droit au but - ohchr · sur le droit de l’homme à l’eau potable et ... 94 encadre 2.5 :...

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« Nous voulons tous la même chose. Nous voulons un monde où tout le monde ait accès à l’eau et à l’assainissement. Nous voulons un monde où les individus ne tombent pas malades à cause de l’eau qu’ils consomment ou ne rendent pas malade autrui parce qu’ils sont forcés de déféquer en plein air. La bonne nouvelle est que c’est à notre portée. » CATARINA DE ALBUQUERQUE, DECLARATION LORS DE LA PREMIERE CONSULTATION SUR LE SUIVI POST 2015 DE L’EAU POTABLE ET DE L’ASSAINISSEMENT, BERLIN, MAI 2011. Définir, analyser, évaluer et présenter les bonnes pratiques a été un défi mais également une tâche exaltante pour la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur le droit de l’homme à l’eau potable et l’assainissement. Au travers de son travail, elle a pu constater que la participation accrue, le renforcement de la responsabilité et l’élimination des pratiques discriminatoires transforment peu à peu le paysage et peuvent faire des droits à l’eau et à l’assainissement une réalité. Au sein des communautés, des gouvernements locaux et nationaux et des organisations internationales, elle a rencontré l’optimisme et la détermination mais aussi la vision d’un monde meilleur où tous les individus, notamment ceux qui sont traditionnellement exclus, ont accès aux services d’eau et d’assainissement. C. de Albuquerque Entidade Reguladora dos Serviços de Águas e Resíduos DROIT AU BUT Bonnes pratiques de réalisation des droits à l’eau et à l’assainissement Catarina de Albuquerque RAPPORTEUSE SPECIALE DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT A L’EAU POTABLE ET A L’ASSAINISSEMENT avec Virginia Roaf Bonnes pratiques de réalisation des droits à l’eau et à l’assainissement

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  • Nous voulons tous la mme chose. Nous voulons

    un monde o tout le monde ait accs leau et

    lassainissement. Nous voulons un monde o les

    individus ne tombent pas malades cause de leau

    quils consomment ou ne rendent pas malade autrui

    parce quils sont forcs de dfquer en plein air.

    La bonne nouvelle est que cest notre porte.

    Catarina de albuquerque, deClaration lors de la premiere Consultation sur

    le suivi post 2015 de leau potable et de lassainissement, berlin, mai 2011.

    Dfinir, analyser, valuer et

    prsenter les bonnes

    pratiques a t un dfi

    mais galement une tche exaltante pour

    la Rapporteuse Spciale des Nations Unies

    sur le droit de lhomme leau potable et

    lassainissement. Au travers de son travail, elle

    a pu constater que la participation accrue, le

    renforcement de la responsabilit et llimination

    des pratiques discriminatoires transforment peu

    peu le paysage et peuvent faire des droits leau et

    lassainissement une ralit. Au sein des communauts,

    des gouvernements locaux et nationaux et des

    organisations internationales, elle a rencontr

    loptimisme et la dtermination mais aussi la vision

    dun monde meilleur o tous les individus, notamment

    ceux qui sont traditionnellement exclus, ont accs aux

    services deau et dassainissement.

    C. de A

    lbuquerque

    Entidade Reguladora dos Servios de guas e Resduos

    droit au but

    Bonnes pratiques de ralisation des

    droits leau et lassainissement

    Catarina de AlbuquerqueRappoRteuse speciale des NatioNs uNies

    sur le droit a leau potable et a lassainissement

    avec Virginia Roaf

    bonnes pratiques de ralisation des

    droits leau et lassainissement

  • ta b l e d e s m at i e r e s

    droit au butBonnes pratiques de ralisation des

    droits leau et lassainissement

  • ta b l e d e s m at i e r e sta b l e d e s m at i e r e s

    Entidade Reguladora dos Servios de guas e Resduos

    Catarina de Albuquerquerapporteuse speciale des nations unies

    sur le droit a leau et a lassainissement

    avec Virginia Roaf

    Cet ouvrage exprime les points de vue de la Rapporteuse Spciale des Nations Unies sur le droit leau potable et lassainissement.

    Les appellations employes et la prsentation de la documentation de cette publication nengagent en aucun cas lexpression dune quelconque opinion de la part de la Rapporteuse Spciale, que ce soit au sujet des statuts juridiques dun pays, dun territoire, dune ville, dune zone ou de ses autorits, ou encore au sujet des dlimitations de ses frontires ou de ses limites.

    La Rapporteuse Spciale encourage les sollicitations visant reproduire et traduire cet ouvrage, en partie ou dans sa totalit. Ces requtes et les demandes de renseignements doivent tre adresses la Rapporteuse Spciale ([email protected]) qui se fera un plaisir de fournir les dernires informations sur les modifications potentielles du texte.

    remerciements

    Cet ouvrage a bnfici du soutien de nombreuses institutions et damis. Je remercie les nombreux experts, organisations, contributeurs et pairs examinateurs qui, par leur implication et leur dvouement, ont permis la publication de cet ouvrage.

    Principaux contributeurs : 1. Virginia Roaf 2. Lucinda OHanlon 3. Inga Winkler 4. Robert Painter 5. Daniel Spalthoff

    Equipe rdactionnelleUne quipe rdactionnelle extrieure, compose dexperts spcialiss sur les questions cls lies leau et lassainissement, dont des avocats, des conomistes et des ingnieurs, a contribu une rvision dtaille de louvrage. Je remercie de tout cur les membres de lquipe rdactionnelle pour le don de leur temps prcieux et de leur expertise.

    Au nombre des membres 1. Jaime Baptista, Director, ERSAR 2. Mara Bustelo, OHCHR 3. Girish Menon, Director of International Operations, WaterAid 4. Peter van Maanen, independent consultant

    Les dtails institutionnels sont fournis dans un but didentification uniquement. La responsabilit pour la version finale du texte incombe aux auteurs.

    CommentateursJexprime galement ma reconnaissance tous ceux qui ont formul des observations sur cet ouvrage dans son ensemble ou sur certaines de ses parties, savoir : Manuel Alvarinho, David Alves, Cristin Arellano, Ferdinandes Axweso, Jamie Bartram, Francesca Bernardini, Ned Breslin, Mara Bustelo, Hilda Coelho, Jane Connors, Michel Cornelis, Aladji Dieng, Alan Etherington, Carolina Fairstein, Richard Franceys, Samuel Gonga, Frank Greaves, Leila Harris, Sarah House, Khairul Islam, Patricia Jones, Ashfaq Khalfan, Thorsten Kiefer, Daniele Lantagne, Fernanda Levenson, Rolf Lujendijk, Therese Mahon, Amanda Marlin, Sharmila Murthy, Pradip Nandi, Anton Novac, Donal OLeary, Patrick Onyango, Archana Patkar, Cynthia Phiri, Meg Satterthwaite, Dibalok Singha, Hakan Tropp, Natalia Uribe, Claudia Vargas, Johan van der Colf, Roland Werchota et Mark Williams.

    bailleursJe remercie chaleureusement les gouvernements de lEspagne et de lAllemagne, ainsi quERSAR, pour leur soutien financier. Je remercie galement le Conseil Mondial de lEau pour avoir permis ldition de la version franaise de cet ouvrage.

    droit au butBonnes pratiques de ralisation des

    droits leau et lassainissement

  • droit au but : bonnes pratiques de ralisation des droits leau et lassainissement

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    table des matieres

    table des matires

    02 Remerciements07 Avant-propos : Le Secrtaire Gnral des Nations Unies, M. Ban Ki-Moon09 Avant-propos : Son Altesse royale, le Prince dOrange11 Avant-propos : M. Loc Fauchon, Prsident du Conseil Mondial de lEau13 Prface : Catarina de Albuquerque, Rapporteuse Spciale des Nations Unies17 Abrviations

    19 introduction27 EnCadrE 0.1 : Droit de lhomme ou droits de lhomme leau et lassainissement ?30 EnCadrE 0.2 : Droits de lhomme et Objectifs du millnaire pour le dveloppement

    43 Chapitre 1 : cadres juridiques et institutionnels45 introduction47 1.1 Cadres juridiques et initiatives politiques au niveau international48 EnCadrE 1.1 : Le protocole de la CEE-ONU sur leau et la sant 51 1.2 Cadres juridiques nationaux : Lois, rglementations et rgulateurs53 EnCadrE 1.2 : Afrique du Sud : Rendre oprationnelles les dispositions constitutionnelles et lgales58 EnCadrE 1.3 : Rglementation des prestations informelles de services urbains61 EnCadrE 1.4 : Dconnexion des services pour cause de non-paiement62 1.3 Politiques nationales, planification et programmation64 EnCadrE 1.5 : Limportance de la planification nationale : la stratgie nationale dassainissement de la Namibie65 EnCadrE 1.6 : Rforme du secteur de leau au Kenya68 Conclusion

    73 Chapitre 2 : Financement et budgtisation 75 introduction78 EnCadrE 2.1 : Pourquoi le financement de lassainissement constitue-t-il souvent une question part ?79 2.1 Sources de financement80 2.2 Contributions des mnages83 EnCadrE 2.2 : Aperu des diffrents mcanismes de subvention 88 EnCadrE 2.3 : Ciblage des subventions91 EnCadrE 2.4 : Fournir des services deau et dassainissement gratuits 92 2.3 Affectations budgtaires cibles94 EnCadrE 2.5 : Processus budgtaire transparent et fragmentation95 2.4 Transferts internationaux97 EnCadrE 2.6 : Conditionnalits, aide conditionnelle et dette99 Conclusion

