droit constitutionnel fiche n°18 : la...
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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS Année universitaire 2009-2010
Centre Vaugirard - Paris II
Licence 1 (2nd
semestre)
DROIT CONSTITUTIONNEL
Cours de Monsieur le Professeur Denis Baranger
FICHE N°18 : La loi
Aller chercher et lire :
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, article 6.
CARCASSONNE (G.), La Constitution, articles 34, 34-1, 37, 37-1, 38, 41, 54, 55, Seuil, 9ème
éd., 2009, 477 p.
Conseil constitutionnel, décision n° 82-143 du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les
revenus, notamment ses articles 1, 3 et 4.
Conseil constitutionnel, décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de
programme pour l'avenir de l'école.
1] LA NOTION DE « LOI »
- Document 1 : SERRAND (P.), « Loi », in Dictionnaire des droits de l’homme, PUF, sous la
direction de ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.), GAUDIN (H.), MARGUENAUD (J.-P.), RIALS (S.) et
SUDRE (F.), Paris, PUF, 2008, XIX-864 p.
- Document 2 : AUBY (J.-B.), « L’avenir de la jurisprudence Blocage des prix et revenus »,
Cahiers du Conseil constitutionnel n°19, <www.conseil-constitutionnel.fr>
2] LA PROCEDURE D’ADOPTION DE LA LOI : L’exemple de la loi relative à la
maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile
- Document 3 : Article L111-6 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit
d’Asile (version au 1er
janvier 2007) et Article 47 du Code Civil
- Document 4 : Amendement n°36 au projet de loi relative à la maîtrise de l’immigration, à
l’intégration et à l’asile, présenté par M.Mariani, rapporteur au nom de la commission des
lois, le 13 septembre 2007
- Document 5 : Conseil Constitutionnel, décision n°2007-557 DC du 15 novembre 2007,
« Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile » (extrait)
- Document 6 : Loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de
l’immigration, à l’intégration et à l’asile (article 13)
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- Document 7 : « Tests ADN : Frictions à droite », Le Journal du Dimanche du 15 novembre
2009
- Document 8 : Conseil d’Etat, 11 février 2010, « Borvo et autres » (extraits)
3] LE RECOURS AUX ORDONNANCES
- Document 9 : Loi n°2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la
participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et
social, article 57
- Document 10 : Ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, relative au code du travail
(extraits)
- Document 11 : Conseil Constitutionnel, décision n°2007-561 DC du 17 janvier 2008, « Loi
ratifiant l’ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail »
- Document 12 : Loi n°2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l’ordonnance n°2007-329 du 12
mars 2007 relative au code du travail (extraits)
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1] LA NOTION DE « LOI »
Document 1 : SERRAND (P.), « Loi », in Dictionnaire des droits de l’homme, PUF, sous la
direction de ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.), GAUDIN (H.), MARGUENAUD (J.-P.), RIALS (S.) et
SUDRE (F.), Paris, PUF, 2008, XIX-864 p.
Le mot « loi » est polysémique. Au sens le plus large, la loi est la règle qui fixe ce qui
doit être. Il peut s’agir d’une loi morale, naturelle, scientifique ou juridique. Dans un sens plus
restreint, la loi peut être définie, soit de façon matérielle, soit de façon organique et formelle.
Au sens matériel, la loi est une règle générale, abstraite et permanente. Au sens organique et
formel, la loi est la décision du peuple ou de ses représentants adoptée selon la procédure
prévue par la Constitution. C’est en ce dernier sens qu’elle est définie par la Constitution
française de 1958 : « la loi est votée par le Parlement » (art. 34) selon les procédures prévues
aux articles 45 et ss. de la Constitution.
Si la notion de loi est ancienne, ce sont les philosophes du XVIII° siècle qui vont lui
donner un sens précis. Rousseau déclare ainsi que personne, avant lui, n’a su découvrir
« quels sont les vrais caractères de la loi ». « Ce sujet est tout neuf : la définition de la Loi est
encore à faire » écrit-il dans l’Emile. Ce sont également les philosophes de cette époque qui
vont définitivement faire émerger la notion moderne de droits de l’homme. Il n’est dès lors
pas surprenant que ces deux notions entretiennent d’étroits rapports, amiables ou conflictuels.
I. Les droits de l’homme protégés par la loi.
Cette idée est le produit du jusnaturalisme moderne, issu de l’humanisme, de
l’individualisme et du rationalisme. Elle est juridiquement formulée par les hommes de la
Révolution à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 : « La loi est
l’expression de la volonté générale. » (art. 6). La loi l’est d’abord parce que « tous les
citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants à sa formation »
(art. 6). Mais elle l’est surtout parce qu’elle est l’expression de la Raison. Dans l’esprit de la
majorité des auteurs de la Déclaration, le législateur, au terme de la délibération collective,
contradictoire et publique des représentants de la Nation, exprime un énoncé rationnel
susceptible d’être considéré comme une vérité.
L’autorité de la loi est alors considérable. « Il n’y a point en France d’autorité
supérieure à celle de la loi, proclame la Constitution du 3 septembre 1791. Le roi ne règne que
par elle, et ce n’est qu’au nom de la loi qu’il peut exiger l’obéissance. » La loi est ainsi
considérée comme la source principale, sinon exclusive, du droit. L’institution dès 1790,
d’une part du référé législatif, qui impose au juge, en cas de difficulté sérieuse
d'interprétation, d'en appeler au législateur ; d’autre part du Tribunal de cassation, alors conçu
comme un auxiliaire du corps législatif destiné à protéger la loi contre les empiètements du
juge, le confirme. Mais c’est évidemment la codification napoléonienne qui est la principale
conséquence de ce légicentrisme. L’unification du droit ne peut se faire que par la législation,
générale, impersonnelle et égalitaire. Bonaparte l’affirme : « L'injustice ne peut se rencontrer
dans la loi (cité par R. Savatier, Bonaparte et le code civil, Paris, Dalloz, 1927, p. 39) ;
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comment, en effet, pourrait se tromper ce législateur qui "tient lieu de Dieu sur la terre"
(ibid.).
Dans le prolongement de Rousseau, la loi est alors considérée à cette époque comme
le symbole de la lutte contre le despotisme. En effet, se soumettre à la loi n’est pas se plier à
la volonté - nécessairement arbitraire - d’un homme, c’est se soumettre à la Raison, c’est-à-
dire, en définitive, n’obéir qu’à soi-même. Comme le sont les enseignements de la Raison, la
loi est une règle immuable, impersonnelle et abstraite. Elle est ainsi édictée d’avance pour
s’appliquer à tous les cas et à toutes les personnes rentrant dans ses prévisions abstraites. Elle
ne peut être, ni partiale, ni arbitraire.
On peut aussi comprendre que la loi, qui ne peut mal faire, soit aussi considérée
comme la garantie des droits. C’est en effet à elle que les auteurs de la Déclaration de 1789
confient le soin de consacrer juridiquement les droits naturels qu’ils proclament, c’est-à-dire
de les protéger en imposant leur respect. La loi doit d’abord rendre ces droits effectifs dans la
société politique en en déterminant les bornes (art. 4), en ordonnant ou défendant certaines
actions (art. 5), en déterminant les cas et les formes dans lesquels un homme peut être arrêté
ou détenu, et en établissant les délits et les peines (art. 8) . Elle doit aussi lutter contre les
éventuelles atteintes à ces droits puisque c’est à elle qu’il revient de maintenir l’ordre public
(art. 10), de déterminer les cas d’abus de la liberté d’expression (art. 11), de constater la
nécessité de la contribution publique (art. 14) ou la nécessité publique permettant qu’un
homme soit privé de sa propriété (art. 17). Bref, si les hommes tiennent leurs droits de la
nature, et si les auteurs de la Déclaration ne font que les énoncer, c’est à la loi positive qu’il
revient d’en déterminer les conditions d’exercice.
Cette pensée de la loi sera dominante jusqu’à la fin de la III° République. Pendant
toute cette période, la loi est la norme protectrice par excellence, et c’est le Parlement qui
apparaît comme le meilleur rempart contre d’éventuelles atteintes aux droits de l’homme. En
effet, toujours dans le prolongement de Rousseau, la tradition politique française voit dans le
pouvoir exécutif le principal danger pour les libertés. C’est pour cette raison que le « principe
de légalité », qui impose la soumission des actes de l’administration à la loi, est alors
synonyme de règne du droit. En vertu de ce principe, les citoyens ne peuvent se voir imposer
d’autres mesures administratives que celles susceptibles d’être édictées conformément à la loi.
