droit civil licence 2ème année -...

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UNIVERSITE DE MONTPELLIER I FACULTE DE DROIT Droit Civil Licence 2 ème Année Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier Vincent Craponne, ATER Fleur Dubois Lambert, doctorante Brunelle Fessard, doctorante Marion Murcia, doctorante contractuelle Cathie-Sophie Pinat, doctorante contractuelle Séances 2 à 9. 2010-2011

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  • UNIVERSITE DE MONTPELLIER I

    FACULTE DE DROIT

    Droit Civil

    Licence 2me Anne

    Daniel Mainguy, Professeur la Facult de droit de Montpellier

    Vincent Craponne, ATER

    Fleur Dubois Lambert, doctorante Brunelle Fessard, doctorante

    Marion Murcia, doctorante contractuelle Cathie-Sophie Pinat, doctorante contractuelle

    Sances 2 9.

    2010-2011

  • SOMMAIRE

    SEANCE 1 : Classification des contrats et des obligations (document spar). SEANCE 2 : Formation du contrat : le consentement existence. SEANCE 3 : Formation du contrat : le consentement intgrit : lerreur. SEANCE 4 : Formation du contrat : le consentement intgrit : le dol. SEANCE 5 : Formation du contrat : lobjet. SEANCE 6 : Formation du contrat : la cause. SEANCE 7 : Les effets du contrat : la force obligatoire du contrat. SEANCE 8 : Leffet relatif des contrats. SEANCE 9 : Inexcution du contrat et responsabilit contractuelle. SEANCE 10 : Lextinction du contrat.

  • METHODOLOGIE

    Cas pratique :

    - BREF rappel des faits - Qualification juridique des faits - Poser le problme de droit - Envisager toutes les solutions possibles au problme et retenir uniquement la solution la

    plus adquate autour dun plan. Dans le plan : Expos de la rgle de droit Explication de la rgle de droit Application lespce

    Commentaire darrt : le passage de la mthode Mousseron au commentaire rdig :

    Mthode Mousseron I Analyse A/ Les faits

    1) Faits matriels 2) Faits judiciaires

    B/ Le problme de droit 1) La prtention des parties 2) Enonc du problme : termes gnraux 3) Solution de droit

    II Le commentaire A/ Comprendre la solution

    1) En elle-mme a) Dfinition b) Par la synthse : reformulation de la solution

    2) Par rapport au pass : jurisprudence et lgislation antrieure 3) Par rapport au futur : idem 4) Par rapport aux domaines voisins : dfinir le rgime et en trouver qui se rapprochent

    B/ Expliquer la solution 1) Par des arguments juridiques

    a) Le fondement de la solution Quel est le problme pos la cour ? Existe-t-il une rponse au problme ? La solution se fonde-t-elle sur cette rponse ? Comment raisonne le juge ? Quest-ce quil fait ?

  • Est-ce que cest juridiquement justifi ? b) Y-a-t-il une autre solution possible ?

    2) Par des arguments dopportunit Est-ce que la solution est justifie en opportunit C/ Apprcier la solution

    1) Dans son ensemble 2) Dans le cas particulier, pour les parties

    Commentaire rdig Introduction :

    - Accroche - Faits matriels et judiciaires - Prtention des parties (peuvent tre inclues aux faits judiciaires au motif/au moyen) - Problme de droit - Solution de droit - Annonce de plan justifie

    NB = au motif : Arguments de la juridiction prcdemment saisie

    au moyen : Prtentions des parties devant la Cour de cassation

    I A. Entre en matire = jurisprudence et controverse doctrinale, synthse.

    I B. Cur du devoir :

    Argumentation juridique : autre solution et fondements Argumentation dopportunit Domaines voisins Loi et jurisprudence antrieure et postrieure Synthse

    II A.

    II B. Apprciation de la solution Construction du plan :

    - Sil y a deux ides dans la solution : deux parties - Plan joker :

    o principe/limite o conditions/effets o nature/rgime o

  • Attention ! Il faut saider de la solution pour crer le plan, il faut se demander ce que fait la Cour de cassation. Pourquoi ? Comment ? Consquence ? Pourquoi cette solution ? Comment la cour choisit-elle cette solution ? Quest-ce que cela induit?

  • SEANCE 2

    FORMATION DU CONTRAT

    Le consentement (existence)

    I. Jurisprudence

    Pourparlers

    Com., 26 novembre 2003 : bull. Civ. Iv, n 186.

    Pour aller plus loin, rechercher : Com., 20 mars 1972 : bull. Civ. Iv, n 93 ; rtd civ. 1972, p. 779, obs. G. Durry Com., 7 janvier 1997 : indit, d. 1998, p. 45, note p. Chauvel Com., 22 avril 1997 : indit, d. 1998, p. 45, note p. Chauvel Civ. 1re, 6 janvier 1998 : bull. Civ. I, n 7 Com., 7 avril 1998 : d. 1999, p. 514, obs. P. Chauvel

    Loffre

    Cass, civ., 3ime, 10 mai 1968 ( commenter).

    Pour aller plus loin, rechercher : Civ. 3me, 21 octobre 1975 : bull. Civ. Iii, n 302 Com., 6 mars 1990: bull. Civ. Iv, n 74 ; d. 1991, somm. P. 317, obs. J.-l. Aubert Com., 3 dcembre 2003 : indit ; jcp g, 2004, ii, 10181, note j.-ch. Serna

    II. Doctrine

    M.-A. Frison-Roche, Remarques sur la distinction de la volont et du consentement en droit des contrats, rtd civ. 1995 p. 573.

    I. Najjar, L'accord de principe, d. 1991, p. 57. L. Grynbaum, Contrats entre absents : les charmes vanescents de la thorie de l'mission de l'acceptation, d.

    2003 p. 1706

    D. Mainguy, La violation du pacte de prfrence, dr. et patrimoine, 2006, n 144, p. 72 III. Exercices

    Rsolution des cas pratiques. Commentaire darrt rdig : Cass., civ., 3ime, 10 mai 1968.

  • CAS PRATIQUES : Cas pratique n1 M. Martin dsireux de vendre son vhicule (un magnifique q7) fait publier une petite annonce dans ml indiquant la marque aux anneaux, lanne, le kilomtrage ainsi que la couleur, les options + prix dbattre. M. Dupont rpond cette annonce et accepte cette proposition en indiquant quil est prt verser un prix de 40 000 euros. M. Dupont, prt faire une superbe affaire, estime que la contrat de vente est conclu et veut contraindre m. Martin lexcuter. Quen pensez-vous ? Cas pratique n2 M. X vend un immeuble n m. Y. Le contrat contient une condition suspensive dobtention dun prt bancaire par m. Y. Avant lexpiration du dlai de ralisation de cette condition, m x est contact par m. Z qui lui offre un prix plus intressant. M. X crit m. Y que le contrat tant affect dune condition suspensive na pas encore t form et quil peut donc rompre les pourparlers contractuels. Quen pensez-vous ?

  • I. - Jurisprudence

    Cass, civ., 3ime, 10 mai 1968, n de pourvoi: 66-13187 Rpublique franaise Au nom du peuple franais Arrt n 1 sur le moyen unique : attendu qu'il rsulte des nonciations de l'arrt infirmatif attaque qu'en octobre 1963, la socit civile immobilire riviera Hollyday consentait a y..., agent immobilier, l'exclusivit de la vente d'un immeuble a usage de bureaux, sis a Nice, jusqu'au 30 novembre 1963, dlai proroge par la suite jusqu'au 31 dcembre, moyennant le prix de 470000 francs et une commission de 5 % a l'agence ; Que le 24 octobre 1963, y..., a son tour, donnait option a x..., intress par cette acquisition, jusqu'au 15 dcembre 1963 ; Que par lettre du 12 novembre, ce dernier faisait connaitre les conditions de son acceptation ventuelle et le 22 novembre, levait expressment l'option qui lui avait t consentie le 24 octobre 1963, en prcisant par une lettre recommande confirmative du 27 novembre, qu'il tait acqureur aux prix et conditions fixes par le mandat donne a y... Et priait la socit civile immobilire de prendre contact avec le notaire en vue de la ralisation de cette vente ; Que sommation par huissier tait faite le mme jour par y... A la socit civile immobilire d'avoir comparaitre devant notaire pour raliser l'acte de vente ; Que par lettre du 3 dcembre, le grant de la socit civile immobilire faisait connaitre a y... Que cette affaire s'avrait impossible, l'option tant tombe et qu'il reprenait sa libert de disposition ; Que la cour d'appel condamnait la socit civile immobilire riviera Hollyday verser x... La

    somme de 15000 francs titre de dommages-intrts ; Attendu qu'il est reproche l'arrt d'avoir dcid que la socit civile immobilire avait cause x... Un prjudice en refusant de donner suite a une proposition de vente qui avait t accepte par ce dernier, alors qu'il rsulte des constatations mmes de l'arrt que la proposition en question avait t retire par la socit avant qu'elle eut t accepte et que si une reprise des pourparlers entre les parties s'tait ensuite produite, elle n'avait pu aboutir a aucun accord ; Mais attendu que si une offre de vente peut en principe tre rtracte tant qu'elle n'a pas t accepte, il en est autrement au cas o celui de qui elle mane s'est expressment engage ne pas la retirer avant une certaine poque ; Que les juges du second degr qui constatent que l'offre qui avait t faite par la socit civile immobilire riviera Hollyday valable jusqu'au 15 dcembre 1963, avait t accepte expressment par son bnficiaire par lettre du 24 octobre confirme le 27 novembre 1963, ont justement dduit de ces constatations sans se contredire que x... Ayant lev l'option conformment au mandat donne a y... Par la socit civile immobilire l'accord des volonts tait ralis et que si une difficult avait surgi de nouveau il appartenait a la socit civile immobilire riviera Hollyday de la faire constater rgulirement notamment en sollicitant du notaire l'tablissement d'un procs-verbal de carence ; D'ou il suit que le moyen n'est pas fonde ; Par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l'arrt rendu le 1er avril 1966, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Arrt n 2 sur le

