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Revue du mondemusulman
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Revue du monde musulman. 1906-1926.
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REVUEouMONDE
MUSULMAN
Publiée par
LA MISSION' SCtENTIFIQUE DU MAROC
.~PrEM~2 VOZ,M/yA'
LES BARMÈCtDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET
.PERSANS.. .L.,BoLVAT
NOTES SUR'LESMUSULMA~S DU CAUCASE.–ZELtM KHAN.
.–LEMOURtDtSAIE. A.L.C.–M.PAVLovtTcn.–R.M.uERCz,).K tM
TRADttfONS MUSULMANES RELATIVES A L'OR!(HNE DES
PEULS. MAL'RfCE DELAFOSSE 2~3
ÉTUDES. S)NO-AtAnOMÉTANES(~SÈRfE). CL.HuART.–A.VtssfÈRE 26~
QUELOU~S REVUES OTTOAIANES L.ÈouvAT 2S2
'NDEX DES "BARMÉCtDES D'APRÈS LES HtSTORtEMS
..ARABES ET PERSANS. L. B. 3o;
yl<?
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR, 28, RUE BONAPARTE (VP)
PRtX DU NUMERO TR)MESTR)Ei. 7 FR. FRANCO PAR POSTE 7 FR. 5o
BONNEMENT PÀRtS, ~5 FR.; DÉPARTEMENTS ET COLONIES, tS~FR.: ÉTRANGER 3o FR.
TOUS DROITS RESERVES
MISSION SCIENTIFIQUE DU MAROC
REVU E I) U MONDE
M USULMAN
Publiée sous la direction de A. Ls CHATELIER
COMITÉ DE DIRECTION
MM. L. BOUVAT. A. CABATON. H. CORDIER.
0. HOUDAS. CL. HUAKT.
L. MASSfGNON. 'JuuM VINSON. A. VISSIÈRE.
BUREAU DE LA REVUE:
28, RUE BONAPARTE, 20
ARCHIVESv
MAROCAINES
Tomes tàXt.!n-8.Chaquevo)ume t:fr.
XII, XH). La Pierre de Touche des Fétwas de Ahmad Ai-Wans-
charisi. Choix de consultations juridiques des Paqth du Maghreb,traduites ou analysées par Émile AMAR. ). Statut personnel. Il. Statut
réel. 2 volumes in-8. 24 fr.
XIV. Hëbraeo-Phénioiena etJudéo-Berbëres. Introduction à l'his-
toiredesJuifsetdujuda~smeenAf~que,parN.SLOuscn.[n-8. )2fr. »
XV. Mélanges. Un volume en ïfascicutes.tn-8. !2fr. x.
Le fasc. 11 comprend Description ~'Mn<'co//ec<)OM de tMKffjcff'M mt~M/-
SMM, par M. Bt.ocHET.
Le fasc; 111comprend 7'ouA/at i!<-Çottdd<!< bi bad MaM'rf sr-RoM~f
(Recueil des questions relatives aux bergers et décisions prises sur ces
questions par un grand nombre de jurisconsultes). Par le Faqrh AL-MALOUY.Texte arabe et traduction par M)cnAux-BEU.AtRE, .~ART!~ et PAQu~GKOM.
XVI. Al-Fakhri. Histoire des dynasties musulmanes, depuis is
mort de Mahomet jusqu'à la chute du Khalifat Abbâslde de Baghdâdz ()
656dei'bég)re=632-)258deJ.-C.), par Ibn at-Tiqtaqâ. Traduit de
l'arabe et annoté par Émile AMAR. In-8 f2fr.
XVft: Quelques tribus de-aïonta~nes de la région du Habt,
parM;CHAux-BEi.LAixE. Un volume in-8, 6g. 12 fr.
XVIII. Mélanges. Un volume in-8, planches )2 tr.
A. PiMTtÈ Le Raïs Et-Khadir Ghaïtan. Les Medrasas de Fès. A. JonL'Industrie à Tétouan. S. BIARNAYet PtBBT)~ Recherches archéoiogiquesau Maroc.
ERNEST LEROUX, EDITEUR, 28, RUE BONAPARTE
REVLTE. DU MONDE
'MUSULMAN\y
TOME VINGTIÈME
REVUE ou MONDE
MUSULMAN
t. ') Publiéepar ,L--
LA"M!SS!ONSCIENTIFIQUEDU MAROC
TOME VINGTIÈME
1912
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE
Revue du Monde Musulman
6" ANNÉE. SEPTEMBRE VoLUMEXX.
LES
BA~MECIDESD'APRÈS LES
HISTORIENS ARABES
ET PERSANS
Persans d'origine et, d'après une vieille tradition, pon-
tifes du Nooubehdr de Balkh, temple bouddhique dont la
légende fit plus tard un temple du feu, convertis à l'isla-
misme vers la fin du premier siècle de l'hégire et amenés
à la cour des khalifes ot~ey~a~s à la suite de circonstances
~M~ mal connues, les Barmécides, par leurmérite etleurs
richesses, exercèrent une grande influence sous 'Abd ~4
Malik (63-<?6 = 685-705) et ses sMecessën~. Cette influence
ne fit que croître sous la dynastie abbaside, et, deux ans
après ~eMe~eM~ts-~a~~ (/ = 7~), un des princi-
paux Barmécides, X/!<Ï/ ibn Barmek, parvenait au
ra< resta en charge sous ~4/-M<!nso~r,~ree<succMMMr
~'A$-$o~ et vit ses fils arriver aux premières charges
de la cour. L'aîné, ya~<! ibn Khdlid, gouverneur de
Hdroan Ar-~ac/tMj~Ut's son r~tr,/M( pendant dix-septans le seul ~a~re, khalife, dont il avait pris peu à
INTRODUCTION–~
1
LES BARMÉCIDES
REVUE DU MONDE MUSULMAN4
peu tous les ~oufou's, ne comptant plus. Les deux fils de
Ya~'a, fadt et Djajar, suppléaient leur père au f!\n'at,
et les pr emières dignités de la cour étaient réservées aux
Barmectdes, eut éloignaient du pouvoir quiconque n'était
pas des leurs. Cette puissance excessive, jointe aux jalou-sies qu'elle ne pouvait manquer d'exciter, aux calomnies
des courtisans de ~droûn, désobéissance de F~ et de
D/N~/ar aux ordres du khalife, amena leur ruine. En 7~7
(<yo~) ~roOM/a!M!< mettre mor~ D~r, ainsi qu'un
grand nombre des parents, des alliés et des affranchis des
Barmécides, Va~d et Fadl étaient jetés en prison, où ils
moururent quelques années plus tard, après avoir subi
d'odieuses persécutions, et tous les biens des f:rs de
~dro~ étaient confisqués. La chute des Barmécides eut
un immense re<en<sse)):e?t<.d<!MS~ou< /'0r!'ent, qui conserva
longtemps le souvenir de ~AdJ:d et de ses mérites incom-
parables de y~-d,~rudeM< et intelligent; de Fadl, géné-
reux et habile; de D~y~r, écrivain et orateur de talent
de Mohammed, /!0)):n:e de sentiments nobles et de vues
élevées; de Mo~sd, brave et énergique (/). Bien que rentrés
en gT~cesoMS le khalifat d'Ma'MO~ les Barmécides
ne regroupèrent jamais leur ancienne puissance.
Tels sont, résumés en quelques mots, les renseignements
que nous fournissent les historiens orientaux sur cette
famille célèbre. Mais ce n'est que du ~t'~tra~ de ~nd/i'd
ibn BanneAa à la mort deDja far ibn ya/d que son his-
toire est à peu près certaine. Nous n'avons guère, sur
ses origines et son rôle sous les khalifes omeyyades,
que des légendes ou des récits vagues et contradictoires.
Il en est de même après la catastrophe de 187, et nous
savons fort peu de chose sur ceux des Barmécides qui
échappèrent à la proscriptionet sur leurs descendants.
(1) MAS'oCo!, Prairies <fo;ëd. Barbier de Meynard et Pavet deCourteiUe.VI, 361,
LES BAM)ÉC!DES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 5
n
SOURCES DE L'mSTOtRE DES BARMÉCIDES
On ne possède auc:~ texte antérieur à la première moi-
tié du neuvième siècle de notre ère relatif aux Barmécides.
Les Mémoires sur les Contrées occidentales. que Hiouen-
T's<!K~(5o6-66~) traduisit du sanscrit en chinois en 6~'?.
e< qui contiennent le récit de ses voyages de 629 à 6~.5 (J),
l'Histoire de Hiouen-Thsang et de ses voyages dans l'Inde
par Hoei'-L: et Yeng-Thsong (2), qui en est complément
indispensable, et la Relation de /-T's;Mg' (6~77~), qui
~o)'a~ea dans les ?;??:es contrées que ~OKeM-T's~M~ de
67/0 6~3 (.?), nous donnent de précieux rense~eMe~fs
sur le Nooubehdr de Balkh et la Transoxiane avant la
conquête arabe, mais nulle part il n' est question des
Barmeks.
Nous ne possédons plus a~'ourd'i! l'Histoire chrono-
logique, ~~J) Je.T~d'/lM'd~4r-Ra~n!~ ~M '~d?
~A'o~î(t ~op =~3); le Grand Ouvrage sur les kha-
iifes,~J).Li~Jt ~L~d'.A&oûB~-aMoM'~s:m),d'A~'
I-Hasan ~Madd'nt! (f ~~5 = <~o); le Moudjîr,)
(i) Mémoires sur /e~ contrées occidentales, traduits du sanscrit en chinoise't /'an 6~, par y/toMen-T'san~, ef du chinois en français, par M Stanis-las Jt;t.iE'<.Paris, imprimerie impériale, f858, 2 vol. in-8.
(2) Histoire de la vie de /OMt)-7'AMt)~ et de ses voyages dans l'Inde
depuis t'an 62$ jusqu'en 6~5, par HoEÏ-Li et YMC-THSose, suivie de docu-ments et d'éclaircissements géographiques tirés de la relation originale deHfOuen-Thsang, traduite du chinois par Stanislas JULIEN.Paris, imprimerieimpériaie, i853, in-8.
(3) Les Religieux emf))eH<! qui allèrent chercher la loi dans les paysd'occident. Traduit en français par Ed. CHAVAt.xES,professeur au Collègede France. Paris, Leroux, !89~, in-8.
REVUE DU MONDE MUSULMAN6
~o<< Z)/'a'~r ibn //c~~ ~n-A~a~ Al-Baghdddhî
T ~~3 =<?6o); les Annales des Abbasides d'Ibn A M
K~o~ ~M~ (t ~7~ == <) e~ l'Histoire d'Ibn ~M
Khotaitna (f). Per~M également, le Livre des Vizirs, ~~S
ebj~oû Bakr Mobammed ibn Ka~d ~4s-~o~~
(t 335 = 9~7) mais les emprunts faits à cet on~'rag'e~ar
Ibn ~T'<! et les Feuillets contenant l'histoire de la
famille de 'Abbâs, J)jL>) j Jbj~ du ?H~e As-
SoM (2),compensent ee~ejoe?'~<~MMMecer~:n6 Mesure.
Perdue encore, la biographie des ~)'rs compilée par
Fakhr ~-Da:<~ 7s?K<î' ibn 't!~ (t ~5 = 9~3),
mais il nous reste d'importants fragments d'une Histoiredes Barmécides écrite au neuvième siècle de notre ère par
/t~o~ j~a/OMar ibn ~l~r< ~4/ern!~M~, e~Me Ta-
!)ar! et 'A M o~-D;e~ ye~! ont recueillis.
Lesplus anciens ouvrages qui nous soient parvenus sur
la matière sont, d'abord, le Livre des Connaissances,
JjLJ) ~o~<! (~276 = <~9-<~o)e< le
Livre de l'Imamat et de la politique, ~LJ~ ~Lt~~L~
<!«r:Me,àfor<a:7/eurs,aM MeMe Ibn Kotaiba. Le premier
de ceux-ci, par les détails qu'il donne, ~er~et de révoquer'
en doute la légende du mart'age de O~'a~ar et de 'Abbdsa;
!t)CH. ScsEFER, Chrest. persane, H, pp. 3-~ des notes.(2) )! existe au Caire, à la Bibliothèque Khédiviale, un manuscrit de cet
ouvrage (Hlstoire, n" SgS, voir le Catalogue imprimé, V, )6). Les premiersfeuillets manquent. At. J. Horovitz en a donné l'analyse dans son étude /tMta'ett Bt&~o/eAet) fon Xatt'o, Damo~M und Xon~<0tt<t'nope<(apud Mitteilun-
gen des ~mt'tt<!t~/t)r Orientalische ~racAet), X, too~, Il. partie, pp. 35-38)d'après lui, les feMt'HeM présenteraient de nombreux points de contact avecle Livre des V~o'y. H y est question du poète Abàn, protégé des Barmécides;
la 6n du folio r°, on trouve des détails sur ses relations avec les Barmé-
cides, <\<)~J) .~< 4i~) jH ~L~-), et, fol. 26r°, une rédaction en vers
de C<t<t'/aet Dimna, qui avait valu à AbAn une généreuse récompense desvizirs ses protecteurs.
LES BARMÉODES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 7
il consacre en outre quelques pages à la catastrophe des
.Sar~c:s, événement qui est raconté, tout au long, à la
fin du Livre de l'Imamat.
Suivant l'ordre chronologique, nous trouvons ensuite la
grande Chronique des envoyés d'Allâh et des rois,
ti~Utj J~J~, ~4 ~o~ Djafar Mo/!aM??:e~ ibn Djartr ~4
~&f!?'?(~70= ~p-p~~): c'es~ la plus précieuse de
nos sources pour la période abbaside, mais elle ne dit à
peu près rien des origines des Barmeks. T'a&arf s'appuie
sur l'autorité ~e~e~~MÎ, qui avait rcc[<e:Mrec:<s~4~-
'Ms ibn ~~f et de Bachchdr ibn ~our~ a!ot<&
ibn Hdroûn ibn Solaimdn ibn '~4 /î; -de Bakhtichoû' e< de
son fils D~i'~ra~eD/ay~r! Mohammed :~HaA~
~o~, qui a conservé un récit d'Ibn Chdhik As-Sindî
sur la catastrophe des Barmécides, à laquelle celui-ci fut
M~e Mo~!??!?Me~ ibn ~4/a~~ ibn 5o/ de
Mo~t! ibn ya~'t!; de y<o< ibn 7s~ x'~M~-an~
s~r~r< ibn .A~-Ma/:e~; de Zobair ibn BaAAar,
s'appuyant sur Z);'ayhr ibn .A/<MaM ~4/-Z.aA& etc. La
version persane de faite vers ~3~ (96~) par
Bf!a?M~M?'or~?'e~MjE'r!'ncesaMaM!~eMaK$o~r:oû~,
bien que moins étendue que l'original arabe, sert parfois
à compléter celui-ci.
Ibn W~t~ A~-y~o~ contemporain de T'a~a~? (il
écrivait en .27~ =: 891), a laissé une intéressante Chro-
nique, 7~ jl. un Livre des Contrées, ~-UJ) ~LJ, qui
donnent de nombreux renseignements sur les Barmécides.
Mas'o~ (t ~5 = 956), dans ses Prairies d'or, ~j~
jt)<!?'/e longuement du Nooubehdr et des premiers
Barmécides; :7~M, de plus, une histoire <:sse~ complète
e</o?~ intéressante de cette famille sous les khalifes abba-
sides. Dans ses Annales historiques, jL~)) ~L~), e( son
REVUE DU MONDE MUSULMAN8
Livremoyen, Ja~~ ~L~J~, ouyra~es/or~o/MM!MeM~ dont
les Prairies d'or ne sont qu'un a~'reg'e, Mas'ot~df avait
réuni ce qu'on savait, de son temps, sur les Barnzeks pon-
tifes du Nooubehdr, leurs deyn~/esarec les rois turcs et leur
rôle sous les khalifes on:e~ya~es, en ~ar~cM/e)' sous Hi-
c~~M ibn '~4~~ Al-Malik. La perte de ces deux ouvrages
nous a privés de notre meilleure source pour l'histoire de
cette période si mal connue. Dans ses Prairies d'or, Mas-
'o~~f c~eeM~reaM~'M ~ma'f, A/-A~r! As-~d)nat'?'?,
s'appuyant sur A boi't'l- 'A bbds Al-Mobarrad, qui avait
/t<M~:e recueilli les traditions de 'A M Allâh A/-Mdrt's-
et de ya~ ibn Aktham A/d 2~ = ~7~-
<y7~);A~D;t~(t~55 =~6&69<î~ d'environ 90 ans),
et dont il reste plusieurs ouvrages contenant des détails
curieux sur les Barmécides /s~~ ibn /&r~A!?K A~-Mau-
s~ ~Aa~ ibn A~t~am Ach-Cha'bî, qui fut chargé
de la garde de ya~~ ibn A'A~ef et de son fils Fadl; enfin
Mo~amme~ ibn 'A M Ar Ra~m~H A~facAim~. Dans
son Livre de l'avertissement et de la révision, ~.d)~b-)
.j) _)j. Mas'o~</f a peu parlé des Barmécides.
Le Kitâb ai-Aghân~, ~L~ a'A~o&Faraa; A~.
