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Février 2014 Cette publication a été financée avec le soutien du Gouvernement du Royaume-Uni. Le contenu de cette publication est de la seule responsabilité de ses auteurs et ne reflète pas nécessairement le point de vue du Gouvernement du Royaume-Uni Droit d’accès à la justice des communautés locales et populations autochtones (République du Congo)

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Février 2014

Cette publication a été financée avec le soutien du Gouvernement du

Royaume-Uni. Le contenu de cette publication est de la seule responsabilité

de ses auteurs et ne reflète pas nécessairement le point de vue du

Gouvernement du Royaume-Uni

Droit d’accès à la justice des communautés locales et populations autochtones (République du Congo)

Février 2014

2

Table des matières

Introduction ................................................................................................................................... 3

1 Notre notion du droit d’accès a la justice ............................................................................ 3

1.1 Les juridictions de l’ordre judiciaire ..................................................................................... 3

1.2 Le droit à la justice .............................................................................................................. 3

1.2.1 Le droit au juge ................................................................................................................... 4

1.2.2 Garanties complémentaires du droit au juge....................................................................... 4

1.2.3 L’accès à la justice pour les CLA ........................................................................................ 5

2 Droit national en matière d’accès à la justice .................................................................... 12

2.1 L’éloignement géographique ............................................................................................ 12

2.2 Difficile accès à l’information juridique, manque de connaissance de la loi et du langage

juridique ...................................................................................................................................... 14

2.3 Les coûts des procédures juridiques et judiciaires ............................................................ 15

En droit civil................................................................................................................................. 15

Droit pénal .................................................................................................................................. 15

Droit administratif ........................................................................................................................ 16

Le mécanisme d’assistance judiciaire ......................................................................................... 16

Encadre 6 : Le mécanisme d’assistance judiciaire. ..................................................................... 17

2.1. Les dysfonctions du système légal ................................................................................... 17

3 Accès a la justice dans le domaine forestier ..................................................................... 19

3.1 Le classement ....................................................................................................................... 20

3.2 Infractions et pénalités .......................................................................................................... 20

4 Accès à la justice dans le domaine de l’environnement .................................................... 21

Tableau résumant les droits d’accès a la justice des communautés locales et populations

autochtones ................................................................................................................................ 23

3

Introduction

1 Notre notion du droit d’accès a la justice

1.1 Les juridictions de l’ordre judiciaire

Dans le cadre de notre travail, l’accès à la justice peut être compris en tant que possibilité pour

des Communautés locales et autochtones (CLPA) et des Organisations de la société civile

(OSC) de demander et d’obtenir réparation lorsque leurs droits n’ont pas été respectés. De

manière générale, il est possible de demander réparation devant un tribunal par l’intermédiaire

de procédures civiles, pénales ou administratives.

Les tribunaux qui jugent les affaires civiles : Certains tribunaux sont chargés de trancher

les litiges opposant les personnes privées (particuliers, associations, entreprises) entre

elles. On les appelle tribunaux d’instance.

Les tribunaux qui jugent les affaires pénales : Il s’agit des juridictions chargées de

défendre la société en assurant la répression des infractions. Généralement, les tribunaux

pénaux ont des compétences distinctes. Il y a ceux qui sont compétents en matière de

contraventions, ceux qui sont compétents pour juger des délits et enfin la juridiction en

charge de la répression des crimes.

Les tribunaux en charge des conflits avec l’administration : Tout particulier ou

personne morale de droit privé qui entre en conflit avec l’administration doit porte son litige

devant une juridiction administrative.

A coté de ces tribunaux de droit positif, dans le contexte africain il est aussi possible d’obtenir

justice par l’intermédiaire de mécanismes de plainte non judiciaires comme des procédures

administratives ou coutumières. La question de la reconnaissance des méthodes coutumières

de résolution des conflits des peuples autochtones par les Etats est d’une grande importance

pour l’efficacité de l’accès à la justice de ces personnes, mais dans plusieurs pays ces systèmes

ne sont pas reconnus.

Enfin il existe un certain nombre de procédures judiciaires et non-judiciaires au niveau

international crées par des traites. L’accès pour les particuliers à ces procédures dépend

généralement de la ratification par les Etats audits traités. Par ailleurs, ces procédures ne

peuvent, en principe, être mise en œuvre qu’après l’épuisement de tous les recours juridiques

nationaux.

1.2 Le droit à la justice

Tout état de droit doit offrir, dans ses différentes juridictions, le droit d’obtenir une solution à une

situation contentieuse à travers le recours à un juge tiers. Mais les soucis d’égalité de l’état de

droit moderne exigent aussi que personne ne puisse choisir son juge et que donc tout individu

soit jugé devant les mêmes juridictions, statuant sur les mêmes règles de procédure et

appliquant les mêmes règles de droits.

4

Pour garantir le « droit a la justice » il est donc important que les états mettent en place des

garanties normatives qui puissent assurer un procès équitable à travers un juge qui doit « être et

apparaitre » impartial et indépendant.

1.2.1 Le droit au juge

L’exigence d’impartialité et d’indépendance du juge est une condition essentielle pour la

jouissance du droit à la justice. Par impartialité on entend neutralité du juge c'est-à-dire le fait

pour ce dernier de ne pas laisser interférer dans son jugement ses convictions personnelles,

alors que l’indépendance fait état du principe de séparations des pouvoirs pour empêcher toutes

ingérences des pouvoirs exécutif et législatif.

Dans le contexte du droit à la justice, le droit au juge peut être envisagé sous ces deux angles :

le droit pour tous les citoyens d’être jugés de manière égale, devant les mêmes

juridictions, statuant sur les mêmes règles de procédure, appliquant les mêmes règles

de droits,

le droit pout tout citoyen de bénéficier d’un règlement juridictionnel de ses différends. Il

revient à l’Etat de remplir sa mission d’organisation du service public de la justice et de

conférer à tout citoyen le droit effectif d’obtenir un jugement.

1.2.2 Garanties complémentaires du droit au juge

Ce droit au juge est compromis si certaines conditions dans lesquelles les jugements sont

rendus ne sont pas satisfaisantes. Plusieurs principes processuels ont été proclamés dans des

dispositions internationales et intégrés dans une grande majorité de constitutions :

Garantir au justiciable un procès équitable passe par :

Egalité des armes : Chaque partie doit avoir « la possibilité raisonnable d’exposer sa

cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas d’une manière appréciable par

rapport a la partie adverse1. Cela signifie que les deux parties sont egales devant le juge

Principe du respect du contradictoire : Ce principe implique que le demandeur

informe le défendeur de sa prétention(i), que les parties échangent leurs observations et

leurs pièces (ii), que les mesures propres à l'établissement de la preuve soient menées

en présence des parties et de leurs conseils (iii), que les débats soient eux mêmes

contradictoirement menés(iv), que le jugement soit rendu en audience publique à une

date dont les parties ont été tenues informées par le juge lors de la clôture des débats

(v).

Obligation pour le juge de motiver ses jugements : Cela permet notamment au

justiciable de vérifier que le juge a examiné ses prétentions.

Langue du procès : Cela revient a donner au justiciable le droit à un interprète et à une

information dans une langue comprise. Ce droit est généralement expressément reconnu

en matière pénale mais pas matière civile.

Garantir au justiciable une procédure équitable, publique et dans un délai raisonnable

1 Cour Européenne des droits de l’homme 16 juillet 1968, req. n°2804/66

5

Condition du délai raisonnable : une bonne administration de la justice repose sur

l'absence de retard excessif dans l'obtention du jugement.

Condition de publicité : la publicité de la procédure est supposée protéger les

justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public.

1.2.3 L’accès à la justice pour les CLA

D’étendue universelle, ce droit à la justice a comme socle d’existence l’accès. Sa formulation

complète et correcte est donc en fait : le « droit d’accès à la justice ». Le terme « accès »

s’entend comme la nécessité de prévoir pour tout individu les voies, les mécanismes, les

procédures et les outils pour engager une procédure judiciaire. L’ accès est d’autant plus

important en ce qui concerne les CLA, qui, par définition, ont des difficultés d’accès. A ce sujet

doivent être identifiés comme principaux obstacles rencontrés par les CLA pour accéder à la

justice : L’éloignement géographique entre les tribunaux et les justiciables : pour porter plainte

ou assister à leur procès les victimes doivent parcourir de longs trajets, souvent à pied.

