Révision du schéma Régional d’aménagement et de développement duRable du teRRitoiRe
(sRaddt)
Midi-Pyrénées 2030
1eR FoRum - 16 avRil 2013 - toulouse
www.2030.midipyrenees.fr
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Révision du Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT)
Midi-Pyrénées 2030
1er Forum, 16 avril 2013, Toulouse
Discours introductif ................................................................................................................................. 2
Carrefour des grands témoins : quels défis pour Midi‐Pyrénées dans les mutations contemporaines ?
................................................................................................................................................................. 5
Hervé Le Bras, démographe et historien, co‐auteur du « Mystère Français ». .................................. 5
Claude Lacour, professeur émérite des universités de sciences économiques, chercheur en analyse
spatiale, métropolisation et dynamiques urbaines ........................................................................... 16
Laurence Barthe, maître de conférences en géographie, chercheuse en développement territorial
et dynamiques des territoires ruraux ................................................................................................ 21
Table ronde : quelles initiatives locales face aux défis globaux ? ......................................................... 24
Jean François Tosti, société TAT Productions .................................................................................... 24
Cédric Auriol, société Micronutris ..................................................................................................... 25
Pierre Larrouy, économiste ............................................................................................................... 25
Echanges avec la salle............................................................................................................................ 27
Restitution et débats avec la salle sur les résultats des ateliers prospectifs ........................................ 28
1er temps : Midi‐Pyrénées, région d’Europe et du monde .................................................................... 28
2ème temps : Midi‐Pyrénées, une nouvelle géographie stratégique ? ................................................... 30
3ème temps : Midi‐Pyrénées, la région des qualités de la vie quotidienne ? ......................................... 36
CONCLUSION Jean Louis Guilhaumon ................................................................................................... 40
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Discours introductif
Martin Malvy, Président du Conseil Régional Je vous remercie tous d’avoir répondu à notre invitation, pour participer à ce forum qui est consacré
à la révision du Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire à
l’horizon 2030.
Nous avons décidé de saisir l’occasion de ce forum pour associer à notre démarche des grands
témoins, des acteurs et des partenaires, pour échanger autour des défis qui attendent Midi‐
Pyrénées. Ce sont notamment des experts et scientifiques de renom qui nous accompagnent ce
matin : Claude Lacour, Laurence Barthe et Hervé Le Bras.
Nous avons adopté le SRADDT il y a quatre ans. Bien plus qu’une simple réflexion sur l’avenir, cet
exercice prospectif nous avait conduits à dépasser la gestion quotidienne pour dessiner le profil du
territoire dont hériteront les générations futures. Depuis 2009, même si nous pouvons regretter que
les SRADDT n’aient pas de valeur prescriptive, ce document sert de cadre global et de cohérence
pour les autres schémas et politiques sectoriels de la région. Dans la logique des orientations de la
Charte, la Région a mis en place plusieurs schémas : Schéma Régional de Développement
Economique, Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche auquel sont accolés
les contrats de sites universitaires, Contrat de plan régional de développement des formations
professionnelles, Schéma Régional Climat Air Energie, Schéma de Cohérence Ecologique en cours
d’élaboration, sans oublier les politiques territoriales et des transports, ainsi que le nouvel Agenda
21. Tous ces documents s’inspirent et s’inscrivent dans ce qui a été décidé il y a 4 ans à travers le
SRADDT.
Lors de son élaboration, j’avais souligné que le SRADDT devait demeurer un livre ouvert, dont il
conviendrait de poursuivre l’écriture en fonction de l’évolution du contexte. Entre 2009 et
aujourd’hui, il s’est passé de nombreux événements : crises financière et économique qui ont
considérablement modifié le contexte régional, économique et social ; contexte institutionnel qui est
lui‐même en pleine évolution si l’on considère la nouvelle donne territoriale que devrait amener
l’acte 3 de la décentralisation en discussion actuellement. On ne peut réfléchir au futur de Midi‐
Pyrénées sans prendre en compte ces nouvelles données, ainsi que celles qui sont relatives aux
politiques européennes et nationales, ou aux mutations technologiques.
C’est donc pour intégrer ces évolutions que nous avons décidé de lancer la révision du SRADDT, qui
sera guidée par la vision commune de ce que nous voulons demain comme développement. Cette
révision est également un moyen d’apporter une réponse globale aux enjeux régionaux,
transcendant les visions sectorielles. Trois journées de réunions ont déjà eu lieu, 200 personnes y ont
participé. Ces échanges vont ensuite se poursuivre dans chaque département à partir de mai. La
charte sera finalisée d’ici juin 2014, à l’issue d’une longue phase de concertation avant de passer à
l’assemblée plénière de la Région.
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Il ne faut pas perdre de vue l’objectif : inscrire l’action régionale dans un temps long, esquisser la
région de demain et se projeter sur les moyens qu’il faudrait mobiliser pour y parvenir dans les
contraintes évolutives que nous impose le contexte, contexte difficile à imaginer à horizon de 5 ou 10
ans.
Lorsque nous avons initié la démarche, l’avenir n’était pas plus sûr, mais aujourd’hui l’exercice revêt
une acuité particulière. La crise est là, elle est mondiale et multiple. Elle suscite des doutes et des
craintes légitimes. Notre société manque de repères, elle a besoin de pouvoir imaginer son avenir.
C’était d’une certaine manière l’objectif de la deuxième édition de Futurapolis, la semaine dernière,
que l’on approuve ou que l’on écarte les pistes ouvertes. On ne sortira pas d’une crise pour revenir à
une situation antérieure, imaginer l’avenir est de plus en plus nécessaire.
Bien sûr, l’exercice a ses limites. Personne, pas même les experts les plus avertis des sphères
économiques ou financières, n’avait vu la venir la crise dans toute son ampleur. Alors engager une
prospective à 20 ou 30 ans… Ceci peut prêter à sourire.
Pourtant, élaborer un schéma directeur à cet horizon, c’est prendre en main son destin. C’est dire
les orientations qu’il semble important de retenir. C’est à partir d’un constat, celui de la situation
actuelle et de son évolution au cours des dernières années, se donner les moyens de corriger les
tendances que l’on juge néfastes, les inégalités, et conforter les équilibres que l’on pense
nécessaires. C’est donc faire de la politique au meilleur sens du terme. Même si l’horizon peut
paraitre lointain, c’est aujourd’hui que se préparent les bonnes décisions.
Elaborer un schéma directeur à 10 ou 20 ans, c’est concevoir des projets qui détermineront
durablement notre futur. C’est ne pas attendre pour dire ce qu’il faut se fixer comme objectifs, parce
que le temps des évolutions que les hommes décident est, le plus souvent, un temps long. Penser,
anticiper, c’est donner du sens, de l’ouverture à l’action publique régionale, et surtout tenter d’être
maître de nos choix, afin de ne pas subir les événements parce que nous n’aurons pas suffisamment
regardé devant nous.
Notre région est souvent citée comme l’une des plus dynamiques. Mais elle souffre comme les autres
de la crise. On ne peut pas résumer Midi‐Pyrénées aux seuls résultats qui la placent souvent en pôle
position. Il faut la prendre dans sa globalité, avec ses forces et ses faiblesses.
Les forces, c’est son industrie aéronautique et spatiale, les commandes record, les 89 000 emplois.
Airbus et ATR démontrent que l’industrie française et européenne sait affronter avec succès la
compétition mondiale. C’est le résultat d’années de recherche et de mise au point de technologies
toujours plus performantes, avec des équipes remarquables et une coopération réussie. Les forces,
c’est aussi la qualité de son agriculture et de son industrie agroalimentaire, avec 100 000 emplois,
120 produits de qualité. Mais c’est aussi la capacité à innover de ses grands groupes et de son réseau
dense de 90 000 PME, avec des domaines d’excellence : les Tic, les biotechnologies, et la robotique.
Parmi les forces de notre région, il faut aussi citer la place importante faite à la culture et à la
connaissance, avec l’enseignement supérieur, les universités, les grandes écoles, le second pôle
universitaire de France après l’Ile de France. C’est aussi la recherche qui monte en puissance avec les
six pôles de compétitivité et les clusters, avec les projets retenus au titre des investissements
d’avenir, l’Idex et l’IRT.
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Nos atouts, c’est encore notre espace, notre patrimoine, et logiquement le tourisme avec 40 000
emplois pleins ou saisonniers. Comment ne pas souligner aussi la vitalité de Midi‐Pyrénées et de la
métropole régionale, dont la croissance démographique est l’une des plus fortes de France ; mais,
contrairement à ce qui se passait il y a 20 ans, la population progresse partout dans la région.
Comment ne pas rappeler enfin cette exception midi‐pyrénéenne, que j’ai souvent défendue et qui
place parfois la région dans une situation critique, comme c’est le cas actuellement pour l’application
des politiques européennes à l’espace régional ; avec un PIB en Haute‐Garonne, principalement celui
du Grand Toulouse, supérieur à 125% de la moyenne européenne, et dans les 7 autres départements
et le Comminges à des seuils inférieurs à 80%.
Nous savons donc les défis à relever : le défi territorial marqué par des disparités accrues entre
urbain et rural ; le défi démographique, avec l’accueil des populations nouvelles, soit 380 000
personnes supplémentaires à horizon 2030, ce qui constitue un enjeu majeur sur le plan de
l’occupation de l’espace, du logement, des services ; et enfin le défi climatique, qui imposera à notre
agriculture de réfléchir à des modes de production plus économes en eau, à nos entreprises de
construction d’adapter l’habitat au réchauffement, à nos modes de transports de se modifier
radicalement, y compris les déplacements individuels. D’ores et déjà, la région pousse dans cette
voie, avec le plan « bâtiments économes », avec le plan rail et notre effort général en faveur des
transports collectifs.
Midi‐Pyrénées sera aussi confrontée dans les années qui viennent à des mutations économiques
dues à l’ouverture des marchés, qui intensifie la concurrence et bouscule nos filières traditionnelles.
« L’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible » : la phrase de Saint‐Exupéry nous
ramène à l’action. La démarche politique n’a de valeur que si elle ne sacrifie pas le futur à l’immédiat.
C’est sa difficulté, mais aussi sa grandeur.
Le chercheur doit dire ce que lui paraît le besoin, le choix appartient aux politiques. Le politique
dégage les priorités, il doit ajouter ce que sont les moyens, les deux sont complémentaires. L’erreur
serait de les opposer. Mon ami Jean‐Claude Lugan avec qui nous avons de fréquentes discussions sur
le sujet me rappelle souvent qu’il ne faut pas confondre prospective et prévisions, il a raison. Mais
sans la poursuite des adaptations nécessaires et l’adaptation décentralisée de politiques nationales
et européennes nouvelles, nos débats risquent d’apparaître dans 20 ans comme de pertinentes
réflexions, mais décalées par rapport au plus vaste mouvement économique et social que la planète
ait jamais connu. Où en serons‐nous du changement climatique ?
