du vocabulaire et les Évolution · vocabulaire, et l'établissement de véritables...

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L'ENRICHISSEMENT DU VOCABULAIRE ET LES DICTIONNAIRES; ÉVOLUTION ET EXEMPLES Par Alain L. Bouvette Thèse écrite sous la direction du professeur Rostislav Kocourek, du Département de fiançais, et présentée devant la Faculté des études supérieures comme exigence partielle pour l'obtention du grade de la Maîtrise ès Arts de l'Université Dalhousie Submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of Master of Arts Dalhousie University Halifax, Nova Scotia May, 1997 O Copyright by Alain L. Bouvette, 1 997

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L'ENRICHISSEMENT DU VOCABULAIRE ET LES DICTIONNAIRES;

ÉVOLUTION ET EXEMPLES

Par

Alain L. Bouvette

Thèse écrite sous la direction du professeur Rostislav Kocourek,

du Département de fiançais, et présentée devant la Faculté des études supérieures comme exigence

partielle pour l'obtention du grade de la Maîtrise ès Arts de l'Université Dalhousie

Submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of Master of Arts

Dalhousie University Halifax, Nova Scotia

May, 1997

O Copyright by Alain L. Bouvette, 1 997

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A ma mère

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Table des matières

Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résumé vi

Abstract . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii

... Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . wu

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Chapitre premier: Le X W siècle: la langue de la Pléiade . . . . . . . . . . . . 5

Chapitre II: Le XW' siècle: le siècle des dictionnaires et du purisme . 31

Chapitre III: Le XVIII' siècle: les mots et les choses . . . . . . . . . . . . . . 49

. . . . . . . . . . . . . . . Chapitre IV: Le XIX' siècle: vers un savoir infini 70

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre V: L'ère moderne 85

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

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Résumé

Les grandes lignes de l'e~chissement du vocabulaire fiançais depuis la

Renaissance sont la visée de ce projet. Cette thèse compte surtout à établir les

tendances Linguistiques prédominantes de cet enrichissement durant les quatre

derniers siècles en observant quelques dictionnaires et les mots qu'ils embrassent.

Au moyen de débitions et d'exemples, cette thèse vise principalement a:

étudier les principes fondamentaux qui sous-tendent l'enrichissement du fiançais, à

identifier les ressources nécessaires pour le faire, à examiner quelques tendances

de l'e~chissement de chaque siècle, et à relever les contributions de quelques

grands lexicologues et lexicographes de la langue française.

De ceci, nous poumons dégager quelques principes fondamentaux de

I'épanouissement du lexique, de même que certains procédés primordiaux par

lesquels le fiançais s'est développé et s'est transformé depuis le grand manifeste du

XVI' siècle: L a Deflence et illustration de la langue francoyse.

L'enrichissement d'une langue est loin d'être un procédé aisé et immédiat.

Les éléments linguistiques se trouvent continuellement en conflit avec plusieurs

agents: la pensée humaine, la société, la culture, la technologie et les moeurs, pour

n'en nommer que quelques-uns. Cependant, la langue est en évolution constante,

et seul le passage du temps, est certain.

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Abstract

The main themes of the enrichment of the French vocabulary since the

Renaissance is the objective of this proposal. The purpose of the thesis is to

establish the predominant linguistic tendencies by which the French vocabulary

has been augmented during the last four centuries by observing several major

dictionaries and the words that they include.

Through definition and example, this work aims principally to shidy the

fundamental principles behind the enrichment of French, to i d e n e the necessary

means to e ~ c h it, to examine some trends of the enrichment of each cenhiry, and

to note the contributions of a number of great lexicologists and lexicographers of

the French language.

From this, we will extract a few fùndarnentai principles of vocabulary

expansion as well as several essential processes by which French has developed

and changed since du Bellay's famous manifesto of the sixteenth-century: La

Deflence et illustration de la langue fruncoyse.

Language e ~ c h m n t is more than a simple and immediate process.

Linguistic components are continuously in conflict with several factors: human

thought, society, culture, technology, and mords, to name ody a few.

Nevertheless, language is in constant evolution, and only the passage of time is

certain.

vii

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Remerciements

Je tiens a exprimer mes remerciements à tous ceux qui ont apporté leurs

suggestions et conseils tout au long de la rédaction de ce mémoire, notamment le

docteur Rostislav Kocowek, qui, dès mes premières participations a ses séminaires

de linguistique, m'a donné le goût d'apprendre.

Je veux aussi signaler et remercier les docteurs James Brown et Roland

Mopoho pour leurs apports et recommandations indispensables lors des derniers

stages du manuscrit.

A Yvonne Landry et NataLie Wood, un gros merci! Votre amitié et votre

assistance sont dignes des plus grands éloges.

J'exprime également ma reconnaissance au Département de français, à mes

collègues, à mes amis et surtout, à ma famille.

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Introduction

Etudier les mots d'une langue, c'est revivre l'histoire. A travers la naissance,

la croissance, et la mort des mots, nous pouvons lire les idées et les pensées d'une

personne ou d'une civilisation. Ephémeres ou immortels, les mots sont les

commentaires de la Me.

Les mots puisent leur source dans l'imagination de l'homme; d'où le besoin

et le désir de s'exprimer qui ont toujours nécessité la m o ~ c a t i o n et

l'agrandissement du vocabulaire. Cette étude vise à examiner quelques projets

lexicographiques et lexicologiques fiançais ainsi que certaines tendances de la

langue vis-à-vis des unités Lexicales depuis le grand manifeste de la langue

fiançaise du XVI' siècle intitulé la Deffence et illustrafion de la langue francoyse

par Joachim du Bellay.

Le développement du fiançais et son besoin d'autonomie ont eu beaucoup

de répercussions telles que la nécessité d'une grammaire fiançaise et de son

développement, la distinction entre le bon et le mauvais usage, la formation d'un

nouvel alphabet phonétique, une orthographe rectifiée, I'évolution constante du

vocabulaire, et l'établissement de véritables dictionnaires. C'est sur ces deux

derniers aspects, virtuellement inséparables l'un de I'autre, que nous nous

appuierons le plus. Le vocabulaire détermine I'évolution de la langue, et les

lexicographes tentent de la préserver dans des recueils.

1

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L'insistance sur l'étude des dictionnaires, de leurs nomenclatures, de leurs

approches, et de leurs intentions, nous permettra de façon plus aisée (par rapport

aux études de milliers de textes de tout genre) de voir sur quels chemins se

promène la langue et ses usagers depuis ces quatre derniers siècles.

Nous devrions d'abord proposer quelques définitions préliminaires afin de

clarifier ce que nous avons l'intention de présenter. Ces deux paires de définitions

seront les suivantes: lexiqtïe/vocabulaire et lexicologie/îexicographie. Pour

certains, ces définitions sont redondantes ou bien superflues; pour nous elles

démontrent le rapprochement et l'ambiguïté de la langue, de même que sa

créativité et sa spécincité.

Selon R. L. Wagner, le lexique désigne l'ensemble des mots1 au moyen

desquels les membres d'une communauté linguistique communiquent entre eux>

(Wagner d'après GLLF, Arî. "lexique":3012) et lorsque nous parlons de

vocabulaire, ce terne <désigne conventio~ellement un domaine du lexique qui se

prête à un inventaire et à une description> (:3012). Rey ajoute:

Dès lors, il est préférable de parler de lexique lorsqu'il s'agit de la langue et de la communauté qui l'emploie, et de vocabulaire quand il s'agit des formes observées en discours2 par exemple dans un texte, ou encore d'une partie de lexique actualisée dans un groupe particulier. (1 97Oa:76)

'Kocourek a une définition plus large: c e lexique est l'ensemble des unités lexicales, c'est- a-dire des mots et des syntagmes lexicaux> (1991:91).

*La praole chez Saussure.

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Donc, I'idée d'un lexique engendre celle d'une immensité tandis que celle d'un

vocabulaire impose certaines Limites.

Georges Matoré définit la lexicohgie3 comme une science qui <étudie les

mots en groupe, ou plutôt les notions qui sont exprimées par des associations de

mot9 (1968:20) et la lexicographie comme étant

la discipline qui, isolant le mot pour des raisons de commodité, va définir celui-ci sans tenir compte (sauf actuellement dans les dictionnaires andogiques) des rapports que noue ce mot avec les mots voisins . . . (ibid. )

Matoré continue en disant que la lexicographie se spécialise parfois: on peut aussi

bien faire i'étude d'un mot, de plusieurs mots d'une langue, des mots de métiers,

des mots d'une région (géographique), d'une époque, etc., et que le tout est

rassemblé dans des répertoires que nous appelons les dictionnaires.

Une tentative de distinguer entre le dictionnaire et l'encyclopédie nous

amène à introduire une distinction simpliste: <le dictionnaire explique des mots et

l'encyclopédie décrit des choses>' (Matoré 1968:22).

Bien qu'il existe plusieurs moyens d ' e ~ c h i r une langue, if est quelquefois

difncile de regrouper lesdits moyens car, comme nous le verrons, il y a possibilité

d'amalgamer deux moyens pour en créer d'autres (des sous-catégories ou

3 Kocourek ( 199 <L'étude non grammaticale de la formation et de la sémantique des unités lexicales, c'est la lexicologie>.

Tout de suite nous rencontrons des problèmes: le travail de Pierre Larousse qui porte le nom de Dictionnaire, est plus précisément une encyclopédie qui eut comme inspiration I'Encyclpédze de Denis Diderot écrite un siècle plus tôt.

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"catégories de transition"). Dans ce travail, nous ne critiquerons pas le choix des

catégories mais étudierons plutôt leur contenu en espérant de créer le moins de

confusion possible. Ce qui est nécessaire à retenir, c'est que la néologie englobe

tous les procédés de l'enrichissement du lexique.

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Chapitre premier

Le XVIe siècle: la langue de la Pléiade

L'époque de la Renaissance est sans égal dans l'histoire de la langue

française. L'atnontement entre le latin et le fiançais, latent depuis longtemps, se

déclenche en un tête-à-tête qui afEmera une fois pour toutes le rapport entre

1"'enfant" et sa "nourrice".

Au X W siècle, le vocabulaire est en transition. L'ancien fonds populaire se

transforme peu à peu et cède la place aux dialectes et aux emprunts. La langue

montre les signes des grands changements qui ont eu lieu dans divers domaines:

Littéraire, artistique et scientinque.

Un des points communs entre ces domaines, que nous aimerions souligner

dès le départ, est qu'ils sont tous liés par la langue et le lexique. Bref, le

développement de la langue fiançaise pendant la Renaissance est quelque chose de

remarquable et qui, à un certain point, reflète tous les changements et toutes les

innovations de cette époque.

Au fiont de ce renouveau se trouve un groupe de sept poètes illustres qui

constituent la nouvelle Pléiade (d'après la consteuation d'étoiles et basée sur un

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groupe de poètes de la Grèce antique)*, dont Pierre de Ronsard et Joachim du

Bellay. Poètes en premier lieu, les membres de la Pléiade ont fait beaucoup de

remarques et de suggestions se rapportant à la poésie: des opinions à propos du

style poétique, ses différents genres, la versification, etc.; mais c'est inévitablement

sur la question de la langue que Ronsard et du Bellay portent le plus leurs

réflexions. Ces deux étoiles ramènent encore une fois le conflit entre la langue

latine et la langue fiançaise au fiont de leurs pensées, recommandant tantôt l'une

pour sa dite perfection et tantôt l'autre a h de la développer pour l'élever au même

niveau que la première, voire au-dessus d'elle.

Le problème n'était pas si facile à résoudre. Deux questions pouvaient

permettre de distinguer aisément deux camps. La première: "devrait-on écrire dans

sa langue vulgaire qui ne peut tout exprimer avec autant d'aisance que les langues

classiques et qui, à cette époque, est pauvre et négligée et pleine de lacunes?", et la

deuxième: "devrait-on recourir à une langue qui est tout simpiement morte; qui ne

peut plus s'enrichir et se développer?" Une solution était de faire un compromis:

emprunter et se modeler sur une langue tout en créant une langue distincte; comme

le proclamait Ronsard (1 924:5S 1): <D'une langue morte l'autre prend vie . . . >.

'ces poètes étaient: Pierre de Ronsard (1 52485), Joachim du Beiiay (1 S22-60), Jean- Antoine de Baif(1532-W), Pontus de Tyard (1 521- 16OS), Etienne Jodelle (1 532-73), Rémy Belieau (1 SZ8-77), et Jacques Peletier du Mans (1 5 17-82). Il faudrait noter que cette "Liste" ne fut jamais pareille; nous avons formulé celle-ci d'après les membres présent vers 1555-56 quand Peletier remplace Des Autels, et Belleau, La Pémse.

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Dans sa Franciade, Ronsard écrit:

C'est autre chose d'escrire en une langue florissante ... et de composer une langue morte, muette et ensevelie sous le silence de tant d'espaces d'ans, laquelle ne s'apprend plus qu'à l'escole par le fouët et par la lecture des livres ... (Ronsard 1924548)

Il avance que c'est la loi de la Nature qui fait que la chose morte doit céder sa

place à la vivante, l'ancienne a la nouvelle. La langue fiançaise est la langue de

l'avenir,

Nous examinerons des moyens par lesquels le vocabulaire fiançais s'est

agrandi de plusieurs centaines de mots en observant certaines idées soulignées

dans quelques oeuvres de la Pléiade, notamment les préfaces de la Franczade et

lilbbregé de k r t poelique françoys de Ronsard, et surtout dans le premier grand

manifeste de la littérature fiançaise, à savoir La Deffence et Ihstration de la

langue francoyse. Cette oeuvre, signée par Joachim du Bellay, était le résultat

d'un effort de collaboration de la Pléiade et, de tous les écrits de cette nouvelle

école, elle demeure la plus connue et la plus souvent citée (Marty-Laveaux

1968: 72). La Deflence devint essentiellement le programme de cette école et reprit

plusieurs notions dejà exprimées par ses maîtres vis-à-vis du lexique, tout en

présentant au monde une nouvelle poésie.

En 1549, du Bellay pose les bases de son travail en stipulant premièrement

que toute langue a comme source d'origme l'imagination de l'homme et que, par

par conséquent, aucune langue ne peut être considérée supérieure à une autre. Il

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proclame dès le début de sa Deffence et Illustration que la langue fiançaise ne peut

être qualinée de barbare, même si (pour le moment) elle n'est pas cultivée: toute

langue est capable d'amélioration. Il rappelle au lecteur que les Romains,

anciennement considérés comme barbares aux yeux des Grecs, avaient une

multitude d'écrivains qui ont su développer et propager leur langue et leur culture.

Selon du Bellay, rien ne peut être plus clair: après plusieurs siècles d'évolution et

de rafnnement, la langue latine a incontestablement surpassé la grecque. Au X W

siècle, il n'y a aucune raison que le fiançais ne puisse se développer et réaliser ce

que le latin avait fait par rapport au grec et ce que I'italien a fait par rapport au

latin, surtout avec tous ces outils disponibles pour cultiver la langue dont

seulement une fiaction avait été mentionnée dans Lo Deffence.

En France, au début du X W siècle, la langue latine est encore la langue de

la culture et de l'écrit. Quant à la langue fiançaise, elle sert plutôt à la

communication orale; c'est la langue populaire ou "vulgaire". La résistance de

deux institutions - llEglise et l'école - ralentit et supprime le développement du

fhnçais. A cette époque, la vulgarisation et la traduction des textes sacrés comme

la Bible sont interdites et, au niveau scolaire, le fiançais est seulement permis

pendant les premières années et est absolument banni au collège. Comme nous

venons de l'indiquer, seul le latin est toléré par l'école et le clergé. Malgré cette

opposition, le fiançais gagne du terrain petit à petit. En 1539, l'entrée en vigueur

de l'ordonnance de Villers-Cotterêts par François 1" permet et prône même l'usage

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du fiançais dans tous les domaines juridiques et administratifs6 et stipule que:

. . . d'ores en avant que tout arrests, ensembles toutes autres procédures, . . . soient prononcez, enregistrez et delivrez aux parties en langaige maternel fiançois et non autrement.

(cité par Wartburg 1934: 133)

Comme nous allons le voir, cette introduction du fiançais dans de nouveaux

domaines a exigé un agrandissement considérable du vocabulaire.

Dans sa préface du Dictionnaire de la Iartgue française du seizième siècle,

Edmond Huguet explique justement ce qui s'est passé dans le lexique à cette

époque:

Les mots qu'on trouvera dans ce dictionnaire sont d'abord ceux qui, employés au XVI' siècle, ont cessé de l'être depuis. Ils sont très nombreux. Les uns appartenaient à notre vieux fonds français, soit venus réguiierement du latin populaire, soit empruntés de très bonne heure au latin ou à d'autres langues, et complètement amalgamés à notre vocabulaire le plus ancien. D'autres étaient entrés plus récemment dans notre langue, par un emprunt au latin, au grec, ou à diverses langues modernes. Ils étaient reconnaissables, souvent mal accueillis et repoussés comme des intrus. D'autres étaient nouveaux venus aussi, mais fomes d'éléments fiançais, de radicaux familiers, associés à des préfixes et à des sufnxes usuels. Faciles à créer, faciles à comprendre, ils naissent en fouie, avec surabondance, et souvent deux, trois ou davantage servaient à exprimer une même idée. ( 192567:vi)

Bien que ce dictionnaire date de l'ère modeme et ne reflète pas précisément I'état

de la langue au XM' siècle mais plutôt des états de langue, son analyse

diachronique nous pexmet de voir jusqu'à quel point et comment la langue a

Tette ordonnance rendait obligatoire ce qui était déji la pratique habituelle.

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évolué.

Que ce soit des emprunts a d'autres langues, des mots dérivés, des

néologismes, des archaismes, des mots dialectaux ou autres, Huguet a entrepris

l'énorme tâche de regrouper dans son dictionnaire les mots éphémères avec les

mots un peu plus durables afin de montrer cette quantité et diversité du lexique au

XVI" siécle.

La Deffence et Illustration de [a langue francoyse a bien dû, même avec ses

quelques lacunes7, sen& d'ébauche à un écrivain voulant e ~ c h i r la langue à son

tour. C'est ce que les membres de la Pléiade voulaient et c'est justement une des

raisons pour lesquelles la Defence a été écrites. Du Bellay m e que: <Le

principal but ou je vise, c'est la deffence de notre Langue, l'ornement &

amplification d'icelle . . . > (du Bellay 196 1: 182). Cela dit, nous regarderons

7 A notre avis, les moyens par lesquels nous pouvons enrichir la langue ne sont pas tous mentionnés dans ce manifeste; d'autres se trouvent dans les divers écrits de la Pléiade.

'Henri Chamard, dans l'Histoire de la PIéiQde7 est un auteur parmi plusieurs qui indique que la Defsettce de du Bellay est une riposte à l'Art Poëtipe Frm~çois (1548) de Thomas Sebillet. Celui-ci proposait aux poètes fùhirs de faire la <parfaitte congnoissance dés langues Gréque et Latine: car elles sont lés deux forges d'où nous tirons lés piéces meilleures de notre hamoi9 (Chamard 1939-40, 1 : 162). Ronsard et du Beiiay étaient beaucoup plus exigeants; la révérence aux anciens n'était pas sufisante et ils encourageaient I'innovation et l'emploi de la langue vulgaire.

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maintenant quelques procédés proposés par la Pléiade pour enrichir la langueg.

Tout d'abord, nous examinerons des moyens qui permettent de puiser

directement dans le fiançais: les archufsrnes, les formes et les fermes

de métiers.

Les archafsmes

Les archafsmes sont des mots vieillis ou retrouvés. Leurs identités ne sont

normalement consewées que dans les dictionnaires historiques, les dictionnaires

contemporains ne recensant que les mots en usage. Ces mots sont parfois

réintroduits dans le lexique pour traduire un phénomène nouveau, ou bien ils

conservent leur sens de jadis avec ou sans modincation(s). A ce propos, du Bellay

incite le lecteur à

voir tous ces vieux romans & poëtes Francoys, ou [il] trouvema[] un ajourner pour fazre jour (que les praticiens se sont fait propre), anuyter pour faire nuyt, assener pourfrapper ou on visoit, &

'Il ne faut pas oublier que du Bellay, Ronsard, Peletier, Baïfet autres sont poètes; dors quand ils proposent d'enrichir la langue, ils parlent surtout de la langue poétique. La prose, par exemple, ne s'était pas privée d'employer les mots que la poésie dédaignait d'utiliser. Malgré cette distinction entre la langue "générale" et la langue poétique, les conséquences d'une doctrine orientée surtout vers la poésie accéléra l'enrichissement et le développement de la langue fiançaise dans tous les domaines.

''Chose étonnante, du Bellay n'examine point les formes âidectaies dans son manifeste, mais nous savons fort bien qu'à cette époque eiles sont monnaie courante et sont recommandées par la Pléiade pour I'enrichissement de la langue.

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proprement d'un coup de main, zsnel pour leger", & mil' autres bons motz, que nous avons perduz par notre negligence.

(du Beiiay 1961: 143)

Ronsard revient sur cette idée dans son Abbregé de l'art poetzque françoys quand

il écrit: a u ne dois rejeter les motz de noz vieux Romans, ains les choisir

avecques meure et prudente election> (Ronsard 1923:474) et ajoute quelques

pages plus loin: q u ne desdaigneras les vieux mots François, d'autant que je les

estime tousjours en vigueur, quoy qu'on die . . . > (Ronsard 1923 :489).

Tiré de L'Histoire de la langue franpise de Ferdinand Bnmot, voici un

échantillon de quelques mots que la Pléiade a tenté de conserver au X W siècle:

afonder bienveigner coué eschever esme erre iré meschance orendroit rairn rancoeur etc.

aller au fond accueillir avec bienveillance qui a une queue esquiver estimation course, équipage, conduite, propos inité méchanceté, infortune présentement rameau rancune

Nous pouvons ajouter au lexique des mots qui semblent être vivants mais très peu

utilisés. Ils apparaissent et disparaissent dans les textes des écrivains à diverses

époques:

"De ces quatre exemples, seulement deux (ajourner et assener) sont attestés dans le Petil robe^ (1993).