/s/a/!aKÎ (284-356 = 897-967) renferrneunefouled'anec-
dotes sur les Barmécides, leurs libéralités envers leurs
clients, poètes, musiciens et chanteurs, Danânîi-, ~'a~raM-
chie de Yahyd ibn A'Aa~, 'Ottra:~ et D;a~a. A /s/a/!a~,
qui mit cinquante ans à compiler le Kitâb a)-Aghânî,
recueillit sur les Barmécides les traditions d'raA?M Al-
MaMS:7?e< son fils /~aA, a'A&o~ Bakr As-~o~~ et de
D~'a~~a, sur lequel il avait composé un livre aM/OM~'AMt
perdu. Il donne en outre des récits d'Ibn Mounddhir, le
panégyriste attitré des ~arM:ec:des; de Mo~a~Med ibn
D/'ayar An-A~a~~i; d'/U-ya~d! s'a~~a~~ sur Fad//
de Mo~amMed ibn 'Imrân As-~a:ra/'f.' d'A/asaM ibn
LES BARMÉC!DBS D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES KT PERSANS 9
y< descendant de F< ibn .R~M'; de ibn '0?M<!r
An-Naufalî; de Mo~am~e~ ibn D~'a'/ar ibn Kouddma,
s'a~M~aK(SMr~Aou~Masroùr/~e T~M~n ibn
Abmed, s'appuyant sur 7~A~: ibn A/-MaA~; d'Al-
~l~M~'i, s'appuyant sur Yo~oM/' ibn 7&rdA~: F<ï/d
ibn 7&rd/t ibn '0<M<~ ibn ~Â.
Au septième siècle de l'hégire, un descendant ~MBarMe-
cides, Ibn A'Aa/Â~M (6o~-6<y/ = 1211-1282), consacra,
dans ses Décès des hommes illustres, jL& ~L~, trois
importantes notices Va~-d, F~(// et D;a'r. Il donna
en outre, dans cet ouvrage, une &!ogr~e~ss~coMjc'
de D~a~Aa..Les sources d'Ibn ~a//i~M sont D;e/CA~r?
et Ibn ~~ts~, qui avaient écrit des histoires des t~i'rs
aujourd'hui perdues, Ta&ar!, Mcts'o& Ibn Baefro~n et
Ibn '~sd/r, auteur de l'Histoire de Damas (~?7/
= //o3-76). Il cite encore.- Fadl ibn M~r~(- 250
=~6~, à 8o ans); Ibn ~Z,a~MM ~F<!r< (T ~02
= 70/7); ~K7:a~ ~g-M~ (t ~62 ro77).
dont le regretté Georges Salmon a ~:i6/!e'e< traduit, ;7v
a quelques années, l'Introduction topographique à t'his-
toire de Bagdad, et A~o<}'0&a!~ '~M ~/M/) ibn '.4M
~BaAr? (+ ~7 = 7oo~).
Ziyâ e~-Dht Baran! ou Bam! (-)- 7~7 = 7~36), au-
teur de l'Histoire de Firoûz Châh, traduisit en persan,
sous le ~re~e.'Traditions relatives aux Barmecides.jL~)
jL~) un ouvrage arabe dont rau~eur, f<)y, se HO)K~<<
.4M Mo~MtKeùf '0~ ~MA !~Mo~QH:n:e~<?'?.
et qui se compose de so:a~!<e-~OM~e récits anecdotiques.
Baranî était âgé de plus de so!X~e-~ ans quand il
commença ses travaux /ër<!t'res. Il dédia ses Traditions
relatives aux Barmécides à F:ro~ C/~A, a~M d'exercer
sur l'esprit de ce prince une heureuse !tt/?t<eMcee~ Mte~a?!< t
sous ses yeux le tableau des brillantes qualités et de la
REYLE DU MONDE MUSULMANtO
générosité des Bar;):ect'des (/). Bien que cet ouvrage
manque d'ordre et re~nne des récits erronés, il nous a
été fort utile. Oit )- trouve des renseignements que l'on
chercherait vainement ailleurs. Les principales sources de
~araH! son< 'A6o~su?t A~-7'd'(/A6oûMo<m?nme~
Al-Labarî, /~A~: ~1/-M<!US!/? et soM~ '~M
Allâh Moslim A~-Z3/'or~Mf, Va~o~~ ibn /s~, ~~o<:
Thamdma, Harthama :~tt~a?t et /s/:<~ ibn So~n!~n.
Quelques années après la mort de .Bar~, un autre
Persan, '~4. M o~-O/e~ ye~f,ecr: une Histoire de la
famille de Barmek, ~L~ J~.j~,afee/es
matériaux
rassemblés par son père, N:~dm od-D!M Ya~d. dédia
son ouvrage à C/ CAou~'a. le troisième des princes
wo~a~eri'ens, qui avait de grandes connaissances litté-
r<ï:'res et protégea toujours les savants et les littérateurs.
ye~afcommeMca son travail le 7"~MO~<:?'CM 76~ (7/ t:o-
vembre i36o). L'Histoire de la famille de Barmek donne
de nombreux et :?ttéressaKts détails sur le ?Voou~e/:ar, les
~arMeAs. leurs a'e~e/es avec les rois turcs à la suite de
/et<r co~ers:b?! à /s/a;?:s?He, l'arrivée de Barmek ~4~o~
Khdlid à la cour de 'A M Al-Malik, les vies de ~ah'a,
Ya~a, Fad/ et .D/a~ar, le mariagede 'Msae< lachute
des Barnzécides. Nous résumons ici l'analyse donnée parCh. Schefer de cet ouvrage (2). L'Histoire de la famille de
Barmek se compose desix chapitres. Le premier est consacré
à l'origine des Barmécides et à l'arrivée de Barmek, à la
cour de 'A~d A~-Ma~A (six récits anecdotiques); le
second, à Khdlid (trois récits, dont un relatif à la mort
du A/ta/ë.A/ad~; le troisième et le quatrième à l'éloge
f))CH. SCHEFER, opère citato, H, p. 6 des notes. Les Traditions de Bara.n!ont été publiées à Bombay par Khan Sahib Mirza Mohammed Shirazi sousle titre de Faveurfaite aux humains, sur l'histoire de la famille de Barmek,
~~jT~t-j~(2) CH. SCHEFER, opo'e citato, H, pp. 7-t3 des notes.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET t-ERSANS 11
de Va~~ e< afe sony:/s Fa~/ (~:):~<-<?'o:s e~ o?:~e rëc!<s);
ci~M~mea D~ar, à son Mariage avec '~l&Msa, au
M~~e d ~ro~M e~ ~or<Msa~, <:Mpa/a:s D~y~r, à
/a mor~ece/M:c:, /a rM:~e ~esaya~7/e e< aux re~re~
~eT~~ro~n (~sejo< r~c:~); /e s:x!ee?t~M,a /a chute
des Barm~Ct~es, <!M $M~ce des ~eu~s ~e A~~a. à
~CMhoM de D~yhr e< aux rémora de ~<!ro~H (!K~<-
quatre reci~). Les ~m~ihbMS que ye~f u~iM pour son
/t'fre~at'eM<, ~7, très ~OM~rguses e< dans Mns~e/or<
~:?Mjt~e, e~ M'e~! prit qu'une sur mille. L'Histoire de la
famille de Barmek ne reçut pas /a a!erM:ere main, et /'att-
~ur~at'ssa~e ~OM~reMses/acttMes. On~* re~co~re~/re-
~ue?M~eM< des vers ~M Chah Namè, afH Gutistân, efe Fer-
rot<Â/ de 7Vt'~??ti,e<c.,e< /'0t'<og'rajp/!e</e y~dî~rMet!~
des ~ar<CM~an~s eMneuses. Les principales sources de
ce< ouvrage &ont.' ~erm~n~, ~&o~s!'m !'&M G/!asst!)t,
'A MM Mo~amMe~, Mo~a~Me~ :~n /l~~osa!'n.
Mo~aMtMecf :n 'Omar, ~4/-j~'osa:n 5a/ Mo/!a?nme~
'~M .4/-M~ 'o<t 'A M A/M/: t~ Mo/~mn:~
'~M ~1/M/ s'a~an~ /:t:-M~t:e sur ~4/-W~ar)'
~AMS~rî /ls-~a?Marr?, '/t~oû'4~Ms Mo~arracf,
~t~oû 'A M ~~A ~M~ns~?!Î, Ya~ ~A~Mm A/-
e~ :&K Moûsd ~c/!<!t!?. ÇA. 5c/:e/er a
jpuM: dans /e <on:e de sa Chrestomathie persane
(jop. /-3~ ~M <e~<e), une grande partie de l'Histoire de la
famille de Barmek e< a re/e~ un cer~m nombre de
récits ~MS les notes (pp. ~?, ~9-3<?, 6~-6~). 7/ s'est
servi, pour cette pM~ca<!on, de deux ~annscr~s de son
ca~ine~, entrés ~e~Mt's /a Bi~o/e~Me na<!ona/e (~°* f~
e~ /~3/ ~M sMppM?MeH< persan) (/). P/!<s!'e:<?'s des anec-
(t) L'un de ces manuscrits (n° r3~2)datede ta seconde moitié du quatorzièmesiècle et comprend t~z feuillets in-.t. Ch. Schefer pense qu'il a été écrit pourChah Choudjâ'. L'autre manuscrit (n" f35t. 211 feuillets in-4, d'une beiie
écriture nesta'tt~) a été écrit par ordre du sultan Se~!m et achève pour son
n)s, (e sultan So)e!mân, teo de dhoù'ka'da ~26 (22 octobre t52o).
'Abdol-Djelil Yezdi, « Histoire des Barmécides ».
Manuscrit t35) du supplément persan de la Bibliothèque Nationale, com-
mencé pour le su)tan Selim, en 0:6 ji52o) et terminé pour )e sultan Solei-
man, dont il porte le cachet, fo)io ) recto.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSAXS 13
dotes recueillies par Ve~~ n'ont pas été publiées par
ÇA. Schefer. On peut citer entre autres celles de Fadl
et du jurisconsulte ~4~-ZiM~ de ~a'M ibn Motts/t!):
~B~f et de D~'ayar,~u mage Ziyâd ibn C/?- el
de ya~Fa~/ et de Da~r.~e 'OMM~ra~n //a?n~ et
de ~A~/ia!, de Motfn~r ibn Mo~t)'a.
Nous arrivons à des historiens de moindre importance.
Sauf Ibn K/:a/Adn, B~ranf Ve~, qui nous ont con-
M)'~e de nombreux passages d'ouvrages :mpor~n~a~'ot(r-
~K: perdus, les historiens postérieurs au quatrième
siècle de l'hégire ~'on< guère fait que copier leurs prédé-
cesseurs (/), T~~arf surtout. Quelques-uns cependantnous
ont /bM?'M{ ~'u<t7es renseignements sur les Barmécides,
entre autres ~B??'o(~ (~6~o =97~-70~), dans
ses Monuments du passé, ~U) j~ /'aM~etfr ~n Modjmel
ot-te\'âr!kh, 7~ j~ J~M(~),so~e d'histoire tf~t~erse~c
coM~ en 3~0 (/6) par un ~cri~ai'n persan dont on
ignore le nom, mais qui se dit petit-fils de Mohallab ibn
Mo~~H:M:~ ibn C/ Ibn ~~ro<}?!t« écrivit, dans la
seconde H:0!'<ie du sixième siècle, un important Commen-
taire sur ie poème de Ibn 'Abdoûn, ~j- ~) S-~J r~
commentaire auquel Ibn Khallihân fit de nombreux e!):-
~n(?t(s pour ses notices sur les Bamtëciofes. Ibn A~t/:h'
(533.6~0 =1160-1233) a longuement parlé de cette
famille dans La plus parfaite des chroniques, j J~J)
p~)~, maisil M'i't~Me pas ses sources, et la plupart
de ses récits se retrouvent dans Tabarî. On peut en
dire autant de /'Abrége de l'histoire des dynasties,~a~M
(') CH. SCHEFER.Chrest. persane, Il, p. 4 des notes.(2) BibHothëque Nationale, n'es du fonds persan. Quatremére consacre
une notice à cet ouvrage demeuré inédit. (VoM; Mfa;f~M, 2' série, ~Ma,t. I, pp. 2~6-285).
REVUE DU MONDE MUSULMAN!4
J~-U) ~J~) ~l&o~V-Fara~ dit aussi .Sa?' /r<~us
(1226-1286). ~Ma/(1223-1273), dans son Histoire
musulmane, ~<-L4) r*s'est généralement contenté
de copier T~nr~. Le Livre des sources et des vergers sur
les traditions authentiques, ~L& j ~~?J~ jj~~
j?~ ~cr! dans la ~re)t:ere moitié du ~'e~!en:e siècle
par un auteur inconnu, ne renferme sur les Bar~c:dM
que des détails empruntés à des historiens dont les
ouvrages nous sont parvenus. Le Livre des avis sur l'his-
toire deskhatifes.tLii~T~jL' J .L;~) ~.bj~~e Mo/:a??:Meof
~4 /?t!r~, coM/e~oraitt ~u khalife /1 /-Mo~a?!<t'~ (33~-
566 == 7760-~777) (7), donne de nombreux renseigne-
n:e~ sur la catastrophe des Barmécides. 'A lt ibn And-
jab As-f Al- Baj/f (-)- 6~ = 77~3) a consacre
à cet événement quelquespages de sonAbrégé de l'Histoire
des khalifes, <Li~ j~ ~MM ~LjQpeM :M~of~M<).7~t
At-7't~a~a?ts soHOM~rage:Kh'<M~AI-Fakhrî, ~)t,
histoire abrégée et fort intéressante du khalifat et du
~t'raf écrite en 70~ (7~o~), a conservé une partie consi.
dérable de l'ouvrage perdu ~'As-~o~ L'ouvrage d'K
A~-Tt'A~M, rendu accessible à tous, il y aquelque temps,
par la traduction française qu'en a donnée M. Émile
/l?t?~r(~),es< donc, bien que relativement récent, utile
à consulter. En revanche, l'Abrëgé de l'histoire humaine,
j~~J~'A~O&F!(-i-7~2=7~7),S!'mp/e
résumé d'Ibn A/-A<r, nous a été à peu près inutile.
Au ~Ma<or~e??te siècle, de nombreuses traditions rela-
tives aux Barmécides ont été recueillies par j~aM:~o/
()) Bibtiothèque Nationale, n" 4842 du fonds arabe, et Bibliothèque deLeyde, n" 789.
(2) ArcAife~ marocaines, t. XVt. Paris, Ernest Leroux, igio, in-8.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES H!S'rOR!KHS ARABES ET PERSANS [5S
ibn .4M .BeAr Mos<ooM/ ~N~ (1 7~0 =/) dans
son Histoire choisie, ~~J ~J~so~ Agrément des
esprits ~~L)t ~J', e< par Ibn Chdkir ~ou<ou~!
(-}- 76~ = /~6~) dans ses Sources des Histoires, j~
~j~)t
Ibn A"aMo~ (7~<?o~ =/o6),~MS son Livre
des exemptes, ~J)~H,~oM?te quelques renseignements
intéressants su les Barmécides. Dans ses Prolégomènes,
~L~<, ~'AaMoû~ s'est efforcé de réhabiliter ~ro~
il veut aussi démontrer que le mariage de Dja far et de
'~MM n'eut jamais /etf.
Mirkhond (né en 836 ou 837 = ou /~?~, t 90~
= ~4o<?) donne quelques détails sur les Barmécides dans
l'histoire universelle qu'il publia sous le titre de Jardin de
la Pureté, LLj) t.~c~j. Au con:n)encen:eM~ du M~i'ëMie
siècle, Khondémir fit paraître son Manuel desvizirs,
"L'J~ mais il se contenta de réunir les Ho<!CM éparses
dans son Ami des Biographies, _~Jt ~e~ K'et~ rgcoMt's.
pour les Barmécides, qu'à des documents relativement
modernes (/).
Un texte arabe plus r~cen<e<~?neKr~ inéditest: La meil-
leure des voies pour arriver à la connaissance de l'histoire
des Barmécides, ~U~J) ~La-~ di)L4< ~-<-), du cAetA/: Vo~-
souf ibn Mo~af?:M~ ~M!/aw! (2). Cet ouvrage, dont
(') CH. SCHEFER, CA;'e~<.persane, t), p. 5 des notes.(2) n existe, à notre connaissance, deux manuscrits de l'ouvrage de Mllawi.
Le premier, conservé a la Bibliothèque Nationale sous le n" 2)07 du fondsarabe,est date de toig (t6f0-r6u). Le second, écrit au dix-huitième siècle, setrouve au British Museum (SuppL arabe, n' ~286).Sous ce titre Un trait de
~t-Ott~ des Bat'm~~e~, !L., le P. Cheikho a publié, dans la
REVUE DU MONDE MUSULMANt6
les principales sources sont Tabarî, Mas'oM, A~o~
Faradj /i/s/a/:a~t~, MoM~ass:'?: ibn Ta?:o~A/:f
(-{-= 994), auteur du Plaisir après la peine,~
t~J), A<t)ne~ t&K A~-Ads!m AM-NaefÎH: ~r-Ra~A (f ~o
== 95/), auteur a':< Pôle de la joie~jj~J) ~-J~, e< Ibn
~a~AdM, comprend une préface qui n'est ~M't<Me ~!Mer-
tation ~o~o~uë sur le mot vizir, trois chapitres consa-
crés, le premier KAd~tef et à son fils 7~ le second à
Faa!~ et le troisième à D/ayar, et une conclusion, ~Lr~ o:;
sont énumérés les motifs qui amenèrent la chute des Bar-
mécides. Il se <erM!:?ïe par quelques poésies élégiaques
composées sur cette catastrophe. Danssa préface, M~a~?,
après avoir fait l'apologie de son sujet, prétend avoir le
premier écrit une /!t's<o:re des Ban~c~ss (/).