Cette subordination de l’administration à la législation se concrétise par la possibilité de
contester la légalité des actes administratifs (règlements administratifs, actes administratifs
individuels) devant le juge, notamment devant le juge administratif. Saisi d’un recours pour
excès de pouvoir dirigé contre un tel acte, le juge administratif apprécie sa légalité, c’est-à-
dire sa conformité à la loi. En cas d’illégalité, il prononce son annulation, sanctionnant ainsi le
non-respect de la loi par le pouvoir administratif. Les droits de l’homme, protégés par la loi,
s’imposent donc à l’administration qui doit les respecter sous le contrôle du juge. Le contrôle
du juge administratif est même particulièrement fort en ce domaine puisque, depuis l’arrêt du
19 mai 1933, Benjamin, le Conseil d’Etat exerce sur les mesures de police un contrôle de
proportionnalité : une mesure de police restrictive des libertés n’est légale que si elle est
proportionnée au risque de trouble à l’ordre public.
La loi, ainsi regardée comme garantie des droits, a d’ailleurs souvent donné
satisfaction. Elle a d’abord su adapter les droits proclamés en 1789 à l’évolution de la société,
comme l’illustrent les lois de 1881 sur la liberté de réunion et sur la liberté de la presse. Elle a
également su compléter les droits individuels de 1789 par de nouveaux droits collectifs :
liberté syndicale (L. 1884), droit d’association (L. 1901).
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Aujourd’hui encore, la loi joue un rôle important dans la protection des droits et des
libertés. C’est en effet au législateur que l’article 34 de la Constitution de 1958 réserve le soin
de fixer les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l’exercice des libertés publiques ». C’est également « dans les conditions définies par la loi »
que la récente Charte de l’environnement impose que toute personne prévienne les atteintes
qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou en limite les conséquences (art. 3), et
contribue à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement (art. 4). Et c’est dans
les mêmes conditions que toute personne a le droit d’accéder aux informations relatives à
l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des
décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement (art. 7). L’actuel développement
des droits économiques et sociaux est d’ailleurs de nature à renforcer ici la place de la loi. En
effet, alors que les droits de l’homme de la première génération supposent une abstention, ou
tout au moins une limitation de la puissance publique, ceux de la seconde génération
supposent l’interventionnisme public, c’est-à-dire l’intervention du législateur. Enfin, il n’est
pas sans signification que les pouvoirs publics aient décidé de recourir à l’autorité de la loi
pour trancher la question du port du foulard islamique dans les écoles, collèges et lycées
publics (L. 15/03/2004).
Voici qu’elle est la conception traditionnelle du droit public français (Carré de
Malberg), dont la philosophie peut être ainsi résumée : « rien au-dessus de la loi, tout par la
loi » (Hamon et Wiener). Cette conception traditionnelle a progressivement été remise en
cause. Au sacre de la loi a succédé le déclin de la loi. De telle manière qu’apparaît désormais
la nécessité de protéger les droits de l’homme de la loi.
II. Les droits de l’homme protégés de la loi.
Cette idée est la conséquence d’une indéniable crise de la loi. En voici les raisons.
D’abord, le thème de la loi injuste, symbolisé par le mythe d’Antigone, n’a jamais
entièrement disparu. Il est notamment au cœur de la théorie du droit de résistance développée
principalement dans la philosophie politique moderne, par les doctrines du contrat social, afin
de garantir les droits naturels de l’homme. Même les auteurs de la Déclaration de 1789,
indépendamment de leur légicentrisme, admettent le droit de résistance à l’oppression (art. 2)
et soumettent la loi à des obligations : elle n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à
la société (art. 5), elle doit être la même pour tous (art. 6), et elle ne doit établir que des peines
strictement et évidemment nécessaires (art. 8).
Cette crainte du législateur fut confortée par l’expérience. De nombreuses lois
attentatoires aux droits ont en effet frappés les esprits : la loi des suspects ; les lois de
septembre 1835 limitant la liberté de la presse ; la loi d’exil des princes de 1886 ; les lois
« scélérates », de 1892 et 1893, dirigées contre les anarchistes ; les lois « illégitimes » du
gouvernement de Vichy, qui furent déclarées nulles et non avenues par l’ordonnance du 9
août 1944… Plus récemment, une loi suédoise, qui n’a été abrogée qu’en 1976, permettait de
stériliser les handicapés mentaux ou les individus ayant un « mode de vie asocial », et la
Louisiane a même adopté en 1997 une loi autorisant ses habitants à abattre tout intrus, même
non armé, qu’ils découvriraient à leur domicile ou dans leur voiture (ex. cités par F. Hamon et
C. Wiener, p. 54.) Désormais, nul ne conteste que le législateur peut se tromper et que la loi
peut mal faire.
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Ensuite, les excès du parlementarisme ont déteint sur la loi. Ils ont provoqué une
rationalisation de la procédure législative et un renforcement du pouvoir exécutif. Désormais,
dans toutes les démocraties, notamment dans les régimes parlementaires, les pouvoirs des
Parlements sont juridiquement encadrés et la loi est principalement l’affaire des organes
exécutifs. La plus grande technicité des problèmes actuels impose en effet une capacité
d’intervention accrue, ce à quoi les organes exécutifs sont mieux disposés. Ce sont eux qui
prennent l’initiative de la procédure législative, et ils disposent des moyens permettant de la
faire aboutir. En France, par exemple, le gouvernement peut exiger des parlementaires un seul
vote sur l’ensemble du texte en discussion en ne retenant que les amendements présentés ou
acceptés par lui (art. 44-3 C°), et le Premier ministre peut engager la responsabilité de son
gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d’un texte qui est alors considéré
comme adopté sauf si une motion de censure est déposée et votée, ce qui est pratiquement
impossible (art. 49-3 C°). Il n’est dès lors pas surprenant que les lois prennent fréquemment le
nom du ministre qui en est l’initiateur, et que les parlementaires, conscients de ne jouer qu’un
rôle mineur dans le processus législatif, désertent les assemblées. La loi apparaît alors moins
comme l’expression de la volonté générale formulée par la représentation nationale du peuple
souverain, que comme l’expression de la volonté politique de la majorité. Les lois fluctuent
selon les alternances politiques. Elles deviennent instables et éphémères. Cela porte atteinte à
leur prestige.
Enfin, le monopole de la loi parmi les sources du droit est progressivement mis en
cause. Dès les travaux préparatoires du Code civil, Portalis souligne l’irréductible
incomplétude de la loi et la nécessité s’en remettre à la jurisprudence. Cela donna l'article 4
du Code Napoléon qui oblige au juge de statuer lorsque la loi est silencieuse, obscure ou
insuffisante. Mais à l’heure actuelle c’est surtout la concurrence du droit communautaire que
subit la loi. Les institutions communautaires sont en effet habilitées à prendre des normes
(règlements, directives) qui dessaisissent le législateur et qui s’imposent à lui. Le dogme de la
loi est ainsi battu en brèche par le principe de la primauté du droit européen.
Il n’est, dès lors, pas surprenant que cette loi désacralisée n’apparaisse plus en mesure
de garantir les droits. Ce rôle incombe d’abord à la Constitution. C’est ce que l’on appelle le
constitutionnalisme, qui voit dans la Constitution la garantie des libertés des citoyens. Il
suppose l’inscription, au niveau constitutionnel, de droits à protéger, ainsi que la mise en
place d’un contrôle de constitutionnalité portant notamment sur la loi.
L’idée n’est pas nouvelle. Comme le montre le Titre premier de la Constitution de
1791, les hommes de la Révolution voyaient déjà dans la Constitution la garantie des droits et
libertés. Cependant, la loi ne pouvant mal faire, ils n’estimaient pas qu’elle puisse leur porter
atteinte. Il en va différemment des constituants américains. Alors que les révolutionnaires
français veulent bâtir rationnellement, et à partir des droits de l’homme, un pouvoir parfait,
les constituants américains cherchent au contraire à protéger les droits de l’homme contre un
pouvoir nécessairement imparfait (S. Rials), même s’il s’agit du pouvoir de faire la loi. Les
auteurs du Fédéraliste affirment ainsi que les cours de justice doivent « être considérées
comme le rempart d’une Constitution contre les usurpations législatives » (Le Fédéraliste,
Paris, Économica, 1997, p. 650). Et, c’est dès 1803, dans son arrêt Marbury c. Madison, que
la Cour suprême des Etats-Unis admet qu’une loi contraire à la Constitution ne peut pas
s’appliquer.
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La concrétisation de cette soumission de la loi à la Constitution sera plus tardive en
Europe. C’est l’Autriche qui, sous l’influence de Kelsen, va, la première, instituer le contrôle
de la constitutionnalité des lois. Mais c’est surtout au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale qu’est apparue la volonté de faire de la Constitution la garantie des droits de
l’homme et qu’ont été créées les Cours constitutionnelles. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si
ce sont les pays qui ont souhaité rompre avec leur passé totalitaire (l’Italie en 1947,
l’Allemagne en 1948) qui ont institué des mécanismes de contrôle destinés à éviter que le
législateur ne porte atteinte aux droits fondamentaux. Et il n’est pas surprenant que les Etats
qui ont plus récemment échappé à la dictature leur ait aussitôt emboîté le pas : le Portugal en
1976 et l’Espagne en 1978 ; de nombreux pays de l’Est à la suite de l’effondrement du
communisme.
