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Droits de l’enfanten Tunisie

Droits de l’enfanten Tunisie

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Droits de l’enfanten Tunisie

ISBN 2-88477-041-0

L'objectif des rapports alternatifs de l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)

est de prévenir la torture

Dans ses rapports relatifs aux droits de l'enfant, l'OMCT entend analyser la législation nationaleau regard des engagements internationaux de gouvernements parties à la Convention relative auxdroits de l'enfant. L'omission de mesures de protection ou des failles dans les garanties juridiquesfavorisent les violations, y compris les plus graves comme la torture, la disparition forcée ou l'exé-cution sommaire.En d'autres termes, ces rapports ont pour objectif de mettre en lumière les lacunes d'une légis-lation qui, souvent involontairement, facilite les plus graves abus à l'encontre des enfants.L'analyse juridique est renforcée, à chaque fois que cela est possible, par des appels urgents del'OMCT sur la torture d'enfants. Ces interventions urgentes (l'OMCT reçoit quotidiennement des demandes d'actions pour des cas de violence graves à l'encontre de mineurs) sont la base de notretravail.Les rapports de l'OMCT ne se limitent pas à une analyse juridique, mais représentent, en plus des appels urgents, un autre aspect de notre stratégie pour mettre un terme à la torture. Ces rap-ports se terminent par des recommandations, visant à des réformes juridiques, destinées à réduirela fréquence de la torture d'enfants.Les rapports sont soumis au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies qui les utilise pouranalyser la manière dont un pays remplit ses engagements internationaux concernant les enfants.Ses recommandations sur la torture, tirées des rapports de l'OMCT, envoient un message clair dela communauté internationale sur la nécessité d'une action pour mettre fin aux graves abus dontsont victimes les enfants.

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Sommaire

I. Introduction ............................................................................................................................................................................................................. 7

II. Observations Préliminaires ..................................................................................................................................................................... 8

III. Définition de l’enfant ............................................................................................................................................................................... 11

IV. Respect des Principes généraux ......................................................................................................................................................... 12

4.1. La discrimination sexospécifique ..................................................................................................................................................... 12

4.2. La Discrimination à l’égard des prisonniers et des réfugiés politiques ............................................................... 13

4.3. Le Respect des opinions de l’enfant ............................................................................................................................................. 15

V. Protection contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ................ 18

5.1. Le cadre juridique de la Tunisie ....................................................................................................................................................... 18

5.2. Les victimes de la torture en Tunisie ......................................................................................................................................... 19

5.3. Les enfants de prisonniers politiques et de réfugiés victimes de la torture .................................................. 23

VI. Violence contre les enfants .................................................................................................................................................................. 24

6.1. La protection contre toutes les formes de violence ....................................................................................................... 24

6.2. La protection contre les abus sexuels ........................................................................................................................................ 27

VII. Enfants en situation de conflit avec la loi ........................................................................................................................... 28

7.1. L’âge de la responsabilité pénale .................................................................................................................................................... 28

7.2. Les procédures judiciaires pour mineurs ................................................................................................................................... 29

VIII. Conclusions et Recommandations ................................................................................................................................................ 31

Observations finales du Comité des Droits de l’enfant : Tunisie ............................................................................... 35

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L’OMCT souhaiterait exprimer sa grati-tude à l’ensemble des ONG tunisienneset des experts des droits de l’hommepour leur aide qui a permis la réali-sation de ce rapport.

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT30e Session - Genève, 20 mai / 7 juin 2002

Rapport sur l’application de la Convention

relative aux droits de l’enfanten Tunisie

Recherches et rédaction : Anne KayserCoordination et édition : Roberta Cecchetti et Sylvain Vité

Directeur de la Publication : Eric Sottas

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Selon un rapport de l’UNICEF sur laTunisie, le vent de la modernisation a souf-flé à travers tout le pays, laissant ses tracesdes institutions aux écoles, du domaine dela santé au statut de la femme.1 En effet, laTunisie apparaît comme un Etat en transi-tion et ne compte plus parmi les nations lesplus pauvres du monde. Les enfants béné-ficient dans une large mesure des progrès so-cio-économiques du pays, leurs conditionsde vie se sont améliorées et la plupartd’entre eux ont accès au système de santé età l’éducation.

Toutefois, c’est dans le domaine juridiqueque les progrès réalisés par le pays se re-marquent le mieux. On peut en juger par ledeuxième rapport périodique soumis par la République tunisienne au Comité desdroits de l’enfant qui compile les mesures législatives prises par le gouvernement entre1994 et 1998 en faveur des droits de l’en-fant.

Néanmoins, malgré l’existence d’un systèmelégislatif exhaustif qui protège et promeut lesdroits de l’homme, l’Etat tunisien reste trèsrépressif. L’opposition politique, le mili-tantisme dans le domaine des droits de

l’homme, une infraction au code pénal ou ci-vil sont pour lui des motifs d’oppression etde harcèlement. Sous le couvert de la luttecontre le fondamentalisme islamique, les au-torités violent en toute impunité les libertéset droits fondamentaux. Cependant, dans sonsouci de projeter l’image d’un Etat respec-tueux des libertés et de la pluralité démo-cratique, le gouvernement a fait de lapromotion des droits de l’homme le thèmeprincipal de son discours politique. Ce n’estun secret pour personne que le gouverne-ment tunisien a la mainmise sur la promo-tion des droits de l’homme. Ces derniers sontlargement proclamés dans un langage formelstéréotypé, mais sont systématiquement né-gligés. Il n’est pas rare d’être confronté enTunisie à des violations des droits fonda-mentaux, tels que les instructions pénalespartiales et les procès inéquitables à l’en-contre des militants des droits de l’homme,les actes de torture et autres traitementscruels, inhumains ou dégradants infligés àdes prisonniers en détention provisoire, leharcèlement et la détention de défenseursdes droits de l’homme dans des conditionsinhumaines, la surveillance policière comme

1 - “the wind of modernization has blown through it in all di-rections, from institutions to schools, from health to the sta-tus of women”; UNICEF Country profiles; voirhttp://www.unicef.org/programme/countryprog/mena/tunisia/index.html7

I. Introduction

II. Observations préliminaires

mode d’intimidation, la restriction de la li-berté d’expression et d’association, les en-traves à la liberté de mouvement desmilitants des droits de l’homme soit par laconfiscation de leurs passeports, soit par lerefus de permission de quitter le pays, la pri-vation de services téléphoniques et de fax

aux associations… Les défenseurs des droitsde l’homme sont particulièrement ciblés parles autorités et leur famille, enfants compris,deviennent des victimes au même titrequ’eux. En outre, les enfants pâtissent di-rectement de la répression et de traitementsillégaux par des agents de l’Etat.

D’un point de vue juridique, laRépublique tunisienne est partie à un grandnombre de conventions internationales depromotion des droits de l’homme.

Le 31 janvier 1992, la Tunisie a ratifié laConvention relative aux droits de l’enfant(CRC) qui est entrée vigueur dans le paystrois mois après sa ratification. Le gouver-nement tunisien a néanmoins fait des dé-clarations et émis des réserves vis-à-vis dela CRC.2

La Tunisie a également ratifié la plupart desautres instruments internationaux sur lesdroits de l’homme, dont le Pacte interna-tional relatif aux droits civils et politiques(CCPR) qui contient une disposition sur lesdroits de l’enfant qui “a droit, de la part desa famille, de la société et de l’Etat, aux me-sures de protection qu’exige sa condition demineur.”3 La Tunisie est partie au Pacte in-ternational relatif aux droits économiques,

2 - Déclarations : 1.sur la nécessité de décisions législativesou statutaires permettant la compatibilité de l’applicationde la CRC avec la Constitution tunisienne. 2. sur l’ap-plication des dispositions de la CRC qui doivent se lim-iter aux moyens dont dispose le gouvernement. 3. sur lalégislation tunisienne concernant l’interruption volontairede grossesse et qui ne peut être entravée par l’article 6 dela CRC.Réserves : 1. vis-à-vis de l’article 2 qui ne doit pas entraverl’application des dispositions contenues dans la législa-tion nationale en ce qui concerne le statut personnel, enparticulier, celui lié au mariage et à l’héritage. 2. vis-à-visde l’article 40, paragraphe 2 (b) (v), interprété commetolérant des exceptions dans la législation nationale, no-tamment concernant certains délits, dont le jugement fi-nal est rendu par des tribunaux cantonaux ou par la Courd’Assise sans préjudice du droit d’appel dans le respectde ces juridictions pour la Cour de Cassation à qui revientla tâche d’appliquer la loi. 3. vis-à-vis de l’article 7 qui“ne peut être interprété comme une interdiction d’appli-quer les dispositions contenues dans la législation na-tionale concernant la nationalité et, en particulier, les casde perte de la nationalité.”

3 - Article 24 § 1 du CCPR, ratifié par la Tunisie en 1976. 8

sociaux et culturels (CESCR) qui attribueégalement des droits spécifiques aux en-fants4, à la Convention contre la torture etautres peines ou traitements cruels, inhu-mains ou dégradants (CAT)5, à laConvention sur l’élimination de toutes lesformes de discrimination à l’égard desfemmes (CEDAW)6 et à la Convention in-ternationale sur l’élimination de toutes lesformes de discrimination raciale (CERD)7.

En outre, la Tunisie est un membre del’Organisation de l’unité africaine (OUA) depuis sa création en 1963, ainsi que de la Ligue des Etats arabes, depuis 1958.Le pays participe, également, à l’Orga-nisation de la conférence islamique depuis sacréation, en 1969.

En vertu de l’article 32 de la Constitution de1959, “Les traités n’ont force de loi qu’aprèsleur ratification. Les traités dûment ratifiésont une autorité supérieure à celle des lois.”La République tunisienne s’est engagée àveiller à ce que tous les citoyens jouissentde leurs droits fondamentaux, que ces der-niers soient entérinés par la Constitution, lalégislation ou par des conventions interna-tionales qu’elle a ratifiées. Les articles 5 à8 de la Constitution, consacrés à la protec-tion des droits de l’homme, spécifient l’éga-

lité de tous les citoyens face à la loi, ga-rantissent l’inviolabilité de l’être humain etde la liberté de conscience et garantissentla liberté d’opinion et d’expression. Parailleurs, la Constitution tunisienne reconnaîtle droit à la protection de la famille, ainsique le droit au travail, à la santé et à l’édu-cation.

L’OMCT prend note des mesures addition-nelles prises par le gouvernement en faveurdes droits de l’enfant, dont la ratification, en 1995, de la Convention 138 del’Organisation internationale du travail (OIT)concernant l’âge minimum d’admission autravail et la prohibition de l’exploitation éco-nomique des enfants8, et de la Convention182 de l’OIT relative aux pires formes detravail des enfants, ratifiée le 28 février2000.

L’amendement, en juillet 1993, du Code surle statut de la personne introduisant l’auto-rité parentale conjointe (art. 6, 23 et 67) et

4 - Voir articles 10, 12 et 13 du CESCR, également ratifié parla Tunisie en 1976.

5 - Ratifiée en novembre 1988.6 - Ratifiée en 1985 avec des réserves vis-à-vis des articles

9, 16 et 29 ces dispositions ne doivent pas entrer en con-flit avec les dispositions du Code sur le statut personnel,principalement en ce qui concerne l’attribution de nomsde famille aux enfants et l’acquisition d’une propriété parvoie d’héritage.

7 - Ratifiée en 1969.8 - Loi n° 95-62 du 10 juillet 1995, sur la ratification de la

Convention internationale relative à l’emploi(Convention n°138) concernant l’âge minimum pour tra-vailler.9

adaptant la procédure de divorce à intérêtsupérieur de l’enfant (art.32) a égalementamélioré la protection juridique des enfantsen Tunisie.

L’OMCT se réjouit de compter plusieursautres mesures visant spécifiquement la pro-motion et la protection des droits de l’enfant,la plus significative étant la promulgation,en 1995, du Code de protection de l’enfant(CPE). Ce nouveau texte juridique crée un“Délégué à la protection de l’enfance”9 quirenforce les mécanismes et les mesures deprévention et de protection visant les enfantsdont la santé et l’intégrité physique et mo-rale sont exposées au danger. Le CPE ex-plicite également l’organisation et le

fonctionnement de la justice pour mineursen Tunisie et accorde la priorité à l’appli-cation du système de médiation10 qui peutêtre utilisé à n’importe qu’elle étape de laprocédure. Le but de la médiation consisteà trouver une conciliation entre l’enfant cou-pable d’un délit, son tuteur et la victime età la mettre en œuvre avant que les enfantsne soient jugés au pénal.11 Le CPE garan-tit les droits fondamentaux de l’enfant à lasanté pré et post-natale, à l’éducation et à laliberté d’expression. Il protège, également,les enfants contre toutes les formes d’ex-ploitation, de violence, de préjudice oud’agression physique, psychologique ousexuelle ou encore contre l’abandon et la né-gligence.

