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Page 1: Un volumineux PECome para-rénal

A n n P a t h o l 2 0 0 4 ; 2 4 : 2 7 1 - 3

© M a s s o n , P a r i s , 2 0 0 4 271

Casanatomo-clinique

Accepté pour publicationle 18 février 2004

Tirés à part : A. Vieillefond, voir adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Un volumineux PECome para-rénal

Virginie Audard(1), Maryline Dorel-Le Théo(1), Marie-Dominique Trincard(2),Didier Charitanski(3), Valérie Barn Selmas(2), Annick Vieillefond(1)

(1) Service d’Anatomie et Cytologie Pathologique, Hôpital Cochin, 27 rue du Faubourg Saint Jacques, 75769 Paris Cedex 14.

(2) Service d’Anatomie et Cytologie Pathologique, Centre Hospitalier, 44 Avenue du Président Kennedy, 28107 Dreux.

(3) Service de Médecine interne-endocrinologie, Centre Hospitalier, 44 Avenue du Président Kennedy, 28107 Dreux.

Audard V, Dorel-Le Théo M, Trincard MD, Charitanski D, Boucher E, Vieillefond A. Un volumineuxPECome para-rénal. Ann Pathol 2004 ; 24 : 271-3.

SummaryA large para-renal PEComa

We report the case of a 45-year-old man with a volu-minous para-renal mass. The tumor was composedof epithelioid or spindle-shaped eosinophilic andclear cells with some atypia and an elevated mitoticcount. The immunohistochemical study was positivefor anti-HMB45 antibodies and anti-actin-antibod-ies and negative for epithelial markers and PS100antibodies. The diagnosis of epithelioid AML(PEComa) was established. Two years later, recur-rence was observed with a voluminous mass in the

left upper quadrant of the abdomen, with high cellulardensity and the same immunohistochemical features.This tumor belongs to the PEComa and is not easy todiagnose clinically and morphologically. The immuno-histochemical phenotype is characteristic. AML areusually benign but some epithelioid AMLS outcome canbe unfavorable with metastatic dissemination. Criteriaof malignancy are not clearly defined in the literature.This case shows that the mitotic count and the tumorsize are probably important. ✦

Key words: epithelioid angiomyolipoma, anti-HMB45antibody, PEComa, sarcoma.

Résumé

Nous rapportons le cas d’un patient de45 ans qui présentait une volumineusemasse para-rénale. La prolifération tumoralecomportait des cellules éosinophiles ou par-fois claires, épithélioïdes ou fusiformes avecde nombreuses atypies cytonucléaires et denombreuses mitoses. L’étude immunohisto-chimique montrant un marquage par l’anti-corps anti-HMB45 et l’anticorps anti-actine,alors que les marqueurs épithéliaux et laPS100 étaient négatifs, a permis de porter lediagnostic d’angiomyolipome épithélioïde(AML) ou PECome. Deux ans plus tard, unerécidive survient sous la forme d’une volu-mineuse masse de l’hypochondre gauche

densément cellulaire ayant les mêmes carac-téristiques immunohistochimiques que latumeur initiale. L’AML épithélioïde appar-tient au groupe des PEComes. Son diagnosticpeut être difficile cliniquement et morpho-logiquement mais le profil immunohistochi-mique est caractéristique.Alors que l’AML est une tumeur habituelle-ment bénigne, certains AML épithélioïdesont une évolution défavorable avec desmétastases. Les critères de malignité ne sontpas clairement définis dans la littérature.Cette observation nous permet de les discu-ter et illustre la valeur probable d’un indexmitotique élevé et du volume tumoral. ✦

Mots-clés : angiomyolipome épithélioïde, anticorps anti-HMB45, PECome, sarcome.

Introduction

Dans la littérature, les AML sont deplus en plus souvent rapportés sous ladénomination de PECome, entité hété-

rogène dans sa présentation cliniqueet morphologique. Nous rapportons lecas d’un volumineux AML épithélioïdeou PECome para-rénal ayant posé desproblèmes diagnostiques et dont l’évo-lution a été défavorable avec une réci-dive à 2 ans.

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Cas clinique

Un patient de 45 ans sans antécédent médicalsouffrait depuis un an de douleurs abdomi-nales avec altération de l’état général et amai-grissement. Sur le TDM abdomino-pelvien,on observait une masse volumineuse retro-péritonéale en contact avec le rein gauche etla portion corporéo-caudale du pancréas.L’exérèse chirurgicale a rapporté une piècede 21 × 16 × 10 cm pesant 1 kg. Polylobée etrosée, elle comportait des remaniements kys-tiques et nécrotiques. Histologiquement, ils’agissait d’une prolifération tumoraleencapsulée réalisant des nappes, sans reli-quat de parenchyme préexistant. Les cel-lules parfois plurinucléées étaient de

grande taille, d’allure épithélioïde ou par-fois fusiforme, au cytoplasme clair ou sou-vent éosinophile (figure 1). Les noyaux,pour la plupart volumineux, étaient irrégu-liers parfois fortement nucléolés et aty-piques. Les mitoses étaient nombreuses (8mitoses pour 10 champs au grossissement 40)parfois atypiques (figure 2). En étude immu-nohistochimique, les marqueurs épithéliaux(CK20, CK7, EMA et KL1), la PS100, le CD45, ladesmine et la vimentine étaient négatifs demême que les marqueurs neuro-endocrines.L’HMB45 était positive sur la plupart des cel-lules tumorales (figure 3), et l’anticorps anti-actine marquait quelques éléments tumo-raux. Le diagnostic d’AML épithélioïde depotentiel malin incertain est porté. Aucuntraitement complémentaire n’est réalisé.Deux ans plus tard, le malade récidive sousforme d’une volumineuse masse de l’hypo-chondre gauche. À l’examen histologique, latumeur est densément cellulaire en revancheles mitoses sont moins nombreuses que sur latumeur initiale. Dans ce contexte, le diagnos-tic d’AML épithélioïde malin est fortementenvisagé.