  • premier moyen : attendu qu'il rsulte des nonciations de l'arrt infirmatif attaque qu'en octobre 1963, la socit civile immobilire riviera Hollyday consentait a y..., agent immobilier, l'exclusivit de la vente d'un immeuble a usage de bureaux, sis a Nice, jusqu'au 30 novembre 1963, dlai proroge par la suite jusqu'au 31 dcembre, moyennant le prix de 470000 francs et, une commission de 5 % a l'agence ; Sur le second moyen : attendu qu'il est galement reproche a l'arrt de condamner la socit civile immobilire riviera Hollyday verser a y... Une somme de 37600 francs a titre de commission et de dommages-intrts, soit la commission de 5 % que devait lui remettre le vendeur et celle de 3 % a la charge de l'acheteur alors que ces deux commissions faisant double emploi, ne pouvaient se cumuler pour tablir le prjudice subi par y... ; Mais attendu que contrairement a l'affirmation du pourvoi, la cour d'appel n'a pas cumule les deux commissions mais a condamne la socit civile immobilire au payement de la commission convenue au taux de 5 % sur le prix de vente y ajoutant, a titre de dommages-intrts, le montant de la commission que l'agent immobilier aurait peru de l'acheteur, au taux de 3 %, si la socit civile immobilire n'avait pas failli a ses engagements ; Que les juges du fond ont ainsi souverainement apprcie le montant du prjudice et donne une base lgale a leur dcision ; D'ou il suit que le moyen n'est pas mieux fonde que le prcdent ; Par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l'arrt rendu le 1er avril 1966 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Arrt n 1 : n 66-13187 socit civile immobilire riviera Hollyday et autre c / x... . Arrt n 2 : n 66-13186 socit civile immobilire riviera et autre c / y... Prsident : m de montera-rapporteur : m

    Girard-avocat gnral : m tunc-avocats : mm talamon et calon (arrts 1 et 2)

  • Com., 26 novembre 2003

    Donne acte aux consorts x... Et m. Et mme y... De ce qu'ils se sont dsists de leur pourvoi n b 00-10.949 en tant que dirig contre la socit stuck, la socit les complices et m. Z... ; Joint les pourvois n j 00-10.243, form par la socit Alain Manoukian, et n b 00-10.949, form par les consorts x..., m. Et mme y..., qui attaquent le mme arrt ; Attendu, selon l'arrt attaqu (paris, 29 octobre 1999), que la socit Alain Manoukian a engag avec les consorts x... Et y... (les consorts x...),, actionnaires de la socit stuck, des ngociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette socit ; que les pourparlers entrepris au printemps de l'anne 1997 ont, l'issue de plusieurs rencontres et de divers changes de courriers, conduit l'tablissement, le 24 septembre 1997, d'un projet d'accord stipulant notamment plusieurs conditions suspensives qui devaient tre ralises avant le 10 octobre de la mme anne, date ultrieurement reporte au 31 octobre ; qu'aprs de nouvelles discussions, la socit Alain Manoukian a, le 16 octobre 1997, accept les demandes de modification formules par les cdants et propos de reporter la date limite de ralisation des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts x... N'ayant formul aucune observation, un nouveau projet de cession leur a t adress le 13 novembre 1997 ; que le 24 novembre, la socit Alain Manoukian a appris que les consorts x... Avaient, le 10 novembre, consenti la socit les complices une promesse de cession des actions de la socit stuck ; que la socit Alain Manoukian a demand que les consorts x... Et la socit les complices soient condamns rparer le prjudice rsultant de la rupture fautive des pourparlers ; Sur le moyen unique du pourvoi form par les consorts x..., pris en ses deux branches : Attendu que les consorts x... Font grief l'arrt de les avoir condamns payer la socit Alain Manoukian la somme de 400

    000 francs titre de dommages-intrts alors, selon le moyen : 1 / que la libert contractuelle implique celle de rompre les pourparlers, libert qui n'est limite que par l'abus du droit de rompre qui est une faute caractrise par le fait de tromper la confiance du partenaire ; que la cour d'appel, qui n'a relev aucun lment la charge du cdant de nature caractriser un tel comportement, contraire la bonne foi contractuelle, a priv sa dcision de toute base lgale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ; 2 / que celui qui prend l'initiative de pourparlers en tablissant une proposition d'achat de la totalit des actions d'une socit, soumise plusieurs conditions suspensives affectes d'un dlai de ralisation, et qui ne manifeste aucune diligence pour la ralisation de ces conditions, ne saurait imputer faute la rupture par son partenaire des pourparlers, aprs l'expiration de ce dlai, de sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a viol les articles 1382 et 1383 du code civil ; Mais attendu, d'une part, qu'aprs avoir relev, d'un ct, que les parties taient parvenues un projet d'accord aplanissant la plupart des difficults et que la socit Alain Manoukian tait en droit de penser que les consorts x... taient toujours disposs lui cder leurs actions et, d'un autre ct, que les actionnaires de la socit stuck avaient, la mme poque, conduit des ngociations parallles avec la socit les complices et conclu avec cette dernire un accord dont ils n'avaient inform la socit Alain Manoukian que quatorze jours aprs la signature de celui-ci, tout en continuant lui laisser croire que seule l'absence de l'expert-comptable de la socit retardait la signature du protocole, la cour d'appel a rtnu que les consorts x... Avaient ainsi rompu unilatralement et avec mauvaise foi des pourparlers qu'ils n'avaient jamais paru abandonner et que la socit Alain Manoukian poursuivait normalement ; qu'en l'tat de ces constatations et apprciations, la cour d'appel a lgalement justifi sa dcision ;

  • Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relev, par un motif non critiqu, que les parties avaient, d'un commun accord, prorog la date de ralisation des conditions suspensives, le moyen pris de la circonstance que la rupture des pourparlers aurait t postrieure cette date est inoprant ; D'o il suit que le moyen ne peut tre accueilli en aucune de ses branches ; Sur le premier moyen du pourvoi form par la socit Alain Manoukian : Attendu que la socit Alain Manoukian fait grief l'arrt d'avoir limit 400 000 francs la condamnation dommages-intrts prononce l'encontre des consorts x... Alors, selon le moyen, que celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs la cession des actions d'une socit exploitant un fonds de commerce doit indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu'avait cette dernire d'obtenir les gains esprs tirs de l'exploitation dudit fonds de commerce en cas de conclusion du contrat ; qu'il importe peu que les parties ne soient parvenues aucun accord ferme et dfinitif ; qu'en l'espce, la cour d'appel a constat que les consorts x... Avaient engag leur responsabilit dlictuelle envers la socit Alain Manoukian en rompant unilatralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de la socit stuck exploitant un fonds de commerce dans le centre commercial belle epine ; qu'en estimant nanmoins que le prjudice subi par la socit Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du seul fait de l'absence d'accord ferme et dfinitif, la perte de la chance qu'avait cette socit d'obtenir les gains qu'elle pouvait esprer tirer de l'exploitation du fonds de commerce et en limitant la rparation du prjudice subi par la socit Alain Manoukian aux frais occasionns par la ngociation et aux tudes pralables qu'elle avait engages, la cour d'appel a viol l'article 1382 du code civil ; Mais attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans

    l'exercice du droit de rupture unilatrale des pourparlers prcontractuels ne sont pas la cause du prjudice consistant dans la perte d'une chance de raliser les gains que permettait d'esprer la conclusion du contrat ; Attendu que la cour d'appel a dcid bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et dfinitif, le prjudice subi par la socit Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionns par la ngociation et les tudes pralables auxquelles elle avait fait procder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, esprer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni mme la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; que le moyen n'est pas fond ; Et sur le second moyen du mme pourvoi : Attendu que la socit Alain Manoukian fait encore grief l'arrt d'avoir mis hors de cause la socit les complices alors, selon le moyen, que le seul fait pour l'acqureur de garantir par avance le vendeur de toute indemnit en cas de rupture des pourparlers auxquels ce dernier aurait pu se livrer avec un tiers antrieurement constitue une faute dont l'acqureur doit rparation envers la victime de la rupture des pourparlers ds lors qu'une telle garantie constitue pour le vendeur, et pour le profit de l'acqureur, une incitation rompre brutalement des pourparlers, fussent-ils sur le point d'aboutir, sans risque pour lui ; qu'en l'espce, la cour d'appel a constat qu'aux termes de la convention de cession liant les consorts x... A la socit les complices, celle-ci s'tait engage garantir les vendeurs de toute indemnit que ceux-ci seraient ventuellement amens verser un tiers pour rupture abusive des pourparlers ; qu'en considrant nanmoins que la socit les complices, dont les juges du fond ont constat qu'elle avait profit des manuvres dloyales commises par les consorts x... A l'encontre de la socit Alain Manoukian, n'avait commis aucune faute envers la socit Alain Manoukian, victime de la rupture brutale des pourparlers qu'elle avait engags avec les consorts x..., peu important qu'il n'ait pas t dmontr que la socit les complices avait eu connaissance de l'tat

  • d'avancement de ces pourparlers, la cour d'appel a viol l'article 1382 du code civil ; Mais attendu que le simple fait de contracter, mme en connaissance de cause, avec une personne ayant engag des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-mme et sauf s'il est dict par l'intention de nuire ou s'accompagne de manuvres frauduleuses, une faute de nature engager la responsabilit de son auteur ; Attendu qu'ayant relev que la clause de garantie insre dans la promesse de cession ne suffisait pas tablir que la socit les complices avait us de procds dloyaux pour obtenir la cession des actions composant le capital de la socit stuck, ni mme qu'elle avait une connaissance exacte de l'tat d'avancement des ngociations poursuivies entre la socit Alain Manoukian

    et les cdants et du manque de loyaut de ceux-ci l'gard de celle-l, la cour d'appel a exactement dcid que cette socit n'avait pas engag sa responsabilit l'gard de la socit Alain Manoukian, peu important qu'elle ait en dfinitive profit des manuvres dloyales des consorts x... ; que le moyen n'est pas fond ; Par ces motifs : Rejette les pourvois ; Laisse chaque partie la charge de ses dpens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procdure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jug par la cour de cassation, chambre commerciale, financire et conomique, et prononc par le prsident en son audience publique du vingt-six novembre deux mille trois..

    II.- Doctrine

    M.-A. Frison-Roche, Remarques sur la distinction de la volont et du consentement en droit des contrats, rtd civ. 1995 p. 573

    1. Le prsent propos n'a pour but que d'esquisser le profit que l'on pourrait tirer d'une distinction plus nette et plus systmatique oprer en droit des contrats entre la volont et le consentement, entre la rencontre des volonts et l'change des consentements, afin d'expliquer plus aisment, c'est--dire plus simplement et d'une faon plus cohrente, l'volution de cette matire, notamment lorsqu'elle prend prise en droit des affaires. Echange des consentements ; rencontre des volonts. Sont-ce des locutions fongibles ? Y a-t-il vraiment unicit d'un phnomne ainsi plus ou moins adroitement qualifi ? Quand on ne les confond pas, on considre assez aisment que l'expression d'change des consentements est impropre et qu'il conviendrait de prfrer celle de rencontre des volonts pour dsigner ce qui fait le contrat. En effet, il est dj difficile de sortir de soi-mme par une volont qui va la rencontre ; il serait vain et faux de croire que l'on peut aller jusqu' offrir un consentement en change. Pourtant, les mains se rencontrent mais les anneaux s'changent... La figure du mariage, dans sa dimension mystique, hante toujours le droit des contrats, mme ce droit des affaires que l'on ressent parfois comme un droit civil au sang froid. 2. Il faut ainsi rappeler et tirer tout profit du fait que volont et consentement ne peuvent se rduire l'un l'autre, qu'change et rencontre ne doivent pas s'assimiler. La volont est au coeur de l'humanisme et marque l'intriorit incommensurable de l'homme tandis que le consentement est un objet, consquence de la volont, symbole et extriorisation de la volont, mais distinct de la volont.