9 - L’Article 28 du CPE crée, dans chaque Gouvernorat, un“Délégué à la protection de l’enfance”, qui est chargé d’unemission d’intervention préventive pour protéger les enfantsen danger.

10 - Article 14 CPE : “Le présent code vise à favoriser la procé-dure de médiation, la correctionnalisation et la non-dis-crimination, ainsi qu'à faire participer les services etinstitutions concernés par l'enfance dans la prise de déci-sions et le choix de mesures compatibles avec l'intérêtsupérieur de l'enfant.”

11 - Cf chapitre III, articles 113 et suivants du CPE sur la mé-diation. 10

La Convention relative aux droits de l’enfantétablit qu’ “un enfant s’entend de tout êtrehumain âgé de moins de dix-huit ans, saufsi la majorité est atteinte plus tôt en vertu dela législation qui lui est applicable.”12

L’article 3 du Code sur la protection de l’en-fant (CPE) pourrait constituer une définitiongénérale de l’enfant dans le droit tunisienqui établit une référence supérieure géné-rale en disposant qu’ “Est enfant, aux effetsdu présent code, toute personne humaineâgée de moins de dix-huit ans et qui n’a pasencore atteint l’âge de la majorité par dis-positions spéciales.”

Néanmoins, l’OMCT note que, dans le cadrede législations spécifiques, il est possibled’altérer l’âge de la majorité. En effet, tantl’article 7 du Code des obligations et descontrats que l’article 153 du Code tunisiensur le statut de la personne (CSP) établissentqu’une personne de moins de 20 ans estconsidérée comme mineure et est, parconséquent, dépourvue du pouvoir decontrôle sur sa propriété. Cependant, “lemineur devient majeur par le mariage s’il

dépasse l’âge de 17 ans et ce, quant à sonstatut personnel et à la gestion de ses af-faires civiles et commerciales.”13 Cette dis-position va de pair avec l’article 5 du CSPqui stipule que “[…] l’homme avant vingtans révolus et la femme avant dix-sept ansrévolus ne peuvent contracter mariage.” Parconséquent, bien qu’une fille puisse s’éman-ciper par le biais d’un mariage précoce, ungarçon ne peut contracter mariage avant samajorité civile et commerciale. L’OMCT ex-prime sa vive inquiétude concernant cettedisposition qui introduit une discriminationcontraire à l’article 2 de la CRC et à l’article6 de la Constitution tunisienne.

Un enfant de moins de 18 ans peut jouird’une certaine capacité juridique, commedispose l’article 156 du CSP. En effet, dansle cadre du droit tunisien, “L’enfant qui n’apas atteint l’âge de treize ans accomplis estconsidéré comme dépourvu de discernementet tous ses actes sont nuls. L’enfant qui a dépassé l’âge de treize ans est considéré

III. Définition de l’enfant

12 - Voir, également, l’article 2 de l’OUA: Dans le cadre de laprésente Charte, un enfant signifie tout être humain mineurde 18 ans (“For the purposes of this Charter, a child meansevery human being below the age of 18 years.”)

13 - Article 153 CSP : “Est considéré comme interdit pour mi-norité, celui ou celle qui n'a pas atteint la majorité de vingtans révolus.”11

comme pourvu de discernement. Ses actesseront valables, s’ils ne lui procurent quedes avantages, et nuls s’ils ne lui portent que

des préjudices. Leur validité sera, hors deces deux cas, subordonnée à l’accord du tu-teur.”

IV. Respect des principes générauxL’OMCT pense que la discrimination consti-tue l’une des causes de torture et d’autresformes de violence et de mauvais traite-ments ; elle déplore que le droit tunisien nedispose d’aucune clause explicite de non-discrimination. L’OMCT s’inquiète du si-lence total qu’observe le CPE sur le sujet etregrette que la seule protection légale desenfants contre la discrimination soit conte-nue dans le principe général d’égalité, à l’ar-ticle 6 de la Constitution tunisienne.14

L’OMCT recommanderait donc que les au-torités tunisiennes introduisent une dispo-sition au sein du CPE afin de le rendreconforme à l’article 2 de la Convention.

4.1. La discrimination sexospéci-fique

L’OMCT souhaite exprimer son inquiétudeconcernant la discrimination légale et pra-tique qui existe à l’égard des filles par rap-port aux garçons. Malgré certains effortsdéployés par le gouvernement, la discrimi-nation légale à l’égard des femmes continued’exister dans certains domaines, comme laloi sur la propriété et sur l’héritage qui estrégie par la Charia (loi islamique). L’article192 du CSP dispose, par exemple, qu’envertu des règles sur le legs obligatoire, lapart d’héritage du garçon correspond à deuxfois celle qui correspond à la fille.15 L’article8 du CSP illustre la discrimination dans lesdispositions concernant le droit familial ; ildispose que le plus proche parent de sexemasculin doit accorder son consentement aumariage d’un mineur.16 En outre, commementionné plus tôt, le CSP prévoit, aux ar-

14 - Article 6 de la Constitution : “Tous les citoyens ont lesmêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devantla loi.” devant la loi.

15 - Article 192 CSP : “Le legs obligatoire ne bénéficie qu'àla première souche des petits-enfants issus d'un enfant del'un ou de l'autre sexe, et le partage entre eux a lieu à rai-son de deux parts pour le garçon et d'une part pour la fille.”

16 - Article 8 CSP : “Consent au mariage du mineur le plusproche parent agnat. Il doit être saint d'esprit, de sexe mas-culin, majeur.” 12

ticles 5 et 153, des âges de mariage mini-mum différents pour les filles et pour les gar-çons. Ces dispositions impliquent que lesfilles sont autorisées à jouir de leurs droitscivils et commerciaux plus tôt que les gar-çons. Par ailleurs, l’autorisation de l’avan-cement de l’âge du mariage pour les fillespourrait les encourager à se marier jeunes,à ne pas terminer leurs études et, donc, à setrouver dans l’incapacité d’embrasser uneprofession.

L’OMCT recommanderait que le gouverne-ment tunisien fixe à 18 ans l’âge minimumrequis pour le mariage à la fois des filles etdes garçons et qu’il amende l’ensemble desdispositions discriminatoires prises princi-palement au détriment des filles dans desdomaines traditionnellement régis par laCharia.

Le décret 108, mis en vigueur en 1985 parle Ministère de l’éducation et qui proscrit leport du foulard par les filles à l’école, contri-bue à creuser l’écart entre les filles et lesgarçons dans le domaine des études. En ef-fet, le gouvernement avait adopté cette me-sure à l’époque, car il considérait alors quele port du hijab (foulard islamique) ou mêmed’un foulard ordinaire signifiait l’apparte-nance de la femme ou son soutien à des

groupes politiques islamistes.17 Ce décretavait entraîné l’exclusion scolaire de plusd’une centaine de filles qui se retrouvèrent,par conséquent, privées de leur droit à l’édu-cation. Le décret 108 ne s’appliquant qu’auxfemmes, il constitue une discrimination àl’égard des filles dans la mise en œuvre deleur droit à l’éducation. En outre, cette in-terdiction illustre une discrimination fondéesur la foi et l’opinion. L’OMCT déplore ladiscrimination que le gouvernement a ins-tituée par le truchement de cette mesure etdemande instamment au Ministère de l’édu-cation d’amender ce décret.

4.2. La discrimination à l’égarddes enfants des prisonnierset des réfugiés politiques

L’OMCT souhaite exprimer sa vive inquié-tude concernant les diverses formes de dis-crimination dont souffrent les familles,notamment les enfants, des défenseurs desdroits de l’homme et des opposants poli-tiques.

17 - Voir le rapport d’Amnesty International, Tunisia, A widen-ing circle of repression, AI Juin 1997 (AI Index : MDE30/25/97). Voir, également, le document de Vérité-Action,Journée Mondiale des femmes, Aperçu sur les violationsdes droits des femmes en Tunisie, 8 mars 2001, p. 4.13

En tout premier lieu, les enfants des mili-tants politiques de l’opposition sont victimesde discrimination arbitraire dans leur droità la santé publique. En effet, l’OMCT s’in-quiète du fait que, en Tunisie, l’engagementpolitique d’une personne s’accompagne sou-vent de la privation des droits de ses enfantsà des soins médicaux fondamentaux. Car, enTunisie, la détention pour des raisons poli-tiques ou autres implique la privation dudroit aux soins médicaux publics pour le pri-sonnier et toute sa famille. Il s’agit d’ungrave problème pour les familles pauvresqui bénéficient, en temps normal, du soutiendu gouvernement (le “carnet de santé”), nepeuvent pas se permettre de consulter unmédecin en cas de maladie et se retrouventsoudainement privées du droit à la santé pu-blique dans les hôpitaux.18 Cette situations’inscrit en violation de l’article 24 de laCRC, qui prévoit “le droit de l’enfant de jouirdu meilleur état de santé possible et de bé-néficier de services médicaux”, et de l’article2 de la CRC.

La détention des parents d’un enfant porteégalement préjudice à son droit à l’éduca-tion tel que disposé à l’article 28 de la CRCet au principe de non-discrimination àl’égard de tous les enfants dans leur droit àl’éducation. En effet, l’association Vérité-

Action a rapporté plusieurs cas où le gou-vernement avait refusé d’octroyer desbourses d’études à des enfants de prison-niers de conscience les empêchant par lamême de poursuivre leurs études en raisonde l’appartenance du père à l’opposition po-litique.

L’OMCT déplore aussi que les enfants de ré-fugiés politiques reçoivent un traitement dis-criminatoire de la part de l’administrationpublique qui refuse de délivrer ou confisqueleurs passeports. Par conséquent, ces en-fants doivent souvent faire face à la sépa-ration forcée d’avec l’un de leur parent oudes deux parents en exil, car étant dépour-vus de documents de voyage valables, il leurest interdit de traverser les frontières na-tionales. Des familles sont divisées et cer-tains enfants se retrouvent seuls en Tunisie,pendant que les deux parents sont réfugiésà l’étranger, bien que l’article 9 de la CRCveille à ce que l’enfant ne soit pas séparé deses parents contre leur gré, et que l’article 11du CPE rappelle cette disposition.

La famille Ali Khelifi illustre ce cas de fi-gure, les six enfants ayant vécu seuls enTunisie durant quatre ans, entre 1993 et1997, tandis que leurs parents étaient enexil en France. Les enfants étaient âgés de

18 - Voir Vérité-Action, Aperçu sur la situation des enfants desprisonniers politiques en Tunisie, 15 novembre 2000. 14

moins de 15 ans et dépendaient encore éco-nomiquement de leurs parents lors de leurséparation.

Mme Ben Salem Rachida constitue unautre exemple. Afin de mettre un terme auxlongues années de souffrance qu’elle avaitvécues, elle avait tenté de traverser la fron-tière avec ses enfants pour retrouver sonmari, un opposant politique en exil auxPays-Bas. Elle a été arrêtée en 1997, avantmême d’avoir atteint la frontière, et condam-née à deux ans et trois mois de prison, avantd’être libérée en 1999. Cette situation aprivé ses enfants de soutien parental et a en-traîné une violation de leur droit à ne passouffrir d’une discrimination motivée par lesopinions déclarées ou les croyances de leursparents.19 Le refus des autorités de laisserces enfants voyager pour rejoindre leurs pa-rents constituait une discrimination à leurégard, ce qui est contraire aux articles 2 et9 de la CRC.

Une autre forme de discrimination à releverest celle à laquelle sont confrontés les en-fants de réfugiés tunisiens qui vivent àl’étranger avec leurs parents et qui sont pri-vés de leur droit à rentrer dans leur proprepays. En raison de l’appartenance de leursparents à l’opposition politique, l’ensemble

de la famille est considéré comme une me-nace pour l’ordre public du pays et se voitinterdire le retour au pays, ce qui constitueune violation de l’article 10 de la CRC.20

L’OMCT prie instamment le gouvernementtunisien de prendre “toutes les mesures ap-propriées pour que l’enfant soit effective-ment protégé contre toutes formes dediscrimination ou de sanction motivées parla situation juridique, les activités, les opi-nions déclarées ou les convictions de ses pa-rents, de ses représentants légaux ou desmembres de sa famille”, comme disposé àl’article 2 paragraphe 2 de la CRC.