    103 Chapitre 3 : Mise en uvre105 introduction107 EnCadrE 3.1 : Approche fonde sur les droits de lhomme et droits leau et lassainissement108 3.1 Zones rurales110 EnCadrE 3.2 : Les approches fondes sur loffre et la demande : implications des droits de lhomme 115 EnCadrE 3.3 : Environnement et droits leau et lassainissement119 EnCadrE 3.4 : Donner la priorit aux usages personnels et domestiques de leau121 3.2 Zones urbaines dfavorises125 EnCadrE 3.5 : Statut foncier et droits leau et lassainissement128 EnCadrE 3.6 : Assainissement total pilot par la communaut urbaine 132 EnCadrE 3.7 : Rpondre aux besoins des quartiers informels : solutions traditionnelles ou solutions conomiques 134 EnCadrE 3.8 : Le caractre fondamental de la mobilisation communautaire136 EnCadrE 3.9 : Niveaux de service : toilettes partages137 3.3 Qualit de leau 139 3.4 Promotion de lhygine141 EnCadrE 3.10 : Obligations dcoulant des droits de lhomme en matire dhygine142 3.5 Non-discrimination 145 EnCadrE 3.11 : Non-discrimination : galit ou quit148 EnCadrE 3.12 : Agents responsables dassainissement150 3.6 Situations durgence152 3.7 coles, tablissements de sant et autres btiments et lieux publics153 EnCadrE 3.13 : Accs dans tous les aspects de la vie des individus 155 3.8 Renforcement des capacits, plaidoyer et sensibilisation 162 EnCadrE 3.14 : Niveaux de participation164 3.9 Recherche et ducation167 3.10 Responsabilits des tiers168 EnCadrE 3.15 : Responsabilit sociale des entreprises (RSE) et droits de lhomme169 Conclusion

    175 Chapitre 4 : responsabilit177 introduction179 4.1 Suivi186 EnCadrE 4.1 : Suivi local, national et mondial190 EnCadrE 4.2 : Participation communautaire au contrle193 4.2 Rsolution des litiges196 4.3 Arbitrages officiels203 4.4 Bonne gouvernance et transparence205 EnCadrE 4.3 : Comment les droits de lhomme peuvent-ils contribuer lutter contre la corruption ?207 EnCadrE 4.4 : Dcentralisation209 Conclusion

    213 Conclusion222 bibliographie choisie

  • ta b l e d e s m at i e r e s

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    ta b l e d e s m at i e r e s

    avant-propos du

    Secrtaire gnral de lonu, Monsieur ban Ki-Moon

    Les progrs significatifs raliss en 2010 avec la reconnais-sance des droits de lhomme leau et lassainissement par lAssemble gnrale des Nations Unies et le Conseil des droits de lhomme apporte un cadre juridique substantiel, et ce, aussi bien pour les gouvernements que pour le systme de lONU. Leau et lassainissement savrent, en effet, essentiels la ralisation des objectifs de dveloppement. Il en ressort un regain dlan qui favorise lattention porte en priorit aux secteurs o les besoins en la matire se font le plus sentir.

    Il est tout fait inacceptable que prs de la moiti de la population des pays en d-veloppement souffre de problmes de sant dus une eau et un assainissement ina-dquats, que les habitants des bidonvilles aient payer leur eau cinq, voire mme dix fois plus, que les riches rsidents des mmes villes, ou encore que plus dun milliard de personnes dans les communauts rurales vivent sans toilettes et aient dfquer en plein air.

    Dornavant, il convient de traduire cet engagement en obligations particulires, la fois au niveau international et national. Cette tche ne promet pas un avenir sans obstacle ; il y a sans nul doute des dfis que nous ne pouvons anticiper, mais il faut ab-solument tablir un cadre pour protger ceux qui ne peuvent le faire eux-mmes.

    Le prsent ouvrage indit, initi et crit par Mme Catarina de Albuquerque, Rap-porteuse Spciale des Nations Unies sur le droit leau potable et lassainissement, propose des solutions, des ides et des exemples pragmatiques de lois, de politiques, de programmes, dinitiatives de plaidoyer prconiser et des mcanismes de responsabi-lisation. Il montre galement comment les droits sont en train de devenir des ralits pour les exclus, les laisss-pour-compte et ceux qui nont pas la parole.

    Il est exaltant de dcouvrir des exemples riches et inspirants de ce que les Etats, les agences de lONU, les fournisseurs de services, les organisations de la socit civile et tous les autres acteurs concerns peuvent accomplir en travaillant de concert, dans le

    edition technique Bettina Myers revision de texte Catarina Torrado conception graphique Patrcia Proena

    imprimeur Textype tirage 2000 copies isBn 978-2-7466-4501-1 depot legal 340 798/12 Lisbonne, fvrier 2012

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    ta b l e d e s m at i e r e s

    manque daccs leau et lassainissement en raison du rle traditionnel quelles jouent dans la gestion de ces services mais aussi parce que leurs voix, en particulier celles des femmes pauvres, ne sont pas entendues par les dirigeants. Leau impure et un mauvais assainissement sont les deuximes facteurs de mortalit infantile dans le monde.

    Jai la conviction que cette ralit choquante et humiliante doit tre renverse pour que toute personne puisse vivre en bonne sant, avec dignit et en scurit. Je suis convaincu que les droits leau et lassainissement peuvent y contribuer de manire considrable.

    La reconnaissance des droits de lhomme universels constitue lun des trois piliers des Nations Unies. La capacit de chaque tre humain exercer ses droits inalinables et galitaires est le fondement de toute libert, paix et justice dans le monde. Elle est galement fondamentale pour la scurit de la plante et le dveloppement mondial. En 2010, ladoption par lAssemble gnrale des Nations Unies et le Conseil des droits de lhomme de rsolutions sur le droit leau potable et lassainissement a constitu une tape essentielle vers lendossement de notre responsabilit garantir que chaque personne ait accs des services deau et dassainissement srs, continus, suffisants, abordables, accessibles et acceptables, indpendamment de qui nous som-mes, do nous venons, de nos croyances et de la faon dont nous choisissons de mener notre vie.

    La Rapporteuse Spciale des Nations Unies sur les droits leau potable et lassai-nissement sest donne pour mission dappeler une leve de boucliers mondiale, en intgrant les droits leau et lassainissement dans les organisations internationales, rgionales, nationales et locales, ainsi que dans tous les instruments, traits, lois, poli-

    Selon les derniers chiffres du programme commun de sur-veillance de lONU, 2,6 milliards de personnes nont pas ac-cs un assainissement amlior, et prs dun milliard de personnes nont pas accs des sources deau amliores. Ces chiffres dissimulent la vrit : les sources amliores deau potable ne constituent pas une garantie de qualit, et plus dun milliard de personnes doivent faire leurs besoins lex-trieur, dans un manque total de dignit et dintimit. Les femmes et les filles sont particulirement touches par le

    avant-propos Son altesse royale, le Prince dorange, prsident de lunSGab

    but daborder le problme de la discrimination, de garantir laccs des plus dmunis aux services, de sassurer que les enfants puissent raliser leur potentiel, en restant en bonne sant et en allant lcole, et quil soit donn aux femmes et aux filles la possi-bilit dagir afin de rendre effective lgalit des chances.

    De nombreux gouvernements ont dj intgr les droits leau et lassainissement dans leurs constitutions et leurs lgislations nationales. Nanmoins, les Etats doivent encore uvrer pour garantir la conception de politiques justes, assurer la disponibilit du financement visant mettre en uvre ces politiques, sassurer de lidentification et de lradication des pratiques discriminatoires envers les femmes, les minorits, les personnes ges ou les malades, de manire ce que personne nait subir dhumilia-tion face au manque daccs leau et lassainissement.

    Je me rjouis de la publication de cet ouvrage et saisis par la mme loccasion qui mest donne dengager nouveau le soutien du systme des Nations Unies dans lob-jectif de rduction de moiti, dici 2015, du nombre dindividus vivant sans eau potable ni assainissement.

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    tiques, processus de planification et de mise en application disponibles. Les droits leau et lassainissement procurent aux gouvernements, aux fournisseurs de services, aux rgulateurs et la socit civile, un cadre leur permettant de travailler ensemble lidentification de solutions face au problme tenace du manque daccs aux services deau et dassainissement.

    Cet ouvrage ne dmontre pas seulement pourquoi les droits leau et lassainisse-ment permettent une comprhension vitale de la raison prsidant ce manque daccs. Il procure galement de nombreux exemples de modalits daccs ces services en vue de garantir des services srs et abordables, accessibles tous, dans le respect de la di-gnit humaine. Cet ouvrage montre que les droits de lhomme peuvent tre garantis tout en apportant de prcieux conseils pour llaboration de politiques.

    Le Conseil consultatif sur leau et lassainissement auprs du Secrtaire gnral de lONU (UNSGAB), en particulier, sest engag explorer et promouvoir la valeur des droits leau et lassainissement. 2015, chance laquelle les ODM doivent tre atteints, approche grand pas. Nous esprons que les droits de lhomme nous aideront dfinir des objectifs ambitieux en termes deau et dassainissement dans le cadre de lagenda pour le dveloppement post-2015, en fournissant un cadre motivant en vue datteindre laccs universel et total leau et lassainissement.

    avant-propos

    Loic Fauchon

    Le droit leau potable et lassainissement est aujourdhui un droit humain reconnu par les Etats Membres des Nations Unies. Cependant, pour nombre dhabitants de la plante, disposer deau, de facilits dhygine, et dun systme dassainissement efficient nest pas encore une ralit quotidienne. A ce jour, plus dun milliard dtres humains sont privs daccs une eau saine en quantit suffisante, quand plus du double se voient interdits lusage dinstallations sanitaires dcentes.

    Comment faire face cette ambigut au moment o la dmographie, lurbanisation, les pollutions et les volutions du climat restreignent ou perturbent la disponibilit en eau douce de nombreuses rgions du monde ?

    Sans doute convient-il de travailler la fois au sommet et la base de la maison de leau . Au plus haut niveau, celui des Etats et des organisations internationales, en fai-sant clairement de leau une priorit durable. Mais aussi en inscrivant ce droit dans les Constitutions, en votant les textes lgislatifs indispensables une bonne protection de la ressource et sa distribution quitable, et en organisant la gouvernance de leau diffrents niveaux complmentaires et efficients.

    Il faut galement uvrer la base, celle des autorits locales et plus largement des communauts de terrain qui ont pour responsabilit quotidienne de garantir lapprovi-sionnement en eau potable et laccs des infrastructures dassainissement salubres. Il faut pour cela disposer de financements importants, parfois nouveaux, et de connaissan-ces partages et adaptes chaque territoire.

    Cest le rle de tous, mais cest aussi la mission essentielle du Conseil Mondial de lEau de porter la Voix de ce droit qui garantit la vie mais aussi la dignit de tant den-fants, de femmes et dhommes privs de laccs cette ressource rare.

    A Mexico, en 2006, le Conseil Mondial de lEau a publi un rapport sur le droit leau. A lpoque, il fallait dabord dire concrtement ce qutait ce droit. Il fallait en-suite prciser les diverses approches pour le mettre en uvre et identifier les conditions remplir pour en favoriser les progrs.