  • 13

    Ainsi, par la volont, la personne manifeste sa puissance, sa capacit poser elle-mme sa propre loi, sa libert. Tandis que le consentement est signe d'une sorte de capitulation. Il y a toujours de l'alination dans un consentement. C'est bien ainsi que le dfinit le vocabulaire philosophique de lalande : consentir, c'est admettre, donner son assentiment, c'est--dire baisser pavillon devant une assertion ou devant une autre personne. Tandis que la volont consiste dans la force de pouvoir toujours ne pas admettre. C'est pourquoi la figure de la libert est celle du martyr et du hros : celui qui ne s'avoue jamais vaincu, celui qui ne consent jamais. En occident, la libert est dans le non ; le consentement est dans le oui . Par la volont, je domine ; par le consentement, je me soumets. La force est du ct de la volont ; la faiblesse du ct du consentement. 3. Par le consentement, me voil oblig, me voil l'oblig de l'autre. L'article 1108 du code civil s'en donne l'cho, en visant le consentement de la partie qui s'oblige . On comprend alors que le consentement puisse tre un signe de faiblesse, de vassalit, l o la volont est signe de puissance et d'autonomie ; que le consentement puisse tre donn sous la pression, signe d'une volont impressionne , sans qu'il faille y voir ncessairement violence ; que le contrat-capitulation est concevable, l'hypothse objective de la lsion tant l pour l'attester. La doctrine classique, telle qu'on nous la prsente toute concentre sur la volont, aurait pu, si elle avait t plus sensible cette dimension du consentement, tablir ainsi : qui dit contractuel, dit dfaite . Le droit des contrats en eut t chang, ou du moins chang plus vite. Le consentement, donc, ne se rduit pas la volont. C'est sans doute pour cela que le droit franais n'a pas admis a priori l'engagement unilatral, cet acte de volont sans consentement, cet acte du vouloir crateur pur. 4. Ds lors, le consentement est une sorte de gage que l'on donne l'autre. C'est pourquoi la volont peut vouloir tout tandis que le consentement ne peut porter que sur le possible, que sur ce que je peux donner. Le consentement a partie lie avec le patrimoine, alors que la volont y est naturellement trangre. Mais quel gage ? Gage d'amour, dirait le droit du mariage, qu'il est dcidment bien difficile de chasser. Gage de gratitude, dirait le droit des libralits. Gage d'quilibre objectif et de scurit juridique, dira le droit des contrats, du mme coup dsireux du formalisme qui fait couple avec la scurit. Ce contrat permet ainsi d'tablir un temps un semblant de paix entre les personnes aux intrts opposs. 5. Car le consentement est donc bien un otage donn : il doit y avoir change des otages. En cela, le consentement est avant tout anticipation du consentement de l'autre, l'interdpendance restant la marque du contrat. C'est ce lien essentiel que semble se rattacher la thorie anglaise de la considration : l'accord ne se conoit pas sans l'change, au sens de l'admission d'une perte - par mon consentement - dans la perspective d'un avoir - par le consentement de l'autre. Et avant tout change de ce type, qui repose sur l'anticipation et l'quilibre des gages, il y a ncessairement ajustement, ngociation, palabre. Plus encore, le contrat ne peut plus tre un point dans le temps o la volont, vive comme l'clair, lit une volont alter ego tout aussi prompte aller sa rencontre, dans la joie intemporelle de leur union. Bien plutt, le contrat, mcanisme mfiant et besogneux, ttonnant et prudent, est l'instrument pessimiste de cette guerre froide, conflit crateur sur lequel se construit le contrat. Il s'tire alors dans le temps ou trace un long trait dans l'espace entre cocontractants loigns l'un de l'autre.

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    6. Dans cette perspective, il n'y a pas d'affinit lective entre volonts soeurs, dans cette sorte de romantisme juridique que traduit la thorie classique, mais mise en place d'un change entre personnes objectivement ennemies puisqu'aux intrts et vises contradictoires. Il n'y a plus un envol mystique entre deux volonts, d'autant plus pur qu'il est libre du temps et ne s'encrasse pas de formalit. Au contraire, cette mfiance gage de paix va rendre obsdante la question des procdures, des traces de l'change, va rendre centrale la perspective des preuves. 7. Ainsi, par mon consentement, je m'abaisse et l'on se souviendra que la tradition asiatique analyse le contrat comme un dshonneur. Je m'abaisse mais c'est condition que je tienne l'autre pareillement. Je ne donne mon consentement que si je me saisis du consentement de l'autre. Le consentement n'est supportable que par l'change. Il faut concevoir non pas tant l'change des consentements que le consentement parce que l'change. C'est bien pourquoi l'hypothse des convergences de consentements, tels que les expriment les pratiques concertes notamment, s'ils crent des accords, suppose l'intrt commun, cette convergence ne de l'agrgation des intrts. Voil pourquoi les statuts de socits s'accommodent de plus en plus difficilement de la qualification de contrat pour verser vers celle d'un acte collectif crateur d'institution tandis que l'intrt commun, bien distinct, peut tre prsent comme sa loi. A ce titre, ils relvent fondamentalement d'une autre problmatique que celle de l'change : l'agrgat de consentements n'emprunte pas l'change l'hostilit premire de ce dernier. En cela, l'change des consentements est sans doute l'expression juridique la plus conforme de la ralit des rapports humains. 8. Continuons dans cette perspective d'une dfense de l'adquation thorique et pratique de l'change des consentements. La rencontre des volonts est bien thre ; instant magique, elle fait le contrat sans autre forme de procs et semble s'puiser dans cette satisfaction. L'change des consentements, formule plus lourde, mfiance concrtise entre partenaires, voque davantage l'autre change, minemment intress : l'change conomique dont le contrat est la forme juridique. C'est pour avoir le bien que je capture le consentement de l'autre ; c'est parce qu'il faut bien que je paie pour l'avoir que je me contrains. Le potlatch n'est pas loin. Ainsi et l encore, la doctrine classique n'aurait sans doute pas relgu l'change conomique comme la boite noire du droit des contrats si elle avait donn tout son sens l'expression parfois dcrie d'change des consentements. 9. Cela aurait permis sans doute aussi un plus facile rapprochement entre la thorie juridique du contrat et la thorie conomique du march. Dans le cadre de cette dernire, il est assez difficile d'voquer l'ide de volonts autonomes dans la mesure o la loi conomique du march dicte aux agents rationnels leur comportement. Plus encore, si un agent retrouve une puissance, une autonomie de la volont par rapport l'ajustement mcanique des prix par l'offre et la demande, l'abus de position dominante peut tre constitu. En revanche, ce qui s'change, ce sont bien des consentements mcaniss entre personnes aux intrts contradictoires, comme autant de formes juridiques des changes des biens et services gouverns par les lois du march. Et l'on observera que le refus de vente, qui n'est jamais qu'un refus de consentement, un refus de laisser circuler un consentement qui doit tre disponible pour tre saisi par qui le veut, est effectivement sanctionn au nom des lois du march et ce sans ncessit d'un abus dmontr. 10. On peut alors soutenir que la volont est une matrice de consentements qu'elle dbite et met sur le march comme autant de doubles juridiques des biens conomiques. La volont reste en dehors du march - le contraire en troublerait le jeu et le march lui fait barrire - mais c'est par sa puissance qu'elle lui fournit les consentements dont il doit se nourrir autant que de biens

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    conomiques. En cela, la volont est la source mais une source extrieure de la circulation conomique. Fondement et extriorit peuvent trs bien aller de pair. Au regard de cette puissance crer des objets autonomes de soi, la vritable gnration donc, l'analogie peut alors se faire entre, d'une part, ce lien entre volont et consentement, et d'autre part, celui que la jurisprudence a opr entre nom patronymique et nom commercial. Le consentement est ainsi un objet dont on dispose sur un march. Se dgage par cela l'adquation de l'change des consentements avec le principe du libralisme marchand. On relvera au passage que la thorie des cessions de contrat serait plus admissible sous le premier angle du consentement que sous le second angle de la volont. Peut-on aller jusqu' suggrer qu'il existe des marchs de consentements mcaniss ? Cela clairerait peut-tre sous un nouveau jour le march financier. Mais le consentement est toujours un objet n de la volont : il y a un lien de gnration entre la volont et le consentement, le consentement est fils de la volont et ce lien ne doit tre bris, faute de quoi un vice du consentement est constitu. Le contrat rsulte alors de cette dialectique entre le subjectif de la volont et l'objectif du consentement. Le consentement est un objet que l'on donne et qui circule tandis qu'on conserve toujours et par principe sa volont, ne serait-ce que pour qu'elle produise d'autres consentements. 11. Fondamentalement, la distinction entre la volont et le consentement est formidablement porteuse d'une rconciliation. En effet, on conoit une articulation entre une puissance conserve, souveraine et a priori de la volont, qu'on ne devrait soumettre aucune autorisation, et qui n'a nul besoin du droit positif pour exister, et un consentement n de la volont mais dtach d'elle et qui circule. Il peut ainsi y avoir objectivisme contractuel, par la considration du consentement, sans ncessairement dirigisme contractuel, lequel voudrait porter sur la volont. Peut enfin tre brise cette alternative deux branches, subjectivisme et absence de cette sorte circulation juridique qu'exigent pourtant les principes conomiques du march, d'une part, objectivit et source rglementaire de l'instrument contractuel laquelle rpugnent les mmes principes, d'autre part. Cette alternative est une aporie. En effet, la thorie classique du droit des contrats n'est pas dpasse par le droit du march et l'objectivit du contrat n'entrane pas par fatalit l'emprise de la loi et de l'administration sur le phnomne contractuel. Le droit des contrats peut ainsi revendiquer le classicisme de la source - volont, individualisme et subjectivit - tout en devenant harmonieux avec le mcanisme du march, par la qualification de ce qui nat de la volont, - consentement, masse et fongibilit, voire liquidit des consentements, objectivation. Ce qui est aisment peru comme des tensions peuvent trouver alors des explications plus cohrentes : il en est ainsi de cette exigence conjugue et premire vue paradoxale d'une mondialisation des rapports juridiques et conomiques, relevant donc du couple que forment le consentement et le march, et d'une personnalisation des normes juridiques, contractuelles notamment, relevant alors du couple que forment la volont et l'extriorit par rapport au march. Les deux mouvements peuvent ainsi aller dans le mme temps, sans engendrer de discordances. 12. Ainsi, il y a tout la fois rupture smantique entre volont subjective et consentement objectif, et dialectique cratrice entre les deux. Il faut bien que les volonts se rencontrent pour que les consentements s'changent. C'est encore user de la libert que de me soumettre ce que me dicte ma raison pratique. Ainsi l'alination, rnoncement la libert, atteste cette dernire dans le mme instant et l'on ressent plus sereinement la contrainte du consentement lorsqu'elle est ne de la volont, comme on admet mieux le rnoncement lorsqu'il vient de la puissance.