4.3. Le respect des opinions del’enfant

L’OMCT considère que le non-respect de laliberté d’expression et d’opinion entraînantla détention de prisonniers politiques exposepotentiellement ces derniers à la tortureet/ou à d’autres traitements cruels, inhu-mains ou dégradants.

19 - be discriminated against on the basis of the expressed opin-ions, or beliefs of their parents. Pour obtenir des informa-tions détaillées sur ces cas, veuillez consulter CRLDH,Tunisie, Familles otages et victimes.

20 - Article 10 CRC : “[…]les Etats parties respectent le droitqu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout pays, y com-pris le leur, et de revenir dans leur propre pays.”15

L’article 12 de la CRC demande instammentaux Etats parties de garantir à l’enfant quiest capable de discernement le droit d’expri-mer librement son opinion sur toute questionl’intéressant, les opinions de l’enfant étant dû-ment prises en considération eu égard à sonâge et à son degré de maturité. L’OMCT seréjouit de la disposition du CPE relative àla protection du droit de l’enfant à exprimerses opinions, permettant à ce dernier d’êtreécouté dans toutes les procédures judiciaireset d’exprimer ses opinions quant aux me-sures sociales et scolaires le concernant.21

Cette disposition, spécifique à l’enfant, meten valeur la liberté d’expression proclaméepar la Constitution et la législation appli-cable aux adultes et aux enfants.

Malgré l’existence de ces lois protectrices,l’OMCT déplore la large variété de restric-tions imposées, en Tunisie, à la liberté d’opi-nion, d’allocution et de presse. Legouvernement utilise des méthodes directeset indirectes pour limiter la liberté de la

presse et encourager un fort degré d’auto-censure. Le gouvernement a aussi recoursau Code de la presse, qui contient de largesdispositions sur la prohibition de la sub-version et de la diffamation. Les autorités interviennent systématiquement pour pro-téger l’ordre public en interdisant les manifestations et autres activités des dé-fenseurs des droits de l’homme. Selon diverses sources d’informations, lesjeunes Tunisiens, y compris les enfants,constituent les principales cibles de “la po-lice de l’information”. Ces derniers sontprincipalement considérés comme cou-pables d’exprimer leurs opinions et de cri-tiquer la situation politique en cours, ce quirevient à les condamner pour le délit d’êtrejeunes et d’exprimer spontanément leursopinions rebelles et dissidentes. Ils sontainsi poursuivis pour un délit de statut, un“délit de jeunesse”22, ce qui est totalementdiscriminatoire vis-à-vis des adultes,puisque leur pénalisation est motivée parleur âge. Le gouvernement sanctionne le faitqu’ils soient jeunes, dynamiques et impul-sifs dans l’expression de leurs opinions dis-sidentes, ce qui représente une menace pourle régime. Par conséquent, la majorité desprisonniers d’opinion en Tunisie sont dejeunes gens, dont la plupart sont âgés de 15à 20 ans.

21 - Article 10 CPE : “Le présent code garantit à l’enfant ledroit d’exprimer librement ses opinions qui doivent êtreprises en considération conformément à son âge et à sondegré de maturité, à cette fin sera donnée à l'enfant uneoccasion spéciale pour exprimer ses opinions et être écoutédans toutes les procédures judiciaires et les mesures so-ciales et scolaires concernant sa situation.”

22 - L’expression “délit de jeunesse” a été mentionnée etdécrite par Sihem Ben Sedrim durant une conférence don-née en novembre 2001, à Genève. 16

Pour illustrer ce fait, en février 2000, leComité pour le respect des libertés et droits del’homme en Tunisie (CRLDHT) a rapportél’arrestation de 22 jeunes, parmi lesquels 12étaient âgés de moins de 18 ans, qui avaientparticipé à une manifestation à Sfax.23 Lesjeunes lycéens étaient inculpés pour parti-cipation à des manifestations non autoriséeset à des marches armées, pour atteinte auxbiens privés et publics, pour violences àl’encontre d’agents en exercice et pour avoirscandé des slogans hostiles au régime. Legouvernement avait déclaré détenir des cen-taines de lycéens, ainsi que d’autres jeunesimpliqués dans deux manifestations orga-nisées en février et en avril 2000. Plusieursd’entre eux avaient été condamnés à despeines pouvant atteindre cinq ans d’empri-sonnement. En outre, il a été révélé que cesjeunes avaient été soumis à la torture et àdes mauvais traitements durant leur gardeà vue.

Pour justifier l’attitude répressive de la po-lice tunisienne, le Président Ben Ali dé-clarait dans un discours de juillet 2000 que,bien que le devoir du gouvernement était de protéger le droit des citoyens d’avoir desopinions dissidentes, les citoyens qui criti-quaient le pays dans les médias internatio-naux étaient des “traîtres” qui seraient

poursuivis en justice dans toute la force dudroit.

L’OMCT déplore, également, la récente ré-vélation d’autres violations de la liberté d’ex-pression de l’enfant. En témoigne le Comitéinternational de solidarité pour les prison-niers politiques en Tunisie (ICSPPT) qui a in-formé l’OMCT que Wafa Ben Amor, âgéede 15 ans, avait décidé de publié un com-muniqué exprimant sa solidarité avec les enfants palestiniens. Elle avait distribué le communiqué à l’école qu’elle fréquentait,ce qui avait causé sa suspension de courspendant un mois. Ce genre de fait semblecourant.

L’OMCT exprime sa vive inquiétude face àces évènements qui semblent être monnaiecourante. L’OMCT prie instamment le gou-vernement tunisien de mettre immédiate-ment un terme à cette pratique qui viole àla fois les lois nationales et internationaleset de veiller à ce que les victimes obtiennentrapidement et dûment réparation.

L’OMCT recommande également que le gou-vernement définisse clairement les largesdispositions sur la prohibition de la sub-version et de la diffamation contenue dansle Code de la presse.

23 - Consulter un document du CRLDHT surhttp://www.maghreb-ddh.sgdg.org/crldht/2000/machine-judiciaire.html17

Eu égard à la pratique courante de la tortureen Tunisie, l’OMCT pense que le rapport dugouvernement concernant les problèmes detorture et d’autres formes de mauvais traite-ments est inadéquat. Le rapport n’apporte quetrès peu d’informations sur les cas de mau-vais traitements ou de torture d’enfants et surla protection juridique qui leur est accordée.Par conséquent, l’OMCT juge que le gou-vernement doit fournir davantage d’infor-mations au Comité.

5.1. Le cadre juridique de laTunisie

Bien que la Constitution ne dispose d’aucuneprotection contre la torture, la sanction pénaleest particulièrement sévère lorsque la tortureest perpétrée dans le cadre d’une affaire à ca-ractère judiciaire24. C’est ce que reflète l’ar-ticle 101 du Code pénal qui punit “Toutfonctionnaire public ou assimilé qui, dansl’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sesfonctions a, sans motif légitime, usé ou fait

user de violence envers les personnes” d’un“emprisonnement de 5 ans et d’une amendede 500 francs.”

En outre, l’article 103 du Code pénal stipulequ’ “Est puni de l’emprisonnement pendant5 ans et d’une amende de 500 francs, le fonc-tionnaire public qui porte une atteinte illégitime à la liberté individuelle d’autrui ouqui exerce ou fait exercer des violences ou des mauvais traitements contre un accusé,un témoin, un expert, pour en obtenir desaveux ou des déclarations. S’il y a eu seule-ment menaces de violences ou de mauvaistraitements, le maximum de la peine d’em-prisonnement est réduit à 6 mois.” En vertude l’article 105 du Code pénal, “Les fonc-tionnaires publics ou assimilés qui, en re-courant à l’un des moyens visés dans l’article103, ont employé des hommes de corvée àdes travaux autres que ceux d’utilité publiqueordonnés par le gouvernement ou reconnusurgents dans l’intérêt des populations, sontpunis d’un emprisonnement de 2 ans et d’uneamende de 500 francs.”

V. Protection contre la torture et autres traitementscruels, inhumains ou dégradants

24 - Voir le deuxième rapport périodique des Etats parties at-tendu en 1993 : Tunisie, CAT/C/20/Add.7, 22 décembre1997, paragraphe 18. 18

L’OMCT est vivement préoccupée par l’ab-sence, dans le droit tunisien, d’une définitionde la torture, ce qui est contraire à l’article 4de la CAT.25 En effet, l’OMCT rejoint les ob-servations du Comité contre la torture concer-nant le fait que “le Code pénal tunisien utilisenotamment le terme ‘violence’ au lieu duterme de torture et l’article 101 du Code pé-nal ne pénalisant le recours à la violencequ’en l’absence de motif légitime.”26 Enoutre, l’OMCT déplore le manque de préci-sion du Code pénal en ce qui concerne lapossibilité ou non de retenir comme preuvesà charge des déclarations obtenues d’une per-sonne par la violence ou par la torture. C’estpourquoi l’OMCT prie instamment le gou-vernement tunisien d’amender son Code pé-nal afin de le rendre conforme à l’énoncé del’article 1 de la CAT.27

5.2. Les victimes de la torture enTunisie

Lors de l’examen du second rapport pério-dique, le Comité contre la torture a déclaréêtre préoccupé “ par le large fossé qui existeentre le droit et la pratique en ce quiconcerne la protection des droits de l’homme”en Tunisie. Le Comité était “particulièrement

troublé par des rapports faisant état de pra-tiques répandues de torture et d’autres trai-tements cruels et dégradants perpétrés par lesforces de sécurité et par la police et qui, danscertains cas, ont entraîné la mort de per-sonnes placées en garde à vue.” En outre, ilétait “préoccupé par les pressions et les me-sures d’intimidation auxquelles recourent desfonctionnaires pour empêcher les victimes dedéposer plainte.”28

Selon diverses sources d’informations, la dé-tention motivée par des raisons politiques se-rait une pratique encore largementrépandue en Tunisie et les forces de sécuritéauraient habituellement recours à des mé-thodes de torture variées pour obtenir des

25 - Article 4 CAT : “Tout Etat partie veille à ce que tous lesactes de torture constituent des infractions au regard deson droit pénal.”

26 - Observations finales du Comité contre la torture : Tunisie.19/11/98. A/54/44, par. 95

27 - Art 1 CAT : “Aux fins de la présente Convention, le terme“torture” désigne tout acte par lequel une douleur ou dessouffrances aiguës, physiques ou mentales, est inten-tionnellement infligée à une personne aux fins notammentd'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseigne-ments ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou unetierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir com-mis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'in-timider ou de faire pression sur une tierce personne, oupour tout autre motif fondé sur une forme de discrimina-tion quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de tellessouffrances sont infligées par un agent de la fonctionpublique ou toute autre personne agissant à titre officielou à son instigation ou avec son consentement exprès outacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souf-frances résultant uniquement de sanctions légitimes, in-hérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.”

28 - Observations finales du Comité contre la torture : Tunisie.19/11/98. A/54/44, par. 96.19

aveux de la part des détenus.29 A ces pra-tiques exécrables, il faut ajouter celles des dé-tentions arbitraires sans charges ni procès, dela disparition forcée, de la torture et d’exé-cutions extrajudiciaires, qui seraient monnaiecourante à en juger par les nombreux té-moignages rapportés par des détenus ou desdéfenseurs des droits de l’homme et de l’en-fant.

L’OMCT souhaite exprimer son inquiétudeconcernant des allégations de pratiques lar-gement répandues de mauvais traitements à l’encontre des jeunes délinquants par les officiers de police. Selon plusieurs sourcesd’informations, les jeunes toxicomanes (com-prenant des moins de 18 ans) et/ou les délinquants constitueraient les cibles prin-cipales des autorités tunisiennes et seraientcontinuellement victimes de torture etd’autres traitements inhumains et dégradants.A titre d’exemple, Hassène Azouzi, qui était

âgé de moins de 18 ans lors de son arresta-tion, le 17 mars 2001, a été inculpé pourusage de stupéfiants. Détenu dans une prisonpour adultes, au côté d’autres jeunes délin-quants, il a subi des agressions sexuelles etd’autres formes de mauvais traitements, avantde décéder dans des conditions suspectes.30

Le Conseil National des Libertés en Tunisie(CNLT)31 a rapporté un autre cas de tortured’enfants. Il s’agit de Mohamed SalahDridi, 16 ans, qui a été arrêté le 13 dé-cembre 1999. Cet enfant a été accusé decomplicité dans une affaire de vol de chien(qui a été retrouvé peu de temps après). Il aété torturé et sexuellement maltraité par deuxofficiers de police et souffre encore d’un trau-matisme psychologique profond.32

Dans son rapport, le CNLT a transmis àl’OMCT des témoignages de 150 jeunes, dontdes enfants, qui avaient été arrêtés en 1998pour usage de stupéfiants. Les témoins y dé-crivent les horrifiantes séances de torturequ’ils ont dû supporter et racontent en détailsles méthodes de persécution utilisées par leurbourreau. Ces méthodes comprennent l’élec-trochoc, l’immersion de la tête dans l’eau, lescoups de poing et de matraque, les brûluresde cigarette et la privation de nourriture et desommeil. Les forces de sécurité tunisiennes

29 - Voir, notamment, le rapport soumis par l’Observatoire dela protection des défenseurs des droits de l’homme (OMCTet FIDH), Human Rights Watch et AmnestyInternational, The Administration of Justice in Tunisi,Torture, Trumped-up charges and a tainted trial, Vol. 12,No 1 (E), March 2000.