La méconnaissance de la loi : en raison d’un déficit de savoir et d’informations, les

justiciables ne connaissent souvent pas leurs droits et encore moins les procédures

visant à les faire respecter.

Le coût financier des procédures : même en présence d’une assistance judiciaires, les

coûts annexes tels les trajets, le logement peuvent décourager les justiciables d’avoir

recours à la justice pour régler leurs différends.

La préférence pour les recours au règlement coutumier : les CLA se tournent plus

facilement vers une procédure qui leur ait familière et qu’elles comprennent.

La barrière de la langue : L’absence d’interprète dans la plupart des procédures rend

difficile l’accès à la justice pour les CLA.

La non reconnaissance du droit coutumier par le droit positif.

2 L’accès à la justice en droit international

L’accès à la justice est reconnu comme un droit fondamental au niveau international. La

Déclaration universelle des droits de l’homme évoque ainsi expressément le droit à un recours

effectif (article 8). Ce droit est également mentionné dans une majorité des traités relatifs aux

droits de l’homme : Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 2), Convention

internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (article 6) et

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

(article 14).

N’a pas été évoqué ci-dessus le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et

culturels dont le Comité a estimé que les Etats devaient créer des instances appropriées de

recours telles que des juridictions ou des mécanismes administratifs indépendants accessibles à

6

tous dans des conditions d’égalité, y compris aux hommes et aux femmes les plus pauvres et

les plus défavorisés et marginalisés2.

En droit de l’environnement, le principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le

développement dispose que les Etats doivent assurés un accès effectif à des actions judiciaires

et administratives, notamment des réparations et des recours.

Les Nations Unies ont récemment adopté une résolution sur l’état de droit aux niveaux national

et international qui vise notamment à garantir ce droit aux membres des groupes les plus

vulnérables et a leur reconnaitre également l’accès à des mécanismes judiciaires informels.

Cette résolution indique :

« 14. Nous insistons sur le droit à l’égal accès de tous à la justice, y compris les membres

de groupes vulnérables, et sur l’importance qu’il y a à sensibiliser chacun aux droits qu’il tire

de la loi et, à cet égard, nous nous engageons à prendre toutes les mesures nécessaires pour

assurer en toute équité, transparence, efficacité et sans discrimination des services qui facilitent

l’accès de tous à la justice, notamment à l’aide juridictionnelle, et à répondre de cet

engagement.

15. Nous considérons que, dès lors qu’ils respectent les prescriptions du droit international des

droits de l’homme, les mécanismes judiciaires informels jouent un rôle utile dans le

règlement des différends et que chacun, en particulier les femmes et les membres de

groupes vulnérables, devrait jouir de l’égalité d’accès à ces mécanismes. »3

Il convient à présent de s’attarder sur les engagements internationaux pris par le Congo qui

contiennent des dispositions visant spécifiquement l’accès à la justice notamment pour les CLA.

Nous avons analysé plus de 60 conventions relatives aux droits de l’homme et au droit de

l’environnement, ci-dessous figurent celles qui nous paraissent les plus importantes tant en

termes de force juridique que de précisions quant à la notion d’accès à la justice.

2.1 Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples

Article 7 : droit d’accès a la justice

A la lecture de l’article 7, les Etats africains reconnaissent que l’accès à la justice est garantit notamment par le :

droit d’ester en justice, notamment en cas de violation de droits reconnus et garantis

par les coutumes en vigueur, la Commission Africaines des droits de

l’homme(CADHP) a, par ailleurs, reconnu le droit à une réparation en cas de violation

des droits4.

2 Observation Générale n°16 Comité des droits économiques, sociaux et culturels 11 août 2005

3 Résolution 67/1 de l’Assemblée Générale du 24 septembre 2012 : Déclaration de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’état de droit

aux niveaux national et international 4 Résolution sur la Procédure relative au Droit de Recours et à un Procès Equitable, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,

réunie en sa 11ème Session Ordinaire, à Tunis Tunisie, du 2 au 9 mars 1992

7

droit à un procès équitable, qui inclut d’après la CADHP l’égalité des individus devant les

juridictions5

droit à une justice impartiale,

droit d’être jugé dans un délai raisonnable.

Article 26 : obligation d'assurer les institutions appropriées pour garantir l’accès à

la justice

L’article 26 de la Charte se penche également sur l’accès à la justice et pose l'obligation aux Etats d'assurer les institutions appropriées pour garantir le droit a faire entendre sa cause visée à l’article 7. Il rappelle aussi que les Etats ont le devoir de garantir l’indépendance des tribunaux.

5 Résolution sur la Procédure relative au Droit de Recours et à un Procès Equitable, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,

réunie en sa 11ème Session Ordinaire, à Tunis Tunisie, du 2 au 9 mars 1992

Références

Nom complet : Charte africaine des droits

de l’homme et des peuples

Année d’adoption: 1981

Ratification par le Congo: 1982

Entrée en vigueur: 1988

Box 1 : Directives et Principes sur le Droit à un Procès Equitable et à

l'Assistance Judiciaire en Afrique

Afin de renforcer les dispositions 5, 6, 7 et 26 de la Charte, la CADHP a adopté des

directives et principes sur le droit à un procès équitable en Afrique.

Tout d’abord, il est rappelé que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit

entendue équitablement et publiquement par une instance juridictionnelle compétente,

indépendante et impartiale, établie par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute

accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et

obligations. »

La Commission rappelle que chacun a droit à un recours effectif et que ce dernier

comprend notamment :

l’accès à la justice,

la réparation des préjudices subis,

l’accès aux informations concrètes concernant les violations

Elle rappelle également que chaque individu a droit à un recours effectif devant les

tribunaux compétents contre des actes attentatoires aux droits garantis par la

constitution, la loi ou la Charte, même lorsque les actes ont été commis par des

personnes dans le cadre de leurs fonctions officielles.

8

2.2 Pacte International relatif aux droits civils et politiques (contraignant)

L’article 2 du Pacte demande aux Etats de

garantir un recours utile à tout individu dont les

droits reconnus dans le Pacte auront été

violés. Cet article précise que les Etats devront

veiller a ce recours même si la violation est

commise par des personnes agissant dans

l’exercice de leurs fonctions officielles.

Cet article 2 précise aussi que les Etats doivent garantir la bonne suite donnée à un recours par

les autorités compétentes.

L’article 14 du Pacte vise plus largement les principes généraux applicable à toute procédure

judiciaire qu’elle soit civile et pénale :

droit à être équitablement et publiquement entendue,

droit à un tribunal compétent, indépendant et impartial.

L’article 14 dudit Pacte garantit également un droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours

de justice et à un procès équitable :

« 1. Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce

que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent,

indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation

A la lecture des articles de la Charte relatifs à l’accès à la justice, la Commission

recommande aux Etats de prévoir un accès effectif aux services d’un avocat et ce

dans des conditions d’égalité.

S’agissant de l’aide et l’assistance judiciaire, la Commission précise que la partie à une

affaire civile a le droit, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige (ex : complexité de

l’affaire, aptitude la partie concernée à se faire représenter de manière efficace) de se

voir attribué d’office un défenseur sans frais, se elle n’a pas les moyens de le

rémunérer.

La CADHP insiste également sur le fait que les Etat doivent veiller à ce que les Etats

prennent des mesures spécifiques pour veiller à ce que les communautés rurales et les

femmes aient accès aux services judiciaires. D’autres mesures doivent être prises pour

améliorer l’accès aux services judiciaires lorsque cet accès n’est pas satisfait surtout si

ces groupes ont des cultures, des traditions ou des langues différentes. Les Etats

doivent notamment veiller a ce que cet accès ne soit pas entravé par la distance à

parcourir, l’absence d’information sur le système judiciaire, l’imposition des frais de

justice trop élevés ou l’absence d’assistance pour comprendre les procédures et

accomplir les formalités.