    En 2006, le Conseil Mondial de lEau a ouvert la porte, avec modestie mais dtermi-nation. Dautres ont alors repris le flambeau, parmi lesquels Catarina de Albuquerque, dont il faut saluer la volont et le courage. Cette femme passionne et passionnante, mandate par les Nations Unies a entrepris une large croisade pour dnoncer une situation inacceptable et faire accepter par ses pairs la ralit du droit leau et las-sainissement.

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    ta b l e d e s m at i e r e s

    preface

    Catarina de albuquerque

    mattendait. En effet, les dfenseurs et militants des droits de lhomme sattachent tra-ditionnellement attirer lattention sur des cas de violation et de non-respect des droits de lhomme avec comme objectif de faire entendre les sans-voix et dinciter les gou-vernements procder des changements. Nous avons tendance nous concentrer sur les dysfonctionnements, les insuffisances des politiques et initiatives gouvernementales et oublier les mesures pertinentes dj mises en place en matire de droits de lhomme. La mission de recensement des bonnes pratiques confie par le Conseil ma ainsi permis de dcouvrir un nouveau domaine de travail.

    Par ailleurs, tant donn que le recueil de bonnes pratiques devait comprendre la fois leau et lassainissement ainsi que les pratiques manant de tous les acteurs cls, et ce, travers le monde entier, je me rendais bien compte quil ne serait pas ais de dter-miner les pratiques devant tre incluses et de statuer sur la manire de crer un cadre convaincant permettant de les illustrer.

    Toutefois, jai vite ralis, en dbutant mes recherches et en rencontrant diffrents ac-teurs qui mont fait partag tant dides et dinitiatives intressantes et motivantes, que cette mission constituerait une opportunit incroyable pour montrer ce qui est dores et dj ralis pour garantir ces droits, inspirer ceux souhaitant les mettre en uvre et ga-lement disposer dune meilleure comprhension des enjeux lis leur ralisation. Au-del, je me suis rendue compte quen dterminant quune pratique donne tait bonne, cela permettrait galement de dgager les raisons pour lesquelles telle autre pratique est mau-vaise ou sur les raisons expliquant quelle implique une violation des droits de lhomme.

    Au dbut de ma collecte dinformations pour cette mission, les Nations Unies navaient pas encore expressment reconnu les droits leau et lassainissement. Jai alors envisag mon travail comme un moyen de faire prendre conscience, principale-

    Lorsquen 2008, jai t dsigne Rapporteuse Spciale sur le droit leau potable et lassainis-sement1, lune des premires missions qui ma t assigne par le Conseil des droits de lhomme des Nations Unies a consist recenser les bonnes pratiques relatives la mise en uvre des droits leau et lassainissement. Jai, dans un premier temps, t dpasse par lampleur de la tche qui

    Intransigeante mais objective, elle est pour beaucoup dans lvolution de lopinion internationale sur la reconnaissance formelle du droit leau et lassainissement. Et nen dplaise sa modestie, elle est galement pour beaucoup dans le vote de la Rsolu-tion de lAssemble Gnrale des Nations Unies en juillet 2010 et dans les progrs dj raliss dans de nombreuses lgislations nationales.

    Cest un honneur de prfacer, avec dautres personnalits minentes, un ouvrage qui raconte cette aventure, cette histoire du droit leau et lassainissement, avec ses checs et ses succs. Grce Catarina de Albuquerque, grce son recueil de bonnes pratiques qui sont autant de solutions faire connatre, des centaines de millions dhabitants de cette plante ont et auront accs leau et lassainissement. Ce nest pas le moindre mrite de louvrage quelle prsente et dont il faut souligner la lumineuse utilit au ser-vice des droits fondamentaux de lhomme.

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    ta b l e d e s m at i e r e spreface

    nal, infranational et local), des rglementations, des politiques, des stratgies, des ca-dres institutionnels, des procdures de planification et de coordination, des politiques de coopration internationale, des programmes, des projets, des campagnes, des sub-ventions, des mcanismes de financement, des structures tarifaires, des contrats dex-ploitation, des procdures de dpt de plainte et des dcisions judiciaires et quasi-judi-ciaires. Par ailleurs, jai dcid quil serait possible de qualifier une pratique de bonne pratique contribuant la ralisation des droits de lhomme leau et lassainissement mme si cette dernire ne fait pas mention explicite des droits de lhomme, dans la me-sure o elle respecte les critres prtablis.

    En septembre 2011, jai rendu un rapport au Conseil des droits de lhomme fond sur les informations que javais reues. La mission qui mavait t confie par les Etats membres des Nations Unies tait, par consquent, remplie.

    Toutefois, en raison du taux trs lev de rponses au questionnaire, de lengage-ment et de lintrt suscits, et ce, non seulement lors des consultations mais galement par voie lectronique et lors dvnements du secteur de leau, jai pris la dcision de publier cet ouvrage de bonnes pratiques, en considrant cette publication comme une manire dexaminer plus en profondeur les pratiques, den inclure davantage et de ten-ter de rpondre certaines questions plus pineuses. Je souhaitais, par ailleurs, mettre en avant lacceptation des droits leau et lassainissement dans le discours li au droit international relatif aux droits de lhomme et au dveloppement, et, par la mme, ins-pirer dautres Etats et acteurs cls afin quils aient recours aux principes promouvant ces droits dans leurs missions respectives.

    Par manque de place et dinformations sur le contexte, toutes les pratiques pouvant tre qualifies de bonnes pratiques nont pu tre compiles dans cet ouvrage. Parmi celles y figurant, je me suis permis quelques commentaires constructifs lorsque jesti-mais que des amliorations pouvaient tre apportes.

    Des pratiques proposes par un large ensemble dacteurs, abordant tous les aspects des droits leau et lassainissement, sont ici prsentes mme sil existe certaines im-prcisions qui mriteraient dtre creuses et dbattues. Je me suis essentiellement fon-de sur les renseignements qui mont t fournis travers les rponses au questionnaire, les consultations tenues avec les diffrents acteurs et mes missions sur le terrain.

    Aprs mtre implique pendant plus de trois ans dans ce vaste processus, la fois passionnant et fastidieux, je dois admettre que jai pu tirer des enseignements prcieux de lensemble des informations reues. Alors que les droits leau et lassainissement ne figurent que depuis peu lordre du jour de lagenda international et quils nont t reconnus officiellement que rcemment, les activits visant leur mise en uvre ne datent, elles, pas daujourdhui. Il existe toute une srie dexemples de bonnes pratiques, pas toujours claires quant aux droits de lhomme et pouvant ncessiter ici et l de lgers ajustements, mais contribuant dans leur ensemble la ralisation de ces droits. Le rle

    ment aux Etats membres des Nations Unies mais galement dautres acteurs, parfois sceptiques lgard de la signification donner aux droits de lhomme et leurs impli-cations, que les droits leau et lassainissement sont des droits tangibles et que leur ralisation est possible et ne constitue pas un vu pieux ou encore un rve irralisable. Les droits de lhomme font partie intgrante de notre travail et de nos vies au quoti-dien. De cette faon, les acteurs que jai t amene rencontrer oeuvraient dj bien souvent la ralisation des droits de lhomme, parfois mme sans le savoir.

    Ma premire dmarche dans le cadre de cette mission a t dapprhender le vrita-ble objectif du mandat mayant t accord par le Conseil des droits de lhomme. Mme si ce dernier consistait en un recensement des meilleures pratiques, il ma sembl plus judicieux dutiliser le terme bonnes plutt que meilleures pour la dfinition de ces pratiques, et ce, afin de permettre une rflexion plus pousse sur ce qui est ac-ceptable du point de vue des droits de lhomme et galement de manire reconnatre quune pratique, mme excellente, peut toujours tre amliore. De plus, je souhaitais faire prendre conscience du fait quune meilleure pratique dans un domaine donn peut savrer inefficace dans un autre et que les pratiques sont conditionnes la fois par leur environnement, le moment de leur mise en uvre et leur contexte. De la sorte, une pratique nest jamais compltement acquise mais doit, au contraire, continuelle-ment voluer afin de garantir sa pertinence et sa prennit. Enfin, le terme meilleure mest galement apparu trop ambitieux dans la mesure o il implique quun examen ap-profondi de lensemble des pratiques a t effectu lchelle mondiale et que la meilleu-re de ces pratiques a t retenue, une tche irralisable dans un dlai de trois ans.

    Ma seconde dmarche a consist dfinir des critres qui maideraient dans le choix des pratiques retenir. Javais eu connaissance de projets ou dapproches qualifis de bonnes pratiques par un acteur donn (par exemple, un gouvernement ou une organi-sation internationale) mais qui, dans le mme temps, taient critiqus par des organisa-tions de base ou dautres. Jai ainsi organis une consultation visant dbattre des cri-tres de dfinition dune bonne pratique, question aborde dans lintroduction du pr-sent ouvrage. Dans ce cadre, afin de dgager un maximum de bonnes pratiques, jai prpar un questionnaire fond sur ces critres qui a t diffus le plus largement pos-sible en anglais, en franais et en espagnol. Enfin, pour aborder plus en dtail ces prati-ques, jai organis sept autres consultations avec les acteurs concerns et les gouverne-ments, les organisations de la socit civile, les instituts et organes nationaux des droits de lhomme, les agences daide au dveloppement, le secteur priv, les prestataires de services et les agences des Nations Unies.

