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XXLait Le mag 6 XXLait Le mag 6 biogaz Se diversifier pour préparer l’après- quota, le gaec du Champ-Fleury à Liffré (ille-et-Vilaine), qui compte 262 ha et 175 vaches laières, y ré- fléchit depuis longtemps. Dès 2012, Jean-Christophe gilbert, un des cinq associés, assiste à une réunion de la chambre d’agriculture sur la métha- nisaon. Cee technologie permet de produire, par fermentaon bac- térienne, du biogaz à parr des ef- fluents et de cultures de la ferme. Ce biogaz qui conent surtout du méthane et du dioxyde de carbone peut être valorisé de deux façons. La première est la cogénéraon : le biogaz alimente un moteur qui pro- duit en parallèle de l’électricité et de la chaleur. La seconde est l’injecon : le bio- gaz est alors épuré afin de conser- ver seulement le méthane qui est ensuite injecté dans le réseau de distribuon de gaz naturel. Le gaec du Champ Fleury opte pour cee seconde soluon. En effet, contrairement à un élevage hors-sol, le gaec du Champ Fleury ne pouvait valoriser suffisamment la chaleur pour obtenir la prime complémentaire au tarif d’achat de l’électricité par EDF : « comme le revenu se fait sur la valorisaon de la chaleur, pour que ce soit rentable, nous aurions dû créer un nouvel ate- lier comme une serre ou un séchoir à bois, c’était trop compliqué », ex- plique Jean-Christophe gilbert. Producon limitée par la demande esvale La ferme du Champ Fleury se si- tue à 2,5 km du réseau de gaz qui dessert la commune de Liffré. Les études réalisées par gRDF (gaz Réseau Distribuon France) éta- blissent à 56 Nm3/h (1) le maxi- mum de producon injectable toute l’année, sans dépasser les consommaons esvales les plus faibles, lorsque la demande en gaz des industriels de la commune chute. Pour la construcon, les éleveurs se tournent vers la filiale française de l’industriel allemand biogaz Planet, installée elle aussi à Liffré et comptant déjà de nom- Du biométhane pour pallier l’après quotas ? La France compte autour de 300 unités de méthanisaon agricoles en fonconnement. Dans un contexte de crise laière, un tel atelier peut offrir l’opportunité d’un revenu garan sur 15 ans tout en valorisant les effluents de l’élevage. Le gaec du Champ Fleury à Liffré, en bretagne, a choisi d’injecter le biométhane dans le réseau de gaz après épuraon du biogaz. De gauche à droite : Franck Perrodin, Lucas (fils de Jean-Christophe), Arnaud Gilbert et Jean-Christophe Gilbert

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biogaz

Se diversifier pour préparer l’après-quota, le gaec du Champ-Fleury à Liffré (ille-et-Vilaine), qui compte 262 ha et 175 vaches laitières, y ré-fléchit depuis longtemps. Dès 2012, Jean-Christophe gilbert, un des cinq associés, assiste à une réunion de la chambre d’agriculture sur la métha-nisation. Cette technologie permet de produire, par fermentation bac-térienne, du biogaz à partir des ef-fluents et de cultures de la ferme. Ce biogaz qui contient surtout du méthane et du dioxyde de carbone peut être valorisé de deux façons. La première est la cogénération : le biogaz alimente un moteur qui pro-duit en parallèle de l’électricité et de la chaleur.

La seconde est l’injection : le bio-gaz est alors épuré afin de conser-ver seulement le méthane qui est ensuite injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel.Le gaec du Champ Fleury opte pour cette seconde solution. En effet, contrairement à un élevage hors-sol, le gaec du Champ Fleury ne pouvait valoriser suffisamment la chaleur pour obtenir la prime complémentaire au tarif d’achat de l’électricité par EDF : « comme le revenu se fait sur la valorisation de la chaleur, pour que ce soit rentable, nous aurions dû créer un nouvel ate-lier comme une serre ou un séchoir à bois, c’était trop compliqué », ex-plique Jean-Christophe gilbert.

