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Vous avez très envie d’essayer le réseau social donttout lemonde parlemais êtes un peu effrayé par lesmisesen garde associées à son utilisation ? Voici tout ce quevous devez savoir avant de franchir le pas…ounon !

Être oune pas êtresur

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Interview : Eric Delcroix

SOCIAL LIFE MAGAZINE :En 2013, est-il concevable desurfer sur Internet sans utiliserles réseaux sociaux commeFacebook ou Twitter ?

Eric DELCROIX : Si l’on veut êtreun internaute de son époque, onne peut pas ! Mais pour aller plusloin, un internaute lambda doitaujourd’hui être présent surles réseaux sociaux. Sans tomberdans l’excès ou la caricature, uneprésence sur ces réseaux marqueà plus d’un titre une certaineforme de socialisation. Demain,Internet sera exclusivementarticulé autour des réseauxsociaux, qui remplacerontnos carnets d’adresses.

SOCIAL LIFE MAGAZINE :L’utilisateur de Facebookest-il sociable par natureou Facebook le rend-il plussociable qu’il n’était ?

E.D. : A l’arrivée de ces réseaux,on pouvait craindre qu’ils neservent de palliatif à une formede sociabilité. Mais la plupart desétudes tendent à prouver que lesutilisateurs de Facebook et desautres réseaux sociaux ont unevie sociale beaucoup plus richedans la « vraie » vie que ceux quine les utilisent pas. Les réseauxsociaux, par la force des choses,étendent ou donnent l’impressiond’étendre son cercle de relations.En réalité, souvent, ce sontles liens faibles parmi nosconnaissances - par oppositionaux liens forts, la famille et lesamis proches - qui constituentnotre réseau. C’est à ces liens queviennent éventuellement s’ajouterdes contacts virtuels. Je netomberai pas dans l’excès inverseen affirmant que Facebook aideà aller vers les autres. Je connaisdes community managers qui

sont introvertis et qui leresteront ! Pourtant, ils possèdentune certaine aura sur le Net…Je n’irai pas jusqu’à dire queFacebook est un moteur de viesociale mais il offre le grosavantage de casser la glace pourles rencontres dans la vie de tousles jours. Il m’arrive de croiseren France des connaissancesvirtuelles qui résident au Canada.Le dialogue s’instaure de suitecar nous nous connaissonsdéjà ! C’est ça, l’effet Facebook.De plus, c’est une porte ouvertesur le monde entier.

SOCIAL LIFE MAGAZINE :Imaginons un internaute quis’interroge sur la pertinenced’aller sur les réseaux sociaux.Que lui dites-vous ?

E.D. : Si un réseau lui fait peur,

j’aimerais qu’il m’expliquepourquoi. S’il n’a pas peur,pourquoi ne pas aller sur unréseau social ? Je ne me fais pasd’illusions, il y aura toujours desréfractaires. Au fil du temps, ilsaccepteront d’utiliser les réseaux.Souvenez-vous de ce que laplupart des internautes disaientde Google autour de l’an 2000.Google était le démon del’époque comme l’est aujourd’hui,pour certains, Facebook.

SOCIAL LIFE MAGAZINE :Beaucoup d’utilisateurss’inquiètent pour le respectde leur vie privée…

E.D. : La première question à seposer, surtout sur le Net, est :« Qu’est-ce que la vie privée ? » Ontrouve toutes mes coordonnées,de façon ouverte, sur Facebook.C’est pour moi un outil de travail,ce n’est pas du domaine du privé.La meilleure des protectionsn’est-elle pas d’être responsablede ce que l’on publie ? De faireattention aux groupes auxquelson adhère ?

SOCIAL LIFE MAGAZINE :Facebook donne du croustillantau petit voyeur qui sommeilleen nous. Peut-on utiliserce type de réseau sans épierou être épié ?

E.D. : Dans une enquête réaliséeavec Lionel Barbe pour un articleuniversitaire, la première raisonqui motivait l’usage de Facebook,

c’était savoir ce que faisaitl’autre. Depuis, rien n’a changé…Je crois qu’il ne faut plus sefocaliser sur le réseau, il fautdésormais penser en termes deprésence générale sur le Web.Sans rentrer dans les détails, ilest assez simple d’identifier unepersonne présente sur un site derencontres et sur un réseau socialpar une recherche dans GoogleImages. Le stalking (ndlr :« espionner » ses amis) n’est-il pasune tendance générale actuelle,pas seulement sur les réseaux ?Il est possible de surveiller lababy-sitter, le téléphone portablede son enfant… En parlant

d’enfants, les parents amis deleurs enfants sur Facebook, n’est-ce pas du stalking ? Nous nepouvons pas utiliser ces réseauxsans être épiés. A chacun de faireattention à ce qu’il publie. Lestalking est certainement l’un desmoteurs de Facebook mais cen’est pas le seul. Heureusement.