    Aux fins du prsent ouvrage, jai adopt une dfinition large du terme pratique . Les pratiques englobent les cadres juridiques et politiques ainsi que les mcanismes de mise en uvre et de contrle. Une bonne pratique peut donc comprendre des initiati-ves aussi varies que des traits internationaux, ladoption dune loi (aux niveaux natio-

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    ta b l e d e s m at i e r e sdroit au but : bonnes pratiques de ralisation des droits leau et lassainissement

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    ta b l e d e s m at i e r e s

    abrviations

    aderasa association des entits rgulatrices de leau et de lassainissement damrique latine

    atpc assainissement total pilot par la communaut

    caO conseiller/Ombudsman de la banque mondiale

    cdH comit des droits de lhomme des Nations Unies

    cedef convention sur llimination de toutes les formes de discrimination lgard des femmes

    cee-NU commission conomique pour leurope des Nations Unies

    cescr comit des droits conomiques, sociaux et culturels des Nations Unies

    cide convention internationale des droits de lenfant

    cmae conseil des ministres africains chargs de leau

    dfid ministre britannique du dveloppement international

    dsK dushtha shasthya Kendra

    dUdH dclaration universelle des droits de lhomme

    ersar Organe de rgulation portugais (entidade reguladora dos servios de guas e resduos)

    esdp enqute de suivi des dpenses publiques

    faN freshwater action Network

    Gire Gestion integre des ressources en eau

    GiZ coopration allemande au dveloppement

    Glaas valuation annuelle mondiale de lONU-eau sur lassainissement et leau potable

    HcdH Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme

    Hrba approche fonde sur les droits de lhomme (Human rights based approach)

    iNdH institution nationale des droits de lhomme

    irc centre international de leau et de lassainissement

    Jmp programme commun Oms/UNicef de suivi de lapprovisionnement en eau et de lassainissement

    Omd Objectif du millnaire pour le dveloppement

    Oms Organisation mondiale de la sant

    ONG Organisation non gouvernementale

    ONU-Habitat programme des Nations Unies pour les tablissements humains

    pidcp pacte international relatif aux droits civils et politiques

    pidesc pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels

    pNUd programme des Nations Unies pour le dveloppement

    rdH rapport sur le dveloppement humain du pNUd

    rs/rapporteuse spciale rapporteuse spciale des Nations Unies sur le droit leau potable et lassainissement

    rse responsabilit sociale des entreprises

    sdc agence suisse pour le dveloppement et la coopration

    sdi shack/slum dwellers international

    ti transparency international

    Uis enqute relative aux ingalits urbaines

    UNicef fonds des Nations Unies pour lenfance

    UNsGab conseil consultatif sur leau et lassainissement auprs du secrtaire gnral des Nations Unies

    WasH Water, sanitation and Hygiene (eau, assainissement et hygine)

    Wecf Women in europe for a common future (femmes en europe pour un futur commun)

    WiN Water integrity Network

    des militants des droits de lhomme en tant quobservateurs et surveillants est videm-ment de la plus haute importance. De la mme manire, le soutien aux droits de lhom-me, leur promotion et leur mise en uvre acclreront le processus visant la ralisa-tion des droits leau et lassainissement.

    A linstar des pratiques, ncessairement imparfaites, le prsent ouvrage ne prtend pas tre sans dfaut. Jai nanmoins essay de dgager les informations les plus pertinen-tes de chaque pratique, illustrant par l mme les diffrents aspects de la ralisation des droits leau et lassainissement. Cet ouvrage ne constitue pas une liste exhaustive de bonnes pratiques mais vise plutt renseigner sur le plus grand nombre de pratiques pos-sible. Je suis galement consciente quune attention particulire doit tre porte certains secteurs, notamment ceux dans lesquels le dveloppement des pratiques va de pair avec une meilleure connaissance et comprhension des droits leau et lassainissement.

    Je profite de cette occasion pour remercier chaleureusement tous ceux et celles qui mont aide mener bien ma mission au cours de ces trois annes. En premier lieu, toutes les personnes et institutions qui ont rpondu au questionnaire et nous ont en-voys de prcieuses informations ; en deuxime lieu, celles qui ont pris le temps dassis-ter mes consultations, me procurant ainsi une meilleure comprhension du contenu de leur mission ; en troisime lieu, le HCDH et notamment la Division des procdures spciales (Jane Connors et Mara Bustelo) ; et enfin les anciens et actuels membres de mon quipe (Lucinda OHanlon, Barbara Mateo, Robert Painter, Daniel Spalthoff, Inga Winkler et particulirement Virginia Roaf). Cet ouvrage naurait jamais pu voir le jour sans leur dtermination, leur engagement, leur enthousiasme et leur intelligence. Jaimerais galement remercier lquipe de rdaction, Girish Menon, Peter van Maa-nen et Jaime Baptista, pour avoir lu dans les moindres dtails les bauches du prsent ouvrage. Enfin, jaimerais aussi remercier le Secrtaire gnral des Nations Unies, Son Excellence Ban Ki-Moon, Son Altesse royale, le Prince dOrange, et M. Loic Fauchon, prsident du Conseil Mondial de lEau, pour avoir accept de rdiger lavant-propos de cet ouvrage.

    Je suis, enfin, trs reconnaissante envers le Conseil Mondial de lEau, pour son sou-tien dans la ralisation de cet ouvrage et le financement de sa publication en franais.

    Jespre que les pratiques qui y sont rpertories serviront promouvoir la ralisa-tion des droits leau et lassainissement et serviront dexemples toutes les personnes travaillant dans ces secteurs, en les aidant adopter les droits de lhomme pour guider leur travail dans ce domaine.

    Cet ouvrage constitue une premire tape ; il nest en aucun cas un aboutissement.

    1 De 2008 2011, mon mandat tait celui dExperte Indpendante sur la question des droits de lhomme en matire daccs leau et lassainissement. Depuis 2011, ce titre a t rebaptis Rapporteuse Spciale sur le droit leau potable et lassainissement, afin de transposer ladoption en 2010 du droit leau et lassainissement par lAssemble gnrale des Nations Unies et le Conseil des droits de lhomme.

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    ta b l e d e s m at i e r e s

    Participants la consultation dexperts sur la stigmatisation et les droits leau et lassainissement organise par la Rapporteuse Spciale des Nations Unies Genve (janvier 2012). photo : madoka saji

    est-ce que lapplication dune perspective relative aux droits de lhomme

    au dveloppement, et leau et lassainissement en particulier, rend nos

    vies plus compliques ? oui. malheureusement oui. a la lumire des droits

    de lhomme, les progrs que nous avons raliss peuvent ne pas sembler

    si importants. toutefois, avec les droits de lhomme, nous dessinons une

    image plus honnte du progrs. nous nous rapprochons de la ralit et

    sommes donc plus en mesure de concevoir des stratgies pour la changer.

    catarina de alBuquerque au comite sur le developpement / sous-comite sur les droits de lhomme,

    audience puBlique conjointe sur le droit a leau et lassainissement, 24 janvier 2011

    Pourquoi laccs leau et lassainissement est un besoin vital ?

    Nous vivons dans un monde o prs dun milliard dindividus nont pas accs des sources deau amliores et 2,6 milliards dindividus nutilisent pas dinstallations das-sainissement amliores1. Ces statistiques ont de nombreuses rpercussions au niveau individuel et de la socit dans son ensemble. Pour les individus, laccs des services deau et dassainissement srs est primordial dans la qute dune vie digne et garantit, en outre, une amlioration de la sant, laccs lducation et au march du travail. A lchelle de la socit, une population ayant accs des services deau et dassainisse-ment srs sera en meilleure sant, davantage en mesure de travailler et pourra contri-buer au dveloppement et la croissance conomique, tout en vivant dans un environ-nement plus sain.

    Lassainissement joue un rle crucial dans notre quotidien alors quil est souvent minimis ou pass sous silence en raison dinterdits culturels. Dfquer lair libre, dans la rue et dans les champs est une ralit intolrable que vivent pourtant chaque jour plus dun milliard dindividus2. Les femmes, notamment, doivent protger leur dignit en urinant ou en dfquant uniquement dans lobscurit. Elles mettent ainsi en danger leur scurit, en sexposant aux attaques des hommes ou des animaux, et leur sant, dans la mesure o elles ne peuvent uriner ou dfquer quand elles le souhaitent. Mme lorsque les individus ont leur disposition des toilettes ou des latrines rser-ves, celles-ci sont frquemment insalubres, coteuses ou trop loignes du domicile ou du lieu de travail. Dautre part, les besoins spcifiques des femmes et filles dus ou en raison de leur cycle de menstruation sont souvent ignors.

    Dans bien des parties du monde, les besoins des individus ayant accs des services dassainissement en termes de traitement des eaux uses et dlimination et/ou de ru-tilisation des eaux uses domestiques ou issues dautres sources ne sont pas pris en compte, les eaux uses tant rejetes dans des plans deau ou dans le sol sans le moindre traitement. Cette situation a des incidences particulirement nfastes sur lenvironne-ment, la qualit de leau potable et terme, sur la sant humaine.

    Il ny a pas de vie sans eau ; rien ne peut la substituer lorsque celle-ci vient man-quer. Afin de vivre dans des conditions saines, les hommes, femmes et enfants doivent avoir accs quotidiennement une certaine quantit minimale deau.

    introduCtion

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    ta b l e d e s m at i e r e siNtrOdUctiON

    cile compar aux individus vivant dans des pays en dveloppement. A leur tour, les individus rsidant dans des logements officiels urbains dans un pays en dveloppement bnficient gnralement de conditions daccs leau potable plus avantageuses co-nomiquement que les individus vivant dans des zones urbaines informelles ou en zone rurale. Cette situation est galement vrifiable pour laccs des services dassainisse-ment et pour la dfcation lair libre (se rfrer au graphique ci-dessus)6. La majorit des individus vivant dans des tablissements spontans ne disposent pas dune source deau fiable et achtent leau des vendeurs ambulants ou collectent leau partir de sources deau de surface, telles que des fleuves ou des ruisseaux, trs probablement pollues. Bien que nayant accs qu de faibles quantits deau de mauvaise qualit, le prix de leau au litre est bien plus lev auprs de ces vendeurs ambulants que lorsquel-le est directement acquise auprs dun service public.

    Les personnes vivant dans la pauvret, et notamment les groupes et individus mar-ginaliss et vulnrables, sont donc plus susceptibles dtre privs daccs des services deau et dassainissement srs. Ces groupes risquent galement de ne pas bnficier dun logement dcent ni dun accs convenable la sant et lducation, en partie cause de ce manque daccs aux services deau et dassainissement.

    Il est peu probable que cette situation samliore sans adopter une approche radica-lement diffrente dans la mesure o la population mondiale continue augmenter et devrait passer, selon les estimations, de sept neuf milliards dici 2050. Une meilleu-re gestion et distribution des ressources deau existantes simpose tout comme une plus grande prise en considration des besoins en assainissement, de la prise en charge des dchets leur traitement et leur limination en toute scurit, dans le but de garantir un accs universel.

