Truites, génétique et continuité écologique
Avec le soutien du Fonds Européen pour la Pêche Investissons dans une pêche durable
Le projet FEP MigraSûre – une approche particulière pour prioriser les aménagements
Nicolas Mayon (PNHSFA) – Marie-Christine Flamand (UCL-ISV)
Colloque WALPHY – Namur – 14, 15 et 16 octobre 2013
Contexte Concret Conclusion
La truite: qu’a-t-elle de si particulier?
1. Continuité écologique
La truite est un migrateur > nécessité de garantir la libre circulation piscicole.
Contexte Concret Conclusion
La truite: qu’a-t-elle de si particulier?
2. Repeuplements
Nombreux déversements de poissons d’élevage dans le milieu naturel. Risque génétique en cas d’hybridation entre poissons natifs et domestiques (introgression).
Souches d’élevage = pas de sélection naturelle = génotypes peu adaptés au
milieu = succès faible en rivière
- Transmission de gènes à faible potentiel adaptatif > diminution du fitness de la population, outbreeding depression
> déclin des populations.
- Homogénéisation génétique: dilution des différences entre populations
> perte de (bio)diversité. © N
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Populations sauvages = sélection naturelle = individus adaptés leur milieu
= gage de survie des populations
> Plans de conservation des populations peu introgressées
Contexte Concret Conclusion
Continuité écologique: l’impact génétique des obstacles
1. La règle générale: impact négatif
Isolement de (trop) petites populations pouvant conduire à la dérive génétique (réduction des flux de gènes / fixation d’allèles / perte de diversité / consanguinité / diminution du fitness).
2. L’exception qui confirme la règle: impact positif
Protection contre l’hybridation avec les poissons domestiques à faible potentiel adaptatif (a terme, l’impact n’est positif qui si la population isolée présente un effectif suffisant, sinon cf. point 1).
Van Houdt et al., 2005; Fausch et al., 2009…
Le projet MigraSûre: objectif
Restauration de la continuité écologique des cours d’eau du bassin de la Haute-Sûre par la levée d’obstacles à la libre circulation de la faune aquatique sur base des caractéristiques génétiques des populations de truites.
> Priorisation des aménagements intégrant les risques génétiques éventuels
Contexte Concret Conclusion
Le projet MigraSûre
Quelle est la situation génétique des populations de truites du bassin de la Sûre?
Populations de rivière Poissons de pisciculture Les truites de rivière et les poissons d’élevage forment bien deux groupes génétiquement différents.
Echantillonnage en pisciculture + en cours d’eau supposés à l’abri des rempoissonnements.
Echantillonnage Biométrie + prélèvement morceau adipeuse + photo Analyses microsatellites Empreinte génétique par poisson
Constitution de deux référentiels (P et R) sur base desquels les poissons des différents cours d’eau pourront être classés.
Contexte Concret Conclusion
Différents statuts d’hybridation par les souches d’élevage
Sur cette base, un coefficient d’introgression peut être calculé pour chaque population analysée. Il représente le taux d’hybridation entre truites natives et domestiques.
L’appartenance à l’un des groupes peut être estimé pour chaque poisson et population par des méthodes d’assignation (Structure 2.2).
Contexte Concret Conclusion
Et les aménagements? cas n°1: la Strange
Linéaire déconnecté 46 km
Hauteur de chute 135 cm
Longueur obstacle 5,6 m
Profondeur aval 30 cm
Lame d’eau 5 cm
Catégorie 2
Qu’impliquerait la levée de cet obstacle pour les populations de truites fario?
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Contexte Concret Conclusion
1197
Analyse génétique
- 3 stations (aval, amont direct, têtes de bassin) - Pisciculture de la Strange
« Hompré »
« Hollange »
« Burnon »
« Hompré » CI = 0,97
« Hollange » CI = 0,60
« Burnon » CI = 0,49 Aménagement OK !