Références

Nom complet : Pacte International relative aux droits civils et politiques Nom usuel : PIDCP Année d’adoption : 1966 Date d’entrée en vigueur : 23 mars 1976 Adhésion par le Congo : 1983

9

en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de

caractère civil. »

6 Observation Générale n°32 Comité des droits de l’homme 23 août 2007

7 Communication n°387 :1989, Karttunen c/Filande, par 7.2

Box 2 : Observation Générale n°32 Comité des droits de l’homme 23 août 2007,

Article 14. Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un

procès équitable

Le Comité des droits de l’homme est venu apporter des précisions sur la lecture de l’article 14.6 S’agissant du droit à l’égalité

Ainsi, pour le Comité le droit à l’égalité ne se limite pas aux tribunaux et cours de

justice mais doit être appliqué devant tout organe exerçant une fonction juridictionnelle.

Le Comité rappelle aussi qu’il existerait une violation du droit à l’égalité en cas

d’obstruction dans l’engagement d’une action en raison de la race, de la couleur, du

sexe, de la langue, de la religion, des opinions politiques ou autres, de son origine

nationale ou sociale, de sa fortune, de sa naissance de la personne requérante.

Pour le Comité, le droit à l’égalité implique aussi l’égalité des armes. Dans le cadre des

procédures civiles on entend par égalité des armes :

la possibilité de contester tout les arguments et preuves produits par l’autre

partie,

l’obligation de fournir gratuitement les services d’un interprète.

S’agissant du droit à chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial

Le Comité rappelle que « la garantie de compétence, d’indépendance et d’impartialité du tribunal au sens du paragraphe 1 de l’article 14 est un droit absolu qui ne souffre aucune exception ». En faisant référence à une autre communication7, le Comité indique que l’exigence d’impartialité comprend deux aspects :

les jugent ne doivent pas laisser des partis pris ou des préjugé personnels

influencer leur jugement ni nourrir d’idée préconçues au sujet de l’affaire dont ils

sont saisis, ni agir de manière à favoriser indûment des intérêts de l’une des

parties,

l’absence de la participation d’un juge, qui selon le droit interne, aurait du être

écarté.

10

2.3 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

L’accès à la justice des peuples autochtones est

consacré à l’article 40 :

« Les peuples autochtones ont le droit d’avoir accès à

des procédures justes et équitables pour le règlement

des conflits et des différends avec les États ou d’autres

parties et à une décision rapide en la matière, ainsi qu’à

des voies de recours efficaces pour toute violation de

leurs droits individuels et collectifs. Toute décision en la matière prendra dûment en

considération les coutumes, traditions, règles et systèmes juridiques des peuples autochtones

concernés et les normes internationales relatives aux droits de l’homme. »

Cet article comme l’article 14 du Pacte international sur les droits civils et politiques insiste sur le

droit d’équité. L’article 40 garantit en plus :

un accès à la justice individuel et/ou collectif,

une procédure rapide,

la reconnaissance des systèmes de justice des peuples autochtones à l’échelle nationale

et internationale,

8 Communication n°215/1986, Van Meurs c. Pays Bas, par 6.2

Le Comité souligne aussi qu’un des éléments fondamental du procès équitable est la

rapidité de la procédure, si cette lenteur est due à un manque de ressources, il

appartiendra à l’Etat, dans la mesure du possible, d’allouer des ressources

budgétaires supplémentaires à l’administration de la justice.

Enfin s’agissant de la publicité de la procédure, une autre communication8 dudit

Comité a précisé que le Tribunal doit permettre au public de s’informer de la date et du

lieu de l’audience et de fournir les moyens matériels permettant aux personnes

intéressées d’y assister, dans les limites du raisonnable.

S’agissant des tribunaux coutumiers

Le Comité précise que l’article 14 est applicable aux tribunaux coutumiers lorsque l’Etat les reconnaît dans son ordre juridique interne. Le Comité rappelle que les procédures de ces tribunaux doivent être conformes aux dispositions fondamentales d’un procès équitable et autres garanties pertinentes du Pacte.

Références

Nom complet : Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones Nom usuel : Déclaration sur les droits des peuples autochtones Année d’adoption : 2007 Adoption par le Congo : oui

11

les tribunaux doivent prendre en compte les normes internationales relatives aux droits

de l’homme.

2.4 Directives sous régionales sur la participation des populations locales

et autochtones et des ONG à la gestion durable des forets d’Afrique

centrale (15 avril 2013)

Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie sous régionale de participation des

populations locales et autochtones mise en place par la COMIFAC, cette dernière a élaboré des

directives qui mentionnent à deux reprises l’accès a la justice pour les CLA.

Directive 14 : Voie de recours et gestion des conflits

Cette directive vise à garantir aux CLA « un droit de recours administratif ou judiciaire pour

défendre leurs intérêts et leurs droits dans tous les processus de gestion forestière. »

Parmi les actions prioritaires visées par COMIFAC, cette dernière indique que les Etats

devraient intégrer dans les législations forestières, des dispositions relatives aux voies de

recours et à la gestion des conflits dans tous les processus de gestion forestière

Directive 5 : Gestion des conflits homme-faune

La COMIFAC indique qu’il faut développer des moyens de réparer et de compenser les

dommages causes par la faune aux populations locales et autochtones. Pour ce faire elle

précise dans la directive 5 que les CLA ont tout d’abord le droit d’exercer un recours gracieux

auprès des autorités administratives locales. En cas de solutions insuffisantes, elles pourront

alors avoir recours aux autorités judiciaires locales compétentes.

3 Droit national en matière d’accès à la justice

De manière générale, l’accès à la justice est un droit transversal qui se retrouve dans un

certain nombre de textes juridiques. L’égalité devant la justice est un droit fondamental

assuré par la Constitution congolaise. En effet, dans son Titre II sur les droits et les libertés

fondamentaux, il est précisé dans l’article 8 de la Constitution que « tous les citoyens sont

égaux devant la loi, sans discrimination fondée sur l’origine, la situation sociale ou matérielle,

l’appartenance raciale et ethnique ou départementale, le sexe, l’instruction, la langue, la

religion, la philosophie ou le lieu de résidence, sous réserve des dispositions de [certaines]

dispositions. La femme a les mêmes droits que l’homme […]».

De même, la Constitution congolaise garantit que « tout citoyen a le droit de présenter des

requêtes aux organes appropriés de l’Etat ».9 La Constitution reconnait également à tous les

citoyens le droit d’agir en justice pour un préjudice subi du fait de l’administration (article 41).

Toutefois, ces principes d’égalité prônés dans la Constitution se confrontent aux réalités

pratiques de terrain liées à chaque type de juridiction analysé plus haut (civile, pénale et

administrative). Leur mise en application est souvent compromise par des contraintes aussi

bien structurelles que fonctionnelles, qui représentent des barrières à l’accès à la justice des

communautés locales et populations autochtones (CLPA).

Parmi les obstacles les plus importants, on peut citer l’éloignement géographique des

juridictions et des entraves fonctionnelles dont le manque de connaissance de la loi par les

CLPA, la complexité du langage juridique, les coûts élevés des procédures juridiques et le

disfonctionnement du système légal.

3.1 L’éloignement géographique

Le premier obstacle auquel les communautés locales et populations autochtones (CLPA)

doivent faire face quand ils essaient d’accéder à la justice est de nature pratique. En effet,

les CLPA vivent en milieu rural où le commissariat de police ou de gendarmerie et les

tribunaux sont à des kilomètres de marche, ce qui suppose qu’il faut parcourir de longues

distances pour y parvenir.

Or la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi

n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire en République du Congo

prévoit, au niveau local, qu’il y ait en principe une cour d’appel par département, un tribunal

de grande instance et un tribunal d’instance par commune et district, chargé de

l’administration de la justice avec les mêmes missions que les autres juridictions.

Mais en réalité la République du Congo n’a actuellement que sept (7) cours d’appel pour

l’ensemble des douze (12) départements que compte le pays : Brazzaville, Pointe-

Noire/Kouilou, Plateaux (Djambala), Sangha (Ouesso), Cuvette (Owando), Niari (Dolisie),

Likouala (Impfondo). Les CLPA sont ainsi forcées à se déplacer dans des localités parfois

9 Article 40 de la Constitution du 20 janvier 2002.

éloignes afin de faire appel d’une décision de justice, ce qui engendrent des couts

importants.