30 - Voir l’article du CNLT sur http://www.maghreb-ddh.org/actualites/actu.php?id=20(des détails sont donnés sur ce cas aux pages 20 et 21 dece rapport).

31 - Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT),Rapport sur l’Etat des Libertés en Tunisie, March 2000.(voir site Web : http://www.mygale.org/tuniscom/rap-portcntl.htm).

32 - Ibid. p.18. 20

emploieraient aussi la méthode de la “rôtis-serie”. Elles frapperaient sur les corps nusdes prisonniers suspendus à une corde, enayant préalablement menotté les poignets desvictimes derrière les hanches. Une autre mé-thode de torture connue est celle de la falaqaqui consiste à suspendre un prisonnier par lespieds et à appliquer des coups violents sur laplante des pieds. Il existe, également, les mé-thodes de la suspension du prisonnier par lespieds à une porte en métal de sa cellule jus-qu’à ce que ce dernier perde connaissance etcelle du confinement du prisonnier dans le“cachot”, une cellule minuscule et obscure.A la fois le LTDH et le CNLT rapportent descas d’automutilation des prisonniers qui pro-testent ainsi contre les conditions d’empri-sonnement et dénoncent la réaction desautorités carcérales qui, en guise de punition,appliquent des points de suture sans anes-thésie sur les prisonniers s’étant blessés vo-lontairement, avant de les mettre à l’isolementou de les jeter dans un “cachot”. Ces mé-thodes de torture sont infligées à la fois auxenfants et aux adultes.

Le Comité international de solidarité aux pri-sonniers politiques en Tunisie (ICSPPT) a éga-lement communiqué à l’OMCT plusieurs casde torture et d’autres traitements cruels ou dé-gradants infligés à des enfants en Tunisie. Les

adolescents âgés de 15 à 18 ans sont fré-quemment arrêtés pour avoir participé à desmanifestations contre le gouvernement, pourdélinquance juvénile ou pour “participationà une organisation illégale”. Ils sont détenusdans des prisons pour adultes et sont quel-quefois placés avec des pédophiles pouranéantir leur volonté. Ils sont victimes de violou de tentative de viol de la part des autori-tés et/ou de leur compagnon de cellule et sontsouvent soumis à la torture et à d’autresformes de mauvais traitements.

Selon les informations reçues par l’ICSPPT,ce genre de mauvais traitements aurait été in-fligé, notamment, à Mourad Riahi, arrêté àl’âge de 16 ans et condamné à quatre ans deprison, à Maher Slimane, arrêté à l’âge de 16 ans et condamné à 20 ans de prison(toujours en détention à l’heure actuelle) ; à Younes Hammadi, 15 ans, condamné à 5 ans de prison et à Mohamed Sakka, 16 ans, au moment de son arrestation, etcondamné jusqu’en 1998.

Un autre exemple décrit par le CNLT33 estcelui d’Ali El Metoui, reconnu coupable departicipation à des manifestations du lycée etcondamné à 16 mois de prison où il aurait étésoumis à la torture alors qu’il était âgé de 16ans. Fils d’un détenu politique, il continuait

33 - Ibid.21

de faire l’objet de différentes formes de har-cèlements et de mauvais traitements après saremise en liberté. Jusqu’en novembre 1999,il a dû se rendre au commissariat toutes lesdeux heures, dans un premier temps, puismoins souvent ; il a dû endurer les visites ré-gulières de la police à son domicile à touteheure de la journée et de la nuit et a été tor-turé à ces occasions. Il a essayé de reprendreses études, mais a été systématiquement per-turbé par des policiers qui le forçaient à quit-ter la salle chaque fois qu’il essayait de passerle baccalauréat. Les policiers l’emmenaientalors au poste de police pour le frapper, lemenacer et l’insulter. Le Ministère de l’édu-cation a fini par le disqualifier et il ne sera,par conséquent, jamais en mesure de termi-ner ses études au lycée.

La torture continue d’être un problème enTunisie dû au climat d’impunité qui est ali-menté par un système judiciaire ignorant lespreuves de torture et s’appuyant sur desaveux obtenus sous la contrainte pourcondamner des défendeurs. Des avocats desdroits de l’homme maintiennent que lescharges de torture et de mauvais traitementssont difficiles à prouver car les autorités gou-vernementales refusent souvent les examensmédicaux jusqu’à la disparition de toute tracede violence. Malgré ce refus et le manque

d’enquête sur les allégations de torture, leCNTL a déclaré dans son rapport de mars2000 sur la torture que la police refuse sou-vent d’enregistrer des plaintes et que les jugesécartent les plaintes déposées par de pré-tendues victimes de torture au terme d’unecourte enquête ou même sans enquête préa-lable.34

L’OMCT rappelle les observations finales duComité contre la torture35, notamment qu’ “enpersistant à nier ces allégations, les autoritésaccordent en fait l’immunité aux responsablesd’actes de torture et encouragent donc lapoursuite de ces odieuses pratiques.”

L’OMCT est vivement préoccupée par l’éten-due de la pratique de la torture qui n’épargnepas les enfants et demande instamment au gouvernement tunisien de reconnaître lagravité de ce problème et d’y répondre pardes mesures efficaces. Le gouvernement doitveiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent immédiatement l’objet d’une enquête ap-profondie et impartiale et que toutes lesconclusions de l’enquête soient rendues pu-bliques. Il doit veiller à ce que les coupablessoit identifiés, traduits devant un tribunalcompétent et impartial et à ce que les sanc-tions prévues par la loi soient appliquées.

34 - Ibid.35 - Observations finales du Comité contre la torture : Tunisie.

19/11/98. A/54/44,par.88-105. 22

5.3. Les enfants de prisonniers po-litiques et de réfugiés victimesde la torture

Bien que l’article 13 de la Constitution tu-nisienne dispose que la peine est personnelleet ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loiantérieure punissable, il semblerait, d’aprèsplusieurs sources d’informations, que les familles de détenus et de personnes en exilsoient fréquemment sujettes à des arresta-tions, à la violence et à des abus sexuels ouà des menaces d’abus sexuels comme moyende pression sur leurs parents en prison ou en exil ou pour punir ces derniers.36 Or, cettepratique s’inscrit en flagrante violation de laCRC qui dispose à l’article 2(2) que “LesEtats parties prennent toutes les mesures ap-propriées pour que l’enfant soit effectivementprotégé contre toutes formes de discriminationou de sanction motivées par la situation juri-dique, les activités, les opinions déclarées oules convictions de ses parents, de ses repré-sentants légaux ou des membres de sa fa-mille.”

Les menaces et le harcèlement des femmeset des enfants de prisonniers politiquesconstituent des méthodes couramment utili-sées par les autorités comme moyens de pres-sion sur quiconque aurait des opinions

dissidentes au régime ou pour intimider cesdissidents. Les enfants des défenseurs desdroits de l’homme vivent dans la crainte du“moudahamat”, descente nocturne et brutalede la police, et sont témoins d’enquêtes vi-ciées et des mauvais traitements infligés àleurs mères.37 Ils sont terrorisés, interrogéset menacés (y compris sexuellement).L’ensemble de la famille est soumis à desmauvais traitements de la part de la police,soit par arrachement d’informations demembres de la famille sur l’un de sesproches, soit par simples représailles contreune personne qui exprime son opposition aurégime. Les mauvais traitements infligés sontles suivants : harcèlement conjugué à la vio-lence physique, psychologique et sexuelle oumenaces de violence, placement en maisond’arrêt, confiscation des papiers d’identité im-pliquant le retrait du droit de visite au pri-sonnier, retrait du passeport, incitation audivorce, etc.

Dans plusieurs cas, la violence endurée parles épouses et par les enfants pourrait être as-similée à de la torture en raison de l’immensesouffrance qui leur est intentionnellement

40 - Voir C.R.L.D.H. Tunisie, (Comité pour le respect des libertéset des droits de l'homme en Tunisie), Familles otages et vic-times,http://www.maghreb-ddh.sgdg.org/crldht/familles.html#fn3.Voir, également, la remarque du Comité contre la torturedans ses observations finales : Tunisie. 19/11/98. A/54/44,par. 99.

41 - Voir Vérité-Action, Aperçu sur la situation des enfants desprisonniers politiques en Tunisie, 15 novembre 2000.23

infligée par un agent de police, à son insti-gation ou avec son consentement. Il s’agit ducas de Zohra Sa’d Allah et de ses trois en-fants, dont le père a quitté le pays en 1995après quatre ans en détention, et de MouniaDaikh, également mère de trois enfants, dontle père est à l’étranger depuis plusieurs an-nées. Ces deux familles restées en Tunisiesans époux ni pères subissent continuelle-ment des harcèlements ; les mères ont été ar-rêtées à maintes reprises et maltraitées lorsde leurs interrogatoires, leurs maisons ont faitl’objet de descentes de police, de jour commede nuit, et il leur est interdit de quitter lepays.38

L’OMCT déplore profondément les effets phy-siques et psychologiques nocifs que cette ré-pression répercute sur les enfants et sur lesadultes. L’OMCT est vivement préoccupéepar les mauvais traitements qui sont parfoisassimilables à des actes de torture et à destraitements inhumains ou dégradants et quisont infligés à des parents de prisonniers po-litiques ou de défenseurs des droits del’homme en exil. Le gouvernement tunisiendoit traiter sérieusement le problème de laviolence infligée aux enfants et doit prendretoutes les mesures nécessaires pour mettre unterme à ces pratiques de façon immédiate etefficace.

6.1. La protection contre toutes lesformes de violence

Selon Moncef Marzouki, un professeur de mé-decine tunisien, le problème de la violencecontre les enfants en Tunisie a souvent été nié par les médecins et par les pédiatres. Cesderniers ont toujours affirmé n’avoir jamaiseu à traiter d’enfants victimes des mauvaistraitements infligés par leurs parents.

Pourtant les renseignements donnés et lesfaits prouvent que les actes de violence sontencore monnaie courante dans l’éducationtraditionnelle en Tunisie. En effet, seulement20% des familles insistent sur le fait qu’ellesne battent jamais leurs enfants. Dans la culture traditionnelle, le châtiment corporeldes femmes et des enfants désobéissants estconsidéré comme normal. En fait, 64% des parents considèrent que battre leurs enfants est favorable à leur éducation. Les

38 - Amnesty International, Tunisia, a widening circle of re-pression, AI-index : MDE 30/025/1997, June 1997.

39 - Moncef Marzouki, “L’enfant battu et les attitudes cul-turelles : l’exemple de la Tunisie”, in Child Abuse &Neglect, USA, vol. 11, 1987, pp.137-141 24

VI. Violence contre les enfants

motivations varient, certains y voient unmoyen d’enseigner les bonnes manières(60%), d’autres d’améliorer les résultats sco-laires (30%), d’autres encore y voient unmoyen d’inculquer aux enfants l’obéissanceet la peur (26%), ce qui, dans la culture tra-ditionnelle, est un signe de bonne éducation.

Les jeunes garçons de moins de 12 ans setrouvent plus exposés que les filles aux châtiments corporels, c’est un fait tradition-nellement accepté par la société. L’enfant reçoit des coups sur tout le corps, hormis latête qui est, généralement, épargnée.Traditionnellement, c’est au père que revientla tâche d’infliger le châtiment, mais la mèreet l’enseignant ont également leur part de res-ponsabilité.