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alenter endementiers gailées isnel mire plaier antan desor se dodouser

retarder, alentir (Ronsard) cependant (du Bellay) galères (du Bellay) léger (du Bellay) médecin (Ronsard) blesser (Ronsard) (Baif) désormais (Baif) se désoler (Baïf)

(Brunot 1966-72, 2: 185-86)

Chamard (1939-40, 4:60) remarque que les mesures prises par la Pléiade

pour préserver les vieux mots n'ont pas toujours réussi. Il explique que des dix-

sept mots de du Bellay, Peletier, et Ronsard qu'il vient de citer", seulement

assener, bouger, et héberger ont survécu, tandis que ajourner et anuiter existent

encore mais dans un sens différent13.

Les membres de la Pléiade n'étaient pas les seuls à employer et à

encourager l'usage des vieux mots mais ils ont néanmoins su propager l'idée du

rajeunissement de ceux-ci plus que quiconque à cette époque.

Comme il l'a toujours fait, l'usage a régenté ce qui resterait et ce qui

partirait. Ce siècle de bouleversements et d'imprévisibilités a forcé certains

écrivains à réécrire leurs travaux de peur qu'ils ne soient pas compris. Chamard

"Du Bellay: ajourner, m i t e r , assener, i d (voir ci-haut), gailées, endemenriers, carrolarzt, cewe; Peletier du Mans: actherdke pour adhérer, heberger pour loger, ost pour armée; Ronsard: dougé, temë, empour, dome, bauger, bouger ...

'%us avons noté (voir note I l ) que anuiter n'est pas attesté dans le Petit Robert (1993) alors que Chamard indique que ce mot existe (malgre son changement de sens); ce qui suggère que ce mot est très rare aujourd'hui.

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(1939-40) indique beaucoup de changements et de révisions dans les éditions

ultérieures de la Pléiade, comme le démontre le passage suivant des Amours de

Ronsard (1553):

Un torrent d'eau' s'écoule de mon chef : Et tout confus de soupirs je me pâme, Perdant le feu, dont la drillante fl ame Seule guidoit de mes pensers la nef. (4:62)

où ddante, déjà rare à cette époque, a été remplacé simplement par divine dans

l'édition de 1567 (:62). Comme nous dons le voir, ce phénomène ne faisait que

commencer. Il atteindra sa pleine maturite au XW' siècle.

Il est vrai que la Pléiade a employé beaucoup de mots archaïques mais le

fait de relever ceux-ci pour une étude serait plutôt hstrant. L'exemple du mot

anuiter mentionné un peu plus haut démontre bien ce dilemme. Pour Chamard, ce

mot existe encore dans le dictionnaire; pour nous, non". Ce changement date du

XX' siècle. Alors comment recenser les mots qui étaient vivants puis qui

mourraient du jour au lendemain, quatre siècles plus tôt? Il y a des mots courants

du début du X W siècle qui ont cessé de l'être après quelques décennies ou bien

qui ont sunrécu jusqu'au XWc pour enfin s'éteindre. Ce que nous devons retenir

de tout ceci est que les mots qui sont archaïques pour nous ne l'étaient pas pour

l4Ce mot existe cependant dans le W, le G U , et même le Dictionnaire de I'ticadémie (Y édition de 1992); tous indiquent que ce terme est "vieilli". Sa disparition ou omission du corpus du Petit Robert (1993) est peut-être due à plusieurs raisons, notamment le remplacement de ce terme vieilli par un néologisme plus courant.

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eux.

En plus de conserver les mots qui vieillissaient et de ranimer ceux tombés

en désuétude, les membres de la Pléiade ont ni recourir a une méthode que

Ronsard a appelé provzgnernenr. L'idée, fort simple, fut une par laquelle une

multitude de nouveaux mots naquirent. Dans I'A bbregé de ['art poerique françoys,

Ronsard explique ce principe qui est effectivement la dérivation propre

d'aujourd'hui:

De tous vocables quels qu'ils soyent, en usage ou hors d'usage, s'il reste encores quelque partie d'eux soit en nom, verbe, adverbe, ou participe, tu le pourras par bonne et certaine Analogie faire croistre et multiplier, d'autant que nostre langue est encores pauvre, et qu'il faut mettre peine, quoy que murmure le peuple, avec toute modestie, de l'enrichir et cultiver. (Ronsard 1923:489)

Pour reprendre deux exemples de Ronsard, le nom verve pourra donc donner

naissance au verbe verver puis à l'adverbe vervement; de même, lobe (mot ancien

qui signifiait moquerie et raillerie) pourra donner lobber (sisnifiant moquer)

(Charnard 1939-40,4:65-66). Poussé encore plus loin, le provignement s'étendait

jusqu'h la juxtaposition des mots pour former des composés. Le provignement

était donc très ingénieux pour la croissance du lexique, pourvu que la racine soit

un mot encore en usage.

La différence principale entre la dérivation moderne et le provignement

d'antan est que ce denier moyen puisait ses mots dans une source différente;

c'était surtout des mots en voie d'extinction. La dérivation, généralement, se sert

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des mots courants, ou au moins, bel et bien vivants. LfafExation ne peut être

hctueuse autrement. C'était le cas du nom essoine (pour encore se seMr d'un

exemple de Ronsard) qui donna essoiner et essoinement. Ce mot était déjà mort

au X W siècle et malheureusement ses dérivés n'ont jamais pu voir le jour.

Les dialectes

Les formes dialectales, voire les provincialismes, ne sont pas mentionnés

dans la Deffence comme moyen d'enrichir la langue mais une chose est certaine:

on ne se gênait pas du tout pour s'en servir; les membres de la Pléiade

encourageaient leur emploi.

Le parler de la région de Paris exemplifiait l'usage courant et accepté de la

langue vulgaire. Mais en partant du principe que tous les dialectes (en France)

sont fiançais, la subjectivité de ce qui était plus fiançais ou qui l'était moins était

décidée selon l'usage. Chaque auteur aimait gamir ses écrits de mots de la région.

Les bornes géographiques dispanirent et les utilisateurs de la langue montrèrent

jusqu'ou leur patriotisme pouvait s'étendre: jusqu'aux parlers de leur temtoire. Le

grand grammairien Henri Estienne n'était pas le seul à remarquer que le fkmçais

avait l'avantage sur l'italien a cet égard quand il écrivait:

Car ainsi que les poetes grecs s'aidoyent au besoin de mots peculiers a certains pays de la Grece, ainsi nos poetes françois peuvent faire leur proufit de plusieurs vocables qui toutesfois ne sont en usage qu'en certains endroits de la France. (cité dans Nyrop 1979:45)

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Ronsard et sa Pléiade le savaient aussi. Rempli de dialectes, le français était nanti

d'une richesse inestimable en mots, en proverbes et en tournures de phrases qui ne

pouvaient se trouver ailleurs. Peletiers du Mans, dans l'Art poétique, ofEe

quelques exemples à ce sujet:

Je trouverais encore bon que les mots paysans ... se mettent aux poèmes, comme amocher, mot manceau, qui signine viser à quelque chose d'une pime ou d'un bâton; comme arrocher des noix ou des pommes; item, ancrucher, qui signifie engager quelque chose entre les branches d'un arbre; termes tous deux pastoreaux, dont ils ont bon nombre en notre pays du Maine et en Anjou; item, avier pour ailumer; uces pour sourcils, mots poitevins; vz@lant pour aubépin, Lyonnais; et ceux des autres pays fiançais. Même (nous) prendrons les mots provençaux et gascons, et leur donnerons notre marque.

(cité dans François 1959, 1 : 173)

Cet exemple de Peletier n'eut rien de bien d'intimidant pour les lecteurs car les

auteurs n'écrivaient pas tous leurs travaux en patois. Si cela avait été le cas, très

peu de gens, sauf ceux de la même région, ne les auraient compris. Ecrire presque

exclusivement en dialecte aurait été trop brusque, trop hasardé. Il faut choisir les

<vocables [les] plus signincatifs des dialectes>, peu importe leur origine Cpourveu

qu'ils soyent bons, et que proprement ils expriment ce que tu veux dire . .. >

(Ronsard 1923:474). Les dialectes pris en modération sont plus faciles à digérer.

Archaïsmes vs dialectes

Mêlés aux patois sont les archaïsmes. Celui ou celle qui veut établir une

banque de mots et leur étymdogie doit constater de peine et de misère qu'il peut y

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avoir plus h e source d'origine d'un mot Tantôt on indique que le mot est un

provincialisme, et tantôt que c'est un archaïsme. Brunot indique que les écrivains

cherchaient les mots archaïques en même temps que les mots dialectaux car les

dialectes <conservent tous, à toutes les époques, des mots disparus du fiançais

propre> (1966-72,2: 178).

Ce que nous pouvons ajouter est le fait que beaucoup de formes dialectales

sont influencées par la prononciation. Du Bellay préfêre ne pas trop s'étendre sur

ce sujet < ... veu que les evenementz du tens, la circunstance des lieux, la

condition des personnes & la diversité des occasions sont innumerables . .. > (du

Bellay 196 1 :33), mais comme nous l'avons déjà dit, les dialectes représentent une

diversité et une richesse inépuisable de mots. Ce sont des mots qui existent mais

dont l'usage est circonscrit; souvent, les mots sont connus seulement de ceux

habitant une région parhculière. Du point de Mie du vocabulaire, l'importance des

mots dialectaux est souvent sous-estimée en grande partie justement parce qu'ils

varient d'une région à une autre. Cette variété des dialectes est vue par certains

comme caractère problématique pour i'enrichissement de la langue nationale.

Langue technique et termes de métiers

Les rennes de métiers sont une source de terminologies abondantes et

spécialisées. Avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts, on devait à tout prix se servir

du fkmçais. La langue technique de la justice et de l'administration était en

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position plus que favorable pour être francisée en premier lieu. Elle devait se tenir

debout sans l'aide du latin dont elle dépendait tant.

Ann d'enrichir ses connaissances et son vocabulaire, du Bellay propose:

de hanter quelquesfois, non seulement les scavans, mais aussi toutes sortes d'ouvriers & gens mecaniques, comme mariniers, fondeurs, peintres, engraveurs & autres, scavoir leurs inventions, les noms des matieres, des outilz, & les termes usitez en leurs ars et metiers ... 15

(du Bellay 196 1 : 172)

et la Pléiade ajoutera bar la plume de Ronsard):

. . . et de la tirer maintes belles et vives comparaisons, avecques les noms propres des outils, pour e ~ c h i r ton oeuvre et le rendre plus aggreable . . . (Ronsard 1923 1474)

Avec toutes les découvertes, les inventions et tous les différents métiers, il n'est

pas surprenant de constater le volume de mots auquel on pouvait avoir accès.

Nous pouvons dire que les ouvriers et les savants ont ajouté leur grain de sel au

lexique. Brunot l'a bien signalé:

Les savants eux-mêmes se réclament dans leurs innovations ... des droits qui leur créent les matières spéciales dont ils traitent. Les lettrés proprement dits leur reconnaissent aussi une liberté exceptionnelle dans le barbarisme. A vrai dire, la distinction fondamentale qui existe entre la langue technique et la langue courante avait donc commence à être aperçue dès cette époque.

1 5 ( t ~ ~ q u e u ici signifie .artisanal, ouvrier»; m h i e r s remplace le substantif marins qui était peu utilisé (synonymes: nautoniers, matelots); engraveurs prend le sens de graveurs.

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L'une n'en devait pas moins pénétrer l'autre. l6 ( 1966-72, 2: 166)

Du Bellay et la Pléiade constatèrent que les

ouvriers.. . jusques aux laboureurs mesmes, & toutes sortes de gens mecaniques, ne pouroint conserver leurs metiers s'ilz dusoint de motz a eux usitez & à nous incongneuz. (du Bellay 196 1 : 13 8- 139)

Pour nous donner une petite idée, voici quelques exemples tirés du domaine de la

marine: nautique, naviguer, navigation, navigable et navigateur; <Nef disparaît

peu à peu au profit de navire>; un Qateau de pescheur> est un batelet, esquzf(fh

XVc), naufrager; vaisseau pour bateau (au lieu de récipient); ramer, galériens

(condamnés a bord des galères), le comzte (un officier portant un fouet), argousins

(des surveillants), hespdzer (le premier rameur du banc), coursie (un passage enEe

les bancs), etc.. . (Matoré 1988:3 12-3 13)

La traduction

Plusieurs chapitres de la Deffence sont consacrés à la traduction. Pour

'T'est grâce aux gens comme Ambroise Paré (1 5 1 7- 1 590), le "fondateur de la chinirgie moderne", que le fhçais a pu infiltrer les sciences. Paré, ne cornaissant pas le latin, écrivait tous ses iivres de médecine en fiançais (Wartburg 1934: 137).

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améliorer la langue, du Bellay propose l'imitation des oeuvres étrangères". Il

souligne que les Romains imitèrent les Grecs; dors il serait préférable et profitable

que les Français fassent pareillement en plus d'imiter les Romains (Ies Latins). il

explique que

. . . [si les traducteurs] rencontrent quelquefois des motz qui ne peuvent estre receuz en la famille Francoyse: veu que les Latins ne se sont point eforcez de traduyre tous les vocables Grecz . . .18

(du Bellay 1961:59),

ils devraient toutefois les incorporer au fiançais. Les gens hésitant à adopter les

mots étrangers pourront recourir aux périphrases de ceux-ci, lesquelles senriront

de truchements.

Ce phénomène qui s'appelle l'emprunt, Were de celui nommé héritage.

Les unités lexicales d'emprunt peuvent être vues comme < ... les unités lexicales

issues d'une autre langue . . . > (Kocourek 199 1: 153) mais nous pouvons parler

aussi de l'emprunt G 1I'intérieu.r de la même langue> (: 152), c'est-à-dire l'emprunt

aux différents dialectes géographiques et sociaux, de même qu'aux différents

"Sans reculer jusqu'aux anciens travaux grecs et latins, l'idée de Pimitation est une de celles que du Bellay ne s'est jamais gêné diitiliser. Plusieurs travaux comme celui de Chamard (Histoire de la Pléiade) citent des idées, des paragraphes, et même des chapitres entiers traduits directement de l'oeuvre de l'Italien Sperone Speroni qui est intitulé Dialogo delle Lingue ( 1 542). A cette époque l'imitation et la traduction étaient encouragées et le terne plagaire @lagere 1 584; kt. plagurus acelui qui vole les esclaves d'autniiu, du grec plagios .oblique, fourbe)) ne semblait avoir aucune connotation péjorative (pour les écrivains en tout cas).

'% Bellay cite <rheton'pe, musique, ananthmetique, geoméhie, [et] phyIosophie> (1 96 1 : 59) comme exemples.

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métiers et domaines (emprunts terminologiques) (: 152). Pour l'héritage, c'est

l'écoulement du temps et I'évolution qui le caractérisent:

Les mots les plus courants du fiançais sont en grand nombre hérités du latin, c'est-à-dire représentent l'aboutissement modeme de mots latins phoniquement altérés au cours des siècles .. . 19

(GLLF, Art. "L'empnint" : 1579)

Pour reprendre cette idée, le traducteur pouvait se semir de certaines

démarches pour rendre les concepts exprimés par les mots grecs ou latins. La

démarche la plus simple consistait a laisser le mot en question comme tel sans

aucune altération, aucun changement. Un moyen plus subtil était de remplacer le

mot indigène par un mot déjà fiançais auquel on attachait un sens différent. Ces

deux procédés, le premier ayant un résultat assez choquant et bizarre (de voir des

mots écrits en grec dans un texte fiançais, par exemple), le deuxième nécessitant

une imagination fort vive et un esprit assez ouvert pour accepter une dénotation

autre que celle à laquelle on était habitué, ont cédé la place au moyen le plus

commode qu'est la légère modification de ces mots malcommodes par l'ajout de

terminaisons françaises.

L'emprunt et l'héritage

Les anciens Romains avaient emprunté à la langue grecque si bien que

''Le G r d Lurousse de fa Imgue j*ançaise donne comme exemple le mot roi, anciennement prononcé Irege, puis *reyye, puis "rei. C'est la forme française prise par le latin.

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cdesormais [les nouveaux mots] n'apparaissent plus adoptifk, mais nature@ (du

Bellay 1961:25). Du Bellay suggère d'<emprunter d'une Langue etrangere les

sentences & les motz, & les approprier i la sienne> (:46-47)" comme jadis

l'avaient fait les Rom& qui ~avoint emprunté tout ce qu[e les Grecs] avoint de

bon, au moins quand aux Sciences et illustration de leur Langue (:2 1).

Il sufst de feuilleter n'importe quel dictionnaire étymologique pour voir a

que1 degré les langues grecque et latine ont été utilisées; néanmoins les emprunts

aux langues vivantes ofFrent aussi une source considérable de nouveaux mots pour

le fiançais. La langue préférée des auteurs fiançais au XVI' siècle est l'italien. A

l'époque de la Deffence, l'italien surpasse le fiançais, les humanistes italiens faisant

beaucoup d'efforts pour écrire dans leur langue vernaculaire. Du Bellay reconnaît

l'italien comme étant une source importante de mots et d'inspiration pour le

fiançais. Il dit que <mesmes [les] Italiens, qui ont beaucoup plus grande raison

d'adorer la Langue Latine que nous n'avons> (du Bellay 196 1 : 189) ont souvent

2"Edmond Huguet (1 925-67:xi) remarque que Beaucoup [de mots] n'étaient que des doublets et n'ajoutaient rien au sens du mot primitE on voyait côte à côte pelerin et peregrin, sauveur et salvateur, vengeur et vindicuteur, étincelle et scintille, cmuuté et crudelié, vergogne et verecundie, coi et quiet, tiede et tepide, raisonner et ratratrociner.

Aujourd'hui nous retrouvons p è i e ~ @degrinus))' mais pérégrination (peregrimo), sauveur et sdvateu r (sulvator), vengeur (vendicaor) mais vindicatif(4ve) (vindicare), étincelle mais scintiller(-ment, etc.) (scintilla), cmant6 (crude1ita.s) mais non cmddité, vergogne (verenrnda) mais non verecundie, coi et quiet (quietus), tiède (tepidus), raisonner (rationare) et ratiociner (ratiociinmi'). ' Le latin est entre parenthèses et en italiques. (Le Petit Robert, 1993)

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opté d'écrire dans leur langue vulgaire. Les Français se doivent de le faire aussi.

Malgré le développement exemplaire de la langue italienne, l'emprunt excessif a

cette langue est à éviter par la Pléiade. A cette époque tout ce qui est italien est à

la mode, y compris la cour, l'art, et les vêtements. De l'italien, plus de 300 mots

ont été empruntés. Voici une liste brève des termes militaires empruntés à l'italien

qui existent encore de nos jours:

alerte ou a llierte, à l'&el afl'erîa,(sur la hauteur); arquebuse/ archzbuso attaquer/ altaccure; bastion/ baslime; bataillon/ battaglione; brigade/ brigata; brigand/ brigante; canon/ cannone; cantine/ cantina; capord caporaie; cartonchel carîoccio; cavailerid cavallerta; citadelle/ citadella; coloneV colonneilo; embuscade/ imboscuta; escadron/ squadrone; escrilade/ scalata; escarmouche/ scurmuccia; escorte/ scorta; espion/ spione; parapet/ parapetto; révoltel rivolta; sentinelle/ sentinella; soldat/ soldato; vedette/ vederta.

(Nyrop 1979:60)

Il y a aussi eu I'italianisation de certains mots comme chiennaifle qui est

devenu canailie sous i'infîuence de canugiia, ggarlande devenu ghirlande

(guirlande) sous celle de ghirlmdù, trernontane devenu tramontane de

tramontuna (Huchon 1988:74), ainsi que l'emprunt des sufExes comme -ade

(ambassade, estrade), -esque (arabesque, barbaresque), et -issime (richissime,

rarissime) qui ont tous contribué à l'enrichissement du lexique fiançais. ~'italienl'

est de loin la langue dont le fiançais a emprunte le plus souvent au XVI' siècle,

comme le démontre le tableau suivant:

21Quelques exemples d'italianismes de du Bellay dans la "Vieille Courtisane" des Jeux rustiques: b d e l (prévôt de police), fantesque (soubrette), chambre locnnde (de location), quatrin (une pièce de monnaie), caparelie (cache-sein). (Sauinier 1968: 154)

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me .... 79 XVIIlt .... 101 X W ... 320 mots italiens XDCt ...... 67 m .. 188 XXe ....... 10

(GLLF, Art. "L'emprunt" : 1588)

Si grande fut son influence que la langue italienne était impossible à ignorer. Mais

parmi les centaines de mots italiens entrés dans le lexique fiançais au XVI' siècle,

seulement un petit nombre avait été employés par la Pléiade, la raison probabie

étant d'ordre extra-linguistique: la jalousie. L'emprunt à une langue vivante (une

langue prêteuse) impliquait d'une certaine façon que la langue receveuse était

inférieure à ceiie ou on empruntait. Négligeable peut-être, cette jalousie ne peut

... être pratique car < un pays ne peut jamais estre si parfait en touf qu'il ne puisse

encores quelque-fois emprunter je ne sçay quoy de son voisin> (Ronsard

1923:475). Un peu plus bas Ronsard proclame qu'il ne faut ignorer les langues

étrangères; au contraire, il recommande qu'on les sache parfaitement car sa théorie,

appuyée par d'autres membres de la Pléiade, est qu'<il est fort malaisé de bien

escrire en langue vulgaire si on n'est parfaictement, à tout le moins mediocrement

instruit en celles des plus honorables et fameux estrangers, (Ronsard 1923:477).