On trouve encore des rensetgnemett~s sur les Barmécides
~Ms~Kitâbal-Fihhst, ~L~'d'7~ Abî ya'~o~
~M-NadÎM (-j- 235 = 849, ou ~6 = 850). Balddhorî
(-}- ~70 = <~) donne, dans sa Conquête des pays,
,j)-dJ~ d'intéressants détails s:<r les ~reMi'erës expé-
ditions arabes en Khorassan, ainsi que sur Mo~sa ibn
revue arabe ~~A/ocAf-'? (I, '898, pp. 544-547). une anecdote tirée de cet
ouvrage, d'après le manuscrit de Paris.
A).M!)aw!, «La meilleure des voies pour arriver à la connaissance
de l'histoire des Barmécides ».
Manuscrit arabe ~07 de la Bibliothèque Nationale, daté de tO[Q
()6to-t6n), folio s verso.
xx.
REVUE DU MONDE MUSULMANt8
Yaybd et son fils '/)K?'a~.()~a~~ aux Longues histoires,
J~Jt ~~) ~~a'o~ ~a~a ~a~-D~a~a?~ (-{- 2~~ 1
-= <y~~), elles se composent « de monographies « longues »
et disproportionnées (~) », et ~'OH trouve à ~ci'ne quelqueslignes sur /a~M Dja far ibn Fa~r~. Plusieurs géogra-
phes arabes du dixième siècle /4/-FaA!/t ~f-aMa-
dhdnt dans son Livre des contrées, ji~Ut ~cr:'< vers
290 (9o~).A/-Mo/:aa'~as?,coH~~ora!~ de ~N~a~/t~n~
/s~A/ (~o = 95r) et Ibn ~i< (360 = 976), ont
parlé plus longuement des Barmécides.
Le poète persan Firdoousî (né aux environs de T'o~ en
~~6' ~= 9~9, mort à G~a~Ka en ~7/ ==7020)~ t'ns~ dans
sonChâh Nâmè, xL:, (2) un longfrag ment du Zoroas-
trien Da~ (-{- == p3~) sur le règne de Lohrdsp et la
fondation du NooM~eAdt'. Mais Da~~î et FtWooMs! ne
disent neM des Barmeks.
j~NM~a ~a/M?Ke~oHMecfaKS sa Chronique sublime
des rois de la terre et des prophètes, d~L ~j~' ~~3
<tU~ ~~),~uë quelques lignes sur le gouvernement de
Fa~~ ibn y< et de son frère Dja fa en Khorassan.
De nombreuses traditions relatives aux Barn:~c:~M ont
été recueillies par ol-Molk, ~r des sultans sel-
djoukides A?-sMH et Melik C/:a/: de ~33 (7069) à
(Jop~),~a~ssoMSiyâsetNâmè,~ ~L~ar Zamakh-
charî (467-538 =1075-1144) dans son RaM'aI-Abrâr,
~) /J/~at' le géographe ya~o~~ (~7~-626 = ~~79'
/229)~anssoMMou'djam al-bouldân,)~ar .?
(r) HARTWM DERENDOVRG, ~aMr!,note des pp. 26-27 de l'Introduction.
(:)ED.MoHL,tV,3S8-448.
LES BARMÉCtDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS19
a~-D~oO Bakr 'A bd A lldh ibn 'OnMr~D~OM~.c~ns
sesMéritesdeBatkh,~L JJL~, ouvrage arabe écrit en 610
(/~7~.), dont une version persane nous a été conservée (/)
(~Me~!<es détails sur le Nooubehdr et sur l'administration
de Fadl ibn KaA~ en Khorassan); par le géographe Kai-
t~~? (600-6~= 720~2~) dans sa
Cosmographie (quel-
~MM MO~~Mr~e Nooubehdr); par Ibn T~g'r~era~o~V-
Ma~s:'M,~M:'ft~a!< dans la première moitié du ~Mi'K~i'eMe
siècle; par 7'a~~A~-D~: ~&o& A~?MM< ibn Mobammed
~Ma~n~ (-f- <5 = /), par Z)/M: ed-Dîn Mo~
med ~0<~? (-)- <~ = /~5o), le ~r de ~V~~ ol-
Molk; parlbn CA!~Ma (f <M.? = ~~7~); dans sa Réunion
des Anecdotes, <1'H~)J))M~ par l'auteur du Diwân al-
Inchâ',cL!~t j~(~ers~/=/~<?),~arA/e~R~)M
les Sept Climats,~t (traité de géographie composé
en langue persane au seiiièrne siècle), et enfin ~<n' le A~
~~?!:e~ ibn Mo~aM~e~ 2r/-G/:a~M(T 973 := 7367) dans
son Nigâristàn,jL~L\
Un grand nombre de recueils d'anecdotes et de rom<!Ms
plus ou moins historiques furent compilés sur les Ba?'M:ë-
cides. Ces ouvrages sont perdus pour la plupart. O~a~x
qu'au M~M~ siècle de notre ère ~~o~ /7t! 'Ow~r ibn
.A/'A~r~ ~Kermdnî avait écrit une /S<o:'re des ~?'m~-
cides. /~K'e~?'M~~t<e~s/?'f!g'~e~~sco~ser~es~ar Ta~u'?,
~am<:<K?, K<a'~OM~?, K~o~~ y< Les Traditions
sur les Barmecides,<L~~Jt ~La.) ~L~ dermes ~ers la ~e
époque par ~Mt!~ot<M?!ue cite /'aH~!tr du Fihrist,
sont également perdues, ainsi que l'ouvrage de Mo<!<!M-
(i) Bibtioth~que Nationale, no tt5du fonds persan.Ch.SeheferenapubHeles deux premiers chapitres dans le premier volume de sa C/o'~oma~Af~
persane, pp. &)-)o3.
REVUE DU MONDE MUSULMAN20
med ibn .4/-LaM ,4/7!a~ intitulé Yahyâ ibn Khâiîd,
recueil littéraire, ~~t J ~J~- j; ,_g~ ~L$,~Me la vie de
D~'a~~a par ~~o~Faraa'a/:a?! Les Traditions
relatives aux Barmécides, ~~J) ~)Ls-&M ~a~-D~'o~î
(t 597 = 7~00), semblent également perdues. 7/ n'est rien
resté d'urte histoire anecdotique des Barmécides compilée
vers le c~ou~ieMe siècle par l'auteur du Modjme) ot-tevâ-
r!kh (7).
La Bibliothèque de Berlin possède, sous le titre de Choix
de traditions relatives aux Barmécides, ~Q~J)~L~-t ~(~),
un recueil d'anecdotes sur ~es~t~tt's de T~h-o~M et ~eMrM~s-
tt-ophe. Cet ouvrage renferme un long poème, dans lequel
le vieux Ya~d cherche a~cAt')' rigueur du khalife. La
même bibliothèque possède encore une ~oi're romanesque
des Barmécides intitulée ~\<'?~ est, dit
M. Ahlwardt, absolument différente de l'ouvrage de M-
/a~~ (3).
A une époque as~ récente (7:00 =1688-1689), le
cheikh Mohammed D:ya~ .A~-7~M! écrivit, sous le titre
d'Avertissement aux humains sur ce qui advint aux Barmé-
cides avec les fils de 'Abbâs,'~<~JJ L~ ~U) c~
~.L~)) MMëhistoire abrégée du AAa/a~o?~ vingt pages
environ sont consacrées à la cAufe~esBanH~et~es (~). Cette
( t) Voici ce que dit l'auteur du Mo<mei (fol. M3 ') « )) existe de nom-breuses traditions depuis l'origine de Barmek jusqu'à la chute de sa famille.J'ai écrit sur ce sujet un livre que j'ai disposé d'après un certain ordre chro-
notogique. J'ai narré la manière dont ils se sont comportés &l'égard de leurs
contemporains, j'ai fait conna!tre l'époque de leur disgrâce, les motifs quila provoquèrent et les malheurs qui fondirent sur eux. » Nous donnons icila traduction de Ch. Schefer (C/M<. persane, )), p. 5 des notes).
(2) Manuscrit arabe SqSy, de Bertin, fol, toz v-)o5 r*.(3) Manuscrit arabe 9076, de Berlin. ti manque plusieurs feuillets à cet
ouvrage. Le catalogue de M. Ahlwardt mentionne encore deux fragmentsrelatifs aux Barmécides (manuscrits <)5o8,fo). )Sg, et &tKo, foi. )3Q r°).
(4) li existe de i'Mm aK-A'M un certain nombre de manuscrits, dont on
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES H!STOR)E\S ARABES ET PERSANS 2<f
compilation, quiest
«dugenredesromans historiques (/)»,
est dénuée d'importance.On peut en dire autant de l'His-
toire de Soliman et de Djafar (sur Barmek Aboû Khd-
lid) (~) et de l'Histoire de Kâsîm le Barmécide (3).
Au tempsdes derniers
souverainsMamloukslescompila-
teurs des Mille et une Nuits, ~Uj <U~), ~K~ret!< denom-
breuses traditions sur les Barmécides; mais leur valeur est
très discutable. Le Hdroan des Mille et une Nuitsn'est pas
le ~ro~H de l'histoire, tant s'en faut; bien des fois il n'est
quela
personnificationdu
temps passé,et l'on ne peut juger
ses ~t'~irs ~'apres ce livre célèbre, mais relativement mo-
derne, souvent remaMte, et contenant des récitsd'origines
très Perses (~).
Quant aux poésies coM~osees sur les Barmeci~es, elles
trouvera l'énumération dans la Geschichte ~e;' arabischen Z.t(er<t<t<r deM. Carl Brockclmann, t. H, p. 303; la BibUothèque Nationale en possèdetrois pour sa part(n" !)o8, 2)09 et ~no du fonds arabe). M. Godfrey
Clerk a donné une traduction anglaise de la plus grande partie de cet ouvrage
('/ldm en-~VM, /njfortc<!< T'o<Man<<~ttec<<o<MO/<AeM)'/y Khalifahs, <aMf-
/<~ /t'om the ~t/'<:&c and annotated, London, Henry S. King, 1873, in-12
de xvi-2g3 p.), qui, très répandu en Orient, a eu cinq éditions au Caire
dans l'espace d'une trentaine d'années, de 1279 i3toderhëgire(t86:8o3).
Cf. VAK DYCK, Kitdb /A«/<i' a/OMMOt!' tt-Mx! AotOM m<!«'of! p. 291.
(t) DE SufE, L'oto/o~Ke des manuscrits arabes de la Bt'~t'o</)~Me Natio-
)«t/e, p. 374.
(2) Voir le chapitre page 35.
(3) C'est un petit roman, incomplet de la fin, qui occupe les feuillets ~33-
t~o d'un manuscrit arabe d'Afrique, peu ancien et d'une écriture défectueuse,conservé a la Bibliothèque de Grenoble sous le n* 2806. Son héros, Kâsim ibn
Farab (ou plutôt Faradj) At-Barmeki, personnage probablement imaginaire
et que nous n'avons vu nommé nulle part ailleurs, avait eu une existence
mouvementée, et le khalife Af-Had; lui demanda de lui raconter ses aven-
tures. Cette copie, la seule que nous connaissions, contient des erreurs gros-
sières, comme -~J~-,f ~L<pour ,e~c ~<~ (fol. t33 v').
(4) Voir le chapitre tX. Pendant ces dernières années, les littérateurs
arabes ont plusieurs fois cherché, dans l'histoire des Barmécides, des sujets
d'inspiration témoins */t&MM, ~<BM)' d'Ar-Rachtd, -J)t~~) ~Lc,
œuvre de M. George Zaïdan, formant le tome X de ses Romaxï At~o'-t~xM
22 REVUE DU MONDE MUSULMAN
sont très ?!0)?:~reMses.Les~rs des A bbasides eurent, au
temps de /enr puissance, quantité de panégyristes, qu'ils
récompensaient généreusement, et dans le nombre desquels
~gureM~ .4~ Nowas, dont le témoignage permet de t'M-
ter la légende du mariage de Dja fa a~cc '/1~MM; Ibn
Mounddhir, ~acAcA~t' ibn BoMt'ct, Man~oùr ~tt-N~rî,
'~«dM, ~e/a', Abou MoAatt:M<~ ~y~M~, Ibn ~&~
OM~a, Ibn Wa/M~n~r~o~CAa?M~ma.«Z.M
poètes, dit le <?YM!uc~Mr persan de Ta&ar~ (j), composèrent
plus d'élégies sur les Barmécides qu'ils n'avaient composé
~ejoaM~~r!u6SjE'eK~?:</eur vie. » Beaucoup de ces poésies
ont été recueillies dans le Kitâb at-Aghânî, et les historiens
(Ta&ar!, Mas'o0~i,/&tt Khallikdn, etc.) en c~eH~/r~Mem-
ment des passages.
Voilà les sources que nous avons tt<t7!'sëes,e~M:soM< les
principales sources de l'histoire des Abbasides, celles aux-
quelles ont eu recours, en Europe, les De ~fa~tner, les
A'?'e?ner, les Müller, les Weill, les Sédillot, les Huart, et,
en Orient, M. George Zaïddn, l'auteur de cette admi-
rable Histoire de la civilisation musulmane, que l'on s'éton-
nerait à juste titre de ne pas voir citée ici (2). Nous avons
de l'Islam (Le Caire, )9o6,in-8),une traduction française, intitulée Z~~ŒK''du Calife, œuvre de MM. Charles Moulié et M. Y. Bitar, en a été publiéetout dernièrement en feuilleton dans Le /<g'<tt'o (juin-juillet t~t~), et /t)~o-
cAMe< les Barw~MM, <<)~J)j drame en quatre actes du P. A.
Rabbath, paru dans ~U-MacAr)'~ fX! !Qto, pp. 8-24, too-t~S, )9!-202, :52-z63, 3~4-S57, 408-~35, 498-5t5). Plus récent est le Livre des perles aMeHt-
t~M SK)' l'hiatoire des Barmdcides et la famille d'A~oAo//<!t, t~Lj
~J~Jt J~ ~t~ j~ j ~de Seyyed Mobammed
Reza, fils de Seyyed Mobammed 'Aff Chah 'Abd ot-'Az!mf En-Nedjeft (Ned-jef, t3z8, in-8, t88 p.), dont M. Louis Massignon nous aimablement signaléla publication.
(t) Chronique, trad. Zotenberg, IV, 469.
(!) (a<y' jj~-J) T~jM.LeCaire, tgo2-!Qo6.55 vol. in-8; sur les
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 23
/en~ d'écrire e~t détail l'un des chapitres de cette civilisa-
tion; puissecette
ntonogra~Ai'e rendre, aprèsles travaux
d'ensemble quiviennent d'dtre e?:MHt~r~, quelques ser-
vices aux études orientales (/).
Barmécides.voir notamment t. IV, pp. 137-140. Plusieurs traductions de
cet ouvrage ont été entreprises; l'une, en français, a commence à paraître en
fQfo dans la Revue tunisienne; une autre, en turc, est en cours de publica-tion à Constantinople.Sous le titre Umayyads and /tt~M!,M. D. S. Mar-
goliouth en a donné une version anglaise abrégée, qui forme le tome IV duE. J. W. Gt&t Memo)'t<!< (Leyden and London, too~. gr. in-8). Un autre
ouvrage historique récent, en langue arabe, qui atteste, chez son auteur, une
solide érudition, est la Civilisation de l'Islam à Bagdad, ~~L-'yt X;L~
~J) j~ de DjamttNahtatAt-Moudawwar (Le Caire, too5,gr. in-8),
brillant tableau de l'époque des Abbasides et de leurs vizirs.
(~) ff nous reste a remercier tous ceux qui, pour notre travail, nous ont
aidé de leur savoir ou de leurs conseils, et dont plusieurs, hélas, ne sont
plus )à. Nous devons particuhèrement remercier M. Hartwig Derenbourg,
sous la direction de qui nous avons préparé cette monographie; MM.Auguste
Carrière et Joseph Halévy, à qui incombait le soin de l'examiner; M. Barbier deMeynard, qui en a suivi la préparation avec intérêt et nous a aidé de
sonérudition. MM. A. Le Chatelier, professeur au Collège de France, CI. Huart,
A. Cabaton, Ed. Specht, E. Blochet, Mirza Mohammed Khan, de Kazvin,
Miguel Asfn et Edouard Huber, aujourd'hui professeur à l'École françaised'Extrême-Orient, nous ont, eux aussi, fourni des renseignements utiles.
Au moment où nous rassemblions nos matériaux, i'index du ~f'<~ <j/-j4~A;!tt)était encore en partie inédit M. Heerzsohn, qui en surveillait la publication,a eu la très grande obligeance de copier, pour un travailleur qu'il ne connais-
sait pas, les passages non encore publiés de cet Index concernant les Bar-
mécides, nous évitant de la sorte de longues et fastidieuses recherches; qu'ilnous permette de lui adresser, ici, notre plus cordial remerciement. Nous
remercions également MM. Stanley Lane Poole, le célèbre historien et nu-
mismate, le colonel Allotte de la Fuye et G. F. Hill, conservateur adjoint au
British Museum, à qui nous sommes redevables de plusieurs des illustrations
qui accompagnent ce travail.