En raison de sa tradition légicentriste, la France a mis plus de temps à soumettre la loi
à la Constitution. Il a fallu attendre la création, par la Constitution de 1958, du Conseil
constitutionnel. Certes, à l’origine, le contrôle de constitutionnalité des lois était
principalement destiné à imposer au Parlement le respect des mécanismes de rationalisation
du parlementarisme. Mais depuis la décision du 16 juillet 1971, ce contrôle est devenu un
véritable instrument de la garantie des droits. En effet, par cette décision, le Conseil
constitutionnel intègre dans le bloc de constitutionnalité : la Déclaration de 1789, les principes
politiques, économiques et sociaux considérés comme particulièrement nécessaires à notre
temps par le préambule de 1946, ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de
la République auxquels ce même préambule fait référence. Les lois doivent désormais
respecter l’ensemble de ces normes constitutionnelles car « la loi n’est l’expression de la
volonté générale que dans le respect de la Constitution » (CC, 85-197 DC). Les droits de
l’homme sont ainsi protégés de la loi. Même en France, le constitutionnalisme succède au
légicentrisme.
La volonté de protéger les droits de l’homme de la loi va également prendre une
dimension internationale avec notamment l’adoption de la Déclaration universelle des droits
de l’homme par l’Assemblée générale des Nations unies , puis de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par le Conseil de l’Europe.
Cette protection va devenir effective sous la V° République. L’article 55 de la Constitution
reconnaît en effet aux conventions internationales régulièrement introduites dans l’ordre
interne une valeur supérieure à celle des lois. Cette primauté des règles internationales sur la
loi interne est imposée par le juge qui exerce alors un contrôle de conventionnalité de la loi. A
l’invitation du Conseil constitutionnel, et après affirmation par ce dernier de son
incompétence (CC, 74-54 DC), ce sont les juridictions ordinaires, judiciaires (C. Cass., 1975,
Société Cafés Jacques Vabre) et administratives (CE, 1989, Nicolo), qui exercent ce contrôle.
Ce dernier a lieu a posteriori, c’est-à-dire après l’entrée en vigueur de la loi, et par voie
d’exception, c’est-à-dire à l’occasion d’un litige provoqué par l’application de la loi. Le
requérant qui souhaite contester une mesure prise en application de la loi a la possibilité
d’invoquer la violation d’une convention internationale. Le juge contrôle alors la conformité
de la loi à la convention internationale et, en cas de contrariété entre ces deux normes, refuse
d’appliquer la première. La loi non-conventionnelle est ainsi privée d’effectivité. Cette
solution applicable aux conventions internationales a ensuite été étendue par la jurisprudence
aux actes de droit communautaire dérivé : règlements (CE, 1990, Boisdet) et directives (CE,
1992, S.A. Rothmans et Philip Morris).
Cette soumission de la loi aux engagements internationaux de la France pourrait avoir
des conséquences dans le contentieux de la responsabilité. Depuis déjà longtemps, la
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jurisprudence admet que la responsabilité de l’Etat puisse, sous certaines conditions, être
engagée du fait de la loi (CE, 1938, SA des produits laitiers "La Fleurette"). Il s’agit d’une
responsabilité sans faute trouvant son fondement dans le principe d’égalité des citoyens
devant les charges publiques. La violation, par le législateur, d’une convention internationale
ne pourrait-elle pas engager la responsabilité pour faute de l’Etat ? Si la jurisprudence se
montre pour l’instant et dans l’ensemble réservée, une telle solution n’est pas impossible. Elle
permettrait de parfaire la soumission de la loi interne aux règles du droit international.
Au terme de cette évolution, la loi est désormais le produit d’une délibération entre plusieurs
volontés qui doivent se concilier : celle des organes exécutifs, celle assemblées parlementaires
et celle des juges, notamment du juge constitutionnel. Ceci est-elle compatible avec la
démocratie ? On peut ne pas le penser dans la mesure où des organes non élus participent
désormais à la législation. On peut être d’avis contraire car le versant libéral de notre
démocratie. En effet et d’une part, la protection des droits et des libertés est améliorée ;
d’autre part, la séparation des pouvoirs est mieux assurée puisque la fonction législative est
désormais distribuée entre un plus grand nombre d’organes. Bref, la loi est devenue une
norme subordonnée car elle n’exprime la volonté générale que dans le respect de la hiérarchie
des normes, c’est-à-dire de la Constitution et des engagements internationaux. L’État de droit
a ainsi succédé à l’Etat légal.
Document 2 : AUBY, (J.-B.), « L’avenir de la jurisprudence Blocage des prix et revenus »,
Cahiers du Conseil constitutionnel n°19, <www.conseil-constitutionnel.fr>
I. Dans sa décision 143-DC du 30 juillet 1982, Blocage des prix et des revenus, le Conseil
constitutionnel admettait qu'il ne lui était pas possible, dans le cadre de la procédure de
contrôle de constitutionnalité de l'article 61, de censurer l'empiétement du législateur sur le
domaine du règlement
(…)
Vingt-trois ans plus tard, sans renoncer à cette jurisprudence, le Conseil, dans sa décision
Avenir de l'École, n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, s'est néanmoins reconnu le droit de
constater, dans le cadre de la procédure de l'article 61, le caractère réglementaire de
dispositions de la loi qui lui était soumise
(…)
Voici donc qu'une inflexion jurisprudentielle de réelle importance est apportée à une
jurisprudence dont on connaissait les forts enjeux et le poids concret. Nous nous poserons
deux questions. La première est de savoir comment interpréter et évaluer la portée du résultat
combiné des deux décisions. On essaiera ensuite de déterminer si la survenance de la seconde
ne risque pas, par effet retour, de forcer le Conseil à revenir sur la première.
II. Comment en est-on arrivé à la situation actuelle ?
La décision Blocage des prix et des revenus était en soi quelque chose de d'autant plus
surprenant que, si l'on avait imaginé une fonction principale pour la procédure de l'article 61
aux origines de la Constitution, c'était bien de faire respecter par le Parlement la frontière
entre le domaine de la loi et celui du règlement.
Seulement on sait, au moins depuis un certain colloque tenu à Aix-en-Provence en 1977, que
le diagnostic d'enfermement du législateur dans un étroit domaine que l'on avait porté à
l'examen de la Constitution en 1958 était inexact. " La révolution n'a pas eu lieu ", comme il a
été dit alors: parce que le Conseil constitutionnel a donné une interprétation extensive des
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dispositions des articles 34 et 37, parce qu'il a admis que d'autres normes que celles contenues
dans ces articles contribuaient à fonder la compétence du législateur, parce qu'il s'est avéré
que la distinction entre le champ de la loi et celui du règlement était davantage verticale
qu'horizontale, et qu'au législateur, était confié le domaine éminent de la mise en cause des
règles et principes essentiels, etc.
La décision Blocage ajoutait sa pierre de liberté: si le Gouvernement le laisse faire - car, d'une
part, rien ne l'oblige à déposer des projets de loi contenant des dispositions relevant du
domaine du règlement, d'autre part, il dispose de la procédure de l'article 41 pour s'opposer
aux propositions et amendements parlementaires qui sortent du domaine de la loi -, le
Parlement peut légiférer au-delà du domaine de la loi. De toute façon, dit le Conseil, le
Gouvernement peut à tout moment reprendre le sujet dans son giron et modifier les
dispositions que le Parlement a adoptées à l'extérieur du domaine de la loi en usant de la
procédure de délégalisation de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution.
Cette décision était aussi " discutable en droit ", comme l'a écrit Bruno Genevois [1], qu'elle
était baignée d'excellentes justifications pratiques. Elle était assurément discutable en droit en
ce qu'elle admettait que le gardien de la constitutionnalité n'avait pas à s'émouvoir de ce qui
était pourtant, apparemment, une incompétence: c'est-à-dire une forme d'irrégularité que notre
droit public considère habituellement comme à ce point grave qu'il lui confère un caractère
d'ordre public. La justification tirée par le Conseil du fait que les procédures parallèles de
l'article 37, alinéa 2, et de l'article 41 présentaient un caractère facultatif avait du mal à
convaincre: aucune des deux n'ayant l'immense portée avérée de celle de l'article 61 -
contrôler la constitutionnalité de la loi -, leur discrétionnarité ne projette aucune ombre sur
l'attachement du système à l'État de droit.