La néo/ogie

La création ou formation de mots nouveaux, appelée néologie, est un autre

processus par lequel le lexique d'une langue est enrichi. Quand Ronsard fièrement

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écrit: <Plus nous aurons de mots en nome langue, plus elle sera parfaitte> (Brunot

1966-72, 2: 168), i l laisse la porte grande ouverte, pour ainsi dire, à tous ceux

voulant apporter du nouveau à la langue. Cette liberté est devenue pour certains

comme un mur sur lequel on peut s'accouder < . .. pour masquer le vide et la

banalité de la pensée (Brunot 1966-72, 2: 168). Presque tout un chapitre (46) de

la Deffence est consacré aux néologismes et est convenablement intitulé:

4Yinventer des rnotz, & quelques autres choses que doit observer le poëte

Francoyy (du Bellay 196 1 : 137). Peletier du Mans fait autant dans son Art

Poëtzque de 1555 quand il écrit: <Quant et de I'innovacion des rnoz, faudra aviser

si notre langue an aura faute: e an tel cas, ne se faut feindre d'an former des

nouveaus> (Charnard l939-40,4:52) de même que Ronsard qui ajoute: <tu

composeras hardiment des mots à I'imitation des Grecs et L a w (Ronsard

1923 :488). Dans la préface de la Franczade (1 Ronsard encourage i'invention

mais signale vivement que le tout doit suivre un patron cdesja receu du peuple

(Ronsard 1924547). On inclut aussi dans les néologismes les mots déjà en usage

auxquels on donne des sens nouveaux. Donc, il peut y avoir, comme le mentionne

Maurice Grevisse, des <néologismes de mots et des néologismes de s e n 9

(1969:20). A ce propos, du Bellay m e :

. . . celuy qui entreprendra un grand oeuvre.. . ne craigne point d'inventer, adopter & composer à I'immitation des Grecz quelques motz Francoys, comme Ciceron se vante d'avoir fait en sa Langue. (du Bellay 1961: 137)

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C'est la spontanéité de la langue qui exige cette innovation. A cet égard,

Ferdinand Brunot a choisi probablement le meilleur candidat pour a m e r ce point

au XVIc siècle: le grand médecin/écrivain François Rabelais:

. . . Rabelais entassa la plus extraordinaire collection de mots nouveaux qu'homme ait jamais jetée dans un h e . Latin, grec, hébreu même, langues étrangères, argot, patois, il emprunte partouf à toutes mains; et en même temps il forge noms et mots, dérive, compose, pour plaisanter ou sérieusement; tous les procédés, populaires ou savants, lui sont bons. (1966-72, 2 : 169)

Du Bellay souligne que les choses inventées doivent avoir des mots inventés <dont

I'usaige n'est point encores commun & vulgaire> (du Bellay 196 1: 138) pour les

désigner. Cela exigerait l'emprunt de beaucoup de termes étrangers au langage

f d e r (les métiers spécialisés nécessitent un vocabulaire spécialise).

La dérivation impropre

La Deffence fait d'autres recommandations pour enrichir le vocabulaire. Un

procédé qu'il évoque, et que l'on appelle aujourd'hui la dérivation impropre,

consiste a faire passer un mot d'une catégorie grammaticale (ou classe lexicale) a

une autre. C'est un moyen qui, pouvons-nous le dire, donne a un mot une valeur

autre que celle qui lui a déjà été attribuée. Pour clariner, certains textes placent la

dérivation impropre dans La catégorie du style, le style étant le résultat des

interactions entre les mots, leurs différentes combinaisons. Parmi ses exemples,

du Bellay suggère d'utiliser chardiment de l'infinitif pour le nom comme Z'aller>

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(comme dans les exemples modernes: "l'der a éte plus facile que le retour" ou

bien un "aller retourt1), d e chanter>, 4 e vivre> pour "la vie", ou bien "les vivres"

(qui signine "la nourriture", "les provisions"), <le mourir>, etc. Il propose aussi

d'employer l'adjectif pour le nom (l'adjectif substantivé), comme d e liquide des

eaux, le wzde de l'air, le fraiz des umbres. l'epes [épais] des forestz, l'enroué des

cimballes> du moment que cela ajoute un certain caractère au discours et non

simplement des mots superflus comme dans les exemples d e chauit dufeu, le

froid de la glace, le dur du fer, et leurs semblable* (du Bellay 196 1: 160). Il

recommande aussi i'usage des verbes et participes, <qui de leur nature n'ont point

d'infini& apres eux, avecques des innnitifz, comme tremblant de mourir &

volant d'y aller, pour craignant de mourir et se hatant d y aller> (: 160-6 1) et le

remplacement des noms par des adverbes, comme eilz combattent obstinez, pour

obstinéement, il vole leger, pour legerernen~ (: 16 1) etc.

La rhétorique et le détournement de sens

Dans La Deffence et Illusirution, la dérivation impropre suit de près la vertu

de l'élocution, d'ou du Bellay nomme les

. . . methaphores, alegoties, comparaisons, similitudes, energiesP & tant d'autres figures & ornemens, sans les quelz tout oraison & poëme sont nudz, manques et debiles .. . (:35-36)

%ur du Bellay, "energie" signifie <grandeur de style, rnagnincence de motz, gravité de sentences, audace & varieté de figures, & mil' autres lumieres de poësie .. . > (140).

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Lorsqu'on transpose un mot d'une catégorie grammaticale à une autre, on y ajoute

quelque nuance(s) quant a son sens. Justement, ce ne sont plus les mots eux-

mêmes mais leur interaction, leur changement de sens et le détournement de leur

usage habituel que les futurs poètes (et tous les autres utilisateurs de la langue)

doivent être capables de bien manier. Des métaphores telles que: 4uflamrne

devorante, les souciz mordans, [(a gehinnunte sollicitude> (: 162) en sont des

exemples. L'emploi de l'<antonomasie> (antonomase) qui <designe le nom de

quelque chose par ce qui luy est propre ... > (: 161) est aussi fortement

recommandé. Il offre les exemples <le Pere foudroyant, pour Jupiter: le Dieu

deux fois né, pour Bacchus: la Vierge chasseresse, pour Dyane> (: 16 1).

Du Bellay osa dire que la majorité des gens littéraires fiançais de son siècle

méprisent et dévalorisent leur langue maternelle. Il conclut que les Français sont

<moins scavans en toutes Sciences ... > (:65) que les Anciens parce qu'ils passent

leur temps a apprendre les langues étrangères au lieu des arts et des sciences. Son

plaidoyer supplie les écrivains fiançais d'écrire en leur langue au lieu de recourir

au latin car ce n'est qu'en utilisant la langue qu'elle pourra se développer,

s'améliorer et être digne d'une grande nation qui la parle.

La Deffence et Ihstration en elle-même peut être considérée comme étant

un exercice linguistique qui a pennis à du Bellay de regrouper sous un même toit

des moyens disponibles qu'il estimait nécessaires et pertinents à son époque pour

l'enrichissement de sa langue. La nécessité d'une réforme de la poésie et de la

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langue en général n'avait jamais vraiment été ressentie auparavant avec une telle

passion et un tel patriotisme. La Deffence et Illustration de la langue francoye

n'est pas seulement un manifeste du XVI' siècle parmi plusieurs; c'est entre autres,

un rêve utopique d'un poète devenu (pour le moment) linguiste.

Pour conclure, la Pléiade ne fit pas la seule à s'intéresser au vocabulaire,

Ioin de là. Faute de temps, une étude plus approfondie n'aurait sans doute pas

oublié un travail comme la Précellence du langagefrançais de Henri Estienne qui

présente davantage les moyens d'enrichir le lexique tels les mots de métier, les

mots nouveaux, les archaïsmes, les mots dialectaux, etc. dont nous avons déjà

discuté.

En somme, le XW siècle a jeté les bases du développement de la langue de

même que de l'établissement d'une attitude nationaliste envers cette dernière.

Oeuvrant pour l'identité du fiançais, la Pléiade, tout en empruntant lourdement aux

langues étrangères (celles provenant d'une autre nation de même que des couches

peu connues du français Des ternes techniques et les dialectes, par exemple]) pour

enrichir le français littéraire, a aussi voulu éviter sa contamination par celies-ci.

Cette idée, moindre qu'elle ne paraisse pour le moment, mène néanmoins a un

grand concept qui envahira les années à venir.

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Chapitre II

Le XVIIc siècle: le siècle des dictiomaires et du purisme

Le grand projet d'épuration, nous pouvons le dire, a eu ses véritables débuts

avec Malherbe (1555- 1628). Cet écrivain tente d'effacer ce que le collectif de la

Pléiade a réussi à faire. Il décide qu'un vocabulaire considérable est un

vocabulaire instable et peu attrayant. Le coeur de sa doctrine: que la langue doive

rester pure et que personne (y compris le roi) ne puisse la changer.

S'attaquant d'abord aux mots d'origine étrangère, Malherbe nie ensuite Les

formes dialectales, les dérivés de tout genre (propre et impropre), et enfin les

termes techniques et les néologismes, voire <toutes les expressions qui ne peuvent

être comprises de tout le monde (Gégou 1962:21) (et tout ce que prêchait la

Pléiade), jusqu'à rendre la langue dangereusement proche de la stérilité absolue.

Comme l'indique Brunot,

Ainsi toute la doctrine de Malherbe sur le vocabulaire est essentiellement restrictive ... ce ne sont pas des additions [comme le désirait la Pléiade] ce sont des retranchements qu'il s'agit d'y faire.

(1966-72, 3 :6)

En plus d'abolir le vocabulaire qui n'était pas courant, Malherbe a aussi voulu

bannir la langue populaire (Gégou 1962:21). Donc, grand contraste avec la

doctrine de la Pléiade; et encore la division en deux camps.

A partir d'ici le lexique est mis en rapport avec l'usage. Vaugelas (1595-

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1650) d é f i t ce en quoi consiste le "bon usage" dans sa Préface (Caput 1972-75,

1:2 17-2 19). n divise l'usage, ce cmaistre des langue^, en bon et en mauvais, ce

demïer étant celui du peuple, de la majorité, mais considéré comme bas car il

s'agit, entre autres, du langage des <noumice~ et des domestique^. Le bon

usage, quant à lui, est <composé non pas de la pluralité, mais de I'élite des voix>,

c'est-à-dire de l'usage de la Cour. Il est complimenté par l'usage qu'on retrouve

chez les <bons Autheurv et, avec un peu dliésitation, par celui des <sçauantY

(savants). Vaugelas explique que le lexique de ces derniers est <moins necessaire,

parce qu'il se présente beaucoup de doutes et de Wcu l t eq que la Cour n'est pas

capable de resoudre>. Ce critère, comme nous le verrons, sera d'une importance

capitale dans l'établissement du dictionnaire d'Antoine Furetière par rapport au

dictionnaire de l'Académie fiançaise.

Pour Malherbe et ses contemporains, les vieux mots disparus sont mis au

même pied que ceux qui sont en voie de disparaître, des mots tout à fait légitimes

mais peu usités. Même si l'Académie fiançaise revient sur sa décision d'inclure les

vieux mots dans son projet du Dictionnaire, Vaugelas a toujours une certaine

tendresse

pour tous ces beaux mots ... opprimez par la tyrannie de Wsage, qui ne nous en donne point d'autres en leur place, qui ayent la mesme signification et la mesme force. (Brunot 1966-72, 3 :99- 100)

Les mots dialectaux, eux non plus ne sont pas à la mode. Le siècle

précédant les avait acceptés avec réticence mais a cette époque, ils étaient

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méprisés. L'influence de Paris et de la Cour s'est assuré de puriner le ftançais en

la dégmconisant, c'est-à-dire, en éliminant les mots dialectaux et provinciaux et

les expressions qui ne figuraient pas dans le parler de la Cour.

Le même sort est jeté aux mots techniques et de métiers. On regroupe le

tout en une classe de mots vieux, bas, déshonnêtes que Malherbe et ses pairs

renient. Les emprunts a d'autres langues, tout comme les emprunts aux

communautés linguistiques géographiques (aux dialectes du français), sont aussi

repoussés. Donc, des mots tels pume, charogne, cadavre, vomir, etc., sont trop

désagréables; face, <parce qu'un mauvais plaisant avait eu un jour l'idée d'appeler

telle partie du corps la face du grand Turc> (Wartburg 1934: 168) et poitrine,

qu'on remplace par estomac, sont tous bannis. Pour compliquer le problème, la

précision des idées, sans aucune grande surprise, est rendue floue. Le terne crier

doit s f i e là où Ronsard <avait spécifié entre pépier, augler, craqueter, fringoter,

etc.> (: 168). Encore une chance que, comme l'indique Wartburg, beaucoup de

mots ont pu résister à cette persécution. Nous avons toujours angoisse, ardu,

bénin, condoléance, immense, et tant d'autres au XX' siècle.

Le sentiment général envers les néologismes semblait indiquer le refus ou

plus précisément la futiLité de la création vu que la langue était déjà sursaturée de

mots peu usités. A quoi bon inventer un mot si l'on en rejette deux anciens à sa

place? Les néologismes et les archaïsmes n'étant pas d'usage uniforme à travers la

langue (et c'est ici la clé), sont automatiquement interdits. Wartburg (1934: 168)

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dit du néologisme que celui-ci d o i t donc faire d'abord un long stage dans la

langue de la conversation> avant d'être approuvé comme véritable entité du

lexique. La dérivation impropre, par contre, est plus subtile dans son approche.

Les mots existent d'avance, et on ne fait que les employer différemment. II en

résulte une nouvelle façon de parler @ m o t 1966-72, 3:225). La communauté

linguistique, dans ce sens, n'est pas exposée à une nouvelle forme (un nouveau

mot) de même qu'une nouvelle fonction (la polysémie), mais seulement de cette

dernière. Il va de même de la dérivation propre, d'où les termes accrus de préfies

et/ou de suffixes sont plus attrayants que les termes allogènes (y compris les

dialectes). Ces deux différents moyens d'enrichissement, de même qu'un troisième

(non morphologique), à savoir le détournement de sens, ont eu plus de succès que

les autres types à cette époque.

Le X W e siècle est aussi le siècle des dictionnaires. Les premiers

dictionnaires véritablement en fiançais naissent à cette époque, soit d'abord le

Thresor de ia langue frunçoise (1606) de Jean Nicof puis le Dictionrzuzre

Universel de Furetière et le Dictionnaire de /'AcadémieP. Ces deux derniers

valent la peine d'être examinés un peu plus profondément car étant très distincts

par leur approche, ils proposèrent chacun un idéalisme différent de la langue.

23N'étant pas un travail sur I'histonque des dictionnaires, i'omission ou l'insertion d'une réfërence à un dictionnaire en particulier (le premier venant à l'esprit étant celui de Richelet) n'est pas ce qui compte. Ce qui nous intéresse pour le moment sont ces deux derniers.

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L'Académie fiançaise est fondée en 1635: elie naît de l'idée de Jean

Chapelain appuyé par Richelieu. Ce dernier espére que cette nouvelle institution

devienne <le juge du langage et des productions Littéraire9 (Brunot 1966-72,

3:33). Elle s'inspire de l'académie florentine de L a Cmca en Italie.

Réimprimés dans La lunguejPançaise (histoire d'une institution) de Jean-

Pol Caput sont les statuts de l'Académie fiançaise dans lesquels nous retrouvons

trois buts que l'Académie désirait atteid-e et qui sont pertinents pour ce travail:

24. La principale fonction de l'Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possible a donner des règles certaines à notre langue et a la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences.

25. Les meilleurs auteurs de la langue fiançoise seront distribués aux Académiciens pour observer tant les dictions que les phrases qui peuvent servir de règles générales et en faire rapport à la Compagnie qui jugera de leur travail et s'en servira aux occasions.

26. Il sera composé un Dictionnaire, une Grammaire, une Rhétorique et une poétique sur les observations de l'Académie.

(1972-75, 11206)

Au début du XWe siècle les lexiques étaient des pots-poumis de tous les

termes, l'absence de certains étant la conséquence de l'oubli ou d'une simple

négligence. Malherbe, avec sa langue du bon usage, établit un lexique plus

raniné, moins bas, que ses précurseurs. Ce lexique appauvri sera celui du

Dictionnaire de I'Académie (Gégou l962:2 1-22).

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Dictionnaire de /'Académie

L'esquisse d'un nouveau dictionnaire fut dressé par Chapelain en 1634 (un

an avant la formation de l'Académie). Ce devait être le <trésor et le magasin des

termes simples et des phrases reçues...#> (Gégou 1962:23) de la langue fiançaise.

En exploitant les mots puisés des textes des meilleurs auteurs dits consciencieux

de vouloir présemer la pureté de la langue, le dictionnaire visait à cataloguer

alphabétiquement les termes simples. Ces ternes seraient suivis de leurs

composés, de leurs dérivés, et de leurs diminutifk en plus des <phrases qui en

dépendent avec les autorités> (Gégou 1962:24). On avait aussi suggéré une

traduction latine a laquelle les débutantdapprenants de la langue pouvaient

recourir. En plus de marquer le genre et le nombre de chaque entrée, la distinction

de ce qui était poétique ou prosaïque et surtout de ce qui était du langage "élevé"

ou "bas" était sur le tableau. En demier lieu, mais aussi important, le tout serait

écrit 4i l'orthographe reçue pour ne pas troubler la lecture commune ... > (Gégou

1962:23-24).

Le deuxième échelon de ce projet grandiose était d'organiser tous les

ternes. simples et complexes, en ordre alphabétique avec seulement un renvoi à la

page ou le terme en question figurait dans le <Grand Dictionnaire> (Gégou

1962:24). Et ce serait ici-même où les termes hors d'usage, c'est à dire les

archaïsmes, seraient répertoriés afin de permettre l'étude et la lecture des textes

anciens. Exclus du volume sont les noms propres de même que

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tous les termes propresU qui n'entrent point dans le commerce commun et ne sont inventes que pour la nécessité des arts et des professions, laissant à qui voudraient, la liberté de faire des dictionnaires particuliers pour l'utilité de ceux qui s'adonnent a des co~oissances spéciales. (Gégou l962:M)

Nous verrem que ces <termes proprev se retrouveront dans un dictionnaire

<particulier> qui à fait fkeur même et surtout avant sa parution.

Celui qui engendrera ce dictionnaire, de même que toute une controverse, se

nommait Antoine Furetière, et il s'attaquera à cette énorme lacune (et bien d'autres)

laissée par les Académiciens et les autres lexicographes en ofEant au peuple un

dictionnaire vraiment "universel".

La Préface du Dictionnaire de i'rlcadémie (1694) définit bien la position de

celle-ci en ce qui concerne le choix des mots et leur classement. L'ébauche de

Chapelain dressée auparavant et résumée ci-haut n'avait pas été embrassée par la

Compagnie. Plutôt, les membres de cette dernière se sont vus a la fois maîtres et

serviteurs de "l'usage". Après quasiment soixante ans de peine et de misere,

1'Académie fiançaise s'est débarrassée de son fardeau pour enfin le rendre au

peuple. Regardons plus attentivement ce qui avait été écrit dans ce travail

impatiemment attendu.

Tout d'abord il est écrit que le dictionnaire sera autant pour le peuple

*'Ternes propres veut dire "qui est propre à ou appartient à un domaine" (d'art, de science, de métier), voire "terme spécialisé", et n'est pas synonyme de nom propre.

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fiançais que pour les étrangers qui veulent apprendre la signification des mots ou

<qui n'en cornoissent pas le bel usage [Académie 1974:Mil. Tous les mots

considérés comme bas ou ceux qui cblaissent la Pudeur> [:XI sont exclus. Dejà, le

lecteur peut s'attendre à un vocabulaire choisi et censuré.

En ce qui concerne la source des matériaux, l'Académie jugeait utile de ne

pas inclure les mots vieillis et centierement hors d'usage> [:viii] (ternes

archaïques), ainsi que ceux des Arts et des Sciences <qui entrent rarement dans le

Discours> [:viii]. Elle opta pour la langue commune, mais non basse, utilisée par

la Cour, les meilleurs orateurs et les poètes les plus distingues de Ifépoque. A ses

débuts, le contenu du Dictionnaire de l'Académie consistait en des mots qu'on

avait dépouillés des textes des meilleurs écrivains mais s'est rapidement vu réduit à

cause de la longueur des citations et de la méticulosité de cette entreprise.

L'Académie s'était vue dans la même position que Cicéron à son époque.

Ce dernier, après avoir fait tant de réflexions relatives à la langue latine, constata

que celle-ci cestoit b é e à un degré d'excellence ou l'on ne pouvoit rien

adjouter> [:vüi]. C'est pour cela que l'Académie ne reconnaissait pas les

archaïsmes. Recourir aux vieux mots aurait constitué un pas en d e .

Un peu plus loin dans sa Préface, l'Académie reprend sa position vis-à-vis

des mots archaïques en indiquant qu'elle ne les a pas tous éliminés; ceux d'entre-

eux ayant Qncore quelque usage> [:XI ont été épargnés.

Grosso-modo, l'Académie a donné <la Definition de tous les mots communs

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de la Langue dont les Idées sont fort simples> [:viü]. Elle considère cette tâche

beaucoup plus nécessaire et astreignante que de définir les mots des Arts et des

Sciences justement parce que ces demiers sont formulés d'après ces premières

définitions. Afin de mieux comprendre ce qui vient d'être écrit, prenons ce court

exemple que nous donne l'Académie:

. . . il est bien plus aisé . . . de definir le mot de Telescope, qui est une Lunette à voir de Ioin, que de de& le mot de voir ... [:viii]

Les mots sont rangés par racine? peu importe leur origine, <soient

d'origine purement Française, soit qu'ils viennent du Latin ou de quelqu'autre

Langue> [:ix], et ils sont suivis de leurs dérivés et composés. Furetière, comme

nous le verrons, reproche à l'Académie cette structure en disant que cela n'est pas

commode pour les langues vivantes comme le fiançais qui puisent leurs mots de

plusieurs sources. Il ajoute que les anciennes langues prenaient leurs dérivés et

leurs composés d'un même fonds tandis que les langues vivantes peuvent les

prendre et les emprunter à d'autres langues. Les critiques à travers les siècles ont

souvent mis de côté les raisons de l'Académie pour cette maladresse en disant que

les académiciens, ayant déjà basé leur dictionnaire sur ce modèle, voulaient en

finir avec le tout et halement imprimer leur travail difficile. Quand il s'agit de

doublets, c'est à dire des mots <qui sortant d'une mesme souche Latine, ont fait des

25Cet arrangement était fort malcommode. Ggou (1 962:3 1) nous donne l'exemple suivant: dtencanuiZler, on doit se rapporter à canaille, de canafcanafIZe à chien, et à chien on ne trouve pas trace d'enccmaillr.