CHAPITRE PREMIER
LES ORIGINES LE NOOUBEHAR, LES BARMEKS,
LEUR CONVERSION A L'ISLAMISME
ET LEUR ROLE SOUS LES KHALIFES OMEYYADES
VIE DE BARMEK ABOU KHÂLID
Persansd'origine,
les Barmeks étaient, disent de vieilles
traditions arabes, pontifes du Nooubehâr, célèbre temple
d'idoles fondé à Balkh bien des siècles avant l'islamisme.
'Omar ibn Al-Azrak Al-Kermânî ( i), qui semble avoir vécu
dans lapremière moitié du neuvième siècle de notre ère,
dit qu'avant letemps
des chefs des satrapies (~oM/o~A a~-
~~d') les Barmeks, qui étaient idolâtres et avaient lepre-
mier rang parmi les habitants de la contrée, entendirent
parler de la Mecque, de la Ka'ba et du culteprofessé par
la tribu de Koraich. Ils élevèrent alors, dans l'enceinte
sacrée, à Balkh, un temple pareil à celui de laMecque,
le
(~)Le récit de Kerman! a été conserve par Ibn AJ-Fak'h Ai-Hamadhani
(sans indication de source), Yakout et Yezd!. 11 y a quelques différencesentre ces trois versions. Celle de Hamadhanf (Kitdb f~-BoM~, éd. De
Goeje, pp. 232-235)est à peu près la même que celle de Yâkoût, qui en a seu-
lement retranché queiquesdétai)s(Geo~r. Wdrfer~McA, éd, Wustenfeid, IV,
8)7-82 ~;B.\RB[E!< DE ME~SARD, Dict. de la Perse, 569-570). En revanche,
Yexdf s'écarte assez des deux versions antérieures. Il nomme Kermân!
'Omar ibn 'Abd Ar-RazzA~, au lieu de 'Omar ibn Ai-Azr.t)t, et Telkhân, le
roi turc qui fit assassiner le père de Barmek Aboù Khaiid, au lieu de Tar-
khan. D'après Hamadhàni et Yakoùt, Barmek aurait épousé la fille du roi
de Saghanian, et, d'après Yezdi, une fille des mages remarquable par sa
beauté. (T'nWA/t-f'<)/-<' Barmek, dans Ch. SCHEFER, Chrest. perMfte, f), 2-3.)
REVUE DU MOKDE MUSULMAN26
peuplèrent d'idoles et couvrirent ses murs de soie, de bro-
cart et depierres précieuses.
Pour Kermânî, le mot ~VooM-
behdrsignifie
« nouveauprintemps (i) », et il en donne
cette bizarre explication quand on construisait un édifice
remarquable, on couronnait, ou.'seton d'autres, on endui-
sait ses murs de basilic(r~M.~). Cette cérémonie avait
lieu au printemps, au momentoù le basilic sort déterre. Le
Nooubehâr était engrande vénération chez les Persans. Les
pèlerins,fort nombreux et venus souvent de contrées loin-
taines, revêtaient ses murs d'étoffes précieuses et plaçaient
des drapeaux sur sacoupote (2).
Son dôme, nommé Al-
Oust(3),
de 100 coudées de circonférence et de plusde
f oo coudées de hauteur, était entouré d'anneaux circulaires.
Le temple renfermait trois cent soixante chambres pour les
prêtres,dont un était de service chaque jour. Aux environs
se trouvaient de nombreuses fondations pieuses (<~M~/) et
des fermes dépendant du temple. Les rois de Perse, de
l'Inde, de la Chine, du Caboul, du Sind, du Zaboulistan et
de la Transoxiane venaient en peterinage au Nooubehâr.
Ils se prosternaient devant l'idole principale et baisaient la
(t) C'est Rawlinson qui a identifié le nom du Nooubehâr avec le sanscrit
A~M Vihdra (Monograph on the Oxus, apud Journal of the Royal Geogra-
phical Society, t. XLII, année )87:, p. 5)0). Les auteurs chinois le nomment
~t'M-Me. Yakoût (Geogr. tVorter&Mc/t, éd. WOstenfeid, !V, 8)7) donne la pro-nonciation ~o<!teA<!)', pour ~<!MteA<tt' ou Nooubehdr, qui est la forme per-
sane. Ce nom se retrouve à Boukhara (Ibn Haukat, Vfa* et t'e~na, éd. De Goeje.
385, et Istakhrl, t~t<c re~Horum, éd. De Goeje, 3o8-3o9); il désigne aussi
une localité à deux men~th de Rey (YA<.oùT, loco citato). Balkh, Boukharaet Samarkand avaient chacune leur porte du Nooubehàr. On peut rappro-
cher ce nom de celui de Chah Behâr, localité où se trouvait un templed'idoles qu'[brAh!m ibn Djibrâit, envoyé par Fad) ibn Yahya, détruisit en
t76 (792). Cf. YA'Mùe!, ~tM& <BoM<<t, éd. De Goeje, 291.
(z) On retrouve, dans ies descriptions du Nooubehâr faites parles auteurs
arabes, les caractères distinctifs des y;A<ira~ bouddhiques; tes bannières ou
drapeaux en sont un. L'~M<< nous a fait remarquer M. Cl. Huart, donne à
Balkh t'épithete de efe<<M'd-<<<'a/eAa « aux hautes bannières (voir Vendi-
dad, f, 8), qu'il faut rapprocher pour le sens du pehlvi MM)A (pour Mm)')« la brillante », autre surnom de Bakhdhi et équivalent de l'avestique c'r<]
(~'eM<<)~< t, 7) le Yaçna donne toAMAfm Ct')r<!m (cf. MARQUARDT, ~rd))-jaAf, 87).
(3) Peut-être le turc Ui<tt)t, d'après M. Barbier de M<ynard.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSAKS 2y
main du grand-prêtre. Le sacerdoce était héréditaire chez
les Barmeks. Ils possédaient tout le territoire autour du
temple, sur une superficie de sept parasanges carrés (! i, et
avaient sur ce fief un pouvoir absolu. Tous les habitants
étaient ieurs esclaves, et la piété des pèlerins leur avait valu
d'immenses richesses.
Au siècle suivant, nous trouvons d'autres légendes sur le
Nooubehâr. D'après Dakîkî Lohrâsp, le quatrième des
Keïaniens (2) (que quelques auteurs regardent comme le
fondateur de Balkh) quitta son ancienne capitale, Istakhar
ou Chadyâkh de Nichâpoûr, pour la ville de Balkh, où il
construisit le Nooubehâr. Ayant abdiqué en faveur de son
fils Gouchtâsp, il se retira dans ce temple célèbre, « pour
lequel les adorateurs de Yezdân avaient, à cette époque, la
même vénération que les Arabes pour la Mecque », et y
passa les trente dernières années de sa vie dans la prière et
la méditation. Pour Dakîkî, Persan demeuré fidèle à 1~
religion des Mages, le Nooubehâr ne pouvait être qu'un
temple du feu. Firdooust. qui reprit l'oeuvre de Dakîkî,
ajoute que Lohrâsp, plein de zèle pour le culte des Mages,fit construire à Balkh un grand temple du feu nommé
Berzin, et ménagea dans chaque carrefour de cette ville un
endroit pour célébrer la fête de Sedè (3).
Le Nooubehâr, dit Mas'oûd!, était un temple consacré
à la Lune parMenoutchehr, d'une hauteur et d'une solidité
remarquables, et sur le faîte duquel on avait placé des ban-
derolles de soie verte longues de )oo coudées. Son mur
(i) Ou, selon d'autres, 8 de long sur 4 de large, soit, dit At. Barthold,'.568 kilomètres carrés.
(2) Lohrâsp, successeur de KeT-Khosrô, régna, dit la légende, pendantcent vingt ans. Son amour pour sa nouvelle résidence lui valut le surnom deBoM;A).Uynt venir un grand nombre d'Indiens, et donna à un château fortqu'il fit construire à Balkh le nom de C<M<MMdes Lohrâsp fut tué
par les Turcs lors de la prise de Balkh par Ardjàsp.(3) CMA AMnx', éd. Mohl, IV, 278-28).
REVUE DU MONDE MUSULMAN28
d'enceinte avait plusieurs milles de circuit. Sur la porte du
Nooubehâr on lisait l'inscription suivante, en langue parsie« Boûdâsp a dit Ji faut à la cour des rois trois quafités
l'intelligence, la patience et la richesse. » Au-dessous, une
autre main avait écrit, en arabe « Boûdâsp a menti. Quand
unhomme~possède une de ces trois qualités, il doit fuir
le séjour des rois. » Le grand prêtre gardien (sddin) du
Nooubehâr portait le titre de Barmek. H avait l'adminis-
tration des richesses du temple, et les rois eux-mêmes lui
obéissaient ~t).
Ces légendes sont également inexactes. Les relations de
Hiouen-Thsang et de 1-Tsing, qui séjournèrent à Balkh au
septième siècle de notre ère, nous apprennent que le Noou-
behâr (en sanscrit, Nava Vihâra «le nouveau temple », ou
Nava SaMg-AdrdtMa « le nouveau couvent ») ét'ait un lieu
de culte bouddhique (2). On sait que, bien avant les Sassa-
nides, l'Inde avait envoyé des missionnaires bouddhistes
jusqu'en Bactriane « et étendu ses conversions parmi les fils
des lieutenants d'Alexandre (3) ». Le premier roi du pays,dit la légende bouddhique, d'accord sur ce point avec la
légende persane, fonda à Balkh un temple célèbre, où il
renonça au monde et termina sa vie (4).
D'après Hiouen-Thsang, il y avait à Po-~o (Balkh) cent
(t) ~'nn'nM<fOf, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, IV, <)8.(:) D'après Abel Rémusat, le bouddhisme dominait dans cette partie de
l'Asie dès le commencement du cinquième siècle. Quand la religion boud-dhique se fut répandue en Chine, de nombreux pèlerins se rendirent dansDnde, soit pour y vénérer les reliques du Bouddha Çakyamouni, soit poury chercher les textes sacrés de leur nouvelle religion. Dans leurs voyagesils parcoururent toute l'Asie centrale et ne s'arrêtèrent qu'aux frontières du
royaume de Po-la-se (Perse).(3JJAMESDARM6STETM,Coup <fQ'ii sur ~M<of~ de <t!Perse, 31.
(4) t-Tsing rapporte cette tègende d'une manière un peu différente « )i yeutencore un homme de la suite de t'envoyé, par te chemin du nord. Arrivé
y
dans le pays de Fo-ko'.touola
(Batkh),
de
it renonça au monde dans te !<ouveau-8ans le pays de Fo·ko`·louo (Balkh), il renonça au monde dans le Nouveau-
Temple, au Na-po-pi-ho-lo (Nava VihAra). » (Les Religieux ~f)«neK~, trad.de M. Chavannes, p. <)8.)
LES BARMÉODES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS29
couvents, avec trois mille religieux suivant la doctrine du
petit véhicule(Hinayana). En dehors de la ville, au sud-est,
se trouvait le couvent de ~o-se?:g'-A:a-~M ou A~b-Aia-
lan (Nava Sanghârâma). Il contenait, dans une salle riche-ment ornée, une statue du Bouddha, faite de matières pré-
cieuses. Les richesses du NavaSa~ghârâma tentèrent souvent
les princes voisins. Quelques années avant le voyage de
Hiouen-Thsang, on y voyait une statue du dieu Pi-Cha-
Men (Vâiçvrana), « qui, avec sa pénétration divine, lui
offrait un sûrappui, et l'en tourait d'une protection secrètes;
mais Sse-che-hou-khan, fils de Che-hou, roi des Turcs,
envahit le couvent pour s'emparer des objets précieux qu'il
renfermait. D'après la légende, le roi turc, dans la nuit qui
suivit son arrivée, vit en songe le dieu Pi-Cha-Men, qui,après lui avoir reproché son audace, le perça de sa lance.
A son réveil, le khan, rempli de douleur, voulut quitter
Balkh et envoya chercher les religieux pour leur exprimer
son repentir mais il mourut avant le retour du mes~
sager.
Dans le Nava SaOghârâma, dit Hiouen-Thsang, au milieu
de la salle méridionale du Bouddha, se trouvait la cuvette
dont celui-ci se servait pour ses ablutions. Elle était faite
d'une pierre et d'un métal inconnus, mais de couleurs
éblouissantes. On conservait dans le couvent une dent du
Bouddha et son balai fait de la plante ~'tac/:e (Kaça). Cha-
cun des six jours de jeûne, religieux et laïques venaient
vénérer ces reliques. Au nord du couvent était un Stoupd
d'environ 200 pieds de haut, brillant comme le diamant et
orné de pierres précieuses. H renfermait des C/!e-(çarinas,
retiquesj et répandait sans cesse un éclat divin.
« Au sud-ouest du couvent il y a un Vihâra. Depuis sa
fondation, il s'est écoulé bien des années. C'est le rendez-
vous des peuples lointains et des hommes d'un talent
supérieur. H serait difficile de citer complètement tous
ceux qui y ont obtenu les quatre degrés de sainteté.
REVUE DU MONDE MUSULMAN30
« Maintenant il y a environ cent religieux qui montrent
nuit et jour un zèle infatigable (:). »
Autour du couvent on avait élevé, en mémoire des reli-
gieux qui y avaient obtenu les quatre degrés de sainteté,
une centaine de stoupâs, dont les antiques fondements
étaient presque contigus. Hiouen-Thsang vit encore deux
stoupâs élevés par les hôtes du Bouddha et, à 70 à
l'ouest, un stoupâ haut de 20 pieds, construit par Kia-che-
fo (Kâcyapa), bouddha du temps passé.
Hiouen-Thsang, qui reçut à Balkh le meilleur accueil,
vit dans le Nava Vihâra un religieux de Tchéka ayant
étudié le petit véhicule, nommé .PoKaM-/o-e-/o (Pradjnâ-
kara), qui était venu dans cette ville pour honorer les mo-
numents sacrés. Homme fort remarquable, maître dans les
quatre Han (Âgamas) et célèbre dans l'Inde entière par son
vaste savoir, Pradjnâkara reçut avec joie le voyageur qui
le consulta sur des points difficiles.
Hiouen-Thsang passa un mois dans le Nava Vihâra. II
s'y lia avec deux autres religieux Ta-mo-pi-li (Dharma-
priya) et 7~.?NO-Â!'<o(Dharmakara), qui lui témoignèrent
beaucoup de respect (2).
Les pèlerins bouddhistes ne disent rien d'une famille de
Barmeks, pontifes héréditaires du Nooubehâr. D'où vient
ce nom de Barmek? Diverses étymologies persanes, arabes
ou syriaques ont été proposées, et on les trouvera réunies
à la fin de ce travail certaines ne méritent pas l'examen,
et les autres sont peu satisfaisantes. M. H. Kern voit dans
Barmek la déformation du sanscrit paramaka « supérieur ».
Ce nom se rattacherait donc à la période où le bouddhisme
s'était implanté à Balkh. Les plus anciennes traditions
musulmanes font du Nooubehâr un temple d'idoles, dont
(t) HiouEt-THSAKO, A~mott' trad. St. Julien, t, 3o-32.
(2) HoET.U et YEffG-THSo.fG,//M<ot')'e de la vie et des yo~'og'M de //tO«M-
r/!M<t~, trad. St-Julien, 6-7.
LES BAMiÉODES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PEMA~S 3t
elles donnent une description qui rappelle singulièrement
celle des y:r~ bouddhiques M. Barthold explique ta
transformation du Nooubehâr en temple du feu par le désir
de rattacher à l'empire sassanide les Barmeks, qui auraient
été les successeurs de ses ministres, tandis que M. Kern
admet que le Nava Sanghârâma, détruit par la conquête
musulmane, serait devenu, une fois reconstruit, un pyrée
zoroastrien (i)'.
D'après Tabarî, Chirouï, parvenu au trône, prit pour vizir
un Barmek, qui fut l'aïeul des Barmécides. Nizâm ol-
Motk dit que, depuis Ardéchir, tes Barmeks étaient de
père en fils vizirs des rois de Perse. Ils avaient composé« des traités sur les règles administratives et sur la conduite
que doivent tenir les rois », que leurs enfants apprenaient
par cœur. Le khalife Solaimân, parvenu à l'apogée de sa
grandeur et de sa puissance, voulut avoir un vizir dignede lui et, sur les conseils de ses familiers, envoya chercher
à Balkh Khâlid fils de Barmek. H ne faut pas oublier que
Khâlid, né vers 710 de notre ère, ne peutavoirétéle vizir de
Solaimân qui mourut en og (717) (2). D'après le M)M~a<
~-Kou/o< Dja'far de Balkh, aïeul des Barmécides, des-
cendait de Goûderz, ~s~o~?' ou vizir d'Ardéchir Bâbegân,et devint en 96 (y~tS) vizir des Omeyyades. I] fit frapperdes monnaies d'or et d'argent d'un excellent titre, et ce fut
à lui que l'or e(;'a'~ar~ dut son nom. Pendant quatre-vingts ans la dignité de vizir resta dans sa famille, et cinqde ses descendants en furent revêtus (3). Khondémir enfin
(i) llistoire du bouddhisme ~<!nt<M<<e, ![, p. 434; cf. M~s'oûo'ao'fM<o' éd. Barbier deMevnard et P.;yetdeCourtei))e,JV,~8.–BARTHOLC,!ij-[.Ra)-MtnA)'<<M.dans )'~nc~c/o~~<<)e de /<!Mt, Uvr., pp. 680-681 ;voir aussi)eS<MM< N<!Mie/t,éd. Ch. Schefer, t5i. Pour les étymologies du nom deBarmek, se reporter & l'Appendice 1.