Quoi qu’il en soit, des constantes et des priorités demeureront. Pour le grand Sud‐ouest, la liaison à
grande vitesse entre l’Atlantique et la Méditerranée ouvrira de nouveaux horizons. Universités,
grandes écoles et laboratoires de recherche nous permettent d’espérer figurer parmi les meilleurs.
Notre espace lui‐même constitue une carte dans le jeu des contrastes entre métropolisation et
respiration.
Les questions qui structurent la révision du SRADDT seront logiquement au cœur de cette journée de
débats : quelles vocations définir pour nos territoires, avec quelles spécificités ? Quelle place prendra
Midi‐Pyrénées au sein des régions d’Europe ? Quelle nouvelle génération d’équipements envisager,
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et pour quels besoins ? Quelle nouvelle génération de partenariat entre acteurs publics imaginer ?
Quelle efficacité rechercher dans l’utilisation des fonds publics ?
L’avenir de la région se prépare chaque jour, ce forum doit contribuer à nous éclairer. J’ose espérer
qu’il éclairera au‐delà, car si la détection des exigences constitue le premier des chemins, nous ne
parcourrons pas seuls, quelle que soit notre détermination, ceux de demain. Je vous remercie.
Carrefour des grands témoins : quels défis pour Midi-Pyrénées dans les mutations contemporaines ?
Hervé Le Bras, démographe et historien, co-auteur du « Mystère Français ». Je vais vous présenter des évolutions démographiques au niveau de l’ensemble de la France, puis
j’insisterai sur le grand Sud‐ouest, permettant de mettre en évidence des spécificités ou des
convergences entre votre région et ce qui se passe au niveau national.
Je commencerai par l’évolution de la croissance démographique depuis 1982. Jusqu’en 1999, nous
étions nombreux à penser, notamment avec la DATAR, que les évolutions observées étaient appelées
à être durables, avec une France qui se peuplait et une autre qui se dépeuplait. Or, depuis 1999, c’est
une véritable surprise qui émerge ; la France qui se dépeuplait, la « diagonale du vide », a disparu
depuis une dizaine d’années.
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C’est particulièrement le cas dans votre région. Si on regarde sur une échelle temporelle plus longue,
les années 1960 et 70 y sont encore marquées par l’exode rural, très tardif en France par rapport à
d’autres pays européens. Puis, jusqu’en 1999, avec l’étalement urbain, les zones de dépopulation
deviennent progressivement moins importantes, et les noyaux urbains s’agrandissent. Depuis 2000,
c’est spectaculaire : la croissance démographique est partout, un peu plus forte dans la grande
couronne des grandes villes, mais globalement très homogène dans la région.
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On voit que cette croissance n’est pas que de l’étalement urbain, mais concerne aussi des communes
rurales éloignées, qui voient leur population remonter. Actuellement, les plus fortes croissances en
France sont dans les communes comprises entre 1 000 et 2 500 habitants, ce qui ne se fait pas au
détriment des plus grandes villes, avec une croissance globalement homogène. Est‐ce durable ? Mon
sentiment est que cette tendance à l’homogénéisation devrait perdurer, pour une raison importante
en démographie : entre deux retournements structurels, les évolutions sont relativement régulières,
avec un temps de latence de l’ordre de 20 à 30 ans. J’aurais donc tendance à parier que cette
homogénéité de la croissance de la population sur le territoire va se poursuivre encore quelques
décennies. Ceci va bien sûr poser de nouvelles questions : on ne parlera plus de désert français
humain, mais plutôt de désert en termes d’équipements.
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Après la croissance
démographique,
j’évoquerai la répartition
territoriale par classes
d’âges. Si on prend
d’abord les 20/24 ans, la
carte de France indique
des disparités
importantes, entre des
territoires où leur
proportion est inférieure
à 2% du total de la
population et, d’autres
où elle dépasse 11%,
dans les grandes villes
de commandement et
les grandes villes universitaires. Il s’agit évidemment du phénomène étudiant, mais plus largement
ceci reflète que le cycle de vie des jeunes adultes, souvent célibataires, passe par une étape de
résidence dans une grande ville. Au niveau du Sud‐ouest, on peut constater à quel point les deux
métropoles de Bordeaux et Toulouse concentrent les jeunes.
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Regardons à présent où
habitent les personnes
de 30 à 50 ans, période
typique de construction
de la famille. Elles sont
écartées du centre des
villes, et gagnent un
espace large, pouvant
parfois couvrir presque
des départements
entiers. L’éloignement
du centre‐ville
correspond donc à un
moment du cycle de vie
où la famille se
constitue. Dans votre
région, c’est très net :
l’anneau avec la plus forte proportion de couples élevant des enfants se situe relativement loin du
centre de Toulouse. Dans cet espace géographique, c’est évidemment là que se trouvent le
maximum d’enfants de moins de 15 ans, mais aussi une concentration de couples biactifs et les
revenus moyens des ménages les plus élevés.
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Pour les personnes
âgées, la carte de France
montre une forte
présence dans le Sud‐
ouest ; ceci s’explique
notamment par le taux
de mortalité dans la
région, un des plus
faibles de France, ce qui
était déjà le cas dans
l’après‐guerre. On
constate au‐delà à quel
point les villes
ressortent comme lieu
d’accueil des personnes
âgées, notamment pour
les plus de 85 ans. C’est encore un signal faible, mais qui devrait s’accentuer dans les prochaines
années : après 85 ans, les seniors ont tendance à regagner les centres‐villes, comme on l’observe
déjà à Toulouse, ce qui correspond souvent en fait à un rapprochement des équipements
hospitaliers.
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La dynamique démographique de la région s’explique par les arrivées importantes d’habitants
originaires d’autres régions. On voit que les migrants interrégionaux s’installent dans les grandes
métropoles, comme Bordeaux ou Toulouse. Puis les migrations au sein des départements soulignent
l’importance des logiques de métropolisation, correspondant à une véritable ségrégation par âges au
sein de l’espace régional.
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Il y a donc des phénomènes démographiques récents, mais aussi des structures beaucoup plus
anciennes qui
perdurent. Dans le Sud‐
ouest, on constate, par
exemple, à la fois un
faible taux de mortalité
et un faible taux de
fécondité, sans doute lié
aux traditions
d’héritage.
Parmi les déterminants plus anciens, nous avons notamment regardé l’impact des types de relations
sociales ou anthropologiques, qui est assez variable au sein de la France. Ces grandes différences
structurent encore la vie sociale, les choix éducatifs, ou les choix familiaux. A ce titre, votre région a
quelque chose de tout à fait particulier : la proportion de personnes de plus de 85 ans qui ne vivent
ni seul, ni avec leur conjoint, est particulièrement forte. Ce sont des personnes qui vivent avec
quelqu’un de leur famille, renvoyant à la tradition de la famille‐souche. Ceci aura bien sûr des
conséquences sur la question de la dépendance : les personnes âgées dans le Sud‐ouest sont mieux
entourées et prises en charge par leur famille que dans d’autres régions, ou la cohabitation
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générationnelle est quasi‐inexistante. Autre aspect où le Sud‐ouest se distingue : la proportion assez
importante de familles monoparentales, qui correspond souvent à des situations de pauvreté.
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PhilippeEstèbe,Acadie,animateurduForumJe retiendrai trois éléments de cette présentation : tout d’abord, cette spécialisation tendancielle des
espaces en fonction du cycle de vie ; ensuite, la fonction métropolitaine, dont on voit qu’elle joue un
rôle de porte d’entrée dans la région, et de véritable « pompe aspirante et refoulante » ; enfin,
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malgré les flux de nouveaux arrivants dans la région, on voit que des structures anthropologiques de
fond demeurent.
MartinMalvyCette présentation soulève beaucoup d’interrogations : comment vont continuer à évoluer les
répartitions, dans l’espace et dans l’âge, des populations de la région ? La densité de l’agglomération
toulousaine est de 1450 habitants par km², elle est 10 fois moindre pour l’ensemble de la Haute‐
Garonne, et se situe entre 40 et 50 habitants par km² pour le reste de la région. Depuis 10 ans, tous
les nouveaux lycées construits par la Région se situent dans l’agglomération toulousaine, et les
agrandissements de lycées se situent en périphérie de cette agglomération. Pourtant, sur le territoire
régional, les effectifs ne baissent pas, ce qui nécessite des équipements supplémentaires importants
par rapport à une région beaucoup plus dense, par exemple l’Alsace. On voit donc que les évolutions
démographiques auront des conséquences majeures en matière d’aménagement de l’espace
régional.
Une autre conséquence concerne les lieux de formation supérieure. Compte tenu de sa dynamique,
le secteur de l’aéronautique connaitra un fort recrutement dans les prochaines années dans la
région. Or de nombreuses entreprises affirment avoir du mal à recruter les personnels dont elles ont
besoin dans ce secteur. J’ai regardé d’où venaient les élèves des deux lycées de l’aéronautique
existant en Midi‐Pyrénées, l’un étant celui d’Airbus, l’autre développé par la Région à Blagnac. Les
résultats montrent que les jeunes présents dans ces établissements viennent d’un périmètre de 30 à
40 km, et pas de plus loin. Or nous avons la chance de compter 40 % de l’activité aéronautique
régionale hors de ce périmètre restreint, ce qui montre l’importance des questions de localisation
des formations dans les prochaines années.
Autre enjeu : quand on voit la répartition territoriale des classes d’âge, il est évident que ceci
impactera la question de la démographie médicale. La part des médecins issus du monde urbain par
rapport à ceux du monde rural va continuer à s’accentuer ; comment penser la répartition
géographique de ces médecins dans notre espace régional ?
A 5, 10 ans et au‐delà, tous ces sujets impacteront directement l’action publique et l’aménagement
régional.
Claude Lacour, professeur émérite des universités de sciences économiques, chercheur en analyse spatiale, métropolisation et dynamiques urbaines Je commencerai par présenter 3 cartes, d’abord celle des pôles de compétitivité : Aerospace Valley,
remarquable par sa puissance, mais aussi par les liens très forts créés avec les PME‐PMI. Une
deuxième carte présente les grappes d’entreprises, et une dernière les pôles d’excellence rurale.
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Pourquoi ces trois cartes ? Elles illustrent comment les questions d’aménagement du territoire ont
évolué au cours des dix dernières années, au sein plus largement des mutations de notre monde :
crise des "subprimes", crise des finances publiques… En mars dernier, l’OCDE évoquait la suppression
des préfectures comme piste pour réduire le déficit public. L’Etat n’a plus les moyens de dynamiser
et porter des politiques d’aménagement du territoire.