Selon une enquête informelle, c’est à l’écoleque les enfants sont le plus souvent soumisà des châtiments corporels. En effet, en tantque produits de leur époque, les écoles re-produisent le même type de méthodes fon-dées sur l’obéissance, l’aliénation et sur laviolence. La pratique actuelle autorise les en-seignants tunisiens à utiliser les châtimentscorporels comme méthode d’enseignement.Ce genre de violence infligée aux enfants nefigure pas parmi les questions à traiter par legouvernement tunisien ; il s’agit plutôt d’une

pratique honorée et généralisée comme unepartie de la culture locale. Or, cette tolérancetraditionnelle vis-à-vis de la violence infligéeaux enfants s’inscrit, non seulement en vio-lation de l’article 19 de la CRC qui disposeque les enfants sont protégés contre “touteforme de violence, d’atteinte ou de brutalitésphysiques ou mentales” pendant qu’ils sontsous la garde de leurs parents ou d’autres per-sonnes, mais elle s’inscrit également en fla-grante violation de l’article 28(2) de la CRCqui demande à ce que “la discipline scolairesoit appliquée d’une manière compatible avecla dignité de l’enfant en tant qu’être humain.”

En outre, l’OMCT juge qu’en vertu de l’article37 de la Convention, la Tunisie est liée parune obligation de diligence qui requiert desEtats parties d’adopter des mesures de pré-vention, de protection et de réparation contreles abus perpétrés par des particuliers. Etantdonné que le gouvernement ne répond pasentièrement à cette obligation quant aux châ-timents corporels infligés par les parents oules enseignants, la Tunisie doit être tenuepour responsable, au moins, pour traitementscruels, inhumains ou dégradants, en vertu del’énoncé de l’article 37 de la CRC.

L’OMCT se réjouit des dispositions promul-guées par le gouvernement et visant à la

25

protection des enfants contre les “mauvaistraitements habituels”. L’article 24 du CPEest le plus significatif, il définit le “mauvaistraitement habituel” comme “la soumissionde l’enfant à la torture, à des violations répétées de son intégrité physique, ou sa dé-tention, ou l’habitude de le priver de nourri-ture, ou de commettre tout acte de brutalitéqui est susceptible d’affecter l’équilibre affectif ou psychologique de l’enfant.”L’OMCT regrette toutefois que le CPE ne pré-cise pas si cet article peut aussi s’appliqueraux châtiments corporels occasionnellementinfligés à l’enfant, en particulier, comme mé-thode d’éducation.

Quant au Code pénal, l’OMCT se réjouit del’article 224 qui définit le “mauvais traite-ment habituel” d’un enfant comme un crimepunissable de 5 ans de prison et d’uneamende de 500 francs.40 Pourtant, malgrél’existence de cette législation stricte, des casde mauvais traitement d’enfants au foyer ont

encore lieu. Cet article ne semble pas s’ap-pliquer aux châtiments corporels infligés aux enfants comme méthode d’éducation, cet acte n’étant jamais punissable. La tradition tunisienne, qui accorde le droit d’infliger des corrections et d’imposer la discipline, agit implicitement comme une dérogation à l’application de l’article 224 du CP. Il est pourtant évident que toute pu-nition, régulière ou non, qui nuit à l’intégritéphysique et psychologique de l’enfant, consti-tue un très grave crime, même si elle est to-lérée par la culture. Il est regrettable que,selon la législation en vigueur en Tunisie,l’auteur de ce crime ne soit soumis à aucunesanction.

L’OMCT recommande, par conséquent, quele gouvernement tunisien précise qu’il consi-dère comme inacceptables toutes les formesde mauvais traitements infligés aux enfants,indépendamment de la fréquence avec la-quelle ils sont infligés.41 L’OMCT recom-mande que l’amendement de la législationactuelle soit traitée prioritairement afin de la rendre conforme aux dispositions de laCRC et de garantir une protection adéquatede l’intégrité physique et psychologique del’enfant.

40 - Article 224 CP : “Est puni de cinq ans de prison et d'uneamende de 500 francs, quiconque maltraite habituellementun enfant ou tout autre incapable de l'un ou l'autre sexe,placé sous son autorité ou sa surveillance, sans préjudice,s'il y a lieu, des peines plus graves prévues pour les vio-lences et voies de fait. Est considérée comme mauvaistraitement tombant sous l'application du paragraphe précé-dent, la privation habituelle d'aliments ou de soins.

41 - Voir communication de M. HAMMARBERG dans lecompte rendu analytique de la 226e session : Tunisie.13/06/95. CRC/C/SR.226. 26

6.2. La protection contre les abussexuels

En vertu de l’article 19, la CRC protège lesenfants contre la violence sexuelle. Leconcept d’abus sexuel à l’égard d’enfantss’entend d’une agression sexuelle violente,mais aussi d’autres activités sexuelles,consensuelles ou non, avec des enfants consi-dérés comme immatures ou en decà de l’âgelégal pour entretenir des rapports sexuels. Laviolence sexuelle s’étend également à l’ex-ploitation sexuelle telle que visée à l’article34 de la CRC42.

L’OMCT se réjouit que la violence sexuellesoit condamnée par la législation tunisienne.En vertu de l’article 228 du CP, “Est punid’un emprisonnement pendant six ans, l’at-tentat à la pudeur, commis sur une personnede l’un ou de l’autre sexe sans son consen-tement. La peine est portée à douze ans deprison si la victime est âgée de moins de dix–huit ans accomplis. L’emprisonnement seraà vie si l’attentat à la pudeur précité a étécommis par usage d’arme, menace, séques-tration ou s’en est suivi blessure par ou mu-tilation ou défiguration ou tout autre acte denature à mettre la vie de la victime en dan-ger.”

L’article 228 bis du CP ajoute que “L’attentatà la pudeur commis sans violence sur la personne d’un enfant âgé de moins de dix-huit ans accomplis, est puni de cinq ansd’emprisonnement. La tentative est punis-sable.”

L’OMCT se félicite du fait que l’attentat à la pudeur commis sur la personne d’un en-fant soit punissable au pénal.43 Les articles232 à 234 du CP prévoient également dessanctions spécifiques pour l’exploitationsexuelle des enfants ; ce crime est puni soitde 3 à 5 ans d’emprisonnement, soit d’uneamende de 5.000 dinars.

Malgré la sévérité des sanctions, différentessources d’informations montrent encorel’étendue de la pratique de la violence et del’exploitation sexuelle à l’égard des enfantsen Tunisie, à la fois dans le foyer familial et dans la rue. L’OMCT déplore le silence du rapport de l’Etat tunisien à ce sujet. Uneétude a été menée à partir de 354 cas d’en-fants victimes d’agressions physiques etsexuelles et qui ont recouru aux services d’urgence d’un hôpital tunisien entre 1994 et

42 - “Les Etats parties s'engagent à protéger l'enfant contretoutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sex-uelle.”

43 - Article 229 CP : La peine est le double de la peine en-courue, si les coupables des infractions visées aux articles227 bis, 228, 228 bis sont des ascendants de la victime,s'ils ont de quelque manière que ce soit autorité sur elle,s'ils sont ses instituteurs, ses serviteurs, ses médecins, seschirurgiens dentistes, ou si l'attentat a été commis avecl'aide de plusieurs personnes.27

1996.44 Cette étude a souligné le fait que lamajorité des enfants abusés étaient des fillesâgées entre zéro et quinze ans et des garçonsâgés entre sept et quinze ans. La plupart dutemps, l’agresseur était un parent ou une per-sonne connue de la victime. Les victimes fé-minines d’un acte d’agression qui entrent àl’hôpital souffrent généralement de blessuresplus graves que les garçons, ce qui pourraitimpliquer que la famille dissimule la plupartdes actes d’agressions n’entraînant pas deblessures graves.

Dans le cadre du droit tunisien, les filles sontles plus protégées et ne peuvent entretenir derelations sexuelles avant l’âge de 20 ans.Pourtant, malgré les lois et la culture, la

violence sexuelle a toujours cours, même sice sujet très critique est souvent laissé dansl’ombre. En outre, les victimes tendent à nepas dénoncer les infractions, car elles se trou-vent soumises à l’oppression d’une personnefamilière exerçant de l’autorité et de l’in-fluence sur elles.

L’OMCT recommande que le gouvernementtunisien mène une étude sur la nature etl’étendue de ce problème, et qu’il prenne desmesures contre la violence sexuelle dont lesenfants sont encore victimes en Tunisie. Lesenfants victimes de violation de leur intégritésexuelle doivent être dûment indemnisés etfaire l’objet de réadaptation et de réinsertion.

VII. Enfants en situation de conflit avec la loi7.1. L’âge de la responsabilité pé-

nale

Par rapport à l’article 40 de la CRC, le Codepénal tunisien (articles 38 et 43) et le CPE(articles 68 et suite) établissent “un âge

minimum au-dessous duquel les enfants serontprésumés n’avoir pas la capacité d’enfreindrela loi pénale.” L’OMCT salue la législation tunisienne qui stipule qu’une infraction commise par un enfant de moins de 13 ansn’est pas punissable.45 Entre 13 et 15 ans, le CPE considère encore l’enfant comme incapable d’infraction au code pénal, même si sa culpabilité peut être prouvée.46

Avant l’âge de 15 ans, un enfant qui commet

44 - Chibi A., L’enfant victime de violences, Thèse de doctoraten médecine, Faculté de Sousse- Tunisie, 1997.

45 - Article 38 CP : “L'infraction n'est pas punissable lorsquele prévenu n'a pas dépassé l'âge de 13 ans révolus autemps de l'action.”

46 - Article 68 CPE : “L’enfant âgé de moins de treize ans estprésumé irréfragablement n’avoir pas la capacité d’en-freindre la loi pénale, cette présomption devient réfragablepour les enfants âgés de treize à quinze ans révolus.” 28

un délit ne peut être placé en détention, maisla loi reste vague concernant la punition pré-vue pour un enfant de 15 ans reconnu cou-pable d’un crime. Un enfant de moins de 18ans jouit d’une responsabilité limitée, euégard à la nature et à la gravité de l’infraction,à la personnalité de l’enfant et aux circons-tances des faits,47 mais il peut exception-nellement être l’objet d’une sanction pénale.48

7.2 Les procédures judiciairespour mineurs

L’OMCT se réjouit du fait que les enfants ensituation de conflit avec la loi bénéficient,dans le cadre du droit tunisien, du droit à untraitement spécial, à la fois dans l’adminis-tration de la justice et dans les sanctions in-fligées. Entre 13 et 18 ans, un enfant accuséd’un délit mineur, de mauvaise conduite oude crime ne peut être entendu devant des ju-ridictions pénales ordinaires ; il n’est justi-ciable que du juge pour enfants.49 L’OMCT,salue également l’adoption, en mai 2000,d’une nouvelle loi50 qui institue un doubledegré de juridiction dans le domaine pénalpour entendre les crimes commis par des enfants.

En outre, l’OMCT se réjouit d’observer queles enfants accusés d’un crime bénéficient degaranties spéciales pour leur défense et laprotection de leur intégrité physique et psy-chologique. Lorsque le juge les a condamnés,les enfants bénéficient d’une réduction depeine par rapport à la peine applicable auxadultes et ils ne peuvent pas être détenuspendant plus de 10 ans.51 La peine d’em-prisonnement reste exceptionnelle et doit êtreexécutée dans des institutions spécialisées etadaptées pour recevoir les enfants.52

47 - Article 69 CPE : “Tous les crimes, sauf ceux entraînant mortd'homme, peuvent être correctionnalisés en considérationde la nature de l'infraction, sa gravité, l'intérêt lésé, ou lapersonnalité de l'enfant et les circonstances de l'affaire.”

48 - Article 79 CPE : “Ils pourront exceptionnellement, lorsquele dossier du fait commis et celui de la personnalité de l'en-fant, leur paraîtront l'exiger, prononcer à l'égard de l'enfantâgé de plus de quinze ans, une sanction pénale. En ce cas,la peine s'exécute dans un établissement adapté et spé-cialisé.”

49 - Article 71 CPE : “Les enfants, âgés de treize à dix-huit ansrévolus auxquels est imputée une infraction qualifiée con-traventions délits ou crime ne sont pas déférés aux juri-dictions pénales de droit commun. Ils ne sont justiciablesque du juge des enfants ou du tribunal pour enfants.”

50 - La loi 2000/53 est entrée en vigueur le 22 mai 2000, com-plétant certaines dispositions du Code de la protection desenfants.

51 - Article 43 CP : “Tombent sous la loi pénale, les délinquantsâgés de plus de 13 ans révolus et moins de 18 ans révolus.Toutefois, lorsque la peine encourue est la peine de mort oul'emprisonnement à vie, elle est remplacée par un empris-onnement de dix ans. Si la peine encourue est celle de l'em-prisonnement à temps, elle est réduite de moitié.”

52 - Article 79 CPE : “ Ils pourront exceptionnellement, lorsquele dossier du fait commis et celui de la personnalité de l'en-fant, leur paraîtront l'exiger, prononcer à l'égard de l'enfantâgé de plus de quinze ans, une sanction pénale. En ce cas,la peine s'exécute dans un établissement adapté et spé-cialisé.”29

L’OMCT est néanmoins préoccupée par lamauvaise application des lois, compte tenudes informations reçues concernant la dé-tention et la torture d’enfants d’opposants po-litiques au gouvernement.