(2) Cn. ScHEFEp, CA)'M<e)-Mt)f, [1, pp. i~-tS des notes.(3) QuATREMKKB, i\'o<e !f<r B<!)'mt'ct<<M,dans le Journal asiatique, 5' sé-
rie, XVt[, année 186~, p. m.i.
REVUE DU MONDE MUSULMAN32
fait des Barmécides les descendants des anciens rois de
Perse.
La même incertitude règne sur la conversion des Barmeks
à l'islamisme et leur arrivée à la cour des khalifes. On sait
quesous Mou'âwiya, en 42 (663-664)
le Khorassan fut
envahipar
'Abd Attâh ibn 'Amr ibn Koraith, qui envoya
contre Balkh Kais ibn AI-Haitham As-Salmî et 'Atâ ibn
$â'ib, qui s'emparèrent de la ville et détruisirent le Noou-
behâr(t). Mais Barmek, dit $oûiî, citant 'Atî ibn Moham-
med An-Naufa)ï, réparale
templeet l'habita
(2).
Kermânî ditque
sous le khalifat de 'Othmân ibn 'Arfân
(entre 23 = 644 et 35 =656), Ahnaf ibn Kais ayant conquis
le Khorassan, le grand prêtre du Nooubehâr alla trouver
le khalife avec des otages, se convertit à l'islamisme et reçut
le nom de 'Abd Allâh. Mais, à son retour, les habitants de
Balkh luireprochèrent
son abjuration et donnèrent sa
dignité à l'un de ses nts, qui d'ailleurs se convertit comme
lui (3). Un roi turc du voisinage, Tarkhân Nezîk (ou
Telkhân) (4), ayant appris cette nouvelle conversion, écri-
(f) BALADHOx!, Liber expugnationis regionum, .(08-~09. En 175(791) Che-
ref oz-Zemàn Nasr Khan fit enlever les trois portes de fer du Nooubehâr, quifurent transportées à son château de Kondouz. $Af! AD-Df~, fe)(<t'<<-< Balkh,
apud CH. SCHEFER, CA'-M<. persane, Il, 2t-z6. D'après un autre récit (ibid.,
76), le Nooubehâr avait une porte d'argent. Une tradition peu vraisemblable
fait venir à Bagdad, vers la même époque, Ziyâd ibn Chirvin, « mage s du
Nooubehâr. Ya))yâ ibn KhaHd, dit Yexdf, le reçut avec sa gënërosite habi-
tuelle et lui servit d'introducteur à la cour de Haroûn. (T'oriAA-~ dM Bar-inek,manuscrit i3~ du supplément persan de )aBib). Nationale, fol. 46 1".52 1".!t faut cependant observer que, d'après Tabar! (CAt'oMt'fOM, éd. De Goeje,
)!, f2o), un prince de la région, N!zak (ou !~ez!kr) aurait prié dans le
Nooubehâr en 90 de l'hégire (708-709). Cf. MARQUARDT, ~'r~o~oAt-, 60. Relevéde ses ruines, le Nooubehâr aurait-il subsisté jusqu'à la fin du huitième siècle ?
(2) BAtB~Ett DE MEYXARD, Dict. de la ~'e)'M, S7i.
(3) Kermàn! apud Hamadhânt, Yakoût et Yezdi,
(4) Le roi turc Nezik Tarkhàn, ou Tetkhan, est cité plusieurs fois, dans
l'Histoire de Boukhara, de Nerchakhf, parmi les souverains du Turkestan
qui s'unirent à ceux de la Sogdiane pour résister à l'invasion arabe.
CH. SCHEFER, CA''M<. j~et-Mne, f), p. )7 des notes. Cf YAMÛT, Geogr. W<'))-
<e)'~McA, éd. Wustenfeid, I1, ~n, et BALAcaopf, Liber expugnationis regio-
t))<M, 3i5.
LES BARMÉODES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 33
vit au Barmek pour l'engager à revenir à l'ancien culte.
Mais, converti de son plein gré et n'ayant que du mépris
pour 'a religion des idoles, le Barmek refusa. Tarkhân
menaça de marcher contre lui. Le Barmek, à son tour,
menaça le roi turc d'une intervention musulmane, puis fit
appel à sa générosité. Un certain temps se passa en pour-
parlers. Finalement Tarkhân eut recours à la ruse. Ayant
feint de s'éloigner, il conspira contre le Barmek, qui fut
tué avec dix de ses enfants, et dont tous les biens furent
pillés. Seul Barmek Aboû Khâlid échappa au massacre. Sa
mère, qui avait réussi à le soustraire aux Turcs, seréfugia
avec lui dans le Kachmlr. Barmek reçut dans ce pays une
brillante éducation, étudia la médecine, l'astrologie, les
mathématiques et les sciences naturelles. Il avait gardé la
religion de ses ancêtres.
Une maladie contagieuse s'étant déclarée à Balkh, les
habitants se crurent punis de leur apostasie et quittèrent
l'islamisme pour revenir à l'ancien culte. Ils rappelèrent
Barmek et lui rendirent le sacerdoce. Revenu à Balkh.
celui-ci épousa la fille du roi de Saghanian, dont il eut trois
fils AI-Hasan (de là le nom d'Aboû'I-~asan donné que!-
quefois à Barmek), Khâlid, 'Amr, et une fille. Oumm
Khâlid. JI eut encore, d'une femme originaire de Boukhâra
un fils, Solaimân, et, d'une esclave qui lui fut donnée par
le souverain de cette ville, un cinquième fils, nommé Kâl, et
deux filles, dont l'une se nommait Oumm Kâsim.
Quelques historiens ont prétendu que, le premier de sa
famille, Khâlid ibn Barmek se convertit à l'islamisme.
SesfrèresAI-t~asan et Solaimân auraient suivi son exemple.
Pour Kermânî, Barmek Aboû Khâlid, ayant abjuré sa reli-
gion vers la fin de sa vie, se rendit avec une suite nom-
breuse à la cour du khalife 'Abd Al-Malik, qui le nomma
gouverneur des deux Iraks. H guérit le khalife Hichâm
«d'un mal épouvantable dont il vaut mieux ne pas rappeler
xx. 3
REVUE DU MONDE MUSULMAN34
le nom », dit Yezdî, etque
tous les médecins déclaraient
incurable. Barmek voulut ensuite retourner en Khorassan,
mais le khalife lui dit « H vaut mieux quetu restes con-
stammentauprësde nous, et nous pourvoirons à ta subsis-
tance », et lui donna en fief deux villes dans la montagne
deSoumâk: Mâr I.!annâ et !~ibâl(s:c. peut-être Djibâl).
Barmek ayantdéclaré
que les revenus de ces villes nepour-
raient couvrir ses dépenses, Hichâm lui abandonna en
outre l'impôt prélevé sur le couvent de Mâr !annâ, qui
rapportait chaque année deux millions de dirhems (t).
H existe d'autres traditions sur la conversion de Barmek
Aboû Khâlid à l'islamisme et sur son arrivée à la cour des
khalifes omeyyades, mais elles ne méritent aucune con-
fiance. D'après Barant et leD7'~M:"<AN~<)
Barmek(que
Barant et quelquesautres historiens nomment Dja'far), peu
après l'avènement de 'Abd Al-Malik, quitta Balkh pour
Damas, où il entra en déployant un luxe extraordinaire et
devint l'ami des courtisans du khalife, qui inspirèrent à
celui-ci le désir de voir le fastueuxétranger; mais les détails
plus qu'invraisemblables que donnent les deux écrivains
persans sur l'entrevue de Barmek et de 'Abd Al-Malik, ne
permettent pas d'ajouter foi à leurs récits (2).
(t) Yezd!, apud CH. ScHEfM, CA;'M<. persane, H, pp. t6-~ des notes. Le
récit est de Mohammed ibn Abi'i-Hasim ibn 'Oyaina, d'après un muezzin,
témoin oculaire, qui avait étë au service d'AI-Hâdi et avait accompli sa cent
vingtième année. Pour Ch. Schefer, ce récit s'appliquerait plutôt à Khafid,
qui, comme son père, avait des connaissances médicales, mais ne faut pasoublier que Barmek (seul nommé dans ce récit) vivait encore sous Hichâm.
Tabari lui attribue la guérison de Maslama ibn 'Abd AI-Malik (Chronicon,éd. De Goeje, U, «St, et trad. Zotenberg, IV, )53-i54). Dans tous les cas,
c'est à tort que l'on a voulu voir dans Barmek un vizir d'As-Saffàtj. Cf. DE
HAMMER, Litteraturgeschichte <<er Araber, [[!, ~g.
(2) D'après Barani, Dja'far, l'ancêtre des Barmécides, contraint de quitterBalkh, vint à la cour de Damas sous le khalifat de 'Abd AI-Malik ou, selon
d'autres, de son fils Soiaiman. Le khalife, voyant Dja'far, changea de cou-
leur et ordonna qu'on le fft sortir, car il avait du poison sur lui. Le frotte-
ment de deux pierres attachées à son bras l'en avait averti, et ce signe était
infaillible. Dja'far avoua qu'en effet il portait du poison dans le chaton de sa
LES BARMÉC!DES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 35
Une légende qui semble avoir été inventée pour faire des
Barmécides les alliés d'une famille désireuse de profiter de
leur crédit, au temps de leur puissance, se trouve dans
Tabarî. En 85 (705-706), dit cethistorien (r), Balkh s'étant
révoitée contre les Musulmans, Kotaiba ibn Mouslim, alors
gouverneur du Khorassan, vint la soumettre. La femme, du
pontife du Nooubehâr, prise par les Musulmans, fut donnée
à 'Abd Allâh ibn Mouslim, frère de Kotaiba. qui eut com-
nierce avec elle. La femme du Barmek, rendue à son mari,
déclara à 'Abd Allàh qu'elle était enceinte de ses œuvres.
Avant de mourir, 'Abd Allâh demanda que t'en réclamât
en son nom l'enfant qui naîtrait. Cet enfant, au dire de
Tabarî, fut Khâlid ibn Barmek qui, étant venu à Reï long-
temps après, y trouva les fils de 'Abd Allâh ibn Mouslim,
qui réclamèrent les droits de la parenté. MousHm ibn Ko-
taiba leur dit « Interrogez la femme; si elle avoue le fait
elle-même et se réclame de vous, vous aurez la femme et
son fils. » D'après la loi, pareille réclamation ne pouvait
être admise que sur le témoignage et avec le consentement
de la personne qui en était t'objet. Les fils de 'Abd Allâh
se retirèrent alors. H est nécessaire d'ajouter que Kermânî
et Batâdhor! ne disent rien de pareil.
Quoi qu'il en soit. Barmek et son fils Khâlid, par leurs
mérites et leurs richesses, exercèrent une grande influence
à la cour des khalifes omeyyades. En 107 (725-726), dit Ibn
At-Athîr (2), Hichâm chargea Barmek de faire reconstruire
bague pour )e cas ob il lui arriverait malheur, et dit, en langue persane
/<~<~rm~m, ce qui signifie il la fois «je suce set « je suis Barmek
Le khalife, rassuré, témoigna dès lors beaucoup de bienveillance Djn'far.Celui-ci dut à cette circonstance le nom de Barmek, qui resta à ses des-cendants. Akhbdr-é Bn)'M)eAty<tM.éd. de Bombay, pp. 6-9, d'aprèsAboÛ'i-Kasim At.T~'iu). Il existe de ce récit une rédaction arabe intitulée
Histoire de .So/t'n)<!ttet de D/a'/ar, dont un manuscrit, accompagné d'unetraduction française par un jeune-de-tangues, est conserve il la BibliothèqueNationale (n" 282 des traductions in-4). Voir l'Appendice I.
(<) CArontMH, éd. De Goeje, it, !t8'. Trad. Xotenbers, [V, i53-;54.
(2) /Mmf/, éd. Tombera, V, )o2-fo3.
REVCE DU MO*<OEMUSULMAN36
Balkh. D'après Aboû'l-Mahâsin cette ville fut reconstruite
par Asad ibn 'Abd Allâh Al-Kasrî, et Barmek en fut nommé
gouverneur (t).
On ignore à quelle époque il mourut.
De toutes ces traditions il semble résulter que les Bar-
meks, dont l'origine persane n'est pas douteuse, occupaient
un rang élevé parmi les habitants de la Transoxiane avant
la conquête musulmane. Peut-être exerçaient-ils des fonc-
tions religieuses à Balkh. Leur conversion à l'islamisme et
leur soumission aux vainqueurs, qui eurent lieu dans la
seconde moitié du septième siècle de notre ère, lors de l'in-
vasion du Khorassan, leur valurent les persécutions des
rois turcs. Sous le khalifat de 'Abd AI-Malik ou de son fils
Solaimân, à la fin du septième siècle de notre ère ou au
commencement du huitième, le chef de cette famille, qui
reçut peut-être le nom de Dja'far après s'être converti à
l'islamisme comme ses ancêtres, vint à la cour de Damas,
où il jouit d'un grand crédit auprès des khalifes omeyyades.
Les successeurs de 'Abd Al-Malik conservèrent leur fa-
veur aux fils de Barmek.
()) QuATnEMÈRE, ~/o~ Mr les Aorm~cfa'M, m.i.
CHAPITRE II
KHÂLID IBN BARMEK LES BARMHCJDES
SOUS LES DERNIERS KHALIFES OMEYYADES
ET LES PREMIERS ABBASIDES
Ibn 'Asâkir place la naissance de Khâlid ibn Barmek en
gz (709) (i). Les historiens font le plus brillant éloge de
ses qualités. Mas'oûdî déclare que ses descendants ne pu-
rent jamais l'égaler, et, d'après Aboû'i-Kâsim ibn Ghassan
conservé par Yezd! (2), il était généreux, fidèle à sa paToie,
pieux, humain, ferme et habile. H avait reçu une brillante
éducation et possédait des connaissances aussi profondes
que variées, notamment en médecine.
Khâ)id, jouit d'une grande faveur auprès des khalifes
omeyyades. En j2g (747), il accompagna Kahtaba ibn
ChaMb At-Tâ'î envoyé contre Yazîd ibn 'Amr ibn Ho-
baira, gouverneur des deux Iraks, révoité contre le kha-life Marwân. Khâtid commandait dans cette expédition
un corps de vingt mille hommes, et Kahtaba lui confia
la garde du butin (3). La même année, Kahtaba se
(~) Apud l9!< KHALLIKAN. Biogr. Otc<<o')a)t-.trad. De Shne, [, 3o6. D'aprèsIbn 'As4kir, Khàlid, qui était soupçonné de magismc. se convertit à l'isla-misme le premier de sa famille. Ses frères, At-~asan et Soliman, suivirentson exemple. f) était opposé aux prétentions de l'imam Mohammedibn 'Aliet de son fils jbrahim.
(!) ~rt~/i, dans C)i. ScHEFBp, CArMf. ~wj<M< i), 8.(3) ÏAB~Rt, CAron)'con, éd. De Goeje, ff, .'o&). ief AL-ATHÎA,~)));
éd. Tornberg, IV, 276, zg:, 296, 305.
REVUE DU MOXDE ML'SULMAX33
joignit à Abou MosHm, qui agissait dans le Khorassan en
faveur des Abbasides. Khâlid et probablement aussi ses
frères combattirent avec Kahtaba (t), mirent au service des
Abbasides leur influence et leurs richesses, et obtinrent
ainsi la faveur d'As-$afTâh et de ses successeurs. Les Bar-
mécides, disent les historiens, avaient beaucoup de crédit
auprès des Omeyyades, et leur influence ne fit que croître
après l'avènement de la dynastie abbaside.
Au début du khalifat d'As-$an'âh,en ~2 (749), Khàlid
prit part avec Al-Mousayyib ibn Zohair à l'expédition du
Dair Founnâ (2). Dans une autre expédition, dont nous ne
connaissons pas la date, il assiégea et prit Oustounavend,
dont il détrôna le souverain. Les deux filles de celui-ci, dit
Yâkoût (3), amenées par le vainqueur à Bagdad, y furent
achetées par AI-Mahdî, le futur khalife. L'une de ces es-
claves, connue seulement sous le surnom d'Ad-Djariyya,
fut la mère d'At-Mansoûr ibn At-MahdL
Ce fut dans cette même année !3z (749) qu'As-$an'âtt
prit pour vizir Khâtid, en remplacement d'Aboû Salama
Hafs At-Khatiât, assassiné, croit-on, à l'instigation du
khalife parce qu'il penchait vers les Alides (4). On a pré-
tendu que Khâtid, tout en exerçant le vizirat, n'eut jamaisle titre de vizir: après la mort d'Aboû Salama, on évitait,
paraît il, de se servir de ce mot (5). Deux ans plus tard,
en <34 (75t), As-$aSâh confia à Khâtid l'administration
des finances (~M ~-A/!<!r~af;'). Devenu vizir, Khâtid
fit changer le terme de ~OM/M~ (quémandeurs), par lequel
on désignait les personnes qui venaient le solliciter, en
M~a~M (visiteurs) ou mou'ammalfn (ceux qui espèrent),
1) 'f'ABAtti, loco Cf(0<0.