On n’a pas complètement acté le fait, par ailleurs, que nous sommes dans un monde numérique et
connecté. Plusieurs chercheurs évoquent à ce titre la troisième révolution industrielle ; je suis
réservé sur ce terme, mais il est exact que ces nouvelles technologies changent la vie quotidienne, et
peuvent constituer des réponses de services publics, par exemple pour les personnes âgées en
palliant partiellement l’absence de services médicaux de proximité.
Les politiques d’aménagement sont également de plus en plus inscrites dans la logique de l’économie
de la connaissance, même si celle‐ci prend du temps à émerger au niveau européen, ainsi que dans
les jeux de compétitivité entre territoires.
Tout ceci aboutit à un contexte radicalement différent par rapport à celui dans lequel ont été
élaborées les grandes politiques d’aménagement des années 60 et 70. Nous devons donc changer
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complètement de mode de pensée, aussi bien en termes de conception, que de programmation ou
de financements à mobiliser.
Si l’Etat n’a plus de politique d’aménagement national, on se tournera vers les territoires :
l’aménagement des territoires, c’est aux territoires de le porter. Par territoire, j’entends ici une
organisation spatiale ancrée sur des acteurs, des projets et des réseaux. Sans nier les apports
extérieurs, on voit bien que la mobilisation d’un territoire repose d’abord sur un sentiment
d’appartenance commune, ancré dans l’histoire ou créé parfois en fonction des opportunités.
Ces territoires sont emboités, ils doivent trouver des modes de coopération ; par exemple, Midi‐
Pyrénées est une région riche avec des départements pauvres. Comment faire système avec ce genre
de configuration ? On n’y est pas habitués en France. L’aménagement du territoire a en effet
toujours été considéré avant tout comme une politique de réparation ou de compensation, avec une
visée d’équilibre entre les territoires. En face de ce modèle, on voit bien que les dynamiques
territoriales sont aujourd’hui commandées par les notions d’attractivité, de compétitivité « prix » et
« hors prix », d’innovation par les hautes technologies ou au quotidien avec l’innovation sociale… Les
dynamiques territoriales font aussi appel aux ressources locales à valoriser, ce qui est bien sûr
glorifiant, mais implique aussi que chaque territoire se débrouille avec ses ressources.
Les mutations en cours, c’est enfin l’accentuation des fractures, des formes de ségrégation entre
territoires. La dynamique urbaine agit comme un tsunami, elle part du centre, de Toulouse, et se
répand dans l’ensemble de la région. Ceci pose la question du rôle, majeur, des villes moyennes ; on
les voyait plus ou moins périclitantes il y a une dizaine d’années, et aujourd’hui elles sont portées par
cette nouvelle dynamique urbaine. La métropolisation doit être vue dans ces deux sens : extension et
dilatation urbaine d’un côté, mais aussi concentration des moyens et de l’énergie dans les
métropoles de niveau mondial de l’autre. Ces métropoles deviennent de véritables machines à
produire et reproduire de l’innovation.
Dans ce contexte, l’étalement urbain est souvent considéré comme un mal à combattre, aussi bien
pour réduire les fractures socio‐territoriales, ou lutter contre l’encombrement et la pollution… Mais
c’est encore et avant tout le reflet de la volonté d’accession à la propriété des ménages, qu’elle se
fasse de manière délibérée sur ces territoires ou par défaut, compte tenu des contraintes financières.
Il y a donc fort à parier que cet attrait pour l’espace périurbain va perdurer, sauf si les politiques
publiques mettent l’accent sur le contrôle de la croissance urbaine par la maîtrise du foncier.
Tout ceci pose des enjeux pour l’avenir : comment aborder la question de la cohésion entre des
métropoles de plus en plus puissantes et attractives, des villes moyennes qui regagnent de la
population et se spécialisent, et les autres territoires ? Comment articuler ceci avec l’idée d’un
ancrage local, territorial ?
C’est dans ce contexte que la coopération métropolitaine, initiée par la DATAR il y une dizaine
d’années, prend tout son sens, même si elle reste difficile à mettre en œuvre dans de nombreux
territoires. Que peut‐on dire des coopérations Toulouse‐Bordeaux, et plus largement Aquitaine/Midi‐
Pyrénées ? Elles fonctionnent plutôt bien, et ce pour plusieurs raisons : acteurs politiques qui
s’entendent et veulent initier des projets ; existence de plusieurs sujets de coopération, comme le
« branding » de l’image des produits Sud‐Ouest.
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Philippe Estèbe Je retiendrai plusieurs points : comment faire l’aménagement quand l’Etat est moins présent, ce qui
pose la question de la responsabilité des collectivités territoriales, et particulièrement de la Région ?
Ensuite, face au caractère inéluctable de la métropolisation, comment se positionner face à cette
nouvelle grammaire de la compétitivité, ou de l’excellence ? C’est enfin une invitation à élargir le
regard, dans la relation au grand Sud‐ouest, et la complicité à construire entre Aquitaine et Midi‐
Pyrénées.
Martin Malvy Effectivement le phénomène de métropolisation est inéluctable ; à l’échelle de la planète, 50 villes
comptent plus de 5 millions d’habitants, elles seront plus de 400 en 2050. Ceci n’est pas sans poser
quelques problèmes : quel est le coût de cette métropolisation, en termes de congestion dans les
transports, de coût social ? Quelle sera la capacité des hommes à supporter la densification à
l’extrême ?
Je suis aussi inquiet du devenir des villes moyennes, qui ne savent pas comment elles vont assurer
leur destin. Doivent‐elles se raccrocher à la métropole, mais avec des risques de tensions,
notamment en ce qui concerne l’enseignement supérieur ? Ou peuvent‐elles jouer la carte de
l’insertion dans leur territoire de proximité ?
D’ici quelques années, l’ensemble du territoire sera irrigué par internet, le très haut débit. Comme
pour les révolutions précédentes, comme l’électricité ou le téléphone, l’ensemble du territoire sera
un jour maillé par ces nouvelles technologies, et ceci pourra constituer une alternative forte à la
solution unique de la métropolisation.
Laurence Barthe, maître de conférences en géographie, chercheuse en développement territorial et dynamiques des territoires ruraux Je vous propose une passerelle entre le dedans et le dehors, à travers des éléments issus d’une
prospective des espaces de faible densité en France initiée par la DATAR et intitulée « Territoires
2040 ». La prospective nous oblige à réfléchir à 20 à 30 ans, mais nous renseigne aussi sur le présent.
Je souhaitais faire un détour par les hypothèses émises à l’occasion de cet exercice national de
prospective, avant de revenir sur les espaces de faible densité de Midi‐Pyrénées. Cet exercice de
prospective propose en effet un ensemble d’hypothèses, qui sont surtout conçues pour susciter le
débat. Plusieurs grandes hypothèses ont ici été formulées, qui ouvrent chacune des bifurcations.
Deux de ces hypothèses privilégient l’idée qu’à l’horizon 2040 les espaces de faible densité seront
moins peuplés qu’aujourd’hui, avec donc un retour des populations vers les zones agglomérées
urbaines, ce qui n’est pas forcément le sens de ce qui observé actuellement. Ce dépeuplement des
espaces de faible densité pourrait avoir des conséquences très différentes, donnant donc lieu à deux
hypothèses différentes : la première serait de considérer qu’à horizon 2040 ces espaces seraient
désertifiés, et finalement ne seraient occupés que très ponctuellement par des communautés, y
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trouvant une forme de repli, notamment des populations exclues du phénomène de métropolisation.
Ce scénario est celui de la fin de l’économie résidentielle et de la redistribution sociale, dans lequel
on ne pourrait plus vivre dans ces espaces de faible densité que dans des modèles économiques
alternatifs, autour de l’économe vivrière.
La deuxième hypothèse du dépeuplement obéit à une autre logique, celle qui voudrait que ces
espaces, compte tenu des ressources stratégiques dont ils disposent (foncier, ressources
environnementales…), seraient investis pour des fonctions productives, alimentaires, énergétiques.
On voit bien que ces deux hypothèses interrogent des concepts très présents à l’heure actuelle dans
les débats d’aménagement et de développement, en particulier celui d’économie résidentielle, et du
maintien de son caractère structurant dans 30 ans.
Autre grande hypothèse qui a animée notre réflexion, et qui peut faire écho en Midi‐Pyrénées : l’idée
d’une banalisation des espaces de faible densité, avec leur grignotage sous l’effet d’une croissance
démographique soutenue et d’un desserrement urbain généralisé. C’est un pari sur le
renouvellement des processus de développement territorial dans les espaces de faible densité, en
mobilisant des bases de ressources distinctes. Une première piste serait la conquête de nouvelles
capacités productives, avec la diversification des systèmes d’activité et la mobilisation des capacités
d’innovation des populations résidant dans ces territoires ; c’est le modèle du développement
territorial revisité à horizon 2040, avec des nouveaux paniers de ressources et de biens. Par exemple,
ce n’est peut‐être plus l’AOC Roquefort qui portera le développement du Sud Aveyron, mais une
autre forme de valorisation du lait de brebis qui reste à inventer. Cette idée s’appuie sur l’innovation
locale, et sur le rajeunissement de la population résidant dans ces territoires.
Une autre piste réside dans la revalorisation des rapports urbain‐rural, à travers l’idée que les
espaces de faible densité pourraient développer demain des aménités et services dans une logique
de coproduction avec les territoires métropolitains. On ne parlerait plus ainsi d’opposition urbain‐
rural, mais de programmes de coproduction associant les espaces de faible densité aux espaces
métropolitains.
A partir de ces hypothèses, présentées de manière très succincte, je retiens aussi plusieurs facteurs
d’interpellation pour la situation régionale. Vus de l’extérieur, les territoires ruraux de Midi‐Pyrénées
présentent, en effet, des qualités fondamentales, et constituent de véritables pépites, dans la
mesure où ils sont faiblement impactés par l’étalement urbain. Ils ont également une forte valeur
patrimoniale, avec un rapport privilégié avec la nature, et détiennent des savoir‐faire forts en
matière de production agricole. Parmi leurs ressources stratégiques, on pourrait évoquer le château
d’eau des Pyrénées, mais aussi le ciel étoilé, les réserves de silence ; autant d’éléments devenus rares
dans une société urbanisée.
Autre qualité de ces espaces de faible densité en Midi‐Pyrénées : la région se caractérise par des
territoires organisés et structurés, avec une tradition ancrée de développement territorial, qui a
produit des territoires de projets à l’échelle des pays et des parcs naturels. Ces territoires sont
traversés par des dynamiques d’innovation, en matière d’économie sociale et solidaire, ou
d’agriculture, d’artisanat, mais aussi de services plus discrets… Ces atouts sont sans doute à adapter
en fonction des évolutions des attentes sociales.