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    13. Ds lors, l'isolement de l'change des consentements et son articulation dans le mme temps avec la rencontre des volonts a pouvoir peut-tre de donner une meilleure mesure d'une volution du droit des contrats premire vue assez chaotique. En effet, peut donner l'unit l'ensemble la qualification du consentement comme objet autonome dont on dispose et que l'on donne pour fabriquer un contrat qui est lui-mme un objet autonome. La volont n'est de cette technique qu'une sorte de norme fondamentale a-juridique qui fonde le systme mais qui n'a pas vocation y participer d'une faon dominatrice. La circulation conomique des biens et des services et le phnomne des contrats de masse seraient sans doute mieux servis par cette reprsentation d'ensemble que recle la distinction premire de la volont et du consentement.

    Najjar, L'accord de principe, d. 1991, p. 57. L'accord de principe voque les modes de formation du contrat soit par couches successives , soit de manire non dfinitive : pourparlers, punctation , lettres d'intention, memorandum of intent, engagement d'honneur, arrhes ou ddit, clauses de ddit sans contrepartie, accord sur les lments essentiels d'un contrat, promesse unilatrale d'un contrat, voire mme, ventuellement, contrat sous condition rsolutoire ... De manire gnrale, on voque la formation successive d'un contrat, sans se soucier de la formation de la volont de contracter qui peut tre, elle-mme, tout aussi prcaire que ces sincrits successives qui gouvernent parfois l'instant prsent. Il ne faut donc pas s'tonner que sous l'expression accord de principe foisonnent de nombreuses nuances. Si l'accord voque, en effet, une rencontre des consentements, une volont dj arrte, la rfrence au principe laisse subsister une possibilit de revirement lorsque la mise en oeuvre de l'accord sera plus clairement dfinie ou value, et cela sans aucune rfrence l'ide de condition (rtroactive). La question qui se pose donc est essentielle : l' accord de principe vaut-il acceptation, une acceptation sous rserve ou la rservation de la possibilit de refuser ou d'accepter ? Est-on en prsence d'un oui , d'un oui mais ou d'une attente ? L'ambigut que permet - ou commanderait - la politique serait-elle acceptable en matire de droit priv ? En droit public, l' accord de principe parat tre une notion reue dans les relations entre hommes d'etat(1). Peut-tre parce que les formalits de vote et l'change des instruments de ratification des accords supposent des procdures multiples et des ratifications de la part de pouvoirs constitutionnels varis et matres de leurs dcisions en vertu de la sparation des pouvoirs. A ce titre, l' accord paraph apparat comme la premire d'une srie d'tapes sur la voie de l'accord complt. Transpose en droit priv, cette approche aurait pu signifier que l'exemple concordant de l' accord de principe serait celui convenu entre, par exemple, deux prsidents-directeurs gnraux de socits anonymes, obligs, chacun, de se rfrer son conseil d'administration, voire mme l'assemble gnrale pour la ratification des accords passs, ce qu'on pourrait parfois dsigner par memorandum of intent. La ralit semble pourtant encore plus complexe. Il suffit de comparer les arrts rendus en la matire et les interprtations doctrinales : l' accord de principe est tantt considr comme engagement liant son auteur et tantt comme accord sans engagement ... ! L'ambigut n'est-elle pas, bien souvent, le corollaire des engagements pris pendant la priode des ngociations, des pourparlers et des contrats prparatoires , en gnral(2) ? L'intrt de l'analyse est grand : quelle responsabilit retenir en cas de rupture ou de rtractation ? Le juge peut-il obliger les parties l'accord s'excuter ? La sanction est-elle en nature (conclusion du contrat) ou en quivalent ? Ne doit-on pas, plutt, considrer, ici, qu'on n'encourt aucune sanction ? Serait-ce une obligation civile sans sanction ? Ou un engagement non

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    obligatoire, l'instar d'autres institutions voisines ? Quelques premires approximations peuvent tre proposes avant un examen plus prcis du droit positif. A la diffrence de l'engagement d'honneur(3), dans l' accord de principe, on ne stipule pas d'avance ou clairement, sinon de par la nature mme de l'institution, que l'accord des volonts est non obligatoire. Dans l'engagement d'honneur, on se situe en dehors du cadre de l'intervention judiciaire ou mme arbitrale, parce que l'on veut viter de voir sanctionner son engagement. Dans l' accord de principe, on donne son consentement ... En attendant ... Et sa confirmation. L' accord sur le principe n'est donc pas un contrat dfinitif, mais c'est dj un engagement qui peut ventuellement y aboutir. Un tel accord apparat plus important qu'une quelconque punctation formelle, mme si l'on estime parfois que l' accord de principe en est une application particulire et prcise (4). Mais est-ce que l' accord de principe est plus avanc qu'une simple promesse de contrat ? Ne peut-on pas conclure un accord de principe d'un contrat de promesse de vente ? La promesse de contrat est dj un contrat irrvocable ; l' accord de principe n'est pas un contrat dfinitif ; il est lest d'une rserve, et la fermet de l'engagement y demeure dans une zone imprcise. L' accord de principe apparat aussi diffrent des contrats dfinitifs, finaux, mais rvocables moyennant, par exemple, une indemnit. Un tel accord se distingue du contrat stipul avec arrhes (car seul le reliquat du prix doit tre pay sous peine de perdre les arrhes), ou avec clause de ddit (car, dans celle-ci, seul le droit de repentir est organis, comme un en cas juridique, une clause de rserve). Nanmoins, l'accord de principe, vritable rserve, non-vouloir , se distingue difficilement de la clause de ddit sans contrepartie(5). A moins de relever, comme le rvle la ralit psychologique, que, dans la clause de ddit, le contrat est dj conclu ; alors que dans l'accord de principe, justement, on ne sait pas si on va conclure le contrat dfinitif. Par ailleurs, l'accord est diffrent d'un contrat sous condition d'accomplir des formalits, ou d'une promesse de porte-fort. Ceux-ci sont des contrats dfinitifs et finaux, complets, l'effectivit entire(6), mme si la perfection de l'acte est incomplte. Notre propos ne vise pas, en effet, l'tude des contrats incomplets ou imparfaits. Ces derniers, mme incomplets, ne sont pas moins dfinitifs, parce qu'ils ont pass le cap de la prparation chronologique ou juridique : concession commerciale, contrat de franchise, contrat de stand, contrat de concession de contrle, etc.(7). Qu'est-ce donc qu'un accord de principe en vue du contrat, sinon une convention lie, expressment ou tacitement, une tape juridique finale, entre dj dans le champ contractuel ? L'accord de principe suppose, psychologiquement, une suite. Une dfinition juridique du critre de l'accord de principe montrera en effet que c'est un engagement sujet confirmation (I) dont la mise en uvre permet une comparaison avec des techniques en mal de qualification (II). I. - L'accord de principe, un engagement confirmer. L'examen de la jurisprudence permet de dgager quelques lments de nature dlimiter la notion. Il est jug tantt que l' accord de principe n'est point une promesse, tantt qu'il vaut engagement prcaire complter, le cas chant.

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    A. - L'accord de principe n'est pas un engagement ferme (arrt de la chambre sociale du 24 mars 1958). L'illustration classique de l'accord de principe est fournie incontestablement par un arrt de la chambre sociale de la cour de cassation du 24 mars 1958 (rgie renault)(8). Depuis, la notion d' accord de principe ne cesse d'tre diversement interprte. Dans cette espce, la rgie renault avait crit un tiers qui intercdait auprs d'elle pour que soit rintgr par elle l'un de ses anciens employs (ayant quitt son emploi pendant l'occupation allemande), qu'elle envisage cette rintgration ds que la reprise de l'activit automobile le permettra . La cour de cassation(9), contrairement aux juges du fond (tribunal de la seine), ne vit dans cette lettre qu'un accord de principe et non un engagement ferme . Pour m. Carbonnier, dans sa note critique, lorsque l' accord de principe est donn, il devient l'quivalent d'une dcision, d'un consentement, d'une promesse de contrat, mme si les termes en demeurent incertains ; la date d'excution, faute d'avoir t exprime, doit tre supple en vertu de l'art. 1135 c. Civ. L'employeur est, en effet, irrvocablement oblig, en vertu d'une promesse unilatrale de contrat de travail, ou d'un avant-contrat (licite) ayant la force obligatoire du lien contractuel. l'accord peut s'tre fait sur les lments essentiels de l'opration, alors que des points plus ou moins secondaires restaient en suspens . La seule diffrence d'valuation de la porte de l' accord de principe rsulterait, d'aprs m. Carbonnier, de ce que la cour de cassation, tout en admettant l'existence d'un lien contractuel, ne voyait pas comment le mettre en oeuvre alors qu'il tait insuffisamment complt. Cet arrt du 24 mars 1958(10) marque bien, dit-on, l'existence d'une oeuvre prtorienne. Les prcdents jurisprudentiels sont tantt dcouverts dans un arrt de la chambre des requtes du 19 oct. 1931(11), tantt dans un arrt de la cour de cassation du 16 nov. 1927(12). Dans ces derniers arrts sur la promesse de rembauchage, celle-ci est considre comme obligatoire pour son auteur, voire comme un engagement ferme. D'autres dcisions sont aussi cites pour montrer que l'accord de principe proprement dit engage ses auteurs(13). En fait, les autres chambres de la cour de cassation adoptent plutt des solutions voisines de celle de la chambre sociale du 24 mai 1958 : l accord de principe est un engagement, lorsqu'il est suivi d'une confirmation(14). Mais lorsque l'accord n'est que de principe, sans suite releve par les juges du fond, le contrat n'est point conclu(15). La chambre sociale de la cour de cassation confirme, en un certain sens, sa jurisprudence de 1958, puisqu'elle dcide, le 19 dc. 1989, que l'accord de principe conclu avec un syndicat sur la rduction de la dure hebdomadaire de travail n'oblige pas l'employeur - qui n'est pas ainsi tenu d'une obligation de rsultat (16). B. - L'accord de principe n'est pas un contrat dfinitif. Depuis l'arrt du 24 mars 1958, de nombreuses dcisions voquent expressment et directement la notion d' accord de principe. Ces dcisions sont d'une varit frappante et touchent de nombreux domaines de l'activit civile, commerciale, sociale, immobilire. Cela montre bien la vocation gnrale de la notion et l'intrt de son rgime. Il en dcoule, mme si une telle solution parat critiquable, que, sur l'ensemble, une acception commune se dgage en droit positif. Cette approche est aujourd'hui facilite par le dpistage systmatique de l'expression accord de principe par les moyens informatiques, mme propos de dcisions non publies, dont le nombre demeure, d'ailleurs, loin d'tre exhaustif. Ainsi, on peut relever que les utilisations de l'expression accord de principe sont centres autour de la question de savoir s'il y a eu contrat