(2) TABAR),oce~e.<-<<f!~o,tft, zf. tBf At-ATHH, ~<!ntt'<,éd. Tornberg,IV. 3<o.
(1) Geo~r. WS)-«')-&!fcA,éd. WUstenfeid, 244.(4) )M AT-T~~At-A, ~fat/jr). éd. Derenbourg, ~t;. r.
(5) ~/t<:H). f)), 36. Le récit est d'At-'Abbits ibn Khâlid. Cf. A<-F<tAA'
2tt-2t2.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HfSTORtESS ARABES ET PEMAXS 3~
trouvant la première de ces expressions peu digne des per-
sonnes, pour la plupart d'un rang élevé, qui fréquentaient
son palais.
Khâlid resta en charge sous Ai-Mansour. Lors de la fon
dation de Bagdad, en 1~.6(763), AboûAyyoûbAl-Mouryan!
conseilla au khalife de faire démolir le palais (E'i'~M) des
Chosroès pour en utiliser les matériaux. Al-Mansoûr ayant
demandé l'avis de Khâlid, celui-ci s'opposa énergiquement
à cette démolition. « La dépense, dit-il, serait énorme, et
d'ailleurs ce palais n'avait-il pas servi d'oratoire à 'Ali fils
d'Aboû Tâlib (t)? Si tu parles ainsi, c'est que tu pen-
ches vers les Persans répliqua le khalife irrité. » La démo-
lition fut donc commencée, mais elle entraîna des frais
tels qu'Al-Mansoûr voulut y renoncer. Khâlid s'y opposa.
« H fallait achever; devait-on laisser dire que les Arabes
étaient incapables de détruire ce que les Persans avaient
édifié?' ? Mais le khalife passa outre (2).
L'année suivante, Al-Mansoûr, voulant faire proclamer
son fils Al-Mahd! héritier présomptif du khalifat (M~f al-
'aA~ à la place de 'îsâ ibn Moûsâ, essaya d'obtenir la re-
nonciation de celui-ci. H consulta Khâlid, alors chef de la
chancellerie, qui le pria de le charger des négociations; si
elles échouaient, on serait libre d'avoir recours à la force.
Accompagné de trois personnages renommés pour leur in-
tégrité, Khâlid se présenta chez 'fsâ et fit tous ses efforts
pour obtenir sa renonciation. Mais prières et menaces
furent inutiles.
(i) IBNAT-T~TA)tA,/t<oA/))'t, éd. Derenbourg.st!.f~) Dans un récit de Mas'o&di, Hàroûn, voulant faire démolir )'EMn.
demande conseil à Yftt~. emprisonné après sa disgrâce, et Ya))y4 fait à
Haroùn les mêmes réponses que Khàlid A)-Mansour;mais cc)a n'a aucune
vraisemblance. Le khalife, apprenant que Ya~-a. après avoir désapprouvécette démolition, en était devenu partisan, s'écria: Qu'AN:th maudisse cet
homme il a toujours raison 1 et défendit de démolir le palais des Chosroès.
(Prairies d'or, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, V, 444).
REVUE DU MONDE MUSULMAN4°
Khâlid savait Al-Mansoûr entier et violent. Après l'échec
de sa mission, il avait tout à craindre de lui. Aussi pro-
posa-t-il aux témoins de son entrevue avec 'îsâ de déclarer
que celui-ci avait abandonné ses prétentions au trône.
« Mais, firent observer ceux-ci, il faut que le khalife sache
quel service nous lui rendons de la sorte. H le saura,
répondit Khâtid.~ Tous les quatre se présentèrent devant AI-
Mansoûr et témoignèrent comme Khâiid l'avait proposé.Puis celui-ci, prenant le khalife à part, lui déclara ce qui
s'était passé. At-Mansoûr voulut que Khâlid témoigna pu-
bliquement contre 'Isa avec les témoins de l'entrevue. « Si
ces hommes refusent, on leur coupera la tête », dit Khâlid,
qui réclama d'eux le témoignage dont avait besoin le kha-
life, les menaçant de mort en cas de refus.
On convoqua les membres de la famille de 'Abbàs, les
généraux et le peuple, et devant eux Al-Mansoûr remercia
'îsà de l'empressement qu'il avait mis à satisfaire ses dé-
sirs. Surpris et furieux, 'Ïsâ voulut protester, mais on
s'indigna en le voyant s'élever contre le témoignage formel
d'hommes aussi respectables, et At-Mahdi fut déclaré héri-
tier du khalife. Ce fut là, ajoute Tabarl, l'origine de ta for-
tune de Khàlid auprès d'At-Mansoûr et d'At-Mahdî (t).
En [4.8 (~65), les Kurdes se révoltèrent à Mossoul. Mo-
sayyib ibn Zohair conseilla au khalife de donner à Khâtid
le commandement des troupes envoyées contre les révol-
tés. At-Mansoûr y consentit. Les troubles furent prompte-
ment réprimés, etKhâlid, nommé gouverneur de Mossoul,
se distingua par sa bonne administration. Gouverneur du
Tabaristan, à une date que nous ne pouvons préciser
(entre ~8=765 et i52=76g),it il aurait détruit le petit État
de Masmoughân, voisin du Démavend; à la suite de ce
(<) C/trotttcon, éd. De Goeje, U), Mf et 3~6. Trad. Zotenberg, IV, 4:5-427.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS~.(
succès, les administrés de KhâHd auraient reproduit son
image et celles des machines de guerre emp)oyées dans
cette campagne, sur leurs boucliers (i).
A la fin de cette année, naissait son petit-fils Fadl ibn
Yahyâ, peu de jours avant Hâroûn Ar-Rachîd, dont il fut le
frère de lait. Le khalife montra une fois de plus son atta-
chement pour les Barmécides en nommant le fils de Khâlid,
Yahyâ (2), qui avait déjà occupé des postes importants,
gouverneur de Hâroûn. Des deux autres fils de Khâlid, l'un,
Mohammed, devait plus tard devenir chambellan de ce
même Hâroûn, qui l'épargna lors de la proscription de sa
famille; l'autre, At-'Abbâs, nous est à peu près in-
connu (2).
Oumm Khàlid bint Yazîd, femme de Khâlid ibn Barmek,
dit Tabarî ~3), allaita Raita, fille du khalife As-Saffâh, tandis
que Oumm Salama, femme de celui-ci, allaitait la fille de
Khâlid, Oumm Yahyâ.
On sait fort peu de chose sur les autres Barmécides aux
débuts du khalifat abbaside. Ibn AI-Ath!r nous apprend
seulement que deux des frères de Khâlid, At-Hasan et So-
laimân, furent ses suppléants dans le gouvernement de
Mossoul (i58=
774) et firent partie de l'expédition en-
voyée contre les Grecs en 162 (770), que commandaient
Khâiid et Yahyâ. Ar-Rabî' chargea Solaimân d'intercéder
pour lui auprès d'AI-Mahdî.
(;) !t)t At.-FAKitfAf.-H.tMAOH, Kitdb <o/~<K, éd. De Goeje, p. 3i4. Cf.
MARQUARDT, BrdnïaA; [28.
f2) Nous n'avons vu le nom d'Af-'Abbits cite que dans j'.tg~dH), ))[, 36.
(3) T~BAR!, opere C)'<<!<0,))), 8~0. Ibn At-Ti~ak~ rapporte l'anecdote sui-
vante On a raconté qu'As-Saffab lui dit un jour « Khàlid. tu ne seras passatisfait tant que tu n'auras pas fait de moi ton serviteurs. Khatid eut peuret répondit « Comment cela, ô Ëmir des croyants ? c'est moi qui suis ton
serviteur et ton esclave. x As-Saffah lui dit en riant « Ma lille Raita et tafille dormaient dans le même lit; m'étant )evé la nuit, j'ai vu que leur cou-verture était tombée, et je l'ai replacée sur elles. » Khàlid baisa la main
d'As-Saftah en disant: « Un maitre recevoir le salaire de son serviteur et desa servante) (~<f!AAW, éd. Derenbourg, 2))).
REVUE DU MONDE MUSULMAN42
Destitué en i55 (771) de ses fonctions de gouverneur de
Mpssou), Khâlid les reprit deux ans plus tard, après la
disgrâce de Moûsa ibn Ka'b, qui lui avait succédé (157 ==
778), et les conserva jusqu'à sa mort, non sans avoir dû
passer par une dure épreuve. En ;58 (774), At-Mansoûr
exigea de Khàlid trois millions de dirhems, le menaçant
de mort si cette somme n'était pas versée dans un délai de
trois jours. Khâlid eut recours à tous ses amis, qui lui
prêtèrent des sommes importantes, mais ne put trouver de
quoi satisfaire le khalife. « Mon fils, dit-il à Yahyâ, on
veut ma mort. H venait de faire ses dernières recomman-
dations à Yahyâ, quand celui-ci pensa à s'adresser à 'Ou-
mâra ibn l;Iamza, homme aussi riche que généreux, bien
qu'il parût peu favorable aux Barmécides. 'Oumâra reçut
très froidement le fils de Khâlid, qui sortit plein de déses-
poir mais, en rentrant chez son père, Yahyâ y trouva la
somme dont Khâtid avait besoin, et que 'Oumâra lui avait
envoyée en toute hâte (i).
Khâtid eut ensuite, dit Tabart, une fortune rapide. En
t63(78o),it fut l'un des principaux chefs de l'expédition
contre les Grecs, et se distingua au siège de Samâtou (2).
A sa mort, arrivée en ;63 (780) d'après Ibn Kâdisî, en
i65 (781.782) d'après Ibn 'Asâkir (3), il laissa sa famille
ptus puissante que jamais.
La générosité de Khâlid est restée célèbre. Le poète Bach-
châr ibn Bourd, ayant fait le panégyrique du vizir des
Abbasides et de sa famille, reçut, dit-on, !.ooo dirhems de
Khàlid pour chacun de ses vers (4). Une autre fois, Bach-
châr, rencontrant Khâlid qui se rendait à la mosquée, lui
récita quelques vers à son éloge. Khâtid, s'étant arrêté, fit
ft)TABAR!, opere citato, !U, 38t.
(2) t)f. 497.(3) Apud ton KKt.LUKAs, B<o~r. Dictionary, trad. De Slane, t, 3o6.
(4) A~A<!tt!, m, 36.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 43
donner to.ooo dinars au poète (;). D'après d'autres ré-
cits, Bachchâr, à qui Khâlid donnait 5.ooo dirhems à
chaque audience (~(/a), en aurait obtenu en une seule
fois 3o.ooo dirhems pour ses panégyriques (2).
(~) Opere citato, IH, 42.
(2) Opere CiMtc, 111,45.
YAHYÂ IBN KHÂLID LES BARMÉCIDES SOUS AL-MAHDÎ
ET AL-HÂD"! VIZIRAT DE YAHYÂ
ET DE SES FILS FADL ET DJA'FAR SOUS HÂROÛN AR-RACHÎD
Aboû Alî Yahyà ibn Khâlid était né sous le khalifat de
Yazîd, en i5 selon les uns, en 119 selon les autres (733 ou
787). Gouverneur de t'Azerbaîdjân en 158 (774~, puis de
l'Arménie, il fut nommé par le khalife Al-Mahdî gouver-
neur de son fils Hâroûn Ar-Rachîd, dont il surveilla l'édu-
cation pendant quatre ou cinq ans. At-Mahdî, qui avait
la plus grande estime pour Yahyà, recommanda à son fils
une soumission absolue aux ordres de son gouverneur (t).
Celui-ci, bien qu'il contrastât par son austérité (2) avec
Hâroûn, qui fut toujours très porté aux plaisirs, sut
gagner l'affection du futur khalife. En 162 (779), Yahyâ.
intendant de l'armée et chargé de la correspondance offi-
cielle, fut avec Khàlid ibn Barmek le véritable chef de
l'expédition contre Byzance (3) Hâroûn, à qui AI-Mahdî
avait remis le commandement des troupes, étant trop jeune
pour diriger effectivement cette expédition, qui se termina
par la prise de la forteresse de Samâloû après trente-huit
jours de siège. La même année, Hâroûn ayant reçu l'inves-
ti YMBi, Tarlkh, 9.(2) Opere citato, t6.
(3) IBNAL-ATH!x, &<))!f/, éd. Tornberg. VI, 4;.
CHAPITRE If!
LES BARMÉCfDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 45
titure de tout le Maghrib et de l'Azerbaïdjan, eut Yahyâ â
pour chef de correspondance (i).
A la mort d'Al-Mahd! (i6g = 786), une sédition militaire
éclata à Bagdad. Les soldats, réclamant l'arriéré de leur
solde, assiégèrent le palais de Rab!' ibn Yoûnis et en brû-
lèrent les portes. La mère de Hâroûn, Kheïzourân, ayant
chargé Yahyâ d'apaiser la révolte, celui-ci distribua aux
soldats deux années de solde et envoya son fils Fadi au
devant d'A)-Hâd!, le nouveau khalife, pour hâter l'arrivée
de celui-ci à Bagdad. Sur les conseils de Yahyâ, Hâroûn
envoya à Al-Hâdlles insignes du khalifat avec une lettre
des plus amicales et ramena l'armée à Bagdad. Mais le
nouveau khalife, hostile à Hâroûn. fut peu touché de ces
prévenances. Rabî', mal vu d'Al-Hâdî, voulait fuir. Sur
les instances de sa femme et de Yahyâ, il resta, et l'un
des premiers actes du khalife fut de le prendre pour son
vizir(2).
Al-Mahdî avait désigné HâroûnAr-Rachîd comme succes-
seur éventuel d'Al-Hâdî. Celui-ci, voulant assurer après lui
le trône à Dja'far ibn AI-Mahdî, ordonna de lui prêter ser-
ment. Yazîd Ach.Chaibânî.'Abd AI.Matîk ibn Mâlik, 'Ai!
ibn '!sâ et quelques autres reconnurent Dja'far. Mais Yahyâ,
qui agissait avec Kheïzourân en faveur de Hâroûn, ne
voutut pas se joindre à eux et refusa 20.000 dinars que
lui offrait At-Hâdï en échange de son serment. « Dja'far
est trop jeune, répondit Yahyâ aux propositions du khalife,
et il faut respecter la volonté d'At-Mahd! (3). »
Yahyà et Hâroûn furent jetés en prison. Accablé de mau-
vais traitements, Yahyâ, que l'on accusa plus tard d'avoir
agi par ambition, sachant qu'il serait le seul maître le jour
()) T~Mxi, CAffw'coM, éd. De Goeje, )U,5oo.(2) 0~erect'(<!<o, [[[, 548.(3) tes AT-T~TAKÂ, ~-foAArf, éd. Derenbourg, 27).
REVUE DU MONDE MUSULMAN46
où Hâroûn parviendrait au trône, montra autant d'énergie
que de résignation. A)-Hâdî lui donna l'ordre de sommer
Hâroûn de renoncer ses prétentions. « Qui suis-je donc,
répondit Yahyâ,pour enlever )e trône au khalife?.Tout
en protestant de son dévouement envers Ai-Hâd! et Hâroûn,
il envoya dire secrètement à ce dernier « Garde-toi bien
de renoncer à tes droits » et Kheïzourân agissait en faveur
de son fils préféré (i).
La mort de Yahyâ fut décidée. At-Hâdî chercha, par des
menaces, à amener Hàroûn à renoncer publiquement à ses
droits au trône. L'exécution de Yahyâ aurait suivi cet acte.
Hàroûn ayant énergiquement refusé, le khalife envoya à
la prison son chambellan Yaktîn, le prévenant que s'il
n'en revenait pas avec la renonciation écrite (AA~'MCM~)
de Hâroûn et la tête de Yahyâ, il serait aussitôt mis à
mort. Khe'i'zourân avait vainement supptié AI-Hâdï en
faveur de son fils (2).
Mais, la même nuit (14 rabî 'at-awwa) !70=25 septembre
786), le khalife mourut, étouffé, dit-on, à l'instigation de
sa propre mère. Yak~în s'empressa de mettre en liberté
Yahyâ, et tous deux aUèrent à la prison de Hâroûn. Celui-
ci, voyant entrer le chambellan d'AI-Hâdî, crut qu'on
venait le mettre à mort; mais Yak~n le salua du titre
d'émir des croyants (3).
(<) Y~zBi, Tarlkh, f5. D'après Mas'oddf, Ya~yâ seul fut mis en prison.Hârodn ayant, sur les conseils decelui-ci, demandéau khalife la permissiond'aller à tachasse, s'enfonça dans le désert du côté de Samawa, où At-Hâd!,mn)ade, ne put le poursuivre. (Prairies d'or, éd. Barbier de Meynard etPavet de Courteille, VI, 280-283.) D'après Tabari, Hâroûn serait resté pen-dant quarante jours caché au Kasr Mou~ati) (Chronicon, éd. De Goeje,))). 575).
MYEZci.T'arfA/t. f2.