La décision n'en était pas moins fondée sur d'excellents motifs pratiques. Du point de vue des
équilibres institutionnels, comme du point de vue de l'efficacité de la production normative,
elle était même impeccable. Si le Gouvernement veut éviter l'intrusion du Parlement dans son
domaine, il dispose de l'irrecevabilité de l'article 41. S'il veut laisser faire, ou s'il a laissé
passer par mégarde des dispositions de nature réglementaire, il peut rattraper les choses à tout
moment par la procédure de délégalisation, qui est une procédure simple, et rapide. Le
Gouvernement peut l'employer à tout moment, discrétionnairement, même si sa décision de
ne pas en user est, sur le principe, susceptible de recours [2], et, conformément aux
dispositions de l'ordonnance du 7 novembre 1958, le Conseil se prononce dans un délai d'un
mois, de huit jours même quand le Gouvernement déclare l'urgence: on peut difficilement
faire plus commode! Le Gouvernement peut donc à tout instant, et facilement, récupérer son
pouvoir: les équilibres institutionnels sont saufs. Le pouvoir réglementaire peut à tout instant,
et facilement, modifier ce que le législateur a adopté dans son domaine: l'efficacité de la
production normative y trouve son compte.
Il y a des cas dans lesquels on se passe même de la délégalisation. Par exemple, lorsqu'on fait
adopter un code par le législateur, rien n'empêche de lui demander d'abroger au passage des
dispositions de forme législative et de nature réglementaire: la place est libre, dès lors, pour le
Gouvernement, qui peut reprendre les normes abrogées, en forme réglementaire, sans avoir à
passer par la procédure de l'article 37, alinéa 2 [3].
S'il en était besoin, on pouvait trouver à la décision une autre justification pratique. C'est qu'il
est très certainement plus facile de faire respecter une limite de compétence " vers le haut "
que " vers le bas ": on conçoit mieux, intellectuellement, ce que c'est que de mettre en cause
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un principe essentiel ou une règle essentielle, que ce que c'est que d'aller trop loin dans les
détails, de s'immiscer dans la mise en oeuvre. C'est pourtant bien l'objet de la procédure de
délégalisation, qui est d'usage courant, objectera-t-on. La prise en compte de la jurisprudence
de contrôle de constitutionnalité qui, parfois, impose au législateur de ne pas trop laisser la
bride sur le cou au pouvoir réglementaire, de lui donner des indications suffisantes sur la
façon dont il doit mettre en oeuvre la loi, indique bien que l'exercice de délimitation " vers le
bas " n'est par essence pas aisé. Le législateur qui rentre dans les détails continue sur son élan,
le pouvoir réglementaire qui pénètre dans le domaine de la loi s'est nécessairement montré
très hardi à un moment ou à un autre.
III. Le problème est que la flexibilité qui avait ainsi été introduite dans les règles de
délimitation du champ législatif a apporté sa contribution à un phénomène que beaucoup ont
interprété comme une dérive de la loi.
On a peine à croire que la crainte éprouvée généralement en 1958 était que la Constitution ait
enfermé le législateur dans les limites d'un terrible carcan. À l'heure actuelle, ce que les
observateurs relèvent plutôt, c'est une sorte d'inflation de la loi, qui déborde de détails
techniques, empiète fréquemment sur le domaine du règlement, se répand en dispositions qui
sont plus proclamatoires qu'autre chose, est animée d'une grande instabilité, etc.
Le Gouvernement contribue d'ailleurs au mouvement. Les dispositions " bavardes " de la loi
ont souvent leur origine dans ses projets. Le fait que des amendements ou propositions
parlementaires pénètrent clairement dans le domaine réglementaire ne le choque pas
beaucoup: la preuve en est administrée par la désuétude de fait de la procédure de l'article 41
[4]. Parfois, le Gouvernement encourage même l'empiétement [5].
Le président du Conseil constitutionnel s'était, lui, ému publiquement de ce laisser-aller dans
son discours de voeux du 3 janvier 2005. On s'attendait à un virage jurisprudentiel.
IV. Le Conseil pouvait envisager d'abandonner purement et simplement la solution de l'arrêt
Blocage des prix et des revenus. Cela n'aurait scandalisé personne.
Il a préféré l'amender fortement, et ce dans une décision quasiment toute entière vouée à la
censure des dérives évoquées plus haut, puisqu'elle commence par déclarer certaines
dispositions non conformes à la Constitution parce que beaucoup trop vagues et violant par là
le principe de clarté de la loi ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle et d'accessibilité
de la loi [6]. C'est la non-normativité qui est ici sanctionnée.
Dans un second temps, c'est à la réglementarité de diverses autres dispositions que le Conseil
s'en prend. Non pas pour déclarer ces dispositions non conformes à la Constitution: la solution
de la décision Blocage... n'est pas démentie. Mais tout simplement pour les déclarer de
caractère réglementaire, exactement comme il l'aurait fait si la loi, une fois promulguée, lui
avait été soumise dans le cadre de la procédure de l'article 37, alinéa 2.
Y avait-il quelque objection à ce que les deux procédures soient ainsi traitées comme
alternatives' Le Conseil a considéré que les termes larges de l'article 37 - qui, en vérité, ne se
réfère pas à une procédure particulière, mais impose simplement l'intervention du juge
constitutionnel lorsque le texte de forme législative est postérieur à 1958 - permettaient une
réponse négative.
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On pourrait épiloguer en plaidant que la voie de l'article 37, alinéa 2, est bien organisée par un
texte spécial - les articles 24 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958 -, ou que la loi
soumise au Conseil dans le cadre de la procédure de l'article 61 n'est peut-être pas encore un "
texte de forme législative " - seul type d'acte pouvant faire l'objet d'une délégalisation en vertu
de l'article 37. Mais cela ne serait pas très utile, la voie de l'article 61 étant elle aussi organisée
par un texte - la même ordonnance du 7 novembre 1958, d'ailleurs -, cependant que les actes
sur lesquels se penche le Conseil dans la procédure de l'article 61, s'ils n'ont pas encore plein
statut d'opposabilité, sont déjà bien lois, et peuvent donc être dits " textes de forme législative
" là où leur contenu est matériellement réglementaire.
V. Nous voici donc dotés d'un mécanisme supplémentaire de délégalisation, à caractère
préventif. Sommes-nous sûrs de bien savoir comment il fonctionnera'
Notons d'abord que son secret repose sur la conviction de ce que le Gouvernement saisira bien
la balle au bond, qu'il n'aura pas d'hésitation sur le fait que la déclaration de réglementarité
émise dans le cadre de la procédure de l'article 61 est bien l'équivalent de celles qui sont faites
dans le cadre de la procédure habituelle de délégalisation a posteriori: qu'il n'hésitera donc pas
à modifier par décret ce qui aura fait l'objet de cette déclaration. Le Gouvernement ne se
lancera que s'il est sûr de voir le Conseil d'État se trouver en communion d'idées, sur tout cela,
avec le Conseil constitutionnel.
Il ne devrait pas y avoir de grand mystère sur le statut intermédiaire des dispositions déclarées
réglementaires, avant leur modification. Très vraisemblablement, comme les dispositions
déclarées réglementaires dans le cadre de la procédure " classique " de délégalisation, elles
conserveront le caractère formel de la loi, et ne pourront donc faire l'objet d'aucun recours:
elles ne seront vulnérables, comme toute loi, qu'au contrôle de conventionnalité qui conduirait
un juge à faire prévaloir sur elles des normes internationales ou européennes.
Aux chapitres de l'initiative et de l'ampleur de la délégalisation, le commentaire que le site
internet du Conseil consacre à la décision Avenir de l'École verse la pièce suivante: le juge
constitutionnel devrait " se limiter (aux dispositions) qui sont expressément contestées ou, si
le grief tiré des empiétements est "transversal", aux plus caractéristiques des dispositions
réglementaires du texte ". Les auteurs de la saisine, faut-il préciser, avaient benoîtement
plaidé que la loi comportait " de nombreuses dispositions sans aucune portée législative ".
L'idée selon laquelle le tri faisant apparaître les dispositions de nature réglementaire pourrait
ne pas être exhaustif n'est pas très choquante: après tout, s'il pense que des dispositions autres
que celles épinglées par le Conseil sont de nature réglementaire, et s'il veut les modifier, le
Gouvernement pourra toujours user de la procédure " classique " de délégalisation.
La jurisprudence viendra nous indiquer si la déclaration de " réglementarité " peut intervenir
d'office, ou si elle doit nécessairement être demandée comme les commentaires autorisés le
suggèrent. On sait en tous les cas déjà qu'elle peut être demandée, et qu'elle peut l'être par
d'autres que le Gouvernement.
VI. Au demeurant, on voit bien que la solution de la décision Avenir de l'École devrait - aussi,
surtout' - avoir un effet dissuasif.
Comme la délégalisation a posteriori [7], la délégalisation préventive s'abstient d'être une
déclaration d'inconstitutionnalité. Elle n'en a pas moins un aspect stigmatisant, vexatoire: à
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travers elle, le Parlement s'entend dire qu'il s'est mêlé de ce qui ne le regardait pas, qu'il a
laissé aller sa plume, et le Gouvernement qui a inspiré ou laissé faire en prend aussi pour son
grade.
On peut donc prévoir une nouvelle inflexion dans les occupations respectives de l'espace
normatif par le législateur et le pouvoir réglementaire. Le balancier devrait aujourd'hui
repartir vers un peu plus de concision législative. Ce dont on pourra se réjouir, si le pouvoir
réglementaire ne profite pas de l'ouverture pour se laisser lui-même aller à la prolixité.