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Enfin, les espaces de faible densité de Midi‐Pyrénées sont des territoires connectés, ouverts aux
échanges matériels et immatériels. Nous sommes dans des territoires où les populations circulent ce
qui est une vraie richesse pour ces territoires.
Ces différents leviers ne doivent, toutefois, pas occulter les revers de l’attractivité, ou en tout cas les
facteurs d’interpellation en découlant. Les dynamiques démographiques récentes restent inégales,
souvent ténues, et génèrent dans les territoires de vraies questions sociales et sociétales, en
particulier avec des formes de paupérisation marquées. Cette paupérisation est liée à la précarisation
d’activités traditionnelles, mais aussi à l’arrivée de nouvelles populations. Les capacités d’action et
d’innovation sont aussi contrastées entre ces territoires, ainsi que les niveaux d’éducation et de
diplôme. La cohésion sociale est donc, dans certains territoires, parfois fragile. Un des écueils à éviter
dans les prochaines années serait la création de poches, soit de pauvreté, soit de vieillissement.
Des enjeux peuvent être décelés, pour contribuer à la réflexion sur le pacte territorial qui doit être un
des objectifs du SRADDT. Le premier enjeu sera celui de la gestion de l’attractivité des espaces de
faible densité, pour contrecarrer les phénomènes d’exclusion ou de ségrégation que j’évoquais
précédemment, mais aussi les tendances à la captation externe des ressources stratégiques de ces
territoires. Ceci renvoie à la question de la maîtrise foncière, à l’intégration des ressources
environnementales dans l’ensemble de nos tissus d’activité, mais aussi à la complémentarité dans
nos territoires entre économie de production et économie de service.
Le deuxième enjeu, déjà largement évoqué ce matin, est celui de la prise en compte de toutes les
formes de connexions. Quelles seront demain les formes de circulation entre territoires, matérielles
et virtuelles ? Ne pourra‐t‐on pas demain travailler dans son logement, rendre des services, sans
forcément se déplacer ?
Troisième enjeu stratégique, c’est la redéfinition des périmètres d’action. La structuration actuelle
de la Région appelle sans doute une montée en périmètre, une montée en capacité des territoires en
particulier sur la question de l’ingénierie, question centrale pour les territoires ruraux. Il faut aussi
envisager l’ouverture des modes de gouvernance, vers les acteurs privés et les acteurs de la société
civile.
Dernier enjeu, qui fera écho à un des scénarios que j’évoquais tout à l’heure : comment repenser le
lien entre territoires métropolitains et territoires ruraux ? Il faudrait dépasser ce vieux clivage sous le
prisme d’un nouveau référentiel, avec le renforcement des solidarités horizontales. Ceci conduit à
réfléchir aux services rendus entre territoires, avec un même projet partagé.
MartinMalvyJe crois à la nécessité d’avoir ici en Midi‐Pyrénées une métropole forte, l’avenir de la région passe par
le développement de la métropole, mais je crois également au développement des filières à l’échelle
du territoire régional. Prenons l’exemple de l’aéronautique avec, à 170 kms de Toulouse, la Mecanic
Valley qui s’étend de Rodez jusqu’à la Corrèze. Nous avons organisé récemment une table ronde sur
l’optimisation de l’adéquation entre les formations et les besoins des entreprises de cette filière.
Comptant 15 000 emplois dans le domaine aéronautique, avec 200 entreprises, la Mecanic Valley a
recruté l’année dernière 600 personnes. Ceci prouve bien que l’image dominante de la dynamique de
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la filière est faussée : on a l’impression que seul Airbus recrute, alors que le développement de
l’emploi concerne plus largement la région.
Je crois beaucoup au développement de ces filières sur l’ensemble du territoire régional, s’appuyant
sur la puissance de la métropole pour développer la richesse et aménager les différents territoires.
Table ronde : quelles initiatives locales face aux défis globaux ?
Jean François Tosti, société TAT Productions Bonjour, je représente la société TAT, qui produit des films d’animation pour la télévision. En 2012,
nos programmes ont été primés dans différents festivals à l’international et en France. C’est en étant
basés à Toulouse que nous avons acquis cette reconnaissance, ce qui n’était pas gagné d’avance il y a
13 ans quand nous avons créé notre société ; depuis, nous sommes passés de 3 à 80, et nous faisons
partie des 10 plus gros studios d’animation français.
Pourquoi Toulouse et Midi‐Pyrénées ? Nous relevons de l’industrie culturelle, et dans ce cadre avons
besoin du soutien des collectivités ; nous avons bénéficié d’une relation privilégiée avec la Région
depuis 2005. Ce que je trouve stimulant dans notre parcours, c’est outre l’appui financier, un soutien
global grâce à un dialogue constant avec les interlocuteurs de la région. Nous représentons un
exemple de collaboration originale entre une entreprise privée et une collectivité : sur nos besoins en
termes de développement, mais aussi en termes de cohérence de cet appui avec les missions et les
attentes de la collectivité.
Cet échange a commencé avec les aides mises en place par la Région pour soutenir le
développement de programmes audiovisuels, qui nous a permis de structurer nos projets avant de
les présenter à nos principaux clients, à savoir les chaines de télévision. Une deuxième étape a été
ensuite le soutien financier à la production des programmes, puis le soutien dans nos déplacements
pour positionner nos programmes sur les marchés internationaux. Ceci a été fondamental dans notre
progression, permettant de passer de la France et quelques pays européens, jusqu’à une diffusion
dans 150 pays pour notre dernier programme.
Nous devons désormais embaucher et nous agrandir. Pour ce faire, nous bénéficions d’un contrat
d’appui, une innovation pour la Région dans ce secteur d’activité.
Tout ce partenariat s’est construit progressivement, dans une vision à long terme partagée avec les
acteurs de la Région car c’est un secteur qui peut créer de l’emploi, contribuer au rayonnement
international et donner une bonne image de la Région.
Au niveau régional, nous sommes maintenant plusieurs sociétés à travailler dans ce secteur, tout ceci
crée une forme d’émulation. Au niveau de la formation, avant nous avions du mal à trouver les
compétences sur place, mais c’est en train de changer. De nouvelles écoles se montent, et pour la
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première fois en 2013 nous avons recruté 6 ou 7 étudiants issues des écoles d’animation locales. On
sent donc l’ébauche d’une filière, avec deux autres entreprises, une à Toulouse et l’autre dans le
Gers, produisant également des programmes pour la télévision nationale.
Un autre point essentiel est l’implication de la Région dans l’installation du Cartoon Forum à
Toulouse, principal marché des programmes d’animation en Europe, qui se tenait auparavant chaque
année dans des villes différentes.
Cédric Auriol, société Micronutris Micronutris est une jeune activité en développement, qui se positionne sur la production et la
transformation d’insectes pour l’alimentation humaine, car c’est un moyen de répondre aux
problématiques alimentaires qui vont apparaître dans les prochaines décennies.
Plusieurs raisons ont dicté l’implantation de l’activité en Midi‐Pyrénées. Bien sûr parce que je suis
originaire d’ici, mais aussi pour des raisons objectives : d’une part, parce que l’industrie agricole et
agro‐alimentaire est déjà très développée, ce qui nous a permis rapidement de monter des
partenariats locaux ; d’autre part, nous avons été suivis par des structures d’accompagnement
comme Midi‐Pyrénées Expansion et Midi‐Pyrénées Innovation qui nous ont permis de mettre en
place des programmes de recherche innovants. Nous avons ainsi développé une technique de
transformation originale par déshydratation, avec un centre de recherche basé à Auch, préservant la
qualité nutritive des insectes avec un coût de production moindre.
Cette production d’insectes, dans une ferme, répond à de réels objectifs environnementaux : nous
produisons local, et idéalement à destination du marché local et européen, nous avons besoin
d’approvisionnement que nous pouvons aussi trouver localement. Pour la transformation des
insectes, nous pourrons aussi nous appuyer sur des outils comme le pôle de compétitivité Agrimip.
LaurenceBartheC’est un bon exemple de coopération inédite entre l’urbain et le rural. On connait le rôle important
que peuvent jouer dans beaucoup de nos territoires les lycées agricoles dans l’appui à l’innovation.
C’est une illustration de la logique du partage et de la circulation des connaissances dans une filière
territoriale.
Pierre Larrouy, économiste Midi‐Pyrénées a ceci de spécifique par rapport à la question du vieillissement qu’elle fait partie des
régions qui vont accueillir de plus en plus de personnes âgées, tout en ayant une forte croissance de
moins de 20 ans ; on pourrait dire qu’il s’agit d’un territoire laboratoire, pour essayer de construire
un « contrat de génération » macroéconomique.
J’ai travaillé à la demande de l’agence régionale de l’innovation sur la filière économique de
l’autonomie, avec la logique que l’on nomme aujourd’hui, après les japonais, la silver économie.
Nous sommes, en effet, confrontés à un double enjeu, celui des personnes concernées mais aussi
celui des aidants, que l’on passe trop souvent sous silence. Leur désocialisation (divorces, perte
d’emploi etc.) est sous estimée voire masquée. Cette question doit aussi être abordée sous l’angle
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économique et de création d’emplois. On connait trois points sur le marché économique du
vieillissement : premièrement, grâce à la technologie et à la robotique, on devrait tendre de plus en
plus vers une logique de maintien à domicile grâce au triptyque ; repérage, détection, suivi avec les
gérontechnologies. Deuxièmement, les seniors représentent plus de la moitié de la consommation
des territoires. Un troisième sujet reste peu traité : les personnes âgées épargnent de manière
croissante avec l’âge, ceci représente une masse d’épargne qui, mieux fléchée, permettrait de
conduire des politiques territoriales très intéressantes. La mobilisation de cette épargne, en mode
projet permet avec les services nécessaires aux plus âgés de créer les emplois de leurs enfants et
petits enfants. Cela pourrait correspondre à un enjeu sociétal significatif et stimulant qui ne peut se
construire que dans la proximité des territoires.
Midi‐Pyrénées est au cœur de ces différents enjeux, compte tenu de la situation démographique,
mais aussi de la capacité à développer des offres technologiques innovantes, aussi bien en termes de
numérique que de robotique. La région fait d’ailleurs partie des territoires considérés comme
expérimentaux au niveau national. On a, par ailleurs, la chance de disposer d’un secteur en pointe
sur la détection des situations de fragilité avec le Gérontopôle. Midi‐Pyrénées compte donc toutes
les qualités pour devenir un véritable démonstrateur national, dans tous les types de territoire :
urbain, rural, zones de montagne… De plus, différents territoires régionaux s’intéressent à cette
thématique, notamment le Gers dans l’innovation pour l’accompagnement des personnes en
vieillissement. La télémédecine se développe dans l’Ariège, dans le Tarn et Toulouse Métropole a
récemment fait valider aussi une orientation sur cette thématique.