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    obligatoire ou non obligatoire(17). On peut aussi relever que l'accord de principe est un contrat ventuel qui donne naissance certains effets de droit actuels. 1. - L' accord de principe, contrat ventuel. L' accord de principe produit des effets de droit si l'engagement est confirm par une suite ferme et dfinitive. L'inverse est vrai s'il est li des vnements rests non vrifis ou non confirms. Ses effets sont, alors, attnus, tant sur le plan contractuel que sur le plan processuel. a. - accord de principe et principe de contrat. L' accord de principe ne saurait engager et lier une commune si l'autorisation administrative est dfaillie(18). De mme l' accord de principe sous rserve d'examen sur place, puis de l'estimation du cot du projet, n'est pas un engagement ferme ; il n'ouvre pas la voie l'indemnisation du prjudice en cas d'arrt des ngociations avant l'accord dfinitif(19). L'absence d'effet de l' accord de principe peut mme justifier la poursuite, sur le fondement de la concurrence dloyale, du vendeur non agr qui commercialise sans autorisation (donc sans accord de principe complt et dfinitif) des marques de parfum(20). De mme, malgr l' accord de principe donn par l'assureur aux pourparlers intervenus entre lui et le mandataire de l'assur au sujet de la souscription du contrat d'assurance, ces pourparlers ne peuvent s'analyser comme la conclusion verbale d'une convention d'assurance ds lors qu'ils n'ont t suivis d'aucune confirmation crite dfinissant avec exactitude la nature et les conditions de la garantie sollicite par l'assur par l'intermdiaire de son mandataire (21). En l'absence d'acte positif d'excution traduisant une volont non quivoque d'acceptation, l' accord de principe verbal devant faire l'objet d'une confirmation crite est considr comme non avenu(22). Cela se vrifie mme dans le domaine du droit social o l'on se serait attendu plus d'amnit pour les ventuels demandeurs d'embauche(23) ou de l'amlioration des conditions de travail(24). Certaines conclusions peuvent, dj, tre dgages : - L' accord de principe se situe la fois au-del des simples ngociations et des pourparlers, puisque l'exploration a dj engendr un accord sur le principe, et en de du contrat dfinitif. Accord d'intention, portant sur l'essentiel du contrat, l' accord de principe rvle nanmoins beaucoup plus un projet qu'un lien contractuel devant ncessairement aboutir une excution ... La naissance d'une ventualit n'est pas plus sanctionne que celle d'une chance. Le domaine de l' accord de principe est celui du projet, de l'intention exprime, change mme, mais restant, malgr tout, en vue d'un contrat, un pr-contrat . Le fait de ne pas apporter la confirmation n'engage point la responsabilit de celui qui a donn son accord, moins de comportement intempestif anormal. - L' accord de principe est un accord temporaire entre deux ou plusieurs personnes, physiques ou morales, obtenu gnralement la suite de pourparlers ou d'une offre. Il a un objet (prt, vente, augmentations salariales, etc.), une cause et un prix. Ce n'est ni un soliloque, ni un acte unilatral de volont, ni un simple fait juridique, ni une vague acceptation informelle ant-contractuelle, ni un engagement moral dnu de sanction (dbiteur sans obligation). Ainsi, trs souvent, dans les contrats complexes, sinon internationaux, on ngocie, projette, prouve une projection complte du contrat ngoci, et on n'change, entre temps, qu'un accord de principe, en attendant que le responsable de la ngociation rdige son rapport, et que l'accord dfinitif des organes comptents engage civilement le contractant. - L' accord de principe est un accord(projet) confirmer, non dfinitif ; il est sujet rvision et

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    demeure susceptible de rtractation de la part de l'une ou de l'autre des personnes concernes(25). Seulement la confirmation, ici, n'est ni l'quivalent d'une ritration de l'accord contractuel par acte authentique - car l'accord dfinitif n'est pas dj acquis - ni d'un engagement ferme crant des obligations substantielles, ayant trait au contenu de l'accord projet. La technique utilise, certes, le moule contractuel. Pourtant, il ne s'agit pas tant de la formation successive du contrat final et dfinitif que de la maturation de la volont de se lier. Cela met en vidence l'insuffisance d'une application mcanique de l'art. 1583 c. Civ. (la vente est parfaite entre les parties, et la proprit est acquise de droit l'acheteur l'gard du vendeur, ds qu'on est convenu de la chose et du prix ... ). On peut, en effet, n'avoir convenu qu'en principe ... Mme si l'accord porte sur les lments essentiels, la volont de s'engager, elle, peut n'tre pas dfinitivement acquise. On pressent le risque et la richesse d'une telle prcarit. Le risque de la rtractation unilatrale d'un accord conclu comme essentiellement prcaire mais sans clause de ddit gratuit formellement stipule, dans un contrat final. La richesse d'une avance pour voir , une sorte de prfiguration de l'accord, avant d'en examiner la fois toutes les facettes (conditions, consquences) et de se lier de manire dfinitive. En somme, c'est la classification contrat-non-contrat qui se trouve ainsi en jeu. L'approche est d'autant plus utile qu'elle ne correspond ni au mcanisme de l'accord sous condition(26) - puisque la rtroactivit est ici carte - ni la notion de clause de ddit qui suppose, son tour, une rtroactivit sans laquelle elle perdrait son utilit et son autonomie(27). Nanmoins, si en se situant la lisire du contrat, l' accord de principe pose un problme de rgime juridique (contractuel ou extra-contractuel), il demeure que le juge et l'interprte se poseront une question prliminaire : le contrat a-t-il ou non t conclu ? L'a-t-il t d'une manire dfinitive ou temporaire ? Cette rponse sera dterminante pour la vrification du principe du contrat. b. - l' accord de principe et le principe de crance. Si l' accord de principe est conclu, la situation qu'il dveloppe ne fait natre, a priori, aucun droit dfinitif de nature patrimoniale. Aucun droit de crance, aucun droit rel, aucun droit potestatif se traduisant par une diminution des pouvoirs sur la chose. Cela diffre fondamentalement de la situation ne d'une promesse de contrat o la leve de l'option n'est, elle non plus, qu'une ventualit, mais o le droit d'option, n et actuel, est dj un bien dans le commerce(28). L'intention ou le projet sont actuels mais non encore contractuels. La promesse de contrat est, elle, un contrat irrvocable. C'est en ce sens aussi que la distinction entre accord de principe et clause de ddit stipule sans contrepartie se confirme. Dans cette dernire, le contrat, dj conclu, permet chacun des contractants de prendre toutes les mesures conservatoires lies la nature de ses droits issus de l'ensemble du contrat. Celui-ci n'est pas rduit un contrat de ddit , mais comprend des droits et des obligations contenu variable. Par contre, dans l' accord de principe, le contrat n'est pas dj conclu, alors mme qu'il dgage certains effets de droit actuels. Ce n'est donc pas par hasard qu'on ne relve pas en jurisprudence des ordonnances de saisies conservatoires, squestres, saisies-arrts sur la base d'un simple accord de principe non complt, corrobor ou confirm par une action concrte. Ce n'est qu'en cas de violation intempestive et injustifie de l' accord de principe que la doctrine se pose la question de savoir s'il y a responsabilit au regard du droit commun : anormalit et causalit joueront, alors, un rle

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    minent, comme, par exemple, pour la perte d'une chance. A moins que la loi intervienne pour protger les droits du consommateur(29). 2. - L' accord de principe donne naissance certains effets de droit actuels. Malgr l'imprcision relative du mcanisme analys, on peut dceler des lments indniables d'actualit du droit. Les exemples sont multiples : en matire de bail commercial, le renouvellement prend effet la date choisie par les parties et ce indpendamment de leur accord sur le montant du nouveau loyer dont la fixation relve d'une procdure spciale(30). La date de cet accord dtermine la loi applicable dans le temps(31). Il est vrai que cette matire rglementaire considre l' accord de principe comme un renouvellement du bail complter selon la procdure lgale, puisque la procdure autonome vise n'a aucune influence sur la prorogation du bail(32). Le renouvellement du contrat de bail est, en effet, quasiment l'quivalent de la prorogation, des conditions nouvelles, d'un contrat, ancien certes, mais aux effets majeurs pour l'avenir, et ce de par l'effet de la loi. Il faut en rapprocher les effets des dlibrations d'assembles de copropritaires qui prvoient un cadre anticip pour l'effectivit contractuelle de leur accord de principe(33). Lorsque le juge des rfrs va jusqu' enjoindre un constructeur immobilier de donner son accord de principe la livraison du gros lot (maison individuelle) qu'il s'tait engag fournir en contrepartie d'une campagne publicitaire(34) entreprise par un fabricant d'lectromnager, cela signifie que l' accord de principe, complter, pourra rendre crdible la promotion entreprise. L' accord de principe, en droit pnal, suffit parfois, lorsqu'il prouve l'intention dlictueuse, faire encourir des peines criminelles(35). Nanmoins, la qualification des effets de droits gnrs a pos quelques problmes de classification. On s'est demand si l' accord de principe engendre une obligation de ngocier, ou, seulement, une obligation de moyens , ou, enfin, un accord sur les lments essentiels du contrat en vue. Aucune de ces analyses n'est vidente. a. - L' accord de principe, gnrateur de l'obligation de ngocier ? On a souvent soutenu(36) que l' accord de principe entrane l'obligation de poursuivre la ngociation, d'une part, et celle de la mener de bonne foi, d'autre part. Le but, dans les deux cas, serait de parvenir un accord sur les questions non encore convenues. L' accord de principe donnerait la sanction de la rupture des pourparlers un fondement contractuel (37). Pour d'autres auteurs(38), l'obligation de ngocier la formation d'un contrat n'est pas un accord de principe ; il n'existerait pas d'obligation de ngocier l'excution d'un contrat. L' accord de principe poserait, en effet, le principe d'un accord, l'accord dfinitif (39), global ou partiel(40). Pour certains(41), l' accord de principe est un accord prliminaire par lequel les parties s'engagent ngocier de bonne foi un deuxime contrat dont elles ne prcisent ni les clauses essentielles ni, a fortiori, les clauses accessoires. Pour d'autres(42), l' accord de principe serait seulement l'affirmation d'un engagement de ngocier, engendrant une seule obligation, celle de reprendre les pourparlers sans l'engagement d'y aboutir ncessairement (obligation de moyens) ; ou, en d'autres termes, un pacte de premier refus gnrateur, en cas de refus de ngocier, ou de rupture des ngociations, d'une responsabilit base sur une faute contractuelle, donnant lieu