Les tribunaux de grande instance ne se trouvent que dans les grandes villes et communes

urbaines : Brazzaville, Pointe-Noire/Kouilou, Dolisie (Niari), Kinkala (Pool), Djambala

(Plateaux), Owando (Cuvette), Ouesso (Sangha) et Impfondo (Likouala).

Seuls les tribunaux d’instance sont assez représentatifs sur l’ensemble du territoire national,

mais sont toujours aussi éloignés du milieu rural et des lieux où vivent les CLPA.

Lorsqu’il n’y a qu’un tribunal d’instance dans la localité, les juges de section ou d’instance

agissent comme juges d’instruction en établissant des actes d’information utiles à la

manifestation de la vérité, jouant ainsi le rôle des tribunaux de grande instance ou cours

d’appel. Puis, ils transfèrent les prévenus ou renvoient les parties auprès du tribunal de

grande instance ou cour d’appel ayant compétence dans la circonscription juridique. Nous

pouvons noter que ces juges n’ont pas en principe la capacité pour agir de la sorte, mais ils

le font en pratique pour palier à un besoin imminent.

A côté de ces juridictions, le Décret n° 2010-792 du 31 décembre 2010 relatif à

l’administration du quartier et du village reconnait aux autorités traditionnelles (chef de

quartier, chef de village, chef coutumier ou sage) la compétence pour régler à l’amiable

certains conflits mineurs (article 21), sans préciser exactement la nature de ces conflits. En

pratique, on peut entendre ici les conflits de voisinage et conjugaux, la gestion de la terre et

autres conflits civils (surtout dans les localités où les juridictions sont très éloignées).

Pour une bonne administration de la justice locale, on tient aussi compte des réalités

coutumières de la contrée, à travers l’avis des sages, notables, chefs coutumiers, etc. pour

fonder les décisions de justice. Mais au niveau local, il n’y a pas de loi spécifique qui donne

pouvoir judiciaire autre que le règlement à l’amiable aux autorités traditionnelles.

Toutefois, des alternatives existent pour rendre le système judiciaire plus flexible. II s’agit

des « audiences foraines.» En effet, les audiences d’un tribunal ou d’une cour se déroulent

en principe dans les palais de justice. Toutefois, le juge peut sur ordonnance, décider que

les audiences se tiennent hors des murs du palais de justice et dans une autre commune

que celle où siège la juridiction, dans des bâtiments publics (écoles, mairies, etc.), afin de

rapprocher la justice du justiciable et garantir l’accès à la justice pour tous. Elles sont alors

appelées audiences foraines.

Ce mécanisme n’est que prévu par l’article 216 du code de procédure pénale en ce qui

concerne la cour criminelle. Dans ces cas, il est prévu qu’elles soient tenues « dans une

section de tribunal » par le président d’une cour d’appel ou son conseiller désigné par lui,

assisté d’un greffier.10 En réalité, dans la pratique, les audiences foraines ne se tiennent plus

depuis près de 30 ans, puisqu’elles étaient plus favorisées par l’existence des tribunaux

populaires de village et de quartier (instaurés pendant le régime marxiste).

10 Article 224 du code de procédure Pénale.

Soulignons que le Code forestier n’évoque pas ce mécanisme, alors que sa flexibilité

permettrait de résoudre un certain nombre de problématiques évoquées ci-dessus en

matière d’accès à la justice des communautés locales et populations autochtones.11

Soulignons aussi que la loi permet aux autorités locales (préfet, sous préfet, maire, etc.) de

prendre des arrêtés pour régir/compléter la loi nationale sur les situations non prévues, afin

de compléter la bonne marche de la justice.12 Les avis sont aussi donnés et la possibilité de

saisine par le préfet ou sous préfet pour aider ou influencer la bonne administration de la

justice au niveau local. En effet, le préfet ou le sous préfet a le droit de saisir en urgence le

juge administratif lorsqu’un acte porte atteinte à une liberté publique ou individuelle ou met

en péril les intérêts de la collectivité locale. La procédure d’urgence du préfet sursoit à

l’exécution de l’acte incriminé.13

De même, toute personne, morale ou physique, lésée dans ses droits peut saisir le préfet pour requérir l’annulation d’une décision des autorités et des organes locaux dans les délais légaux. Ce recours est préalable à la saisine du juge compétent.14

3.2 Difficile accès à l’information juridique, manque de connaissance de

la loi et du langage juridique

Un autre facteur qui freine l’accès des communautés locales et populations autochtones à la

justice est la difficulté pour elles d’avoir accès à l’information juridique, mais aussi la difficulté

de compréhension de la loi et des procédures juridiques et judiciaires, dû souvent au

manque de non maitrise de la langue officielle (le français) et à la complexité du langage

juridique, souvent réservé aux initiés.

Concernant l’accès à l’information juridique, la constitution congolaise du 20 janvier 2002

reconnaît à tous les citoyens, sans distinction, le droit à l’information et la liberté du droit

d’accès aux sources d’information.15 Toutefois, pour pouvoir prétendre à ce droit, on doit en

connaître son existence. Malheureusement obtenir une information en général est très

difficile, à plus forte raison l’information juridique. Le plus souvent, les documents sont

cloîtrés dans les administrations qui font de la rétention d’information. L’information juridique

arrive difficilement dans les départements et surtout près des communautés locales et

populations autochtones vivant en milieu rural. Le principe selon lequel « nul n’est censé

ignorer la loi » est appliqué à tous, mais étant donné le manque d’accès à l’information des

CLPA, on peut considérer qu’elles ont un désavantage majeur.

Concernant la connaissance de la langue, il faut signaler que les CLPA accèdent

difficilement à l’éducation, ce qui fait que la langue utilisée dans les tribunaux est toujours la

langue officielle du pays, le français, réduisant ainsi leur capacité à comprendre et

compromet grandement leur accès à une justice équitable. Ce n’est qu’en matière pénale

11 C’est ainsi que dans sa contribution à l’élaboration du code forestier congolais, la société civile a fait une proposition consistant à rapprocher

les juridictions des communautés locales et populations autochtones vivant très éloignés de celles-ci, mais aussi de créer des tribunaux de

proximité ou spécialisés en question liées à la foresterie, afin de favoriser l’accès à la justice pour les victimes.

12 Loi n°19-99 du 15 août 1999 portant organisation du pouvoir judiciaire et Loi n°10-2003 du 6 février 2003 portant transfert de compétences aux

collectivités locales

13 Article 7, Loi n°8 -2003 du 6 février 2003 portant loi organique relative à l’exercice de la tutelle sur les collectivités locales.

14 Article 8, Loi n°8 -2003 du 6 février 2003 portant loi organique relative à l’exercice de la tutelle sur les collectivités locales. 15

Article 19 al. 4 et 5 de la Constitution du 20 janvier 2002.

que la loi congolaise permet de faire appel à un interprète si l’accusé ne parle ou ne

comprend pas la langue française16. Le témoin bénéficie aussi d’un interprète qui peut être le

greffier ou une personne âgée d’au moins 21 ans révolus.17

Il faut souligner à ce niveau que les ONG et associations de justice et des droits de l’Homme

s’efforcent d’aider les CLPA à accéder au droit et à la justice, à travers l’information

juridique, la formation au droit18, ainsi que l’accès à la justice par l’assistance juridique et

l’accompagnement judiciaire. Mais cet appui reste minime vu l’insuffisance des ressources

financières et humaines dont bénéficient ou mobilisent les ONG et associations pour faire ce

travail.

3.3 Les coûts des procédures juridiques et judiciaires

Les coûts des procédures juridiques et judiciaires sont un autre facteur qui empêche l’accès à la justice. En République du Congo, l’ouverture d’un procès peut coûter plus ou moins 15.000 FCFA (soit 30 dollars US ou 23 Euros), auxquels on devra ajouter au moins 250.000 FCFA (soit 500 dollars US ou 382 Euros) pour les honoraires d’un avocat, alors que le revenu annuel moyen des congolais est de 544,40 FCFA (1 dollar US ou 0,82 Euros) par adulte par jour19, sans parler de celui des communautés locales et populations autochtones vivant en milieu rural qui est encore plus bas.