Pour faire de cette activité une véritable filière économique, il faudrait multiplier ces différentes
initiatives pour atteindre une masse critique, tout en tenant compte des spécificités territoriales. Le
succès de cette filière reposera aussi sur des nouvelles organisations et partenariats public‐privé,
avec un fort volontarisme politique, à l’exemple de ce qui se passe au Japon et en Allemagne.
Hervé le Bras Le mot « vieillissement » est terrible, surtout en France, car il est historiquement péjoratif, alors que
les anglais parlent plutôt de « aging ». De plus en plus, nous devons considérer le vieillissement
comme une opportunité économique, pour le progrès médical, mais aussi en termes d’épargne, en
orientant cette dernière vers du capital‐risque. Depuis les années 90, il ya eu une inversion
générationnelle majeure : avant, la pauvreté était associée à la vieillesse, alors que maintenant c’est
la jeunesse. Les rapports entre génération ont été bouleversés, désormais les flux financiers passent
de plus en plus des personnes âgées vers les jeunes. Cette solidarité intergénérationnelle, c’est à la
fois bien, pour permettre des appuis fins au sein de la famille, mais c’est aussi limitée, la solidarité
étatique devant permettre aussi d’aider les plus jeunes qui ne bénéficient pas de soutien familial. Il
faudrait donc pouvoir orienter une partie de ce capital vers des investissements plus risqués, comme
soutien à l’activité économique.
Comme ceci a été souligné, il existe un énorme gisement d’emploi dans l’aide à l’accompagnement
des personnes âgées, mais ceci suppose une revalorisation de ces métiers, notamment par un effort
de formation et de montée en compétence des actifs dans ce domaine.
Votre région, grâce à la diversité de son territoire, peut être à la pointe dans ce champ. En agissant
en particulier dans les zones les moins denses, on pourrait aussi limiter les tendances émergentes
que je présentais tout à l’heure, à savoir l’affluence des personnes âgées les plus aisées vers les
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centres‐villes, phénomène qui pourrait accentuer les logiques de ségrégations socio‐territoriales. Je
trouve donc intéressant que la Région se lance dans ce type de projets, pouvant servir de véritable
laboratoire.
Philippe Estèbe Merci à nos intervenants. Nous avons abordé trois domaines a priori très différents : numérique,
alimentation, et réponse au vieillissement. Et pourtant à chaque fois la même question est revenue
de manière récurrente, la construction de filières et de complémentarités entre les territoires
régionaux.
Echanges avec la salle
Franck Montaugé, Maire d’Auch Je voudrais affirmer que les villes moyennes en Midi‐Pyrénées ne sont pas perdues, elles ont bien
conscience que tout leur développement ne repose pas sur la relation avec la métropole. Elles
souhaitent jouer un rôle d’articulation entre la métropole, que nous souhaitons tous dynamique, et
les territoires ruraux avec qui nous sommes en rapport très étroits. Cette articulation est centrale et
devrait figurer au cœur du futur SRADDT, car elle conditionne le développement aussi bien des villes
moyennes que des territoires ruraux. C’est aussi dans cette optique qu’a été construite la démarche
de dialogue métropolitain, à laquelle participent les villes moyennes, démarche que nous voulons
complémentaire aux politiques du Conseil Régional.
Pour autant, au sein de la catégorie des villes moyennes, il y a des distinctions à faire en fonction des
vocations, du niveau de développement; par exemple, Castres et Auch ont des problèmes
comparables en termes de desserte, que le SRADDT devrait intégrer, afin que les villes jouent un rôle
au bénéfice de leurs territoires de proximité.
Catherine Marlas, Conseillère régionale et Présidente du PNR des Causses du Quercy Je voulais revenir sur les enjeux pointés par Laurence Barthe, et surtout sur la question des aménités
des territoires ruraux. Dans un avenir proche, nous aurons à envisager un aménagement du territoire
qui s’appuie sur ces aménités. Demain, c’est plus de 20% du territoire régional qui sera classé en Parc
Naturel Régional. On pourrait y travailler encore mieux la question de la relation entre l’urbain et le
rural : modes de gouvernance renouvelés, émergence de filières économiques…
Dans « Midi‐Pyrénées 2030 », on doit se servir et s’appuyer sur les ressources de ces territoires. Tout
l’enjeu régional reposera sur la capacité à articuler les territoires disposant d’une richesse
productive, et ceux bénéficiant d’autres richesses, patrimoniales et naturelles. Les uns et les autres,
loin de s’opposer, se complètent et s’enrichissent mutuellement.
Jean-Paul Laborie, professeur émerite Hervé Le Bras dans son interventions montre comment les rémanences des caractéristiques des
territoires continuent de les structurer. Dans son dernier livre, il indique également qu’en Midi‐
Pyrénées la part de l’emploi public y est la plus élevée de France.
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En Midi‐Pyrénées la forte attente vis‐à‐vis de l’Etat républicain demeure. Elle est renforcé par les
effets des apports de capitaux publics dans les fondements de l’économie régionale :
décentralisation, arrivée des grandes écoles, installation des grandes entreprises publiques… Mais
depuis une dizaine d’années, les flux de nouveaux arrivants dans la région s’intensifient et en
majorité ils ne relèvent plus de la logique dépendante des investissements de l’Etat et de l’action
publique. Le substrat de notre région évolue donc fortement avec ces nombreuses arrivées.
Restitution et débats avec la salle sur les résultats des ateliers prospectifs
1er temps : Midi-Pyrénées, région d’Europe et du monde
Lionel Rabilloud, Acadie, rapporteur des ateliers de travail prospectif Dans le temps limité dont nous disposons, je présenterai avant tout la synthèse des enjeux qui ont
émergés des ateliers prospectifs conduits au cours des dernières semaines. La globalité du
raisonnement est présentée dans le support intégré dans le dossier du participant au Forum.
Positionner Midi‐Pyrénées comme région d’Europe et du monde permet d’aborder trois enjeux
prospectifs complémentaires. Le premier enjeu consiste à envisager, à horizon 2030, Midi‐Pyrénées
au cœur d’une grande région sud‐européenne : comment la région peut‐elle s’affirmer au centre du
quadrilatère des métropoles Barcelone / Bilbao / Bordeaux / Marseille, dont Toulouse est le cœur ?
La région disposera d’atouts, notamment un territoire fortement attractif au regard de ses voisins, et
sa situation géographique, charnière entre les deux façades maritimes et centrée sur un bien
commun, les Pyrénées.
Au sein de cette grande région en devenir, l’enjeu du couplage Toulouse‐Bordeaux/Barcelone
apparaît central : à horizon 2030, l’effet LGV jouera sur les dynamiques interurbaines ; plus
largement, c’est la question des complémentarités et des concurrences, par exemple pour
l’aéronautique, l’Université, ou l’agro‐alimentaire.
Enfin, pour Midi‐Pyrénées l’enjeu sera de construire une responsabilité du rapport au monde
partagée par l’ensemble des territoires régionaux, au‐delà de la métropole. Ceci implique en
particulier de diversifier les territoires « portes d’échanges avec le monde ».
Gérard Onesta, Vice-Président du Conseil Régional aux Affaires Européennes Midi‐Pyrénées région d’Europe ? Je ne suis pas certain qu’en 2030 l’Europe, ou Midi‐Pyrénées,
existent encore tels que nous les connaissons. Au niveau européen, on voit bien les difficultés des
situations économiques de pays comme le Portugal ou l’Espagne. Le modèle européen actuel est
extrêmement fragile et on peut craindre que les populistes fassent une entrée fracassante dans les
institutions communautaires à l’occasion des prochaines élections européennes.
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Quant à la région Midi‐Pyrénées, c’est à l’échelle du temps historique une entité administrative assez
récente ; avec l’enclenchement de la réforme territoriale, le fait métropolitain ne va‐t‐il pas
s’affirmer fortement dans les prochaines années ? N’assistera‐t‐on pas à la disparition des
départements, à une gestion par la région de territoires devenus interstitiels ? Ou au contraire
connaîtra‐t‐on un mécanisme à l’européenne, où ce seront plutôt les régions qui reprennent la
main ? On peut donc imaginer que la réforme territoriale donne lieu à des reconfigurations de la
géographie locale que nous connaissons actuellement, avec pourquoi pas une reconstitution de l’aire
occitane, ou l’émergence d’une Grande Gascogne ou d’un Grand Languedoc ?
Dans cette perspective, on perçoit bien que nos débats actuels seront largement influencés par ces
grandes dynamiques. Les décisions macro‐géographiques européennes et nationales restent encore
à écrire, et nous pouvons y contribuer modestement à travers nos échanges.
Au niveau régional, est‐ce que dans les prochaines années nous continuerons à nous penser comme
le Sud‐ouest par rapport à Paris ou comme partie prenante d’un Sud‐ouest de l’Europe ?
Claude Lacour Tous les choix de construction institutionnelle, d’eurorégion ou de partenariats transfrontaliers,
doivent reposer sur des projets concrets pour trouver un sens. Quels sont les projets porteurs de
cette région d’Europe ? Bien évidemment le TGV, qui reste à finaliser, mais aussi le marquage agro‐
industriel, ou les espaces de projets d’aménités autour des parcs naturels… On doit aussi pouvoir
avancer sur un projet commun pour les Pyrénées, au‐delà des conférences et programmes existants.
Gérard Onesta Les Pyrénées sont en effet l’axe structurant de notre territoire, alors qu’elles ont toujours été vécues
comme une frontière. Pour le concrétiser, il faut faire un saut qualitatif dans notre fonctionnement
commun. Dans les Alpes, les acteurs ont osé écrire la convention alpine, c’est‐à‐dire un instrument
international de portée juridique, alors que le choix n’a pas été retenu pour l’instant de formaliser
une convention pyrénéenne. Il faudrait que tous les territoires concernés acceptent de mettre en
partage cet atout, ce qui ne passe pas forcément par la réalisation du projet de tunnel pour la
Traversée Centrale. Entre faire des Pyrénées un sanctuaire, espace sauvage et dédié à la biodiversité,
ou au contraire les voir comme un obstacle qu’il faut perforer pour laisser passer des camions
contribuant au commerce mondialisé plus qu’aux besoins des Pyrénéens, il faut trouver une autre
solution, plus centrée sur nos territoires, avec par exemple la valorisation de la ressource en eau au
service d’un nouveau modèle d’agriculture.