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    des dommages-intrts(43). Cette dernire analyse ne ramnerait pas l' accord de principe au protocole d'accord et l'ide italienne et germanique de puntuazione(44). Ainsi, pour la plupart des auteurs, l' accord de principeparat se distinguer de l'ide de puntuazione. Cette notion resterait en marge du synallagmatisme contractuel, mme si elle exprime que les contrats, bien souvent, se forment par couches successives (45), qui peuvent tre, chacune, un accord contractuel. En fait, bien que l' accord de principe suppose qu'on envisage srieusement un contrat dfinitif et formel, on ne peut y dcouvrir une obligation de ngocier . Celle-ci existe aussi bien dans des contrats qui la prvoient expressment que dans certains contrats ou accords de ngociation ; elle n'est pas caractristique d'un accord de principe. L'obligation de ngocier, incluse dans un contrat dfinitif en vue d'en reconduire les effets, de l'adapter(46), d'en modifier les effets, le cas chant, ne saurait tre spcifique de l' accord de principe. Seul un arrt de la cour de cassation du 19 dc. 1989(47) fait tat, ct du seul accord de principe, d'une obligation de ngocier sur la dure hebdomadaire du travail et non, comme le relevaient les juges du fond, d'une obligation de rsultat liant les parties. Mais il serait excessif d'en conclure que la cour de cassation y lie obligation de ngocier et accord de principe. Cette ngociation, en l'espce, tait manifestement convenue par les parties. Ce qui risque de diminuer la porte de l'attendu de la cour. Par contre, l' accord de principe parat bien tre essentiellement prcaire et sujet confirmation rtractable. Lorsque la cour de cassation se rfre dans son arrt prcit l'obligation de ngocier, par opposition l'obligation de rsultat, c'est la fois parce que ce n'tait qu'un cas d'espce, et parce que les parties n'taient pas lies. En ralit, si l'on parle d'obligation de ngocier, c'est pour vrifier la conclusion ou non d'un contrat, car la question demeure, ici aussi, de savoir partir de quel degr de contrainte la volont manifeste par l'une des parties doit se voir refuser toute valeur obligatoire (48). En pratique, on ne donne pas son accord de principe pour s'obliger ngocier mais pour exprimer une intention, voire mme son engagement, mais sans rigueur. b. - L' accord de principe, un avant-contrat n'engendrant qu'une obligation de moyens ? Peut-on dgager des solutions jurisprudentielles que l' accord de principe donne naissance une obligation de moyens qui consiste tenter de venir un autre accord, celui qui tait en vue ? Pour certains(49), l'art. 1583 c. Civ. Laisse la place une distinction entre l' accord sur le principe et l'accord sur le contenu ; on estime que la jurisprudence, dans l'impossibilit de dterminer la volont concrte des parties, ne sanctionne pas et ne rend pas obligatoire un simple projet ; cela distinguerait l' accord de principe de la promesse unilatrale d'un contrat de travail ou de rembauchage souscrite par un patron l'issue d'une grve(50). Ainsi, contrairement une autre opinion(51), l'opposition serait non pas de nature , mais de degr ... : l' accord de principe et la promesse engendreraient tous deux l'obligation de conclure le contrat dfinitif ; mais dans le premier, cette obligation serait de moyens (tout mettre en oeuvre pour y arriver), alors que dans la seconde, elle serait de rsultat (la conclusion du contrat tant garantie). Ces explications ne concordent pas avec l'obligation de moyens. Celle-ci doit tre excute une fois contracte. D'ailleurs, la distinction n'a qu'une valeur didactique. L'obligation de rsultat

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    serait peu utile si l'on est dj li et oblig, en attendant que l'accord dfinitif soit complt ; comme pour la fixation d'un prix par un tiers. A l'inverse, l'obligation de moyens n'est pas, elle seule, rvlatrice de l' accord sur le principe ; elle peut mme s'inscrire avant, pendant ou aprs la formation d'un contrat, au mme titre, d'ailleurs, que l'obligation de rsultat. L'obligation de moyens, voque par un arrt de la chambre sociale de la cour de cassation du 4 janv. 1989 (prc. Note 32) et reprise, parfois, en doctrine, signifierait, plutt que l'on avait contract l'engagement de ngocier sans l'obligation de conclure le contrat dfinitif. Peut-on tendre une telle analyse tous les accords de principe ? Dans la mesure o l' accord de principe ne vaut pas un contrat dfinitif, il faut le distinguer des pourparlers, qui sont d'un stade antrieur et, en tout cas, moins structurs, car n'ayant pas encore abouti un accord. La responsabilit pr-contractuelle parat donc inadapte l' accord de principe. Celui-ci est irrductible une vague obligation de moyens. Par contre, si dans l' accord de principe il existe bien une tape complter, le cas chant, mais sans aucune obligation d'y aboutir, voquer l'ide d'obligation de moyens ne serait pas inexact(52). C'est la raison pour laquelle il est prfrable de parler de bonne ou de mauvaise foi, de normalit ou d'anormalit dans la conduite des accords. Car la vraie question demeure de savoir si on peut obliger l'auteur du consentement, mme si les lments complmentaires de l' accord de principe sont vrifis. Ces deux sortes d' accord de principe paraissent ici engendrer des obligations d'intensit variable. Dans l' accord de principe confirmation dj prpare et irrvocable, l'ide d'obligation de moyens traduit peut-tre la ncessit de vrifier la runion des conditions et des spcifications prvues. L'obligation de poursuivre la ngociation et la recherche des lments de fait (sondages, expertise, finalisation du montage financier, obtention d'un prt, autorisation administrative ...) Implique qu'une rupture injustifie ou intempestive de l'accord emportera une sanction contractuelle : soit en nature par la conclusion du contrat dfinitif (jugement constatant la conclusion du contrat final complt par les lments de fait relevs par le juge), soit par les dommages-intrts pour le prjudice prvisible. Mais dans les accords de principe vritables, o la volont de conclure le contrat final est rserve, comment sanctionner ce qui est, justement, au coeur de la prrogative convenue ? Seuls les dommages-intrts semblent alors appropris en cas de rtractation anormalement intempestive. Non pas parce qu'on se situe en dehors du cadre contractuel (dcidment l'troit, car, aprs tout, il y a bien eu accord et acte juridique), mais parce que l'objet de l' accord est un principe seulement et que la rtractabilit est de son essence. Au fond, ne retrouve-t-on pas pareil rgime en matire de rvocation du mandat simple ? L'ide d'obligation de moyens n'apporte donc rien de bien nouveau au rgime juridique de l' accord de principe, rtractable, bien que celui-ci ne prvoie aucun rsultat ncessaire. Dans un tel accord, on ne pourra obliger l'auteur du consentement mme si certaines spcifications sont vrifies. A moins que la loi en dcide autrement et sanctionne en nature. Parmi les cas de rtractation sanctionnable, on peut relever, par exemple, sous rserve d'un attentif examen des circonstances de fait, que celui qui donne sa parole de principe tel cocontractantaccordera ce dernier une prfrence, une priorit, une promesse d'escompter un accord final. Si une adjudication me permet d'enlever tel march, je sous-traiterai, de prfrence, avec les partenaires avec lesquels, par accords de principe, j'ai pu soumissionner ... Si je construis l'immeuble projet, je vendrai aux rservataires qui ont dj manifest leur intention. Mais la

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    protection de cette prfrence ou priorit, si tant est qu'elle dpasse le domaine de la rupture intempestive des ngociations, a besoin de l'apport rgulateur de la loi pour s'accompagner de sanctions plus concrtes. c. - L' accord de principe et l'accord sur les lments essentiels du contrat(53). Certains auteurs citent gnralement, pour illustrer la catgorie des accords de principe, la jurisprudence qui rpute le contrat conclu si on est dj d'accord sur l'essentiel, ds qu'on est convenu, par exemple, pour la promesse de vente, de la chose et du prix, mais sans qu'on se soit mis d'accord, dj, sur les lments accessoires . Dans ce cas(54), moins que les parties aient entendu retarder la formation de leur consentement et du contrat jusqu' la fixation de ses modalits, le contrat serait conclu au regard de l'art. 1134 c. Civ.(55). Les cas de ce genre sont innombrables et posent des problmes pineux, en raison de la difficult pour les juges du fond de constater la volont de s'engager, d'une part, et le caractre essentiel de ce qui a t dj convenu, d'autre part(56). C'est un dbat plus que classique en matire de fixation du prix par un tiers ou un expert, de vente la dgustation ou l'agrage(57). En fait, l'une des confusions les plus marquantes reste celle qui entend par accord de principe la rencontre de volonts sur les lments essentiels du contrat envisag. Dans les contrats nomms, il serait alors craindre que, par association d'ide, par anticipation mme, chaque fois qu'on se concerte propos d'un lment symptomatique et original, on en dduise un quelconque accord. Il y aurait aussi accord chaque fois que les lments essentiels sont convenus(58). Pour m. Carbonnier, qui veut le principe doit vouloir les consquences, sinon il se dlie du principe(59). Pourtant, la diffrence ici est fondamentale : dans l'accord sur les lments essentiels d'un contrat, d'une opration, il y a vritablement consentement, rencontre de volonts vraies de s'engager, de conclure. Or c'est justement ce problme qui se pose pour l' accord de principe, et la question est de savoir s'il y a dj accord ou seulement accord de principe ! Car la limite, un accord pourrait tre le contraire d'un accord de principe. II. - L' accord de principe, technique de la prcarit contractuelle. Si la jurisprudence met en relief que l' accord de principe est un engagement confirmer le cas chant, l'acte confirmatif pose de nombreux problmes. La confirmation est libre, alors qu'elle est enserre dans un cadre prcontractuel. Est-ce dire que la libert de confirmer l' accord de principe ne pose pas des problmes spcifiques ? En ralit, il faut distinguer entre les cas o la prcaritest impose, rserve par voie d'autorit, dans le but de protger le consommateur, d'une part, et ceux o elle rsulte de la convention, c'est--dire o elle dcoule de la nature mme de l' accord de principe, d'autre part. Dans le premier cas, de multiples zones d'ombre sont dissipes - cela permet de qualifier des techniques jusqu'ici considres comme sui generis ; dans le second, les distinctions proposes permettront de mieux dfinir la prcarit par rapport aux notions classiques du droit priv. A. - La prcarit impose pour la protection du consommateur(60). 1. - Le contrat ... Rvocable : disqualification en accord de principe. Le lgislateur franais, l'instar d'autres lgislateurs, ne se suffit plus des protections classiques rsultant de la dtermination suffisante des conditions essentielles du contrat, telles que le consentement sur la chose et sur le prix. A un certain moment, pour faire face la complexit des