Soulignons aussi qu’il n’existe pas au niveau des tribunaux et cours un document permettant

d’informer les justiciables sur les coûts des frais de justice. Donc la détermination de ces

frais au niveau de la justice se réfère au « point B du Code pénal sur les amendes

pénales20 », mais aussi sur la base de la pratique et la similitude des affaires à traiter. Ceci

ne permet pas aux CLPA de connaitre à l’ avance les couts d’accès à la justice. Ces couts

devraient être fixés par la loi et largement diffusés pour permettre un accès égal à tous à

l’information.

En droit civil En matière civile, la législation Congolaise prévoit que toute personne qui intente une action

civile doit payer les frais inhérents à l’ouverture de la procédure, aux honoraires d’avocat (si

elle prend un conseil) et au retrait de la « grosse » (décision de justice) ; sans oublier les

amendes qui peuvent être dues suite à la condamnation judiciaire ainsi que les frais

d’huissier pour l’exécution de la décision judiciaire en ce qui concerne la partie ayant gagné

le procès.

Droit pénal Une personne physique ou morale lésée peut saisir la justice par le biais de l’action publique.

A ce moment, il est soumis au paiement des frais d’ouverture de la procédure, des frais de

photocopies de toutes pièces de la procédure, d’honoraires d’avocat, de retrait de la grosse

(décision de justice), etc.

16

Articles 86 al. 2 et 240 al. 4 du code de procédure pénale. 17

Article 89 du code de procédure pénale. 18

Formation des parajuristes ou juristes communautaires : CLPA à qui l’on inculque des notions juridiques de base leur permettant de faire face

aux problèmes de droit qui se posent au sein de leurs communautés. 19

Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) en République du Congo. 20

Loi n°54-293, adaptant dans les territoires d’Outre-mer, au Cameroun et au Togo les lois des 24 mai 1946, 25 septembre 1948 et 14 avril 1952

(A.70) modifiant le taux des amendes pénales.

Lorsqu’une personne physique ou morale se constitue partie civile, si elle n’a pas obtenu

l’assistance judiciaire, elle doit consigner au greffe, sous peine de non-recevabilité de la

plainte, la somme présumée nécessaire pour les frais de la procédure, dans le délai imparti

par le juge d’instruction qui en fixe le montant par ordonnance.21

Enfin, le code de procédure pénale prévoit que la partie civile qui succombe (perd le procès)

est tenue de payer certains frais.22

Tout en comprenant le sens de ces dispositions, elles représentent une entrave ou limite

l’accès à la justice des communautés locales et populations autochtones à cause de la

barrière économique qu’elles dressent.

Droit administratif La procédure administrative obéit aux mêmes règles qu’en matières civile et pénale23.

Il est important toutefois de faire la distinction entre les différents degrés de recours

existants, à respecter sous peine de rejet, en matière de contentieux administratif :

- recours gracieux : adressé à l’autorité dont émane la mesure critiquée.

- recours hiérarchique : porté devant un supérieur de l’autorité de qui émane la mesure

critique, deux mois après avoir reçu ou non la réponse au recours gracieux formulé, et avant

de se pourvoir en annulation d’une décision administrative.

- recours administratif : porté devant les tribunaux administratifs, pour faire annuler les actes

prétendus illégaux ou demander réparation pécuniaire.

En ce qui concerne les recours gracieux et hiérarchiques, vont aussi être supportés les frais

de saisie, les impressions et les photocopies des documents du dossier à déposer.

Quant au recours administratif, le dépôt de la requête introductive d’instance est subordonné

aux dépenses du procès : versement d’une provision, frais et honoraires liés aux expertises,

ministère d’avocat (obligatoire pour des recours en indemnité dirigés contre l’Etat, des litiges

relatifs aux marchés et aux contrats, plus généralement au plein contentieux, au pourvoi en

cassation, etc).

Au regard de tout cela, il faut encore admettre que la barrière économique constitue toujours

un frein à l’accès à la justice des communautés locales et populations autochtones. Pour

pallier aux entraves à l’accès à la justice, les demandeurs et les défenseurs peuvent

bénéficier de l’assistance judiciaire (aide juridictionnelle) si leurs ressources sont inférieures.

Le mécanisme d’assistance judiciaire Le législateur congolais a mis en place, à côté du ministère d’avocat, un mécanisme

permettant aux personnes démunies (à revenu mensuel en dessous du SMIG24) et ayant des

ressources insuffisantes (revenu inférieur ou égal à 50.000 FCFA ou à 80.000 FCFA quand

on a plus de 3 personnes à sa charge), de faire valoir leurs droits en justice par la prise en

charge judiciaire totale ou partielle : Loi n°001/84 du 20/01/84 portant réorganisation de

l’assistance judiciaire.

21

Article 73 du Code de procédure pénale. 22

Article 410 du Code de procédure pénale. 23

Article 395 Code de procédure administrative. 24

Le SMIG est à 90.000 FCFA pour le secteur public et à 60.000 FCFA pour le secteur privé.

Bénéficient de ce mécanisme les

personnes physiques de nationalités

congolaise et étrangère résidant au

Congo, les refugiés et personnes sans

nationalité (apatrides), les personnes

morales à but non lucratif, à l’exclusion

des personnes morales de droit

public.25

La procédure consiste à déposer un

dossier au procureur de la république

constitué d’une demande écrite sur

papier libre contenant : nom, prénoms,

nationalité, domicile, date et lieu de

naissance, objet et siège social pour la

personne morale, nature du litige,

exposé sommaire des faits et motifs ; le

cas échéant la juridiction saisie, la

nature de l’acte conservatoire ou de la

voie d’exécution, le lieu où il doit être

effectué et un exposé sommaire des

faits, le nom et l’adresse de l’avocat et

des officiers publics et ministériels ayant

prêté ou accepté leurs concours) ; une déclaration de ressource ou de la situation fiscale ou

immobilière, établie en double exemplaires, sur l’honneur ; toutes pièces de nature à justifier

vos dires et prétentions (le cas échéant une copie de la décision contestée ou l’acte à faire

exécuter).

Le bénéfice de l’assistance judiciaire vous dispense du paiement des sommes dues au

trésor public (droits de timbre et d’enregistrement), des sommes dues au greffe et toute

consignation d’amende, des honoraires de l’avocat, des sommes dues aux auxiliaires de

justice, aux témoins et aux experts ainsi que les autres frais dus à l’occasion de la

procédure.26

Malheureusement, cette loi ne bénéficie pas à la population en générale et aux

communautés locales et populations autochtones en particulier. En effet, la mise en œuvre

de cette loi dépend des bureaux d’assistance judiciaire qui doivent être créés dans chaque

juridiction. Or à ce jour, aucun bureau d’assistance judiciaire n’a été créé. En plus, l’Etat ne

prévoit pas dans le budget annuel du ministère de la justice et des droits humains, les frais

liés à l’assistance judiciaire, ce qui entraîne la réticence des avocats commis d’office

d’exercer ce rôle, car ils craignent de ne pas se faire rembourser par l’Etat.

2.1. Les dysfonctions du système légal

A coté de ces éléments structurels il y a aussi des éléments contextuels qui représentent des

barrières à l’accès à la justice des populations en générale et des populations autochtones

25

Articles 2 et 4 de la Loi n°001/84 du 20/01/84 portant réorganisation de l’assistance judiciaire. 26

Article 5 al. 4 de la Loi n°001/84 du 20/01/84 portant réorganisation de l’assistance judiciaire.

Encadre 6 : Le mécanisme d’assistance

judiciaire.

