lieu d’approvisionnement, la durée nécessaire pour effectuer le trajet et le moment exact d’arrivée sur le point de livraison étaient calculés, planifiés et observés avec une précision absolue4. »

A partir des années 1900, la composition des gratte-ciel va se standardiser selon un « plan typique5 ». Une structure générique, la moins volumineuse possible et organisée suivant une trame cartésienne libère une surface flexible, support d’usages variés. Jusqu’au milieu du XXe siècle, la profondeur du plan est contrainte par les besoins en lumière naturelle des espaces de travail. Si l’ascenseur a permis aux bâtiments de devenir hauts, la lumière artificielle et les systèmes de climatisation, démocratisés au milieu du XXe siècle, vont leurs permettre de devenir gros. Avec des hauteurs d’étage plus faibles, des plans plus profonds et donc un volume bâti plus compact et rentable, ces nouvelles technologies participent à l’apparition de nouvelles typologies architecturales que Rem Koolhaas baptisera « Bigness ».

« En rendant les circulations aléatoires, en court-circuitant les distances, en artificialisant les intérieurs, en réduisant la masse, en étirant les dimensions et en accélérant la construction, l’ascenseur, l’électricité, la climatisation, l’acier et, finalement, les nouvelles infrastructures ont entraîné des mutations en chaîne induisant une autre espèce d’architecture.6 »

De ce Manhattan congestionné du début du XXe siècle émerge donc une typologie architecturale nouvelle que New York Délire présente comme l’architecture métropolitaine des conditions urbaines contemporaines. L’analyse de ce nouvel urbanisme et de son produit architectural permet à Rem Koolhaas de proposer une théorisation contenue dans un néologisme qu’il forge à partir de son sujet d’étude, le “ manhattanisme “.

L’isme construit par Rem Koolhaas entend définir une théorie architecturale et

4 New York Délire, op.cit. p.1165 “ Typical Plan ”, titre d’un texte écrit par Rem Koolhaas en 1993, publié dans S,M,L,XL, op. cit. Il y

critique la propagation d’un plan standardisé, supposé neutre, indéterminé et flexible, né au début du XXe siècle dans les gratte-ciel de bureaux américains.

6 Rem Koolhaas, Bigness, ou le problème de la grande taille, traduit par Françoise Fromonot, Criticat n°1, janvier 2008, p.56. Traduction de Bigness, or the problem of large, op. cit.

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron14

Le Straus Building (1924) et la Sears TOwer (1974)La comparaison à la même échelle de ces deux plans rend explicite l’influence des innovations technologique sur l’architecture et son échelle. Le premier représente une surface de 8208 m2. Le second s’étale sur 15000 m2. Cinquante années les séparent.Form Follows Finance, op. cit. p. 67

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15La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

urbaine par son contexte d’origine, laboratoire expérimental dont New York Délire retrace l’histoire fictionnelle. Informulé à l’époque de sa création, le manhattanisme serait devenu une « doctrine consciente, dont la pertinence déborde désormais largement le cadre de l’île originelle7 ». Il devient une théorie crédible pour un urbanisme du XXe siècle, nouvelle époque définie par l’intensité d’une vie métropolitaine généralisée.Pour Rem Koolhaas, cette condition métropolitaine se caractérise par une densité physique extraordinaire, constituant de nouveaux modes de vie organisés autour d’une “ culture de la congestion “. Condition moderne de l’existence de l’individu contemporain, elle se définit au-delà d’une simple densité physique excessive contenue dans une ville.

« Ce sont avant tout ces images qui intéressent Koolhaas : au-delà de la densité, la congestion est au fond la conservation de toutes les traces et de toutes les images, leur coexistence dans un espace qui s’en trouve virtuellement saturé. Car “dans la Culture Manhattanienne de la Congestion,dit-il, destruction n’est qu’un autre mot pour préservation“.8 »

Cette « culture de la congestion » va participer à la définition du gratte-ciel, et plus largement à celle de la Bigness9, traduisant la densité physique en une densité programmatique instable satisfaisant les besoins changeant d’une nouvelle société, les gros bâtiments n’ayant de raisons d’exister que dans la foule et l’accumulation.

Le Downtown Athletic Club deviendra le manifeste architectural du manhattanisme. Son volume dissimule la complexité fonctionnel de son contenu, remettant en cause la relation entre forme et fonction.

1.1.2 Forme versus fonction : comment la masse critique provoque la dissociation de la forme et de la fonction

« La deconnection des parcelles aériennes entre en apparente contradiction avec le fait que leur réunion aboutit à un édifice unique. Il ressort même, à la lecture du diagramme, que la structure est une entité précisément dans la mesure où l’individualité des plates-formes est préservée et mise en valeur, et que sa réussite devrait se mesurer à la capacité qu’elle a de permettre leur coexistence sans interférer avec leurs destinées. L’édifice devient un empilement de domaines privées.10 »

7 New York Dèlire, op. cit. p. 2428 Luc Baboulet, Du document au monument, Communications, 71, 2001, p. 4549 « Au-delà d’une certaine échelle, l’architecture acquiert les propriétés de la Bigness. »

Bigness, op. cit., p. 5510 op. cit. Empire State, A History, New York, Empire State Inc., 1931, pp. 116-117

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron16

La culture de la congestion et la grande échelle des bâtiments manhattaniens font émerger une nouvelle typologie architecturale définie par sa taille critique et par la superposition programmatique qu’elle engendre. L’instabilité et la diversité du contenu architectural métropolitain rendent désuètes les théories fonctionnalistes justifiant une dépendance entre la façade et le programme d’une architecture.

Le manhattanisme reconsidère de manière radicale la relation entre la forme et la fonction par une dissociation nette entre contenu et enveloppe. Avec Rem Koolhaas, la « lobotomie » trouve une nouvelle acception, architecturale et attachée au manhattanisme.

« L’opération d’architecture équivalente [à la lobotomie] consiste à dissocier architectures intérieure et extérieure11. »

Dispensée de toute préoccupation fonctionnaliste, la façade exacerbe sa condition urbaine par sa fonction représentative. Par sa taille et sa présence urbaine, le manhattanisme réactualise le programme symbolique et culturel de l’architecture. La matérialité de la façade vante la masse et glorifie la prouesse technique tandis que les activités intérieures se dissimulent.

« Pur produit d’un processus, l’Empire State ne peut avoir de contenu. L’édifice n’est qu’enveloppe. La façade est tout, ou presque tout. L’empire State apparaîtra encore dans tout l’éclat de sa beauté première à nos arrières-petits-enfants éblouis ; cet aspect est obtenu grâce à l’utilisation d’un acier nickel-chrome, un nouvel alliage qui ne se ternit jamais et ne perd rien de son éclat. [...]De toute façon, rien, pas même les jeux d’ombres, ne peut briser l’élan de la tour12. »

A l’intérieure des édifices, la structure joue un rôle insignifiant. Se répétant sur des dizaines d’étages, elle doit se plier aux exigences de flexibilité et d’ouverture du programme. Avant la popularisation de la lumière artificielle, les plateaux étaient libérés de toute structure, composition permise par le besoin en lumière naturelle et donc la faible profondeur du plan.À contrario, l’extérieure des gratte-ciel donnent à voir une structure unique glorifiée, un volume gigantesque qui n’est que technique et matière. « Passé un certain volume critique, toute structure devient un monument, ou du moins, suscite cette attente de par sa seule taille, même si la somme ou la nature des activités particulières qu’elle abrite ne nécessite pas une expression monumentale.13 »

11 New York délire, op.cit., p. 8212 Ibid, Empire State, A History, Empire State Inc. 1931, p.116-11713 Ibid, p. 81

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17La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

Le Downtown Athletic Club, manifeste architecturale du manhattanisme (1931)Un club de billard, un terrain de handball, un terrain de golf, une piscine, un hôtel, etc. L’ensemble forme une superposition de nouveaux mondes contenus dans une forme unique.« Seule la congestion peut engendrer la super-maison, le méga-village, le “bâtiment grand comme une montagne“, la Venise automobile modernisée. » Rem Koolhaas, New York Dèlire, op. cit. p. 104

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron18

Peu importe la modestie de la structure, la Bigness la transforme en monument. La façade glorifie cet exploit technique par l’expression de la masse et devient valeur monétaire car emblème publicitaire de l’investisseur hébergé14.Une fois la climatisation et l’éclairage artificielle généralisés, l’extension incroyable du plan exacerbera l’indépendance de la façade vis à vis du contenu.

« Dans la Bigness, la distance entre le noyau et l’enveloppe augmente à un point tel que la façade ne peut plus révéler ce qui se passe au dedans. L’ “honnêteté“ attendue des humanistes est condamnée, l’une traitant de l’instabilité des besoins programmatiques et iconographiques, l’autre - l’agent de désinformation - offrant à la ville la stabilité apparente d’un objet.15 »

L’écriture de ce livre a permis à Rem Koolhaas de définir les fondements de sa pratique, ses sujets et méthodes de travail. L’ensemble de sa production architecturale ne cessera de s’inscrire dans l’approche fictionnelle de New York Délire. Les premiers projets participeront à cette critique du fonctionnalisme qui conditionnera une partie de son approche structurelle16.

« Et de même que la précieuse stèle avait à la fois donné la clé des hiéroglyphes et marqué le début de l’égyptologie, Koolhaas part du postulat que Manhattan contient le chiffre qui permettra de comprendre les principes de la culture urbaine du XXe siècle. Par son thème, New York Délire est un livre d’histoire. Par le ton et le caractère fantastique des faits rapportés, il est une légende, voire une hagiographie. Le livre est la visite d’un architecte à la Pythie ; si Koolhaas est le théoricien de Manhattan, c’est au sens grec de theoros, qui signifiait “consultant d’un oracle“.17 »

14 « Un immeuble de bureaux joliment conçu a désormais plus de valeur commerciale que s’il l’est moins... et donc la façade de ces immeubles a une valeur monétaire qu’elle n’a pas toujours dans d’autres structures. » Barr Ferree, The Modern Office Building, tirage privé, New York, 1896, p. 32, cité dans Form follows Finance, op.cit. p.58

15 Bigness, op. cit. p. 5716 Une « conclusion fiction » termine New York Délire en présentant cinq projets dessinés entre

1972 et 1976 : La Ville du globe captif, 1972 ; l’hotel Sphinx et la New Welfare Island, 1975-76 ; le Welfare Palace Hotel, 1976 ; la piscine flottante, 1977. Aucune considération structurelle n’apparaît, l’approche y est programmatique et fictionnelle et détermine les conditions techniques - l’exemple des poteaux déguisés en phare dans la piscine du Welfare Palace Hotel. Le projet de l’OMA pour le parc de la Villette (1982) confirmera cette approche.

17 Luc Baboulet, op. cit. p. 454

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19La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

1.2 La remise en cause parallèle du système cartésien

Émergent des années 80, Cecil Balmond est un ingénieur obsédé par une remise en cause de la pensée technique traditionnelle. Il ne cessera de chercher à redéfinir le rôle de la structure dans l’architecture contemporaine. Sa recherche pour une nouvelle tectonique est très fortement influencée par une approche poétique remettant en question la relation entre forme et fonction.Si les théories de Rem Koolhaas et Cecil Balmond n’ont pas les mêmes origines, elles semblent converger dans leur remise en cause parallèle d’une pensée cartésienne.

1.2.1 Balmond : la recherche d’une nouvelle tectonique

« Je me suis mis en position de promouvoir l’art de l’ingénieur, en tant que philosophie, genre artistique et œuvre poétique18. »

Le travail de Cecil Balmond s’organise essentiellement autour d’une recherche revendiquant une redéfinition du rôle de l’ingénieur et de la structure dans l’architecture contemporaine. Il défend un processus de conception soucieux des nécessités de dialogue entre ingénieurs et architectes, conscient de la nécessité de former une équipe pluridisciplinaire regroupée autour du projet dès le stade de la feuille blanche. Pour expliquer cela, il joue de l’ambiguïté du mot design qui, dans le vocabulaire anglophone, définit dans un sens large et global la “ conception “, regroupant en un terme unique les spécialisations et connaissances nécessaires à la réalisation d’un projet.