VII. On pardonnera au commentateur universitaire de dire que le dispositif juridique résultant
des décisions Blocage des prix et des revenus et Avenir de l'École le laisse cependant un peu
sur sa faim théorique, et ceci sur deux plans.
La définition juridique de la loi est-elle, dans notre système, formelle ou matérielle' La loi se
reconnaît-elle à la façon dont elle est émise ou à ce sur quoi elle porte' Notre tradition
doctrinale était plutôt dans le sens d'une définition formelle: le législateur pouvant intervenir
sur ce qu'il veut, on ne peut reconnaître la loi qu'à son auteur et à sa procédure. La lecture
initiale que l'on a faite des dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution de 1958 a
donné l'impression que l'élément matériel s'introduisait fortement. À la découverte de la
décision Blocage des prix et des revenus, on a eu le sentiment que cet élément ne pesait
pourtant pas lourd, puisque le législateur pouvait bel et bien toujours intervenir dans tout
domaine sans qu'il en résultât une inconstitutionnalité.
La décision Avenir de l'École réintroduit la considération matérielle. Le législateur peut bien
toujours émettre des règles en tout domaine - si le Gouvernement n'use pas de l'irrecevabilité
de l'article 41 -, mais celles qu'il émet hors du domaine de la loi pourront être marquées au fer
rouge de la " réglementarité ". Dans la loi victime de la délégalisation a priori, il y aura des
dispositions vraiment législatives, d'autres qui, de forme législative, auront dès l'origine été
désignées comme matériellement réglementaires. Le tout sera formellement loi, mais,
matériellement, personne ne sera dupe. La loi s'identifiera, certes, toujours par ses caractères
formels, mais dans le sein de certaines d'entre elles, des plages matériellement réglementaires
seront repérées.
Liée à celle qui vient d'être évoquée, il y a une autre question théorique, qui est de savoir de
quelle nature est la règle de délimitation des choses de la loi et de celles du règlement, telle
qu'elle résulte des articles 34 et 37 - auquel on joindra l'article 41. Est-ce ou non une règle de
compétence'
La plus spontanée des réponses est qu'il s'agit bien d'une règle de répartition des compétences.
Et pourtant, la décision Avenir de l'École nous confirme que sa méconnaissance par le
législateur ne constitue pas une violation de la Constitution, alors que le franchissement de la
frontière qu'elle trace est une illégalité, de la nature d'une incompétence, et donc d'ordre
public, lorsqu'elle est le fait du pouvoir réglementaire.
C'est à se demander si en vérité les règles combinées des articles et 41 n'ont pas, pour le
législateur, la simple valeur de règles de procédure. Tout se passe en effet comme si, à l'instar
du Parlement anglais, le notre était compétent pour prendre des normes dans tout secteur, y
compris le domaine réglementaire. Cependant que le Gouvernement, également compétent en
matière réglementaire cela va de soi, peut faire prévaloir sa compétence, évincer le Parlement
voulant entrer ou étant entré dans le domaine du règlement, par trois voies: préventivement en
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ne présentant pas de projets de loi sortant du domaine de la loi et/ou en utilisant les moyens de
l'article 41, après le vote de la loi et avant sa promulgation en demandant au Conseil
constitutionnel de procéder à des délégalisations a priori, ensuite, en usant de la délégation
classique, a posteriori.
On objectera qu'une même norme ne peut pas être règle de compétence pour l'un, règle de
procédure pour l'autre. Voire! Dans les rapports normatifs hiérarchiques, il n'est pas
impossible qu'une même délimitation des rôles soit règle de compétence pour l'autorité
inférieure, qui ne peut aucunement décider en dehors du champ qui lui est dévolu, et règle de
procédure pour l'autorité supérieure qui peut en usant de certaines formalités, contourner la
délimitation de son pouvoir: par exemple, la délimitation des pouvoirs entre l'État et les
territoires d'outre-mer est pleinement une règle de compétence pour ces derniers, mais elle a
essentiellement le sens d'une règle de procédure pour l'État, qui peut toujours la modifier par
les formalités de la loi organique.
On aimerait bien que le Conseil constitutionnel nous en dise plus, non seulement sur les
données techniques de la procédure dont il a admis l'existence dans la décision du 21 avril
2005, mais aussi sur le sens général de ce qui résulte de la combinaison entre celle-ci et la
décision Blocage des prix et des revenus. L'avenir de celle-ci parait assuré, ce dont on n'aurait
pas juré il y a quelque temps, mais elle ne nous a pas encore pleinement livré les clefs du
temple normatif dont elle est l'un des gardiens.
1. La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Principes directeurs, Éditions STH.
2. CE, Sect., 3 déc. 1999, Association ornithologique et mammologique de Saône-et-Loire,
Rec. 379, concl. F. Lamy.
3. Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, Thémis, 1998, p. 251.
4. Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, 2001, p. 281.
5. Chantal Cans, " La délégalisation: un encouragement au désordre ", RD publ., 1999, n° 5,
p. 1439.
6. Suivant la formule figurant dans la jurisprudence du Conseil depuis la décision n° 2001-
455 DC du 12 janv. 2002.
7. Le Conseil précise bien qu'il ne lui appartient pas de contrôler la constitutionnalité des
dispositions que le Gouvernement lui soumet, mais seulement d'apprécier si elles relèvent du
domaine législatif ou du domaine réglementaire: décision n° 95-177 L du 8 juin 1995.
Article L111-6 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile
(version au 1er
janvier 2007)
« La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47
du code civil »
Article 47 du Code Civil
« Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes
usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des
éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet
acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité »
APRÈS L'ART. 5 N° 36
ASSEMBLÉE NATIONALE
13 septembre 2007
_____________________________________________________
MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION - (n° 57)
Commission
Gouvernement
AMENDEMENT N° 36
présenté parM. Mariani, rapporteur
au nom de la commission des lois
----------ARTICLE ADDITIONNEL
APRÈS L'ARTICLE 5, insérer l'article suivant :
I. – L’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile estcomplété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, par dérogation aux dispositions de l’article 16-11 du code civil, les agentsdiplomatiques ou consulaires peuvent, en cas de doute sérieux sur l’authenticité ou d’inexistence del’acte d’état civil, proposer au demandeur d’un visa pour un séjour d’une durée supérieure à troismois d’exercer, à ses frais, la faculté de solliciter la comparaison de ses empreintes génétiques auxfins de vérification d’une filiation biologique déclarée avec au moins l’un des deux parents.
« Les conditions de mise en œuvre de l’alinéa précédent, notamment les conditions danslesquelles sont habilitées les personnes autorisées à procéder à des identifications par empreintesgénétiques, sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. – Dans le premier alinéa de l’article 226-28 du code pénal, après les mots : « procédurejudiciaire » sont insérés les mots : « ou de vérification d’un acte d’état civil entreprise par lesautorités diplomatiques ou consulaires dans le cadre des dispositions de l’article L. 111-6 du codede l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Comme le rappelait un récent rapport du sénateur Adrien Gouteyron, la fraudedocumentaire est devenue un phénomène endémique dans certaines régions du monde, pouvantatteindre entre 30 à 80 % des documents d’acte civil présentés dans certains pays d’Afrique. Dansces conditions, les autorités diplomatiques et consulaires ont le plus grand mal à s’assurer de
1/2
APRÈS L'ART. 5 N° 36
l’existence d’une filiation légalement établie, ce qui encourage la fraude dans le cadre duregroupement familial ou du rapprochement familial (réfugiés et bénéficiaires de la protectionsubsidiaire).
Afin que le doute portant sur ces actes d’état civil n’entraîne pas une rejet systématique desdemandes, il est proposé de permettre au demandeur d’un visa la faculté de solliciter lacomparaison, à ses frais, de ses empreintes génétiques ou de celles de son conjoint avec celles desenfants mineurs visés par la demande de regroupement familial.
Cette procédure, qui ne pourrait être mise en œuvre qu’à l’initiative d’un demandeurdésireux de prouver sa bonne foi le plus rapidement possible, est utilisée par onze de nos partenaireseuropéens.
2/2
21 novembre 2007 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 1 sur 134
. .
« Dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat, par dérogation à l’article L. 311-1, le visadélivré pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois au conjoint d’un ressortissant français donne à sontitulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4o de l’article L. 313-11 pour une duréed’un an. »
Article 11
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 311-9 du même code, il est inséré une phraseainsi rédigée :
« L’étranger pour lequel l’évaluation du niveau de connaissance de la langue prévue à l’article L. 411-8 et audeuxième alinéa de l’article L. 211-2-1 n’a pas établi le besoin d’une formation est réputé ne pas avoir besoind’une formation linguistique. »
Article 12
Le 7o de l’article L. 313-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :« L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa
connaissance des valeurs de la République. »
Article 13
I. − L’article L. 111-6 du même code est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :« Le demandeur d’un visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal,
ressortissant d’un pays dans lequel l’état civil présente des carences, qui souhaite rejoindre ou accompagnerl’un de ses parents mentionné aux articles L. 411-1 et L. 411-2 ou ayant obtenu le statut de réfugié ou lebénéfice de la protection subsidiaire, peut, en cas d’inexistence de l’acte de l’état civil ou lorsqu’il a étéinformé par les agents diplomatiques ou consulaires de l’existence d’un doute sérieux sur l’authenticité decelui-ci qui n’a pu être levé par la possession d’état telle que définie à l’article 311-1 du code civil, demanderque l’identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d’apporter unélément de preuve d’une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnesdont l’identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli. Une informationappropriée quant à la portée et aux conséquences d’une telle mesure leur est délivrée.
« Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le tribunal de grande instance de Nantes pourqu’il statue, après toutes investigations utiles et un débat contradictoire, sur la nécessité de faire procéder à unetelle identification.
« Si le tribunal estime la mesure d’identification nécessaire, il désigne une personne chargée de la mettre enœuvre parmi les personnes habilitées dans les conditions prévues au dernier alinéa.
« La décision du tribunal et, le cas échéant, les conclusions des analyses d’identification autorisées parcelui-ci sont communiquées aux agents diplomatiques ou consulaires. Ces analyses sont réalisées aux frais del’Etat.
« Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis du Comité consultatif national d’éthique, définit :« 1o Les conditions de mise en œuvre des mesures d’identification des personnes par leurs empreintes
génétiques préalablement à une demande de visa ;« 2o La liste des pays dans lesquels ces mesures sont mises en œuvre, à titre expérimental ;« 3o La durée de cette expérimentation, qui ne peut excéder dix-huit mois à compter de la publication de ce
décret et qui s’achève au plus tard le 31 décembre 2009 ;« 4o Les modalités d’habilitation des personnes autorisées à procéder à ces mesures. »II. − Dans le premier alinéa de l’article 226-28 du code pénal, après les mots : « procédure judiciaire », sont
insérés les mots : « ou de vérification d’un acte de l’état civil entreprise par les autorités diplomatiques ouconsulaires dans le cadre des dispositions de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers etdu droit d’asile ».
III. − Une commission évalue annuellement les conditions de mise en œuvre du présent article. Elle entendle président du tribunal de grande instance de Nantes. Son rapport est remis au Premier ministre. Il est rendupublic. La commission comprend :
1o Deux députés ;2o Deux sénateurs ;3o Le vice-président du Conseil d’Etat ;4o Le premier président de la Cour de cassation ;5o Le président du Comité consultatif national d’éthique ;6o Deux personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre.Son président est désigné parmi ses membres par le Premier ministre.
Article 14
La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers etdu droit d’asile est ainsi rédigée :
Politique | 15 Septembre 2009
Tests ADN: Frictions à droite Le recul d'Eric Besson sur les tests ADN crée des remous dans la majorité parlementaire qui réclame
l'application des lois votées. Nicolas Sarkozy vole au secours de son ministre de l'Immigration et tente
d'apaiser les esprits.
Le Parlement fait sa rentrée cette semaine et compte se faire entendre. Les députés de la majorité ont peu goûté
l'abandon des tests ADN pour le regroupement familial décidé par Eric Besson, ministre de l'Immigration. "Le
législateur a émis tellement de contraintes que le décret d'application n'est pas possible en l'état", avait expliqué
le transfuge du PS sur Europe 1 dimanche. Le législateur en a pris ombrage. La session extraordinaire à peine
ouverte, les rouages entre exécutif et majorités commencent à grincer.
"Les gouvernements ont l'obligation de mettre en œuvre les décrets d'application", a fait valoir lundi Jean-
François Copé, le chef de file UMP à l'Assemblée nationale. A sa suite, plusieurs députés de droite ont
désapprouvé le recul du ministre. Jean-Luc Warsmann, le président de la commission des lois, a lui aussi
exprimé son hostilité. Enfin, le président de l'Assemblée s'est montré vexé. "Il ne saurait être question de ne pas
appliquer une loi votée par le Parlement. S'il y a un problème pratique, technique pour mettre en œuvre les
dispositions sur les tests ADN tels qu'ils ont été définis par la loi, il suffit d'en saisir le Parlement", a estimé
Bernard Accoyer. Certains autres élus de droite, opposés à une disposition qui avait clivé la majorité à l'époque,
ont toutefois soutenu le recul d'Eric Besson.
Sarkozy: "Les Tests ne servent à rien"
Les tests ADN avaient en effet divisés jusque dans les rangs du gouvernement. Ils avaient été introduits par un
amendement de Thierry Mariani à la loi sur l'immigration en 2007. C'est donc une disposition d'initiative
parlementaire que le ministre renonce à appliquer. Il n'en fallait pas moins pour irriter un groupe UMP qui
revendique une "coproduction législative".
François Fillon a voulu calmer le jeu. "On va rediscuter avec le Parlement des conditions de mise en œuvre de
ces tests ADN", a annoncé le Premier ministre. "Ce matin, j'étais devant les députés UMP et j'ai expliqué les
raisons pour lesquelles il y avait des difficultés objectives à mettre en place ces tests ADN", a annoncé mardi
Eric Besson. "Nous sommes convenus que nous allions reprendre le dialogue", a insisté le ministre, pour qui il
n'est pas possible de respecter "l'esprit et la lettre" du texte sur les tests ADN dans les délais impartis, c'est-à-dire
au 31 décembre prochain.
Et pour être sur que les esprits parlementaires s'apaisent, Nicolas Sarkozy est intervenu mardi. Selon des députés
qui ont rapporté ses propos après un déjeuner à l'Elysée, le chef de l'Etat a volé au secours de son ministre de
l'Immigration, jugeant que la complexité du dispositif envisagé le rendait inopérant. "On a été très maladroits
(…) Tout le monde sait que les tests ADN ne servent à rien. Du coup, ça a créé un trouble. Cette histoire est
l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire", aurait-il lâché. Nicolas Sarkozy a toutefois assuré qu'il prendrait le temps
de réfléchir sur la question. En attendant, il a demandé aux élus de la majorité de ne pas se lancer dans
une "querelle artificielle" sur une question de portée selon lui insignifiante. L'objectif, avant les Régionales,
éviter sûrement de voir se reproduire ce qu'il a appelé "la première grosse polémique de (son) quinquennat".
CONSEIL D’ETAT, Arrêt du 11 février 2010 (extraits)
Considérant que Mme BORVO et autres demandent au Conseil d'Etat, d'une part, sous le n°
324233, d'annuler la lettre du ministre de la culture et de la communication du 15 décembre
2008 demandant au président-directeur général de France Télévisions « d'envisager les mesures
nécessaires afin de ne plus commercialiser les espaces publicitaires entre 20 h et 6 h sur France
2, France 3, France 4, France 5 à partir du 5 janvier 2009 » et, d'autre part, sous le n° 324407,
d'annuler la délibération du conseil d'administration de France Télévisions du 16 décembre 2008
par laquelle ce conseil a pris acte du courrier ministériel arrêtant les orientations relatives à la
suppression de la publicité entre 20 h et 6 h à compter du 5 janvier 2009 et a confié la
responsabilité de sa mise en oeuvre au président-directeur général ; que ces requêtes
présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une
seule décision ;
En ce qui concerne la requête n° 324233 :
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que la lettre du ministre en date du 15 janvier 2008, après avoir rappelé le contexte
de la réforme législative alors en cours relative à la suppression de la publicité dans le service
public de la télévision, demande au président-directeur général de la société France Télévisions
« d'envisager les mesures nécessaires afin de ne plus commercialiser les espaces publicitaires
entre 20 h et 6 h sur France 2, France 3, France 4 et France 5 à partir du 5 janvier 2009
conformément à l'esprit et à la lettre de la réforme législative en cours » ; qu'eu égard à la
précision des mesures énoncées et de l'échéance qu'elle fixe pour leur application, la lettre du
ministre doit être regardée comme comportant une instruction tendant à ce que soient prises les
mesures en cause ; qu'elle constitue ainsi une décision faisant grief ; que les requérants ont, en
leur qualité d'usagers du service public de la télévision, intérêt à agir contre cette lettre ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant : /
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias [?] » ;
Considérant que la décision de renoncer à la commercialisation des espaces publicitaires dans les
programmes des services de communication audiovisuelle de France Télévisions pendant une
part substantielle du temps d'antenne, qui a pour effet de priver cette société nationale de
programme d'une part significative de ses recettes, doit être regardée comme affectant la
garantie de ses ressources, qui constitue un élément de son indépendance ; qu'une telle
interdiction relève dès lors du domaine de la loi ; qu'à la date de la décision attaquée, aucune
disposition législative n'interdisait la commercialisation des espaces publicitaires entre 20 h et 6
h sur France 2, France 3, France 4 et France 5 ; que, par suite, le ministre de la culture et de la
communication n'avait pas le pouvoir d'enjoindre à la société France Télévisons de prendre les
mesures que comporte sa lettre du 15 décembre 2008 ; qu'il en résulte que cette dernière doit
être annulée ;
En ce qui concerne la requête n° 324407 :
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la délibération du conseil d'administration de France Télévisions en date du 16
décembre 2008 chargeant son président-directeur général de mettre en oeuvre de nouvelles
règles de commercialisation des espaces publicitaires affecte la garantie des ressources de la
société, lesquelles constituent un élément essentiel pour assurer la réalisation des missions de
service public confiées à cette société en vertu des dispositions de l'article 43-11 de la loi du 30
septembre 1986, dont celles de diversité, pluralisme, qualité et innovation dans les programmes
mis à disposition des publics ; que, par suite, cette délibération, qui touche à l'organisation
même du service public, relève de la compétence de la juridiction administrative ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société France Télévisions :
Considérant que les requérants ont, en leur qualité d'usagers du service public de la télévision,
intérêt à agir contre la décision du conseil d'administration de France Télévisions en date du 16
décembre 2008 ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que l'annulation de la lettre du ministre de la culture et de la communication en date
du 15 décembre 2008 prononcée dans la requête n° 324233 entraîne, par voie de conséquence,
l'annulation de la délibération du conseil d'administration de France Télévisions en date du 16
décembre 2008 qui s'est borné à prendre acte de l'instruction ministérielle illégale et à en confier
la mise en oeuvre à son président ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat et de la
société France Télévisions le versement chacun de la somme globale de 3 000 € aux requérants
;
Décide :
Article 1er : La lettre du ministre de la culture et de la communication en date du 15 décembre
2008 et la délibération du conseil d'administration de France Télévisions en date du 16 décembre
2008 sont annulées.