    Au-del de la ncessit absolue de lutter contre la dshydratation, leau est indis-pensable en vue de satisfaire les besoins fondamentaux de lhomme, y compris pour lhygine personnelle et la prparation des aliments. Une hygine insuffisante, ce qui inclut le lavage des mains des moments dterminants tels quavant et aprs le passage aux toilettes, limite les effets salutaires dcoulant de laccs des services deau et das-sainissement srs. Leau savre galement essentielle la gestion de lhygine lors des priodes de menstruation et a son importance sur les plans culturel et religieux, pro-pret et toilette jouant souvent un rle symbolique et hyginique dans la vie de bon nombre dindividus.

    Plus de 3 6003 enfants meurent chaque jour de maladies diarrhiques qui pourraient tre vites, un chiffre suprieur au total des dcs lis au paludisme, au VIH/SIDA et la rougeole. Les enfants sont plus susceptibles de succomber des diarrhes que les adultes4, en raison de limmaturit de leur systme immunitaire, et ceux vivant dans la pauvret sont les plus fragiles. Aussi, la probabilit dun retard de croissance5 lge de deux ans augmente de faon exponentielle lors de chaque pisode diarrhique et suite chaque nouveau jour de diarrhe.

    Les femmes sont, quant elles, plus exposes en raison des rles sociaux qui leur sont attribus, comme la collecte de leau ou les tches mnagres, pour lesquelles leau savre indispensable. Des millions de femmes vivant en zone rurale en Afrique et en Asie consacrent plusieurs heures par jour la collecte de leau, parcourant de grandes distances et supportant de lourdes charges. Culturellement, il est trs frquent de confier aux femmes et filles la tche de prendre soin des malades pour qui il est n-cessaire de fournir une eau de qualit afin de leur garantir un prompt rtablissement. Il se peut que ces derniers soient galement atteints de maladies ncessitant un bon accs des services dassainissement srs et de bonnes pratiques en matire dhygine afin dviter de transmettre ces maladies aux autres membres de la famille. Le poids de ces responsabilits empche de nombreuses femmes dexcuter des activits producti-ves ou davoir accs lducation, ce qui conduit entretenir et exacerber les inga-lits de genre.

    En dpit des multiples consquences bien connues dont souffrent les femmes et les filles, elles restent bien souvent exclues des processus dcisionnels portant sur laccs leau et lassainissement. A titre dexemple, les femmes ne sont que trs rarement consultes quant lemplacement des points deau et des installations dassainisse-ment, leurs besoins quotidiens ou au type dinstallation le plus adapt leurs besoins. Or, ce sont les femmes qui utilisent et maintiennent en tat les services et qui sont les plus exposes aux dangers lis laccs des installations inadaptes.

    La probabilit quun individu ait accs des services deau et dassainissement est fonction de son lieu de vie. Les individus vivant dans des pays dvelopps bnficient, en gnral, dun meilleur accs des quantits suffisantes deau potable leur domi-

    Proportion de la population par type de pratiques relatives lassainissement et quintile de richesse, asie du Sud-est, entre 1995 et 2008 (en pourcentage) source : rapport sur les objectifs du millnaire pour le dveloppement, nations unies, new York, 2011, p.56.

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    Lensemble des droits de lhomme impose trois types dobligations aux gouverne-ments : respecter, protger et mettre en uvre les droits de lhomme. Sagissant des droits leau et lassainissement, lobligation de respect implique que les Etats ne peuvent priver de leurs droits les individus, par exemple en vendant un terrain dot dune source deau et en interdisant aux usagers daccder la source sans prvoir de solutions alternatives. Les Etats, de par leur obligation de prserver les droits leau et lassainissement, doivent empcher des parties tierces de polluer une source deau. Lobligation de mise en uvre des droits leau et lassainissement exige des Etats quils garantissent la mise en place de conditions propices la ralisation par tout un chacun de ses droits. Cela nimplique pas forcment que lEtat doive fournir les servi-ces, mais il doit, en revanche, faire en sorte que ces services soient fournis, ventuelle-ment via un organisme tiers ou des services municipaux, en promouvant les droits et en facilitant leur exercice. Dans certains cas, lorsque des groupes ne sont pas en me-sure dexercer leurs droits travers dautres mcanismes, il peut tre demand lEtat de garantir ces droits directement.

    Cela ne signifie pas que les individus et les mnages ne sont en aucun cas responsa-bles de leur accs des services deau et dassainissement. En effet, sagissant des ser-vices dassainissement par exemple, certains aspects relvent entirement de la respon-sabilit de lindividu ou du mnage, comme lentretien hyginique des toilettes ou la-trines et ladoption de bonnes pratiques dhygine. LEtat est, en revanche, dans lobli-gation de sassurer que les individus sont en mesure dassumer leurs responsabilits, notamment par la garantie de services abordables.

    Lensemble des droits conomiques, sociaux et culturels, y compris les droits leau et lassainissement, sont soumis au principe de ralisation progressive . La rali-sation progressive se dfinit comme une manire daffirmer le devoir des Etats parties, au PIDESC de prendre des mesures dlibres, concrtes et cibles visant res-pecter leurs obligations dcoulant du Pacte, tout en admettant que la pleine ralisation des droits de lhomme constitue un processus long terme se heurtant souvent des contraintes dordre technique, conomique et politique15. La ralisation progressive nest pas cense servir dexcuse linaction des Etats ; ce principe reconnat que la pleine ralisation est normalement atteinte graduellement et quil est toujours possible den amliorer les conditions16. Selon lObservation gnrale n 3 du Comit des droits conomiques, sociaux et culturels relative la nature des obligations des Etats parties, toute mesure dlibrment rgressive ... doit tre pleinement justifie ... en faisant usage de toutes les ressources disponibles 17. Lobligation dutiliser toutes les res-sources disponibles et dy avoir accs comprend galement le devoir de lEtat de solliciter une aide internationale lorsque cela savre ncessaire et de percevoir des revenus suffisants par lintermdiaire de mcanismes fiscaux ou autres18.

    En quoi consistent les droits de lhomme ?

    Lensemble des droits de lhomme remonte la Dclaration universelle des droits de lhomme (DUDH) adopte en 1948 par lAssemble gnrale des Nations Unies. La DUDH (une simple Dclaration dnue de tout caractre juridiquement contrai-gnant et se limitant numrer des normes et des principes gnraux en matire de protection des droits de lhomme) a t suivie de ladoption de deux Conventions trai-tant de groupes de droits spcifiques. En 1966, les Etats membres des Nations Unies ont adopt le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels (PIDESC). La Dclaration universelle des droits de lhomme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels ainsi que leurs Protocoles facultatifs constituent la Charte internationale des droits de lhomme.

    Les droits prvus par la Charte internationale des droits de lhomme ont t prci-ss au fil du temps. Tout dabord, une srie de nouveaux traits relatifs aux droits de lhomme protgeant des groupes dindividus spcifiques ou traitant de situations par-ticulires prsentant des enjeux particuliers ou des menaces portes aux droits de lhomme a t adopte. On peut notamment citer la Convention internationale sur llimination de toute forme de discrimination raciale (1965)7, la Convention interna-tionale sur llimination de toutes les formes de discrimination lgard des femmes (1979)8, la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants (1984)9, la Convention internationale relative aux droits de lenfant (1989)10, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990)11, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapes (2006)12 et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forces (2006)13. De plus, les organismes internationaux de dfense des droits de lhomme, tels que lAssemble gnrale des Nations Unies, le Conseil des droits de lhomme (an-ciennement la Commission des droits de lhomme), mais galement les Comits dex-perts indpendants chargs de veiller au respect, par les Etats parties, des traits rela-tifs aux droits de lhomme mentionns ci-dessus, ont dfini et interprt les droits de lhomme dans leurs moindres dtails. Ainsi, le droit international relatif aux droits de lhomme offre de nos jours une protection accrue des individus et groupes spcifi-ques, et couvre davantage de questions en prenant en compte les menaces et enjeux pesant actuellement sur lavenir de lhumanit. Par ailleurs, de nombreux droits prvus par les traits sont galement devenus contraignants comme partie intgrante du droit international coutumier, ensemble de rgles et de normes sappliquant de manire g-nrale aux Etats14.

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    actes et omissions directement imputables lEtat. Les violations surviennent lorsquune loi, une politique ou une pratique va lencontre ou ignore les obligations lies aux droits de lhomme incombant un Etat ou lorsque lEtat supprime ou re-nonce aux systmes de protection des droits de lhomme dj en place.

    Quelle est lorigine des droits leau et lassainissement ?

    Lorsque lAssemble gnrale des Nations Unies a adopt en 1948 la Dclaration uni-verselle des droits de lhomme, les droits leau et lassainissement ne figuraient pas explicitement dans le texte. Cette omission doit tre comprise dans le contexte mon-dial de lpoque. Le cadre rglementaire lchelle mondiale tait bien diffrent de celui daujourdhui, le colonialisme tait encore une force dominante et maints pays dont la population souffrait dun manque daccs leau et lassainissement ntaient pas reprsents lors des ngociations. La socit civile jouait un rle moins dtermi-nant qu lheure actuelle o elle attire notre attention et celle de nos gouvernements sur les souffrances des peuples du monde. Les pays taient alors moins urbaniss, avec quelques rares tablissements spontans densment peupls, la question du manque de services deau et dassainissement en zone urbaine ntait donc pas aussi pineuse quelle ne lest prsent.

    Le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels est le premier trait contraignant au niveau international consacrer les droits conomi-ques, sociaux et culturels. Les ngociations sur le contenu du Pacte au sein de la Com-mission des droits de lhomme ont pris fin en 195421. Le texte a ensuite t soumis lAssemble gnrale des Nations Unies et na depuis lors subi que trs peu de modi-fications. Les justifications voques plus haut expliquant le silence de la DUDH lgard des droits leau et lassainissement sappliquent aussi parfaitement au PI-DESC. La Dclaration universelle et le Pacte international relatif aux droits conomi-ques, sociaux et culturels font tous deux rfrence au droit de tout un chacun dispo-ser dun niveau de vie suffisant22, ce qui inclut implicitement lalimentation, lhabille-ment et le logement. Il a t avanc que linclusion de ces trois aspects sans rfrence explicite aucune leau ne pouvait sexpliquer que par le fait que leau, limage de lair, tait suppos comme tant une ressource accessible tous.