Cette attitude conduit à une hybridation des réponses apportées au projet, rendant ambiguë le rôle des éléments architecturaux dont l’ambition fonctionnelle est multipliée. Le rôle des différents acteurs est plus difficile à saisir, une vision généraliste se substitue au cloisonnement des différentes spécialisations, seule l’équipe peut revendiquer la paternité du projet.Si Cecil Balmond n’est évidemment pas le premier à défendre cette méthode de travail et à en comprendre les vertus, il a cependant le mérite d’appliquer ce processus de conception resté marginal, souvent dissous dans la complexité du projet. La structure devient indissociable des ambitions architecturales du projet, elle prend un sens élargi, dépassant l’objectif rationaliste d’une optimisation structurelle. Si elle n’est plus évaluée par ses performances techniques, elle devient pour Cecil Balmond support d’une nouvelle poétique, nouvel expressionnisme structurel qu’il ne cesse de questionner encore aujourd’hui.

18 Architecture totale: interview de Cecil Balmond, par Dimitri Meesse et Kersten Geers, A+ n°179, déc. 2002, pp. 42-49

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Neue Staatsgalerie, Stuttgart, 1977 - 1983 Que la première collaboration de Cecil Balmond se soit faite avec l’architecte James Stirling est révélateur d’une approche structurelle ancrée dans le post-modernisme.

Cecil Balmond et le processus de conception Ces diagrammes sont dessinés par Cecil Balmond dans Informal.En rouge est représenté le processus de conception défendu par Balmond : s’il existe une origine, il est impossible d’en connaître l’arrivée. Le processus inverse est ancré dans la tradition. Peu importe les expérimentations, les conclusions sont connues.ECOLE

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21La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

« Bien que le programme déconstructiviste ait pratiquement disparu de la scène, son rejet des règles d’organisation structurelles traditionnelles reste très présent aujourd’hui. De manière révélatrice ce rejet touche aussi des ingénieurs comme Cecil Balmond qui se veulent à la recherche d’une autre tectonique fondée sur des principes “ non cartésiens “ ou encore “ informels “19. »

S’il n’explicitera ses concepts qu’en 2002 par la publication d’Informal20, il est évident que son approche structurelle se matérialise dès les années 80 autour de quelques projets dont celui pour la Staatsgallerie, réalisé en collaboration avec James Stirling (1977 - 1983).Sans trop s’attarder sur l’analyse de ce bâtiment, il est intéressant d’en relever le langage structurel qui, à travers un post-modernisme architectural affirmé, exprime surtout un système détaché de toute règle esthétique et moral. Par l’image explicite qu’il renvoie, ce musée rappelle le contexte historique de la fin du XXe dans lequel s’inscrit Cecil Balmond et dont va dépendre une grande partie du travail.

Ce travail est donc indissociable du contexte culturel de la fin du XXe siècle : le post-modernisme se traduit structurellement par la recherche d’une nouvelle tectonique21. Cecil Balmond sera l’un des protagonistes de ce mouvement. Contestant une pensée cartésienne restée jusque là fondamentale, il défend une approche structurelle revendiquant une essence poétique, inspirée par les mathématiques.

« Je ne m’intéresse pas seulement au monde construit, mais aussi au vaste univers de l’algèbre, de la géométrie et de la poésie. Finalement, je cherche à montrer de manière graphique – par le biais d’écrits, de conférences ou de bâtiments – ce que je retrouve dans l’algèbre et la géométrie22. »

Le processus de conception s’organise autour d’une approche non-linéaire, accordant une place importante à l’expérimentation et au hasard. Le schéma structurel n’est plus défini par des soucis d’efficacité technique et d’optimisation géométrique, mais par des préoccupations sensibles et abstraites.

Inspiré par la musique et les mathématiques contemporaines, le langage technique de Cecil Balmond emprunte un vocabulaire narratif : instabilité, imprévisibilité, danger, mouvement et trajectoire, saut, etc. Pour Cecil Balmond, la poésie apparaît au moment où la structure joue d’une instabilité, d’une

19 Antoine Picon, Culture numérique et architecture : une introduction, Birkhäuser, 2010, p. 13020 Cecil Balmond, avec Jannuzzi Smith, Informal, Prestel, Munich, 200221 Pour la définition de tectonique, on fera ici référence à une acception proposée par Antoine

Picon dans un article traitant justement de ces questions structurelles contemporaines : « Par tectonique, j’entends usage de la structure comme exercice de lisibilité et principe de révélation spatial du bâtiment. » La crise de l’échelle et de la tectonique classique, D’A N° 168, novembre 2007, p. 43

22 interview de Cecil Balmond, op. cit, p. 42

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incertitude, se définissant par ce qu’elle donne à voir et à vivre.Cecil Balmond fait également référence à la nature comme source d’inspiration23. La manière qu’il a de regarder ces formes organiques est justement révélatrice d’une pensée, attachée à retrouver par les mathématiques une composition formelle et non physique.

Cette pensée trouve un écho remarquable dès les années 80 par les réponses qu’elle apporte aux questionnements du post-modernisme. L’attention au processus et non au style, à l’exception plutôt qu’à la règle, s’inscrit idéalement dans le contexte culturel de la fin du XXe siècle tandis que l’approche mathématicienne de Cecil Balmond trouvera en l’ordinateur l’outil idéal permettant le développement d’un processus expérimental et logarithmique défini par une nouvelle complexité, formelle et technique.

Il est évident que cette approche pose de nombreuses questions que la citation précédente évoque de manière explicite. Si le travail de l’ingénieur ne consiste qu’à « montrer de manière graphique » des manipulations mathématiques, il en résulte une certaine perversité à l’égard de certains enjeux architecturaux, notamment économique.

A ce stade du mémoire, il est évident que le discours théorique limite l’analyse de cette pensée qu’il devient nécessaire de confronter à la réalité d’une réalisation. Néanmoins, il en ressort des concepts qu’il convient de mettre en parallèle avec l’approche structurelle de Rem Koolhaas. Comprendre les convergences, aussi bien que les divergences, explique l’intérêt de cette collaboration.

1.2.2 Rencontre entre deux théoriciens : convergences et divergences de pensées

En 1985, dix ans après la création d’OMA, Rem Koolhaas et Cecil Balmond débutent leur collaboration autour du projet pour le siège social de la Morgan Bank24. Ils s’associent dès l’ébauche dans la volonté de former une équipe de conception capable de dépasser les clivages habituels des deux disciplines.

Cecil Balmond et Rem Koolhaas soutiennent tous deux des théories inscrites dans une pensée moderne25, répondant d’enjeux contemporains. Évidente mais

23 En 2007, Cecil Balmond publiera un recueil de photos servant une exploration personnelle qu’il mène sur les formes organiques. Ce livre synthétise des manipulations essentiellement mathématiques que l’ingénieur mène depuis deux décennies, Element, Prestel, Munich

24 Moderne est ici employé dans son acception première, “ qui appartient au temps présent “, Le Petit Larousse, 2005. Conscient de l’ambiguïté qui peut s’installer quant à une association de Cecil Balmond et Rem Koolhaas au mouvement moderne, je reviendrai dans les parties suivantes sur cette question qui relève d’une certaine complexité.

25 S’ils ne remportent pas ce concours, ils poursuivent néanmoins cette collaboration sur le projet du City Hall de La Haye en 1986, projet lauréat mais abandonné. C’est volontairement que ce mémoire ne s’attarde pas sur l’analyse de ces deux projets qui ne présentent pas d’intérêt particulier quant aux questions soulevées par cette recherche.

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23La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

essentielle, cette convergence semble constituer la base de leur approche structurelle et architecturale.

Si New York Délire propose une théorisation de l’architecture métropolitaine, c’est à travers une contextualisation historique précise - et fictionnelle. Rem Koolhaas rend compte de la nécessité de considérer le contexte culturel d’une époque pour en comprendre l’architecture. Et c’est ce même contexte qui en définit le langage technique. Lorsque Luc Baboulet évoque la « consultation de l’oracle », il met en évidence l’importance pour Rem Koolhaas d’un travail de recherche et l’influence de cette démarche intellectuelle quant à sa production architecturale. Rem Koolhaas semble en dégager une approche théorique organisée à partir d’une vision moderne, détachée des règles établies, qu’elles soient traditionnelles ou contemporaines.

Cette même attitude caractérise l’approche structurelle de Cecil Balmond qui, par ses recherches, définit un processus de conception affranchi de la morale traditionnelle. S’il revendique la remise en question du système cartésien, c’est en faveur d’une redéfinition structurelle consciente du nouveau rôle des ingénieurs et des outils de notre époque récente. De la même façon que l’expansion du gratte-ciel américain dépend de l’ascenseur, Cecil Balmond deviendra rapidement indissociable des outils numériques.

Cependant, si leurs pensées semblent converger sur la volonté de reconsidérer leurs disciplines respectives aux vues des conditions contemporaines, elles ne sont cependant pas issues d’une même réflexion. Contrairement à celle de Rem Koolhaas, nous avons pu voir précédemment combien la pratique de Cecil Balmond pouvait parfois sembler autonomiste, issue de préoccupations personnelles26. Cet attachement à reproduire formellement ce qu’il découvre dans les mathématiques et la musique ne trouvera pas d’application directe dans les projets conçus avec l’OMA.C’est la volonté de rompre avec le système cartésien en proposant une redéfinition fonctionnelle de la structure qui trouvera un écho favorable chez Rem Koolhaas.

A l’époque où les deux hommes se rencontrent, l’OMA est en train de construire en Hollande deux de ses premières réalisations : le Netherlands Dance Theater de la Haye, organisé autour d’une salle de concert de 1001 sièges (1981-1987) ; le quartier d’habitation IJ Plein au nord d’Amsterdam, à l’intérieur duquel l’OMA réalisera deux barres de logements une école et un gymnase (1981-1988).Certaines stratégies constructives mises en oeuvre pour ces projets témoignent d’une même remise en cause d’une approche structurelle cartésienne.

26 Ce mémoire n’interroge la pratique de Cecil Balmod qu’à travers sa collaboration avec Rem Koolhaas, il est évident que ce mémoire ne peut prétendre à une critique exhaustive de son approche structurelle personnelle.

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron24

IJ Plein, plan et axonométrie du système structurel Les charges sont reprises en traction par deux poutres dont la forme est dessinée par les efforts internes auxquels elles sont soumises. Images issues de Rem Koolhaas, Pour une Culture de la Congestion, op. cit., p. 38

Façade ouest de l’IJ PleinSoutenant les balcons, les poteaux deviennent des objets de représentation. www.flickr.com/photos/roryrory/

2. L’instabilité du SkybarLa mise en danger du corps ou la perversité d’un système structurel.Pour une Culture de la Congestion, op. cit. p. 38ECOLE

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25La convergence entre deux approches structurelles issues de théories différentes

La longue barre de logement réalisée par OMA dans le quartier de l’IJ Plein s’élance sur quelques 215 mètres de longueur et est supportée par une série de pilotis qui permettent à quelques commerces de se glisser sous la barre. Suivant des principes architecturaux et structurels relativement simples, une composition répétitive organise le bâtiment. Cette répétition est perturbée par quelques situations exceptionnelles desquels il résulte des effets architecturaux ou constructifs. La traversée en rez-de-chaussée d’une route introduit une pause dans le rythme régulier des pilotis. La suppression de deux d’entres eux inverse le schéma structurel et fait émerger du toit deux grandes poutres permettant de suspendre et de transmettre aux structures voisines la charge de ces parties.

Peintes en rose, ces poutres sont les seules courbes de l’élévation. L’attention portée à ces éléments exacerbe un événement constructif qui contraste avec la régularité de la façade. Une mise en scène semblable, mais plus discrète, supporte l’extrémité est de la coursive. Un léger porte-à-faux prolonge cette distribution et nécessite un dispositif structurel particulier : une poutre en console, en acier jaune, s’affiche sur la façade.