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    techniques de distribution, on a intgr au contrat et sa formation les engagements extrieurs aux documents contractuels (publicit, catalogues ...) ; on y a mme ajout l'obligation d'informer et de renseigner le cocontractant dans la priode pr-contractuelle. Constatant que cette information des consommateurs est parfois insuffisante, on a relev et encourag la renaissance du formalisme lisible et comprhensible par le non-professionnel : acte authentique, si l'acte est dangereux ; acte sous seing priv, s'il faut simplifier ; exigence de mentions informatives claires, clauses types, etc. Les auteurs qui tudient les contrats forcs ou imposs en dtaillent les modalits d'application(61). D'autres estiment mme qu'il s'agit d'une rationalisation de la responsabilit professionnelle, qui se diffrencierait, alors, des responsabilits contractuelle et dlictuelle(62) et serait autonome et, partant, plus rigoureuse, car elle viterait le dilemme entre la responsabilit pour faute et la responsabilit pour risque. Depuis quelques annes dj, le lgislateur est souvent oblig d'aller plus loin encore. Tant qu'on raisonnait dans le cadre de la formation du contrat, les lments de la discussion ne pouvaient tenir compte que des vues classiques, savoir les lments structurels du contrat lui-mme. Celui-ci se dtachait, ou rsultait d'un accord de volont irrvocable. Or, l'volution prouve bien que le consommateur, dont il faut protger le consentement, doit tre considr lui-mme d'abord, indpendamment de la chronologie de l'acceptation par rapport l'offre, avant ou sans son intgration dans le lien (irrvocable) du contrat(63). Ainsi, mme donn, le consentement demeure rvocable, tant que la volont de se lier dfinitivement et irrvocablement n'est pas teste . Cela introduit forcment un lment d'incertitude, de droit de rtractation, de ddit, une option, en somme, de se dlier, dans la formation du contrat. C'est en ce sens que la volont contractuelle peut n'tre qu' formation momentane (alors qu'on la croirait dfinitive) ou successive (alors qu'on la considrerait finale). En tout cas, cette dmarche donne la notion d' accord de principe une porte nouvelle et inespre ! Offre et acceptation, schma simplifi s'il en est, apparaissent ainsi importantes pour la description des oprations d'approche de la formation du contrat ; mais coupes du lien contractuel, elles sont d'une valeur pertinente relative dans l'analyse de la formation de la volont contractuelle et de la protection du consommateur . Pour illustrer la rtractabilit de la volont de contracter, on peut citer de nombreux exemples tous inspirs de la mme technique du repentir, de la disqualification par la loi de l'engagement final : 1) le pouvoir de se dlier dans le contrat prliminaire de rservation dans la vente d'immeuble construire (l. 3 janv. 1967), pour l'acqureur, mais aussi pour le promoteur - ce qui impose le gel des dpts en garantie (v. Infra). 2) le pouvoir de se rtracter accord par les lois n 78-22 du 10 janv. 1978 (d. Et bld 1978.83) et n 79-596 du 13 juill. 1979 (d. Et bld 1979.270) qui permettent l'emprunteur et la caution de changer d'avis aussi bien pour la conclusion d'un prt mobilier qu' immobilier .

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    L. Grynbaum, Contrats entre absents : les charmes vanescents de la thorie de l'mission de l'acceptation, d. 2003 p. 1706

    La formation du contrat apparat aujourd'hui comme un terrain d'analyse parfaitement connu qui ne mrite gure de retenir l'attention. Les recherches les plus fructueuses porteraient sur l'excution du contrat. Ds lors les difficults souleves par le moment cl de l'change des consentements ne devraient plus susciter un quelconque intrt. Cependant, la faveur du dveloppement des nouveaux modes de communication qui mettent en oeuvre des techniques de dmatrialisation des changes, la question classique de la formation du contrat entre absents(1) retrouve une certaine vigueur. En effet, les professionnels, comme les non-professionnels, sont confronts la ncessit de dterminer les rgles applicables la convention conclue, qu'il s'agisse du tribunal comptent ou de la loi du contrat. De surcrot, pour les consommateurs ou les salaris, le droit spcial de protection qui leur est applicable est susceptible d'tre dclar incompatible avec un change dmatrialis ; il convient galement de trouver des solutions au conflit possible entre le droit franais et un droit tranger parfois moins favorable(2). Aussi, la rcente raffirmation du choix par la cour de cassation(3) de la thorie de l' mission de l' acceptation invite-t-elle mesurer l'utilit actuelle de dfinir un critre permettant de dterminer le lieu de formation du contrat et, par voie de consquence, apprcier la valeur de cette thorie. On analysera donc les mrites que prsente le systme de l' mission de l' acceptation en droit interne ; puis, le rle du lieu de la formation du contrat en droit international. I - La thorie de l' mission en droit interne : un processus quilibr de formation du contrat On rappellera brivement les diffrentes thories proposes pour dterminer le lieu et le moment de la formation du contrat ; on observera ensuite que la thorie de l' mission est garante de l'quilibre dans la formation du contrat, notamment l'heure o il se conclut via l'internet. A - Des thories complexes pour des enjeux limits La question de la formation du contrat entre absents, c'est--dire lorsque l' acceptation n'est pas donne en prsence de l'autre partie (4), a suscit d'importantes spculations doctrinales(5). De manire classique les auteurs prconisent de reconnatre que le contrat se forme soit au moment et au lieu de la rception de l' acceptation par l'offrant(6), soit lors de l' mission de l' acceptation par le destinataire de l'offre(7) ; ces thories ne distinguent pas entre la question de la date de la formation et celle relative au lieu. Plus rcemment, une cole dualiste (8) s'est fait jour qui dissocie les questions de date et de lieu(9). Ainsi m. Malaurie avait-il soutenu que la rception de l' acceptation tait dcisive pour la date de formation du contrat et que l' mission de celle-ci indiquait le lieu de formation afin de dterminer le tribunal comptent(10). En jurisprudence, la difficult est traite plus simplement car il n'est pas distingu entre la question de la date et celle du lieu de formation(11). La thorie de l' mission de l' acceptation a t rtnue par la cour de cassation afin de dterminer le moment de formation du contrat(12) ; le lieu tant galement fix l'endroit o l' acceptation est mise(13). Toutefois, les arrts sont, aujourd'hui, peu nombreux en raison des enjeux limits(14). En effet, la connaissance de la date de formation du contrat entre absents est utile sur quelques points, mais accessoires au regard de l'conomie gnrale d'un contrat. En premier lieu, il faut

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    dterminer si le pollicitant peut rtracter son offre, qui n'aurait pas t assortie d'un dlai, avant l' acceptation. Ensuite, il faut prciser quelle priode celle-ci peut tre frappe de caducit. Puis, il convient d'indiquer la loi applicable au contrat lorsque cette dernire vient changer durant la priode de formation. En outre, en matire de vente, il faut dcider le moment o le transfert des risques s'opre. Enfin, quand l' acceptation s'gare, il reste prciser si le contrat a t form. Ds lors que la thorie de l' mission est adopte, on dcide que l' acceptation rend l'offre irrvocable sans attendre la rception par le pollicitant ; la loi en vigueur au moment de l' acceptation sera applicable au contrat ; les risques sont transfrs l'acceptant lors de l' mission de sa rponse et le fait que l'acte d' acceptation ne parvienne pas au destinataire n'empche pas la formation du contrat. Toutes ces difficults ne sont certes pas ngligeables(15), mais, comme on l'a dj indiqu, elles n'encombrent gure le rle des tribunaux. Il en va de mme, a fortiori, pour la question de la dtermination du lieu de formation du contrat. En effet, depuis la rforme de la procdure civile(16), l'article 46 du nouveau code indique qu'en matire contractuelle le tribunal comptent est celui du domicile du dfendeur ou bien celui du lieu de la livraison effective de la chose ou de l'excution de la prestation de service. Le critre du lieu de formation du contrat conserve un rle rsiduel en matire de contrat de travail par application de l'article r. 517-1, alina 3, du code du travail afin de dterminer le conseil de prud'hommes comptent(17). On peut donc conclure que, en droit interne, la question du moment et du lieu de formation du contrat entre absents n'emporte pas de consquences pratiques considrables. Cette observation doit tre nuance l'gard du contrat form par voie lectronique pour lequel le systme de l' mission de l' acceptation favorise un certain quilibre des pouvoirs respectifs des parties dans le processus de formation de l'engagement. B - La thorie de l' mission de l' acceptation source d'quilibre des forces dans la formation du contrat lectronique Comme on l'a indiqu, le regain d'actualit que connat la matire des contrats distance s'explique par le dveloppement des changes rapides via le rseau internet(18). Aussi doit-on immdiatement carter la question de la date de formation du contrat qui soulve moins de questions dans un change par essence rapide(19). En effet, les difficults relatives la rtractation de l'offre, sa caducit, la loi applicable et la rpartition du risque sont ngligeables ds lors que l'change se ralise sans dysfonctionnement technique. Selon que l'on adopte la thorie de l' mission ou de la rception de l' acceptation, le moment de formation du contrat est susceptible de varier, tout au plus, de quelques minutes. Par ailleurs, comme on vient de le souligner, la question du lieu de formation, ne prsente plus d'intrt, en droit interne, sauf en matire de contrat de travail(20). L'enjeu pour le contrat lectronique est donc diffrent ; il est de nature technique. Si un incident se produit dans la communication(21), il est ncessaire de dcider dans quelle mesure le contrat est dj form(22), nonobstant le dfaut de rception du message d' acceptation. La thorie de l' mission de l' acceptation prsente alors le mrite de prserver les droits de l'acceptant qui ne sera pas confront au risque de rtractation du pollicitant ou de caducit de l'offre qui interviendrait pendant la dure de l'incident technique(23). En outre, la thorie de l' mission facilite la preuve de la formation du contrat et des conditions auxquelles il a t conclu. L'acceptant dtiendra dans son propre systme(24) la matrialit de l' mission du message d' acceptation et l'tendue de son contenu. Par ailleurs, dans l'hypothse d'un piratage qui viendrait modifier les termes de l' acceptation, il