En outre, des enfants accusés de délinquanceont également été soumis à la torture. LeCNLT a fourni des exemples de dysfonc-tionnement du système judiciaire tunisienpour mineurs, notamment celui deHassène Azouzi qui n’avait pas encore 18ans au moment de son arrestation, le 17 mars2001. Il a été accusé de toxicomanie etcondamné à une peine d’emprisonnementdans un secteur pour adultes connu pour ladureté de ses conditions. Le pavillon D de laprison du “9 Avril” est réservée aux jeunesdétenus anciens toxicomanes. Ces derniersn’ont plus de contact avec leur famille et peu-vent, par conséquent, être aisément l’objetd’agressions sexuelles. Au terme de plusieursmois de détention dans des conditions in-humaines, durant lesquels il a été soumis àdes harcèlements et à des mauvais traite-ments, il montrait de sérieux signes de fai-blesse et de morbidité et a finalement étéretrouvé mort dans des circonstances trèssuspectes.

L’OMCT souhaite exprimer son inquiétudevis-à-vis des rapports qu’elle reçoit fré-quemment sur les cas de torture de jeunesdélinquants et sur leur condamnation à despeines réservées aux adultes, bien quen’ayant pas atteint l’âge légal de la respon-sabilité pénale.

L’OMCT demande instamment que le gou-vernement tunisien mène une enquête sé-rieuse sur les cas similaires et, en particulier,sur le cas du jeune Hassène, afin de dé-couvrir les causes exactes de son décès,d’identifier les responsables et de les porterdevant un tribunal compétent et impartialpour appliquer les sanctions correspondantes.

L’OMCT insiste également sur l’urgence pourle gouvernement tunisien de prendre toutesles mesures nécessaires afin d’appliquer ef-ficacement la législation actuelle sur la jus-tice pour mineurs et afin de faire respecter ledroit de l’enfant à bénéficier d’une réductionde peine et à être détenu dans des établis-sements différents de ceux réservés auxadultes.

30

VIII. Conclusions et RecommandationsL’OMCT s’inquiète profondément de l’im-portance du fossé qui existe entre des dis-positions juridiques complètes et la faiblesseou l’inexistence de leur mise en oeuvre. Enrappelant une recommandation émise en oc-tobre 199453 par le Comité des droits del’homme des Nations-Unies, l’OMCT prie ins-tamment le gouvernement tunisien deprendre des mesures pour renforcer l’indé-pendance des institutions judiciaires et cellesdes droits de l’homme en Tunisie, afin decombler le fossé qui existe entre le droit et lapratique et de stimuler la confiance du publicdans ces institutions.54 La République tuni-sienne doit veiller, par tous les moyens, à uneapplication adéquate et efficace des lois pro-mulguées pour garantir la promotion et la pro-tection efficace des droits fondamentaux del’enfant.

L’OMCT est vivement préoccupée par la discrimination qui existe dans le droit etdans la pratique entre les filles et les garçonset aimerait appeler le gouvernement tunisienà :

• Introduire une disposition de non-

discrimination dans le CPE afin de lerendre conforme à l’article 2 de laConvention ;

• Fixer à 18 ans l’âge nubile minimum, à lafois pour les filles et pour les garçons ;

• Amender l’ensemble des dispositions dis-criminatoires qui sont principalement dé-favorables aux filles dans les domainestraditionnellement régis par la Charia (lapropriété, l’héritage et le droit familial) ;

• Traiter le problème de la discriminationsociétale auquel sont confrontées lesfillettes, notamment dans le secteur privéde l’emploi et dans l’éducation ; et, avanttout, abolir le décret 108 introduit par leMinistère de l’éducation constituant unesource de discrimination indirecte àl’égard des filles dans l’application de leurdroit à l’éducation et de discriminationfondée sur la croyance et l’opinion ;

• Prendre toutes les mesures nécessairespour veiller à ce que le droit à des soins

53 - Comité des droits de l’homme des Nations-Unies, octobre1994, Index UN : M/CCPR/C/52/COM/TUN/3

54 - “close the gap between law and pratice and enhance theconfidence of the public in those institutions”31

médicaux et à l’éducation soient appli-qués de façon égale pour tous les enfants,indépendamment de l’engagement poli-tique des parents ;

• Prendre des mesures pour mettre unterme à la discrimination dont sont vic-times les enfants de détenus politiques oude réfugiés par la confiscation de leurcarte d’identité et de leur passeport etpour veiller à ce qu’ils soient autorisés à“entrer dans un Etat partie ou de le quit-ter aux fins de réunification familiale”(comme dispose l’article 10 de la CRC) ;

Concernant le respect de la liberté d’opi-nion des enfants tunisiens, l’OMCT recom-mande que le gouvernement

• Prenne des mesures pour veiller à l’exer-cice de la liberté d’opinion et d’expres-sion, conformément aux articles 12, 13 et14 de la CRC ;

• Amende et clarifie les larges dispositionscontenues dans le Code de la presse pros-crivant la subversion et la diffamation quiprotège excessivement la politique et lesagents gouvernementaux de la critique55,

et mette un terme à la large applicationdes restrictions imposées à la libertéd’opinion, de discours et de presse enTunisie.

En ce qui concerne le problème de la torture et des autres peines ou traite-ments cruels, inhumains ou dégra-dants, l’OMCT déplore que les autoritéspersistent à nier les allégations de torture, at-titude qui garantit aux responsables de cesactes une totale impunité. Par conséquent,l’OMCT demande instamment au gouverne-ment tunisien de

• Adopter une disposition permettant derendre le droit pénal tunisien conforme àl’article 1 de la Convention contre la tor-ture, en introduisant principalement unedéfinition claire du terme “torture”, aulieu de s’en tenir à l’utilisation du terme“violence” ;

• Prendre toutes les mesures nécessairespour veiller à ce que les plaintes de casde torture et de mauvais traitements d’en-fants soient effectivement prises encompte. Garantir une enquête immédiateet impartiale sur les circonstances de casde torture allégués, identifier les respon-sables, les porter devant un tribunal com-

55 - “which unduly protect Government policy and officials fromcriticism”. Voir les recommandations faites par le Comitédes droits de l’homme des Nations-Unies, en octobre 1994[cf UN Index: M/CCPR/C/52/COM/TUN/3] 32

pétent et impartial et appliquer les sanc-tions prévues par la loi. Veiller à rendrepublique la totalité des conclusions del’enquête ;

• Accorder une indemnisation aux enfantsvictimes de la torture et d’autres traite-ments cruels, inhumains ou dégradants etpermettre leur réadaptation et réinsertion ;

• Prendre des mesures pour veiller à ce queles enfants présumés victimes de la tor-ture et de mauvais traitements subissentimmédiatement un examen médical sans attendre la disparition des traces de vio-lence. De même, veiller à la réalisationd’une autopsie approfondie à la suite dechaque décès survenu en garde à vue ;

• Traiter sérieusement le problème de laviolence subie par les enfants d’opposants politiques, y compris lorsque cette vio-lence est assimilable à de la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ; prendre toutes les me-sures qui s’imposent pour mettre unterme, de façon immédiate et efficace, auxmenaces et aux harcèlements dont lesépouses et les enfants de prisonniersd’opinion font l’objet ;

Concernant le problème de la violenceenvers les enfants et la conformité du droit tunisien avec l’article 19 de la CRC, l’OMCT recommande au gouvernement tu-nisien :

• D’amender les articles 24 du CPE et 224du CP de façon à interdire strictementtous les mauvais traitements d’enfants, y compris les châtiments corporels dansle foyer familial et à l’école et de façon à sanctionner ces actes, qu’ils soientconsidérés comme socialement accep-tables ou non ;

• De mener une étude sur la nature etl’étendue du problème de la violencesexuelle à l’égard des enfants et deprendre des mesures visant à appliquerefficacement le droit et à mettre un termeà la pratique de la violence sexuelle desenfants, toujours d’actualité en Tunisie ;

• D’enquêter de façon adéquate sur les al-légations de cas de torture, de veiller à ceque les responsables soient poursuivis enjustice et punis et à ce que les enfants vic-times de violations de leur intégritésexuelle soient indemnisés, réadaptés etréinsérés ;

33

Concernant les enfants se trouvant en situation de conflit avec la loi enTunisie, l’OMCT déplore l’existence de cefossé entre le droit et son application et re-commande que le gouvernement

• Prenne des mesures pour amener lesjuges à se montrer efficaces et impartiauxdans l’application du CPE et des instru-ments internationaux sur la justice pourles mineurs, notamment les dispositionspertinentes de la CRC ;

• Prenne toutes les mesures nécessaires envue de respecter les droits des enfantsâgés de moins de 18 ans à être entendusdevant une juridiction pour mineurs spé-cialisée, à recevoir des peines appropriéeset à être détenus dans des institutions ré-servées aux enfants, différentes de cellespour adultes.

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Observations finalesdu Comité des droits de l’enfant

en Tunisie

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT30e Session - Genève, 20 mai / 7 juin 2002

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1. Le Comité a examiné le deuxième rapportpériodique de la Tunisie (CRC/C/83/ Add.1)à ses 788e et 789e séances (voir CRC/C/SR.788 et 789), tenues le 28 mai 2002. Il aadopté les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité prend acte avec satisfaction dudeuxième rapport périodique de l’État par-tie, qui lui a été soumis dans les délais voulus et a été établi conformément aux di-rectives du Comité en la matière. Le Comitéest satisfait par ailleurs des réponses écritesdétaillées à sa liste de questions à traiter(CRC/C/Q/TUN/2), qui ont elles aussi étéfournies en temps voulu. Le Comité se ré-jouit de constater que la délégation de hautniveau et très compétente a contribué àl’instauration d’un dialogue constructif etinstructif.

B. Mesures de suivi mises en

œuvre et progrès accomplis par

l’État partie

3. Le Comité prend note de l’engagement del’État partie en faveur des droits de l’enfantet se félicite en particulier de l’adoption le9 novembre 1995 du Code de protection del’enfant, entré en vigueur le 11 janvier 1996,et notamment de la désignation de déléguésà la protection de l’enfance qui s’en est suivie en vertu du décret no 96-1134, del’introduction d’une obligation de signale-ment des situations où des enfants sont endanger et de la mise en place d’un systèmespécialisé de justice pour mineurs. LeComité se félicite en particulier de la réfé-rence explicite qui est faite dans les articles 4 et 10 du Code de protection del’enfant à l’intérêt supérieur de l’enfant et au respect des opinions de l’enfant, res-pectivement, conformément à la recom-mandation précédente du Comité (CRC/C/15/Add.39, par. 7). Le Comité note parailleurs qu’un parlement des enfants a été créé.

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EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES ENAPPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

4. Le Comité se félicite des efforts qui ontété faits pour améliorer la collecte de don-nées, conformément aux recommandationsprécédentes (ibid., par. 12), notamment enrehaussant le statut du Conseil national pourl’enfance, devenu Conseil supérieur par l’ef-fet du décret no 2002-574 du 12 mars 2002,et en instituant un rapport annuel sur la si-tuation de l’enfant.

5. À la lumière des recommandations pré-cédentes (ibid., par. 9), le Comité se réjouiten outre de la modification du Code du tra-vail par laquelle l’âge minimum d’admissionà l’emploi a été porté à 16 ans, ce qui cor-respond à l’âge de la fin de la scolarité obligatoire. Le Comité prend acte de l’adop-tion d’une série de lois nouvelles relativesaux enfants nés hors mariage et à la res-ponsabilité conjointe des époux, des me-sures gouvernementales visant à garantir leversement de la pension alimentaire à lasuite d’un divorce, des dispositions desti-nées à protéger les enfants privés de milieufamilial, ainsi que de diverses autres me-sures visant à améliorer l’application de laConvention et à donner suite au dialogue en-gagé précédemment avec le Comité.

6. À la lumière des recommandations pré-cédentes (ibid., par. 10), le Comité note avec

satisfaction que l’État partie a retiré, le 1er

mars 2002, sa réserve concernant le para-graphe 2 b) v) de l’article 40 et la déclara-tion par laquelle il précisait que sonengagement d’appliquer les dispositions dela Convention serait limité par les moyensà sa disposition.

7. Le Comité se félicite de la ratification parl’État partie, en 1995, de la Convention (no138) de l’OIT de 1973 concernant l’âge mi-nimum d’admission à l’emploi, ainsi que desa ratification en 2000 de la Convention(n° 182) de l’OIT de 1999 concernant lespires formes de travail des enfants.