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branches assez Merentes en François pour estre m i s chacun à pam [:ix] et des

mots d'origine latine qui n'ont formé que des dérivés et des composés sans mots

primitifs fiançais26, on fait exception a cette démarche.

Pour chaque entrée, les synonymes sont indiqués de même que les

~Epithetes qui conviennent le mieux au Nom substantiP [:ix] en plus des phrases

les <plus receuës, & qui marquent le plus nettement 1'Employ du mot dont il

s'agit> [ : ix] .

Pour terminer l'entrée, 1'Académie a fait 1'eEorP7, paraît-il, de recueillir les

proverbes et les maximes même si elle en considérait plusieurs comme étant

méprisables: 4 y en a qui se sont avilis dans la bouche du menu Peuple> [xi].

Néanmoins, ils font partie de la langue courante et ne peuvent être ignores.

Le Dictionnaire Universel

Le Dictionnaire Universel (1690)'' de Furetière présenre la richesse

lexicale de i'époque. En travaillant, paraît-il, jusqu'à seize heures par jour pendant

plus de quarante ans, Antoine Furetière a achevé cette oeuvre remarquable en la

26L'Acadérnie nous donne les exemples de <collStrtlrire & destmire qui viennent du mot Latin smtere, qui n'a point passé en Françoie [1974:ix].

"Nous disons ef/ot? justement parce que ceci semble être un contraste assez significatif dans la doctrine de l'Académie et son insistance sur le bon usage. Pour les proverbes en tout cas, ils sont plus tolérants.

2gDictionaire universel contenant generulement tous les mots Frunçois tant vieux que modernes, & les Termes de tmites les Sciences et des Arts.

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moitié du temps de son concurrent devenu véritable ennemi: la Compagnie

(l'Académie fiançaise). Malheureusement, Antoine Furetière meurt avant la

parution de son dictionnaire.

Dans la préface du dictionnaire, Pierre Bayle écrit que Furetière avait eu la

chance de voir les bonnes et mauvaises qualités des dictionnaires qui précédèrent

le sien et par la suite, put rafnner et perfectionner son travail. Un siècle plus tôt,

les anciens dictionnaires, étant les premiers, n'avaient aucun modèle.

De manière assez discrète, Bayle reprend le conflit entre Furetière et

l'Académie fiançaise en stipulant que lorsqufon censure le travail d'autrui, on doit

être assez certain de son coup. Mi. Furetière, continue Bayle, a fait cela <selon Ia

plus scmpuleuse precision> [1690:ii] en rédigeant son chef-d'oeuvre. Bayle cite

clairement la position de l'Académie fiançaise et de ses partisans envers la langue

et qui est certainement ce qui distingue cette oeuvre de celle de Furetière. D'un

ton sec, qui rappelle un Antoine Furetière venimeux, la préface pose la question

ampoulée: <Quel est son caractere essentiel?> [:Mi] à propos du rôle de

I' Académie :

C'est de fixer les beaux esprits . .. de les fixer, lors qu'ils ne savent pas bien si un mot est du bel usage, s'il est assez noble dans une telle circonstance, ou si une certaine expression n'a rien de defectueux.

[ :vii]

Le rôle de l'Académie selon Bayle est d'enseigner aux gens comment bien écrire et

c'est aussi à l'Académie d'apprendre tous les termes de difEérents métiers et de

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matières afin de pouvoir écrire correctement sur un sujet Si nous ignorons les

termes essentiels à une profession, nous ne poux~ons écrire justement et clairement

sur celle-ci. Voilà la différence entre le dictionnaire de l'Académie et celui de

Furetière.

Moderne (et logique) pour son époque, le dictionnaire de Furetière range

les mots par ordre alphabétique. Les archaïsmes cohabitent avec les néologismes,

tous les deux types de mots étant indiqués comme tels, avec des étymologies. Le

plus évident critère de ce travail est l'abondance de mots modernes; ceux qui sont

plus éloignés du vocabulaire fondamentcd du peuple que les autres. Les temes de

métiers y abondent, de même que les dialectes, les emprunts, et les néologismes.

Dans le premier de ses trois Factum, Furetière défend sa position envers

l'acceptation des mots spécialisés:

. . . il est certain qu'un Architecte parle aussi bon François, en parlant de plintes et de stilobates, et un homme de guerre, en parlant de casemates, de merlons et de sarrasines, qu'un Courtisan en parlant d'alcoves, d'estrades et de lustres ... Cette ignorance de la plupart des mots de la Langue est ce qui a donne une grande étandue au mot chose dont on se sert pour expliquer tout ce dont on ignore le nom . .. Ainsi quand un Bourgeois veut parler de ces grosses séparations de pierre qui se voient dans les vieux bâtiments, s'il ne sçait pas le nom de manteaux que les Architectes leur donnent, il âira grossièrement: les choses de pierre . . . (Gégou L962:4 1)

Pierre Bayle ajoute dans sa préface du dictionnaire que <Quiconque voudra

profiter de ses travaux, pourra desormais representer chaque sujet par ses

ventables canicteres, & selon les termes des plus experts en chaque professiorr>

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[1690:v] (notre italique).

Dans la préface de son premier Fuctum, Furetière se vante d'avoir écrit <un

Dictionaire universel plus ample & plus instructif qu'aucun autre qui ait paru

jusques à present en quelque langue que ce soi^ (1694:4). Il a raison. Disant

qu'un dictionnaire bien fourni est toujours mieux que n'importe quel autre, il

marchande son Dictionnaire Universel en dévalorisant celui de l'Académie

fiançaise, toujours inachevé.

Il est vrai, comme nous i'avons indiqué plus haut, que ce siècle est celui des

dictionnaires, et on en publie beaucoup. Pour Furetière, cette compétition est

idéale car il constate qu'on ne pourrait avoir trop de dicti~maires~~; ce qu'il faut

faire est d'ajouter aux nouveaux dictionnaires les mots supprimés par hasard ou

intentionnellement auparavant.

Le premier Factum s'empresse de noter que les deux dictionnaires (celui de

l'Académie et le Dictionnaire Universel) ne se ressemblent pas <quoy qu'ils

employent les mêmes temes> (1694:20) et que ceux qui ont travaillé sur le

dictionnaire de l'Académie <pillent tous les autres Auteurs, & ne peuvent être

pillez; parce qu'ils n'ont rien que de trivial, rien qu'on puisse prendre; ni qui mérite

d'être pr ie (:2 1).

Furetière dresse une liste de points communs entre les dictionnaires

- -. -. . -

?Diderot sera du même avis au W siècle (Encyclpedrexaiv).

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contemporains, y compris le Beau tenebreux> (:21) de l'Académie7 pour établir la

supériorité de son travail sur les autres. Selon Furetière, tous les dictionnaires

comprennent

1. La definition des mots. 2. Leurs Epithetes. 3. Les Phrases propres & figurées. 4. Les Proverbes (:21-22),

mais leurs approches diffèrent de celles du Dictionnaire Universel. Pour le

premier critère, celui de la définition, Furtiere ne reconnaît aucune origuialité de la

part de la Compagnie; elle fait souvent du "mot-pour-mot", dépouillant les

dictionnaires antérieurs, et leurs définitions sont vides, <grammaticaleu (:22)

tandis que les siennes sont ~hilosofiques & tirées des Auteurs qui ont traite à

fond les matieree (:22). Les épithètes sont nulles dans ce dernier mais copieux

dans celui de l'Académie. Pour les phrases propres et figurées, Furetière ne dit

rien a propos de l'Académie mais lui ne s'en est s e m i <que pour introduire, lier &

accompagner les scientifiques, & pour leur donner de I'éclaircissement~ (:22). Les

proverbes, si chers a l'Académie, appartiennent au peuple et a la langue, et

Furetière n'en a cités <qu'à regret> et cles ay mis à la queuë de chaque mot ... >

(:23). Il reconnaît dans les proverbes les anciennes façons de parler et leur utilité

pour préserver la langue en @autres siecles & en d'autres lieux> (:23). Il s'est

aussi détaché des anciennes méthodes de régurgitation pour examiner les

proverbes d'un autre angle: pour certains il s'est mis à la recherche de leur origine,

ou bien des <histoires curieuses qui y sont appliquées, & par la conference avec

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les proverbes des autres Nations ... > (:23).

Outre Ifampleur et la disposition des deux dictionnaires (les huit mille mots

en un seul et unique volume pour l'Académie versus les quarante d e mots

répandus dans quatre grands volumes in-folio chez Furetière), ce qui convient de

retenir pour ce travail sur l'enrichissement du fiançais sont les positions des deux

parties tels que décrit par un Furetière intensément partial dans son premier

factum. II accuse l'Académie d'avoir rejeté <tous les mots anciens qu'elle tient

barbares ... > (:25) et ne reconnaissant que les mots ayant pénétré l'usage de la

haute société (< ... les Poëmes, les Opera & les belles conversation^) (:25). Son

dictionnaire, par contre est <necessaire pour consewer la Langue toute entiere à la

postérité ... > (:25).

Pour donner du poids à tout ce qui vient d'être dit dans ce chapitre, en plus

de mettre en perspective les deux positions prédominantes vis-à-vis

l'enrichissement du lexique au XW' siècle, regardons les entrées-mêmes de ces

deux dictionnaires. Tirées du premier F w m de Furetière (1694: 17 1- 176) et

réimprimées ci-dessous comme dans Gégod0 (1 962: 84-85), les entrées glande et

glandule de l'Académie sont mises côte-a-côte avec celle du Dictionnaire

Universel glande ou glandde:

'Ta reproduction de Gégou contient plusieurs fautes typographiques. Cependant7 nous avons choisi celle-ci au Lieu de l'original à cause de sa lisibilité.

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(Dictionnaire académique)

Glande, s.f. -Tumeur qui vient dans l'aine, ou autre partie du corps. Il lui est venu une grosse glande en tel endroit; ces glandes ressemblent fort a des écroüelles.

GlanduIe, s.f. -Amygdale, petite glande qui se trouve naturellement en diverses parties de I'animaI, comme sous le menton, dans les mamelles: quand les glandules viennent à s'enfier, dors on les appelle glandes.

(Dictionnaire Universel)

GIande ou Glandule, s.f. -Teme de Medecine: C'est une chair molle, spongieuse et grasse qui sert à conserver et à affermir la séparation des vaisseaux, à boire les humeurs supdues et à en humecter d'autres; ainsi une tumeur dans l'aine, dans la gorge, est une maladie ou altération d'une glande qui est d é e . Il y a une idhité de glanddes dans le coqs, et partout où il y a des divisions ou départemens de rameaux il y a des glandules pour senrir comme d'un coussin mouet; Thomas Warton, Anglois, a le premier découvert que les glandes sont composées de veines, de nerfs, d'arteres et de vaisseaux lymphatiques, et nous a apris qu'elles ont une correspondance avec les nerfs, au service desquels elles sont particulièrement employées; au lieu que les Anciens ont crû qu'elles ne servaient que comme d'un coussinet pour appuyer les parties voisines, ou d'éponge pour en attirer les humeurs superfiiies. Voyez le traité qu'il a fait de l'usage des glandes qu'il intitule adénographie. Le pancreas est une grosse glande qui est à la division de la veine porte, le t . s OU sagoüe en la séparation de la veine cave. Hipocrate met les rognons au rang des glandules. Dans le détroit du gosier qu'on appelle isthmos il y a deux glandules qu'on appelle amygdales; au col de la vessie il y en a qu'on nomme prostate; au dessous des oreilles il y en a qu'on nomme parotides, et parce qu'elles servent aussi à boire la pituite et serosité des humeurs supedües on les appelle émonctoires. La glande pinéale, où M. Descartes met le principal siège de l'âme, est une glande qui est dans le cerveau, faite en forme de pomme de pin, c'est pourquoy on la nomme conus, conozdes et conarium. Ce mot vient de g h parce qu'elle a quelque ressemblance avec le gland.

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D'abord, Gégou a choisi I'exemple de glande parce que ce mot faisait partie

de la langue vulgaire (1962:84). Par contre, son lieu de naissance est un domaine

scientifique spécialisé: la médecine. Furetière le note à la toute première ligne de

l'entrée. Cet exemple est pertinent pour ce travail car déjà le mot glande nous

permet de distinguer deux usages différents: l'usage courant et l'usage spécialisé; et

plus subtilement, il oppose l'Académie et ses retranchements à Furetière et ses

éclaircissements.

Sans prendre en considération tous les reproches qu'a faits Furetière au sujet

de l'exactitude des entrées dans le Dictionnaire de l'Académie3', ce qui nous fiappe

c'est surtout la franchise avec laquelle il présente la langue fiançaise. Les

quelques termes en italique en sont la preuve car ils ne se présentent pas tous dans

le dictionnaire académique mais cependant, ils existent. Nous avons noté que de

cette liste choisie, seuls amygdale et émonctoires sont présents dans la première

édition du Dictionnaire de l'Académie.

Parmi les détails époustoufiants que présente l'entrée ci-haut, les termes

scientifiques sont bel et bien vivants. L'Académie veut les écarter parce qu'ils sont

"Furetière a seulement pu examiner < ... un cahier du G, contenant huit pages depuis la 433. jusqu'a la 440> (Furetière 1694:42) du Dictionnmre cIe I'tlcadérnie. Ce cahier n'était pas un essai ou une esquisse mais bel et bien une pame de L'ouvrage alors en impression. Néanmoins, de e s huits pages, il en a extrait soixante-treize fautes (les fautes de sens; il est un peu douteux en ce qui concerne les &tes d'orthographe, très imprévisible à cette époque).

Notre examen de quelques entrées des deux dictionnaires ci-haut, quoi que bref, nous a mis sous les yeux un exemple des lacunes dans le Dictionluljre de l'Académie: la recherche du terme zsthmos (ou semblable) nous a mené à l'entrée "i": < ... la neuviesme lettre de l'Alphabet François, & la troisiesme voyelle . . . > (Académie 1974: 578); la seule entrée du "i" !

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trop difficiles à saisir. Furetière, lui, croit qu'en les exposant on enrichira la langue

de même que les connaissances du peuple qui la parle, créant une envie

d'apprendre. Par conséquent, cette envie entraînera l'infiltration d'autres termes

dans la langue courante. L'Académie apprendra aux Français <à parler

correctement la Langue, tandis qu'elle sera en un même état ... > (Furetière

1694:25) mais cet état est illusoire. La langue est vivante et continuera à évoluer.

Le Dictionnaire Universe( en fait preuve. En s'attaquant à tous les mots des arts et

des sciences, Antoine Furetiere (1690:ii-iü) -voit entrepris 1'Encyclopedie de la

langue Française> et son influence sera ressentie pendant des siècles a venir.

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Chapitre III

Le XMIIe siècle: les mots et les choses

A l'aube du XVIII' siècle, les événements se déroulent comme ils se sont

déroulés deux siècles plus tôt. D'abord Villers-Cotterêts avec son transfert de

pouvoir du latin au fiançais en France en 1539, puis maintenant le traité de

Rastat? (17 14) qui donne a la langue française le titre de langue "diplomatique" a

l'étranger (François 1959, 2:3). Le statut du &français exige une

renaissance du fiançais facilitée par un rafnnement philosophique et par une

structuration grammaticale. C'est surtout aux grammairiens que sera imposé le

travail de comger la langue proprement dite, tandis que les philosophes auront la

responsabilité d'établir la logique, le raisonnement, et les connaissances pour la

propager.

En France, on lit, on écrit, et on apprend les langues étrangères; ce qui par

la suite enrichit la langue maternelle de nouveaux termes, d'emprunts:

'Wous Lisons Rczsfadt chez Caput ( 1 972-75, 1 :305).

33Seguin ( 1 972: 10) citant Brunot (1966-72,8:vü): Si répandu qu'ait été jadis le latin, que soit aujourd'hui l'anglais, qu'aspire à devenir i'espéranto, il nl a jamais eu, il n'y aura jamais de langue universelle, à proprement dire. Tout au plus peut-on parler de langue "générale" ou "commune".

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C'est l'italien pour la littérature, les arts, l'histoire, l'anglais pour les mathématiques, la physique et le commerce (la législation devait s'y ajouter par la suite), enfin I'demand pour le droit la médecine, l'histoire naturelle, en particulier la métallurgie.

(Beauzée, d'après François 1 959,2:6)

L'exposition aux différentes langues apportera non seulement les emprunts

proprement dits (cf. Kocourek 199 1 : 152- 153) au vocabulaire fiançais, mais aussi

les emprunts aux domaines spécialisés facultatifs pour l'enrichissement d'une

langue.

L'influence de la cour et de la capitale sur la langue se développe en

divergeant: vers l'extérieur, et vers les provinces. Louis XIV et son entourage sont

remplacés par les salons, les cafés, et les clubs des villes. Les dialectes

anciennement favorisés et récemment déplorés sont de nouveau en vogue. La lutte

des gasconnismes est derechef en course. Selon François (1959, 2 7 ) cette dispute

entre les patois et le fiançais de Paris a mis au jour l'importance et surtout la pureté

des provincialismes vis-à-vis de la langue. Ceux-ci ont pour caractéristique

primordiale d'être des langues pariées plutôt qu'écrites et ils représentent mieux le

cours naturel de la langue, étant vides de tout artifice. Quelques-uns des meilleurs

auteurs du X W siècle (Diderot, Rousseau, etc.). même s'ils visaient à se

débarrasser de leurs propres idiomes, heureusement n'ont pas oublié leurs racines

et ont écrit dans un style qui reflétait leurs provincialismes maternels (François

1959,217).

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Et les règles de la langue, nous ne pouvons

est aussi le siècle de la grammaire. Diderot et son

vieilles notions avec une perspective très pertinente pour ce siécie. Les sciences,

51

les oublier, car le XWIIc siècle

Encyclopédze ranimeront les

.. . -

la philosophie, la logique, se manifestent d'une façon ou d'une autre dans la langue

et ce en quoi elle consiste:

Tous ces termes que les enfans sont si long-tems à apprendre, ont coûté sans doute encore plus de tems à trouver. Enfin réduisant l'usage des mots en préceptes, on a fonné la Grammaire, que l'on peut regarder comme une des branches de la Logique. Eclairée par une Métaphysique fine & déliée, elle démêle les nuances des idées, apprend à distinguer ces nuances par des signes différens, donne des regles pour faire de ces signes l'usage le plus avantageux, découvre souvent par cet esprit philosophique qui remonte a la source de tout, les raisons du choix bisane en apparence, qui fait préférer un signe à un autre, & ne laisse enfin à ce caprice national qu'on appelle usage, que ce qu'elle ne peut absolument lui ôter. (Diderot 1966:~)

La langue, héritage des siècles précédents, est au milieu d'une controverse:

-=on rêve simultanément, voire commement , de fixer la langue et de la

maintenir perfectible> (François 1959, 2:9). Deux siècles d'amour et de haine

pour la langue fiançaise ont pour résultat son apogée, aux yeux de certains. Le

siècle des lumières veut la préserver a tout pnX.

La tâche de l'Académie terminée après soixante ans de dure labeur, cette

institution n'a plus qu'a réviser son dictionnaire et aspire maintenant à remanier les

oeuvres des meilleurs écrivains de la langue fiançaise. Mais il y a plus encore.

Voltaire, dans ce que François (1959, 2: 19) nomme le <née-purisme classique>,

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veut fixer la langue telie qu'elle est afin de préserver sa rnagnifcence. Ce qu'il

craint, c'est l'abandon de l'héritage: <le siècle présent n'entendrait plus le siècle

pas* (Voltaire cité par François 1959,2:19). Selon Voltaire, la langue est fixée

dès que nous pouvons y retrouver plusieurs auteurs distingués qui l'écrivent

(François 2: 19). C'est ce que l'on a dit à propos de la langue du XW' siècle.

La fixité de la langue ramène encore I'usage et les moeurs au premier plan.

Se modeler sur autre chose que les classiques, c'est être décadent. Voulant établir

une langue d'après des textes qui n'embrassaient qu'une fraction minime du lexique

limiterait d'autant plus le choix des nouveaux auteurs et utilisateurs du fiançais.

La crise survient quand de plus en plus de gens, les lettrés de même que les demi-

lettrés, veulent mettre leur grain de sel à leur héritage (François 1959, 2:20). Selon

Seguin (1972) le fiançais au XVIIIC est pris entre des <facteurs d'unification et des

facteurs d'immobilisation> (:23). Ces deux groupes de facteurs s'expliquent

respectivement par l'importance du fiançais en Europe et l'idée d'une langue

parfhite et intouchable d'un siècle passé. La langue, arbitraire et toujours

changeante, est imposée au peuple qui la parle au lieu d'en être le produit. On

tente de mettre de l'ordre dans le désordre de la langue vivante et on retarde sa

croissance. Seguin donne trois traits principaux au fiançais de cette époque. Le

premier est celui dont nous avons déjà discuté: c'est une langue artincielle. Le

simple fait que l'Académie fiançaise se soit chargée de manier les textes du dernier

siècle et de se modeler sur eux démontre l'importance des travaux des auteurs

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classiques sur la langue écrite. Cette vision de pureté et de perfection pousse la

langue parlée à imiter la langue écrite, renversant tout ordre d'évolution naturelle.