    La crise de leau et de lassainissement stant accentue au cours de la seconde moi-ti du vingtime sicle, avec les consquences sanitaires et conomiques que cela com-porte, la communaut des dfenseurs des droits de lhomme a pris en considration limportance croissante de leau et de lassainissement. De nombreux parmi les plus rcents traits relatifs aux droits de lhomme mentionnent de manire explicite lim-portance de leau et/ou de lassainissement dans la mise en uvre des droits de lhom-me, notamment la Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination

    Bien que la ralisation progressive des droits conomiques, sociaux et culturels puisse tre un processus continu, ces droits engendrent galement des obligations avec effet immdiat. Ces obligations varieront en fonction du contexte mais lobligation de respecter, de protger et de mettre en uvre les droits de manire non discriminatoire, participative et responsable constitue un devoir immdiatement contraignant. De la mme manire, chaque Etat doit prendre des mesures instantanes visant la mise en uvre intgrale des droits pour tous. Concernant leau et lassainissement, les Etats doivent lancer des initiatives avec pour objectif la ralisation universelle en fournissant un niveau daccs minimal lensemble de la population19. Non-discrimination, parti-cipation et responsabilit constituent lessence des initiatives tatiques visant amlio-rer laccs aux services deau et dassainissement ; ces piliers doivent tre prservs sans aucune forme de dlai20.

    Les principes de non-discrimination et dgalit reconnaissent que les individus ont des besoins diffrents dcoulant de caractristiques spcifiques ou du fait dune discri-mination et doivent donc bnficier de traitements distincts. Tous les tres humains peuvent se prvaloir des droits de lhomme, sans discrimination aucune, quelle se fonde sur la race, la couleur, le sexe, lappartenance ethnique, lge, la langue, la reli-gion, lopinion, politique ou autre, lorigine nationale ou sociale, le handicap, la for-tune, la naissance ou toute autre situation, comme lont expliqu les organismes des traits relatifs aux droits de lhomme. Les droits de lhomme exigeront parfois des Etats parties quils prennent des mesures positives pour attnuer ou liminer les condi-tions lorigine de la discrimination ou qui contribuent la perptuer.

    La discrimination peut soit tre de jure, cest--dire inscrite dans la loi, soit de facto, ce qui inclut la discrimination indirecte dcoulant de politiques en apparence neutres et de la discrimination sociale. Ces deux formes de discrimination sont interdites, bien quil soit plus difficile didentifier et de remdier la seconde. En outre, les Etats sont tenus dassurer aux individus et aux groupes une galit substantielle et non formelle, ce qui implique de leur part des mesures actives et positives visant garantir lensemble de la population le droit lgalit et la pleine jouissance de ses droits de lhomme, en termes dopportunits et de rsultats, indpendamment de son statut ou position sociale.

    Toute personne est en droit de bnficier, de contribuer et de participer activement, librement et de manire effective au dveloppement civil, culturel, conomique, poli-tique et social.

    Les Etats doivent respecter les normes juridiques prvues par les instruments de pro-tection des droits de lhomme et le droit international coutumier, et les titulaires de droits sont habilits exercer des voies de recours quand les Etats manquent au respect des droits de lhomme. Ces derniers dfinissent la relation unissant lEtat et les dtenteurs de droits.

    Les violations des droits de lhomme comprennent les infractions gouvernementa-les aux droits garantis par la lgislation relative aux droits de lhomme ainsi que les

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    ta b l e d e s m at i e r e siNtrOdUctiON

    encadre 0.1 droit de lhomme ou droits de lhomme leau et lassainissement ?

    la rsolution de lassemble gnrale de 2010 reconnaissant explicitement le droit de lhomme

    leau et lassainissement, la rsolution du conseil des droits de lhomme adopte la mme anne et

    qui confirme que ce droit dcoule du droit un niveau de vie suffisant, et la rsolution du conseil des

    droits de lhomme de 2011 renouvelant (et rebaptisant) le mandat de la rapporteuse spciale sur le

    droit des services deau potable et dassainissement srs, tous ces instruments font mention dun

    seul et unique droit de lhomme. toutefois, la rapporteuse spciale considre que leau et lassainis-

    sement devraient tre traits comme deux droits de lhomme distincts, tous deux inclus au mme

    titre dans le droit un niveau de vie suffisant, mais ayant un statut gal.

    cette approche sexplique par des raisons pragmatiques. trop souvent, lorsquil est fait rfrence

    conjointement leau et lassainissement, limportance de lassainissement est revue la baisse en

    raison de la prfrence politique accorde leau. faire de leau et de lassainissement deux droits

    de lhomme distincts permet aux gouvernements, la socit civile et aux autres acteurs de prter

    une attention particulire la dfinition de normes spcifiques au droit lassainissement et sa

    ralisation. distinguer le droit lassainissement du droit leau implique aussi que toutes les op-

    tions dassainissement ne reposent pas sur des systmes de tout--lgout. cet ouvrage fera ainsi rfrence aux droits de lhomme leau et lassainissement en utilisant la

    forme plurielle, sauf lorsque quil sera fait mention de citations directes issues des documents offi-

    ciels adopts par les Nations Unies.

    Liens avec dautres droits de lhomme

    Tous les droits de lhomme ont un statut gal et sont universels, indivisibles, interd-pendants et troitement lis. Chaque individu peut se prvaloir part gale de len-semble des droits de lhomme, civils, culturels, conomiques, politiques ou sociaux, et il nexiste aucune hirarchie entre ces droits33.

    Les droits leau et lassainissement ne sont pas isols des autres droits de lhom-me et un lien troit unit les individus qui ne jouissent pas des droits leau et lassai-nissement et ceux ne bnficiant pas non plus des droits au logement, lalimentation, lducation et la sant.

    Les droits leau et lassainissement peuvent tre perus comme jouant un rle central dans la ralisation de bon nombre dautres droits de lhomme. Un accs inad-quat des services deau et dassainissement srs met en danger la sant humaine. Lorsquils sont malades, les enfants ne peuvent aller lcole ou voient leur capacit dattention rduite. Les enfants, particulirement les filles, ne peuvent se rendre

    lgard des femmes (Committee on the Elimination of Discrimination against Wo-men, CEDAW)23, la Convention relative aux droits de lenfant (CIDE)24 et la Conven-tion relative aux droits des personnes handicapes (Convention on the Rights of Per-sons with Disabilities, CRPD)25.

    En 2002, le Comit des droits conomiques, sociaux et culturels (CESCR), lorga-nisme de trait charg de veiller au respect par les Etats du PIDESC, a adopt lOb-servation gnrale n 15 relative au droit leau. Les observations gnrales sont des interprtations officielles du PIDESC. Elles clarifient le contenu des droits et sont utilises dans le contrle du respect des obligations des Etats parties.

    Les droits de lhomme leau et lassainissement dcoulent de plusieurs disposi-tions du PIDESC et de leurs quivalents en droit international coutumier. LObserva-tion gnrale n 15 estime que le droit leau est inclus de manire implicite dans le droit un niveau de vie suffisant (Article 11 du PIDESC) et, depuis 2010, lassainisse-ment est galement compris dans cette interprtation. En novembre 2010, le PIDESC a dclar que Le Comit considre que le droit lassainissement doit tre pleinement reconnu par les Etats parties conformment aux principes des droits de lhomme rela-tifs la non-discrimination, lgalit des genres, la participation et la responsabilit26, la suite au rapport de la Rapporteuse Spciale datant de 2009 relatif lassainisse-ment, qui met en avant les obligations lies aux droits de lhomme en matire dassai-nissement27. De surcrot, laccs des services deau et dassainissement est indispen-sable la ralisation du droit un logement dcent, du droit de jouir du meilleur tat de sant possible et du droit la vie28. La reconnaissance de leau et de lassainissement comme droits de lhomme a t raffirme par lAssemble gnrale des Nations Unies en juillet 201029 et par le Comit des droits de lhomme en septembre 201030.

    La Dclaration des droits des peuples autochtones de 2007 a galement rendu comp-te de certaines proccupations en matire daccs leau, en accordant une attention particulire la relation spirituelle quentretiennent les peuples autochtones31.

    Enfin, les Conventions de Genve relatives la protection des victimes des conflits arms (1949) et leurs Protocoles additionnels (1977) soulignent limportance de laccs leau et lassainissement pour les prisonniers de guerre et les populations civiles pour la sant et la survie lors de conflits arms, internationaux ou non internationaux32.

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    priorit aux besoins des individus touchs par la discrimination, marginaliss ou les plus exposs. Cette tche implique de dterminer si les pratiques et politiques existan-tes lies leau et lassainissement sont discriminatoires, quelles soient fixes par la loi ou quelles dcoulent davantage dune discrimination dordre historique ou de pra-tiques sociales et culturelles. Le droit lgalit implique que les Etats assurent que la lgislation, les politiques et les programmes soient modifis de faon prendre en compte et remdier aux questions lies la discrimination et la marginalisation.

    La mise en pratique des principes de non-discrimination et de participation a eu des rpercussions importantes sur la mise en lumire des revendications des femmes et enfants. Lengagement croissant des femmes dans les processus de dveloppement, notamment dans les programmes conus pour faciliter laccs leau et lassainisse-ment, qui relvent principalement de la responsabilit des femmes, est reconnu com-me ayant eu un effet positif sur la durabilit et ladquation des services deau et das-sainissement. Aussi, les enfants peuvent tre des acteurs du changement notamment en matire de pratiques dhygine et dadoption et dutilisation des latrines. Lorsque lcole promeut de bonnes pratiques dhygine par lintermdiaire de centres de sant et dune utilisation pertinente de lassainissement, ces informations sont souvent trans-mises aux familles des enfants par le biais de ces derniers.

    La ralisation des droits de lhomme en gnral, et notamment des droits leau et lassainissement, ne dpend pas des systmes politiques et conomiques. Les droits de lhomme sont ainsi susceptibles dtre raliss dans un contexte de multiplicit des systmes conomiques et politiques 34. Les droits de lhomme ne sont pas soumis un programme politique particulier. Ils reconnaissent que lensemble des besoins et droits des individus doivent tre respects, le prambule de la Dclaration universelle des droits de lhomme raffirmant que dans lgalit des droits des hommes et des femmes favoriser le progrs social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une libert plus grande 35. Comme indiqu ci-dessus, ce nest pas un hasard si les individus vivant dans la pauvret sont gnralement ceux ne bnficiant pas dun accs leau et lassainissement. Dans ce cadre, les droits de lhomme permettent de passer en revue les raisons structurelles de la pauvret et du manque daccs et de trouver des moyens dattnuer ces problmes.