SOCIAL LIFE MAGAZINE :Pour les professionnelsde l’information, l’utilisationdes réseaux sociaux est unequestion très sensible. Pourciter les Assises du journalisme,« sont-il compatibles avecle journalisme » ?

E.D. : Ma première remarqueconcerne Twitter. Fait-il partiedes réseaux sociaux ou est-ce unpur produit du Web temps réel ?Je pencherai pour la deuxièmesolution. Il est désormais acquisque l’actu se fait aussi parTwitter. J’avais reçu rapidementl’information sur « DSK » mais jen’ai rien diffusé, ne connaissantpas les sources exactes. J’ai dansmes tiroirs quelques scoopsque je ne peux lancer, fautede pouvoir vérifier l’authenticitédes informations sans uneenquête approfondie. Certainspublieraient, pas moi. Cela mepousse à parler de l’éducationaux médias sociaux. Onn’apprend pas à utiliser ces outilsdès le plus jeune âge. Ça manquecruellement. On apprend auxenfants à traverser une rue,il serait temps de leur apprendreà circuler sur les autoroutesde l’information. L’utilisation desréseaux sociaux est pertinenteet recommandée pour lesprofessionnels de l’informationà une condition : qu’eux aussiapprennent à les utiliser.

« Demain, les réseauxsociaux remplaceront

nos carnets d’adresses »

« La meilleure des protectionsn’est-elle pas d’être responsable

de ce que l’on publie ? »

EN OCTOBRE 2012, FACEBOOK A ATTEINT LE MILLIARD D’UTILISATEURS ACTIFS. C’ESTAUJOURD’HUI LE SITE INTERNET LE PLUS VISITÉ AU MONDE, DEVANT GOOGLE. PEUT-ONSURFER SUR LEWEB EN IGNORANT LE RÉSEAU SOCIAL DONT TOUT LE MONDE PARLE ETOÙ (PRESQUE) TOUT LE MONDE VA ? FAUT-IL OUVRIR UN COMPTE ET SI OUI, À QUELLESFINS ? APRÈS ALAIN LEFEBVRE (VOIR « SLM » N°2), C’EST ERIC DELCROIX,SPÉCIALISTE DES RÉSEAUX SOCIAUX AUXQUELS IL A CONSACRÉ UN LIVRE, QUI NOUSLIVRE SON ANALYSE. TRÈS INSTRUCTIVE !

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SOCIAL LIFE MAGAZINE : Pourrester dans le domaineprofessionnel, croyez-vous quel’utilisation de Facebook serveles intérêts d’une marque ?Quelle est la plus value,en termes de promotion, pourune société déjà établie ?

E.D. : L’utilisation de Facebookpar les entreprises est unequestion importante. C’est selonmoi une clé du succès de ceréseau. Il y a eu appropriation deFacebook à la fois par l’hommede la rue et par les entreprises.Dans le monde du commerce etpas seulement du e-commerce,on parle beaucoup de social pourle CRM (ndlr : suivi des relationsclients), de référencement, de «social shopping »… Facebook està la pointe dans ces domaines. Ilexiste une multitude de solutionspour les entreprises : la page,le groupe, les événements, lesjeux… Kiabi offre la possibilitéd’envoyer, depuis un magasin, laphoto de la tenue que l’on essaieà ses amis sur Facebook afinqu’ils donnent leur avis ! Quelleque soit la marque, établieou pas, le but est d’êtreen contact avec des fans-clientset d’échanger avec eux. Lesmarques présentes sur ce réseaugagnent certainement une imagede modernité. Pourquoi se priverde communiquer à un endroitoù se situe leur cible ?

SOCIAL LIFE MAGAZINE :Les détracteurs de Facebooktirent à boulets rouges surle réseau en parlant notammentd’activité chronophage.Que leur répondez-vous ?

E.D. : Je m’inscris toujours enfaux contre cette idée. A tel pointque j’ai mesuré le temps que jepassais sur les réseaux sociaux !Facebook, Twitter, Tumblr :chaque jour, une demi-heure.J’ai remarqué chez certainsinternautes une propensionà jouer aux jeux proposés parFacebook. Peut-être est-ce le jeuqui est chronophage ? Toutdépend de l’utilisation que l’onfait de Facebook. N’oublions pasque le réseau regroupe plusieursoutils : partage de photos,de vidéos, courrier électronique,jeux… On fait sur un seul sitece qu’on faisait hier sur plusieurs.Rien n’oblige les détracteursà suivre des contenus insipides.On peut stopper les invitationsintempestives. Ils ne sont pasnon plus obligés de s’inscriredans des groupes inutiles.Au contraire, je les invite à créerdes groupes utiles puisqu’ilsne semblent pas exister. Lesentreprises ont en général très

peu de commentaires négatifs.C’est un constat et ce n’estpas seulement parce que lescommentaires sont, dans certainscas, modérés. Les détracteurs deFacebook montrent surtout unecertaine méconnaissance du site.