Le deuxième trait, celui du fiançais comme langue littéraire, suit de près le premier

caractère. La langue du X W est basée sur celle des écrits du siècle précédent.

Si elle ne l'est point, la nouvelle génération d'auteurs dicte la langue au peuple. La

demiere marque est celle du fkançais en tant que langue commune. Avec la

nouvelle importance accordée à la langue, l'infiuence des classes sociales n'est pas

unilatérale (:24). L'aristocratie est au même plan que la bourgeoisie. Tous les

gens manient la langue et les barrières linguistiques s'effondrent: les dialectes

passent inaperçus dans la langue courante. Pour la première fois la langue

fiançaise est en passe de devenir celle d'un peuple et non de l'élite.

Cent ans de purification, de retranchements, avaient sapé le lexique. C'était

comme si on revivait les débuts du X W siècle. Et comme au siècle précédent, <la

nécessité, l'euphonie, l'analogie> (François 1959,245) sont les règles de

préférence pour une augmentation du lexique (surtout en ce qui concerne les

néologismes "de fome"). De nouveau on se doit de recourir aux différents

moyens pour enrichir le vocabulaire, mais cette fois-ci, on se méfie un peu plus

des régionalismes (François 1959,2:42).

La vague d'enrichissement est menée par la néologie. L'institution qui

l'avait bannie des pages de son dictionnaire la ressuscite, l'embrasse à bras ouverts.

En 1762, l'Académie définit la néologie comme <l'art de faire, d'employer de

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nouveaux mots> (François 1959, 2:44, citant l'Académie), et distingue ce terme de

néologisme qui n'est pas un art nais <un abu* (:44).

Avant de créer quoi que ce soit, il faut suivre quelques conseils. Tout

d'abord, il ne faut pas créer de nouveaux mots pour des choses (abstraites ou

concrètes) préexistantes et déjà nommées. De même, les néologismes a la mode

(et souvent éphémères) ne sont pas du tout désirables. Ceux qui méritent notre

attention sont ceux qui remplissent les lacunes (Caput 1972-75,2:33). Cette idée

est conforme à la première règle de la nécessité indiquée ci-haut. C'est la règle

primordiale de l'enrichissement vis-à-vis des néologismes, de même que pour tous

les autres processus (les archaïsmes, dérivation, etc.). Selon Caput (1975:34), les

néologismes ont été établis par trois procédés fondamentaux au XVI[I' siècle. Le

premier est celui qui s'appuie sur le principe de lafiliation. L'augmentation des

termes dans les f d e s de mots est accélérée par l'emprunt des <techniques de

foxmation des mot9 (197534) aux langues étrangères. Cet enchaînement de mots

peut se faire aussi bien par leurs rapprochements étymologiques que par leurs sens.

La démarche suivante, fort controversée aux yeux de Voltaire, est l'e~chissement

par voie de l'analogie. Ce n'était pas la méthode que Voltaire contestait, mais

justement où elle pouvait mener. Le but de l'analogie est de mettre un peu d'ordre

et de logique dans la jungle des mots. Caput cite les exemples de hasard qui est

remplacé par fortuité selon la série fortuit, fortuitement et puérilement par

enfanrinement de Restif de la Bretonne (1972-75, 2:34). L'excès dont se plaint

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Voltaire, est représenté par la <systématisation, surtout dans le langage des

sciences> (1975:34). Des préfixes tels amphi-, ana-, apité-, antz-, etc. et des

suffixes comme -fuge, -cide, -!orne, -logie, etc., contribuent à l'énorme volume

de termes qui sortent à cette époque. Selon Voltaire, cette diversité du vocabulaire

fkançais n'était pas heureuse parce qu'elle n'était pas naturelle: l'évolution de la

langue était assurée artinciellement (Caput 1972-75, 2:34). Brunot ( 1966-72,6,

lère partie, fascicule 2597) ajoute a ce point de vue en citant un passage de

L'article "Anatomie" de llEncycIopédie: <Une science ou un art, déclarera le

médecin Tarin, ne commence à être science ou art que quand les connaissances

acquises donnent lieu de lui faire une hgue>. La qualité artincieue d'un

vocabulaire spécialisé est pertinente, voire impérative, pour l'avancement de la

matière en question. Sans un vocabulaire précis, un art ou une science ne peut

réussir; de même, un vocabulaire spécialisé n'existe pas sans domaine spécialisé.

Le moyen préféré de création de nouveaux mots était celui dans lequel le

sens était d'abord la visée, et non la forme. Dès le XW' siècle <on distingue déjà

sens propre et sens figuré, et tous les emplois qui en décodent> (Caput 1972.75,

2:34). Nous disons ici "préféré" pour indiquer que l'euphonie est un critère de

l'e~chissement souvent sous-estimé. Tout changement brusque est un

changement malaisé. On redoute les "réformes" de tout genre, qu'elles soient

extralinguistiques ou intralinguistiques. introduire des changements plus subtils,

qui attirent peu d'attention, est souvent plus efficace. Cela a permis aux mots

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synonymiques de s'installer dans la langue et il y en a eu beaucoup.

Les néologismes, si intimement Liés aux mots techniques et scientifiques,

aux arts et aux métiers furent catalogués entre autres par Richelet et Furetière vers

la fin du siècle précédent. Leurs dictionnaires se remanient et s'amplifient de

nouveaux termes. Le Dictionnaire Universel est remanié et ampliné par les

Jésuites de Trévoux et celui de I'Académie fiançaise comptera quatre éditions

publiées avant la fin de ce siècle!

L'Académie demeure toujours fidèle à ses principes de purisme. Chaque

édition tente de boucher Ies trous du lexique. La deuxième (17 18) consent a

l'alphabétisation de ses entrées, tant voulue par les utilisateurs. La troisième

(1 740), sous l'influence de l'abbé d'Olivet, s'occupe de réformer l'orthographe.

L'édition de 1762 est probablement la plus importante en ce qui concerne l'usage.

Rappelons que la première édition s'appuyait sur le "bon usage" de la Cour.

Maintenant les auteurs du dictionnaire académique ne se font plus des illusions au

sujet de l'usage de la Cour et préferent se baser sur la langue écrite classique.

Décidément, l'avènement de l'Encyclopédie avait accéléré cette notion. Ce n'est

qu'a la cinquième édition de 1798 que l'Académie renonce aux néologismes. En

1787 l'abbé Féraud estime que plus de deux mille mots nouveaux ont été introduits

dans la langue depuis les vingts dernières années. Les lexicologues d'aujourd'hui

disent que cette estimation était plutôt modeste (François 1959,2:46).

Même avec toutes les modifications apportées aux dictionnaires, ni le

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dictionnaire de Furetière ni celui de l'Académie ne pouvait tenir bon face à

I'Encyclopédze ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de

Diderot, une oeuvre colossale de vingt-huit volumes publiée entre 175 1 et 1772.

L 'Encyclopédie

Le siècle classique avait donné naissance à deux dictionnaires très

differents. Le Dzctzonnazre Universel était en fin de compte un dictionnaire

philosophique; il visait à cataloguer tous les mots anciens ou nouveaux, de

n'importe quelle source, afin de propager les connaissances. Celui de I'Académie

française était un dictionnaire de la langue, voire grammatical qui, en imposant des

restrictions sur le vocabulaire, tentait de le ber, de le régler, et de l'épurer.

L'Encyclopédie était un dictionnaire de mots et de choses, dont le but principal

était de rassembler les connaissances de l'homme de façon organisée. Ce travail

occupe une très grande place dans l'enrichissement du fiançais, pour les intéressés

depuis déjà plus de deux siècles de même que pour ses auteurs. Comme Antoine

Furetière le proclamait de son chef-d'oeuvre, D'Alembert et Diderot attestent que

aucun Ouvrage connu ne sera ni aussi riche, ni aussi instructif que le nôtre sur les regles & les usages de la Langue Fraqoise, & même sur la nature, l'origine & le philosofique des Langues en général.

(1966:xx~wiG)

Les auteurs se sont rendu compte du besoin de nouveaux vocabulaires. Les gens

du XW' siècle n'étaient pas ignorants ni indifférents envers tout se rapportant aux

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arts et aux métiers. Bien sûr que non! La différence capitale était que les

anciennes générations méprisaient 4'Ecole, le Palais, [et] les métier9 (François

1959,246). L'instauration de nouvelles valeurs était une des tâches des

philosophes du XVIIic. En Angleterre, Chambers avait déjà publié un tel travail,

intitulé Cyclopedia or Universal dictionary of arts and sciences (1 728).

Pareillement, les dictionnaires spécialisés existaient depuis longtemps. il s a t de

se souvenir du grand projet de dictionnaire de l'Académie fiançaise dans lequel

Thomas Corneille reçut la consigne de faire un recueil de vocabulaires techniques.

Les mots dont il se servait étaient exclus des pages du Dictionnaire académique.

Cet appendice s'intitulait Dictionnaire des arts et des sciences (1694) (Mornet

I 94 1 : 66-67). Et pour l'originalité, 1'Encyclopédie devait utiliser toutes les

recherches et les comaissances les plus à date, une grande partie étant déjà

recueillie dans les dictionnaires contemporains. Néanmoins, l'Encyclopédie a fait

beaucoup pour l'avancement du vocabulaire car elle y a ajouté et non supprimé des

centaines de mots.

Dans leur Discours préliminaire (la préface), Diderot et D'Alembert

établissent une distinction à l'interieur de leur ouvrage. Les premières pages de la

préface visent à expliquer le titre à double face d'Encyclopédie ou Dictionnaire

raisonné des Sciences, des Arts & des Métiers, dont le premier s'occupe de

4'ordre & l'enchaînement des conoissances humaine* (:i) et le deuxième de

chaque Science & sur chaque Art, soit libéral, soit méchanique, les

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principes généraux qui en sont la base, & les détails les plus essentiels, qui en sont le corps & la substance. (:i)

Pour unir le dictionnaire à l'encyclopédie, Diderot et D'Alembert se sont

basés sur trois critéres: Qe Système figuré qui est a la tête de l'ouvrage, la Science

à laquelle chaque article se rapporte, & la maniere dont l'article est traité> (:xviii).

Les entrées sont mises en ordre alphabétique; chacune suivie du domaine

scientifique dont elle fait partie (géographie, physique, mathématique, etc.)''. S'il

y a renvois, ils servent non à introduire un autre article (entrée) mais plutôt à

démontrer les liens entre les sciences (:xviii).

Diderot a aussi résumé comment la langue de son époque s'est développée

depuis les <Emdits> (:m) et les <Gens de Lettre9 (:ni) pour ainsi tomber sous

l'influence des philosophes. Selon lui, il est important, quasiment impératif, de

retourner aux Anciens afui de tirer d'autres expériences et d'idées, qui sont

inépuisables (:xxx). En plus, Diderot a reconnu l'importance des ternes des arts et

des sciences dans la langue vulgaire, que ces deux domaines étaient éloignés de la

langue commune (:xxxvii), et il a voulu les rapprocher. Si fort était son désir que,

pour écrire les articles sur les arts mécaniques, il n'a pas recouru qu'aux livres de

machinerie mais s'est adressé aux ouvriers dans leurs ateliers. Selon lui, <l'homme

''chaque science avait sa position relative à son importance dans un "arbre encyclopédique". C'était une structure hiérarchique. Diderot doit cette systématisation au chancelier François Bacon (:xxv).

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de Lettres qui fait le plus sa Langue, ne comoît pas la vingtieme partie des mots>

( ) Avec toute I'information obtenue directement de sa source il a pu dresser

un inventaire de mots spécialisés en plus de dessins techniques. Et c'est cela que

nous considérons comme la force de l'oeuvre: les emprunts aux domaines

spécialises.

A l'intérieur de l'encyclopédie, c'est-à-dire dans les articles-mêmes

(encyclopédie & dictionnaire) nous pouvons voir plus en détail les idées des

auteurs sur la langue.

Parlant de vocabulaire, un <vocabulaire universel est un ouvrage dans

lequel on se propose de fixer la signincation des ternes d'une langue ... > (Art.

"Encyclopédie":635). Ce qui amène Diderot à dire un peu plus loin que cette

fixité du vocabulaire exige que tout inventaire d'une langue vivante 4 o i t être

commencée, continuée, & h i e dans un certain intervalle de terne (:636) sinon le

dictionnaire sera <celui d'un siecle passé> (:636). La langue est constamment

changeante et les remaniements et refomulations continuels ne font qu'appauvrir

un travail déjà démodé. C'est ce que le dictionnaire de l'Académie avait éprouvé

durant sa longue et tumultueuse carrière.

Comme le note François (1959,2:48) d'après Diderot sur l'évolution de la

langue, les

expressions propres à ces sciences sont déjà très-communes, & le deviendront nécessairement davantage ... la plûpart de ces mots techniques, que nous employons aujourd'hui, ont été originairement

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du néologisme; c'eft l'usage & le tems qui leur ont ôté ce vernis équivoque. U s étaient clairs, énergiques, et nécessaires. piderot, Art. "Encyclopédie":636 verso)

Et le vocabulaire reflète les progrès d'un peuple:

Chaque science a son nom; chaque notion dans la science a le sien: tout ce qui est connu dans la Nature est désigné, ainsi que tout ce qu'on a inventé dans les arts, & les phenomenes, & les manoeuvres, & les instnimens. (:637 verso)

Et quel progrès! Dans son Evoiution et structure de la langue française,

Wartburg résume en une dizaine de pages quelques domaines où la langue et la

pensée se sont complétées pour augmenter le lexique (: 184 et suiv.). Le lexique de

la vie mondaine est enrichie de mots qui, jadis bannis, se rapportent à la parure, la

toilette, les vêtements. Ces choses changent avec la mode et les mots destinés a

les décrire subissent le même soa. Le luxe et l'élégance sont identifiés aux

meubles: <l'otromane, le divan, le sofa> (: 186), de même qu'aux moyens de

transports: <les cabriolets, les dormeuses, les phaérom, les sabots, les gondoles,

les berlines, les carabas, les dolentes, et tant d'autres véhicules différent@ (: 186).

Quand on voyage, on ne reste plus a l'auberge mais à l'h8tel. Avec le transport et

l'agrandissment du système routier, Paris devient de plus en plus centralisé,

géographiquement, de même que linguistiquement. La communication et la

technologie font fureur dans la langue. Seuls les patois et les parlers régionaux

sont en danger de disparaître grâce a ces même avancements . L'esprit nationaliste

de la Révolution exacerbera ce problème. Avant, on pouvait parler la langue de la

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région avec aise. Maintenant, il faut parler la langue de la paîrie, langue commune

et comprise de tous les Français et Françaises: <Depuis cette époque, les patois

sont combattus sciemment. Tous les gouvernements fiançais ont une politique

linguistique qui tend a la suppression des p a t o i ~ (Wartburg 1934:206). Même le

domaine de l'agriculture, I'une des plus vielles activités humaines, n'est pas

négligé. En fait, c'est le <plus varié de ces vocabulaires ... auquel tout le peuple

fiançais presque devait collaborer> (: 186). Les barrières entre les temtoires, les

classes sociales, les occupations et les langues tombent l'une après l'autre.

Les emprunts aux langues &angères auxquels nous avons fait allusion au

début de ce chapitre sont aussi repris par Wartburg (: 190-192). Rappelons que les

trois langues les plus prêteuses au XVIII' sont l'anglais, l'italien, et l'allemand.

Pour la première, elle est incontestée dans son influence, surtout au XX' siècle.

Au XVIII' les anglophiles sont nombreux, surtout dans la haute-société.

L'infiltration se fait (comme elle se fait toujours d'abord) par les mots et les idées

venant directement de l'Angleterre. C'est la politique qui souvent mène la vague:

<budget, club, congrès, franc-maçon, loge, jury, parlement (au sens moderne),

session, voter> (: 19 1) et beaucoup d'autres. Après nous pouvons noter les jockey,

la boxe, la nouvelle mode de la redingote, puis la cuisine: le bifteck, le grog, le

punch, le pudding, voire tous les mots destinés à l'usage populaire et qui reflètent

la cdture, de même que le mode de vie angiais.

La science allemande a son fort par exemple dans la minéralogie et la

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géologie. Les termes que nous connaissons aujourd'hui de quartz, gneiss,

feldspath et de cobalt ainsi que bocard, bocambre, gangue, rustine, et d'autres,

ont été empruntés à Pdemand3'. Des ternes militaires, tels que bivuc, bivouac

(dl. biwache), cible (all. sch(e)ibe) et képi (d. k w i ) de même que choucroute

(all. s a u e r h t ) et le kirsch sont parmi les ternes les plus communs de la langue

encore aujourd'hui.

L'Italie, occupant un rang moins élevé qu'au X W siècle, est néanmoins

prêteuse pour les arts, la musique : ariette, arpège, cantate, cantatrice, contralto,

contrapontiste, piano, aquarelle, pittoresque, etc. (Wartburg 1934: 192) ne sont

que quelques exemples.

La période révolutionnaire a laisse une profonde empreinte sur la langue.

Wartburg note qu'une analyse grammaticale démontre l 'e ta t d'âme> (:207) dans

lequel beaucoup de ces mots sonts nés. Les dérivés portant les suffixes -isme et

-iste sont particulièrement formateurs: robespierrisme, robespierriste, dantoniîrne,

propagandisme, etc. Les préfixes indiquant <l'opposition, le refus, le contraste>

(207) ainsi que les termes <forts, exagérés> (:207) sont très communs. En voici

une douzaine: antzdémocratique, antirévolutionnaire, antipatriotique, ultra-

"Pour ce qui est de cette dernière série de mots, bocmd (aii. pockwerk) date d'environ 174 1 et est un broyeur de minerais. Il dérive de bocambre (ail. pochhammer), qui ne figure pas dans le Petit Robert (1 993); gangue (di. erzgang) date déjà de 1552 tandis que rustine (al. nickstein) n'est pas du tout le même mot (rondelle de caoutchouc qui sert à réparer une chambre à air de bicyclette, 19 10).

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patriote, antirépublicain, imbrogeable, dénationaliser, contre-révolution, non-

patriote, non-votant, ex-prê tre, archi-ministériel, ultra-royalis te, etc. Ce qui est

surprenant dans tous ces nouveaux mots sont les emprunts aux langues latine et

grecque. Les dérivés en -icide (républicides, liberticides, etc., qui sont les

ennemis de la république, de la patrie) et les mots formés sur Ièse-majesté (lèse-

nation, Ièse-révolutionnaire) rappellent la république romaine de l'antiquité. Plus

important encore pour nous, ce phénomène démontre la tendance traditionnelle du

français à emprunter aux langues savantes. Moins important est la vie brève de la

majorité de ces néologismes. ils disparurent, en partie, après la Révolution.

Le XVIII' siècle n'a pas seulement créé de nouveaux mots; il en a aussi

éliminé. La substitution d%i système dirigeant (la monarchie est remplacée par la

république) a vu simultanément la naissance et la mort des mots. Des mots comme

bureaucratie, législature, etc. pénètrent dans la langue tandis que les mots

désignant de multiples formes d'impôts comme lefinage, le droit du fortage, etc.,

disparaissent. Et pour les curieux, la restructuration du domaine du commerce

nous donne, dès 1793, <tout le système métrique avec sa terminologie: mètre,

kilomètre, litre, gramme, etc.> (Wartburg 193 4:2 10).

Bien que l'Encyclopédie f i t pubiée longtemps avant la Révolution

française, les transformations du vocabulaire, avant et après ce bouleversement,

n'étaient pas inattendues. C'était justement le contraire. La raisoq l'enseignement,

les valeurs, tous voulaient le changement. Diderot avait envisagé ces changements

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révolutiomaires dans la langue et dans la pensée. Dans son Encyclopédie il avait

fait quelques remarques sur l'évolution de la langue qui concernait un peu moins le

monde extérieur: la nature et la composition des mots eux-mêmes.

Un moyen d'enrichissement dont Diderot s'était rendu compte quand il

classait ses entrées, était la diversité des mots dinérenciés simplement par

I'aiExation. Il ne se sentait pas obligé de distinguer, tout comme l'Académie

fiançaise au XW' siècle, les termes redondants de forme et de sens. Donc, les

mots précipitable, précipiter, précipitant, etc. (Diderot, Art. "Encyclopédie" : 640

verso) sont tous rangés dans un seul article. Mais quand il est venu à examiner le

vocabulaire de plus près, il a vu la possibilité de remplir les lacunes là oii il y en

avait. Dans sa mention de la série accusateur, accuser, accusation, accusant,

accusé il a noté que accusable n'existait pas et qu'on pouvait s'inspirer du modèle

d'inexcusable (ou bien excusable) qui était en usage pour créer un nouveau mot

(540 verso). Cette variété de termes oEait un autre aspect de la situation de la

langue. La synonymie et l'analogie étaient à considérer sérieusement comme

moyen d'enrichir. Ces deux moyens ensemble étaient indispensables à

l'organisation et à l'expansion des familles de mots si chers à Diderot. Selon

G o b (1970) <[g]rouper ensemble les mots d'une même famille permettrait, entre

autres choses, de reconnaître les besoins de la langue> (: 129). Etablir les

différents sens et nuances des mots démontre plus précisément ce qui manque dans

le vocabulaire.