Discussion

Qu’il survienne dans le cadre d’une sclérosetubéreuse de Bourneville ou de façon spo-radique, l’AML est en règle générale à pointde départ rénal. On observe cependant desAML à point de départ varié : foie, ganglionlymphatique, ovaire, utérus, rétropéritoine,médiastin. Récemment, l’origine clonale etdonc la nature tumorale a été prouvée [1].

FIG. 1. — Prolifération tumorale de cellules claires et de cellules éosinophiles ×10 .

FIG. 1. — Neoplastic proliferation with clear and eosinophilic cells ×10.

FIG. 2. — Prolifération tumorale de cellules épithélioïdes éosino-philes avec de nombreuses atypies cytonucléaires et de nombreuses mitoses ×40.

FIG. 2. — Neoplastic proliferation with epithelioid cells displaying cytonuclear atypia and an elevated mitotic count ×40.

FIG. 3. — Étude immunohistochimique par l’anticorps anti-HMB45 : marquage membranaire de la quasi totalité des cellules tumorales ×40.

FIG. 3. — Immunohistochemical study with anti-HMB45 anti-body : membranous staining of most neoplastic cells ×40.

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Une volumineuse tumeur para-rénale

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L’origine à partir des cellules épithélioïdeset périvasculaires a permis de proposer laterminologie de PECome [2]. Ces tumeurspeuvent être de présentation histologiquevariée. L’AML à composante adipeuse pré-dominante, à composante musculaire pré-dominante, lymphangiomatose-like sont engénéral de diagnostic aisé : l’étude immu-nohistochimique est alors inutile. Seule laforme épithélioïde est de diagnostic histo-logique difficile. Cette variété est de des-cription récente (1996 [3]), et a longtempsété confondue avec un carcinome sarco-matoïde dans le rein, un sarcome, en par-ticulier un liposarcome dédifférencié,dans le péritoine, voire avec un sarcome àcellules claires. L’étude immunohistochimi-que montrant une coexpression de l’actinemuscle lisse et de marqueurs mélanique(HMB45 et mélanA) [4] et la négativité desmarqueurs épithéliaux permet d’éliminerun carcinome sarcomatoïde. Le sarcome àcellules claires est éliminé par la négativitéde la PS100. L’évolution des AML épithélioï-des est en principe bénigne. Cependant,quelques rares cas d’AML épithélioïdes ontété décrits avec une évolution défavorableavec apparition de métastases. Parmi les46 cas rapportés par L’Hostis et al [5], seul unest considéré comme malin avec dans l’évo-lution l’apparition de métastases rétropéri-tonéales, hépatiques et périvertébrales.C’est un cas d’AML éptithélioïde monopha-sique. Ken-ichi et al. [7] ont repris 26 casd’AML à point de départ rénal d’évolutionmaligne. Vingt quatre de ces AML sont detype épithélioïde, soit en partie soit entotalité. Dans 13 cas, les mitoses sont nom-breuses avec dans 5 cas des mitoses atypi-ques. Cibas et al. [6] ont repris les mêmescas en étant très critiques : s’agit-il tou-jours d’AML (HMB45 non fait) ? les métas-tases sont-elles prouvées ? Ces auteursadmettent cependant que certains de cescas ont eu une évolution maligne et pro-posent le terme de sarcome ex-angiomyo-lipome. Par ailleurs, Bonetti et al. [8]décrivent 4 cas de sarcome des cellulesépithélioïdes périvasculaires de localisa-tion abdomino-pelvienne survenant chezdes femmes jeunes. Trois de ces patientesdéveloppent des métastases, alors que lesmasses tumorales mesuraient de 2,5 à 9 cmet que les mitoses étaient peu nombreuses.

Conclusion

Les tumeurs du groupe des PEComes corres-pondent à une famille de tumeurs dénom-

mées différemment selon leur aspecthistologique et selon leur localisation. Lediagnostic peut être difficile en particulierlorsque la tumeur est extrarénale et de mor-phologie épithélioïde. Cependant, il devientaisé si l’on réalise une étude immunohisto-chimique démontrant la coexpression desmarqueurs mélaniques et musculaires lisse(actine) avec négativité des marqueurs épi-théliaux et de la PS100. Pour ce qui est dupronostic, la grande taille de la tumeur etl’index mitotique élevé semblent être desfacteurs défavorables, comme l’illustre notreobservation. Cependant, il paraît importantde répertorier les cas afin de déterminer descritères de malignité fiables. Au moment où cet article est publié nousapprenons que le patient récidive pour la 3e

fois sous la forme d’une masse identique deforme de diamètre, sans métastase, soit 3 anset demi après la première intervention. ■

Références

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[6] Cibas ES, Goss GA, Kulke MH, Demetri GD, Flet-cher CDM. Malignant epithelioid angiomyolipoma(Sarcoma ex angiomyolipoma) of the Kidney. A casereport and review of the literature. Am J Surg Pathol2001 ; 25 : 121-6.

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[8] Bonetti F, Martignoni G, Manfrin E, Gambacorta M,Faleri M, Bacchi C et al. Abdominopelvic sarcoma ofperivascular epithelioid cells. Report of four cases inyoung women, one with tuberous sclerosis. ModPathol 2001 ; 14 : 563-8.


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