Les balcons, en avancée par rapport à la façade ouest, sont soutenus par un profilé en acier dont la géométrie relève plus d’une attention architecturale, voire ornementale, que d’une optimisation structurelle. Ces quelques éléments se construisent en contraste avec la sobriété de l’ensemble de la barre. Ces effets constructifs rendent difficilement discernable le rôle de la structure, à la rencontre entre architecture, technique et représentation.

Le skybar du Netherlands Dance Theatre de la Haye est certainement l’élément architecturale le plus explicite. En installant l’objet dans un état apparent d’instabilité, Rem Koolhaas déconcerte par l’événement qu’il génère. La nouvelle poétique structurelle que recherche Cecil Balmond passe par une complexité d’interprétation similaire, allant jusqu’à pervertir le rôle de la structure.

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2. Formalisation et développement des théories par le projet

« En 1985, nous avons commencé à collaborer avec Cecil Balmond, un ingénieur sri-lankais, et son équipe structure et services à Ove Arup. Il était patient avec nos demandes déraisonnables, et parfois, il prit notre amateurisme au sérieux. Notre intimité grandissante entre les disciplines de chacun - en fait, une invasion mutuelle de territoire - et l’estompement correspondant des identités professionnelles spécifiques (pas toujours douloureuse) nous autorisa, à la fin des années 80 - quand, à notre propre consternation, la Bigness émergea comme un iceberg soudain de la brume du discours déconstructiviste et s’imposa comme une nécessité politique, économique, artistique - à décongeler des ambitions premières et à explorer la refonte et la démystification de l’architecture, cette fois en expérimentant sur nous-mêmes1. »  

Cecil Balmond, en s’associant avec Rem Koolhaas, participe de fait à la recherche menée par OMA sur les bâtiments de grande échelle. Trois commandes sont le support d’expérimentations sur la formalisation possible de ces théories.Le terminal maritime de Zeebrugge, le centre d’art et des techniques de la communication de Karlsruhe, la Très Grande Bibliothèque de Paris, tous trois conçu en été 1989, sont trois projets remarquables par la pensée architecturale et le processus de conception qu’ils défendent.

L’opportunité de se dégager du discours par l’analyse de ces projets doit surtout permettre de comprendre comment les théories se formalisent et se développent dans le projet.

1 Rem Koolhaas, S,M,L,XL, op. cit. p.667 « He was patient with our unreasonable demands, and sometimes took our amateurism seriously. Our growing intimacy with each other’s disciplines – in fact, a mutual invasion of territory – and the corresponding blurring of specific professional identities (not always painless) allowed us, at the end of the eighties – when, to our own consternation, Bigness emerged like a sudden iceberg from the mist of deconstructivist discourse and imposed itself as a political, economic, artistic necessity – to defrost earlier ambitions and to explore the redesign and demystification of architecture, this time experimenting on ourselves. »

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Façade nord du terminal maritime de Zeebrugge

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29Formalisation et développement des théories par le projet

2.1 La définition du schéma structurel par l’organisation programmatique

2.1.1 Zeebrugge et le cadavre exquis structurel

En janvier 1986, Margaret Thatcher et François Mitterrand donnèrent leur accord pour la construction du tunnel sous la Manche. Si les compagnies de ferries veulent survivre, elles doivent préserver une part du marché en améliorant leur service pour devenir ainsi une alternative crédible à l’Eurostar. En 1989 à Zeebrugge, les autorités portuaires MBZ1 lancent un concours pour le réaménagement de son terminal maritime.

Le Sea Trade Center dessiné par Rem Koolhaas/OMA et Cecil Balmond/Ove Arup, projet lauréat mais non réalisé, serait une « “ tour de Babel sans faille “, dédiée à la nouvelle ambition de l’Europe et à la vocation du terminal : le mélange cosmopolite des visiteurs. A la différence de la tour de Babel “ originale “, qui fut le symbole de l’ambition, du chaos et finalement de l’impuissance, la présente tour de Babel est une ‘machine’ fonctionnelle qui accueille sans peine les voyageurs, les divertissant et les acheminant au lieu de destination.2 »

L’ensemble du programme est inséré dans un unique volume gigantesque, sorte de cône inversé coiffé d’une sphère, d’une hauteur totale de plus de 70 mètres pour un diamètre maximal d’environ 65 mètres. Les six premiers niveaux organisent un réseau complexe composé de parkings, de voies de desserte et de passerelles d’embarquement piétonnes et automobiles. Dans les étages supérieurs sont disposés les bureaux - onze plateaux -, l’hôtel - six plateaux -, deux restaurants, un espace d’exposition, un cinéma, un espace lobby et l’ensemble de l’administration et des espaces nécessaires à la gestion de la tour. Sous la sphère vitrée, une terrasse accueille une piscine, un casino et un auditorium.

« Non seulement les bateaux se transformeraient en mondes flottants du divertissement, mais leurs destinations - les terminaux - perdraient leur caractère fonctionnel et deviendraient des attractions3. »

A chacun des éléments du programme est associé un schéma structurel particulier, organisé de manière radio-concentrique et dépendant de la façade porteuse. Les espaces d’accés voitures et camions, situés sur les deux premiers niveaux, forment un socle robuste en béton. Le reste des espaces en lien direct

1 Maastschappij van de Brugse Zeebaartinrichtingen, Société des Systèmes Maritimes de Bruges

2 Rem Koolhaas, OMA – Rem Koolhaas, Pour une Culture de la Congestion, Paris, Jacques Lucan, Electa Moniteur, 1990, p. 122

3 OMA, http://www.oma.nl/, texte de présentation du Sea Trade Center de Zeebrugge “ Not only would the boats turn into floating entertainment worlds, but their destinations – the terminals – would shed their utilitarian character and become attractions. »

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron30

1. Entre infrastructure et architecture2. L’expression de la masse par l’enveloppeLe volume monumental du terminal et sa complexité programmatique exacerbés par la mise en forme du volume global. El Croquis n° 53+70, op. cit., pp.80-81

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31Formalisation et développement des théories par le projet

avec le transport maritime est soutenu par six piliers en acier distribués autour du hall central. La façade est découpée par une série de grandes ouvertures rappelant celles des hangars industriels, laissant traverser les voies et passerelles tandis qu’aux niveaux des accès piétons il ne reste de l’enveloppe qu’une immense poutre treillis.Sur une hauteur de six mètres, un niveau intermédiaire forme une sorte de gros caisson circulaire en béton et constitue un nouveau sol, une structure de transfert assurant la transition entre le schéma structurel inférieur et supérieur. Au-dessus s’organisent les espaces de services. On retrouve, disposés autour d’une trémie diamétrale, un hôtel, des bureaux et des espaces de divertissement supportés par une ossature métallique organisée selon une grille régulière. L’enveloppe est percée d’un réseau de fenêtres dont les dimensions et la forme changent en fonction du programme.La structure de la coupole, en métal et en verre, renforcée par un film en aramide, n’est pas précisée à cette phase de concours malgré la complexité technique que représenterait la réalisation d’un tel objet architectural. L’exposition au climat de la zone géographique de Bruges supposerait une technologie beaucoup plus précise et complexe afin de garantir un confort minimal sur la terrasse supérieure.

Depuis l’extérieur, l’expression de la masse est exacerbée par l’utilisation du béton, matériau homogène qui devait être coulé sur place par coffrages autogrimpants. La variation des types d’ouverture, et donc du schéma structurel, évoque « des associations successives : mécanique, industrielle, utilitaire, abstraite, poétique, surréaliste4 ». L’enveloppe exprime l’échelle et la masse du projet, perturbée géométriquement par la variation du contenu. Le terminal « se veut à la fois pleinement artistique et totalement efficace5» et devient une icône assumée dans l’horizontalité de ce paysage portuaire.

L’organisation programmatique qui dessine la coque structurelle de l’enveloppe détermine également l’ensemble du schéma structurel intérieur. La structure est définie à partir du programme et de ses besoins spatiaux, affirmant les identités de chacun des espaces. Le terminal de Zeebrugge, tout comme le gratte-ciel du manhattanisme, revendique une densité et une diversité programmatique en assumant le contraste et l’opposition qu’il en résulte. Mais Koolhaas et Balmond opposent au « typical plan » du Rockfeller Center un cadavre exquis6 structurel omettant de se soumettre à une unique grille cartésienne.

4 Rem Koolhaas, Pour une Culture de la Congestion, op. cit. p. 1225 Ibid, p. 1226 “ Cadavre exquis “ est le titre donné en français par Rem Koolhaas au projet du Netherlands

Dance Theater de La Haye dans S,M,L,XL, p. 305. Inventé par les surréalistes, ce jeu devient chez Rem Koolhaas une métaphore architecturale. Elle représente la coexistence dans un volume unique d’éléments programmatiques différents, assumant une existence formelle indépendante, mais nécessairement subordonnés au tout. Le cadavre exquis induit une méthode de travail qui sera appliquée notamment pour le projet de l’extension du parlement hollandais de La Haye, 1978. Rem Koolhaas, Elia Zenghelis et Zaha Hadid y dessineront chacun un bâtiment, les trois étant par la suite réunis.

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Vue aérienne sur le dôme vitré du terminalLa diversité formelle et programmatique contenue sous le dôme rappelle le travail de Buckminster Fuller sur Manhattan. L’enveloppe constituerait le climat d’un « méga-village ».

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33Formalisation et développement des théories par le projet

Il résulte de ce système une cohabitation fascinante entre plusieurs échelles. Différentes références architecturales s’entrechoquent et définissent un vocabulaire technique et spatial singulier. Le réseau des premiers niveaux du terminal de Zeebrugge constitue toute une infrastructure complexe compactée dans un volume unique, soutenue par une structure massive. La référence à l’aérogare 1 de l’aéroport Charles-de-Gaulle7 est relativement évidente. Le projet en suit la composition, le programme, l’échelle et en reprend l’imaginaire futuriste. Le mouvement des ferries, camions, bus et voitures s’entrecroisent dans une méga structure, mouvement mis en scène dans le reste du bâtiment par le vide de l’atrium central.

L’hôtel, les bureaux et les espaces de divertissement forment trois volumes indépendants contenus par l’enveloppe du cône inversé. Soutenus par la structure des espaces inférieurs, ils constituent trois bâtiments aux schémas structurels propres. Ce paysage urbain contenu à l’intérieur même du terminal, protégé par une coupole transparente, renvoie aux travaux de Buckminster Fuller et à son dôme géodésique posé sur Manhattan8. Au-delà des similitudes formelles, l’objet pose les même questions architecturales et techniques. Hermétique et compact, ce nouveau monde doit répondre d’enjeux énergétiques complexes, constituant un nouveau climat définit par la matérialité même de la membrane. Si le dôme de Manhattan est resté immatériel, celui de Balmond et Koolhaas ne fait pas mieux qu’assurer sa stabilité. Le verre renforcé en aramide résistera certainement aux chocs mais nous pouvons douter qu’il réussisse à garantir un confort minimal.

Néanmoins, les systèmes structurels et constructifs restent assez simples et évidents. Les matériaux et la géométrie du projet sollicitent des techniques maîtrisées. La structure du terminal de Zeebrugge est surtout extraordinaire par la juxtaposition et l’hybridation de ces systèmes que la taille du bâtiment fini de glorifier - l’automonument du manhatannisme.

Si l’hybridation et la juxtaposition renvoient directement à une approche structurelle défendue par Cecil Balmond, son rôle dans la conception du terminal reste difficilement discernable. Ce projet fait essentiellement référence à des théories architecturales défendues par Rem Koolhaas ; la tectonique est déduite de l’organisation programmatique. Au sein de la monographie S,M,L,XL, une feuille de travail des ingénieurs d’Ove Arup négligemment photocopiée est glissée dans le chapitre concernant le terminal de Zeebrugge. Il n’est pas possible de connaître l’auteur et difficile d’en déchiffrer les écrits. Si cette page atteste de l’existence d’une collaboration entre Arup et OMA, elle rend surtout compte du fait que le programme et l’espace priment sur la structure.