Production limitée par la demande estivaleLa ferme du Champ Fleury se si-tue à 2,5 km du réseau de gaz qui dessert la commune de Liffré. Les études réalisées par gRDF (gaz Réseau Distribution France) éta-blissent à 56 Nm3/h(1) le maxi-mum de production injectable toute l’année, sans dépasser les consommations estivales les plus faibles, lorsque la demande en gaz des industriels de la commune chute. Pour la construction, les éleveurs se tournent vers la filiale française de l’industriel allemand biogaz Planet, installée elle aussi à Liffré et comptant déjà de nom-

Du biométhane pour pallier l’après quotas ?La France compte autour de 300 unités de méthanisation agricoles en fonctionnement. Dans un contexte de crise laitière, un tel atelier peut offrir l’opportunité d’un revenu garanti sur 15 ans tout en valorisant les effluents de l’élevage. Le gaec du Champ Fleury à Liffré, en bretagne, a choisi d’injecter lebiométhane dans le réseau de gaz après épuration du biogaz.

De gauche à droite : Franck Perrodin, Lucas (fils de Jean-Christophe), Arnaud Gilbert et

Jean-Christophe Gilbert

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breuses références. « Finalement, l’étude de faisabilité a montré qu’à 70 Nm3/h, la rentabilité serait net-tement meilleure qu’à 56, pour un coût supplémentaire de seulement 15 000 € (sur un budget total de 2,6 M€) », précise l’éleveur. Leur banque les suit, rassurée par la du-rée de 15 ans du contrat d’achat du biométhane par Engie (ex gDF Suez), et par la bonne santé finan-cière de l’élevage (nous sommes alors en 2014).

Pas de fibres longuesL’installation a été mise en route en septembre 2015. Pour sa conduite, les éleveurs ont été for-més par le constructeur. « Pendant les premières semaines, on passe du temps à caler le fonctionnement mais on a une hotline à disposition en cas de problème ; ensuite c’est un peu comme la conduite d’un trou-peau, il faut une ration régulière pour nourrir les bactéries du diges-teur ». actuellement, les éleveurs y

Gaec du Champ-Fleury à Liffré (Ille-et-Vilaine)• 5 associés. • 262 ha de SAU (115 maïs ensilage,

100 céréales à paille, 28 prairies temporaires, 10 luzerne, 9 prairies permanentes).

• 175 vaches laitières.

Le suivi de l’installation demande environ 40 heures/semaine.

(1) : Nm3/h : un normo mètre-cube corres-pond au contenu d’un volume d’un mètre cube pour un gaz à 0°C de température et 1 Atmosphère de pression.(2) : Cultures intermédiaires à vocation éner-gétique. Au Gaec du Champ Fleury, il s’agit de 30 ha de seigle en pur et 50 ha de ray-grass italien en dérobé.(3) : 1 m3 de gaz naturel équivaut à environ 11 kWh (valeur variable)(4) : Dispositif de labellisation de l’origine « renouvelable » du gaz injecté.

consacrent en moyenne 40 heures par semaine entre l’approvision-nement en substrats, le suivi et la maintenance. La base de la ration du méthaniseur se compose de lisier (6000 tonnes/an) et de fumier (1500 tonnes/an), provenant majoritairement du bâ-timent vaches laitières en logettes. Pour améliorer le potentiel métha-nogène du fumier, l’élevage est passé d’une litière en sciure à une litière en paille. Celle-ci est broyée au champ avant pressage pour évi-ter ensuite les problèmes de bour-rages de fumier dans la trémie. Cette méthode évite au gaec un investissement dans un broyeur de matières fibreuses, trop onéreux au regard du volume à traiter.

Marcs de pomme et tontes de pelousesPour raisonner leur plan d’appro-visionnement, les éleveurs du gaec du Champ Fleury cherchent à maximiser le potentiel métha-nogène grâce à des intrants exté-rieurs plutôt que de rester en auto-nomie totale. il s’agit de 3000 t/an de marcs de pomme d’une cidrerie voisine, pour lesquels ils ne règlent que le transport (4,3 €/tonne), et de 700 t/an de tontes de pelouse d’un paysagiste et de la municipa-lité (gratuites). Des échantillons sont analysés par biogaz Planet qui fournit au gaec une nouvelle ration permettant de maintenir le

niveau de production de biogaz. L’introduction d’un nouveau subs-trat demande une transition de 15 jours pour que les popula-tions de bactéries du digesteur s’adaptent. Lorsqu’ils n’ont plus de marcs, les éleveurs compensent avec du maïs ensilage (le maximum autorisé est de 7 % de la SaU soit 950 t/an) et des CiVE (850 t/an)(2).