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    est prfrable de dcider que le contrat est form par l' mission de l' acceptation. En effet, si l'on faisait prvaloir la thorie de la rception de l' acceptation, l'offrant ne serait tenu que par les termes du message reu alors mme qu'il aurait t altr en cours de route(25). Or, l'annulation ultrieure de la convention pour erreur n'apporterait pas la mme satisfaction qu'un contrat conclu dans les termes stipuls par l'acceptant. On peut donc estimer que la thorie de l' mission de l' acceptation est prfrable dans les contrats distance conclus par internet afin d'viter que le pollicitant ne soit considr comme seul matre du systme. Le lgislateur franais semble, implicitement, suivre un tel raisonnement car il a rcemment privilgi la thorie de l' mission de l' acceptation dans les contrats distance. Il parat avoir opr ce choix, indirectement, dans le code de la consommation et il a adopt rsolument cette solution dans le projet de loi pour la confiance dans l'conomie numrique . Ainsi, les dispositions du code de la consommation relatives au contrat distance(26) ne donnent-elles pas d'indication explicite sur le moment de la formation de ce type de contrat ; nanmoins, l'article l. 121-20-3 de ce code, relatif aux dlais d'excution, il est prcis que le dlai d'excution de trente jours court compter du moment o le consommateur a transmis sa commande. De manire plus prcise, l'article 14 du projet de loi pour la confiance dans l'conomie numrique (27)prvoit d'insrer un article 1369-2 dans le code civil qui disposera que le contrat propos par voie lectronique est conclu quand le destinataire de l'offre, aprs avoir eu la possibilit de vrifier le dtail de sa commande et son prix total, ainsi que de corriger d'ventuelles erreurs, confirme celle-ci pour exprimer son acceptation . La technique du double clic consacre donc le systme de l' mission de l' acceptation. Bien que cette position ne paraisse pas aller dans le sens de la directive commerce lectronique qui semblait privilgier la thorie de la rception(28), elle prserve les intrts de l'acceptant en lui confrant une certaine matrise du processus de formation du contrat. Le choix du droit franais en faveur de la thorie de l' mission de l' acceptation dans les contrats distance ou entre absents est donc un facteur d'quilibre dans les relations contractuelles quand bien mme les enjeux relatifs la dtermination du lieu et du moment de la formation du contrat se sont amoindris. En effet, la combinaison des phnomnes d'adhsion et de distance conduit concevoir le droit commun du contrat comme un corps de rgles destines soit trancher un conflit entre parties de force quivalente, soit protger la partie faible(29). Dans cette dernire perspective, il est plus sr de considrer que ds l' mission de l' acceptation le contrat est form. L'acceptant, que l'on suppose la partie faible dans un contrat d'adhsion, ne sera pas soumis l'arbitraire de la facult de rtractation ; il dtiendra, en outre, directement le mode de preuve de son acte d' acceptation. C'est donc un choix de protection de l'acceptant qui a t opr par la jurisprudence et le lgislateur; le dbat doctrinal sur les diffrents systmes de solution ne fournissant qu'un substrat thorique aux diffrentes options. Cependant, ce choix mrite d'tre relativis car la dtermination du lieu de formation du contrat entre absents est devenue une question marginale en droit international priv. II - Le lieu de formation du contrat : un critre marginal en droit international priv Il convient maintenant d'analyser si la dtermination du lieu de formation du contrat a conserv une influence sur le rgime applicable un contrat international. On en dduira la valeur de la thorie de l' mission de l' acceptation. Deux questions se posent alors : le tribunal comptent pour connatre d'un litige et la loi applicable au contrat. Sur ces deux points on observera tour tour l'viction ou l'effacement du critre du lieu de formation.

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    A - L'viction du critre du lieu de formation afin de dterminer le tribunal comptent Dans la relation entre professionnels, la dsignation du tribunal comptent relve du libre choix des parties(30) qui peuvent stipuler une clause attributive de comptence(31). Lorsqu'elles n'ont prvu aucune clause d'lection du for, le conflit de juridictions trouvera des solutions diffrentes selon que le litige oppose des ressortissants de la communaut europenne ou non. Lorsque le litige entre professionnels est extra communautaire , si le juge franais est saisi du conflit, ce dernier fera application des rgles internes de comptence territoriale(32); il pourra notamment se rfrer l'article 46 du nouveau code de procdure civile qui dsigne la juridiction du lieu o demeure le dfendeur ou bien, en matire contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'excution de la prestation de service (33). Dans les litiges entre professionnels intracommunautaires (34), la convention de bruxelles du 27 septembre 1968 a dfini les rgles de comptence applicables dans les etats membres de la communaut(35). Celle-ci a t remplace par le rglement 44-2001 du 22 dcembre 2000relatif la comptence judiciaire, l'exception du danemark et des membres de l'aele qui restent soumis la convention de bruxelles(36). Dans cette dernire, il avait t adopt le principe de la comptence du tribunal du domicile du dfendeur(37), tempr par la possibilit en matire contractuelle (38) de saisir le tribunal du lieu o l'obligation qui sert de base la demande a t ou doit tre excute (39). Le rglement du 22 dcembre 2000 reprend cette disposition(40). Dans un conflit de juridictions entre professionnels la dtermination du lieu de formation du contrat n'a donc aucun rle jouer, elle est supplante par le critre du domicile du dfendeur ou du lieu d'excution de l'obligation. On retrouve ce phnomne d'viction du critre du lieu de formation du contrat, dans la relation contractuelle avec un non-professionnel. Pour les salaris, comme pour les consommateurs, la licit d'une clause attributive de comptence est fort discutable(41). Dans un litige n d'un contrat de travail, en principe, le tribunal comptent ne saurait tre dsign par une clause attributive de comptence(42). Toutefois, il a t admis que le salari franais employ l'tranger par un employeur tranger pouvait se voir opposer une telle clause(43). Par ailleurs, dans litige communautaire , en matire de contrat individuel de travail, la convention de bruxelles a prvu qu'outre le tribunal du dfendeur celui du lieu o le travailleur accomplit habituellement son travail (44) peut tre galement saisi(45). La solution est reprise par le rglement du 22 dcembre 2000, en son article 19. En vertu de ce mme rglement ou, dfaut, sur le fondement de la convention de bruxelles, le critre rtnu pour le consommateur est diffrent. En effet, lorsqu'un consommateur est dfendeur ou demandeur une action(46), le tribunal de son domicile est comptent aux termes de l'article 16 du rglement du 22 dcembre 2000(47). Les dispositions de l'article 14 alina 1er de la convention de bruxelles, lorsque cette dernire a encore vocation s'appliquer, attribuant la comptence au tribunal du domicile du consommateur sont similaires. Cependant, aux termes de l'article 13 de ce texte, afin de bnficier d'un tel privilge de juridiction, il faut, en outre que, pour tout contrat de vente de meubles corporels ou toute prestation de services, le consommateur justifie d'une proposition ou d'une publicit faite dans son pays et qu'il ait accompli dans cet etat les actes ncessaires la conclusion de ce contrat . La convention de bruxelles attache donc une importance au lieu o s'est manifest le consentement du consommateur. Ainsi, pour se rsumer, afin de dterminer le tribunal comptent, le domicile du dfendeur, le lieu d'excution du contrat(48) ou encore le domicile du consommateur ou du salari(49) constituent-

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    ils des critres dterminants; le lieu de formation du contrat ne conserve qu'un rle rsiduel(50). Le mme constat s'impose lorsque l'on recherche la loi applicable. B - L'effacement du critre du lieu de formation pour la dtermination de la loi applicable A l'origine le lieu de conclusion du contrat dterminait la loi applicable au fond et commandait les rgles de forme, selon la rgle locus regit actum(51). A partir du xvie sicle cette dernire ne s'est plus applique qu'aux rgles de forme, la loi d'autonomie rgissant le fond(52). Les exigences de forme, aujourd'hui, n'obissent plus qu' titre facultatif la rgle locus regit actum ; cette dernire a mme t vince dans les contrats conclus par un consommateur. En premier lieu, la jurisprudence a dcid que la rgle soumettant les rgles de forme la loi locale pouvait tre carte par les parties au profit de la loi commune des parties(53) ou la loi rgissant le fond(54) ; une option est donc ouverte aux parties(55). Puis, la convention de rome, en son article 9-1, a repris ce principe du caractre suppltif de la rgle locus regit actum en prcisant que le contrat est valable quant la forme s'il satisfait aux conditions de forme de la loi qui le rgit au fond ou celles de la loi du pays dans lequel il a t conclu. Lorsque les parties se trouvent dans des pays diffrents au moment de la conclusion, le contrat est valable s'il rpond aux conditions de forme de la loi qui le rgit au fond ou de la loi d'un de ces pays(56). Enfin, aux termes de l'article 9-5 de la convention de rome, le consommateur qui conclut un contrat distance bnficiera, pour les rgles de forme, de l'application de la loi du pays dans lequel le consommateur a sa rsidence habituelle(57). Ainsi la rgle locus regit actum, aujourd'hui cantonne aux conditions de forme du contrat, est-elle devenue suppltive de volont ; lorsque la convention de rome s'applique, elle vient en concours avec la rgle de fond. Elle est vince lorsqu'un consommateur est partie au contrat, au profit de la loi du pays de rsidence de ce dernier sans gard au lieu de conclusion du contrat(58). Le critre du lieu de formation du contrat n'a donc plus de rle prpondrant mme dans son domaine d'lection : la forme du contrat. L'effacement de ce critre est encore plus net pour la loi de fond applicable au contrat. Les rgles de fond obissent au principe de la loi d'autonomie qui a cart la loi du lieu de conclusion(59). De surcrot, en l'absence de choix par les parties, le lieu de formation ne devient plus qu'un critre secondaire, prim par celui du lieu d'excution, pour dterminer la loi applicable(60). Ce critre du lieu de formation est compltement rejet par la convention de rome qui, dfaut de volont expresse des parties, indique en son article 4, alina 1er, que le contrat est rgi par la loi du pays avec lequel il prsente les liens les plus troits (61). Or, il est prsum que le contrat prsente les liens les plus troits avec le pays o la partie qui doit fournir la prestation caractristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa rsidence habituelle (62). La dtermination du lieu de formation du contrat n'a donc plus d'importance ; c'est le lieu de rsidence du dbiteur de l'obligation qui va dterminer les rgles de fond applicables la convention lorsque les parties n'ont pas lu de loi particulire. L'viction du critre du lieu de formation du contrat est galement avre dans la convention de la haye relative la vente internationale d'objets mobiliers corporels. Aux termes de l'article 3, alina 1er, de ce texte, dfaut de dsignation expresse de la loi applicable, c'est la loi du lieu de rsiden