Ce mécanisme permet à toute personne dont le revenu est inférieur ou égal au SMIG (50.000 à 80.000 FCFA) ou ayant plus de 3 personnes à charge de bénéficier d’une assistance judiciaire partielle ou totale en justice pour faire valoir ses droits, et avec le concours gratuit des officiers ministériels et d’un avocat

Art. 1er

, 18 et 19 de la Loi n°001/84 du 20/01/84

portant réorganisation de l’assistance judiciaire. Malheureusement, ce mécanisme n’est pas véritablement fonctionnel car les bureaux d’assistance judiciaire, qui doivent exister dans chaque juridiction pour recevoir, enregistrer et instruire les demandes d’assistance judiciaire n’existent pas. Ce qui constitue un frein au droit d’accès des communautés locales et populations autochtones, car ces derniers sont, pour la plupart, démunis et ce mécanisme peut largement contribuer au respect de leurs droits.

en particulier, tels le taux annuel d’enregistrement/traitement des dossiers est très faible et le

niveau annuel des affaires rendues est très bas. A quoi s’ajoute un taux très bas d’exécution

des décisions rendues. Ceci s’explique par la complexité et la lourdeur des procédures,

l’insuffisance des salles d’audience et des effectifs, les pesanteurs socioculturelles, les

comportements déviants des acteurs de la justice, y compris la corruption, la concussion et

les fraudes.27

En effet, devant le Parlement réuni en congrès le 14 août 2003, le Président de la

République fustigeait les responsables politiques et administratives à tous les niveaux qui,

« pour sauvegarder des solidarités primitives ou pour conserver des positions politiques ou

encore simplement par complicité active ou passive, en tous les cas intéressés, ne prennent

aucune mesure salvatrice face aux actes de sabotage qui sont commis çà et là sous leurs

yeux […] Personne ne veut s’attaquer aux univers administratifs, véritables refuges de tous

les esprits mafieux. » D’où deux études commandées par le Gouvernement avec l’aide des

partenaires au développement (PNUD, Banque Mondiale, BAD, FMI) ont mis en évidence

l’ampleur de la corruption en République du Congo. Il ressort de ces études que les

secteurs d’activités les plus touchés par la fraude et la corruption vont des structures

administratives (douanes, impôts, trésor, marchés et contrats de l’Etat, services de santé et

de mairies), aux institutions (Présidence de la République, Gouvernement, Parlement,

Justice, Partis politiques et Syndicats).

La justice se trouve au 4ème rang des secteurs les plus touchés par la corruption, quant bien

même le traitement des magistrats a été revu à la hausse. La corruption prend des

proportions inquiétantes ; on assiste à « des mises en liberté provisoire fantaisistes des

présumés coupables pris en flagrant délit de crimes, à des falsifications de dispositifs de

décisions de justice par des greffiers affectés, à des retentions de dossiers par des

magistrats, à des soustractions frauduleuses de pièces dans des dossiers, etc. »28

Le gouvernement congolais est pourtant dote d’un nombre de textes et d’institutions

agissant dans le cadre de la lutte contre la corruption, et il a notamment :

ratifié les conventions des Nations Unies contre la corruption et de l’Union Africaine

sur la prévention et la lutte contre la corruption ;

27 Le rapport d’enquête fait en 2003 par le Ministère en charge du contrôle d’Etat en dit long sur ce

sujet qui perdure jusqu’aujourd’hui.

28

Etude menée en 2009 par le cabinet international CERTI et le cabinet national UERPOD sur le

niveau de corruption en République du Congo. Ces études étaient commanditées par le

Gouvernement congolais avec l’appui de la Banque Mondiale et du PNUD. C’est sur la base de ces 2

études qu’on eu lieu les différentes réformes réalisées sur la gestion des finances publiques. Ces

études ont été complétées par les rapports de l’ONG Transparency International (celui de 2012 plaçait

la République du Congo au 144è rang sur 176 pays identifiés (score: 26%) comme pays les plus

corrompus.

adopté la Loi n°5-2009 du 22 septembre 2009 sur la lutte contre la corruption, la

concussion, la fraude et les infractions assimilées ;

mis en place un Plan d’action de lutte contre la corruption, la concussion, la fraude et

les infractions assimilées, approuvé par décret n°2009-235 du 13 août 2009 ;

créé une Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la

fraude constituée essentiellement des Ministres et des Directeurs généraux de

grandes administrations (décret n°2007-155 du 13 février 2007) ;

et créé l’Observatoire anti-corruption – OAC (loi n°16-2007du 19 septembre2007)

pour suivre et évaluer les mesures de lutte contre la corruption initiées par le

Gouvernement et mise en œuvre par la Commission nationale de lutte contre la

corruption-la concussion et la fraude.

Malgré cela, la corruption au sein de la justice prend de plus en plus d’ampleur et affaiblit la

primauté du droit, nuit à la réputation des magistrats et sape la confiance que devrait lui

accorder les communautés locales et populations autochtones. Ce qui constitue un frein à

l’accès à la justice des communautés locales et populations autochtones.

Un processus de révision des textes existants, regroupés dans les codes d’audiences, est en

cours pour améliorer l’accès à la justice des citoyens, mais il n’en demeure pas moins que

ce processus n’est pas très participatif et est bloqué en ce moment.29 Il revient aussi au

gouvernement de renforcer la formation d’un personnel qualifié, de réorganiser la carte

judiciaire et assurer la garantie d’indépendance de la justice, de favoriser l’effectivité de la loi

sur l’assistance judiciaire, etc.

4 Accès a la justice dans le domaine forestier

Le Code forestier congolais est en révision. Toutefois, la loi n°16-2000 portant code forestier

du 20 novembre 2000 continue à s’appliquer. Dans ce code, il existe différentes dispositions

permettant de protéger les droits des communautés, et notamment des procédures qui

prévoient un recours pour les populations affectées par l’exploitation forestière (pendant le

classement par exemple). De plus, tout un titre du code est consacré aux infractions et

pénalités (Titre XI). Certaines d’entre elles concernent directement les communautés locales

et autochtones ou des préjudices qu’elles pourraient subir.

Ainsi, la Loi n°5 - 2011 du 25 février 2011 portant « Promotion et Protection des Droits des

Populations Autochtones » en République du Congo reconnait de façon explicite que

« l’accès à la justice est garanti aux populations autochtones », en son article 10. A l’article

42, la loi précise que « seules les populations autochtones peuvent se prévaloir de leur

coutume et prétendre à la réparation de tout préjudice lié à la violation de leurs droits à la

terre et aux ressources naturelles. » Il est donc clair que tout préjudice subi par un

autochtone doit être réclamé par celui-ci. Ceci n’ouvre pas la possibilité aux actions en

justice par les ONG, au nom des populations autochtones. Par contre, cela garantit l’intégrité

des réclamations présentées, puisqu’elles sont faites directement par la personne affectée.

29

Ce processus a été lancé depuis 2010.

Il n’existe par contre pas de disposition générale garantissant l’accès à la justice de façon

explicite ni de mécanisme de résolution des conflits spécifiques qui viserait l’exploitation

forestière ou la relation entre les exploitants forestiers et les communautés. S’il est acquis

que toute personne physique ou morale peut exercer son droit au recours juridictionnel en

soumettant ses prétentions à un tribunal compétent (voir Constitution, article 40), l’exercice

de ce droit devrait être explicite dans le Code forestier notamment en cas de non respect des

dispositions relatives au respect de l’environnement et celles relatives a la protection des

populations locales.

En ce qui concerne le mode d’accès aux actions civiles, administratives et pénales, voir la

section 2 .3 plus haut.

3.1 Le classement

Le Titre XI du Code forestier consacré aux infractions et pénalités prévoit en son Article 25

(Article 17 ancien) que « les personnes, qui ont des droits autres que ceux d'usage, les font

connaître à l'autorité régionale ou communale, au plus tard soixante (60) jours, à compter de

la date de communication effective du projet de classement aux intéressés.

Les réclamations formulées sont portées devant la commission de classement, prévue à

l'article 26 ci-dessous, par l'autorité départementale/communale. »

Cet article exclut du droit de faire des réclamations les personnes qui ont des droits

d’usages à faire valoir, alors que :

D’une part, elles auraient pu présenter des réclamations sur des droits d’usage qui

n’auraient pas été pris en compte par l’administration, avant que le projet de

classement ne soit validé, afin d’assurer la reconnaissance de leurs droits.

D’autre part, elles n’ont ainsi pas la possibilité de faire un recours si ces réclamations

ne sont pas prises en compte par la commission de classement.

Il faudrait donc ici prévoir la possibilité pour les détenteurs de droits d’usage

également de faire une réclamation, qui sera portée devant la commission de

classement.

L’article 28 (Article 20 ancien) admet « qu’au cas où un règlement amiable n'est pas

intervenu, concernant les réclamations évoquées à l'article 25 ci-dessus, les personnes

concernées saisissent le tribunal de grande instance territorialement compétent. »

Le problème qui peut se poser est celui où il n’existerait pas de tribunal/cours dans la localité

dans laquelle est née la réclamation ou s’exerce les droits. D’où la nécessité d’intégrer dans

la loi le système d’audiences foraines.