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L'article dictionnaire nous ofne probablement le plus didonnations sur la

nature des mots qui peuvent et doivent entrer dans un dictionnaire. Selon Diderot,

les noms propres de même que <tous les temes de sciences qui ne sont point d'un

usage ordinaire & familier> (:961) ne doivent y paraître. Curieusement il voit

nécessaire d'inclure le vocabulaire scientifique, mécanique, et celui des arts qu'on

entend prononcer, ou que l'on trouve dans les livres ordinaires (:961); ce qui nous

donne une idée absolument vague de ce qui devrait figurer dans cette "Liste". Tous

les autres mots sont bons, encore que Diderot croit nécessaire de distinguer entre

les mots parlés et écrits, ceux de la paésie et de la prose, les mots communs et

familiers versus ceux qui sont plus distingués et <honnête9 et, plus important

pour nous, les mots qui <commencent à vieillir, d'avec ceux qui commencent a

s'introduire> (:961) etc. Des néologismes, il dit: <Un auteur de dictionnaire ne

doit sans doute jamais créer de mots nouveaux, parce qu'il est l'historien, & non le

réformateur de la langue (:961), mais ajoute que le monde extralinguistique est

toujours en pleine croissance et la création de nouveaux mots doit suivre.

La dérivation impropre est aussi abordée mais d'une manière intéressante

pour le lexicographe. Son intérêt réside plutôt dans i'identincation et non dans les

conséquences d'un glissement de classe lexicale (:961). Son aperçu sur

I'orthographe mène à l'étymologie et a l'importance de connaître les autres langues.

Des mots, ainsi que des tournures de phrases peuvent être soit empruntés, soit

traduits dans une langue receveuse. Suivant le plan intra-linguistique, Diderot

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discute des racines et des radicaux, les premières étant la source des derniers.

Néanmoins, tous deux ont donné deux autres sources d'enrichissement dont nous

avons déjà parlé: les dérivés et les composés. Diderot distingue entre les deux

catégories:

Il faut distinguer entre dérivés & composés: tout mot composé est dérivé; tout dérivé n'est pas composé. Un composé est fomé de plusieurs racines comme abaissement de à & bas, & c. Un dérivé est formé d'une seule racine avec quelques différences dans la temiinaison, comme fortement de fort, & c. Un mot peut être à la fois dérivé et composé, comme abaissement, dénvé de abaissé, qui est lui-même composé de à & de bas.

(Diderot, Art. "dictionnaire" :964)

De tout cela Diderot remarque que <les mots composés de racines étrangeres sonts

plus fiequens dans notre langue que les mots composés de racines même de la

langue> (:964). II estime la probabilité à cent pour un en faveur des composés

tirés de la langue grecque sur ceux du fiançais. Comme exemple de ces emprunts

grecs, il nous fournit dioptrique, ca~op~riqzie, misanthrope, et ~nthropophage'~

La traduction nécessite, elie aussi, quelque soin. II est très rare de pouvoir

trouver des équivalents exacts dans deux langues différentes; <on n'a souvent que

des à-peu-près> (:966). Ce problème est amplifié lorsque nous tentons de traduire

des tournures de phrases, des dictons, des proverbes, etc.

36Dioptripe du grec dioptrikê; catoptripe de karroptrzkos; msmthrope de rnisurtthrôpos, et anthropophage du grec mthropo@aagus.

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G o h (1970) dit que Diderot ne distinguait pas Centre l'archaïsme et le

néologisme> (:47). Pour le lexicographe, ils n'avaient aucune grande importance

pourvu que les langues s'enrichissent <par la même voie qui les a tirées de leur

première indigence> (Gohui 1970:47 citant Diderot). Ce qui suit est une courte

liste de néologismes crées par Diderot et choisis au hasard d'après Pinventaire de

Gohin:

abrupt, antisomnzjZre, automatiser, dispendieux, dissembler, empiéger. enchâssement, idéaliste, inadvertant, machiavéIiste, mésinte rprétatz~n~ onduler, ordinateur, pe fectible, trotter, versatilité ( : 47).

Pour les archaïsmes? nous trouvons chez lui:

aduler. allégresse, ungoissé, dessouci, dissembler, dissociation, empzéger. étroitesse, exangue, féru. gésine, harmoniser, inctwiosiré, inélégance, inéEgani, infime, insalubrité. manruétude, rnésavenant, modeleur, omineux, perdurable, quete (=recherche), révérencier (:139).

Diderot avait abordé le sujet des archaïsmes quand il s'était aperçu que la langue

latine s'était appauvrie en <se polissanv (Gohin 1970: 139); il ne voulait pas le

même sort pour sa langue.

Comme nous avons déjà indiqué plus haut, le trait le plus surprenant et

visible dans toute l'Encyclopédie est celui dont s'est chargé Diderot presque seul:

les termes de métiers. Sa méticulosité et ses planches détaillées qui rendent

hommage aux articles lui ont conféré une place importante dans l'emichissement

de la langue. Cette vision d'un monde plus renseigné, qui voulait se renseigner,

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eut des conséquences plus spéctaculaires qu'on ne pouvait jamais imaginer. La

pensée révolutionnaire entraîna le soulèvement aussi bien d'une nation toute

entière que de sa langue.

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Chapitre IV

Le XIX' siècle: vers un savoir infini

Le regard en arrière, le retour au passé. Cet aspect si prédominant dans

l'esprit des érudits et des partisans de la langue, a toujours laissé, qu'on le veuille

ou non, une marque incontestable sur la transformation du lexique.

L'épanouissement et le bouleversement du XV[II' siècle (surtout pendant la

Révolution) avaient tant accéléré les changements du fiançais que personne ne

pouvait dire jusqu'où ils aboutiraient. Encore plus pressant était le dilemme

toujours présent de vouloir préserver la langue d'une époque d'autrefois et de

l'adapter à l'usage de tous les jours.

Une langue littéraire en elle-même ne pose aucun problème. Plusieurs

styles d'écriture peuvent accommoder les goûts et on peut facilement immobiliser

la langue si Pon le désire. Mais même là, il peut y avoir des limites. Le

mouvement romanîzque qui est en plein épanouissement à cette époque en est un

bon exemple. Ici, le sentiment remplace la raison. Le caractère important du

mouvement, l'individualisme, permet de s'exprimer en régionalismes plus que

d'habitude (Wartburg W4:2 17)". Les limites se trouvent dans les imperfections,

les imprécisions de la langue qui passent sous le nez ou sont tolérées. Malgré cela,

nCest un caractère pertinent pour ce travail. Nous ne nous préoccuperons pas des autres.

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les romanciers ont aussi considérablement enrichi le vocabulaire sans l'avoir

augmenté; les métaphores et autres figures de style préscrites jadis par la Pléiade

ont fait grand chemin à cette époque. Les connotations des mots augmentent

rapidement. Mais les Limites, que nous venons d'indiquer, reposent sur

l'imprécision. La langue, son vocabulaire, ses mots, sont tous à la merci des

écrivains et de l'arbitraire du choix dans la langue. Ajoutons au mouvement

romantique celui du réalisme et nous avons un beau mélange. Ce dernier préfêre

la clarté absolue à la tnuislucidité du romantisme. Les partisans du mouvement

réaliste se servent toujours du mot propre là où ils le peuvent (Wartburg

1934218). Ils donnent un peu d'équilibre a la langue face aux romantiques. Ce

sont les réalistes qui ont tant fait pour l'acceptation des termes scientifiques et

techniques à cette époque3$.

Victor Hugo a caractérisé l'état de la langue à son époque lorsqu'en 1827-28

(selon Wartburg 1934) il écrit:

... la langue fiançaise n'est point fixée et ne se fixera point. Une langue ne se fixe pas. L'esprit humain est toujours en marche, ou si l'on veut, en mouvement, et la langue avec lui ... Le jour ou Des langues] se fixent, c'est qu'elles meurent. (:2 14-2 15)

"Poussant encore plus loin, le "père" de la science-fiction moderne, Jules Verne ( 1828- 1905) alors méprisé pour son genre littéraire (parfois encore aujourd'hui), a use pleinement de la technologie autour de lui pour rendre ses voyages fantastiques tres plausibles. Tous les termes biologiqueq nautiques, géographiques, etc. sur lesquels il pouvait mettre la main remplissaient ses textes pour renseigner ses spectateurs des découvertes récentes ou de celles connues depuis le début du temps. Mais encore, étiqueter Verne comme "réaliste" serait un peu risqué.

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Hugo avait bien indiqué dans ce même passage que la langue d'une époque ne peut

appartenir à une autre et toute tentative de la pétrifier est fiitile. Le résultat: les

termes dits bas, généraux, vagues, ou simplement bannis reprennent leur place

dans le lexique: <Maintenant on ose enfin appeler les choses par leur véritable

nom> (Wartburg 1934:215). Parmi les exemples de Wartburg: la cloche et le

canon reprenaient le dessus sur Fairain, char redevenait voiture, un coursier était

un cheval, et une nef redevenait tout simplement un bateau ( :2 15).

Bien que lexicologues, lexicographes, écrivains, grammairiens, et même

des institutions entières se soient promenés sur ce sentier bien battu, l'ancienne

langue, ses archaïsmes du lexique et leurs anciens usages, se présentèrent à un

lexicographe, Emile Littré en particulier, non comme des rejetons nostalgiques

d'une époque lointaine, mais plutôt comme la clé des connaissances des mots

contemporains. Nous examinerons maintenant quelques-unes des idées que nous

lirons dans sa préface au Dictionnaire de Littré, et nous concluerons avec un bref

aperçu du travail d'un autre très grand promoteur de la langue, Pierre Larousse.

Dictionnaire de la langue française

La préface du Dictionnaire de la languefrançaise (1863) par E d e Littré

(1 80 1- 188 1) commence justement par un regard rétrospectif rendant hommage à

un autre dictionnaire publié deux siècles auparavant: celui d'Antoine Furetière.

Cette référence indique le grand volume de travaux de ce genre (travaux

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lexicographiques) et leur importance pour la langue et le peuple. Nous en avons

déjà parlé. En second lieu est l'allusion au Dictionnaire Universel et à son

originalité pour l'époque. L'Universel o f k i t un plus gand catalogue de mots que

ses adversaires et a eu plus de succès. Dans ce sens, c'était un dictionnaire

révolutionnaire. La nouveauté du Littré se trouve dans l'attitude de l'auteur envers

la langue: ce dictionnaire <embrasse et combine l'usage présent de la langue et

son usage passé, afin de donner a l'usage présent toute la plénitude et la sûreté qu'il

cornporte> (Littré 1863:ii). Le passé se joint au présent.

Matoré classe les entrées du Littré comme suit: premièrement il note <tous

les mots figurant dans l'édition de 1835 (la plus récente alors) du Dictionnaire de

[!Académie> ( 1968: 120). Cette remarque est plutôt évidente: Littré marque les

mots que nous retrouvons dans ce dictionnaire à l'aide d'une croix. Sous une

deuxième mbrique, Matoré note tous les mots que Littré et ses collaborateurs ont

trouvés dans les livres:

a) Termes classiques non admis par l'Académie appartenant à la littérature des XW' et XVIII' siècles.

b) Termes techniques (métiers, arts, sciences) découverts dans des ouvrages spéciaux.

c) Néologismes, assez nombreux, surtout vers la fin de l'ouvrage.

d) Mots de la langue parlée, populaires et dialectaux (appartenant notamment a la région normande). (1968: 12 1)

En faisant ses études sur la vieille langue fiançaise, Littré remarque

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l'importance de celle-ci pour la langue contemporaine. Beaucoup de sens (des

mots) et de locutions <ne s'expliquent que par les sens et les locutions d'autrefoi~

(Littré 1863:ü). L'importance de l'étymologie est portée au premier plan; l'étude

diachronique de la langue sert à expliquer la forme, les sens des mots existauts

dans l'état présent de même que l'usage, qui <restent mal assis s'ils ne reposent sur

leur base antique (:ii). Limé discute de la conduite autant prévisible qu'arbitraire

de la langue en tant que système. écrivant que les changements seront <analogues

à ceux qui, depuis l'origine, ont modifié la langue d'un siècle à l'autre> (5). La

langue du XW' siècle, qui était considérée intouchable, n'était pas <à l'abri des

mutations, et la main du temps ... > (:ii). Le XVIII', qui voulait dans une large

mesure la préserver, a aussi contribué à son altération.

Maintenant, le XTX' siècle continue cette tradition. En regardant la langue

sous differentes perspectives, c'est-à-dire du point de vue diachronique, nous

pouvons voir l'évolution de cette langue "inaltérable". Si bien que Littré remarque

<l'invasion du néologisme soit dans les mots, soit dans les signincations, soit dans

les tomures> (:ü) dans la langue à tout siècle, malgré les efforts de certains pour

la contrôler. C'est grâce au pouvoir d'innover, du néologisme, que la langue ne

peut jamais être fixée. Sans considérer les atérationS>, Les <comptions>, les

malentendus, dues à l'ignorance ou à la négligence du monde (:fi), les néologismes

sont nécessaires pour marquer les changements sociaux: les innovations, les

découvertes, l'entremêlement des peuples. De même, si des métiers particuliers,

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des choses disparaissent, ils entraînent avec eux les mots qui ont seM à les

décrire. Ce n'est pas seulement le monde matériel qui est affecté; les expressions

dont nous nous servons, les t o m e s de phrases, ne sont pas à l'abri: <tout cela

qui fut trouvé par nos devanciers s'use promptement, ou du moins ne peut pas être

répété sans s'user rapidement et fatiguer celui qui redit et celui qui entend> (:ii),

d'où le besoin d'en créer d'autres.

Après un bref aperçu de la néologie, Littré aborde les archaïsmes. J I dit que

ce sont les <contre-poid~ (:iii) de la néologie. L'appel aux archaïsmes reflète

encore une fois l'influence du passé sur le présent et selon Littré <Cette innuence

réelle et considérable ne doit pas rester purement instinctive, et, par conséquent,

capricieuse et fortuite (:iiî). Les mots anciens se sont déjà prouvés utiles dans la

langue et s'en débarrasser si facilement serait commettre une grosse erreur. Le

déracinement au hasard des archaïsmes dans la langue aurait pu être évité bien

avant si les responsables s'étaient servis de leur bon sens: <L'archaïsme, sainement

interprété, est une sanction et une garantie> (:iii). Un peu plus loin dans la

préface, Littré nous ofEe quelques recettes pour enrichir la langue. Des

archaïsmes, il dit:

. .. il n'est pas interdit de choisir quelques épaves qui peuvent être remises dans la circulation, parce que les termes ainsi restitués ne choquent ni I'oreille ni l'analogie, et qu'ils se comprennent d'eux- mêmes. (:viii)

E d e Littré avait bien compris que le chemin le plus tranquille pour l'infiltration

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d'un terme dans le lexique, soit ancien, soit nouvellement créé, était un chemin

discret (voir aussi p.54-55).

Attachés aux vieux mots dans la langue sont les termes des métiers. Bref,

Furetière, Richelet, l'Académie, ont tous ajouté à leurs répertoires de plus en plus

de ces termes, qui à leur tour, se sont bien ancrés dans la langue. Les termes de

métiers conservent de <temps en temps de vieilles formes, de vieux mots ou de

vieux sens, qui perdus partout ailleurs et conservés là, foumissent plus d'une fois

des rapprochements explicatif9 (Littréxiii). Toutefois cette <nomenclahue>,

bien qu'elle ait une bonne fondation, <est mobile et progressive du côté du présent

et de l'avenir; de nouveaux procédés se créent tous les jours et exigent

concurremment de nouveaux termes et de nouvelles locutions> (:viii).

En ce qui concerne les termes scientifiques, que Littré distingue des termes

de métiers, ceux-là reflètent aussi les besoins et les divers aspects du

développement de la société. Ils augmentent au fur et à mesure que se font les

découvertes. La distinction que Littré établit est la suivante:

... tandis que la langue des métiers est toujours populaire, souvent archaïque, et tirée des entrailles même de notre idiome, la langue scientifique est presque toute grecque, artificielle et systématique; là l'étymologie se présente d'elle-même. (:G)

En conséquence, Littré, notant l'extension considérable dans ce domaine, nous

suggère de consulter uniquement des dictionnaires spécialisés dans les ternes

techniques pour en connaitre le plus possible au lieu de nous limiter au sien, dans

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lequel il s'est vu faire un choix des ternes de quelque besoin à un homme

cultivé> (:Lx). Pour nous, il est important de souligner (encore une fois) la

dépendance du français (et beaucoup d'autres langues) vis-à-vis des langues

grecque et latine pour la formation de nouveaux mots. Ce phénomène est encore

très répandu de nos jours.

Le thème principal que Littré nous propose de retenir est celui de

Ifimportance du passe pour expliquer le présent. L'histoire et l'étymologie d'un mot

sont indispensables B la clarification de son sens, de son usage, et même aux

nouvelles créations ou altérations de celui-ci. En sachant l'histoire d'un mot, nous

faisons un pas vers la logique et la raison, plutôt que vers l'inconnu et de

I'arbitraire. Littré nous montre ce qu'il veut dire à l'aide de quelques exemples.

Regardons-en un maintenant. Le substantif croissant dans le dictionnaire de

I'Académie nous donne l'acception la plus commune: <la figure de la nouvelle lune

jusqu'a son premier quartier> (xi) mais nous savons aussi bien que croissant est le

participe présent du verbe croître. Littré nous explique cette divergence de sens

par des sources historiques de l'emploi de ce mot. 11 affirme qu'il existe une

acception peu connue <qui se trouve pourtant dans certains auteur9 (:xi) et qui est

la suivante: ~l'accroissement de la lune; par exemple le cinquième jour du

croissant de la l u n e (xi). Ce sens primitif se rattache au participe croissant

comme suit: <comme la lune, étant dans son croissant, a la fome circulaire

échancrée qu'on lui connaît, cette forme a son tour a été dite croissanP (:xi). De

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là, les rapprochements des objets ayant une forme semblable au croissant (les

outils, les emblèmes, la pâtisserie...). Aujourd'hui, ces diverses acceptions sont

toutes bien connues. Littré nous a expliqué le procédé de la dérivation impropre à

l'aide d'étapes historiques. C'est la logique demère ce procédé qu'il veut nous faire

comprendre lorsque nous voudrions enrichir la langue à notre tour.

Autre moyen d'enrichissement dont discute Littré: les régionalismes. Il dit

qu'il n'y a aucun mal à puiser dans les travaux des a c i e n s poëtes provençaux> et

l'étymologie serait une science plus exacte si l'on suivait cette démarche. Du point

de vue de la richesse des parlers des provinces il dit qu'on <comoîtroit par la

l ' S e diversité de terminaisons et d'altérations de syllabes que soufnent les mots

tirés de la même source ... > ( x i ) , ce qui serait indispensable aux regards en

arrière aussi bien qu'en avant. Dans son Cornphnent de la Préface ou Coup d'oeil

sur /'histoire de la languefrançaise, Littré parle entre autres des dialectes et des

patois.

L'état présent de la langue, les néologismes et les archaïsmes, tombent tous

sous la nibrique de l'usage. Nous en avons discuté surtout chez Vaugelas et chez

Malherbe au XW' siècle. Examinons ce que E d e Littré avait à ajouter.

L'usage contemporain (la façon dont nous parlons et écrivons), que doit

refléter un dictionnaire, est très dif'fïcile a délimiter. Nous nous en apercevons,

remarque Littré, en faisant un tel travail lexicographique: il y a toujours des

lacunes. Et ce sont ces lacunes qui exigent l'instauration des néologismes. En

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échange, ces créations sont la raison pour laquelle une langue ne peut être h e .

Pour contrebalancer la spontanéité, les autorités de la langue jugent les mots.

Parmi ces derniers, ceux qui échappent à la peine de mort ont le privilege d'exister,

tout au moins jusqu'à ce qu'il y ait un autre procès.

Littré divise l'usage en trois périodes: l'usage contemporain, archaïque, et

néologique (:fi). Comme on aurait pu s'en douter, l'usage contemporain se situe

entre l'époque de Malherbe et celle où écrit Littré. La période archaïque, qui était

jadis contemporaine, <contient l'explication et la clef des choses subséquentes>

( ) Le néologisme, c'est ce qui développe la langue pour le mieux ou pour le

pire. Il sera témoin de ce qu'était la langue, jusqu'a ce qu'il devienne archaïque.

Donc pour Littré, la langue est le rassemblement des usages de différentes

époques. Le passé se mêle au présenf lui servant de guide, et tous deux

conduisent vers l'avenir. Les vieux mots expliquent les significations et les

emplois de leurs progénitures à moins que ces premiers aient complètement

disparu.

Littré était un pionnier, en quelque sorte. Selon lui, il était le premier

lexicologue a consciemment réunir les mots du passé avec ceux du présent, dans

leurs nombreux usages depuis leur début. Au XW siècle, Ntymologie n'est

qu'une science primitive. On s'y plonge surtout par curiosité. Littré dit que son

<enregistrement n'est pas complet> (:iv) car ce serait impossible de lire tous les

livres fiançais disponibles puis de noter les différents usages de chaque mot. En

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plus, Littré est le premier <qui ait tenté de . . . faire servir [les mots et leurs usages]

d'une façon systématique et générale à l'étude de la langue> (:iv). Ce qu'il ne

faisait pas cependant, ni n'avait l'intention de faire, était d'écrire un dictionnaire

historique de la langue proprement dit; les mots disparus, les usages défunts, etc.,

ne figuraient pas dans son pian. Alain Rey dit du Littré que c'est <un répertoire de

formes expliquées et justifiées par l'histoire .. . > (1970:3 10).

Le Diclionnaire de la langue française empruntait les mots de <l'âge

classique et aux temps qui l'ont précédé> (:v). L'étymologie était donc très

importante. Avec l'aide de celle-ci, les significations et les différentes acceptions

pouvaient être mieux classées.

Cette approche, selon Littré, <montre quels sont les fondements et les

conditions de l'usage présent, et par là permet de le juger, de le rectiner, de

l'assurer> ( 1863 :v). Nous assistons maintenant à un raiso~ement logique basé sur

un fonds déjà établi pour étudier l'enrichissement d'une langue: <L'érudition est ici,

non l'objet, mais l'instrument> (x).