C. Principaux sujets

de préoccupation et

recommandations du Comité

1. Mesures d’application générales

Précédentes recommandations du Comité

8. Le Comité déplore que certaines des pré-occupations dont il a fait état et des re-commandations qu’il a formulées (CRC/C/15/ Add.39) lors de l’examen du rapport initial de l’État partie (CRC/C/11/Add.2)

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n’aient pas été suffisamment prises encompte, en particulier celles figurant dansles paragraphes 6, 7, 8, 10, 13, 14, 16 et 17.Il réitère l’expression de ces préoccupationset ces recommandations dans le présent do-cument.

9. Le Comité invite instamment l’État par-tie à n’épargner aucun effort pour donnersuite aux recommandations contenues dansles observations finales qu’il a formulées au sujet du rapport initial et qui n’ont pasencore été suivies d’effet et pour répondreaux préoccupations exprimées dans les pré-sentes observations finales portant sur ledeuxième rapport périodique.

Réserves

10. Tout en se félicitant du retrait par l’État partie de sa réserve concernant le paragraphe 2 b) v) de l’article 40, ainsi quede la déclaration indiquée plus haut, et ennotant que, selon ce qu’a déclaré la délé-gation, le retrait des autres réserves sera en-visagé, le Comité demeure préoccupé parl’étendue des réserves à la Convention et dé-clarations interprétatives faites par l’Étatpartie. En particulier, le Comité répète quela réserve relative à l’application de l’article

2 paraît incompatible avec l’objet et le butde la Convention.

11. Le Comité, conformément à sa recom-mandation précédente, et à la lumière de laDéclaration et du Programme d’action deVienne (1993), encourage l’État partie à en-visager de réexaminer les réserves et dé-clarations dont il a assorti la Convention, enparticulier la réserve relative à l’article 2, envue de les retirer.

Coordination

12. Tout en se félicitant des efforts consen-tis dans le domaine de la coordination, leComité constate que l’efficacité pratique duConseil supérieur de l’enfance en tant quemécanisme de coordination reste difficile àdéterminer.

13. Le Comité recommande à l’État partiede n’épargner aucun effort pour assurer l’ef-ficacité de l’action du Conseil supérieur del’enfance, dont le statut a été récemment relevé. Il réitère sa recommandation pré-cédente à l’État partie tendant à ce que ce-lui-ci renforce l’efficience et l’efficacité dela coordination entre le gouvernement cen-tral et les gouvernorats (ibid., par. 13).

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Collecte de données

14. Tout en prenant acte des efforts impor-tants déployés par l’État partie pour re-cueillir des données fiables sur la situationdes enfants, et en particulier du fait qu’unrapport sur la situation de l’enfant est établi chaque année, le Comité regrette no-tamment, qu’une approche sectorielle ait étémaintenue en matière de collecte de don-nées et de suivi.

15. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réaliser des évaluations de l’impactdu rapport annuel sur la situation del’enfant, dans tous les domaines entrantdans le champ de la Convention ;

b) De mettre au point une approche inté-grée de la collecte de données et du suivi ;

c) De demander une assistance technique,à cet égard, à l’UNICEF, au FNUAP etau PNUD, notamment.

Structures de suivi indépendantes

16. Le Comité se félicite de la création enfévrier 2002 de l’´Observatoire d’étude, d’in-

formation, de formation et de documenta-tionª, ainsi que de la nomination de déléguésqui jouent un rÙle important dans la pro-tection des enfants et dans le recueil desplaintes. Le Comité constate cependant qu’ilest nécessaire de mettre en place un mé-canisme de suivi indépendant, comme il l’arecommandé précédemment à l’État partie(ibid., par. 8).

17. Le Comité encourage l’État partie :

a) À créer une institution nationale desdroits de l’homme indépendante, con-formément aux principes concernant lestatut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droitsde l’homme (résolution 48/134 del’Assemblée générale), afin de suivre etd’évaluer les progrès accomplis dansl’application de la Convention au niveaunational et, s’il y a lieu, au niveau local,y compris son application par le secteurprivé et les ONG en tant que fournis-seurs de services aux enfants. Cette institution devrait être habilitée à rece-voir les plaintes individuelles relativesà des violations des droits de l’enfant etd’enquêter à leur sujet, dans le respectde la sensibilité des enfants, et à les trai-ter de manière efficace ; et

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b) À demander une assistance technique auHaut-Commissariat aux droits del’homme et à l’UNICEF, notamment.

Formation/Diffusion de la Convention

18. Tout en notant avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour don-ner une large publicité aux principes et aux dispositions de la Convention, notam-ment par la diffusion d’informations dans les médias et l’intégration de certaines par-ties de la Convention aux programmes sco-laires, le Comité estime que ces mesures ontbesoin d’être encore renforcées et appli-quées de manière globale, systématique etcontinue.

19. Le Comité réitère sa recommandation(ibid., par. 11) tendant à ce que leGouvernement poursuive ses efforts visantà sensibiliser le public à tous les aspects dela Convention et à le familiariser avec sesprincipes fondamentaux, et à ce qu’il conti-nue à former les groupes professionnelsconcernés qui travaillent pour les enfants et auprès d’enfants, en particulier les par-lementaires, les juges, les avocats, les res-ponsables de l’application des lois, lesfonctionnaires, les agents municipaux,

le personnel des institutions de protectionde l’enfance et des établissements de dé-tention, les enseignants, le personnel desanté, y compris les psychologues, les tra-vailleurs sociaux et les chefs religieux, ainsiqu’à éduquer les enfants et leurs parents.Une assistance technique pourrait être de-mandée dans ce domaine au Haut-Commissariat aux droits de l’homme et àl’UNICEF, notamment.

2. Définition de l’enfant

20. Tout en prenant acte des mesures posi-tives prises pour aligner pleinement les différentes conditions d’âge sur les pres-criptions de la Convention, ainsi que desmesures adoptées pour donner suite à saprécédente recommandation concernantl’âge minimum d’admission à l’emploi, quia été porté à 16 ans de manière à coincideravec l’âge de la fin de la scolarité obligatoire,le Comité est préoccupé par l’écart existantentre l’âge minimum du mariage des garçonset celui des filles, et en particulier par le faitque ce dernier est fixé à 17 ans, tout en no-tant avec satisfaction que cet âge a été relevé puisqu’il était précédemment de 15ans.

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21. Le Comité recommande à l’État partiede supprimer l’écart entre l’âge minimum dumariage des garçons et celui des filles, en relevant l’âge minimum fixé pour le mariagedes filles.

3. Principes généraux

Non-discrimination

22. Le Comité est satisfait des informationsfournies au sujet des mesures qui ont étéprises, conformément à ses recommanda-tions précédentes, pour éliminer la discri-mination à l’égard des enfants nés horsmariage mais il n’en demeure pas moinspréoccupé par la question de l’applicationde la législation dans la pratique. Il constated’ailleurs que le principe de non-discrimi-nation (art. 2) n’occupe pas une place émi-nente dans le nouveau Code de protectionde l’enfant.

Le Comité juge très préoccupant que, s’agis-sant de certains groupes, le principe de lanon-discrimination ne soit pas pleinementappliqué dans la pratique.

23. Conformément à l’article 2 de la Conven-tion, le Comité recommande à l’État partie :

a) De mener des actions concertées à tousles niveaux pour éliminer la discrimi-nation, notamment la discrimination fon-dée sur les activités politiques ou dedéfense des droits de l’homme, les opi-nions exprimées ou les convictions desenfants ou de leurs parents, de leurs res-ponsables légaux ou de membres de leurfamille, la discrimination à l’égard deshandicapés et la discrimination fondéesur l’origine nationale, ethnique ou so-ciale, en procédant à un examen et à uneréorientation de ses politiques, notam-ment en augmentant les crédits budgé-taires alloués aux programmes en faveurdes groupes les plus vulnérables ;

b) D’intensifier les efforts visant à suppri-mer les écarts qui existent entre les différentes régions et entre les commu-nautés urbaines et rurales quant à lajouissance effective des droits ;

c) De veiller à l’application effective de laloi, de réaliser des études et de lancer devastes campagnes d’information du pu-blic en vue de prévenir et de combattretoutes les formes de discrimination,conformément à sa recommandation pré-cédente (ibid., par. 7).

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24. Le Comité demande que figurent dansle prochain rapport périodique des infor-mations spécifiques concernant les mesureset programmes en rapport avec laConvention relative aux droits de l’enfantqui ont été mis en œuvre par l’État partiepour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés à laConférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xéno-phobie et l’intolérance qui y est associée, eu égard à l’observation générale n° 1 sur le paragraphe 1 de l’article 29 de laConvention (buts de l’éducation).

Respect des opinions de l’enfant

25. Tout en prenant note des efforts consen-tis par l’État partie pour donner effet auprincipe du respect des opinions de l’enfant,en particulier en l’inscrivant dans le Codede protection de l’enfant, le Comité est préoccupé par le fait que le respect des opinions de l’enfant demeure limité, dans les établissements scolaires, les tribunaux,les organes administratifs et surtout au seinde la famille, par les attitudes traditionnellesde la société à l’égard des enfants.L’application des articles 13 et 15 (libertéd’expression, liberté d’association et de

réunion pacifique) préoccupe également leComité.

26. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’encourager et de faciliter, au sein dela famille, dans les établissements sco-laires, les tribunaux et les organes ad-ministratifs, le respect des opinions desenfants et leur participation à toute af-faire les concernant, conformément àl’article 12 de la Convention ;

b) D’élaborer des programmes de perfec-tionnement en milieu communautaire àl’intention des enseignants, des tra-vailleurs sociaux, des fonctionnaires lo-caux et des chefs religieux afin de leurapprendre à aider les enfants à formulerleurs vues et opinions en toute connais-sance de cause et à faire en sorte qu’ellessoient prises en considération ; et

c) De demander une assistance àl’UNICEF, notamment.

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4. Droits et libertés civils

Droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique

27. Le Comité est préoccupé par le fait quele droit de l’enfant à la liberté d’expression,comprenant le droit de recevoir des infor-mations, ainsi que son droit à la liberté d’as-sociation et de réunion pacifique, ne sontpas pleinement garantis dans la pratique.

28. Le Comité recommande à l’État partiede prendre toutes les mesures nécessairespour assurer la pleine application pratiquedes droits à la liberté d’expression et à la li-berté d’association et de réunion pacifique,conformément aux articles 13 et 15 de laConvention.

Droit à la liberté de pensée, de conscience etde religion

29. Le Comité juge préoccupantes les in-formations portées à son attention selon les-quelles l’exercice du droit à la liberté dereligion ne serait pas toujours pleinementgaranti, s’agissant notamment du règlementqui interdit le port du foulard par les fillesdans les établissements scolaires.

30. Le Comité recommande à l’État partiede prendre toutes les mesures nécessairespour garantir la pleine application du droità la liberté de pensée, de conscience et dereligion.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à despeines ou traitements cruels, inhumains ou dé-gradants

31. Tout en prenant acte de la déclaration dela délégation sur l’absence totale de tortureou autres peines ou traitements cruels, in-humains ou dégradants, le Comité demeureextrêmement préoccupé par les allégationsde violations du droit de l’enfant à ne pasêtre soumis à la torture ni à des peines outraitements cruels, inhumains ou dégradantsfigurant dans un certain nombre de rapportsqui ont été portés à son attention, particu-lièrement à propos d’enfants de défenseursdes droits de l’homme ou d’opposants poli-tiques.

32. Eu égard à l’alinéa a de l’article 37 dela Convention, le Comité recommande fer-mement à l’État partie :

a) De faire en sorte que la législation en vigueur soit appliquée ou, si besoin est,

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révisée et d’enquêter de façon efficacesur les cas signalés de torture ou de mau-vais traitements infligés à des enfants ;

b) De veiller à ce que les auteurs présumésde ces actes soient mis en disponibilitéou suspendus de leurs fonctions pendantla durée de l’enquête et révoqués et pu-nis s’ils sont reconnus coupables, et à ceque les délibérations des tribunaux et lescondamnations prononcées soient por-tées à la connaissance du public ;

c) De donner au personnel chargé de l’ap-plication des lois une formation auxquestions concernant les droits de l’en-fant ;

d) Eu égard à l’article 39, de prendre toutesles mesures appropriées pour garantir laréadaptation physique et psychologiqueet la réinsertion sociale des enfants vic-times d’actes de torture et/ou de mauvaistraitements.