3.2 Infractions et pénalités

Dans le chapitre du Code forestier sur les infractions et pénalités, se retrouvent certaines

dispositions sur l’accès à la justice des CLPA que nous analyserons ci-dessous.

L’article 173 (Article 116 ancien) prévoit que « les infractions en matière forestière sont

prouvées, soit par procès-verbaux, soit par témoin. » Cette formulation est très limitative, il

serait souhaitable que la preuve puisse être apportée par tout moyen. En effet, les modes de

preuve doivent tenir compte de l’évolution de la société, car aujourd’hui d’autres modes sont

utilisés pour apporter des éléments de preuve non négligeable. Il s’agit par exemple des

images satellitaires, de la photographie numérique, etc.

L’Article 184 (Article 127 ancien) donne pouvoir à l'administration des eaux et forêts

d’exercer toute poursuite relative aux infractions commises dans les forêts du domaine

forestier permanent, d’exercer toute action civile tendant à la réparation du préjudice subi par

l’administration des eaux et forêts, soit en raison de la violation des clauses contractuelles

par les titulaires d'un titre d'exploitation ou de transformation, soit en raison d'outrage à un

agent des eaux et forêts dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

Il serait important d’intégrer, dans le cadre de la réforme du Code forestier, la possibilité pour

toute personne qui s’estime victime d’une infraction, de dénoncer les faits pour demander

réparation. En se constituant partie civile, la victime pourra demander en plus de la

condamnation pénale, des dommages et intérêts.

Il faudrait aussi prévoir que les modalités de cette poursuite soient définies par voie

réglementaire, ce serait l’occasion de garantir un véritable accès à la justice avec notamment

la possibilité d’avoir recours à l’assistance judiciaire30.

L’article 186 (Article 129 amendé) qui donne pouvoir au juge principal de décider du sort à

donner au défendeur qui invoque un droit de propriété ou un droit réel pendant un procès

(exception préjudicielle) a l’avantage de permettre d’interroger la juridiction compétente sur

un problème juridique particulier (ici les droits de propriété), avant que la juridiction saisie ne

statue sur le litige principal. A cet effet, cette disposition devrait intégrer une mention sur le

préjudice subi par les communautés locales et populations autochtones, en plus de celui

subi par l’administration.

L’article 228 (Article 169 ancien) stipule que les restitutions et les dommages - intérêts

reviennent toujours à l’Etat. Cet article ne permet pas aux communautés locales et

populations autochtones, qui ont des droits d’usage et des droits de propriété sur les forêts,

de recevoir des compensations pour les préjudices subis. Or il serait bénéfique à tous de

prendre en compte les droits des communautés locales et populations autochtones tel

qu’indiqué par la directive de la COMIFAC (directive 4, principe 2) : « l’Etat doit instituer une

réparation et compensation pour les restrictions aux droits de propriété coutumière et aux

droits d’usage des populations locales et autochtones. »

5 Accès à la justice dans le domaine de l’environnement

La République du Congo est confrontée à un problème réel de dégradation de son

environnement. En effet, les pressions anthropiques sur l’environnement sont imputables à

l’aggravation de la pauvreté et à la faiblesse des politiques publiques en matière de

protection de l’environnement. Les pouvoirs publics démontrent malgré tout, dans une

certaine mesure, une volonté de suivre l’état de l’environnement en se dotant d’instruments

de planification et stratégie à long terme.

30 Tel que préconisé par la Directive 14, principe 2 de la COMIFAC, les populations locales et

autochtones doivent bénéficier d’un droit de recours administratif ou judiciaire pour défendre leurs

intérêts et leurs droits dans tous les processus de gestion forestière.

Par ailleurs, la République du Congo a mis en place un cadre institutionnel et juridique pour

suivre et protéger l’environnement :

le Ministère du tourisme et de l’environnement ;

la Loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l’environnement (en pièce jointe).

Il n’en demeure pas moins que la faiblesse des capacités en ressources humaines et

matérielles, l’absence de législations spécifiques dans certains cas et la pauvreté, limitent les

capacités du pays à protéger durablement l’environnement.

Il y a toujours un manque flagrant d’intégration des questions environnementales dans les

politiques sectorielles et dans le fonctionnement des institutions, faute, à ce jour, de réelle

politique d’aménagement du territoire.

Concernant la réalisation d’infrastructures, on peut noter des carences importantes en

matière de réalisation d’études d’impact ainsi que le manque ou l’absence de coordination

interministérielle lors de la définition et de la réalisation d’infrastructures, même lorsqu’il

s’agit d’axes très importants, avec de possibles impacts négatifs sur l’environnement. De

plus, la proximité ou la présence d’aires protégées ne semble pas être automatiquement

prises en compte lors du tracé des axes de communication.

Les infractions d’atteinte à l’environnement sont constatées par les agents habilités de

l’administration en charge de l’environnement, les agents et officiers de police judiciaire

collaborant avec les agents de l’économie forestière, de la santé, des mines et de l’énergie,

de l’hydraulique, des transports et de l’aviation civile, des travaux publics et construction,

ainsi que les collectivités locales.

A ce titre, les contrevenants ou ceux qui dégradent considérablement l’environnement sont

passibles des amendes et des peines privatives de liberté (poursuites pénales).

La loi ne précise pas expressément que la constatation des infractions d’atteinte à

l’environnement relève aussi des ONG/Associations. Mais dans la pratique, elles jouent le

rôle d’interpellation et de dénonciation.

Il faut noter que la Loi n°003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l’environnement a fait

l’objet d’un débat entre la société civile et le gouvernement. Ce qui a permis que soit mit en

place un processus de révision de cette loi. Malheureusement, le Ministère de l’économie

forestière et du développement durable qui avait aussi à sa charge le volet environnement a

été amputé de celui-ci ; ce qui a donné naissance au Ministère du tourisme et de

l’environnement. Cette activité à ainsi été donnée à ce Ministère et, aujourd’hui les choses

ne semblent pas avancer dans le processus de révision de la loi sur l’environnement.

Enfin, un accès effectif à la justice n’est pas seulement constitué de dispositions existantes

dans la législation mais également de la possibilité effective d’avoir accès aux cours,

tribunaux et autres mécanismes de résolution des conflits. Ce qui n’est pas encore le cas

pour les communautés locales et populations autochtones.

23

Tableau résumant les droits d’accès a la justice des communautés locales et populations autochtones

Principes Articles concernés Accès a la justice

Garantie du droit d’accès à la justice des communautés locales et populations autochtones contre les violations de leurs droits

Constitution congolaise du 20 janvier 2002 Article 40 : « Tout citoyen a le droit de présenter des requêtes aux organes appropriés de l’Etat. » article 41 : « Tout citoyen, qui subit un préjudice du fait de l’administration, a le droit d’agir en justice, dans les formes déterminées par la loi. »

La constitution garantit aux communautés locales et populations autochtones le droit d’agir en justice pour un préjudice subi du fait de l’administration, et le droit de présenter une requête en justice

Modalités de constatation et dénonciation des infractions à la loi sur la protection de l’environnement

Loi n°003/91 du 23 avril 1994 sur la protection de l’environnement (Code) Article 67 : « Les infractions aux dispositions de la présente loi sont constatées par les agents habilités de l’administration chargée de l’environnement, les agents et officiers de police judiciaire, en collaboration selon les cas, avec ceux de l’économie forestière, de la santé, des mines et énergie, de l’hydraulique, des transports et aviation civile, des travaux publics et construction, ainsi que par les collectivités locales. »

Cette disposition habilite l’administration (en charge de l’environnement, les agents et officiers de police judiciaire et d’autres institutions publiques concernées), ainsi que les collectivités locales à constater et poursuivre les contrevenants à la loi ou ceux qui dégradent considérablement l’environnement. Quoique la loi sur la protection de l’environnement ne le précise pas expressément, les ONG/Association, les communautés locales et populations autochtones ont aussi le droit de mettre en mouvement l’action publique contre ceux qui portent atteinte à l’environnement.