    La ralisation de tout droit, y compris des droits leau et lassainissement, entrane ainsi presque toujours la remise en cause des structures du pouvoir en place afin que les individus ne bnficiant pas des droits leau et lassainissement puissent les revendi-quer. Cette revendication peut prendre la forme de manifestations ou de recours devant les tribunaux, mais peut galement se matrialiser par ladoption de lois, politiques et rglementations prenant en considration et respectant les principes cls des droits de lhomme tout en donnant la priorit aux besoins des individus vivant dans la pauvret, aux victimes de discriminations et aux individus et groupes marginaliss et vulnrables.

    lcole en raison des longues distances parcourir pour la collecte de leau. Les adoles-centes sont plus exposes labsentisme ou lchec scolaire si elles frquentent des coles ne disposant pas de toilettes pour filles sres et qui leur sont rserves. La mor-talit maternelle ou infantile est accentue par le manque deau potable et la mauvaise hygine en dcoulant. La mise en uvre du droit au logement suppose laccs des services indispensables afin dassurer un logement dcent, y compris les services deau et dassainissement. Par ailleurs, lensemble des droits conomiques, sociaux et culturels im-pliquent que soient garanties la scurit personnelle, la libert dexpression et la dmocra-tie reprsentative, comme laffirment les principes de responsabilit et de participation.

    Les droits civils et politiques, tels que le droit la libert dexpression, le droit de libert dassociation, le droit la dmocratie reprsentative, le droit de participer aux affaires publiques, le droit ne pas subir de torture et de traitements cruels, inhumains ou dgradants, le droit la vie, le droit linformation et la garantie dune scurit personnelle sont galement essentiels pour assurer le respect des droits leau et lassainissement, et vice versa. Nous y reviendrons en dtail au chapitre quatre.

    Pourquoi les droits leau et lassainissement sont fondamentaux pour la justice sociale et lgalit : remise en cause des normes sociales, promotion de lautonomisation

    Dfinir les raisons motivant labsence daccs leau et lassainissement ainsi qu dautres services de premire ncessit, pour des individus ou groupes spcifiques, nous fera prendre conscience des ingalits qui svissent dans notre monde, lesquelles prennent souvent forme dans le tissu social. Les droits de lhomme remettent en cause les relations de pouvoir existantes en tablissant que les ingalits en matire daccs leau et lassainissement ne sont pas uniquement inacceptables du point de vue de la morale mais sont galement interdites par le droit international. Les Etats doivent revoir leur lgislation, leurs politiques et sassurer que lensemble des individus ait une pleine jouissance de leurs droits.

    Les droits leau et lassainissement permettent tout un chacun de disposer de services deau et dassainissement srs, abordables, accessibles, culturellement accepta-bles et fournis de manire participative, responsable et non-discriminatoire. Les gou-vernements ont lobligation de garantir lensemble de la population laccs ces ser-vices dans un dlai raisonnable. Ils doivent pour cela adopter des lois, politiques, pro-grammes appropris, dots de ressources suffisantes et assurer leur suivi. Les droits leau et lassainissement apportent non seulement un cadre juridique imposant aux Etats la fourniture de ces services mais galement un ensemble de principes guidant lEtat dans la dfinition des priorits lies lallocation des ressources, en se rfrant aux principes de participation et de non-discrimination afin dassurer un accs pour tous.

    Les principes de non-discrimination et dgalit imposent aux Etats de donner la

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    la mise en uvre des droits leau et lassainissement implique que tant les moyens que la fin

    dfinissent une approche respectueuse des droits de lhomme dans le cadre de la fourniture de ser-

    vices, avec comme principes cls la participation, laccs linformation, la transparence, la non-

    discrimination et la responsabilit.

    les Omd actuels ne prennent pas non plus en compte la question primordiale des droits de

    lhomme qui devrait donner la priorit certaines tranches de la population. lors de rcents dbats,

    les experts en matire deau et dassainissement ont convenu que lapplication du principe de non-

    discrimination et la garantie de la priorit aux individus et groupes les plus vulnrables et marginali-

    ss doivent se reflter dans les nouveaux objectifs. ces derniers devront galement sattaquer aux

    problmes de la qualit et du cot de leau et de lassainissement, lments relatifs aux droits de

    lhomme qui nont pas du tout t pris en considration dans les Omd actuels.

    les futurs instruments de suivi de laccs leau et lassainissement et les objectifs post-2015

    devront reflter les enjeux lis aux droits de lhomme. dans la mesure o les gouvernements ayant

    reconnu leau et lassainissement comme droits de lhomme sont les mmes que ceux qui se runi-

    ront pour les ngociations du programme daction mondial post-2015, il est de la plus haute impor-

    tance dassurer une cohrence entre les positions adoptes lors de ces diffrents forums. les droits

    de lhomme ne doivent tre oublis lors des ngociations du programme post-2015. des progrs ont

    dores et dj t raliss dans ce domaine avec un questionnaire mis jour pour le rapport Glaas,

    et le programme commun de suivi Oms/UNicef, principal organe charg de contrler le respect de

    lobjectif 7c relatif laccs leau et lassainissement, travaille galement linclusion des crit-

    res compris dans les principes et normes relatifs aux droits de lhomme. cet aspect sera dvelopp

    en dtail au chapitre quatre.

    Les Etats ont une obligation positive de commencer attnuer les disparits en matire daccs leau et lassainissement susceptibles de toucher les groupes et in-dividus les plus exposs comme les femmes, les enfants, les individus vivant en zone rurale et dans des zones recules, les communauts indignes, les minorits et les per-sonnes handicapes37. Tout au long de ce processus, lensemble des projets visant amliorer laccs leau et lassainissement doit se fonder sur les principes de parti-cipation, de responsabilit et de transparence38.

    La participation et laccs linformation sont depuis longtemps les lments cls dune bonne pratique de dveloppement dans la mesure o ils aident garantir lac-ceptabilit, le caractre abordable et la durabilit des services deau et dassainisse-ment. Le cadre relatif aux droits de lhomme oblige les Etats assurer la participation de tous les acteurs et si la participation na pas t convenablement facilite, ce cadre permet galement aux individus et groupes de demander lEtat, ou tout organisme dlgu par ce dernier de sexpliquer. Tous les acteurs touchs par une dcision donne doivent pouvoir avoir accs un processus participatif afin dy prendre pleinement part, y compris les individus ne jouissant pas dune position sociale leve, les victimes

    Les principes et normes relatifs aux droits de lhomme fournissent un cadre auquel les Etats et autres acteurs peuvent avoir recours afin dvaluer laccs aux services deau et dassainissement et concevoir des approches visant lamliorer pour ceux qui en sont dpourvus. La valeur des droits leau et lassainissement est tout aussi importante dans les pays o seuls quelques individus nont pas accs leau et lassainissement que dans les pays o un nombre considrable dindividus se voient refuser cet accs.

    encadre 0.2 droits de lhomme et objectifs du millnaire pour le dveloppement

    les Objectifs du millnaire pour le dveloppement (Omd) ont largement contribu la prise de

    conscience, par les etats et lopinion publique, des souffrances et des conditions de misre extrmes

    endures par un grand nombre dindividus, des chiffres rvoltants en termes de mortalit maternelle

    et infantile, du niveau dducation extrmement faible dans bon nombre de pays et du manque dac-

    cs des services deau et dassainissement srs. les Omd ont notamment permis dinciter les gou-

    vernements prendre des engagements publics visant amliorer le sort de populations cibles et

    dimpliquer la socit civile aux cts des gouvernements afin datteindre ces objectifs.

    toutefois, les Omd ne refltent pas les principes relatifs aux droits de lhomme et cette situation

    devra tre reconnue lors des dbats visant dfinir les nouveaux objectifs post-2015. en premier

    lieu, et de manire cruciale, la plupart des objectifs ne tendent pas laccs universel mais visent

    plutt rduire le nombre dindividus ne bnficiant pas de laccs tel ou tel service. leau et las-

    sainissement dont les objectifs consistent rduire de moiti, dici 2015, la population ne dispo-

    sant pas dun accs leau et lassainissement sont dans cette situation. ces objectifs ont t

    tablis afin de fixer des objectifs ralistes et, en ce qui concerne laccs leau, lobjectif sera pro-

    bablement atteint, bien quil existe de grandes disparits rgionales. toutefois, il reste beaucoup

    faire dans la mesure o prs dun milliard dindividus nont toujours pas accs des sources deau

    amliores . lobjectif relatif laccs lassainissement est lun des Omd accusant le plus de

    retard et lon estime quen labsence de modifications significatives des priorits actuellement ta-

    blies, cet objectif ne sera pas atteint un milliard dindividus prs36. afin dencourager les etats

    tre plus ambitieux et faire concider eau et assainissement avec droits de lhomme, il est nces-

    saire de sassurer que les objectifs post-2015 visent laccs universel leau et lassainissement.

    les indicateurs et dlais pour la ralisation de ces objectifs pourraient alors tre models afin de

    prendre en compte les exigences lies la ralisation progressive, les besoins spcifiques des pays et

    les dispositions financires indispensables pour atteindre laccs universel.

    il se peut que, dans le processus li aux Objectifs du millnaire pour le dveloppement, la rali-

    sation des objectifs ait t la principale proccupation de nombreux pays, tant dvelopps quen

    dveloppement. invitablement, la quantit a parfois prvalu sur la qualit et les effets immdiats ont

    prim sur les changements durables. parvenir des rsultats aisment quantifiables et rapides com-

    bins des progrs significatifs sur le long terme a constitu lune des principales difficults, tout

    comme laffectation des ressources lies la ralisation des Omd.

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    ta b l e d e s m at i e r e siNtrOdUctiON

    Critres de bonnes pratiques en matire de droits leau et lassainissement

    La ralisation progressive est renforce par un certain nombre dobligations dont lob-jectif est de maintenir les Etats sur la bonne voie. Ceux-ci ne doivent pas simplement travailler progressivement pour atteindre la pleine ralisation des droits de lhomme mais doivent le faire en ayant recours, dans la mesure du possible, toutes les ressour-ces disponibles39. Les options disponibles dpendront videmment des pays. La clause est flexible et agit simplement comme mesure visant sassurer que les Etats ne tentent pas de se conformer leurs obligations internationales par des promesses futiles et des demi-mesures.