(?) On a donné deux autres versions de la mort d'Ai-Hadt. L'une le faitmourir d'une chute de cheval a la chasse; d'après l'autre, il serait mort aprèsavoir mangé une poire empoisonnée, que son esclave ijasana destinait a unerivale. D'après Ibn Wadih At-Ya'~oub: Kheïzourân, aussitôt après )a mortdu khalife, se rendit à la prison de Yahyâ, qu'elle fit mettre en liberté. IlsaUèrent ensuite délivrer Hâroûn. ~M<oWa*, éd. Houtsma, Il, 49o.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS ~.7
Le nouveau khalife prit Yahyâ pour vizir et le chargea de
recevoir les serments de ndélité. I) lui donna le titre d'imam
avec autorité civile (/:a~M:) et judiciaire ('ao'/) et préémi-
nence sur les émirs de Perse et de Touran. Plus tard,
Yahyâ confia l'intendance du palais et les sceaux (diwân
~H!~ M~AM~<:m) à Abbas Toûsî, l'administra-
tion de t'armée (divân-é ~dA) à Mansoûr ibn Ziyâd et
l'administration du harem (serây-é ~ra;n) à son fils
Fadi (i).
De l'arrivée de Yahyâ au pouvoir date la période la plus
brillante du khalifat. Le temps des conquêtes est passé;
celui de la civilisation commence (2). Ce furent les Omey-
yades qui fondèrent l'empire, et les Abbasides qui l'orga-
nisèrent. Danscette tâche ils n'eurent pas de meilleurs auxi-
liaires que les Barmécides. Grâce à eux, jamais l'empire ne
fut aussi riche que sous Hàroûn, et jamais la rentrée des
impôts ne fut aussi facile ni aussi régulière. Le service de
la poste, 6arM, puissamment organisé, muni d'un person-
nel relevant directement du pouvoir central, fournissait au
souverain des informations précises sur tout ce qui se pas-
saiten province(3). L'administration des Barmécides fut à la
fois active et libérale, intelligente et forte. Avec Yahyâ et
ses fils, la civilisation arabe atteignit son apogée, et ce fut
sous les vizirs barmécides que la cour des khalifes eut le
plus de splendeur.
Tout cela, il faut le reconnaître, fut l'oeuvre d'étrangers,
de Persans surtout. Non seulement Yahyâ et sa famille
étaient d'origine persane, mais la plupart de leurs familiers
et de leurs créatures étaient des Persans. La révolution qui
avait élevé les Abbasides au khalifat, peut être considérée
comme une réaction de l'Asie orientale contre l'Asie occiden-
(t)YMt)!, T'aftAA, io-t2.
(2) SÉD~LOT, ~t!(. des Arabes, 2' éd., f, M3.(3) CL. HUART, At'<fo<re des Arabes, I, 2go.
REVUE DU MONDE MUSULMAN48
tale; elle avait été faite par les habitants du Khorassan et
de l'Irak ce furent eux aussi qui en profitèrent (t). Nombre
de courtisans du khalife, de dignitaires de sa cour et de
gouverneurs de province, étaient des Persans convertis
depuis peu à l'islamisme. On peut en dire autant de la
plupart des artistes, des grammairiens, desjurisconsultes et
des savants de cette époque. Fadt ibn Sahl, le vizir d'At-
Ma'moûn, d'abord intendant (/M/!ra~?t) de Yahyâ, était
un descendant des anciens rois de Perse, et sa famille avait
depuis peu embrassé l'islamisme (2). Ibrâhim At-Mausiiî,
le célèbre virtuose de la cour de Bagdad, était également
d'origine persane. Guèbres et Chrétiens recevaient le meil-
leur accueil à la cour des khalifes, et l'aristocratie arabe
avait perdu sa suprématie. On avait pour elle du respect,
mais rien que du respect. Le khalife lui-même avait cessé
d'être le chef de la communauté musulmane il était
devenu le successeur des anciens rois de Perse, être mys-
térieux et redoutable soustrait, le plus souvent, aux regards
de ses sujets (3). Pour tous les détails de la vie journalière,comme pour ceux de la vie religieuse et administrative,
on prenait modèle sur la Perse. On observait la fête du
Nauroûz, par laquellecommence l'année solaire des Zoroas-
triens (4).
Kheïzourân, mère de Hâroûn, avait conservé un ascen-
dant extraordinaire sur son fils, et Yahyâ partagea d'abord
le pouvoir avec elle. Il fautajouter que Kheizourân témoigna
toujours la plus grande bienveillance aux Barmécides. A sa
mort, arrivée en !~3 (780), Yahyâ devint tout-puissant (5).
(<) StmLLOT,o~erc citalo, ), 220.(:) Ion Aï-T)XTAKJt, /U-f<!AAr), éd. Derenbourg, 3o5.
(3) CL. HuART, opere citato, ], 2f)o.(Q) BRO\TE; A titerary Nistory of Persia, z59; voirA~·Btrsotlsi, traduit(4) B«ow!< A h~rar~' //)~<or~- o/ Pet'M, 259 voir AL-Biooûs!, traduit
par M. Sachau jCAt'o))<~o~ o/ ~t)]C)eM!~attOM, 37), et Von KREMEX,CM<-
<tff~McA<cA<Hc/te ~tt-e~ttg'e, )6, 32-33.
(5) TAME<CAt-otttcot!, ëd. De Goeje, [H, 604.(5) TADUI, Chi-onicon, éd. DeGoeje,
III, 604.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS <).()
xx 4
Son fils Fad) le suppléa pendant quelque temps, puis fut
remplacé par son frère Dja'far, le favori de Hâroûn, qui
resta peu de temps en charge. Les deux autres fils de
Yahvà, Mousâ et Mohammed, ne furent jamais vizirs, mais
avaient, ainsi que leurs fils et que les cousins de Yahyà, le
titre d'émir et unegrandeinfluence à la courde Bagdad (i).
En 176 (792), Moûsâ devint gouverneur de $yrie, en rempla-cement de son homonyme Moûsâ ibn 'Isa, assassiné par les
Nizarites (2). Mohammed, ami intime de Hâroûn, avait un
rang élevé à sa cour. Enfin, le frère de Yahyâ, Mohammed
ibn Khâlid, fut chambellan du khalife jusqu'en t~g (795),
époque à laquelle il fut remplacé par FadI ibn Rabî'. Entre
temps (178 ==794.) avait eu lieu ta révolte de 'Abdawaih en
Ifrif~iya. Elle prit bientôt de grandes proportions. Yahyâ
envoya contre 'Abdwaih Yaktîn ibn Moûsâ et son propre
secrétaire, Mansoûr ibn Ziyâd, et entretint une corres-
pondance suivie avec le chef des révoltés, s'efforçant, par
des promesses, d'obtenir sa soumission. Une amnistie
ayant été accordée, 'Abdawaih se soumit et vint Bagdad,
où Yahyâ, tenant parole, le combla de bienfaits (3). La
même année, Hâroûn confiait tous les pouvoirs à Yahyâ,
qui devint ainsi le chef absolu de l'empire (4).
Yahyâ, qui protégea toujours les artistes, les savants et
les philosophes, aimait les discussions théologiques et
réunissait volontiers chez lui les théologiens musulmans,
les libres-penseurs et les docteurs des diverses sectes. Tous
les sujets de métaphysique ayant été épuisés dans ces con-
férences, Yahyâ demanda un jour aux philosophes réunis
dans sa maison de dénnir l'amour d'une façon sommaire
et sans discussion. Parmi ceux qui prirent la parole, se trou-
(t) TABABt, Chronique, trad. Zotenberg, !V.~63.
(2)TABA))),CAron<con,~d.DeGoeje,H),625.
(3)Op<')-<:c«o<o,Ut,63o.
(4)0~<'<-<'c)<<!fo,m,63t.
REVUE DU MONDE MUSULMAN50
vaient 'Atî ibn AI-Haitham, docteur imamite célèbre chez
les Chiites; Mohammed ibn AI-Houdhail, cheikh det'écoie
de Basra; Hichâm ibn At-Hakam A!-K.oûfî, cheikh des
imamites et théologien renommé Mou'tamir ibn
Soiaimân et son fils Bichr, motazélites célèbres; Ibrâhîm
ibn Mâ)ik, jurisconsulte de Basra et l'un desplus
habiles
controversistes de sontemps;
enfin un n:o~ou juged&
la secte des mages (t). D'après l'auteur du Fihrist (2),
Yahyâ envoya dans l'Inde un savant chargé de lui rap-
porterles simptes('(!ÂdÂh')
de cepays
et d'écrire pour lui
un traité sur les religionsdes Indiens. Les Barmécides, qui
prenaient un vif intérêt aux choses de l'Inde, firent sou-
vent venir en leur présenceles savants, les
philosopheset
les médecins de cepays.
Lecéfèbre grammairien Sibouwaih recevait une pension
de t o.ooo dirhems, de Yahyâ. qui encouragea les traduc-
tions arabes d'ouvrages grecs, persans et indiens, qui se
multiplièrent sous le khalifat de Hâroûn. Ce fut pour lui,
ou sur ses ordres; que 'Abd Allâh ibn Hilâl Ai-Ahwâzî tra-
duisit les fables de Bidpaï; ~adjdjâdj ibn Makar Ai-Koûf!,
l'Almagestede Ptolémée; et Sallâm AI-Abrach, plusieurs
traités d'Aristote (3).
Ce fut à Yahyâ quele célèbre médecin chrétien Bakhti-
()) M.\s'oûot, Prairies d'or, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille,
VI, 362.
(:) ~<M<' <Ff7tn~, éd. FjQgc), ~5. Le même ouvrage (p. 3551 mentionne
encore un livre écrit pour les BarmëcideS)intitutë: (j*<~ ~jMa«t,oBase
des principes.
(3) DE HAH))ER,)f!<)'a<Mrg'Mc/)<cA~~er/tt-<!<'er,U),pp.3et~3. La version
de Bidpaï, qui fut faite pour les Barmécides, comprenait, dit-on, quatorze-mille vers dont les hëmistiehes rimaient ensemble. YahvA et ses fils récom-
pensèpent généreusement le traducteur. Cf. Stt-vBSTttE DE SACY, Ca~<! et
DtmMO, éd. de !8t6, pp. 3o-31. As-Soùti (voici l'Introduction) donne un cer-
tain nombre de détails sur la rédaction de C<!<t'<<t et DtWfta faite pour eux
par le poète Abàn. t.tadji Khalifa dit que ce fut sur l'ordre de Yat~ quel'on traduisit en arabe l'Almageste (Lexicon, éd. Fluegel, V, 386). Plu-
sieurs autres ouvrages de Ptolémée furent traduits par Sam'àn pour Moham-
med ibn KMtid. (DE H~MMER, opere citalo, t)i, 3~5.)
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 51
chou' dut sa fortune. Au début de son khalifat. Hâroûn,
malade, dit à son vizir « Ces médecins-là ne comprennent
rien; il faut que tu me trouves un médecin habile. Yahyâ
recommanda alors Bakhtichoû', que l'on alla chercher à
Djoundisâpoûr.Comblé d'honneurs et de bienfaits par le
khalife, Bakhtichoû' devint son premier médecin (ra'îs al-
~)('). ).
Les générositésde Yahyâ envers les poètes et les musi-
ciens sont restées célèbres (2). Le fameux Ibrâhîm Af-Mau-
si)î, son protégéedésirait vivement une ferme dont on de-
mandait 100.000 dirhems; mais, étant fort avare, ne
pouvait se décider à donner cette somme. Il composa une
mélodie et, l'ayant apprise à son élève Moukhârik, envoya
celui-ci chez Yahyâ, en lui recommandant expressément de
demander à être reçu avant tous les autres visiteurs. Moukhâ-
rik. après avoir parlé de la ferme, dirait au viz~ que son
maître lui réservait la primeur d'une mélodie qu'il venait
de composer, et que seule une esclave qu'il désignerait pou-
vait apprendre. Moukhàrik reviendrait ensuite rendre
compte de sa mission.
Yahyâ fit donner to.ooo dirhems à Moukhârik et en
envoya too.ooo à Ibrâhîm, afin que celui-ci pût acheter
la ferme qu'il convoitait. Le lendemain Moukhârik trouva
son maître fort triste. « N'avait-il donc pas reçu les
t oo.ooo dirhems?- II les avait reçus, et les montra à son
élève, mais ne pouvait se résoudre à s'en défaire. Aussi
avait-il composé une nouvelle mélodie pour Fadi ibn
Yahyà. » Celui-ci, tout en nétrissantl'avariced'Ibrâhîm.lui
fit donner, à lui et à son élève, le double de ce que leur
)~)ABoù't-'FAttADj,A/oxAAta~))', éd. de Beyrouth, 326-226.(2) Yabya disait du chant « C'est ce qui excite la joie et les transports,
ou bien ce qui exprime la tristesse et j'accabfcment. Tout Je reste n'est quepeine et ennui.))– MAS'oûct, Pt't))'r<M ~'o' éd. Barbier de Mevnard et PavetdcCourteine,VHI,a5.
REVUE DU MONDE MUSULMAN52
avait donné son père. Une troisième mélodie destinée à
Dja'far ibn Yahyâ leur valut le triple; mais Ibrâhîm ne
pouvait toujours se séparer de son argent. Yahyâ, informé,
acheta la ferme pour la donner à !brâh!m (f).
Yahvâ se montra non moins généreux envers Ishâk, fils
d'ibrâhîm Al-Mausilî, et le poète Achdja'. Un autre poète,
'Attâbi, que Yahyâ déclarait incomparable, obtenait de lui
tout ce qu'il demandait (2).
La chanteuse Danânîr avait été achetée par Yahyâ, qui
l'affranchit et la combla de bienfaits. Danânîr était, dit
l'î (3), une esclave de sang mêlé, au teint basané et
d'une beauté régulière. Un Médinois qui fut son premier
maître lui fit donner une brillante éducation, et elle fut
instruite dans le chant par Badhl, Foulaih, Ibrâhîm AI-
Mausilï, Ibn Djâmi' et Ishâk ibn Ibrâhîm. Son chant res-
semblait à s'y méprendre à celui de son maître Ibrâhîm(~).
Très habile musicienne et chanteuse, Danânîr jouit d'une
grande réputation. Hâroûn, dont les attentions pour
Danânîr excitèrent la jalousie de Zobaida, venait souvent
chez Yahyâ pour l'entendre. )i lui donna une fois un col-
lier valant 3o.ooo dinars. Après la chute des Barrnécides,
ce collier fut rendu au khalife.
Hâroûn, ayant fait venir Danânîr peu de temps après la
mort de Yahyâ, la pria de chanter (5). « Les Barmécides,
()) /tgM))i. V, 15-t7. Le récit est de Moukhâri~ lui-même.
(2) Opère Cftnto, XU, 5o.
(3) Opere c<<i!<o,XVI, ;36. Atteinte d'une faim canine, ajoute !~hâni,Danântrne pouvait rester une heure sans manger; il lui était donc impos-sible d'observer le jeûne du Ramadan. Chaque année, au commencement dece mois, Yahyâ lui faisait un présent de 1.000 dinars.
(~ ~?c~!ft~&
~J' ~)~ ~t (~
J~ L~, u~~
(5) /tg'A<!ttf, XVI, )37. On trouve un récit analogue dans Ya~oût (Geogr.
LES BARMÉC!DES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 53
dit-il, avaient trahi la confiance de leur maître et mérité
parlà un châtiment terrible; l'affranchie de Yahyâ devait
les oublier et songer que d'autres seraient heureux de lui
prodiguerdes récompenses bien supérieures à celles
qu'eDerecevait desesanciensprotecteurs. ~Danânîrrépondit
qu'elle devait tout aux Barmécides, même l'honneur d'ap-
procher le khalife, et qu'elle ne pouvait plus chanter depuis
la catastrophe de ses bienfaiteurs, les larmes étouffant sa
voix. Hâroûn, appelant Masroûr, lui ordonna d'infliger
toutes sortes de mauvais traitements à Danânîr, jusqu'à ce
qu'eUe se décidât à chanter. Elle prit enfin son luth et,
pleurant à chaudes larmes, chanta les vers suivants:
« 0 demeure de Salmâ tu es loin de nous, mais ton
image est toujours gravée dans mon coeur. Lorsque j'ai vu
les maisons tombées en ruines, j'ai été convaincue que les
temps heureux ne reviendraient jamais (i). »
Profondément ému, Hâroûn renvoya Danânîr,,qui,
d'après les uns, ne survécut que peu d'années à la mort de
ses protecteurs. Selon d'autres, elle leur survécut long-
temps et resta toujours attachée à leur mémoire. 'Akil,
affranchi de $â)ih ibn Ar-Rachîd, demanda Danànîr en
mariage. Il lui adressa les vers suivants
« 0 Danânîr! mon esprit est éperdu et je suis troublé,
me sachant entre une promesse et un refus. Mon amour
intercède auprès de toi; s'il n'est point heureux, tue-moi,
si tu préfères ma mort. J'invoque Dieu, je fais appel à
l'émir et j'espère en l'effet des promesses de Hosain et de
M'Mo-~Hc/t, M. WUstenfefd, fft, 49:-493, et Barbier de Meynard. 0«' de
la Perse, 378-37<)).(~
-t< x.. LU!) .to ~Jt 7'J~' t<<
J .~Jt~) ~~Jbj L~)~ -J jL~J) LJ
Nous donnons, pour ces vers et pour les suivants, la traduction deCh. Schefer.
REVUE DU MONDE MUSULMAN
Badhl. Je n'ai aucun amour de la vie, ô ma sœur, si Dieu
ne consent pas à nous unir sans retard (i). »
Tout entière à sa douleur, Danânîr ne voulut pas écouter
les supplications de 'Akil, et l'intervention de Sâlih en
faveur de son affranchi fut inutile (2).
La générosité de Yahyâ et de ses fils passa en proverbe.