5. Milieu familial et protection deremplacement

Violence, sévices, négligence et mauvais trai-tements

33. Tout en prenant acte de la disposition duCode de protection de l’enfant relative auxmauvais traitements (art. 24) et de la dis-position correspondante du Code pénal (art.224), ainsi que de la Circulaire ministériellede décembre 1997 interdisant toutes lesformes de ch‚timent corporel et les pratiquesqui portent atteinte à la dignité des enfants,le Comité est préoccupé par le fait que, se-lon ce qu’a signalé la délégation, les ch‚ti-ments corporels ne sont considérés commeun délit que s’ils sont préjudiciables à lasanté de l’enfant.

Il constate avec inquiétude que l’État par-tie continue à admettre le recours à la vio-lence comme moyen d’imposer ladiscipline dans la famille et à l’école. LeComité regrette qu’aucune suite n’ait étédonnée à sa recommandation précédentetendant à protéger les enfants contre lesmauvais traitements (ibid., par. 17).

Le Comité est préoccupé en outre par l’insuffisance de l’information et de la

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sensibilisation concernant la violence do-mestique et ses effets néfastes pour les en-fants.

34. Le Comité prie instamment l’État par-tie :

a) De prendre toutes les mesures législa-tives voulues pour interdire le plus effi-cacement possible toutes les formes deviolence physique et morale contre lesenfants, notamment les ch‚timents cor-porels et les sévices sexuels, au sein dela famille, à l’école et dans les institu-tions ; il recommande en outre à l’Étatpartie :

b) De mener une étude afin d’évaluer la na-ture et l’ampleur des mauvais traitementset des violences dont sont victimes lesenfants et d’élaborer des politiques etdes programmes pour y remédier ;

c) De mener des campagnes d’informationdu public sur les conséquences néfastesdes mauvais traitements infligés aux en-fants et d’encourager l’adoption deformes de discipline positives et non vio-lentes à la place des ch‚timents corpo-rels ;

d) D’instituer des procédures et des méca-nismes efficaces de recueil desplaintes, de suivi et d’enquête, qui per-mettent notamment d’intervenir si be-soins est ;

e) D’enquêter sur les cas de mauvais trai-tements et de poursuivre leurs auteurs,en veillant à ce que l’enfant victime nesoit pas traité de façon vexatoire pendantle procès et que sa vie privée soit pro-tégée ;

f) De fournir des soins aux victimes et d’as-surer leur réadaptation et leur réinser-tion ;

g) De donner une formation aux ensei-gnants, aux responsables de l’applicationdes lois, aux travailleurs des servicesd’aide à l’enfance, aux juges et aux pro-fessionnels de la santé pour leur ap-prendre à identifier, signaler et gérer lescas de maltraitance ;

h) De prendre en considération les recom-mandations adoptées par le Comité pen-dant ses journées de débat général surles enfants et la violence (CRC/C/100,par. 688, et CRC/C/111, par. 701 à 745) ;

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i) De demander une assistance àl’UNICEF et à l’OMS, notamment.

6. Soins de santé et protection debase

Enfants handicapés

35. Le Comité constate avec satisfaction quela législation relative aux enfants handica-pés et à leur droit de bénéficier d’une édu-cation, d’une réadaptation et d’une formationest très développée mais il déplore que seulun petit nombre d’enfants souffrant de han-dicaps légers soient inscrits dans des écolesordinaires. Le Comité prend note des indi-cations données par la délégation selon les-quelles une stratégie d’insertion et deformation professionnelle des enfants han-dicapés, ainsi qu’une étude sur les causesdes handicaps, sont en voie d’achèvement.

36. Le Comité prie instamment l’État par-tie :

a) De réexaminer les politiques et les pra-tiques en vigueur s’appliquant aux en-fants handicapés, en tenant d˚mentcompte des Règles pour l’égalisation deschances des handicapés (résolution

48/96 de l’Assemblée générale) et desrecommandations adoptées par le Comitélors de sa journée de débat général (voirCRC/C/69) ;

b) D’intensifier ses efforts visant à pro-mouvoir des programmes de réinsertionen milieu communautaire et l’éducationintégrée ;

c) D’intensifier ses efforts de prévention,notamment en procédant à un réexamendes programmes et des politiques sani-taires ayant trait à la grossesse, à l’ac-couchement et à la santé infantile ; et

d) De demander une assistance àl’UNICEF, à l’OMS et aux ONG compé-tentes, notamment.

Droit à la santé et aux soins de santé

37. Le Comité prend note de la détermina-tion sans faille avec laquelle l’État partiemet en œuvre ses politiques de santé pri-maire et des résultats qu’il a obtenus dansce domaine, notamment la réduction de40% du taux de mortalité infantile et postinfantile au cours des 10 dernières an-nées, ainsi que les progrès accomplis dans

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le domaine des vaccinations, notamment.Tout en notant la déclaration de la déléga-tion selon laquelle un plan a été élaborépour combattre les inégalités persistantesentre régions et entre zones urbaines et rurales concernant l’accès aux services de santé maternelle et infantile et leur qua-lité, le Comité n’en demeure pas moins préoccupé par le fait que ce problème n’est pas résolu et par les difficultés que sou-lève la fourniture de services de santé ré-pondant aux besoins spécifiques desadolescents.

38. Le Comité invite instamment l’État par-tie :

a) À intensifier ses efforts pour allouer desressources suffisantes et élaborer etadopter des politiques et des pro-grammes qui permettent d’améliorer et de protéger la situation sanitaire desenfants, en particulier dans les régionsrurales qui connaissent les taux de mor-talité les plus élevés ;

b) À garantir à tous les enfants l’égalitéd’accès à des soins de santé de qualité,indépendamment des facteurs socioé-conomiques ;

c) À renforcer la capacité des services desanté à répondre aux besoins spécifiquesdes adolescents ;

d) À demander une assistance technique àl’OMS et l’UNICEF, notamment.

7. Éducation, loisirs et activités cul-turelles

Éducation

39. Tout en se félicitant de l’engagement prispar l’État partie de faire de l’éducation debase une priorité et d’assurer un accès pra-tiquement universel à l’éducation, le Comitéjuge préoccupants les taux de redoublementet d’abandon scolaire qui, bien qu’en baisse,continuent à poser un sérieux problème au système éducatif. Le Comité est préoc-cupé par ailleurs par les disparités éduca-tives entre les régions, ainsi que par l’écartentre les taux d’analphabétisme des zonesurbaines et des zones rurales et les dispa-rités entre garçons et filles. Le Comité s’inquiète en outre de la faible proportiond’enfants inscrits dans les établissementsd’éducation préscolaire et de la diminutiondu nombre de centres publics d’éducationpréscolaire, qui pourrait avoir pour

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conséquence une discrimination en fonctiondu revenu.

40. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures voulues,y compris l’allocation de ressources fi-nancières, humaines et techniques suffisantes, pour améliorer encore l’édu-cation, comme le prévoient les articles28 et 29 de la Convention, s’agissant tant de sa qualité que de sa pertinence,compte tenu de l’observation généralen° 1 concernant le paragraphe 1 de l’article 29 (buts de l’éducation), et degarantir à tous les enfants la jouissanceeffective du droit à l’éducation ;

b) De s’efforcer de mettre en œuvre des me-sures supplémentaires pour développerl’éducation préscolaire et inciter les en-fants à continuer à fréquenter l’école, etd’adopter des mesures efficaces pour ré-duire les taux d’analphabétisme ;

c) De continuer à coopérer avecl’UNESCO et l’UNICEF pour améliorerle secteur de l’éducation.

8. Mesures spéciales de protection

Exploitation économique

41. Tout en se félicitant des diverses me-sures prises pour combattre le phénomènedu travail des enfants, le Comité estime pré-occupant le manque de données précises etd’activités spécifiques concernant le travaildes enfants dans l’État partie.

42. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures néces-saires pour prévenir et combattre de ma-nière efficace le travail des enfants, et

b) De rendre compte dans son prochainrapport périodique de la nature et del’ampleur du phénomène du travail desenfants, ainsi que des mesures prises envue d’appliquer les Conventions nos 138et 182 de l’OIT.

Exploitation sexuelle

43. Tout en se félicitant de la stricte légis-lation pénale de l’État partie qui réprimel’exploitation et les sévices sexuels dont sont victimes des enfants, le Comité est

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préoccupé par les rapports faisant état del’existence de telles pratiques dans l’Étatpartie, que ce soit au sein de la famille oudans la rue.

Le Comité déplore en outre le manque d’in-formation sur l’ampleur du phénomène del’exploitation et des sévices sexuels dontsont victimes les enfants en Tunisie et desensibilisation à ce problème.

44. Compte tenu de l’article 34 et des autresarticles pertinents de la Convention, leComité recommande à l’État partie d’effec-tuer des études pour déterminer l’ampleurde l’exploitation sexuelle des enfants, notamment de la prostitution et de la por-nographie, et de mettre en œuvre des poli-tiques et programmes appropriés afin deprévenir ce phénomène et d’assurer la réadaptation et la réinsertion des enfantsvictimes, conformément à la Déclaration et au Programme d’action ainsi qu’àl’Engagement mondial adoptés lors desCongrès mondiaux de 1996 et 2001 contrel’exploitation sexuelle des enfants à des finscommerciales.

Administration de la justice

45. Le Comité se félicite de l’adoption duCode de protection de l’enfant, ainsi qued’autres dispositions légales dans le do-maine de la justice pour mineurs. Le Comitéest cependant préoccupé par l’incapacité de l’État partie à garantir la pleine application de toutes ces dispositions (par exemple le fait qu’il n’ait pas encore étécréé de tribunaux pour mineurs), eu égardaux cas qui lui ont été signalés de détentionet de maltraitance d’enfants, ainsi que dedétention de mineurs avec des adultes, cequi se serait traduit par des sévices sexuelsou d’autres mauvais traitements.

46. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à la pleine application de lalégislation régissant le système de jus-tice pour mineurs, conformément aux articles 37, 40 et 39 et à toutes les autresdispositions pertinentes ainsi qu’aux diverses normes internationales appli-cables dans ce domaine, telles que lesRègles de Beijing, les Principes direc-teurs de Riyad, les Règles des NationsUnies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de

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Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale ;

b) De veiller à ce que la privation de liberténe soit utilisée qu’à titre de mesure dedernier recours ; que les enfants aient accès à une aide juridictionnelle et à desmécanismes indépendants et efficaces dedépÙt de plaintes et que les personnesde moins de 18 ans ne soient pas déte-nues avec des adultes ;

c) De réserver un traitement différent auxenfants ou mineurs en conflit avec la loi,d’une part, et aux enfants ou mineurs endanger, d’autre part, de telle manièrequ’ils ne soient pas placés dans lesmêmes institutions et soumis au mêmerégime ou aux mêmes restrictions ; et

d) De demander une assistance, notammentau Haut-Commissariat aux droits del’homme, au Centre de prévention de lacriminalité internationale, au Réseau in-ternational de la justice pour mineurs età l’UNICEF, par le canal du Groupe decoordination des services consultatifs etde l’assistance technique dans le do-maine de la justice pour mineurs.

9. Protocoles facultatifs se rappor-tant à la Convention

47. Le Comité encourage l’État partie à ra-tifier les deux Protocoles facultatifs se rap-portant à la Convention relative aux droitsde l’enfant, qui concernent l’un la vented’enfants, la prostitution des enfants et lapornographie impliquant des enfants, etl’autre la participation d’enfants aux conflitsarmés.

10. Diffusion des documents

48. Enfin, eu égard au paragraphe 6 de l’ar-ticle 44 de la Convention, le Comité re-commande que le deuxième rapportpériodique présenté par l’État partie soit lar-gement diffusé dans le grand public et qu’ilsoit envisagé de publier en même temps que ce rapport les réponses écrites à la liste des points à traiter établie par leComité, les comptes rendus analytiques correspondants et les observations finalesadoptées par le Comité au terme de l’exa-men de ce rapport.

Ces documents devraient être largement diffusés afin de susciter un débat et de

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contribuer à faire connaître la Conventionaux pouvoirs publics, aux parlementaires età l’ensemble de la population, notamment

les organisations non gouvernementalesconcernées, et de les tenir informés de sonapplication et de son suivi.

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L’Organisation MondialeContre la Torture (OMCT)souhaite exprimer sa profondegratitude à la CommissionEuropéenne, MISEREOR etla Fondation de France pourleur soutien au ProgrammeDroits de l’Enfant.

Case postale 21 – 8, rue du Vieux-BillardCH 1211 Genève 8

Tél. + 4122- 809 49 39 - Fax + 4122- 809 49 29Http:// www.omct.org – Courrier électronique : [email protected]

ISBN 2-88477-041-0