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2ème temps : Midi-Pyrénées, une nouvelle géographie stratégique ?
Michèle Garrigues, Vice-présidente en charge de l’évaluation, de la prospective et du suivi du contrat de projets J’introduirai les échanges et les débats de cet après‐midi en rappelant quelques éléments de
contexte. Midi‐Pyrénées est la plus vaste région de France, comptant 54% de son territoire en zone
de montagne. L’aire urbaine toulousaine tient une place prépondérante, accueillant 42% de la
population régionale et se classant au quatrième rang national.
Comme cela était souligné ce matin, cette prédominance toulousaine n’empêche pas un
développement des villes moyennes, aussi bien en termes de croissance démographique que de
rayonnement. Ces villes moyennes partagent des caractéristiques avec la métropole toulousaine :
fortes inégalités sociales, développement du périurbain…
La présentation d’Hervé Le Bras a aussi souligné le dynamisme des petites villes, en apportant une
note d’optimisme sur leur devenir possible : nous constatons que notre région reste relativement
favorisée par rapport à d’autres, ce qui constitue un cadre plus favorable pour poser la question des
complémentarités entre territoires local, entre urbain et rural.
Lionel Rabilloud Un des ateliers prospectifs d’avril s’intitulait « L’armature urbaine régionale ». A l’issue des travaux, il
apparaît opportun de poser cet enjeu prospectif autour de la formulation suivante : « Midi‐Pyrénées,
une nouvelle géographie ». Pourquoi cette reformulation ? Un des acquis transversal de cet atelier a
en effet été de faire émerger l’idée que Midi‐Pyrénées n’a pas une armature urbaine « unique » : les
villes de différentes tailles et leurs territoires voisins s’inscrivent et s’inscriront dans les prochaines
années dans différents maillages, différentes fonctions à l’échelle régionale… et au‐delà.
Cette nouvelle géographie de la région s’organise autour de trois enjeux essentiels. Le premier
postule qu’il existera à horizon 2030 non pas un seul, mais plusieurs systèmes d’armature régionale,
multipliant les cartes à jouer pour les « villes moyennes ». Ces systèmes d’armature territoriale
renvoient à l’organisation par grands bassins et zones d’emploi, centrés sur des cœurs urbains ; mais
aussi à des systèmes reposant sur les interconnexions et les liens entre territoires, dessinant des
grands « faisceaux » autour de la métropole régionale, faisceaux au sein desquels les villes moyennes
jouent un rôle central de points d’ancrage du territoire. Enfin, ces systèmes reposent également sur
les interconnexions et les liens entre territoires, organisant une armature de « grappes » de villes,
structurantes de sous‐ensembles régionaux.
Le second enjeu consistera à mieux valoriser dans les logiques de structuration de l’espace régional
l’acquis « historique » que représente le semis des petites villes de la région, comptant entre de
l’ordre de 2 000 à 20 000 habitants. Midi‐Pyrénées dispose en effet d’une structure urbaine unique:
sur les 3020 communes de la région, seules 32 ont plus de 5000 habitants, et seules 18 ont plus de
15 000 habitants. Dans cette configuration, les petites villes polarisent fortement l’espace, parfois au‐
delà de l’échelle du bassin de vie, mais avec des capacités différenciées. La question de la solidarité à
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développer vis‐à‐vis de ces « petits centres », refuges des ménages précaires, et des communes en
difficulté financière, est ainsi fortement ressortie dans les ateliers prospectifs.
Enfin, un troisième enjeu renverra à la liaison de Midi‐Pyrénées avec les territoires voisins, posant la
question de l’organisation des dynamiques interrégionales différenciées entre des « grappes » de
territoire au sein et en dehors des frontières institutionnelles ; à titre d’exemple, se développent des
logiques de système « Tarbes‐Lourdes / Pau », un axe « Toulouse/Lauragais/Carcassonne », un
ensemble « Rodez/ Figeac / Brive‐Tulle », le bassin « Agen/Valence d’Agen/Lectoure »…
Plusieurs champs d’intervention de la Région seront plus directement interpellés par ces enjeux : les
politiques de déplacements, mobilités et transports ; le développement économique ; la formation
professionnelle ; et les trames verte et bleue.
Nous vous proposons de discuter de ces éléments de représentation : qu’induisent‐ils en termes, par
exemple, de modalités de gouvernance ? Comment cette organisation peut‐elle s’articuler à l’avenir
avec le « mille‐feuille » institutionnel local, structuré autour des EPCI, SCoT, Pays, dans une logique
de relation entre les villes et leurs territoires ? Comment tenir compte des fonctions différenciées
des villes, moyennes et petites, dans les logiques d’organisation institutionnelle ?
Débats avec la salle
Jean-Claude Lugan En faisant référence à ce qu’évoquait Laurence Barthe ce matin, on peut en effet estimer qu’il y a
une certaine étroitesse des intercommunalités, même si les périmètres ont déjà évolué et continuent
à le faire dans certains départements. Les Scot sont en général des éléments fédérateurs d’intérêt
beaucoup plus larges que les communautés de communes ; c’est par ce biais que passera sans doute
la future organisation du territoire régional.
Aujourd’hui, on vit, en tant qu’élu local, un certain écartèlement entre ces différentes structures
institutionnelles, on cherche à les connecter et surtout à expliquer leurs compétences respectives, ce
qui n’est pas toujours évident.
Quant aux polarités présentées, certaines petites villes sont ressenties comme ayant tendance à
métropoliser leur territoire, au même titre que Toulouse ou les villes moyennes. Cette perception de
l’effet de métropolisation des petites villes est ainsi un argument régulièrement évoqué par les élus
ruraux, notamment dans les travaux de Scot, qui accusent les métropoles du pays de trop concentrer
les activités.
Dans l’exercice de prospective régionale que nous engageons, il faut veiller à ne pas rester dans une
analyse trop classique des territoires ; aujourd’hui émerge une autre dimension du territoire, avec les
réseaux invisibles. Il faut réintroduire ces notions de réseaux, en particulier le numérique, sans pour
autant penser que ce réseau numérique suffira à compenser l’absence d’aménités de certains
territoires. Ces réseaux ne viendront pas en substitution de ces services, mais bien en
complémentarité. Ceci doit nous amener à raisonner en termes d’espace‐temps, y compris dans les
métropoles, avec l’évolution très rapide des pratiques des habitants, notamment en termes de
mobilités. Les systèmes de gouvernance et les lectures des territoires qu’ils induisent ne sont plus
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forcément adaptés à ces modifications importantes des logiques « espace‐temps » des habitants. Il
faut arriver à mieux gouverner les réseaux et les intégrer avec les logiques territoriales habituelles.
Sabine Fontez, Syndicat mixte du Pays du Lauragais Les apports de la matinée ont été particulièrement intéressants pour des territoires comme les
nôtres, qui vivent au quotidien des problématiques de territoires ruraux, plus ou moins densément
peuplés. Outre la logique de métropolisation qui s’exerce dans la région, il existe des territoires qui
s’appuient fortement sur leurs petites villes de proximité. Il convient de ne pas oublier ces territoires
ruraux, interstitiels, qui se sont souvent organisés ces dernières années en pays, et sur lesquels pèse
l’inconnu du devenir des contrats de pays, ou de l’évolution des lignes budgétaires européennes. Il
existe une nécessité d’apporter une ingénierie renouvelée à ces territoires ruraux, s’appuyant sur les
acquis des dernières années ; il sera également intéressant de pousser la complémentarité entre
pays et Scot, démarche de développement territorial et démarche de planification locale, enjeu que
pourra porter le SRADDT.
Entre l’agglomération toulousaine, les villes moyennes et les territoires ruraux structurés autour des
pays et des Scot, il y a de nouvelles formes de coordination à inventer. La réforme territoriale devrait
nous donner un nouveau cadre de partage des compétences, mais il faudra que les
intercommunalités conservent le rôle de facilitateur et d’accompagnement à l’émergence de projets.
Nos communautés de communes sont‐elles en mesure, dans les territoires ruraux, de mobiliser de
l’ingénierie pour assurer ce dialogue à l’échelle des territoires locaux ? Je suis convaincue que
l’emboitement intercommunalité / SCoT / pays est encore porteur d’intérêt, en combinant
différentes approches de planification, de développement local, et de gestion du service au quotidien
pour les citoyens ; il s’agira surtout de réfléchir à la rationalisation des interventions et des moyens
mobilisés par ces différents outils.
Dominique Jacomet, Directeur du CAUE de l’Aveyron Je suggérerais d’intégrer deux éléments complémentaires dans les cartographies figurant dans le
dossier de présentation, qui n’apparaissent d’ailleurs que trop rarement dans les documents
d’urbanisme ; ce sont la géologie et le relief. Introduire ces éléments, c’est aussi parler de la
dimension historique de l’évolution du territoire ; on comprendrait ainsi mieux pourquoi il existe des
petites et des villes moyennes, centres de gravité qui structurent la région, avec des territoires qui
fonctionnent en relation étroite avec leurs villes, avec des paysages ruraux construits autour et avec
un centre plus urbain.
A Rodez, par exemple, on peut habiter à 15 minutes du centre‐ville dans un village, mais qui en fait
fonctionne comme un quartier de ville, parce que le fonctionnement au quotidien des habitants y
sera similaire à celui des habitants d’une métropole. L’introduction du relief et de la géologie permet
donc de tenir compte de la dimension temporelle, de la construction progressive du paysage et de
son fonctionnement.
Xavier Beaussart, Parc naturel Régional du Haut-Languedoc Je voudrais faire le lien avec un des scénarios présentés ce matin, à savoir celui des territoires ruraux
axant leur développent autour la valorisation de leurs ressources naturelles. C’est déjà une réalité,
ces territoires disposent de foncier, d’eau, de bois, de productions agricoles. Vis‐à‐vis des aires
urbaines, ces territoires ruraux peuvent se positionner en complémentarité : espaces récréatifs,
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viviers de ressources naturelles. Mais il faut que le développement induit par l’exploitation de ces
ressources bénéficie aux territoires producteurs, et pas uniquement aux agglomérations de
proximité.
Ceci implique de développer de la valeur ajoutée localement, par exemple ne pas simplement couper
les arbres et transformer le bois ailleurs. La métropole conservera toujours une place essentielle
pour la création de valeur ajoutée, il est essentiel que les autres territoires s’inscrivent en
complémentarité. Pour maintenir une vie sur les territoires ruraux, il faut aussi développer de
l’activité d’accueil, du tourisme. Historiquement, un territoire comme le Haut Languedoc bénéficie
d’un semis de hameaux, qui l’irrigue, le rend vivant. Il faut conserver cet atout, facteur de
l’attractivité de notre territoire.