7 Richard Buckminster Fuller, Manhattan Dome, 19608 Paul Andreu, Roissy, France, 1967-1974

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron34

Croquis de Cecil Balmond présenté dans S,M,L,XLDe la même façon que les programmes sont superposés dans un volume unique, différents schémas structurels s’additionnent sur la coupe. S,M,L,XL, op. cit. p. 600

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35Formalisation et développement des théories par le projet

En face de cette feuille, un texte de Rem Koolhaas explique deux procédés de construction imaginés conjointement avec l’équipe d’Ove Arup. Le premier est rapide et efficace, il doit voir le bâtiment s’élever le plus vite possible. Le second est infiniment long ; il en est même difficile de prédire si le chantier s’arrêtera un jour9.

« Dans le premier cas, une si soudaine érection deviendrait un spectacle ; dans le second, un progrès quasiment imperceptible une source potentielle de suspense : le vieillissement des ouvriers serait perceptible au cours de la construction ; les enfants deviendraient adultes que le bâtiment resterait obstinément inachevé10. »

La ville devient le spectateur d’une pièce de théâtre. On y rejoue la construction de la tour de Babel - à moins qu’on ne décide d’en moderniser le mythe.On peut se douter que le client ne trouverait pas un grand intérêt à se retrouver pris dans une construction sans fin. Mais ce texte sert surtout une approche fictionnelle et scénaristique déjà présente dans New York Délire, scénario dans lequel s’inscrivent les considérations techniques.

Rem Koolhaas et l’OMA semblent avoir trouvé en Cecil Balmond et Ove Arup des interlocuteurs idéals, réceptifs et prêt à s’associer dans leurs recherches. La structure reste cependant au service d’un propos architectural unique, celui de Rem Koolhaas. L’apport de Cecil Balmond est difficilement remarquable si ce n’est par la cohérence qu’il semble apporter au projet.Autour des projets suivants, cette association va s’affirmer dans l’approche conceptuelle et définir une relation plus complexe entre technique et architecture.

2.1.2 Le ZKM : habiter la structure

Rem Koolhaas/OMA, associés à Cecil Balmond/Arup, remportent en 1989 le concours pour le ZKM11, Centre des arts et des technologies des médias de Karlsruhe, centre géographique de l’Europe situé à l’époque en RFA. De 1989 à 1992, ils développeront le projet que des exigences politiques abandonneront

9 S,M,L,XL, op. cit. p.601 « The first, guided by speed, suggested the establishment of an initial base, then the rapid assembly of prefabricated elements, which would finally be cloaked in a balloon of ferroconcrete foam sprayed on formwork of chicken wire. In the second scenario, the building became hyper-substantial : it would be built in reinforced concrete by a handful of workers at the enormous expense of time. »

10 ibid. p.601 « In the first case, sudden erection would become spectacle ; in the second, almost imperceptible progress a potential source of suspense : the workers would visibly age during the course of construction ; children would become adults as the building remained stubbornly unfinished. »

11 Zentrum für Kunst und Medientechnologie

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Musée des médias

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Bibliothèque et amphithéatre

Musée des arts contemporain

Musée des arts contemporain

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Musée des médias

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Laboratoires

Bibliothèque et amphithéatre

Musée des arts contemporain

Musée des arts contemporain

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Le ZKM et la superposition programmatiqueL’attitude à l’égard de cette superposition programmatique rappelle les principes de composition du terminal de Zeebrugge, formalisation d’une critique du fonctionnalisme définie dans New York Délire.On peut apercevoir les différents situations spatiales générées par la structure. Ibid, p. 694

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37Formalisation et développement des théories par le projet

finalement.Centre de production et d’étude sur les arts et les nouveaux médias, ce lieu devait être un espace de recherche et d’exposition. Il regroupait des studios audio et vidéo, des laboratoires, un théâtre, un restaurant, une librairie, un hall de conférence, un musée des médias et un musée d’art contemporain.

« Pour générer la densité, exploiter la proximité, provoquer la tension, maximiser la friction, organiser les milieux, promouvoir le filtrage, soutenir l’identité et stimuler le flou, le programme entier est intégré dans un unique container, 43x43x58 mètres12. »

Entre périphérie et centre-ville, à proximité d’une gare, le projet concentre le programme dans un unique parallélépipède dont l’un des musées déborde sous les voies ferrées, « concrétisant la rencontre des deux mondes différents de ses extrémités : côté ville, il devient Musée de la Gare, côté sud, Gare du Musée13 ».

Contrairement à l’enveloppe du terminal de Zeebrugge, celle du ZKM se décompose en quatre façades de quatre matérialités différentes, déterminées par l’orientation et le contexte urbain. Elles jouent d’une lobotomie inachevée qui, par des variations d’opacités et quelques ouvertures, laisse perceptible les activités intérieures. La matérialité homogène de chacune de ces façades exalte l’échelle et la masse du projet.

Le bâtiment se divise en sept niveaux. Chacun de ces niveaux accueille, dans un espace central d’environ 900 mètres carrés, une fonction spécifique enclose par les circulations, les services et les espaces techniques. L’ensemble forme un bloc servi par quatre volumes latéraux, composition permise par la nécessité d’un éclairage artificiel dans les salles centrales.Au nord s’élancent les circulations verticales ; ascenseurs, escalators, rampes et escaliers sont contenus dans un vide piranésien. « Ce réseau de circulations autour d’un bloc énigmatique d’espaces artistiques aux contenus toujours changeants crée tension et mystère. Au fur et à mesure du mouvement ascensionnel, la vue sur la ville devient de plus en plus impressionnante.14 » Au sud, un vide semblable contient une cage de scène répondant aux besoins spécifiques du théâtre des médias. Les côtés est et ouest sont deux noyaux constituant la structure primaire du bâtiment. Ils contiennent respectivement quelques distributions et l’ensemble des espaces de services.

12 S,M,L,XL, “ Karlsruhe is a city in denial “, op. cit. p. 692 « To generate density, exploit proximity, provoke tension, maximize friction, organize in-betweens, promote filtering, sponsor identity and stimulate blurring, the entire program is incorporated in a single container, 43x43x58 meters.

13 Rem Koolhaas, Pour une Culture de la Congestion, op. cit. p. 14014 Ibid, p. 141

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Le ZKM et la superposition programmatiqueLe dessin de ces poutres s’obtient de la définition des besoins spatiaux et structurels. L’âme de la poutre doit être densifiée à proximité des appuis afin de reprendre les efforts tranchant. Certains éléments verticaux sont épaissis afin de constituer un encastrement de la structure.Axonométries effectuées d’après les documents figurant dans S,M,L,XL, pp. 714-724.

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39Formalisation et développement des théories par le projet

Le schéma structurel global s’organise à partir de ces deux noyaux porteurs. Imaginés en béton, s’élançant sur les 58 mètres de hauteur, ils assurent la stabilité du bâtiment et forment d’immenses piliers supportant sept poutres Vierendeel, structure primaire du ZKM.

« Mais un étage pourrait-il devenir un treillis habité ? [...]Les Vierendeels pourraient être manipulées pour accueillir ou perturber le programme ou la raison, ou simplement pour un effet de tectonique. Elles pourraient former des séries ou des catalogues, ou elles pourraient être identiques15. »

D’une hauteur moyenne de six mètres pour une portée de trente, ces poutres sont autant des éléments architecturaux que techniques. La structure de l’âme compose l’espace de l’étage contenu tandis que les étages supérieurs et inférieurs sont dégagés de toute structure. Un niveau sur deux bénéficie donc d’un volume vidé d’éléments techniques, ce système permettant de répondre aux contraintes spatiales d’un programme particulier tel que celui du théâtre.

Ce système structurel n’est conceptuellement rien de plus que la transposition architecturale d’un système répandu dans la construction d’ouvrages d’art, de nombreux ponts fonctionnant sur le même schéma. Construites par assemblage d’éléments verticaux et horizontaux, le dessin des poutres vierendeel se complexifie dans la nécessité qu’il a d’assurer le contreventement. La réalisation d’un encastrement nécessaire à la stabilité d’un système composé strictement d’éléments verticaux et horizontaux est onéreux et volumineux. Ce schéma est donc généralement altéré dans une pratique architecturale.

« A l’intérieur d’un étage, qui fonctionne en Vierendeel, les poteaux seraient ajustés pour s’adapter, car ils ne sont qu’une partie d’un système de poutre qui peut être proportionné et conçu comme tout autre composant structurel. Sa logique de placement est uniquement relative à cet étage, pas à celui du dessous ou du dessus16. »

Le dispositif le plus évident et le plus économe consiste à intégrer des diagonales permettant par une triangulation d’assurer une stabilité dans l’axe longitudinal de la poutre. Les manipulations géométriques dessinent des éléments hybrides, résultat d’un compromis entre des besoins techniques et spatiaux.La qualité de ces objets techniques réside dans la multiplicité des fonctions qu’ils

15 S,M,L,XL, op. cit. p. 671 « But could a floor become an inhabited truss ? {…} The vierendeels could be manipulated to accomodate or disturb program or reason, or simply for tectonic effect. They could form series or catalogs, or they could be identical. »

16 Cecil Balmond, “ From the notebook of Cecil Balmond “, S,M,L,XL, op. cit. p. 678 « Within a storey, that a Vierendeel works, columns may be adjusted to suit, as they are only part of a beam system that can be proportioned and designed as any other structural component. Its logic of placement is only relating to that storey not the one above or below. »

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assument. Ils organisent une expérience spatiale qui se vit depuis l’intérieur de la structure et dont il résulte une complexité d’interprétation conférant au projet une sorte de poésie moderne.

Ces poutres constituent certainement le premier exemple concret de la perméabilité établie entre l’ingénierie et l’architecture par cette collaboration. Cecil Balmond et Rem Koolhaas sont les auteurs confondus de ce bâtiment dont la singularité tient de cette indissociabilité de la structure et de l’architecture.

La présentation du ZKM au milieu de S,M,L,XL est justement révélatrice de cette condition. C’est l’unique projet abordé par des questions techniques. Des textes et schémas produits par Cecil Balmond, regroupés sous le titre From the notebook of Cecil Balmond, permettent de comprendre le bâtiment qui, sans cela, resterait mystérieux.

Y figurent notamment quelques pages de calcul censées compléter l’explication technique du projet. Négligemment mises en page, elles restent difficilement accessibles malgré la modestie des calculs.Au sein d’un livre bénéficiant d’une attention graphique incroyable, la légèreté avec laquelle Rem Koolhaas affiche ces pages semble volontaire, affirmant que si la structure est nécessaire elle n’en reste pas moins secondaire, dépendante d’intentions architecturales plus abstraites.

Cecil Balmond participe à cette remise en question de la relation entre la forme et la fonction, défendant une tectonique libérée d’un unique rôle technique. Le sujet dépasse la question structurelle et nécessite d’intégrer à cette recherche l’ensemble des composants techniques et technologiques d’un bâtiment, reconnaissant leur existence en tant que matière architecturale.

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2.2 Bigness : la nécessité de reconsidérer la coupe

« Plus un bâtiment est haut, plus l’héritage structurel des régions supérieures dictent les décisions au-dessous. [...]Plus un bâtiment est profond, plus il dépend de l’artifice pour son fonctionnement17. »

2.2.1 Masse critique et gravité

« Les architectes seront les derniers pour qui les pommes tombent...18 »Rem Koolhaas, Last Apples, phrase d’introduction.

La référence explicite à Newton, dès la première phrase de Last Apples, renvoie à une préoccupation architecturale ancienne vis-à-vis de la gravité. L’architecture a souvent essayé de s’en défaire. Il paraît évident que les pommes continueront de tomber, même pour Cecil Balmond et Rem Koolhaas. Néanmoins, ce qu’affiche cette posture c’est la volonté de préserver une liberté vis-à-vis de la formalisation spatiale du projet et d’éviter d’obtenir une forme dictée par la structure.

C’est logiquement qu’un bâtiment de grande hauteur, par accumulation des contraintes, accueille en rez-de-chaussée le plus important volume de structure. Mais c’est justement au niveau du sol qu’il semble nécessaire de bénéficier d’une certaine liberté spatiale.