Production conforme au prévisionnelaprès 5 mois de fonctionnement, le bilan est positif pour le gaec du Champ Fleury. « Notre production de biogaz est conforme au prévision-nel, de 6,9 millions de kWh(3). Nous avons deux règlements différents. Une première facture mensuelle correspond à notre production mul-tipliée par le prix du tarif réglemen-té, c’est à dire 12,4 c€/kWh. Une seconde facture est établie au titre des garanties d’origine(4)», précise arnaud gilbert. En revanche, pendant l’été, les producteurs devront réduire le vo-lume de biométhane injecté dans le réseau, afin de ne pas dépasser la consommation en aval.Du côté des charges, les éleveurs ont dû acheter une pompe à lisier supplémentaire. Le coût d’élec-tricité est plus élevé que prévu puisque l’installation est plus puis-sante que le projet de départ. Par ailleurs, le temps passé sur la main-tenance est supérieur.L’investissement global est de 2,6 M€ dont 16 % d’aides (ademe, Région). Cette nouvelle activité, dont l’EbE prévisionnel est de 357 500 euros, contribue en tous cas à booster le moral des éleveurs : « par rapport à l’atelier laitier où nous perdons 50 €/1000 litres, nous avons de la visibilité sur 15 ans, nous sommes maîtres de notre production »,estime Jean-Christophe gilbert.

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biogaz

« L’injection de biométhane est une solution pertinente pour les éleveurs laitiers ».La méthanisation est-elle une voie de diversification intéressante pour les élevages laitiers ?La méthanisation peut être envisagée comme un nouvel atelier de l’exploita-

tion ou comme une solution collective de valorisation des effluents d’élevage sur un site dédié. La première situation est la plus fréquente. Elle demande de mobiliser des investissements, des compétences et un temps de travail conséquents. Cette di-versification offre l’opportunité à l’exploi-tation de vendre un nouveau produit, « de l’énergie renouvelable », à un tarif préfé-rentiel et garanti pendant 15 ans.

Quelle solution de valorisation du biogaz choisir ?Aujourd’hui, tous les porteurs de projets de méthanisation agricole ont l’obliga-tion d’étudier en priorité l’injection du biométhane dans le réseau de gaz, avant la cogénération (production d’électri-cité et de chaleur). Ce mode de valori-sation en injection est plus rentable car l’exploitation vend 100 % de l’énergie à un tarif préférentiel et garanti, alors que cette proportion est de 40 à 70 %

dans le cas de la cogénération. Pour les grands élevages laitiers, la cogénération est un mode de valorisation peu adapté : trop d’investissements sont nécessaires pour atteindre le niveau d’utilisation de chaleur exigé par le tarif réglementaire d’achat de l’électricité.

La méthanisation est-elle rentable ?Une étude récente a montré que beau-coup de sites de cogénération ont connu des dysfonctionnements et des pro-blèmes de rentabilité. Mais il ne faut pas généraliser : de nombreuses installations atteignent leur prévisionnel. Et, la future grille des tarifs d’achat de l’électricité de-vrait globalement être plus favorable, et porter sur 20 ans au lieu de 15. Concer-nant les installations en injection de bio-méthane, la rentabilité semble bonne dans la quinzaine de sites actuels.

(5) : Aile : Association d’Initiatives Locales pour l’Energie et l’Environnement.

Surveillance intrusion, vol aux abords des exploitations. Détecteur pouvant déclencher 1 enregistrement de l’intrus

au passage devant les caméras infrarouge. L’éclairage peut être associé. Multiples transmissions : câbles, hertzien, ADSL, Wi-Fi. Réceptions sur TV, ordinateur, tablette.

www.detecvel-tertrais.com - Tél : 02.99.06.99.61

35 ans D’expérience

Créd

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L’installation du Gaec du Champ Fleury se compose d’un digesteur, d’un stockage de biogaz et de digestat liquide, d’une unité d’épuration du biogaz en biométhane et d’un séparateur de phases pour le digestat.

Regard d’expertArmelle Damiano, directrice de l’association Aile (5) spécialisée dans le biogaz et la biomasse.