SOCIAL LIFE MAGAZINE :Les jeunes ont massivementmigré des blogs et autresforums vers Facebook…

E.D. : Ce qui est amusant, c’estqu’aux débuts de Facebook, ilsne voulaient pas venir car on nepouvait pas changer le décor !Cela a bien changé. Je croisque les jeunes - je parle ici dela génération Z, les 0-18 ans -sont de vrais « digital natives »(ndlr : natifs numériques) et qu’ilsutilisent tous les outils qui sontà leur disposition. La générationprécédente utilisait massivementles skyblogs, MSN… Les « jeunesZ » emploient Facebook, Twitter,Pinterest… Ils quittent parfoisFacebook au profit de Twitter carils s’y sentent espionnés par leursparents. Peut-être est-ce un signedes temps et de la « maturiténumérique » de ces jeunes, bienmeilleure que ce que l’on peutentendre bien souvent ! Je nepense pas que l’on puisse sebaser sur Facebook pour analyserleurs préoccupations actuelles.C’est avant tout, pour eux,l’univers des copains, la poursuitede la vie en cour de récré,à laquelle on peut ajouter leurspassions (ce sont des grands fansdes marques !). N’oublions pas

par ailleurs que Facebook estdans l’instant. Une informationsur Facebook possède une duréede vie supérieure à uneinformation sur Twitter mais ellen’en reste pas moins éphémère.

SOCIAL LIFE MAGAZINE : JudithDonath (Sociable Media Group)parle de « toilettage social »,estimant que les réseauxpermettent de maintenirfacilement le contact avecles relations que l’on n’a pasle temps d’appeler ou de voir.Doit-on s’en réjouir ou devrait-on éteindre plus souventson ordinateur et décrocherson téléphone ?

E.D. : Son propos s’appuiesur le concept des liens fortset des liens faibles, un conceptsociologique issu de l’expériencedu petit monde de MarkGranovetter. En 1973, il adémontré que des cadres enrecherche d’emploi trouvaientplus facilement et plusrapidement un poste ens’appuyant sur leurs liens faibles(environ 60%). Les liens fortssont nos amis, notre famille, noscollègues. Les liens faibles sontles contacts avec lesquels nouspassons peu de temps et oùl’émotionnel et l’affectif sont peuprésents, voire inexistants. Si lesliens forts sont à l’origine de lacohésion sociale, les liens faiblesque l’on trouve à hautes dosesdans Facebook favorisentl’intégration sociale et la

circulation d’informations.Ces relations sociales existentégalement dans la vie de tousles jours.

SOCIAL LIFE MAGAZINE :Quel avenir voyez-vousaux réseaux sociaux ?

E.D. : Je vais peut-être voussurprendre mais pour moi,ils appartiennent déjà au passéen l’état. C’est le cas depuisl’expérience Google Wave.A l’époque, tout le monde sefocalisait sur les possibilités detravail synchrone dans Wave.Personne n’a remarqué que dèsnotre prise en main de cet outil,

un réseau social était mis enplace par Google pour l’ensemblede nos relations ! Depuis,l’émergence du Web temps réel,dont Twitter est le flambeau, estpassée par là. La géolocalisationest apparue, la mobilité est entrain de tout balayer - ce n’estpas un hasard si Mark Zuckerberginsiste sur la priorité du mobile -,ainsi qu’une nouvelle manière delire l’information avecl’effervescence autour dePinterest, Instagram, sans parlerdes vieux Flickr et Twitpic quirisquent de revenir sur le devantde la scène. Les réseaux sociauxde type Facebook auront eu leurheure de gloire, un peu commeles blogs. Peut-être joueront-ilsdemain le rôle d’agrégateursde contenus de médias sociaux.Peut-être faudra-t-il une interfacepour se connecter au Web.Pourquoi pas un Facebookcontenant tous les ingrédientspour le faire ?

Eric Delcroix, « Les réseauxsociaux sont-ils nos amis ? »,éditions Le Muscadier.

Internet : http://eric-delcroix.com/

Twitter : https://twitter.com/erdelcroix

« On apprend aux enfantsà traverser une rue, il serait

temps de leur apprendreà circuler sur les autoroutes

de l’information »

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