À l’inverse du gratte-ciel manhattanien19, Rem Koolhaas et Cecil Balmond vont rechercher des systèmes structurels permettant de libérer un maximum de surface au niveau du sol, favorisant la perméabilité avec le contexte proche.Le ZKM fournissait une première réponse en réussissant à libérer un étage sur deux de tout élément structurel. Inscrit dans cette même recherche, le projet pour la Très Grande Bibliothèque (TGB) en reprend le concept.

Réalisé en 1989, le projet pour la TGB comprend un centre de conférences et un

17 Rem Koolhaas, Ibid p. 663 « The taller the building, the more the structural inheritance from the upper regions dictates decisions below. {…} The deeper the building, the more it depends on artifice for its servicing. »

18 op. cit. S,M,L,XL, p. 663 « Architects will be the last for whom the apples fall... »

19 « La procédure habituelle dans la plupart des études de plan consiste à partir du rez-de-chaussée et à monter. Mais pour réaliser le plan d’un immeuble de bureaux, on doit inverser ce processus et commencer par le haut. C’est-à-dire qu’on commence par mettre au point l’étage courant, parce qu’il y en a un grand nombre alors qu’il n’y a qu’un rez-de-chaussée. Le revenu principal provient de ces étages types, et s’il y a un sacrifice à faire dans la disposition du plan, mieux vaut le faire une fois qu’on est arrivé au rez-de-chaussée plutôt que le répéter vingt ou trente fois. » Harvey Wiley Corbett, « The Planing of office buildings », Architectural record n°41, sept 1924, cité dans Form Follows Finance, op. cit. p. 90

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Rez-de-chaussée de la Très Grande BibliothèqueLa structure disposée en périphérie permet de dégager le volume central de l’accueil. Pour une Culture de la Congestion, op. cit. p. 139

Organisation structurelle de la TGBLes cinq poutres sont des structures pleines en béton évidées au niveau des salles de lecture. Ibid, p. 133

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forum formant un premier volume horizontal. Accolée, la bibliothèque prend la forme d’un gigantesque parallépipède de 75x87x90 mètres.

« La bibliothèque est interprétée comme un bloc solide d’information, un emmagasinage de toutes les formes de mémoire : livres, disques optiques, microfiches, ordinateurs... Dans ce bloc, les espaces publics sont définis comme des absences de bâti, vides creusés dans le massif d’information20. »

La bibliothèque s’organise autour de neuf vides structurels creusés dans le plein du « bloc solide d’information ». L’espace de stockage est réparti sur vingt planchers s’empilant classiquement tandis que les espaces publics sont des formes libres et organiques évoluant dans la masse du bâtiment. Neuf ascenseurs traversent les 21 étages.

Au sud, un bloc structurel contient les espaces techniques et de service. Les autres façades sont constituées d’un matériau homogène semi-opaque, non défini à ce stade du projet. La façade vitrée des espaces publics rompt l’uniformité de l’enveloppe et laisse apercevoir la composition intérieure.

Le rez-de-chaussée est un grand espace ouvert, entièrement vitré et organisé autour des neufs ascenseurs. Au sud, le bloc technique apparaît comme un monolithe dense tandis qu’au nord, face à la Seine, une sorte de structure treillis massive s’affiche en façade. Il paraîtrait évident que les ascenseurs constituent des noyaux structurels permettant de franchir les quelques soixante dix mètres de portée existante entre la façade nord et sud. Alors que, vitrés, ils brouillent la tectonique de ce bâtiment.

Le concept initial ayant permis l’organisation de la bibliothèque détermine également le système structurel. Le plein des espaces de stockage est une zone structurelle dense tandis que le vide des espaces publics est déduit de cette matière. Divisés en six parties suivant l’axe nord-sud, les planchers reposent sur les murs intérieurs qui forment en réalité cinq énormes poutres de 75 mètres de haut espacées de 12,5 mètres.

De la même manière que les poutres hybrides du ZKM furent pensées aux vues des contraintes techniques et architecturales, les poutres pleines de la TGB sont dessinées par le vide des espaces contenus, disposés suivant un diagramme programmatique et structurel.Le schéma structurel obtenu est assez simple. C’est surtout la grande échelle de cette structure qui constitue une complexité, relevant du génie civil.Si l’influence de la hauteur de la Bigness vient d’être abordée, la profondeur de ses projets méritent d’en interroger la mise en forme de leur contenu technologique.

20 Rem Koolhaas, Pour une Culture de la Congestion, op. cit. p. 128

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2.2.2 De la nécessité d’intégrer au processus architectural le contenu technologique d’un bâtiment

« Notre intention pourrait être synthétisée dans la façon de transformer tous ces déchets du système actuel à notre avantage21. »

Nous venons de voir comment, pour des intentions programmatiques et spatiales, Cecil Balmond et Rem Koolhaas ont été amenés à reconsidérer la structure dans des bâtiments de grande hauteur.

Mais, considérant la Bigness comme les bâtiments de grande échelle, la profondeur devient parfois aussi influente que la hauteur.L’artificialisation des climats intérieurs a permis l’émergence de nouveaux espaces et de nouveaux programmes nécessitant un système technologique complexe et volumineux - éclairage, air conditionné, sécurité incendie, ordinateur, etc.

Au « typical plan » est donc venu se greffer une coupe standard, une sorte de « zèbre conceptuel22 » empilant les différents composants d’un bâtiment. L’espace architectural est encastré entre un faux-plancher et un faux-plafond, limites d’un épais sandwich technique et technologique.

« C’est incroyable comment un constituant qui correspond à un tiers de la coupe d’un bâtiment et doit représenter 50% du budget, est en quelque sorte inaccessible à l’architecte, insensible à une réflexion architecturale23. »

Les différents acteurs de la construction se voient octroyer une bande, un espace de travail favorisant l’indépendance de chaque décision, l’empilement d’individualismes. L’absence de dialogue structure l’édifice et en appauvrie l’intérêt architectural.

« Idéalisme versus Philistinisme : la coupe devient un champ de bataille ; blanc et noir concourent pour une domination absolue24. »s

New York Délire a exploré une première fois cette relation entre technologie et

21 Rem Koolhaas, “ Finding freedoms : conversations with Rem Koolhaas ”, El Croquis n° 53, février-mars 1992, p. 19 « Our intention could be synthetized in how to turn all that garbage of the present system in our advantage. »

22 S,M,L,XL, op. cit. p. 66423 Rem Koolhaas, Finding Freedoms, op. cit. p. 12

« it is unbelievable how a component that amounts one third of the section of a building and may represent 50% of the budget, is in a way inaccessible to the architect, not susceptible to architectural thought. »

24 S,M,L,XL, op. cit. p. 664 « Idealism vs. Philistinism : the section becomes battlefield ; white and black compete for outright domination. »

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45Formalisation et développement des théories par le projet

architecture - ou comment des innovations technologiques pouvaient élargir les possibilités de concevoir un bâtiment. Par leurs tailles et leurs programmes, le ZKM et la TGB réactualisent ces recherches. Ils seront les supports d’expérimentations revendiquant comme contenu architectural le contenu technologique contemporain.

Le programme du ZKM, centre des arts et des technologies des médias, nécessite le maintient d’un éclairage et d’un climat artificiel sur l’ensemble des espaces d’expositions - une seule salle, celle du dernier niveau, bénéficierait en fonction des oeuvres exposées, d’un éclairage naturel zénithal.La collaboration entre OMA et Arup va permettre de conduire conjointement des expérimentations et manipulations afin d’intégrer l’ensemble des enjeux techniques au processus de conception, l’objectif évident étant d’en maîtriser les conséquences architecturales.

Le choix est fait d’inverser le schéma traditionnel de répartition des réseaux techniques. Au lieu de tout condenser en une région centrale et de transformer le noyau en un gigantesque conduit, l’ensemble du système technologique est dispersé dans le ZKM. À un schéma vertical est préférée une organisation horizontale, répartie et ordonnée par rapport à des préoccupations locales.

À proximité des façades, les machines -essentiellement le système de ventilation - sont intégrées dans les espaces périphériques, réparties sur toute la hauteur du bâtiment. Proche de l’extérieur et du plancher des grandes salles d’expositions, ce dispositif diminue les distances dimensionnantes entres les outils producteurs et les espaces servis.

Accueillant une partie du programme, ces espaces périphériques mélangent au contenu architectural le contenu technologique du ZKM, enchevêtrant les différentes fonctions.

Le projet pour la TGB propose une organisation similaire, résultat d’une même approche conceptuelle. Avec des besoins énergétiques équivalents à ceux du ZKM, la bibliothèque condense dans ses “ murs-poutres “ une multitude de fonctions. Évidées, ces cinq structures accueillent en leurs centres les câbles, conduits et autres réseaux qui servent les différents étages depuis ces parois, sur une profondeur maximale de six mètres.Aucun dispositif technique supplémentaire n’est nécessaire dans les espaces de stockage. L’épaisseur des planchers se réduit à celle de la structure des dalles et leurs revêtements. Ce dispositif diminue considérablement la hauteur du bâtiment pour un volume d’espace accessible équivalent.Les espaces publics, les vides du « bloc solide d’information », fonctionnent de manière autonome à partir d’un « placenta technologique25 », métaphore

25 Rem Koolhaas, Pour une culture de la congestion, op. cit. p. 128

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron46

relativement explicite quant à l’organisation technique et spatiale de cette partie du programme.

L’arrêt du projet ne permet pas aujourd’hui de connaître plus précisément la forme qu’aurait pu prendre ce concept. On en retiendra ici le fond qui reste identique aux approches techniques précédemment étudiées, la revendication comme contenu architectural de l’ensemble du contenu technique d’un bâtiment et la formalisation de cette intention par des objets hybrides, multi-fonctionnels.

Rem Koolhaas et Cecil Balmond ne dénoncent pas l’existence formelle du faux-plafond ou du faux-plancher, mais bien la méthode de travail et la pensée qui les produisent. Si ce concept est simple à imaginer, il est plus complexe à appliquer. Il nécessite un aller-retour permanent entre les architectes et les ingénieurs, entre des considérations spatiales et techniques. Or c’est justement là que la collaboration entre Cecil Balmond et Rem Koolhaas trouve tout son intérêt. La proximité entre les deux hommes permet un dialogue efficace et complémentaire, d’autant plus que derrière Cecil Balmond se cache la structure d’Ove Arup regroupant une multitude d’ingénieurs et de spécialistes.

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3. Construction : le cas du Congrexpo

De 1988 à 1994, l’OMA dirige la conception urbaine d’Euralille, un centre international d’affaires né d’une conjoncture européenne exceptionnelle.Parmi les quelques 800.000 m2 de surfaces créées, l’OMA, associé à Arup, se verront confier la conception du Zénith, d’un espace de congrès et d’un hall d’exposition réunis en un unique et gigantesque bâtiment, le Congrexpo.Il est la première réalisation Big construite par Rem Koolhaas. Il est la première confrontation de la pensée structurelle de Cecil Balmond à un budget contraignant.

Mais le Congrexpo est surtout l’une de leurs deux premières oeuvres construites conjointement - dans la même période, ils réaliseront le musée du Kunsthal à Rotterdam, bâtiment plus modeste achevé en octobre 1992.Ce mémoire s’enrichit de la possibilité de poursuivre l’analyse jusque dans les détails. Se dégage alors de nouvelles questions permettant de saisir les convergences et divergences entre la théorie et l’objet construit.

En quoi l’acte de bâtir explicite une pensée structurelle et en quoi cet acte la modifie, l’amende ou l’enrichit ?

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3.1 Un projet ambitieux contraint par un contexte politique et économique complexe

3.1.1 Le Congrexpo, un projet européen

« Jusqu’à récemment, Lille (1.000.000 hab.), jadis une ville importante, menait une existence légèrement mélancolique. Autrefois une ville minière et textile, elle avait connu des temps difficiles. Mais deux nouvelles données, à savoir le tunnel entre l’Angleterre et le continent et le réseau TGV, vont transformer Lille comme par magie et la rendre importante d’une manière totalement synthétique1. »

Au milieu des années 80, la signature des accords de Schengen transforme la situation géopolitique européenne. Le 14 juin 1985, les frontières des pays signataires sont ouvertes permettant la mise en place d’un marché unique. A cette nouvelle conjoncture s’ajoutent les projets de développement et de modernisation des réseaux de transports faisant naître dans de nombreuses villes des ambitions prométhéennes.Lorsqu’en janvier 1986 Margaret Thatcher et François Mitterrand donnent leurs accords pour la construction du tunnel sous la Manche, Lille, qui cherche alors un remède à sa crise économique et sociale, se prend à rêver d’une nouvelle modernité.