    Afin de garantir la ralisation progressive40 et dviter une rtrogression qui serait inacceptable, les Etats doivent galement faire en sorte que les politiques ou mesures entreprises ne conduisent pas les individus disposant dun accs leau et lassainis-sement la perte de ce dernier. Cela inclut de ne pas augmenter draisonnablement le cot des services deau et dassainissement afin que les individus puissent continuer bnficier dun service minimum.

    Les principes et normes relatifs aux droits de lhomme prvus dans lObservation gnrale n 15 relative au droit leau, qui sappliquent galement lassainissement41 (comme lensemble des droits de lhomme), constituent le fondement des critres vi-sant dterminer si une pratique pourrait tre incluse dans cet ouvrage. Ils ont t clas-ss en cinq critres transversaux, applicables tous les droits de lhomme, et cinq crit-res dcoulant du contenu normatif des droits leau et lassainissement. La non-dis-crimination, la participation et la responsabilit sont les principes majeurs relatifs aux droits de lhomme. Deux autres critres transversaux ont t inclus, savoir limpact et la durabilit. Ainsi, une bonne pratique doit avoir un impact positif sur lenvironnement prvalant sa mise en uvre afin de prouver son efficacit. Elle doit galement tre durable afin que les individus et groupes puissent continuer avoir accs aux services deau et dassainissement, et ce, mme aprs la fin du projet ou du programme.

    Les critres transversaux peuvent tre dcrits comme suit, tout en gardant lesprit que ces descriptions ne sont en rien exhaustives :

    non-discrimination

    Les services deau et dassainissement doivent tre fournis sans discrimination aucune et il convient de veiller tout particulirement fournir des services aux indivi-dus qui ne sont pas en mesure de se les procurer eux-mmes ainsi quaux individus et groupes exclus et ceux les plus exposs. Alors que le double critre dgalit et de non-discrimination signifie que les individus ne peuvent tre traits diffremment sans motif lgitime, il impose galement aux Etats de prendre des mesures positives lorsque les conditions lexigent en vue de mettre fin aux pratiques discriminatoires en matire deau et dassainissement. Cela implique une analyse plus approfondie visant consi-

    de stigmatisation au sein de la communaut ou ncessitant des arrangements particu-liers. Lobligation tatique est une composante importante dans la mesure o elle ga-rantit que la participation est un prrequis durable et pas seulement une ide louable pouvant tre supprime de manire dsinvolte.

    Lamlioration de laccs des services deau et dassainissement dpend de la vo-lont politique, dun climat politique favorable et de la disponibilit de ressources fi-nancires et de gestion suffisantes pour fournir des services. A moins que ne soit prise une dcision spcifique visant fournir des services lensemble de la population, in-dpendamment du lieu de vie des individus ne disposant pas de ces services et de leurs revenus, laccs universel restera une utopie. Lassainissement, en particulier, doit tre envisag dans son intgralit, de la collecte des dchets leur transport, traitement et limination. Les individus vivant dans des tablissements spontans sont en droit de bnficier de services deau et dassainissement. Pour ce faire, les Etats doivent sassu-rer que le contexte politique prend en considration cette donne et permet aux pres-tataires de services, publics ou privs, grande ou petite chelle, de fournir des services srs et abordables dans ces zones, indpendamment du statut foncier. Cette dmarche peut impliquer ladoption dune approche diffrencie en termes de fourniture de ser-vices dans des zones viabilises (une solution provisoire comprenant des latrines par-tages, des kiosques eau ou la fourniture deau partir de citernes eau peut savrer ncessaire) tout en recherchant des solutions plus adaptes et plus long terme. Pour ce faire, il peut tre ncessaire de rexaminer les mesures dincitation mises en place pour encourager les prestataires de services assurer la desserte, par le biais du financement ou de la rforme des structures tarifaires, afin de sassurer que ces mesures sont favo-rables aux pauvres. Les solutions peuvent galement inclure le relogement dans les cas o ltablissement se trouve sur des terrains inadapts ou dangereux, si cela est pro-pos aprs consultation pralable des habitants.

    Le manque de ressources financires, techniques et de gestion, notamment au ni-veau local, reste un problme sagissant de la fourniture de services deau et dassainis-sement. Cette situation rappelle limportance de la formation, du renforcement des capacits et dune meilleure comprhension des principes de participation, de respon-sabilit et de non-discrimination.

    Un des avantages cls du recours un cadre se fondant sur les droits de lhomme pour garantir laccs universel aux services deau et dassainissement est lobligation de rendre compte. Cette responsabilisation fournit un cadre propice au suivi, au dvelop-pement de mcanismes de plainte et des voies de recours en cas de violations ou de manquements de lEtat fournir de tels services.

    Ces principes et normes crent un cadre pouvant tre adapt chaque pays. Ils font non seulement rfrence lobjectif daccs universel conformment aux droits de lhomme, mais prcisent galement le processus permettant datteindre cet objectif.

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    disponibilit

    Les Etats sont tenus de sassurer quils sont en mesure de satisfaire leurs obligations en mettant en place les systmes et structures ncessaires et, par ailleurs, de garantir que les services deau et dassainissement sont disponibles dans tous les aspects de la vie quotidienne, y compris sur le lieu de travail. Dautre part, leau doit tre disponible en quantit suffisante pour les utilisations personnelles et domestiques quil convient de privilgier par rapport aux utilisations de leau des fins agricoles ou industrielles. Cet aspect est notamment crucial lorsque le manque deau a conduit la surexploita-tion des ressources hydrauliques. Les installations ddies au traitement et llimina-tion des dchets doivent permettre de protger la sant et la dignit humaine, ainsi que lenvironnement.

    Qualit/sret

    Les toilettes et leau doivent tre de bonne qualit et sres lemploi de jour com-me de nuit. Leau ne doit pas contenir de polluants organiques et chimiques pouvant provoquer des maladies. Les toilettes doivent tre correctement construites de faon ne pas mettre en danger la sant physique, simples nettoyer et accessibles en toute scurit lensemble de la population, y compris la nuit.

    acceptabilit

    Les services deau et dassainissement doivent tre culturellement acceptables pour lensemble des individus et des toilettes hommes et femmes spares doivent tre dis-ponibles lorsque les conditions lexigent. Les coles doivent prvoir des installations sanitaires spares pour les filles et les garons, notamment au cours de ladolescence lorsque le besoin dintimit se fait ressentir. Les services deau et dassainissement doi-vent tre prvus des endroits stratgiques en tenant compte du fait que leau et las-sainissement sont souvent soumis des coutumes ou des exigences dordre culturel ou religieux. Cette dimension savre galement importante dans dautres institutions ou lieux publics (par exemple, les hpitaux, les transports et les marchs).

    accessibilit

    Les services deau et dassainissement doivent tre facilement accessibles tous les individus, y compris les enfants, les personnes ges et handicapes, et se trouver dans ou proximit du foyer, du lieu de travail et de tous les autres aspects de leur vie, afin de pouvoir en tirer un bnfice maximal en termes de sant, sret et dignit (notam-ment lassainissement). Laccessibilit implique galement un dlai dattente raisonna-ble avant de pouvoir accder aux services deau et dassainissement.

    Cot abordableLes services deau et dassainissement doivent tre dun cot abordable pour len-

    semble de la population tout en lui permettant dacqurir dautres biens et daccder dautres droits de lhomme comme le droit au logement, lalimentation ou aux servi-ces de sant. Cette exigence est ralisable, par exemple, par lintermdiaire dune

    drer la discrimination selon le lieu de vie dun individu, de son appartenance ethnique et de la faon dont dautres formes de discrimination laffecte. Une bonne pratique garantira que tous les individus disposent dun niveau daccs minimum avant de pen-se lamlioration des niveaux de service de ceux jouissant dj de ce niveau daccs.

    Participation

    Toutes les mesures ayant un impact sur laccs des individus aux services deau et dassainissement doivent offrir des conditions propices leur implication. Les usagers, notamment ceux qui sont gnralement sous-reprsents, savoir les femmes, les mi-norits ethniques et raciales et les groupes marginaliss, doivent tre en mesure de participer la prise de dcision lie leur accs leau et lassainissement. La trans-parence et laccs linformation sont essentiels une participation effective (se rf-rer lencadr 3.14 du chapitre trois relatif aux niveaux de participation).

    responsabilit

    Les Etats ont lobligation de respecter, protger et mettre en uvre les droits leau et lassainissement et doivent rendre compte du respect de ces obligations lgard des individus placs sous leur contrle. La responsabilit peut prendre diff-rentes formes mais peut comprendre un suivi, des mcanismes de plainte, un processus de rglement des diffrends et une gouvernance transparente.

    impact

    Une pratique peut avoir un impact au niveau dune petite communaut ou dun pays dans son ensemble mais doit dans tous les cas avoir des effets positifs tangibles contribuant la ralisation progressive des droits leau et lassainissement. Une bonne pratique protge les intrts et satisfait les besoins des individus ne disposant pas daccs leau et lassainissement et garantit galement la continuit des services fournis ceux disposant dun accs adquat.

    durabilit

    Les pratiques doivent tre durables du point de vue conomique, environnemental et social, de faon ce que les gnrations futures jouissent des droits leau et lassainis-sement. Elles ne doivent donc pas se limiter faciliter laccs aux services deau et das-sainissement mais se fixer des objectifs sur le long terme. Les pratiques doivent apporter la preuve que les ressources ncessaires au fonctionnement et lentretien sont en place et, lorsquil est trop tt pour pouvoir valuer la situation, que la durabilit du projet a t prise en compte et incluse dans la planification. Sagissant de lassainissement, il est important de sassurer que la durabilit permet des modifications en termes de compor-tement et dutilisation. Les prestataires de services et responsables politiques sont ainsi chargs de faire en sorte que cette durabilit fasse partie intgrante de la planification. Leurs responsabilits ne se limitent pas la simple fourniture dinstallations.

    Les cinq critres tirs du contenu normatif des droits leau et lassainissement sont les suivants :

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    structure tarifaire efficace permettant aux foyers les plus pauvres de payer un prix moins elev pour une quantit minimum deau.

    Ces critres sont dlibrment larges, flexibles et ajustables. Les droits de lhomme nimposent pas un type de politique ou de technologie prcis mais favorise plutt le recours des solutions adaptes au contexte. Cela signifie satisfaire les besoins indivi-duels et donc exclure lusage de solutions uniques. A cet gard, les droits de lhomme prennent en considration la situa