Le Grand dictionnaire

Pierre Larousse ( 1 8 17- 1 875) est un lexicographe connu à travers le monde

entier. Son nom est synonyme de dictionnaire. Il est le visionnaire derrière le

Grand Dictionnaire universel du siècle (1 866- 1876) qui s'adressait plus au

grand public que son rival le Littré. La maison d'édition qui porte son nom est une

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des plus grandes et plus respectées depuis sa fondation en 1852.

A son époque, Larousse estime qu'il <existe LOO 000 mots au moins dans la

langue fiançaise> (Rétif 1975: 105), ce qui est loin du 800 000 qu'on estime

aujourd'hui (: 105) et il tentera d'atteindre tout les recoins de la langue:

je vais vous donner de I'argot, du patois, c'est-à-dire du bas langage, du langage populaire, trivial, mêlé, ça et là, de quelques étymologies curieuses . . . (: 168)

Dans son Jardn des racines latines, Larousse en a à dire sur les

étymologies des mots; comme en avait parlé Littré. Mais dans ce passage, son

intérêt se porte surtout sur les étymologies obscures, phénomène assez différent:

<Ici, l'origine ne jette, le plus souvent, aucune lumière sur la signification

actuelle> (: 105). Comme exemples de mots <qui sont en dehors de la loi

commune de mation> (: 105), Larousse nous donne argot, assmszn, bamboche,

breloque, chat-huant, estoc, pjle, haro, et huguenot. Ajoutons à cette courte liste

une autre non moins intéressante pour Larousse aussi bien que pour nous. Elle

consiste en des paires de mots étymologiquement apparentés dont le sens a évolué

trés différemment:

cuisinier donne coquin; chrétien, crétin; fief; fieffé; Flandre, flandrin; herr (seigneur), hère; ross (coursier), rosse; buch (livre), bouquin. Par une fortune contraire, connétable et maréchal, mots sortis des écwies, en sont venus à désigner les premières dignités de nos armées. (: 106)

Pour Pierre Larousse, <l'histoire des mots devient plus intéressante que l'histoire

des homme^ (: 106). En plus des curiosités du lexique ci-haut, Larousse

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s'intéresse aussi aux transformations des mots soit par leur graphie soit par leur

phonie, ou bien par toutes les deux. L'évolution de la langue à travers les

générations est une de ses passions. Il cite quelques exemples des formes

primitives des mots suivis de leurs contemporains: Auguste est devenu aoùt; le mot

latin aqua s'est transposé en fiançais pour nous donner notre eau; dies pour jour;

otium pour iozsir; #va pour luette; amila pour tante, etc. (: 106). Son dictionnaire

n'est pas simplement une banque de mots rangés par ordre alphabétique: <il donne

la science des mots, comme la grammaire donne la science des règle* (: 106) et

pour faciliter la tâche du lecteur, le <Dictionnaire encyclopédique distribue les

mêmes faits sous certains mots choisis . . . > (Bruneau 196 1,2: 17 1). Bruneau

continue en disant que l'originalité de cet ouvrage est qu ' i l est à la fois un

dictionnaire de mots - il les accepte tous - et un dictionnaire de choses; il

comprend de nombreuses illustrations et des carte9 (196 1,2: 171).

Son rôle de pédagogue eut une influence considérable dans son approche

lexicographique. Selon Matoré (1968) Larousse <adoptait l'idée de Condillac que,

pour penser, il faut disposer d'un vocabulaire abondant et dont les significations

soient bien connues> (: 126). Le dictionnaire devait être un travail "logique" mais

contrairement a Littré qui s'appuyait lourdement sur le passé pour expliquer le

présent, Larousse tenta de «<reproduire la physionomie de la langue au moment

actuel>> (: 126, Larousse d'après Matoré).

Le répertoire du Grand dictionnaire est beaucoup plus vaste que celui du

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Littré et les textes sur lesquels il s'appuie3g sont ceux des auteurs plus récents tels

que Hugo, Balzac, Gautier, Vigny, etc., tandis que Littré <ne mentionnait guère de

textes postérieurs à 1830> (Matoré 1968: 126). L'autre avantage du dictionnaire de

Larousse par rapport à celui de Littré est sa clientèle: le travail de Larousse était

moins philologique et donc plus accessible au grand public. Matoré (1968) note

les difficultés que Larousse éprouva lorsqu'il voulut produire un travail <utile au

peuple> (: 127) et en même temps riche en connaissances afin de <travailler plus

efficacement à l'instauration d'une société démocratique et laïque> (: 127). D'après

ce dernier caractère, nous pouvons facilement rapprocher le travail de Larousse de

celui de Diderot.

L'article "dictionnaire" du Grand dictionnaire du XW" siècle définit le mot

dicrionnaive comme suit:

Recueil des mots ou d'une catégorie de mots d'une langue, rangés soit par ordre alphabétique, soit par ordre de matières, soit par analogies, et expliqués dans la même langue ou traduits dans une autre . . .

Plus loin dans l'article, Larousse ajoute qu'un dictionnaire est <un ouvrage ou

beaucoup de mots, souvent tous les mots d'une langue, sont rangés suivant un

'Vne note intéressante à tout ceci est celle de Matoré (1968: 126-127) qui dit:

Les citations de Larousse ne sont maiheureusement accompagnées d'aucune référence . . . on peut se demander, en effet, si l'exemple est cité exactement, s'il appartient bien à l'auteur mentionné et même s'il n'a pas été inventé par un collaborateur peu scrupuleux!

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certain ordre . .. >. Notons cette dernière phrase. Larousse insistait que le public

l'informe des lacunes de son oeuvre afin qu'il puisse les combler autant que

possible. Ce que Larousse voulait, c'était d'instruire le peuple. Un recueil

recensant un vocabulaire aussi riche que possible en était le seul moyen, et pour:

concourir plus puissamment à ce but, on a entrepris un dictionnaire général qui embrassât tous les dictionnaires particuliers et pût en tenir Lieu . . . (Larousse, Art. " dictiomaire")

Ce "grand" dictionnaire contiendra <autant d'idées que de m o t 9 (ibid.) et les

exemples <de bon langage seront puises aux sources pures, et les exemples de

singularités se tireront d'auteurs vraiment originaux> (ibid).

Pierre Larousse crut que l'enrichissement de la langue se faisait par le

moyen du savoir. Plus on apprenait du monde extérieur (extra-linguistique), plus

on apprenait la langue. Pour Larousse, le mot était le point de départ de mène que

le but de la connaissance humaine. Nous avons vu ce caractère chez Furetière,

Diderot, et maintenant Larousse. L'insistance sur l'étude de ces dictionnaires-

encyclopédies nous montre ce lien. Les nouvelles idées créent des mots nouveaux.

Les nouveaux mots inspirent des idées nouvelles.

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Chapitre V

L'ère moderne

L'écoulement du temps nous permet de classer en périodes et d'examiner la

langue un peu plus facilement dans ses divers états. Ferdinand de Saussure, en

examinant les principes généraux de la langue, nous indique que

le temps, qui assure la continuité de la langue, a un autre effet [c'est- à-dire autre que l'immutabilité du signe], en apparence contradictoire au premier: celui d'altérer plus ou moins rapidement les signes Linguistiques .. . (1993 : 108).

En effef nous voyons ces altérations à chaque époque.

Toujours attaché au développement social, technologique, spirituel, etc.,

l'enrichissement du vocabulaire s'est toujours fait ressentir dans ces mêmes

domaines. E. Brunet note la croissance de motsm tels: avion, auto. cabine,

camion, chauffeur. cinéma, électricité, gare, photographie, radio, télégramme,

réléphone, train, vitesse, voie, wagon, tandis que d'autres, icônes d'un temps passé,

sont en baisse: cabriolet. calèche, cour, épée, lieue, pemque, pistolet, poupre.

rang, roi, torche, trône (Picoche et Marchello-Nizia 1989:325). Selon Picoche et

Marchello-Nizia, quand une langue doit se renouveler, elle peut recourir à trois

%erre Gilbert a aussi pris en considération L'augmentation ou la baisse dans la fréquence de certains mots dans son Dictionnaire de n t o ~ nmeaux tels que:fracmsmt, percutant, prestige (de), preshshgreux, etc. (1 971:~) de même que dans son Dictionnaire des mots contemporains (1 980:vii).

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moyens fondamentaux: <créer des mots nouveaux (logiciel, projicieP1, etc.),

réanimer des mots anciens (misunce, maintenance, péage) ou importer un terme

étranger en même temps que son référent Vast-foody (:325). Nous en avons déjà

discuté à maintes reprises dès le départ. Un point que Picoche et Marchello-Nizia

soulignent est la facilite de s'accorder sur un signiné (on a déjà l'idée de ce que

doit représenter le mot), mais lorsqu'il s'agit d'un sigodiant, c'est tout autre chose.

Nous empruntons i'exemple de mire) grève, qu'employaient les ouvriers parisiens.

Avant d'accepter cette locution, nous avons eu la série empruntée à l'imprimerie:

batioter, batioteur, batiotage; des régionalismes: faire une cloque (Sedan), un

tuqueham (Nord), un fric (Lyon); <tandis que les patrons parlaient de coalitions,

confédérations, cabales, et micmacs> (: 3 25).

Les suggestions qu'apporta la Pléiade vis-à-vis de la langue au X W siècle

auraient pu choquer n'importe qui vivant à ce temps-là. Quatre siècles plus tard,

rien n'a changé. Beaucoup de mots que nous retrouvions au X W siècle existent

encore aujourd'hui. Beaucoup n'ont pas survécu. Et a cette époque lointaine,

personne n'aurait cm avoir besoin de tant d'autres. Le fac-similé, l'automobile, le

robot (culinaire), I'internet, le skz nautique, etc., n'avaient pas encore vu le jour.

C'est vrai que nous aurions pu avoir une énorme quantité de mots polysémiques;

nous en avons beaucoup déjà. Nous ainions peut-être pu avoir encore carrosse au

"aujourd'hui progiciel.

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lieu d'auto, bien que carrosse et ses nombreux dérivés existent toujours; fmer

aurait pu être mis sous imprimer, le fa4' étant lui-même une sorte d'empreinte.

Ce prochain chapitre examinera, de façon générale, l'état de la langue au

XX' siècle (plus précisément depuis la deuxième moitié de ce siècle) a l'aide de

quatre dictionnaires spécialisés qui adoptent une différente perspective du lexique.

Notre m o l portera sur deux dictionnaires de Pierre Gilbert, écrits environ à dix

ans d'intewalle, le Dictionnaire des mots nouveaux (1971) et son successeur le

Dictionnaire des mots contemporains (1980), de même que le Dictionnaire de

termes nouveaux des sciences et des techniques (1983) du CILF et le Nouveau

Petit Robert (1993). Donc, nous étudierons des dictionnaires spécialisés et

condensés publiés, eux aussi, avec un écart d'environ dix ans entre eux.

Le Dictionmire des mots nouveaux

En 197 1, le Dictionnaire des mots nouveaux ( D m de Pierre Gilbert s'est

voulu être un dictionnaire qui <s'efforce de refléter un usage courant qui n'est pas

toujours le *bon usage*> (3) . C'est un dictionnaire de néologismes, comme nous

le suggère le titre, mais qui ne vise pas à cataloguer tous les nouveaux mots (ou

bien tout ce qu'il peut) de l'époque. Ce recueil est plutôt sélectif, restrictif, et

descriptif en ce qui concerne son corpus. Il s'est limité dans ses sources,

42Fm peut désigner soit l'appareil reproduisant la copie (rélécopieur) ou bien la copie elle- même (télécopie).

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choisissant arbitrairement ou non, des mots et des syntagmes très jeunes mais

assez courants, et il a pu y inclure des <avis de ceux qui les jugent> (:i).

Environ 5 500 mots ont été dépouillés entre 1955 et 1971 pour former le

corpus du travail dont l'étude poumit jeter un peu de lumière sur les <principaux

traits qui caractérisent l'évolution récente du vocabulaire fiançai^ (i). Gilbert

note les -=sources de néologisme* comme étant premièrement des emprunts aux

langues étrangères et deuxièment des néologismes du système fiançais (dérivation,

affixation, composition, etc.), mais pas nécessairement dans cet ordre.

Pour ce qui est des emprunts, largement a l'anglais, Gilbert mentionne

baby-sitter, brain-stoming, brain-trust, gadget, gap, happening, hardware,

management, marketing, sofhuare, qui figurent tous dans le corpus du Petit Robert

1993", de même que des mots étrangers tels ersatz, fiesta, mezzanine, et spoutnik.

Ce qui est intéressant est la remarque de Gilbert selon laquelle ces mots sont

<généralemet suivis d'une mention de leur origine étrangère, ce qui avertit le

lecteur que le mot n'est pas assimilé par le système f i m ç a i ~ (5) et va aussi loin

pour dire, et avec raison, que peut-être même ces mots sont éphémères et

disparaîtront avant longtemps.

Gilbert note aussi que la grande majorité des néologismes dans son

dictionnaire proviennent du fiançais même. Beaucoup de mots ont glissé d'une

?3rainnsfonning économise le tiret (bruimtoming) tandis que les mots comme harhme et somme ont des alternatifs recommandés: matériel et logiciel.

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catégorie grmaticale à une autre. Et davantage ont été créés par la dérivation

propre. Parmi les préfixes les plus populaires nous retrouvons: anti-, auto-, mzni-,

mu&-, super-, télé-, dé-, ré- (et re-), etc. Pour les sufnxes, les meneurs sont:

-@cation, -[Ber, -zsation, -iser, -phone, -thèque, etc. (:fi). Il note aussi une

croissance récente de mots composés et de syntagmes lexicaux, qui, avant ces

demières décennies, n'avaient jamais été une source bien établie de nouveaux

mots.

Le D M s'est aussi efforcé de documenter les nouveaux sens des mots

préexistants. Parlant surtout des emplois métaphoriques des mots anciens, Gilbert

(:iv) éloigne son dictionnaire des dictionnaires traditionnels du parce que ces

derniers <ne signalent que ... l'emploi traditionnel> des mots (:iv) tandis que le

sien <a essayé de combler plusieurs lacunes en décrivant longuement quelques-uns

de ces emplois figurée (:iv).

Le "rétrécissement" du monde a tellement d'influence sur la langue (non

seulement du point de vue des emprunts) que beaucoup de mots anciennement

relégués à un certain domaine spécialisé deviennent des occurrences communes

grâce a la vulgarisation de la langue. Gilbert (197 1) mentionne des ternes

techniques comme hallucinogène, informatique, nucléaire, ordznateur qui

pénètrent de plus en plus dans la langue de tous les jours, de même les

régionalismes tels que: canisse, raclette, redoux, tomette, etc.

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Le Dictionnaire des mors contemporains

Environ dix ans plus tard, le Dictionnaire des mots contemporains (DMC)

fut publié. Avec un contenu beaucoup plus ample que son prédecesseur (une

augmentation de 50% du volume: entrées augmentées et mises à jour en plus des

nouveaux mots), ce dictionnaire a pour objet de présenter . . . un échantillonnage

d'unités lexicales> qui caractéfise <tel ou tel aspect de l'état du fiançais

contemporain en cette seconde moitié du XX' siècle> (:i). La nomenclature du

DMC est constituée de mots du D M (deux tiers) et de mots nouveaux. Donc, les

nouveaux mots résultent du dépouillement des textes entre 1960 et 1979, mais

sutout après 1971, soit a l'époque où le D M a été publié.

Sans toujours répéter les mêmes thèmes que nous retrouverons dans le

DMN, concentrons-nous sur quelques aspects intéressants de ce dictionnaire en ce

qui concerne l'enrichissement du vocabulaire, mais qui n'est pas du tout particulier

a lui seul. Un critère important de Vinventaire du DMC est l'évitement des ternes

scientifiques et techniques. Il y en a, bien sûr, mais ils sont moindre. La tradition

de préférer les emplois figurés des termes scientifiques et techniques aux ternes

eux-mêmes, établie par le D m , continue dans ce travail. L'usage des métaphores

(emploi métaphorique des mots préexistants) comme source d'enrichissement n'est

rien de nouveau mais le DMC, étant un dictionnaire spécialisé, s'efforce de noter

beaucoup plus les mots employés au figuré que les dictionnaires généraux.

Quelques exemples donnés par Gilbert: bahut (= camion), bateau (dans un

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trottoir), canard boireux (= entreprise en difficulté), coeur (d'un réacteur), tissu

(social, urbain), locomotive (qui désigne aujourd'hui tantôt des personnes, tantôt

des choses diverses, concrètes ou abstraites, ayant un rôle d'entraînement), etc.

( : Gilbert note aussi les métonymies dans la langue: aubergzne ( = employée

qui porte un d o r m e de la couleur de ce f i t ) , col blanc (employé de bureau,

supposé porter un col blanc), tennis (= chaussure de tennis), transistor (=

récepteur de radio équipé de transistors), etc., qui sont également très répandues,

mais passent souvent inaperçues. D'autres modincations se font par des moyens

sémantiques que nous ne ferons que mentionner ici: les restrictions ou les

extensions de sens dhn mot ou d'un syntagme (la pilule au lieu de pilule

anticonceptionnelle), la résurgence des mots anciens (archaïsmes) avec soit leur

sens originel soit un sens tout à fait différent va@efu,fiable, maintenance, etc.), et

ce que Gilbert nomme les qhrases codées. (:vii) ou une bonne connaissance de la

langue est nécessaire. Ce sont des phrases ou des syntagmes tels que: potion

magzque (remède miracle), ras-le-bol (en avoir assez), métro-boulot-dodo (un

sommaire banal de l'urbanité), etc. L'utilisateur doit les décoder afin de bien les

comprendre.

Un autre caractère très évident et très répandu dans la langue d'aujourd'hui

est le regroupement de deux ou plusieurs mots en une unité autonome: c'est-à-dire

la lexicalisation des syntagmes (cf. Kocourek: 13 5- 15 1). Gilbert ajoute que la

majorité de ces syntagmes lexicaux sont soit de nature substantif+adjectif

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(acharnement thérapeutique, chômage technique, paradis fiscal, etc.) ou

substantif+préposition+substantif (qualité de la vie, table d'écoute, l'exemple

classique de lapomme de terre, etc.) (:v).

Un autre procédé syntaxique intéressant est celui où des <locutions naguère

*figées#> (:v) peuvent servir comme modèles pour d'autres locutions. La locution

substantive empêcheur de h e r en rond a donné naissance aux autres locutions

du type empêcheur de + (infinitrfi + en rond, de même que par personne

interposée où, en remplaçant le substantifpersonne, on peut obtenir par sociétés

intetposées, par exemple.

Le demier exemple de procédé syntaxique suggéré par Gilbert est un peu

plus compliqué à première vue. Il s'agit de la transformation des verbes intransitifs

en verbes transitifs, et vice-versa. Démarrer (se mettre en mouvement) est

maintenant employé comme transitif avec le sens de "commencer quelque chose"

ou bien "entreprendre une tâche" (xi).

Enfin, pour survoler les domaines extra-linguistiques d'ou proviennent ces

nouveaux termes, la préface du DMC organise ces domaines en .centres

d'intérêti.? En voici quelques exemples:

audio-visuel: bme, cassette, électrophone, haute-fidélliré, magnéroscope, microsillon, télédistribution, téléviseur, vidéocusette, etc.

44 Comme la table méthodique du Dictionmire de ternes nouvem des sciences et des techniques et dans la préface du Nouveau Petit Robert &bas.

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écoloeje. environnement: dowcldouce, écolo, écologie (et ses dérivés), nuisance, solaire, vertle, etc.

loisirs: aéroglisseur, airbus, qrès-ski, &billard électrique, charler, deltaplane, disco, planche à voiles, surbooking, trimaran, vacancier, etc.

toxicomanie: acide, camé, douce/dure (drogue -), H, joint, junkie, overdose, *. m . .

tabagisme, toxico, trip, voyage, etc. (:wu)

Le Dictionnaire de termes nouveaux des sciences et des techniques

Le Dictionnaire de termes nouveaux des sciences et des techniques (1983)

est la progéniture des linguistes et des scientifiques du Conseil international de la

langue fiançaise (CILF) qui veulent satisfaire la demande des néologismes qui se

fait sentir depuis ces quelques dernières décennies. Les travaux portant sur la

néologie en général étaient réalisés depuis déjà quatre siècles mais <pas sur ce

domaine presque inexploré de la science et de la technique> (C1LF:vi). Alors, les

demandes des pays d'expression fiançaise se sont faits entendre et leu. désir a été

comblé: La Clé des Mots, une revue teminologique, fut publiée entre 1973 et

1979. En sept années, elle releva 9 400 entrées qui étaient inventoriées telles

qu'elles <apparaissai[ent] au travers des principaux périodiques et ouvrages de

recherche (xi).

Ce dictionnaire catalogue les mots paru dans La Clé des Mots de plusieurs

façons. Premièrement nous notons la partie "dict i0~a.k" du volume: dictionnaire

alphabétique avec la définition du mot, son domaine d'origine, de même que ses

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équivalents (si possible) en d'autres langues? Un autre chapitre du volume

regroupe ces mêmes mots méthodiquement, c'est-à-dire en classant les mots selon

les domaines dont ils sont issus. La deuxième partie du volume est intitulée

"Répertoire de fomants morphosemantiques" et organise alphabétiquement les

divers morphèmes (racines, préfixes, suffixes) munis de sens et utilises pour la

création de mots nouveaux.