Sauf que le gouvernement hésite. L’Eurostar ne passerait pas forcément par Lille, pourtant située au centre du triangle Londres, Bruxelles et Paris. A cette époque, le maire est Pierre Mauroy (PS), ancien premier ministre de François Mitterrand qui orchestra quelques années plus tôt la décentralisation. Il défendra le projet auprès du gouvernement socialiste et refusera d’envisager la construction de la gare en dehors du centre ville. Une base militaire vient d’être récemment évacuée et libère un espace de quelques 120 hectares entre périphérie et centre ville. Y faire arrêter l’Eurostar c’est inscrire la région au cœur d’une métropole européenne de 60 millions d’habitants. Le gouvernement finira par accepter, dotant la ville d’un réseau de transport ultra-efficace.Lille, futur euro-cité, doit alors se doter d’équipements et d’infrastructures à l’échelle de son ambition. Euralille-Métropole est créée en février 1988. Jean-Paul Baïetto en a la charge et sera, avec Pierre Mauroy, l’un des grands acteurs du projet. Jusqu’en novembre 1988 ils engageront une première phase de réflexions prospectives et dessineront les diagrammes et schémas directeurs définissant les objectifs du futur quartier d’Euralille : 300 000m2 de surface bâtie pour un programme très hétérogène.

1 S,M,L,XL, op. cit. p.1156 « Until recently, Lille (pop. 1,000,000), a formerly significant city, was leading a slightly melancholy existence. Once a mining and textile town, it had fallen on hard times. But two new givens - the tunnel between England and the continent and the TGV network - will transform Lille as if by magic and make it important in a completely synthetic way. »

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En novembre 1988, Rem Koolhaas/OMA est désigné lauréat du concours. Le mois suivant un premier séminaire réunit les principaux acteurs du projet dont une équipe d’Ove Arup représentée par Cecil Balmond. Cette période de conception aboutira en avril 1990 à l’adoption par le conseil local d’un masterplan moderne et ambitieux dont la trame principale est celle d’un réseau d’infrastructures complexe. En février 1991, le chantier est lancé. À la fin de l’année 1994, l’ensemble des réalisations sont inaugurées. Imbriqués dans ce réseau de transport, quatre secteurs composent Euralille : l’axe du TGV européen et ses tours, le gigantesque bâtiment triangulaire qui, comme le parc Henri Matisse au nord, s’encastre entre la gare et le vieux Lille, puis, au sud, le Congrexpo alors représenté par un bâtiment-pont s’élançant au dessus des voies ferrées.La simplicité du plan masse s’oppose à la grande complexité du montage financier. Même si analyser le projet d’Euralille n’est pas le sujet de ce mémoire, il est important de souligner l’échelle de ce projet et donc l’importance du système de forces en présence : investisseurs, élus, maîtrises d’oeuvre et d’ouvrage. Euralille s’est dessiné autour de la conception d’une stratégie financière et politique exprimée au travers d’une structure spatiale.

« La stratégie financière a été prépondérante puisqu’il fallait obtenir le maximum de matière urbaine à un coût minimum. C’était la définition-clé du projet, la condition de sa réussite vis-à-vis de l’Europe : que Lille reste meilleur marché que Londres, Bruxelles ou Paris2. »

La complexité du projet urbain se transpose à l’échelle des bâtiments et plus spécifiquement dans ceux gigantesques, aussi bien par leur taille que par leur diversité programmatique, du centre commercial et du Congrexpo, conçus respectivement par Jean Nouvel et Rem Koolhaas/OMA. Les deux architectes ont dû travailler avec une maîtrise d’ouvrage multiple, conciliant cette cohabitation avec des contraintes économiques importantes complexifiant le défi - 9 700 Francs/m2 pour le centre commercial, une surface utile de 155 000 mètres carrés pour un coût total de 1 500 millions de Francs (1991), 6 000 Francs/m2 pour le Congrexpo, une surface utile de 155 000 mètres carrés pour un coût total de 360 millions de Francs3.

Ce contexte économique présente un intérêt particulier quant à l’analyse menée dans ce mémoire. Avec le Congrexpo, l’approche structurelle de Rem Koolhaas et Cecil Balmond se confronte aux enjeux de la construction et doit répondre d’enjeux très contraignants.L’analyse doit permettre de dégager une critique de l’objet construit, questionnant la pertinence des théories vis-à-vis des enjeux économiques et matériels.

2 Rem Koolhaas, “ L’art de l’ellipse ”, interview réalisée par F. Fromonot, Architecture d’Aujourd’hui, avril 1995, n°298, p. 89

3 F. Fromonot, “ Congrexpo “, Ibid p. 106

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1. Vue aérienne d’EuralilleAu premier plan le gigantesque ovoïde du Congrexpo. En arrière plan, le secteur de la gare Lille-Europe en construction. Koolhaas, Congrexpo à Lille, op. cit. p. 103

2. Organisation programmatique du CongrexpoLes trois programmes sont littéralement additionnés sous forme de trois bâtiments concentrés dans un volume unique. Koolhaas, El Croquis n°53+79, op. cit. p. 26

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53Construction : le cas du Congrexpo

3.1.2 L’ovoïde et la juxtaposition programmatique

« Bien qu’elle esquisse une efficacité perpétuelle, Bigness offre aussi des degrés de sérénité et même de vacuité. Il est tout simplement impossible d’animer délibérément la totalité de sa masse. Sa vastitude épuise la tendance de l’architecture à décider et à définir. Des pans entiers seront laissés à l’abandon, libres de toute architecture4.»

Achevé en 1994, le Congrexpo, rebaptisé Grand Palais, est un bâtiment gigantesque - 155 000 mètres carrés – construit pour un coût global de 360 millions de Francs (1991) soit 6 000 Francs le mètre carré. A titre de comparaison, entre 1989 et 1993, Jean Nouvel construit à Tours un centre des Congrès d’une surface utile de 22 000 mètres carrés pour un coût de 14 500 Francs le mètre carré.

« Le grand écart entre l’ambition collective et les moyens disponibles a créé des polarités que nous avons ensuite traduites ou multipliées par un système de contradictions à l’intérieur-même de cette contradiction globale5. »

Le Grand Palais est un équipement européen construit avec un budget très limité pour un programme hybride. Il comprend un Zénith, un espace congrès et un hall d’exposition regroupés dans une forme au plan elliptique. Il est situé au sud du quartier d’Euralille sur une parcelle isolée et encerclée par les infrastructures routières et ferrées. L’inscription dans ce réseau dense et efficace est un atout pour ce bâtiment dont le programme nécessite un accès facile et efficace depuis les réseaux de transport locaux, nationaux et européens. Lille Grand Palais accueille aujourd’hui plus d’un million de visiteurs par an pour un total de plus de 300 événements6.

Après plusieurs expérimentations, l’OMA avait décidé de concentrer le programme en un unique volume compact divisé en trois parties. Au nord, le Zénith, d’une surface utile d’environ 9000 m2, peut accueillir jusqu’à 6 000 personnes. Au sud, un hall d’exposition de 20 000 m2 est associé à un espace de lobby de 6000m2. Encastré entre les deux, la partie Congrès comprend trois auditoriums – 1500, 500 et 350 sièges –, douze salles de conférences pour 80 personnes et deux salles pour 200 personnes, un espace d’exposition de 3 500 mètres carrés et une salle de réception de 1500 sièges, le tout associé à un espace administratif de quelques 2500 mètres carrés. 1230 places de parking sont insérés sous le bâtiment.

« Ma passion pour les gros objets fait partie de mon intérêt pour la richesse programmatique accrue qu’autorise l’apparition de cette nouvelle condition que

4 Bigness, op. cit. p.565 Rem Koolhaas, L’art de l’ellipse, op. cit. p. 906 http://www.lillegrandpalais.com/pdf/evenements/dossierpresse.pdf

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50m

Zénith Congrès Exposition

Plan du niveau principal du Congrexpo et coupe longitudinaleL’espace congrès traverse l’ovoïde, définissant les deux autres parties du bâtiment - expo au sud, Zénith au nord. Koolhaas, Congrexpo à Lille, op. cit. p. 86

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55Construction : le cas du Congrexpo

j’appelle Bigness. Elle ne dépend pas seulement de l’échelle d’un bâtiment, mais du fait qu’il puisse abriter un ensemble de programmes différents en relation instable, en mouvement continuel d’association et de dissociation7. »

L’un des objectifs de cette concentration des programmes est de permettre une utilisation du Congrexpo suivant des configurations variées et d’en étendre le potentiel d’usage. Chacune des parties devait pouvoir bénéficier de la présence des deux autres. En 1991, lorsque la construction débute, des parois mobiles sont prévues afin de permettre une ouverture continue du nord au sud à travers le bâtiment. Une communication entre l’espace congrès et le hall d’exposition a l’intérêt d’associer deux programmes complémentaires. Mais le Zénith, de part son rythme et sa fonction, est plus difficilement compatible avec ceux des deux autres parties. Chaque programme disposant d’une gestion indépendante, la superposition serait en pratique complexe à planifier. Cette intention ne sera finalement qu’à demi réalisée, la paroi séparant le Zénith de la partie Congrès sera bétonnée par la maîtrise d’ouvrage quelques mois avant la fin des travaux.

De la même manière qu’elles mènent une existence administrative indépendante, ces trois parties assument une autonomie formelle. A chacun de ces programmes correspond des besoins architecturaux spécifiques. Pour répondre à ces besoins, chaque partie est considérée comme un projet autonome contenu dans un volume unique dont la cohérence du tout est paradoxalement exacerbée par le contraste généré par ce cadavre exquis. Déterminés par les besoins programmatiques et économiques de chacune des parties, il existe trois schémas structurels. Le phasage du chantier exprime de façon assez évidente cette autonomie des parties. En juin 1994, tandis que sont inaugurés le hall d’exposition et l’espace congrès, le chantier du Zénith continue et s’achève cinq mois plus tard, en novembre 1994.

La partie expo est une structure légère « où le jeu entre économie et échelle conduit la mise en scène du peu par le beaucoup8 ». Étendue sur un seul niveau, la composition permet une certaine flexibilité dans l’organisation de l’espace.La partie congrès est une structure en béton armée, compactant un programme complexe dans un volume parallépipédique. Une attention particulière est portée sur l’esthétique de ces espaces compte tenu des usages et du public. Le Zénith s’organise autour d’une grande dalle-gradin en béton armé. Sous cette structure est disposé le lobby autour des différents points porteurs. En périphérie, la structure de la toiture permet de libérer la grande salle de concert de tout élément technique.

7 Rem Koolhaas, L’art de l’ellipse, op. cit. p. 898 F. Fromonot, op. cit. p. 85

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1. Façade sud du Congrexpo, partie expoRem Koolhaas, El Croquis, op. cit. p. 2852. Façade ouest de l’espace congrèsIbid p. 262

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57Construction : le cas du Congrexpo

Si la réinjection du manhattanisme n’est pas revendiquée en tant que telle par Rem Koolhaas, certains de ses concepts offrent une première réponse aux enjeux économiques et politiques du Congrexpo.Le choix de contenir en un unique volume l’ensemble de ces trois bâtiments assure à l’édifice une certaine compacité. Elle diminue les surfaces d’enveloppe, souvent onéreuses et propices aux déperditions thermiques. Le cadavre exquis permet d’associer à chaque partie le schéma structurel le plus efficace, répartissant les moyens mis en œuvre en fonction des besoins programmatiques. L’enveloppe est ainsi déclinée en neuf types de parois, classées suivant leurs plastiques et leurs performances thermiques, réparties suivant des considérations programmatique et économique.