Article 2 : L'Etat et la société France Télévisions verseront chacun une somme globale de 3 000
€ aux requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Nicole BORVO, à M. Jack RALITE, à M.
François AUTAIN, à Mme Marie-France BEAUFILS, à M. Michel BILLOUT, à Mme Eliane ASSASSI,
à M. Jean-Claude DANGLOT, à Mme Annie DAVID, à Mme Michelle DEMESSINE, à Mme Evelyne
DIDIER, à M. Guy FISCHER, à M. Thierry FOUCAUD, à Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, à Mme
Gélita HOARAU, à M. Robert HUE, à M. Gérard LE CAM, à Mme Josiane MATHON-POINAT, à M.
Jean-Luc MELENCHON, à Mme Isabelle PASQUET, à M. Ivan RENAR, à Mme Mireille SCHURCH, à
Mme Odette TERRADE, à M. Bernard VERA, à M. Jean-François VOGUET, au ministre de la culture
et de la communication, au secrétaire général du gouvernement et à la société France
Télévisions.
Demandeur : Borvo (Mme)
LOI Loi n°2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social
(1)
NOR: SOCX0600085L
Version consolidée au 14 mai 2009 (…) Article 57 I. - Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance à l’adaptation des dispositions législatives du code du travail à droit constant, afin d’y inclure les dispositions de nature législative qui n’ont pas été codifiées, d’améliorer le plan du code et de remédier, le cas échéant, aux erreurs ou insuffisances de codification. II. - Les dispositions codifiées en vertu du I sont celles en vigueur au moment de la publication de l’ordonnance, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet. En outre, le Gouvernement peut, le cas échéant, étendre l’application des dispositions codifiées à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises et aux îles Wallis et Futuna avec les adaptations nécessaires. III. - L’ordonnance doit être prise dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
ORDONNANCE Ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie
législative) . La partie législative du code du travail (annexes I et II à la présente ordonnance) fait l’objet d’une publication spéciale annexée au Journal officiel de ce
jour (voir à la fin du sommaire).
NOR: SOCX0700017R
Version consolidée au 10 décembre 2009 Le Président de la République, Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, Vu la Constitution, notamment son article 38 ; Vu le code du travail ; Vu le code de l’action sociale et des familles ; Vu le code de l’éducation ; Vu le code minier ; Vu le code rural ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le code du sport ; Vu le code du travail applicable à Mayotte ; Vu la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, notamment son article 57 ; Vu les avis de la Commission supérieure de codification en date du 5 juillet 2005 et des 7 avril, 7 juin, 18 octobre et 13 novembre 2006 ; Le Conseil d’Etat entendu ; Le conseil des ministres entendu, Article 1 Les dispositions de l’annexe 1 à la présente ordonnance constituent la partie législative du code du travail.
Article 2 Les dispositions de la partie législative du code du travail qui citent, en les reproduisant, des articles d’autres codes ou d’autres textes législatifs sont de plein droit modifiées par l’effet des modifications ultérieures de ces articles. Article 3 Les références contenues dans les dispositions de nature législative à des dispositions abrogées par la présente ordonnance sont remplacées par les références aux dispositions correspondantes du code du travail. (…) Article 15 Le Premier ministre, le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, le ministre de l’outre-mer et le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française. Par le Président de la République : Jacques Chirac Le Premier ministre, Dominique de Villepin Le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo Le ministre de l’outre-mer, François Baroin Le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, Gérard Larcher
Décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008 (Loi ratifiant l’ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail)
Le Conseil constitutionnel a été saisi dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi ratifiant l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), le 21 décembre 2007, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Mme Delphine BATHO, M. Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Maxime BONO, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Bernard CAZENEUVE, Jean-Paul CHANTEGUET, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Michel DEBET, Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mmes Laurence DUMONT, Odette DURIEZ, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Mme Corinne ERHEL, M. Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mmes Valérie FOURNEYRON, Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Jean-Patrick GILLE, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Elisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Monique IBORRA, M. Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, M. Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE
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BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Patrick LEBRETON, Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mme Catherine LEMORTON, MM. Jean-Claude LEROY, Bernard LESTERLIN, Michel LIEBGOTT, Albert LIKUVALU, François LONCLE, Jean MALLOT, Mmes Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mme Frédérique MASSAT, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, George PAU-LANGEVIN, MM. Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Mme Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, M. Philippe PLISSON, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, MM. Christophe SIRUGUE, Pascal TERRASSE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, MM. Guy CHAMBEFORT, René DOSIÈRE, Christian HUTIN, Simon RENUCCI, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Marcel ROGEMONT et Mme Christiane TAUBIRA, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du travail ; Vu le code de l’éducation ; Vu la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le
développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, notamment son article 57 ;
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Vu l’ordonnance n° 2005-1478 du 1er décembre 2005 de simplification du droit dans le domaine des élections aux institutions représentatives du personnel ;
Vu l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code
du travail ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le
9 janvier 2008 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil
constitutionnel la loi ratifiant l’ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail ; qu’ils estiment qu’elle est destinée à « rendre sans objet les recours engagés devant la juridiction administrative contre cette ordonnance en donnant une valeur législative à l’ordonnance qu’elle ratifie » ; qu’ils soutiennent, en outre, qu’un certain nombre de ses dispositions méconnaissent l’exigence constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, le « principe de codification à droit constant » ainsi que la répartition des compétences fixée par les articles 34 et 37 de la Constitution ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AU DROIT AU RECOURS :
2. Considérant qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. « Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation » ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article 57 de la loi du
30 décembre 2006 susvisée : « I. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance à l'adaptation des dispositions législatives du code du travail à droit constant, afin d'y inclure les dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées, d'améliorer le plan du code et de remédier, le cas échéant, aux erreurs ou insuffisances de codification. - II. - Les dispositions
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codifiées en vertu du I sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet… - III. - L'ordonnance doit être prise dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance » ; que l’ordonnance a été prise en conseil des ministres le 12 mars 2007 et publiée le lendemain au Journal officiel de la République française ; que le projet de loi de ratification a été déposé devant le Sénat le 18 avril 2007 ;
4. Considérant que le Gouvernement, en déposant le projet de
loi ratifiant cette ordonnance, et le Parlement, en l’adoptant, se sont bornés à mettre en œuvre les dispositions de l’article 38 de la Constitution sans porter atteinte ni au droit à un recours juridictionnel effectif ni au droit à un procès équitable, qui découlent de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE L’EXIGENCE
D’INTELLIGIBILITÉ ET D’ACCESSIBILITÉ DE LA LOI :
5. Considérant que, selon les requérants, l’ordonnance du 12 mars 2007, que la loi déférée ratifie, serait « complexe » et « confuse » au point de méconnaître l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ; qu’ils lui reprochent, en premier lieu, de transférer vers d’autres codes de nombreuses dispositions qui figuraient jusqu’à présent dans le code du travail, ce qui entraînerait un « éclatement » et une « segmentation » de celui-ci ; qu’il en irait ainsi de l’article L. 231-2-2 relatif aux commissions d’hygiène et de sécurité dans les lycées techniques ou professionnels dont les dispositions sont reprises dans le code de l’éducation ; qu’ils contestent, en deuxième lieu, le plan du nouveau code du travail qui remplace les neuf livres de l’ancien code par huit parties ; qu’ils mettent notamment en cause les options retenues en ce qui concerne les dispositions relatives aux salaires et aux procédures collectives de licenciement économique ; qu’ils critiquent, en troisième lieu, le choix de présenter « une idée par article », qui conduit à faire passer le nombre des articles législatifs de 1891 à 3652 et à « mettre sur le même plan la règle principale de droit, la règle qui en découle et la dérogation éventuelle » ; qu’ils citent, en particulier, l’article L. 122-14-4 relatif aux indemnités dues en cas de non respect de la procédure de licenciement, dont