Droit de recours à la justice des populations autochtones renforcé

Loi n°5-2001 du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones. Article 10 : « L’accès à la justice est garanti aux populations autochtones. »

La loi renforce le droit des populations autochtones à recourir à la justice, c'est-à-dire a saisir les tribunaux et cours, lorsque leurs droits sont lésés. Il n’en demeure pas moins que les barrières relevées plus haut demeurent.

Droit de recours des populations autochtones contre les violations de leurs

Loi n°5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones.

Il est donc clair, à travers cette loi, que tout préjudice subi par un autochtone doit être réclamé par celui-ci. Ceci n’ouvre pas la possibilité aux actions en justice par les

24

droits à la terre et aux ressources naturelles

Article 42 : « Seules les populations autochtones peuvent se prévaloir de leur coutume et prétendre à la réparation de tout préjudice lié à la violation de leurs droits à la terre et aux ressources naturelles. »

ONG, au nom des populations autochtones. Par contre, cela garantit l’intégrité des réclamations présentées, puisqu’elles sont faites directement par la personne affectée.

Droit de réclamation et de recours à la justice des communautés locales et populations autochtones contre le projet de classement d’une forêt

Loi n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant

code forestier.

Article 31 (Article 17 amendé) : « Les

personnes, qui ont des droits autres que

ceux d'usage, les font connaître à l'autorité

départementale ou communale, au plus tard

soixante (60) jours, à compter de la date de

communication effective du projet de

classement aux intéressés.

Article 34 (article 20 ancien) : « Au cas où un règlement amiable n'est pas intervenu, concernant les réclamations évoquées à l'article Error! Reference source not found., les personnes concernées saisissent le tribunal de grande instance territorialement compétent.

La loi garantit aux communautés locales et populations

autochtones le droit de présenter des observations ou

réclamations, devant la commission de classement,

contre le projet de classement d’une forêt, lorsque les

autres droits qui ne sont pas des droits d’usage, sont

affectés.

Lorsque l'administration prononce une décision qui ne leur est pas favorable, les CLPA ont la possibilité d’intenter une action en justice, après avoir épuisé la procédure de règlement à l’amiable. Il s’agit d’un recours judiciaire.

Toutefois, cet article exclut du droit de faire des

réclamations les personnes qui ont des droits d’usages à

faire valoir. Ces droits étant supposés être pris en

compte comme droits des tiers à exproprier. Or, il

faudrait toujours prévoir la possibilité pour les détenteurs

de droits d’usage de faire une réclamation, qui sera

portée devant la commission de classement.

Droit des CLPA d’intenter

une action civile et pénale,

en réparation du préjudice

subi et pour la condamnation

des auteurs

Loi n°1-63 du 13 janvier 1963 portant code

de procédure pénale (Code de procédure

pénale)

Article premier : « 1° - L’action publique

pour l’application des peines et mise en

mouvement est exercée par les magistrats

La loi garantit aux communautés locales et aux

populations autochtones le droit de mettre en

mouvement l'action civile et pénale en vue de réparer un

préjudice issu soit du non respect des obligations

contractuelles ou extracontractuelles, soit d'une infraction

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et fonctionnaires auxquels elle est confiée

par la loi 2° - Cette action peut aussi être

mise en mouvement par la partie lésée,

dans les conditions déterminées par le

présent code. »

Article 3 : « 2° - Elle sera recevable pour les

chefs de dommages aussi bien matériels

que corporels ou moraux, qui découlent des

faits objets de la poursuite. »

pénale dont elles sont victimes.

Droit reconnu aux CLPA lors d’un contentieux avec l’administration

Loi n°51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commercial, administrative et financière (Code de procédure civile) Articles 397 : « Toute action ne peut être portée en justice si elle n’a été précédée d’un recours gracieux ou hiérarchique, ou d’une demande préalable. » Articles 398 : « Le silence gardé plus de 4 mois par l’autorité administrative vaut décision de rejet du recours gracieux ou hiérarchique, en cas de d’accord entre les parties, la transaction est exécutoire et met fin à toute procédure. » Articles 399 : « La requête introductive d’instance doit, à peine de nullité, viser la réponse explicite ou implicite de l’administration. »

En matière de contentieux administratif (litige entre

l’administré et l’administration), l’obligation est faite de

saisir d’abord l’autorité hiérarchique par le recours

gracieux. Si au bout de deux mois on n’obtient pas de

suite favorable, on peut alors saisir le ministre de tutelle

par requête préalable. Le ministre doit répondre à la

requête dans un délai de quatre mois. Le silence de

l’administration vaut décision de refus. Si l’administration

conteste la remise en question de la décision

administrative ou garde le silence, l’administré peut saisir

le juge administratif aux fins de faire prévaloir ses droits.

26

Droit reconnu aux CLPA de se constituer partie civile lors d’un procès

Code de procédure pénale. Article 353 : « Toute personne qui, conformément à l’article 2, prétend avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l’a déjà fait, se constituer partie civile à l’audience même. La partie civile peut, à l’appui de sa constitution, demander des dommages intérêts correspondant au préjudice qui a été causé. » Article 354 : « La déclaration de constitution de partie civile se fait soit avant l’audience, soit pendant l’audience par déclaration consignée par le greffe ou par dépôt de conclusion. »

Les membres des communautés locales et des populations autochtones lésés par un délit peuvent se constituer partie civile, pour demander des dommages et intérêts correspondant au préjudice qu’ils ont subi. Ils ont la possibilité de se constituer partie civile par eux-mêmes ou en se faisant représenter par un avocat.

1.

Droit des communautés locales et populations autochtones à bénéficier de l’assistance judiciaire

Loi n°001/84 du 20/01/84 portant

réorganisation de l’assistance judiciaire

Articles premier : « L’assistance judiciaire

est une institution permettant aux

personnes qui n’ont pas les ressources

nécessaires de faire valoir leurs droits en

justice sans être tenues d’avancer de frais

et avec le concours gratuit des officiers

ministériels et des avocats. Un décret du

premier ministre (Président de la

République) déterminera le montant de

l’indemnité forfaitaire à allouer audits

avocats et auxiliaires de justice. »

Cette loi a l’avantage de permettre aux communautés locales et aux populations autochtones de faire valoir leurs droits en justice sans être tenues d’avancer des frais ou de ne verser qu’une partie des frais, avec le concours gratuit des officiers ministériels et des avocats. Malheureusement, du fait de l’inexistence des bureaux d’assistance judiciaire dans chaque juridiction et de l’absence de fonds affectés dans le budget de l’Etat à cet effet, ce mécanisme ne fonctionne pas ; ce qui constitue une atteinte au droit d’accès à la justice des CLPA, quant on sait que leur revenu est très faible pour faire face aux frais de justice depuis l’action en justice jusqu’au procès.

27

Article 18 : « L’assisté est dispensé de

paiement :

de sommes dues au trésor pour les droits

de timbre, d’enregistrement et de greffe

ainsi que de toute consignation d’amende ;

de la rémunération des avocats lorsque le

bureau a, sur demande du requérant,

estimé utile la désignation d’un défenseur ;

des sommes dues aux auxiliaires de justice,

aux témoins et aux experts dont l’instance

ou son exclusion requiert leur concours ;

de tous autres frais dus à l’occasion de la

procédure.

Les actes de la procédure faits à la requête

de l’assisté de même que les actes et titres

produits par lui pour justifier de ses droits et

qualités sont visés sur timbre et enregistrés

en débet.

Article 19 : « L’assistance judiciaire couvre

l’ensemble des frais mentionnés à l’article

précédent. Les dépenses qui en résultent

sont à la charge de l’Etat. En cas

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d’assistance judiciaire totale, les auxiliaires

de justice perçoivent une indemnité

forfaitaire de l’Etat à titre de remboursement

légal de leurs frais et dépens. Le montant

de cette indemnité forfaitaire est fixé par le

bureau d’assistance judiciaire,

conformément à un barème institué par

décret du premier ministre (Président de la

république), selon l’importance des tâches

incombant à l’avocat ou aux autres

auxiliaires de justice. En cas d’assistance

judiciaire partielle, les auxiliaires de justice

perçoivent de l’Etat une fraction de ladite

indemnité forfaitaire et, en outre du

bénéficiaire, une contribution dont le

montant est déterminé par le bureau

d’assistance judiciaire en fonction des

ressources du plaideur au regard de l’intérêt

du litige. »

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