Autour de ces considérations, Rem Koolhaas et Cecil Balmond mettent en place une stratégie constructive fondée sur une interprétation positive de la contrainte économique.

3.2 Comment la pensée structurelle se définit surtout par une stratégie constructive

L’approche constructive du Congrexpo s’organise autour de deux stratégies principales répondant des contraintes économiques et des intentions architecturales.La première se concentre sur l’hybridation des éléments structurels, l’objet technique assure plusieurs fonctions.La deuxième consiste à jouer de la plastique des matériaux par une mise en œuvre singulière et ainsi rendre le banal exceptionnel.

3.2.1 Hybridations structurelles

En déterminant les enjeux principaux de chaque partie, Rem Koolhaas et Cecil Balmond répartissent les moyens en fonction des usages et de l’importance architecturale et technique des éléments. Le programme du Zénith est assez simple et permet d’organiser l’ensemble de cette partie autour d’un seul élément, la dalle-gradin, une collerette en béton inversée. Dessous est installé l’espace de lobby, fermé par une paroi vitrée dont la découpe suit le plan convexe de la sous-face de la dalle.

Autour de cette dalle-gradin, une structure métallique légère soutient la toiture, contrastant avec la masse brute de la grande salle. Compte tenu du programme, elle doit permettre de franchir 140 mètres dans l’axe transversale du Congrexpo et 68 mètres suivant son axe longitudinal.

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Structure en acier de la toiture. Une poutre principale de 140m de long supporte les poutres secondaires

Enveloppe structurelle en béton

Collerette retournée en béton

Poteaux en béton supportant la collerette

Poteaux en béton supportant la collerette

1. Axonométrie éclatée de la structure du ZénithKoolhaas, Congrexpo à Lille, op. cit. p. 1032. Façade nord du CongrexpoKoolhaas, El Croquis, op. cit. p. 262

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59Construction : le cas du Congrexpo

S’élançant du nord au sud, de grandes poutres bidimensionnelles sont supportées à un tiers de leur portée par une poutre en treillis tridimensionnel. Cette immense poutre émerge de la toiture sur une portée totale de 140 mètres.Supportée par trois appuis, la section longitudinale des poutres secondaires se dessine suivant la courbe du moment. En façade, la toiture apparaît fine, soutenue par de légers poteaux très élancés. Composée strictement par des éléments préfabriqués, la facilité de mise en œuvre de cette structure contraste avec celle nécessaire à la réalisation de la dalle en béton des gradins.

Si la forme de la collerette tient d’une géométrie maîtrisée et connue, sa construction relève d’une certaine complexité. La mise en œuvre nécessite un calcul point par point des hauteurs à partir desquels est réalisé le coffrage. Négatif parfait de la forme, la surface obtenue supporte les armatures métalliques.Le béton est ensuite coulé suivant un mode opératoire très stricte.Le calcul et le montage du chantier demande beaucoup de temps et beaucoup de main d’œuvre. Il représente un investissement important dans le projet. Mais cette dalle constitue un objet technique qui assure une certaine économie par la multiplicité des fonctions qu’il assume. En effet, elle supporte l’ensemble des gradins et compose les espaces du Zénith. L’attention portée pendant la réalisation aux qualités plastiques du béton, notamment par les joints creux du coffrage, confère à l’objet une esthétique jouant des propriétés de mise en œuvre du béton et permettant ainsi d’éviter tout revêtement supplémentaire.

Rem Koolhaas et Cecil Balmond vont exploiter les propriétés sculpturales du béton pour réaliser la structure primaire de l’espace congrès. Cette partie du Congrexpo, la plus dense programmatiquement, est également la plus complexe formellement. Elle se compose autour d’un plan qui se plie et se découpe irrégulièrement, se soumettant littéralement au programme et à l’espace. Un escalier dessert l’ensemble du programme, se faufilant à travers ces murs inclinés. Une structure poteau-poutre, également en béton armé, reprend l’ensemble des efforts.

Le plan rectangulaire du congrès a été divisé en trois parties. Aux deux extrémités, la structure est assez dense et relativement élancée, reprenant une grande partie des charges. Au centre, quelques poteaux dispersés et massifs traversent le vaste foyer, ouvrant l’espace.

Le hall d’exposition s’organise autour d’une structure poteau-poutre répétitive et régulière, en bois et acier. La structure primaire franchit 24 mètres, déterminant l’espacement au sol des poteaux. La structure secondaire est plus dense, constituant à la fois le support de la toiture et le plafond du hall.Le schéma reste assez classique, mais la fonction de chacun de ces éléments est en réalité assez complexe.

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1. Plan de la toiture du hall d’exposition2. Coupe longitudinale sur l’un des portiques de la salle3. Schéma des poutres secondairesKoolhaas, Congrexpo à Lille, op. cit. p. 83

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61Construction : le cas du Congrexpo

Disposés sur une grille de 24x15mètres, les poteaux sont conçus afin de pouvoir permettre le passage des conduits de ventilations. Ils sont construis à partir de deux sections soudées. L’une, circulaire, constitue la partie haute du poteau et contient les conduits. L’autre, cruciforme et disposée en pied, permet de distribuer dans l’espace d’exposition l’air aspiré en toiture. Une centrale de traitement d’air est installée à l’aplomb de chaque poteau.

Les poutres principales sont sous-tendues et boulonnées aux poteaux. La section totale de la poutre atteint les deux mètres de haut mais les câbles en tension de la partie inférieure permettent d’en alléger la présence.Ces poutres et poteaux sont réalisés à partir d’éléments courants et industrialisés, assemblés par boulonnage ou soudage.

Les poutres secondaires sont éclatées en trois parties :- la membrure supérieure est un profilé en acier, d’une section en T. Elle travaille essentiellement en compression. La toiture est directement fixée dessus ;- l’âme, d’une hauteur d’environ 70 centimètres, est composée d’un treillis tri-dimensionnel. Les barres fines qui le composent permettent la création, dans l’épaisseur de la poutre, d’un vide nécessaire pour contenir la fumée en cas d’incendie ;- la membrure inférieure est en bois lamellé collé. Travaillant en traction, l’usage de ce matériau ne relève pas de considération technique mais plutôt esthétique, cette membrure constituant la sous-face apparente du plafond.

Le treillis est soudé en usine à la membrure supérieure. Les planches en lamellé-collé sont ensuite boulonnées sur chantier au reste de la structure. Les poutres sont espacées entre elles d’une fois leur largeur afin de répondre aux normes incendies.

Cette objet est remarquable de part la multitude de fonctions qu’il assume L’approche structurelle développée autour du Congrexpo répond avec une grande pertinence aux différents enjeux du projet.

3.2.3 Comment la mise en œuvre d’une matière en définit ses qualités

Définis par Rem Koolhaas, les différents types de façade du Congrexpo se déclinent en fonction du programme et du contexte, du « sublime » au « brut ». Celle donnant sur l’entrée de l’espace congrès est la plus noble, elle appartient à la catégorie « sublime ».

La façade joue de la transparence et des reflets du verre, proposant un mur rideau dont les parois vitrées s’inclinent suivant différentes orientations. Elle constitue l’enveloppe des espaces de circulation reliant des salles de commission au hall

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garde-corps caillebottis galvaniséterrasse banquet, dalle bois

vitrage isolant acoustique

salle de commission

couloir d’accès aux salles de comissions

vitrage trempé incliné

attaches inox

raidisseur verre

raccord nez de dalle vitré

chassis de désenfumage

main courante

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Coupe transversale sur la façade ouest de la partie congrèsL’apparente complexité de la façade trahit la simplicité rationnelle de son approche constructive. Ibid , p.122

Cinq types de parois vitrées composant la façadeLa variété des mises en œuvre à partir d’éléments types permet d’obtenir cinq parois dont l’orientation et la forme générent la complexité de la façade. Ibid, p. 123

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63Construction : le cas du Congrexpo

d’entrée.La mise en œuvre de ces différents panneaux s’effectue à partir d’un assemblage simple d’éléments standards supportés par des raidisseurs en verre. L’assemblage se fait par serrage sur des pièces inox faites sur mesure.L’apparence de cette façade évolue tout au long de la journée en fonction de la variation des angles d’incidence des rayons lumineux sur les différents éléments. Elle constitue également pour le piéton un objet poétique dont l’image se transforme en fonction du mouvement.

L’enveloppe de la salle de concert est une simple peau structurelle en béton brut. Elle constitue l’un des appuis de la toiture. La temporalité et les usages de cet espace ne nécessitent pas de porter une grande attention à son isolation thermique.En façade, la massivité du volume de la salle est renforcée par le traitement du matériau : peint en noir, un motif gravé sur le béton représente abstraitement un empilement de pierres tandis que la sous-face du bloc laisse apparaître les joints du coffrage.Le monolithe de la salle se caractérise par un matériau unique assumant l’ensemble des fonction techniques et architecturales : isolation, représentation structure et composition.

La façade du hall d’exposition, étant donné sa surface, correspond à la catégorie « brute ». Elle se constitue à partir d’un bardage en polyester qui ondule le long de l’ellipse. Les espaces de circulation et les halls d’entrée ne sont pas isolés tandis que l’enveloppe de l’espace d’exposition est doublée sur sa face intérieure d’une paroi en verre ou de plaques de fibrociment.Cette stratégie de construction permet par une mise en oeuvre simple de garantir un confort minimale. Le choix du polyester permet de réduire le coût au mètre carré, ce qui se traduit par une économie globale de moyens non négligeable. L’ondulation permise par la géométrie des panneaux industrialisés confère à la façade des qualités plastiques exceptionnelles exacerbées par sa translucidité.

De la même manière que pour cette façade, l’intérieur de l’espace de congrès va jouer de la plastique des matériaux par une mise en œuvre singulière afin d’en définir ses qualités.La fonction de cette partie du Congrexpo nécessite une esthétique relativement élégante et un confort plus élevé. Une attention particulière à été portée à l’isolation des espaces de travail. Chaque espace se voit associé un matériau particulier qui en définit l’ambiance.

L’acoustique du grand auditorium est maîtrisée par l’assemblage de parois d’onduline qui corrige l’acoustique du volume brut. Soutenue par une structure simple en acier galvanisé, cette enveloppe interne améliore l’acoustique par sa géométrie et sa matérialité. La disposition de quelques lumières à l’intérieur de la paroi confère à cette salle une élégance particulière.

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L’auditorium principal et les parois d’ondulineIbid, p. 96

L’ambiguïté du détailCette photo est prise à l’entrée de l’espace congrès. L’assemblage entre le poteau et le faux-plafond joue d’une complexité d’interprétation. L’approche structurelle de Cecil Balmond et Rem Koolhaas pourrait se résumer à ce détail.

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65Construction : le cas du Congrexpo

Une mise en œuvre similaire dans d’autres espaces permet de transformer des matériaux ordinaires en matériaux exceptionnels - le contre-plaqué utilisé en faux-plafond, des plaques de laine de verre, des feuilles d’inox.

Au-delà de la simple expression d’une stratégie constructive, induite par le contexte, ces détails sont particulièrement évocateur de l’approche structurelle de Cecil Balmond et Rem Koolhaas.

« L’évidence de la structure est minimisée - le mystère maximisé9. »

À l’entrée de la salle de congrès, un assemblage exprime de manière évidente les contradictions suggérées par cette approche structurelle. Le faux plafond réalisé en contre-plaqué est découpé circulairement autour des poteaux, révélant l’ensemble du contenu technologique qu’il est censé cacher. À l’endroit où un défaut doit apparaître - celui du joint entre ces deux éléments - une mise en œuvre particulière permet d’en jouer pour créer un événement.Ce détail entretient un mystère quant aux rôles que jouent les éléments techniques.