Jean-Philippe Grouthier, Directeur Régional de l’INSEE Quand on présente cette nouvelle géographie régionale, il faudrait aussi développer une tendance
lourde, à savoir le découplage de plus en plus marqué entre la géographie des habitants et celle des
emplois. La tendance spontanée observée ces dernières années est bien celle d’une concentration de
plus en plus forte des emplois. Ceci peut s’expliquer par les externalités positives qui incitent les
acteurs économiques à regrouper l’activité et les emplois, alors que les externalités négatives que
cette concentration induit ne sont pas à la charge de ces acteurs de la production. Cette tendance
lourde devrait nous interroger : si tous les territoires semblent bénéficier de la dynamique
démographique, les mêmes cartes sur la dynamique de l’emploi ne dégageraient pas la même vision.
Ceci pose deux questions essentielles pour l’élaboration du SRADDT : premièrement, est‐il possible
de contrarier voire inverser, cette tendance à une très forte concentration des emplois ? Et, si ce
n’est pas le cas, quel rôle peut‐on donner aux différents territoires dans un schéma de forte
concentration de l’emploi, comment administre‐t‐on ces déséquilibres territoriaux ?
Jean-Paul Laborie Dans les petites villes de Midi‐Pyrénées, les villes entre 5000 à 7000 habitants, les taux d’actifs sont
faibles et la part de l’emploi public est relativement élevée. Ainsi, paradoxalement, certaines de ces
petites villes peuvent connaitre des crises économiques avérées, tout en enregistrant des taux de
chômage plutôt faibles. La bonne tenue du taux d’emploi des petites villes qu’indique la carte
présentée peut aussi s’expliquer par le fait que les données sont cartographiées à l’échelle des unités
urbaines, intégrant les dynamiques des banlieues que connaissent les villes y compris les plus petites.
J’en profite pour évoquer le nouveau projet de loi sur la décentralisation ; le texte actuel, en cours de
finalisation, évoque clairement le territoire de la métropole comme celui de l’aire urbaine. Ceci
amènerait à reconsidérer entièrement la cartographie habituelle de la région, avec plusieurs villes à
30 minutes ou 1 heure de Toulouse qui seraient intégrées dans la gouvernance métropolitaine. Avec
cette logique, c’est aussi le nombre de petites villes de la région qui serait nettement inférieur ; le
SRADDT devrait prendre en compte cette distinction entre des villes déjà intégrées dans le
continuum de l’aire urbaine toulousaine (Montauban, ou l’Isle‐Jourdain), et les autres villes de la
région. La nouvelle structure de conseil de développement de la métropole toulousaine s’inscrit dans
le sens de ce projet de loi ; il reste à voir si cette acceptation « métropole = aire urbaine » restera
dans le projet de loi final.
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Dominique Jacomet Dans les territoires ruraux, face à une représentation dominante des systèmes d’organisation des
territoires autour d’une polarité métropolitaine rayonnante sur des villes satellites, on pourrait
proposer une représentation alternative, sous forme d’archipels, c’est‐à‐dire des éléments
autonomes mais fortement liés, sans territoire dominant. La représentation que nous privilégierons
aura un impact sur les formes de gouvernance retenues.
Philippe Estèbe Vous évoquez tous la complémentarité entre les territoires ; peut‐on approfondir cette notion, car
sont mis en avant surtout des lectures conflictuelles, comme la répartition des emplois ou celle de la
valeur ajoutée ? Pourrait‐on donner des exemples de complémentarité déjà construites entre ces
différents types d’espaces ?
Benoît Lanusse, Association des Professionnels de l’Urbanisme de Midi-Pyrénées Certaines complémentarités sont sous‐exploitées, par exemple les infrastructures de transports qui
fonctionnent seulement dans un sens le matin et dans l’autre le soir, ce qui signifie que la capacité
n’est pas entièrement utilisée. Le TER est conçu aujourd’hui surtout pour rabattre les actifs le matin
vers Toulouse, puis les ramener à leur domicile le soir. On peut imaginer, et un projet actuel va dans
ce sens (mise à 4 voies Toulouse ‐ Saint‐Jory), que demain des TER traversent Toulouse sans y avoir
leur terminus. Ainsi des habitants du Lauragais pourrait aller travailler à Montauban en un seul trajet.
Philippe Estèbe C’est tout à fait intéressant, on peut en effet imaginer une prospective régionale où, à l’exemple de
ce qui se dessine actuellement en région parisienne, les flux tangents à la métropole se développent.
Sabine Fontes Les complémentarités pourraient aussi s’organiser à partir de fonctions dévolues aux différents
territoires et villes ; on pourrait réfléchir à l’échelle régionale aux fonctions à assurer : espaces
productifs, récréatifs ? Comment ces fonctions peuvent‐elles intelligemment se répartir, avec quels
moyens ? Pour les territoires ruraux, ce levier financier de la répartition entre territoires renvoie au
levier fiscal très limité des communautés de communes. Réfléchir aux missions et aux fonctions de
chacun dans l’espace régional, c’est aussi réfléchir aux leviers fiscaux adaptés.
Claude Lacour En synthèse de ce temps de débat, je retiens plusieurs points. Tout d’abord, je trouve intéressant que
le mot « armature » réapparaisse dans les débats d’aménagement régional. Ensuite, on voit bien que
la notion de « moyenne » suscite beaucoup de débats, comme souvent en France ; on préfère ainsi
parler des villes intermédiaires plutôt que des villes moyennes.
Une autre idée, évoquée dans le dossier des participants au Forum, mériterait aussi d’être soulevée
dans nos débats, c’est celle des « villages métropolitains » ; ces territoires ont en effet des capacités
créatives importantes, avec des innovateurs sur lesquels la région doit pouvoir s’appuyer. Dernière
remarque, il ne faut pas oublier parmi les réseaux invisibles évoqués tout à l’heure celui du
bénévolat, du monde associatif, de la solidarité. Ne peut‐on pas craindre qu’il soit en voie de
disparition, alors que c’était une force de cette région « terre de rugby » ?
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Michèle Garrigues Je vous rassure, il existe encore dans nos villages une dynamique associative importante, ciment de
la vie et de la richesse sociale de nos communes. Y compris dans une commune périurbaine comme
la mienne, il existe une vingtaine d’associations. Cet esprit, qui se perd peut‐être effectivement dans
l’urbain, est encore très présent dans le périurbain et le rural. Ce sont d’ailleurs souvent des urbains
qui s’installent ici pour retrouver une qualité de vie et des rapports de proximité.
Je voudrais aussi revenir sur la notion de valeur ajoutée évoquée tout à l’heure ; dans les territoires
ruraux, les produits de l’agriculture pourraient être transformés sur place, on peut aussi renforcer
l’émergence des circuits courts, les ventes directes ou les chambres d’hôte à la ferme. La Région
appuie d’ailleurs déjà largement ces stratégies.
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3ème temps : Midi-Pyrénées, la région des qualités de la vie quotidienne ?
Jean Louis Guilhaumon, Vice-Président en charge des politiques territoriales, de l'économie touristique et du thermalisme J’aimerais aborder le troisième temps de débats à travers le prisme des politiques territoriales.
Quand nous parlons d’attractivité, de qualité de vie de nos territoires, ceci fait bien évidemment
référence aux différentes politiques territoriales mises en œuvre, qu’il s’agisse des agglomérations,
des PNR, des schémas de massifs. Toutes ces politiques permettent de mailler le territoire régional,
en lien avec la vision globale qu’a développé la Région de l’aménagement de son territoire au cours
des dernières années. La Région a toujours considéré qu’il n’y avait pas antinomie à prendre en
compte le fait métropolitain, à accompagner des agglomérations, tout en répondant aux besoins
d’appui qu’expriment les territoires ruraux de ne pas être délaissés dans cette dynamique régionale.
Nous souhaitons tous une métropole armée pour répondre aux grands enjeux de la concurrence
internationale, ainsi qu’une aide aux territoires ruraux. Même si le SRADDT n’est pas un document
prescriptif, il intervient à point nommé pour nous accompagner dans cette réflexion, dans un
contexte de forte instabilité : acte 3 de la décentralisation, négociation en cours sur la future
génération des fonds européens, CPER restant à écrire… Nous évoluons donc aujourd’hui dans un
environnement particulièrement instable ; à ce titre, les débats engagés dans le cadre du SRADDT
peuvent constituer une boussole dans nos réflexions.
Parmi les débats précédents, j’ai été particulièrement sensible à la présentation des scénarios des
territoires ruraux de Mme Barthe, notamment celui, le plus optimiste, du renouvellement du
développement territorial sur les espaces à faible densité, visible à travers la structuration actuelle
des Scots. Ce scénario offre une perspective intéressante pour une partie de nos territoires ruraux,
sur la base de formes de contractualisation qui doivent évoluer, aussi bien dans leurs périmètres que
dans leurs contenus. Ce dont ces territoires ont essentiellement besoin, c’est d’un appui en matière
d’ingénierie, ma conviction personnelle étant qu’une ingénierie de niveau régional doit venir
complémenter celle mise en place à l’échelle des pays.
Au final, la Région a donc un rôle essentiel à jouer pour contribuer à l’équilibre entre tous les
territoires qui la composent.
Lionel Rabilloud Comment se joueront demain les qualités de vie en Midi‐Pyrénées ? Les ateliers prospectifs ont
permis de faire émerger trois grands enjeux pour la suite de la démarche. Le premier est celui du
maintien des mixités dans un contexte de forte pression métropolitaine : comment répondre au
risque de segmentation fonctionnelle selon les grands faisceaux qui structureront l’organisation
régionale ? Comment faire face à la question de la gestion des fonctions supports et de report des
externalités de la métropolisation ? Comment intégrer le risque fort de fragmentations sociales ?
Un deuxième enjeu concerne la réassociation des proximités entre villes et campagnes, réassociation
qui peut prendre une grande diversité de configurations : campagnes autour des « villes moyennes et
petites villes », avec un modèle de forte intégration économique, reposant notamment sur l’agro‐
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alimentaire et les circuits courts ; campagnes « jardins des villes », avec des fonctions axées autour
du tourisme, de la bi‐résidence, de la saisonnalité ; et bien sûr le cas spécifique des piémonts, posant
la question des rapports montagne – vallées.
Un dernier enjeu qui a émergé est celui de l’innovation sociale dans tous les territoires : quelles
seront les nouvelles modalités de l’accessibilité aux services, aussi bien pour le numérique, les
transports, l’offre de services locaux ? Quelle place accorder aux sobriétés environnementales, par la
mise aux normes du bâti, ou la modération de la consommation énergétique ?