Ce dictionnaire tente de tenir compte des mots, des syntagmes, et de leurs

dérivés, que les dictionnaires généraux ne reconnaissent pas pour une raison ou

une autre. Ce n'est que ce que nous appelons des emplois banalisés des termes

spéciPLisés qui trouvent leur place dans un dictionnaire général. Alors, le

Dictionnaire de termes nouveaux des sciences et des techniques se fait

dictiomaire complémentaire des autres dictionnaires:

aucun des ternes proposés dans le Dictionnaire ne figurait dans les ouvrages suivants à la date ou son emploi a été relevé: Grand Larousse Encyclopédique (1960- 1964) et son Supplément 1 (1969), Dictionnaire de la Langue Française de P. Robert et son Supplément (1969- 1 WO), Petit Robert (1 967), Grand Larousse de la Langue Française ( 197 1- 1978). (:x)

Les emprunts, si souvent mentionnés dans ce travail, n'occupent pas une

place aussi importante que nous le croyons par rapport aux autres moyens

d'enrichissement du vocabulaire. Gabrielle Quemada dit qu'avant de créer de

"Aussi est inclus dans cette première partie du dictionnaire un "index cumulatif des traductions" en anglais, allemand, et espagnol.

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nouveaux mots, cles terminologies des sciences et des techniques ont toujours

recours aux procédés classiques de la métaphorisation et de la métaphore (:xi)

pour attacher des nouveaux sens aux mots préexistants. C'est le cas de chenille

(véhicule), cheville (agronomie), carotte, couronne (métallurgie), gendarme

(bourse), chapeau de fer (mines), barque, barquette, bergerie, îlot, mur, pont

(commerce), cascade, cavalier, tictac (électronique, informatique), soupe

(biologie), etc.

Une autre caractéristique qui semble envahir la langue technique et

scientifique est l'abondance de syntagmes lexicaux ou phraséologiques que nous

avons mentionnée chez Gilbert et qui évoque souvant des constnictions très

particulières: architecture unzfiée de réseau; chaudière à marche par tout ou rien;

diagramme des quatre quadrants; premier entré, dernier sorti; robinet coup de

poing sondage magnétique d?rfërentie/; p h c h e r alvéolaire; etc. On trouve

également des dérivés <formés sur les modèles les plus courants> (:xi) et des mots

juxtaposés: décideur; bénéluxisation; bilinguisation, bilinguiser; fardelage,

fardeleuse, fardelisution; degré-jour; impression-transfert; tiers-mondiste;

remplisseuse-furmeuse (-doseuse), etc.

Entremêlés avec les créations internationales (cf. Petit Robert) sont les

créations savantes et pseudo-savantes: accidentologie, déprimogène,

ejectodrffuseur, traductologie, tra~~~~ersopr~fiIographe, etc. (xi).

Pour ne pas se perdre dans les nombreux exemples et moyens

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d'enrichissement, nous devons signaler que tout morphème muni d'un sens est

capable d'être remodelé en un autre mot:

Cela permet à n'importe quel segment du signe originel de rester porteur, dans une nouvelle construction, de la totalite du semantisme: artobus+bustlabobus, musibus, trambus. La nomenclature en porte Ies traces les plus diverses: DCOmètre, UFOIogue, BENELUXisation, magnétuscrzt, banana (d'après Ba, Na Nb, O,,) ou frundisme (ou d représente Tchad, d'après tchadisme).

(:XÜ)

A preuve, on peut relever l'ajout très pertinent au Dictionnaire de termes nouveau

des sciences et des techniques d'un "Répertoire de formants morphosemantiques".

Il s'agit d'une liste d'éléments par lesquels tous les mots de la nomenclature de ce

dictionnaire ont été construitsJ6. Ces éléments peuvent comprendre les radicaux

(qui subissent les procédés de la dérivation, composition, troncation, et de l'ellipse

aussi bien que de l'emprunt), les confixes ou racines savantes, les afnxes et leurs

désinences, et les sigles et les acronymes ( :5 12-5 13). Tous ces "petits mots" ont

fait leur chemin dans la langue, d'époque en époque, et sont indispensables à la

création d'autres mots. Le cycle est toujours rajeunissant.

Le Petit Robert

La préface du Nouveau Petit Robert (1993) fait état du besoin pour le

dictionnaire de refléter la langue toujours changeante. La modernité du lexique

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exige un remaniement et une amplification non sedement des mots mais aussi des

signincations, des contextes d'emploi, des locutions, et des allusions (Robert

1993 :ix) qui les accompagnent. Soit accidentellement, soit intentionnellement, le

lexique doit subir des transfomations4', lesquelles, disent les auteurs du Robert,

ont été nombreuses depuis la parution de la première édition de ce dictionnaire

(1967).

Une chose sur laquelle les anciens dictionnaires laissaient souvent passer

sous les yeux était les mots figurant dans I'usage quotidien ou plutôt, les usages

quotidiens de certains mots. Le Petit Robert préffere mettre ces usages côte à côte

avec le <bon usage garanti par les grands auteurs> (:ix); ce qui, d'une façon plus

véritable, d o ~ e une meilleure image de la langue vivante. Cette inclusion de

différents usages a fait ressortir les différents niveaux de langue q n adoptant un

point de vue sociolinguistiqu~ (:ix), ce qui manquait toujours dans les

dictionnaires des derniers siècles.

Ayant une banque de mots indéterminée, la langue ne peut jamais être

limitée aux entrées que nous trouvons dans n'importe quel dictio~maire. D'ailleurs,

aucun dictionnaire, qu'il se vante de l'être ou non, n'est jamais complet. Le Petit

Robert, présenté en un seul volume, a pu amasser <près de 60 000 mots, dont

4 000 ont été ajoutés dans la présente édition> (xi) grâce à l'emploi de petits

* ' ~ a préface note trois mouvements réformateurs importants: ceux s'occupant des anglicismes, de la féminisation des titres, et de la réforme orthographique (:ix).

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caractères et aux abréviations. Les ajouts de la présente édition sont des

néologismes <représentatifs de tous les usages de la société> (:xi). En voici

quelques-uns tirés des nombreux exemples de la préface:

mots culturels: allophone, apprenant, ballettumane, coéditeur, diaboliser, eurocrédit, euthanasiet-, griffiter, interethnique, ludothèque, narcotrafiquant, néonmi, recyciubie, vandaliser, voiture-bar, etc.

mots scientifiaues: agrobiologze, krill, liposuccion, déchette rie, fibroscopie. imrnunodéficience, AZT, po&trmfUsé, etc.

mots de la vie auotidienne: amincissant, unticalcaire, Zève-tût, doudoune, essuie- tour, jucuzzi, f i e r , imprimante, reforestation nubuck, pin's, etc.

mots se ra~Dortant aux ~ré~arations ciIlinaires: cheese-cake, cappucino. chachlik, coohe, daïiuiri, feta. forêt-noire, kebab, ouzo, rosti, smorresbrod. strudel. randouri, etc.

Ce qui est intéressant de voir est que, surtout dans un dictionnaire à volume

unique, l'intégration de ces nouveaux mots est accompagnée par la <suppression

des mots les plus rares devenus archaïque9 (:xi). Une étude plus approfondie de

ce sujet poumit avoir des résultats intéressants: avoir à notre disposition un

inventaire de mots "effacés" de cette dernière édition du Nouveau Petit Robert

(1993) mais qui figuraient dans l'édition précédente avec une liste complémentaire

de tous les nouveaux termes et/ou acceptions dans la présente édition, jetterait un

peu de lumière sur l'évolution de la langue et du lexique. Si nous déterminons

qu'un mot est rare et que son usage est minime, comment en être sûr? La réponse

est simple: nous ne pouvons pas être absolument certains. Une nécrologie précoce

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et l'effacement d'un mot dans l'inventaire d'un dictionnaire ne peuvent assurément

pas aider la cause d'une âme en peine. Les dictionnaires figent la langue et ils ne

seront jamais les vrais témoins de celle-ci. Quelqu'un fiutré de ne pas avoir

trouvé un mot dans un dictionnaire ne peut dire que le dictionnaire à sa disposition

est incomplet ou bien que le mot en question n'existe pas (ou plus) du tout. Le

chercheur doit consulter plusieurs dictionnaires, et même ceux dont l'inventaire est

spécialisé avant de trouver ce qu'il cherche.

Une section de la préface du Nouveau Petit Robert (1993) très pertinente

pour ce travail est celle intitulée "Evolution du lexique" (:xiv), où nous pouvons

trouver plusieurs procédures pour la création de nouveaux mots. Ces procédures

ont été notées lors de la classification et de l'adjonction de nouveaux mots à cette

dernière édition. Comme le mentionnent Josette Rey-Debove et Alain Rey, les

mots nouveaux ne sont pas que des emprunts a l'anglais mais aussi des créations

très originales.

mots composes- Les mots dits "savants" sont d'habitude formés avec des radicaux

latins (octogénaire) ou grecs (stéthoscope). Cependant, on peut retrouver un

mélange des deux dit hybride (monocle). Poussant encore plus loin, les néologues

ont eu un grand succès en combinant ces racines savantes avec les racines

fiançaises (stratosphère, agroalimentaire, écornée, hydrocarbure,

narcotrajiquant, ...). Deux mots fiançais en font un, et sa formation est toujours

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dite "savante" d a n s la mesure où Fordre des mots est inversé par rapport à la

désignation ordinaire> (Robertxiv), par exemple placoplàtre: plâtre en plaques;

riziculture: culture du riz; filoguzdé: guidé par un fil; etc. De nos jours, ces

moyens sont de plus en plus communs.

troncations- Une autre procédure qui a beaucoup marqué et enrichi le vocabulaire

surtout ces dernières décennies est celle de la troncution. Kocourek (1 99 1 : 159)

d é f i t la troncation comme <la formation d'un mot abrégé ii partir diin seul mot

source dont la forme est réduite à un tronçon syllabique, qui, cependant, dépasse

deux lettre^. Aujourd'hui, tous les registres de la langue en sont aectés. Nous

sommes tellement habitués à aller au cinéma que nous ne pensons pas que ce

terme a déjà VU son centenaire (première attestation environ 1893); il remplaçait

cinématographe et se fait lui-même remplacer davantage par un terme encore plus

court: ciné. Beaucoup de ces abréviations se sont progressivement intégrées dans

la langue et il est parfois difficile de se souvenir du terme entier: auto(mobiie),

ducty[o(graphe), kt/o(grumme), métro(politain), pneu(matique), radio(graphle),

tmz(mètre), tram(way), wa~er(closet), etc. Ce phénomène attaque surtout le

langage familier où beaucoup de nouveautés sont présentes: appurt (appartement),

beaujo (beaujolais), intox (intoxication), irnpec (impeccable), maso (masochiste),

sympa (sympathique), etc. Le raccourcissement de ces lexèmes est convenable

pour les locuteurs, mais cette économie peut parfois causer quelques difficultés

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pour les apprenants; la coupure parfois spontanée de certains mots tend a favoriser

les ambiguïtés: prof pour professeur, pro pour professionnel; écologiste est abrégé

à écolo, semblable a école ou écolier. Les mots tronqués sont aussi parfois

susceptibles à la sufnxation: celle du "O" si populaire en argot. Des mots tels que

alcooio (alcoolique), apéro (apéritzjj, dico (dictionnaire), dirlo (directeur) etc.

sont très courants*

sides- Un autre type de réduction est la szglaison. Ce moyen d'abrégement porte

sur les syntagmes plutôt que sur des mots isolés. La méthode consiste à

supprimer, à l'exception de la lettre initiale, cles mots forts48 entier du syntagme>

(Kocourek 199 1 : 16 1). D'abord un phénomène surtout réservé aux sociétés,

institutions, et autres organismes, les sigles s'entendent à la représentation des

noms de personnes, voire des noms communs et des adjectifs.

mots étrangers- L'emprunt à d'autres langues est probablement le moyen le plus

COMU et le plus souvent discuté. La langue anglaise est devenue la plus infiuente

de toutes les langues modernes. L'avancement technologique dans tous les

domaines de la communication (idonnatique, médias, télécommunications, etc.),

ULes unités lexicales fortes appartiennent aux classes <nominale, verbale, adjectivale et, en partie, adverbide> (Kocourek 199 1 :93) tandis que les unif& lexicales faibles sont les mots- outils, unités grammaticales, etc., tels que les pronoms, les conjonctions, et les prépositions.

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que Josette Rey-Debove et Alain Rey appellent "l'internationalisation de

I'inforrnation", a permis non seulement à la langue anglaise de pénétrer de plus en

plus dans notre langue mais aussi à toute autre langue voulant sa part du gâteau.

Ces mots, fruits du rapprochement des langues mondiales, deviennent des mots

Ajoutant aux emprunts de mots entiers à d'autres langues, I'empnmt de

certaines syllabes ou morphèmes mène à une résurgence du phénomène de

l'acronymie. En voici quelques exemples formés à partir de l'anglais et du fiançais

que nous retrouverons dans ce dictionnaire: contraception (angi. contra- +

conception), navicert (angl. navigation certifcute), bmnch (angl. brea.fmt +

lunch), progiciel @rogrumme + logiciel), velcro (velours + crochet), héliport

(hélicoptère + aéroport), tapuscrit ( t qe r + manuscrit), volucompteur (volume +

compteur), etc. (Robert 1993:xv-xvi).

Un empiétement de deux phénomènes, I'empmt et la dérivation propre, a

pour résultat bien d'autres mots fiançais créés à partir de morphèmes anglais:

après avoir inventé footing, tennisman, etc., nous avons créé relooker, révolvériser, ghoureux, footera,flmhant, débriefir. Camping-car est aussi un produit fiançais inconnu des anglophones

(Robert 1993 :xvi)

Nous savons qu'ils sont étrangers a la langue, mais nous nous en S~IVO~ZS

' t e Petit Robert (1993) nous donne trois exemples: I'apmzt (scandinave: eau-de-vie), Zefugu (japonais: poisson toxique comestible), et I'omerta (italien: loi du silence dans la Mafna) (:xv).

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quand-même. Nous organisons des comités, des institutions, afin de plaider sans

cesse pour leur déportation ou pour leur intégration. Les mots allogènes sont plus

importants au développement de notre langue que nous le croyons. En plus, la

résistance aux mots allogènes pousse les utilisateurs à créer des mots comparables

mais "plus fiançais" que les intrus. Mais c'est toujours dans un nuage d'incertitude

que nous créons, car la langue *'est Limitée en rien dans le choix de ses rnoyenV

(Saussure 1993: 1 10) mais <l'arbitraire même du signe met la langue à l'abri de

toute tentative visant à la modifier> (: 106).

Pour résumer, nous pouvons voir, sans l'aide de pourcentages, que les

emprunts et les néologismes de tout genre sont tres importants dans l'ensemble du

lexique même s'ils ne sont pas, pour ainsi dire, monnaie courante.

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Conclusion

Le vocabulaire est le témoin du développement et du changement de toute

pensée ou réalite qui nous entoure, tandis que la grammaire et la prononciation ne

sont qu'indirectement liées aux changements de la société. Ces changements,

quels qu'ils soient, apparaissent toujours dans les mots dont nous nous servons

pour communiquer. Les mots sont les véhicules de la pensée humaine, et la

grmaire et la phonétique servent à réglementer leur utilisation quotidienne.

Mais pourquoi alors est4 plus facile d'accepter les règles de grammaire, par

exemple, qu'un nouveau mot ou un nouveau sens d'un mot préexistant? Nous

avons déjà touche a la réponse: l'habitude et la tradition.

Chaque siècle a ses propres besoins. De cette réalité nous pouvons tirer

deux lignes de pensée fondamentales: l'idéal classique et la contrainte aussi bien

que l'expansion du savoir et l'enthousiasme pour la nouveauté lexicale. Ces deux

mouvements sont toujours en conflit; surtout quand nous comparons le XVI' et le

XW' siècles. La majorité des travaux linguistiques (dictionnaires, plaidoyers,

oeuvres littéraires, etc.) de ces périodes était fermement divisée en deux camps

opposés: soit pour, soit contre l'augmentation du lexique. En plus, un regard

rétrospectif plus étendu sur les quatre derniers siècles nous a montré que ces

tendances linguistiques ne jouent pas toujours à forces égales et sont toujours en

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contact l'une avec l'autre.

La Pléiade voulut encourager les poètes de l'époque a créer de nouveaux

mots ainsi qu'utiliser tous les moyens disponibles pour e ~ c h i r le vocabulaire

fiançais, qui se détachait de plus en plus de la langue latine. Cette nouvelle

indépendance avait un prix particulier: le risque d'inonder le lexique de mots

bizarres, ce qui est toujours le cas quand nous innovons, à n'importe quelle

époque. Mais le X W siècle est un peu plus délicat, car c'est ici que la langue

fiançaise, assez confiante pour se soutenir elle-même, tentait de se libérer des

restrictions imposées par la tradition; un aspect qui a toujours eu, et aura toujours,

une grande innuence sur la langue5*. Ne pouvant ignorer les liens avec le passé et

avec les autres langues qui Pont moulé, le fkmçais s'était mis en marche pour la

recherche de son autonomie. Cela a encouragé les utilisateurs de la langue à

s'aventurer au delà des langues grecque et latine comme source d'inspiration.

Pionniers de I'innovation, les poètes du siècle ont bien répondu à l'appel.

Policiers du XM' siècle, Malherbe et ses collègues ont fouillé dans tous les

recoins de la langue pour prohiber tout ce qu'ils considéraient comme témoins d'un

langage bas ou trop élevé. A qui revient-il d'imposer des limites aux

retranchements ou B effectuer des réfonnes? Peu importe vraiment le "qui"; le

plus important c'est évidemment le "pourquoi". Nous ne pouvons pas créer de

w < ~ tout instant, la solidarité avec le passé met en échec la liberté de choisir. Nous disons homme et chien parce qu'avant nous on a dit homme et chien> (Saussure 1993 : 108).

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nouveaux mots à notre guise. Nous avons tendance à voir surtout le côté

pessimiste de cette idée, laquelle dépeint le portrait d'un lexique appauvri et band,

suffoquant dans l'air ae l'antiquité. Les puristes de la langue ont parfois tort: que

deviendrait une langue privée de tout e~chissement? Les nouvelles idées, les

inventions, n'auraient pas de mots pour Les identifier.

Cette restriction de l'innovation a aussi ses bénéfices. Le fait que nous

n'acceptons pas toutes les nouveautés, simples ou complexes, nous donne le temps

de mieux choisir nos mots et de nous familiariser avec eux. Nous pouvons nous

exercer avec eux jusqu'à ce que nous ayons besoin d'autre mots pour expliquer

plus précisément nos pensées. Pareillement, garder un même inventaire de mots

met en marche les procédés sémantiques tels que la polysémie et les figures de

style, qui e~chissent davantage le vocabulaire.

Le XWsiècle avait vu naître une grande quantité de nouveaux mots dont la

majorité n'ont pas survécu. Certaines restrictions ont permis aux mots choisis de

mieux s'établir dans ia langue, avec pour résultat une vie un peu plus prolongée ou

bien très prospère de ces mots.

Les XVIII" et XIXS siècles étaient marqués par une approche philosophique

de la langue: la connaissance humaine devait être la visée de l'être, et un peuple

instruit était l'image d'une grande nation. Les "dictionnaires des choses" (les

dictiomaires encyclopédiques) se sont mis à éclore. De même qu'aujourd'hui, les

nouvelles connaissances et les créations doivent se permettre d'être étiquetées à

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l'aide de nouveaux mots, le sens existant dejà

Notre étude a démontré que les mêmes principes d'enrichissement du

vocabulaire sont restés à travers les siècles. Ils sont ou bien appelés différemment

à certaines époques, comme par exemple le provignement de Ronsard que nous

appelons maintenant la dérivarion propre, la dérivation impropre que nous

nommons parfois le style (chez Charnard) ou la néologie passive (CILF 1983 : 5 12),

ou bien ils sont le produit de plusieurs modifications aux procédés déjà existants,

par exemple la dérivation parasynthétique (Kocourek 199 1 : 1 1 1).

Tous les néologismes, surtout les emprunts aux sources étrangères et ceux

de source nationale non standard (les dialectes, les temes de métiers, etc.) ont

parfois eu de la dZficulté à être acceptés du public car souvent les nouveautés

paraissent étranges ou bizarres:

Telle monnoie, soit d'or ou d'argent, semble estrange au commencement: puis l'usage l'adoucit et domestique, la faisant recevoir, luy donnant authonté, cours et credit, et devient aussi commune que nos Testons et nos Escus au Soleil.

(Ronsard 1924: 549)

Ce qu'il ne faut pas oublier c'est qu'il faut hasarder pour enrichir. Toute langue

serait vide et stérile si l'on ne pouvait y ajouter de nouveaux mots tirés d'une autre

langue ou de l'esprit.

La néologie morphologique ou morphosémantique a toujours existé mais

elIe a aussi été repartie différemment à travers les divers procédés de création des

unités lexicales. Aujourd'hui, nous constatons une forte présence des emprunts à

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l'anglais, au lieu de l'italien, qui, lui, fut à son zénith au X W siècle, en plus de

nombreux moyens de créer des nouveaux mots, qu'on n'avait jamais envisagé

auparavant.

Il est difficile de voir (comme dans chaque état de la langue) où tout cela

nous mènera. A chaque siècle, la langue se complique et se simplifie à son tour.

Le XX' siècle tire a sa £in et ne nous laisse aucun chemin prévisible à suivre vis-a-

vis des tendances créatives: les sigles, les acronymes, et toutes formes

d'abrègement sont mis côte à côte avec les mots composés et les syntagmes

lexicaux. Tantôt on simplifie, tantôt on allonge.

Reprenons ce que du Bellay avait proclamé au début de son manifeste et ce

que nous avons repris au tout début de notre étude: toute langue est capable

d'améliorations. La langue est un produit social et -bit sans cesse l'influence de

t o u ~ (Saussure 1993 : 107). Tout changement dans la langue, pour être mieux reçu

et efficace, doit être modéré. Cependant, toute langue qui ne peut s'enrichir ne

peut survivre:

Il est fort difncile d'escrire bien en nostre langue, si elle n'est emichie autrement qu'eue n'est pour le present, de mots et de diverses manieres de parler. Ceux qui escrivent journellement en elle, sgavent bien à quoy leur en tenir: car c'est une extresme geine de se se& tousjours d'un mot. (Ronsard 1924547)

Au fond de la pensée humaine est un mot.

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