Hypothèse de départ:
- Pollution hydrocarbures 1998 (amont dévasté) - Présence d’un obstacle infranchissable (aujourd’hui
aménagé) empêchant toute recolonisation par l’aval - Présence de la pisciculture (source d’échappées) - Société de pêche sur l’amont (déversements)
> Peu de chance de retrouver des truites natives en amont?
Hypothèse confirmée par les analyses génétiques
La levée de l’obstacle majeur ne constitue pas un risque génétique (pas de population native en amont). En outre, cela permettra même à d’éventuelles truites natives (+/- 1/3 de la population de l’aval) de recoloniser l’amont.
Et les aménagements? cas n°1: la Strange
Et les aménagements? cas n°2: le Bettlerbaach
Contexte Concret Conclusion
1. Contexte
- 4 obstacles de l’amont vers l’aval - Lot de pêche en aval de 4 (LUX), déversements connus - Pas société de pêche en amont de 4 (WAL) - Etang de loisir entre 3 et 4
1
2
3
4
1 2
3 4
Cas n°2: le Bettlerbaach
Contexte Concret Conclusion
« Lutremange » CI = 0,01
« Lutrebois » CI = 0,07
« Betlange amont » CI = 0,09
« Betlange aval » CI = 0,24
« Schaulsmillen » CI = 0,65
2. Analyse génétique
- Introgression marquée sur l’aval - A l’inverse de l’exemple précédent: amont préservé
Situation de Lutremange
- Coefficient d’introgression nul: souche native
MAIS attention aux autres paramètres génétiques!
- Fst élevé (éloignement génétique, confirmé par NJ tree) - Fis très significativement négatif (excès d’hétérozygotes
par rapport à l’équilibre Hardy-Weindberg) - Faible nombre moyen d’allèles (NA)
Un Fis négatif est caractéristique des populations à très faible effectif (peu de reproducteurs). Le faible NA est souvent indicateur d’une dérive génétique (fixation d’allèles).
Population totalement isolée (montaison et dévalaison), très loin de l’équilibre génétique !
Contexte Concret Conclusion
CI = 0,01 CI = 0,07
CI = 0,09
CI = 0,24
CI = 0,65
Cet obstacle semble protéger le cours amont de l’hybridation par les souches
non-natives. A conserver?
Cet obstacle semble protéger le cours amont de l’hybridation par les souches
non-natives. A conserver?
Cet obstacle ne présente aucun intérêt génétique, les
populations étant peu introgressées de part et
d’autre de celui-ci. A aménager
Cet obstacle présente un important problème pour la survie de la population de l’amont. A aménager
Et les aménagements? cas n°2: le Bettlerbaach
Contexte Concret Conclusion
Pour conclure…
- SVP attention!!! Le message à retenir n’est pas: « Maintenant, il ne faut plus aménager les obstacles, à cause de la génétique »
Règle générale: les obstacles ont un impact génétique négatif sur les populations (cf. le cas de Lutremange).
- Dans certains cas, un obstacle peut contribuer à préserver une population de l’introgression par les sujets d’élevage.
Le cas échéant, le maintien d’un obstacle ne devrait être envisagé que comme une situation provisoire, dans l’attente d’une prise en charge du problème de départ (= rempoissonnements > autre débat!).
- Gestion des populations de truite: intégrer la dimension génétique pour prioriser les interventions pour favoriser les populations à fort intérêt conservatoire (« unités de gestion » vs. niveau spécifique « truite » global) .
* Continuité écologique
* Autres actions de restauration/renaturation (frayères, habitat…).
Analyse génétique = outil moléculaire performant, directement utilisable pour la gestion des cours d’eau dans une optique de conservation de la faune aquatique.
Contexte Concret Conclusion
Merci de votre attention!
+ Fr. Fontaine, C. Poncelet, les équipes de pêche électrique… … et les truites de la Sûre !