« Alors que l’architecture révèle, la Bigness brouille ; elle transforme le résumé de certitudes qu’est la ville en une accumulation de mystères.10 »

9 Rem Koolhaas, OMA - Rem Koolhaas, El Croquis n°53+79, El Croquis Editorial, p. 148 « Evidence of structure is minimized - mystery maximised. »

10 Bigness, op. cit. p. 57

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Conclusion

Rem Koolhaas aborde dans New York Délire la question structurelle par la relation générée entre l’innovation technologique et l’architecture. Son approche ne cessera de se constituer à partir de ces observations. Il définit la structure par un contenu technique et technologique qu’il convient de mettre en forme pour servir des considérations programmatiques. Le projets de Zeebrugge, du ZKM et de la TGB sont des expérimentations architecturales proposant une méthode de conception appliquant ces considérations. L’espace devient indissociable des éléments techniques.Le Congrexpo est l’exemple le plus probant, mettant en œuvre une structure hybride capable de condenser en un unique objet technique un ensemble de fonctions - esthétique, technique, technologique.

De la même façon qu’il fonde ce principe de la formulation du manhattanisme, la critique du fonctionnalisme explicitée dans New York Délire influencera une grande partie de son travail. Cette remise en cause constitue l’un des grands principes de son approche structurelle. Le programme et l’espace priment sur la structure.

« Pour Koolhaas, la structure peut être essentielle à l’architecture mais ne doit pas en dicter sa forme1. »

Ces conclusions ne permettent pas de dire que Rem Koolhaas ait développé une pensée structurelle. Son approche se constitue plutôt à partir d’un ensemble de principes dépendant de sa pensée architecturale. La structure se définit essentiellement à partir d’un processus de conception qui, une fois le concept architectural déterminé par l’interprétation programmatique, considère la globalité des enjeux du projet.

1 Herbert Muschamp, « Some Unfinished Business on St.-Germain », New York Times, 14 février 1993 “ For Koolhaas, structure may be essential to architecture but need not dictate its form “.

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Et c’est justement ce processus de conception qui justifie l’existence d’une collaboration aussi forte avec Cecil Balmond. Elle favorise une vision globale du projet et facilite les échanges avec le reste de l’entreprise Arup.

Balmond et Koolhaas cherchent à dépasser le débat sur la vérité constructive. Il n’est plus question de montrer la structure, ni même de la cacher, mais d’en expérimenter la diversité des situations qu’elle peut générer. La structure chez Rem Koolhaas et Cecil Balmond est un objet complexe à interpréter. Elle joue de ce qu’elle donne à voir et à vivre, n’ayant plus un rôle didactique et humaniste. Elle est mise en scène, aperçue, complexe, évidente, dangereuse. Elle génére une variété d’expériences, certains systèmes allant jusqu’à relever de la perversité.

Contribuant à cette complexité d’interprétation, l’objet technique se conçoit à partir de l’ensemble des fonctions qu’il peut assumer.L’hybridation est fondamentale dans l’approche structurelle de Cecil Balmond et Rem Koolhaas. Elle condense un ensemble de fonctions, définissant l’élément structurel à partir d’une rencontre de composants aux propriétés diverses.

La création de tels objets est la démonstration de l’intérêt de cette collaboration, Rem Koolhaas et Cecil Balmond sont les auteurs confondus du projet. Par un aller-retour incessant entre des considérations architecturales et techniques, ils rendent indissociables architecture et technique. De ces échanges se décident la géométrie et la matière.

Essentiellement construit à partir de matériaux industriels, l’approche constructive ne recherche pas l’innovation. La matérialité du Congrexpo se définit par la mise en œuvre de matériaux ordinaires. Leurs potentiels sont révélés par l’assemblage, devenant outil de détournement.

« Et c’est une intensification dialectique de l’autoréférentialité de toute culture moderne, qui tend à se retourner sur elle-même et à désigner sa propre production culturelle comme son contenu2. »

L’approche structurelle de cette collaboration se caractérise par une volonté de considérer la production technique contemporaine comme partie du contenu architectural. Ils travaillent à partir de ce catalogue - de matériaux, de mode de construction - et essaient d’en révéler les qualités.

Cecil Balmond participe de cette recherche et apparaît comme un ingénieur conscient des enjeux programmatiques et spatiaux. C’est justement à partir de ces considérations qu’il constitue sa poétique structurelle.

2 Fredric Jameson, Postmodernism Or the Cultural Logic of Late Capitalism, Duke University Press, 1992, p. 82 « And this is a dialectical intensification of the autoreferentiality of all modern culture, which tends to turn upon itself and designate its own cultural production as its content »

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Il participe à une remise en question de la forme et de la fonction. La géométrie et la matérialité de la structure ne sont plus seulement considérées à partir de leurs performances techniques. L’expérimentation et la manipulation spatiale font partis du processus de recherche qu’il revendique comme outil conceptuel de l’ingénieur. Dans le Congrexpo, le résultat de ce processus est très pertinent. L’utilisation de la matière et la géométrie de la structure jouent des contraintes techniques pour constituer un objet intelligent et élégant. Si l’art de l’ingénieur est l’art de l’économie, Cecil Balmond démontre dans le Congrexpo qu’il mérite son titre.

Il convient de mesurer ces conclusions. Ce mémoire ne prétend pas définir et critiquer la pensée structurelle de Cecil Balmond, mais bien celle développée en association avec Rem Koolhaas, autour de projets précis.En association avec Daniel Libeskind ou Anish Kapoor, Cecil Balmond défend une approche différente. L’attention graphique et la vision autonomiste présentée en première partie de ce mémoire mériterait d’être interrogée à travers l’analyse de ces collaborations.

De plus, ce mémoire s’est concentré sur une période précise ainsi que sur l’analyse de projets « Bigness ». Il convient de citer les réalisations du Kunsthal de Rotterdam et de la Villa Lemoine à Bordeaux. Si l’approche théorique de la structure ne diffère pas de celle observée ici, sa formalisation et sa mise en œuvre se diversifie.

La réalisation récentes de projets iconiques - le CCTV, la Casa de Musica et la bibliothèque de Seattle - fait encore évoluer cette approche. Le contexte culturel et les réponses structurelles se complexifient, le réseau d’acteurs aussi. Marc Simmons, l’un des fondateurs de Front3, réalise un travail capital sur la conception de l’enveloppe de chacun de ces projets, élément fondamental de l’architecture de ces bâtiments.Ces projets mériteraient d’être étudiés dans un prochain travail afin de fournir une analyse complète de l’évolution et du développement de l’approche structurelle défendue par Cecil Balmond et Rem Koolhaas.

3 Bureau d’études ingénieur façade, fondé en 2002 à New York

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Bibliographie

Livres

Rem Koolhaas, New York Délire, Chêne, Paris, 1978

AMO/OMA Rem Koolhaas, John Link, Content, Köln, Taschen, 2004

OMA, Rem Koolhaas, Bruce Mau, S, M, L, XL, New-York, Monacelli Press, 1998

Dir. Jacques Lucan, OMA - Rem Koolhaas. Pour une culture de la congestion, Electa Moniteur, Paris, 1990

Gargiani Roberto, RemKoolhaas / OMA. The Construction of Merveilles, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2008.

Cecil Balmond, Informal, Munich, Prestel, 2002Id., Element, Munich, Prestel, 2007

Antoine Picon, Culture numérique et architecture : une introduction, Birkhäuser, 2010

Fredric Jameson, Postmodernism Or the Cultural Logic of Late Capitalism, Duke University Press, 1992

Charles Jencks, Modern Movements in Architecture, New York, Anchor, 1973

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Koolhaas et Balmond · Jean Souviron72

Articles

Olivier Boissière, « Le Théâtre de la Danse », L’Architecture d’Aujourd’hui, juin 1988, n° 257, pp. 28-33David Mangin, « Amsterdam, le IJ Plein de Rem Koolhaas et de l’OMA », Ibid pp. 12-21

« OMA, Rem Koolhaas : habitations à IJ Plein, Amsterdam Nord », AMC, octobre 1988, n°22, pp. 54-61

« Rem Koolhaas : une gare maritime à Zeebrugge », Le Moniteur Architecture, AMC, septembre 1989, n°4, pp. 20-23

Dominique Boudet, « Karlsruhe : centre des arts et des technologies », Le Moniteur Architecture, AMC, février 1990, n°8, pp. 12-13

Rem Koolhaas, Bigness, ou le problème de la grande taille, traduit par Françoise Fromonot, Criticat, n°1, janvier 2008. Première parution dans Domus, 1994, n° 764, Bigness or the Problem of Large Domus Milan puis repris dans S, M, L, XL, op. cit.

Encontrando libertades : conversaciones con Rem Koolhaas = finding freedoms : conversations with Rem Koolhaas, El Croquis n° 53, février-mars 1992, pp. 4-31

Françoise Fromonot, “ Koolhaas, Congrexpo à Lille ”, Architecture d’Aujourd’hui, avril 1995, n°298, pp. 83-105

« OMA, projets récents ; entretien inédit avec Rem Koolhaas », nov.-déc. 2005, n°361, pp. 34-107

Luc Baboulet, Du document au monument, Communications, n°71, 2001, pp.435-463

Jacques Lucan, « Processus de croissance contre procédures de composition », Matières, 2006, n°8, pp. 35-46

Arthur Lubow, « Rem Koolhaas Builds », New York Times, 9 juillet 2000

Herbert Muschamp, articles publiés dans le New York Times :« Koolhaas, a Guiding Force in Modern Theory, Gets the Pritzker »,17 avril 2000, « Living Boldly on the Event Horizon », 19 novembre 1998« Make the Modern Modern? How Very Rash! », 15 juin 1997« Some Unfinished Business on St.-Germain », 14 février 1993

Nicolai Ouroussoff, « An Engineering Magician, Then (Presto) He’s an Architect », New York Times, 26 novembre 2006,

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73Construction : le cas du Congrexpo

Jennifer Kabat, « The Informalist », Wired, Avril 2001

David Owen, « The Anti-gravity men. Cecil Balmond and the structural engineers of Arup », The New Yorker, 27 juin 2007

Special issue : Cecil Balmond, novembre 2006, A+U, Tokyo

Rencontre avec Cecil Balmond, ingénieur, par Philip Nobel, L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 329, juillet-août 2000, pp. 44-49

Architecture totale: interview Cecil Balmond, par Dimitri Meesse et Kersten Geers, A+ n°179, déc. 2002, pp. 42-49

L’Ingegnere informale, par Philip Simpson, Domus, n°854, déc. 2002, pp. 70-79

Informale e nuove strutture = New Structure and the Informal, Lotus Internationale, n° 98, sept. 1998, pp. 70-83

Interview: Cecil Balmond, par cosmopolitanscum, 21 octobre 2011, http://cosmopolitanscum.com/2011/10/21/interview-cecil-balmond/

Conférences

Rem Koolhaas, « On OMA’s Work », conférence donnée à l’Université Américaine de Beyrouth, le 13 mai 2010, http://www.youtube.com/watch?v=TQdjKR8hYxI

Pascal Ory, « Qu’est ce que l’histoire Culturelle ? », 20 avril 2000, Université de tous les savoirs ,http://www.canal-u.tv/producteurs/universite_de_tous_les_savoirs/dossier_programmes/les_conferences_de_l_annee_2000/la_connaissance_de_l_histoire/qu_est_ce_que_l_histoire_culturelle

Cecil Balmond et Hans Ulrich Olbrist, Séminaire Open Source, 12 juin 2010, Casa de Musica, Porto,http://www.youtube.com/watch?v=uRO-YD6h4hw&feature=related

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Ce mémoire propose d’étudier l’approche structurelle singulière qui émerge de la collaboration entre Rem Koolhaas et Cecil Balmond.

Chacun développe indépendamment une recherche dont les théories sont ensuite réinjectées dans le travail commun de conception. Ce travail analyse les convergences et les divergences de leurs approches théoriques dans leur composante structurelle et rend compte de leur complémentarité.

En se concentrant sur l’origine de leur collaboration, ce mémoire cherche à comprendre comment évolue l’approche structurelle en étudiant le passage de la théorie au projet et du projet à sa réalisation.

This thesis proposes to study the structural approach emerging from the collaboration between Rem Koolhaas and Cecil Balmond.

Each one independently develops a research whose theories are then reinjected into the joint work of design. This work analyses the similarities and differences of their theoretical approaches through their structural component and accounts for complementarity.

By focusing on the origin of their collaboration, this thesis tries to understand how evolves the structural approach by examining the transition from the theory to the project and from the project to its realization.

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