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les dispositions font désormais l’objet de six articles, ainsi que le III de l’article L. 212-15-3 dont les dispositions font l’objet de sept articles ;
6. Considérant que la codification répond à l’objectif de valeur
constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ; qu’en effet l’égalité devant la loi énoncée par l’article 6 de la Déclaration et « la garantie des droits » requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; qu’une telle connaissance est en outre nécessaire à l’exercice des droits et libertés garantis tant par l’article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n’a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » ;
7. Considérant, d’une part, que le législateur a entendu intégrer
ou maintenir dans le code du travail l’ensemble des dispositions de portée générale et déplacer, au demeurant de manière limitée, celles qui sont propres à certains secteurs d’activité ou catégories professionnelles dans les codes les régissant ; qu’il a ainsi fait figurer les dispositions relatives aux commissions d’hygiène et de sécurité dans les lycées techniques ou professionnels à l’article L. 421-25 du code de l’éducation ;
8. Considérant, d’autre part, que le plan du nouveau code du
travail a été élaboré afin de le rendre plus accessible à ses utilisateurs, en regroupant dans des blocs homogènes des dispositions jusqu’alors éparses ; que cette logique explique l’intégration des dispositions sur les salaires dans la troisième partie relative à la durée du travail, au salaire et à la participation, qui relèvent à la fois des relations individuelles et des relations collectives du travail, ainsi que le regroupement des dispositions relatives aux procédures collectives de licenciement économique avec l’ensemble des règles de licenciement au titre III du livre II de la première partie ;
9. Considérant, enfin, que les scissions d’articles ont eu pour
objet de séparer les règles de fond des règles de forme ou les principes de leurs dérogations ; que cette approche, qui a d’ailleurs été approuvée par la Commission supérieure de codification, améliore la lisibilité des dispositions concernées, incluses jusqu’à présent dans des articles souvent excessivement longs et dont le décompte des alinéas s’avérait malaisé ; qu’il en est ainsi de l’ancien article L. 122-14-4 dont le contenu a été repris par les articles nouveaux L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-4, L. 1235-11,
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L. 1235-12 et L. 1235-13 ; qu’il en est également ainsi du III de l’article L. 212-15-3 dont le contenu a été repris par les articles L. 3121-45 à L. 3121-49, L. 3121-51 et L. 3171-3 nouveaux du code du travail ; qu’il résulte des termes mêmes de l’article L. 3121-51, dans sa rédaction résultant du 38° de l’article 3 de la loi déférée, que les accords prévoyant des conventions de forfait en jours pour les salariés non cadres doivent comporter l’ensemble des clauses prévues par l’article L. 3121-45 ;
10. Considérant, dans ces conditions, que, loin de méconnaître
les exigences résultant de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, le nouveau code du travail tend, au contraire, à les mettre en œuvre ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DU « PRINCIPE DE
CODIFICATION A DROIT CONSTANT » ET DES ARTICLES 34 ET 37 DE LA CONSTITUTION :
11. Considérant que, selon les requérants, « en allant très au-delà
des exceptions, prévues par l’article 57 de la loi du 30 décembre 2006, au principe de codification à droit constant », le Gouvernement aurait méconnu la répartition des compétences entre les articles 34 et 37 de la Constitution ; que le Gouvernement a procédé à de nombreux ajouts de normes et à l’abrogation de nombreuses dispositions ; que l’article 57 précité n’habilitait pas le Gouvernement à déclasser des dispositions de la partie législative du code du travail, notamment celles définissant les compétences de l’inspection du travail et des conseils de prud’hommes ; que l’introduction dans le code d’éléments de jurisprudence, tels que l’obligation prévue par l’article L. 1233-2 du code du travail que le licenciement pour motif économique soit justifié par une cause réelle et sérieuse, excéderait l’habilitation de l’article 57 et méconnaîtrait la hiérarchie des normes ; qu’enfin, l’utilisation du présent de l’indicatif dans les articles du nouveau code priverait de tout caractère impératif les obligations faites à l’employeur ;
12. Considérant, en premier lieu, qu’est inopérant à l’égard d’une
loi de ratification le grief tiré de ce que l’ordonnance ratifiée aurait outrepassé les limites de l’habilitation ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu’en vertu de l’article 34 de
la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical et fixe les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction ; que, si le deuxième alinéa de l’article 37 de la Constitution ouvre au Gouvernement la possibilité de saisir le Conseil
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constitutionnel aux fins de déclarer que des textes de forme législative, intervenus après l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, ont un caractère réglementaire et peuvent donc être modifiés par décret, il est loisible au législateur d’abroger lui-même des dispositions de nature réglementaire figurant dans des textes législatifs ; qu’en vertu de l’habilitation qui lui a été consentie en application de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement pouvait donc procéder à de telles abrogations ;
14. Considérant, d’une part, que l’article L. 2314-11 nouveau du
code du travail reprend les dispositions de l’article L. 423-3 de l’ancien code, dans sa rédaction modifiée par l’article 2 de l’ordonnance du 1er décembre 2005 susvisée, qui prévoient, pour l’élection des délégués du personnel, qu’en cas d’absence d’accord sur la répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel « l’autorité administrative procède à cette répartition » ; que l’article L. 2324-13 du nouveau code comporte une disposition identique pour l’élection des représentants du personnel au comité d’entreprise ; que, si l’indépendance de l’inspection du travail doit être rangée au nombre des principes fondamentaux du droit du travail au sens de l’article 34 de la Constitution, la détermination de l’autorité administrative chargée des attributions en cause au sein du « système d’inspection du travail », au sens du titre II du livre premier de la huitième partie du nouveau code, relève du pouvoir réglementaire ; que, sous cette réserve, le grief tiré de ce que la référence à « l’autorité administrative » méconnaîtrait la répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution doit être écarté ;
15. Considérant, d’autre part, que, si, en raison du caractère
paritaire de leur composition et de la nature de leurs attributions, les conseils de prud’hommes constituent un ordre de juridiction au sens de l’article 34 de la Constitution, les articles L. 1411-1 à L. 1411-6 et L. 1422-1 à L. 1422-3 du nouveau code du travail définissent leurs compétences ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le nouveau code ferait référence à « l’autorité judiciaire en lieu et place du conseil des prud’hommes » manque en fait ;
16. Considérant, en troisième lieu, que l’exigence d’une cause
réelle et sérieuse pour procéder à un licenciement pour motif économique résulte des dispositions des articles L.122-14-3 et L.122-14-4 de l’ancien code du travail ; que, dès lors, le grief tiré de ce que le nouveau code aurait procédé à une codification de la jurisprudence manque en fait ;
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17. Considérant, en quatrième lieu, que, l’emploi du présent de l’indicatif ayant valeur impérative, la substitution du présent de l’indicatif à une rédaction formulée en termes d’obligation ne retire pas aux dispositions du nouveau code du travail leur caractère impératif ;
18. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le grief
tiré de la violation des articles 34 et 37 de la Constitution doit être rejeté ; 19. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel,
de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution,
D É C I D E : Article premier.- Sont déclarés conformes à la Constitution, tels qu’ils résultent de la loi ratifiant l’ordonnance du 12 mars 2007 susvisée : - les articles L. 1233-2, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-4, L. 1235-11, L. 1235-12, L. 1235-13, L. 1411-1 à L. 1411-6, L. 1422-1 à L. 1422-3 du code du travail ; - les articles L. 2314-11 et L. 2324-13 du même code, sous la réserve énoncée au considérant 14 ; - les articles L. 3121-45 à L. 3121-49, L. 3121-51 et L. 3171-3 du même code ; - l’article L. 421-25 du code de l’éducation. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du
17 janvier 2008, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.
Le 2 mars 2010
LOI LOI n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007
relative au code du travail (partie législative) (1)
NOR: MTSX0700051L
Version consolidée au 23 janvier 2008 L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008 ; Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : Article 1 L’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) est ratifiée dans sa rédaction modifiée par les articles 2, 3, 4, 6 et 7 de la présente loi. · (…) Fait à Paris, le 21 janvier 2008. Nicolas Sarkozy Par le Président de la République : Le Premier ministre, François Fillon La ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, Michèle Alliot-Marie La ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, Christine Lagarde Le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, Xavier Bertrand