Philippe Estèbe Nos modes de vie recomposent en permanence la proximité. L’espace de proximité n’est plus
uniquement le village ou le quartier, nous avons tous des comportements hédoniques de
consommation territoriale à des échelles très différentes. Avec la dissociation croissante des
fonctions spatiales, nous sommes en situation chacun de configurer à la carte nos espaces de
proximité.
Ceci implique que la proximité se joue de manière intime avec l’évolution de la mobilité. Or, le
paradoxe de cette mobilité, c’est qu’elle produit une très forte ségrégation ; plus on est mobile, plus
on se spécialise selon sa classe d’âge, son niveau social… Peut‐on, dans un univers de forte mobilité,
imaginer malgré tout de nouvelles formules de mixités ?
Aborder la proximité, c’est poser la question des rapports villes‐campagnes… mais aussi campagnes –
campagnes. N’assiste‐t‐on pas à la reconfiguration de proximité relevant plutôt de pratiques
urbaines, mais au sein des espaces ruraux ? Quelles en sont les conséquences possibles en termes
d’équipements, de services collectifs ?
Enfin, dans cette logique d’évolution des territoires, une vision, pessimiste ou objective, serait de
constater qu’il est impossible de proposer des services partout, le service public traditionnel ne
pouvant pas suivre l’évolution de la localisation des besoins des citoyens. Ceci implique de plus
s’appuyer sur les initiatives sociales et sociétales. Dans cette vision, une partie essentielle de la
structuration de la proximité relèverait des initiatives des habitants eux‐mêmes. Pour la mobilité, ou
la garde d’enfants par exemple, il y a un véritable enjeu à promouvoir des solutions d’initiatives
locales, notamment dans une région comme Midi‐Pyrénées avec une tradition vivace de l’entraide et
de la cohabitation entre plusieurs générations. Comment peut‐on réactiver ces solidarités, par
nécessité et par vertu ?
Débats avec la salle
Dominique Jacomet Je pense qu’il ne faut pas avoir une posture trop défensive. En dehors de la métropole, le futur est
déjà présent‐ dans les territoires ‐, il dépasse un clivage traditionnel entre urbains et ruraux. La
campagne, ce n’est plus l’inculture, en opposition à la ville civilisée ‐ (payens vs civis). Aujourd’hui,
une ville moyenne comme Rodez présente certains attributs d’une métropole, qui n’est ni urbaine, ni
rurale, mais une autre forme de ville.
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Yann Cabrol, Agence d’urbanisme de Toulouse Je voudrais contribuer au débat sur les nouvelles mixités. L’écueil dans lequel certains territoires
pourraient tomber serait de chercher les fonctions qui leur sont propres, mais en abandonnant ainsi
une ambition de mixité fonctionnelle, par exemple en se spécialisant dans l’accueil résidentiel. Le
risque serait alors de dupliquer à l’échelle de la région ce qu’on a pu observer à l’échelle des
agglomérations, avec des territoires dortoirs et d’autres territoires productifs… Il conviendrait plutôt
de viser à ce que les territoires se répartissent certes les fonctions, mais en conservant un gradient
de mixité adapté ; par exemple, les territoires ruraux ont vocation à participer au processus de
l’innovation. Chacun doit donc jouer sa carte spécifique, tout en pensant la complémentarité
fonctionnelle et sociale, évitant ainsi les spécialisations à outrance.
Cependant, certaines fonctions ne peuvent être envisagées qu’à la grande échelle, comme la
logistique ou la gestion des granulats ; les échelles des EPCI ou des SCoT sont souvent trop
restreintes, et le SRADDT peut être l’occasion de construire des solutions à une échelle plus
pertinente.
Pierre Poullain, Association des chambres d’agriculture des Pyrénées Les débats en cours m’inspirent plusieurs réflexions. Il ne faut pas négliger la dimension
internationale de nombreux marchés agricoles, et ma question est de savoir quels outils peuvent être
développés au niveau régional pour s’inscrire dans et infléchir ces logiques de marchés globaux.
Je rejoins aussi ce qui a déjà été proposé quant à l’idée de conserver et développer la valeur ajoutée
agricole sur le territoire local ; ceci touche à des processus complexes, ce n’est pas forcément parce
qu’un producteur va développer des produits labélisés que la valeur ajoutée va rester et participer à
l’aménagement de ce territoire local.
Enfin, l’analyse du SRADDT pourrait utilement être enrichie en intégrant des éléments tels que
l’évolution de la démographie agricole ; quelle prospective peut‐on développer à horizon 2030 d’une
activité telle que l’élevage régional ?
Philippe Estèbe Concernant la dimension internationale de l’agriculture, ceci renvoie à un enjeu évoqué ce matin :
doit‐on développer une marque régionale pour le positionnement des produits agricoles sur ces
marchés internationaux ?
Julie Lafforgue, Fédération régionale des foyers ruraux Je reviens sur la question du bénévolat et du monde associatif en milieu rural. Peut‐être les initiatives
à l’œuvre dans ces territoires ne sont‐elles pas suffisamment rendues visibles, et il faut axer notre
attention sur la valorisation de l’existant. Avec les foyers ruraux, nous nous inscrivons dans un
paysage du bénévolat régional qui évolue, notamment en lien avec le contexte législatif.
En milieu rural, il est important de voir comment ce milieu associatif peut agir en complémentarité
des services publics, peut leur servir de relais sur le terrain.
Jean Philippe Grouthier, INSEE Pour analyser ces enjeux, il est important d’avoir présent à l’esprit que la première politique
d’aménagement du territoire en France, c’est paradoxalement la protection sociale. Les échanges et
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solidarités financières entre territoires les plus importants, chiffrables en milliards d’euros, relèvent
de cette protection sociale au sens large ; à travers les retraites, les métropoles et leurs actifs
financent un certain nombre d’autres territoires où les retraités vont s’installer.
Je trouve également que l’approche par cycles de vie, présentée ce matin par Hervé Le Bras, pourrait
utilement enrichir la manière dont sont posés les enjeux du SRADDT, y compris en termes de qualité
de vie et de proximité. Au‐delà du degré de mixité ou de fragmentation sociale dans un territoire
précis, l’enjeu serait dans ce cas de permettre aux individus de passer d’un territoire spécialisé à un
autre. Par exemple, concernant les ménages qui ont fait construire une maison à 30 ou 40 Km d’une
grande ville afin d’accéder à la propriété dans des conditions financières correspondant à leur
budget, on peut déjà anticiper un problème à horizon 15 ou 20 ans : comment aider ces ménages à
revendre leur bien, afin d’aller habiter dans un espace plus urbain, proposant des aménités plus
adaptées à une étape ultérieure de leur cycle de vie ? Ceci posera vraisemblablement un problème
majeur de segmentation sociale, entre ceux qui habitant un pavillon dans des secteurs valorisés
(première couronne) pourront revendre leur bien immobilier à des conditions satisfaisantes, et ceux
qui résidant dans du périurbain plus lointain risquent de disposer d’un capital insuffisant pour
s’installer plus près des centres urbains. C’est donc autant un enjeu temporel de gestion des cycles
de vie des ménages qu’un enjeu de répartition géographique qui se pose pour l’avenir de la région.
Philippe Estèbe Ceci rejoint tout à fait ce qui était évoqué précédemment : on sait gérer des espaces, on a encore du
mal à gérer des logiques de circulation et de réseaux. Accepter d’accompagner les ménages dans
leurs parcours dans l’espace régional, à différents moments de leur cycle de vie, c’est aussi en
contrepartie accepter un certain degré de spécialisation fonctionnelle des territoires. Dans cette
logique, ne pourrait‐on pas considérer les territoires comme un support des étapes des cycles de vie
des ménages, où l’accent des politiques publiques devrait être mis sur la qualité de ces trajectoires
personnelles, plus que les trajectoires des territoires ? On voit bien la tension prospective entre ces
deux approches.
Benoît Lanusse En lien avec ces questions, nous essayons de promouvoir un programme d’action régional sur l’idée
du « BIMBY », Build In My BackYard (Construire dans mon jardin). C’est une manière de résoudre le
problème qui fait qu’aujourd’hui pour construire des nouvelles maisons, les jeunes ménages sont
souvent obligés d’aller de plus en plus loin des centres. Or il existe un potentiel inexploité dans les
quartiers existants, notamment les pavillonnaires, qui peuvent être le support de nouveaux projets
qui relient les intérêts individuels et collectifs.
C’est ainsi une réponse possible à la question du vieillissement : est‐ce que les personnes
vieillissantes qui se sont installées en périurbain ont toutes envie de quitter leur commune pour aller
dans une ville ? Pour celles qui veulent vieillir dans leur quartier, le BIMBY peut être une réponse :
en construisant une nouvelle maison de plein pied, plus adaptée à leurs besoins actuels et
futurs, et en la finançant en vendant l’ancienne maison et une partie du terrain,
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ou en séparant une maison en deux appartements, sur deux niveaux séparés…
On voit donc que les quartiers existants ne sont pas forcément des secteurs figés, et peuvent
accueillir des parcours de vie différents, en adaptant l’habitat mais aussi en développant des
nouveaux services.
CONCLUSIONJeanLouisGuilhaumonUn certain nombre des acteurs en milieu urbain ont peut‐être des représentations inadaptées de ce
qu’est la vie quotidienne dans le monde rural ; j’en veux pour preuve leur surprise à la découverte
d’un certain nombre d’initiatives de qualité qui existent dans nos territoires ruraux, dans le domaine
culturel ou en matière de tourisme. Pour construire une vision commune à travers le SRADDT, il est
important que tous les acteurs de la région découvrent, se réapproprient notre territoire dans sa
diversité ; il faut aussi donner à voir toutes les initiatives locales, générant de nouveaux modèles
économiques qui sont loin d’être négligeables. C’est l’idée déjà portée par la politique des grands
sites, qui consiste non seulement à mettre en valeur les atouts patrimoniaux de la région, mais aussi
à permettre à tous les habitants, et notamment les nouveaux habitants de la région, de se les
réapproprier.
En conclusion du Forum, je voudrais remercier l’ensemble des acteurs qui se sont mobilisés
aujourd’hui, et dans le cadre des ateliers qui l’ont précédé. Je tiens à souligner la grande qualité des
contributions des uns et des autres. Le Forum achève cette première phase d’échanges et de débats,
il permettra de formaliser le diagnostic dynamique et la réflexion prospective du SRADDT. Ces
documents seront disponibles sur le site Internet de la démarche, « Midi‐Pyrénées 2030 », et
pourront être enrichis par vos contributions.
Nous vous invitons aussi à participer à la phase suivante de cette démarche, à savoir les ateliers
territoriaux des prochains mois.