Les habitants de Médine appelèrent « année des largesses u
l'année dans laquelle ils firent le pèlerinage qui précéda
leur chute (3). Yahyâ ne sortait jamais sans avoir fait pré-
parer plusieurs bourses renfermant chacune 200 di-
rhems, destinées aux personnes qu'il rencontrerait (~).
Sofyân Ath-Thauri, à qui il faisait une pension annuelle
de 1.000 dirhems, s'écriait: « 0 Dieu Yahyâ m'a délivré
des soucis de cette vie, délivre-moi des peines de l'autre (5) »
Mansoûr ibn Ziyâd, disgracié, fut sommé par le khalife de
verser au trésor un million de dirhems. Il ne put se pro-
curer cette somme et se croyait perdu, quand il rencontra
Yahyâ sortant de la mosquée. Celui-ci, voyant la tristesse
de Mansoûr, lui en demanda le motif. Mansoûr lui ayant
appris son embarras, il fit aussitôt réunir sept millions de
dirhems, tant de ses propres biens que de ceux de ses fils,
et les envoya au khalife, qui, sur les instances du vizir,
rendit sa faveur à Mansoûr (6).
(z) /tg'A<!nt, loco c<<a<o.
(3) IBH Aï-T'~TA~t ~t~-fa~Ar;, éd. Derenbourg, p. 374.
(4) :75."(5) iBtf KH~LLmA!f, Biogt-. Dictionary, trad. De Slane, IV, t)2. On a aussi
attribué ces paroles à Sofyân ibn 'Oyaina.
(6) BARAx!, AAAM' BafKteAtytitt. éd. de Bombay, 43-47.
LES BARMÉCfDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 55
Le désintéressement de Yahyâ égalait sa générosité. Un
marchand étranger était mort, laissant une grande fortune,
une belle esclave et son enfant. Tout cela revenait au
vizir. Mais Yahyâ ne voulut rien s'approprier. « Qu'Allâh
maudisse, dit-il, celui qui nous conseillerait de le
faire (;)' »
Devenu vieux, Yahyâ voulut se retirer à la Mecque, pour
v terminer sa vie dans la dévotion. Le khalife s'y opposa,
laissant à son vizir la faculté de se faire suppléer par tel
de ses fils qu'il voudrait. Yahyâ désigna Fadl, le plus âgé
et, à son avis, le plus capable de tous. Mais Hâroûn pré-
férait Dja'far auquel, deux ans plus tard, il confia le sceau
repris à FadI. Peu après le khalife le rendait à Yahyâ, l'au-
torisant à le confier à celui de ses fils qu'il préférerait.
Mais Yahyâ le garda désormais pour lui seul (2).
Avant la catastrophe des Barmécides, un oncle de Hâroûn
vint trouver Yahyâ. & Le khalife, dit-il, aime les richesses
et veut doter ses nombreux enfants en biens fonciers. Il te
trouve trop riche, toi et tes amis. Si tu veux sauver ta vie
'et conserver la faveur de Hâroûn, dresse un inventaire des
biens de tes amis en argent et en terres pour les abandonner
au khalife. Plutôt la ruine, répondit Yahyâ, que la spo-
liation des biens de ceux dont la fortune est mon ou-
vrage (3) »
Yahyâ, qui avait pris le pouvoir à une époque troublée,
laissa l'empire plus puissant et plus tranquille que jamais.Les Alides, très influents au début du khalifat de Hâroûn,
furent soumis. Les révoltes de Yahyâ ibn 'Abd Allâh en
Deïlem, de 'Abdawaih en Ifrikiya, plusieurs soulèvements
()) les Aï-T'KTAKA,~it-fftAAt't, éd. Derenbourg, P,9.(2) T*BAXi,CA't-on~ue, trad. Zotenberg, tV,463.(3) MAS'oùDf, Pt-ofWM <<'0t-,éd. Barbier de Meynard etPavetdeCourteiHe,
VI, 406-408.
REVUE DU MONDE MUSULMAN56
à Damas et à Mossoul, grâce à l'habileté du 'vizir, furent
promptement réprimés. Les Khazars, qui avaient envahi
l'Arménie, en furent chassés. Mais Yahyâ ne put s'opposer
aux progrès des Aghlabites, qui devaient enlever l'Egypte
aux Abbasides. Malgré des luttes heureuses contre les
Grecs, la défaite et la mort de Diogène, gouverneur de
Syrie, le tribut imposé à Irène et la destruction de la flotte
grecque chargée de défendre Chypre, le pouvoir des kha-
lifes s'affaiblit sur la frontière du Bas-Empire (i). Yahyâ
veilla du moins à sa sûreté. Les places de guerre furent
fortifiées et occupées, une nouvelle province dite « les
territoires prohibés ? (/U-'Atteint), qui eut pour capitale
Antioche, fut créée sur la frontière grecque. L'em-
pire arabe garda son prestige aux yeux des étrangers.
Deux ans avant la disgrâce de Yahyâ, Charlemagne en-
voyait une ambassade à Hâroûn Ar-Rach1d, « empereur
d'Orient » (2), et les Abbasides étaient considérés partout
comme les souverains les plus puissants de l'univers.
jt) Siftu.OT, Histoire des /i)'o<'M, :'êd. I, 242.(2) « Les Francs Carolingiens envoyèrent trois ambassades en Orient la
première sous Pépin te Bref et et-Man{oùr (~ii-7È5), la seconde et la troi-sième sous Chariemagne et mroùn (797-80) = ~8o-)&)).~ (CL. HuAM. o/)e)'eOf<!<0, ), 206.)
CHAPITRE IV
FApLIBNYAHYA
Aboû'l-'Abbàs Fad) ibn Yahyâ était né à Médine le 23
de dhoû't-hidjdja ;8 (z5 février 7&5), sept jours avant
Hâroûn Ar-Rachîd. Ce fut Kheïzourân, mère de Hâroûn,
qui allaita Fadt, et la mère de celui-ci, Zobaida bint Mounîr
ibn Barma, allaita Hâroûn (;).
Yahyâ étant parvenu au vizirat (170 = 786), Fàdi, qui
avait été chargé de l'administration du harem, fut nommé
par Hâroûn gouverneur de son fils Mohammed, plus tard
khalife sous le nom d'Al-Amîn. De nombreux Abbasides
prétendaient succéder à Hâroûn, et on trouvait générafe-ment Mohammed trop jeune. '~sâ ibn Dja'far, petit-fils
d'A)-Mansoûret oncle de Mohammed par sa mère Zobaida,
supplia FacHde faire reconnaître son neveu comme héritier
présomptif du khalife et de lui prêter serment. «Mohammed
est pour toi un fils, dit-il; son khalifat sera le tien (2). »
j')YMD!, Tarlkh, )6. Hâroûn lit élever à Zobaida un tombeau sur lesbords de f'Euphrate, au Dair M& Sardjabis. Ce tombeau était connu sous
le nom de « la coupole des Barmécides 4~\<i~J) ~Jl9. Y~KoûT,Geogr.
Wor<e)'6HcA,éd. Wustenfetd, t), 203.29-). Cf. BARAxt,~t/fAM~Barm~~M,éd. de Bombay, )~-i35.
(2) ~~>.j ~)~ < TAB~fif, CA~o/uc, éd. De Goeje, ))),
610.
REVUE DU MONDE MUSULMAN58
Fadl venait alors (176=
ygz) d'être nommé gouverneur
du Khorassan, avec autorité sur les provinces de Djordjàn,
Tabaristân, Djibâl, Arménie, Koûmes, Reï et Demavend,
-et se préparait à rejoindre son poste. H distribua des
sommes considérables à l'armée, qui prêta serment à Mo-
hammed, et Hâroûn dut reconnaître celui-ci pour son suc-
cesseur. Fadt partit ensuite pour le Khorassan (i).
I[ venait de prendre possession de son gouvernement,
quand l'alide Yahyâ ibn 'Abd Allâh se révolta en Dei'Iem.
La sédition fit des progrès très rapides et donna de grandes
inquiétudes au khalife, qui envoya contre Yahyâ ibn 'Abd
AHâh une armée de cinquante mille hommes, commandée
par Fadt. Celui-ci, arrivé à Nehrbin où il séjourna quelque
temps, chargea Ai-Mouthannâ ibn A)-Had)djâdj.ibn Ko-
taiba ibn Mouslim du Tabaristân, et 'AI! ibn At-Hadjdjâdj
AI-Khouzâ'i du Djordjân. I) avait laissé à Bagdad un homme
de confiance, Mansoùr ibn Ziyâd, pour le représenter au-
près de Hâroûn. Celui-ci, pendant toute la durée de lacam-
pagne, prodigua à Fadt des marques d'estime et d'affec-
tion. Yahyâ ibn Khâlid entretenait une correspondance
suivie avec son fils, qu'il aidait de ses conseils.
FadI passa par Tâte~ân, Reï et Debeste't, puis arriva à
Âchab où l'hiver, très rigoureux, le contraignit de séjourner.
H entra en pourparlers avec Yahyâ ibn 'Abd Allâh et lui
offrit un million de dirhems pour sa soumission. Yahyâ
accepta, mais exigea une lettre d'amnistie écrite de la main
du khalife. Celui-ci l'accorda. En présence des juriscon-sultes, des kâdfs, des notables et des cheikhs hâchimites,
Hâroûn pardonna solennellement à l'alide révolté, à qui il
fit beaucoup de promesses et envoya des présents.
Yahyâ ibn 'Abd AHâh et Fadt partirent ensemble pour
Bagdad, où une magnifique réception les attendait. L'alide,
(!)TABAXi, CArotit~Me.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSAN59
logé d'abord chez Yahyâ ibn Khâlid, puis dans un palais
que lui donna Hâroûn, fut comblé d'honneurs et de ri-
chesses (t). Mais cinq mois plus tard, le khalife, au mépris
de sa parole, le fit jeter en prison (2).
Jbrâhim, fils du célèbre médecin Bakhtichoû', était com-
mandant des gardes de Fadt, qui lui fit faire une expédition
dans le Caboul. Ibrâhim s'empara de Chàh Behâr, où se
trouvait un temple d'idoles qu'il brûla, et dont les habitants
firent leur soumission (176== yos) (3). Fadl lui confia en-
suite l'administration du Sedjistân. Ayant levé les impôts
de cette province, il en apporta le montant à Fadt, qui lui
en fit don après y avoir ajouté 5oo.ooo dirhems. D'après
un autre récit, Ibrâhîm, devenu fort riche, se fit construire
à Bagdad une maison, qu'il pria Fall de visiter. De magni-
fiques présents y attendaient le vizir, et dans un coin de la
maison avaient été déposés 4.000.000 de dirhems, produit
des impôts de sa province. Fadi donna cet argent à Ibrâhim
et, malgré les instances de celui-ci, ne voulut accepter
qu'un fouet du Sedjistân (4).
Fadi envoya encore Mohammed ibn Ai-Mouzâhim contre
Ghoûravend, ville forte au sud-est de Balkh, dont il s'em-
para. Mohammed reçut de Fadi le gouvernement de
Bâmyân, auquel, en souvenir de son aïeul, il donna le nom
de Chîr Bâmyân (5).
Fadi, qui avait été envoyé en Khorassan pour y faire
prêter serment à Hâroùn, fut remplacé dans cette province
par Khâlid ibn Ghitrifet alla recevoir les serments des ha-
bitants de l'Irak (6). En ]~7 (~gS) il devenait, pour la
()) Op. <-«., n),6i2-6<4.(2) Op. cit., ))!, 6t9-620.(3) YA'KO()B!,Xf~a<-BoMtit, éd. De Goeje, 29;.(4) TA6<)! Chronicon, éd. De Goeje, 111, 635.
(5) YA'KO~). /w'~<t<oMd)t, éd. De Goeje, 289.(61TABAXf,CArot~Ke, trad. Zotenberg, JV, 45$.
REVUE DU MONDE MUSULMAN6o
seconde fois, gouverneur du Khorassan, avec autorité sur
Reï et le Sedjistân, en remplacement de Hamza ibn Mâlik.
H prit possession de son gouvernement l'année suivante et
l'occupa un an, d'après les uns, sept mois, d'après les
autres. D'après Hamza At-Isfahân!, Fadi eut pour lieute-
nant Yahyâ ibn Mo'âdh qui arriva le )3 ramadan 177
(s; décembre 7g3)aMerv. Le nouveau gouverneur vint y
rejoindre Yahyâ le 7 safar ;78(i3 mai 794) (i).Mas'oûd!
prétend qu'au début Fadt négligea ses devoirs pour la
chasse et les plaisirs. Le directeur des postes du Khorassan
s'en plaignit à Hâroûn, qui montra la lettre à Yahyà ibn
Khâlid. Celui-ci, après avoir écrit quelques lignes d'admo-
nition au verso, l'envoya à son fils, qui, de ce moment
jusqu'au jour où il quitta ses fonctions, passa ses journéesà la mosquée (2).
D'après Aboû'I-Kâsim ibn Ghassan conservé par Yezd! (3),Hâroûn, en envoyant Fadt en Khorassan, avait pour but
de préparer les voies du vizirat à son favori Dja'far ibn
Yahyâ, qu'il s'efforçait de rendre populaire. Fad) étant un
obstacle à la réalisation de ce projet, Hâroûn résolut de
l'éloigner de Bagdad. Bien supérieur à son frère sous tous
les rapports, plus généreux et mieux vu, Fadt fut toujours
le rival de Dja'far, et Yahyâ, qui, tout en préférant Fad),
voyait avec douleur t'animosité de ses fils, chercha vaine-
ment à les réconcilier. Cette rivalité fut une des causes de
la disgrâce des Barmécides. On avait surnommé Fadi le
petit t~t'r (4). D'après Ibn At-Ti~tat~â, Hâroûn, choqué d'en-
tendre désigner ainsi le gouverneur du Khorassan, alors
que personne ne donnait un tel titre à son favori Dja'far,
en fit la remarque à Yahyâ. Celui-ci, pour satisfaire le kha-
(f) Annales, éd. Oottwatdt. p. du texte et p. 174 dela traduction.
(2) Prairies ~'ot', éd. Barbier de bleynard et Pavet de Courteille, Vf, 362.
(3) ï'<tt-)A/t,:7.:9.
(4)~Jt ~.J~.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 61
life, donna à Dja'far l'administration du palais: on put de
la sorte le nommer, lui aussi, ~:?' (i).
A peine installé, Fadi eut à diriger une expédition contre
Kharâkhâra, prince turc d'Osrouchna, fort puissant en
Transoxiane. Il pritTâlekân, battit le prince turc, dont H
dispersa l'armée, faisant un butin considérable (2), puis
leva en Khorassan des troupes persanes dites « les Abba-
sides (3) », dont un passage de Tabari, visiblement altéré,
porte l'effectif à cinq cent mille hommes. Vingt mille de
ces soldats, envoyés par Fadl à Bagdad, y étaient appelés
« les Karanbites (4) ».
Fadi, par sa bonne administration, sa générosité et sa
justice, obtint une immense popularité en Khorassan, où
il fit oublier jusqu'au nom de Hâroûn. Un jour, sortant de
son palais, il entendit une femme donner à son fils le nom
de Fadi. !t lui en demanda la raison. Cette femme répondit
que le pays avait un « roi généreux, juste et bienfatsantdont elle avait voulu donner le nom a son fils. Heureux de
se voir si populaire, le gouverneur du Khorassan donna à
cette femme 3.ooo dirhems, la priant d'inscrire le nom de
Fadl dans son calendrier (ro~MdM~c/)ë/e se'ddet) ce
serait pour lui un grand bonheur si, une fois dans l'année,
chaque mère se souvenait de ce nom pour le bénir. Voyant
alors à qui elle avait affaire, elle tomba aux pieds de Fadi,
se confondant en excuses et en remerciements. On a pré-
tendu que pendant le gouvernement de Fadi en Khoras-
san, vingt mille enfants reçurent son nom en reconnais-
sance de ses bienfaits (5).
(f) [M WAD)H At.-YA'KoÛBi, //t:(o)'M:, éd. Houtsma, f), 492.(sj/t/a/fArf, éd. Derenbourg, 28;.
(3)~~).
(4) ~~J). TAB*xi, C/x'onx-OM, M. DeGoeje, f)t,Mf.
(5) YMOi, Tor)AA, 27-29.
REVUE DU MONDE MUSULMAN62
Dès son arrivée en Khorassan, Fadf, dit Djehicharî (t),.
fit brûler les registres des impôts arriérés, augmenta la
solde des troupes et, dans t'espace d'un an, distribua
io.ooo.ooode dirhemsaux fonctionnaires et aux personnes
qui vinrent lui rendre visite. La mosquée de Boukhârâ
étant devenue trop petite, les habitants décidèrent d'en
construire une nouvelle entre le château et la cité inté-
rieure (2). Fadt donna pour cette construction des sommes
considérables. Ce fut lui qui, le premier, fit placer des
lampes dans la mosquée pendant les nuits du ramadan.Ayant réuni devant la porte du Nooubehâr les docteurs de
Balkh, rapporte Safi ad-Dm, il leur dit: « C'est par la
construction du Nooubehâr, kibla des Mages (sic), que mon
ancêtre s'est rendu célèbre; dites-moi par quel moyen jepourrai m'affranchir de cette honte, Sur les conseils de
ces docteurs, Fadt fit creuser un canataumitieu'deBatkh(3).
H fit encore construire en Khorassan un grand nombre de
mosquées et de caravansérails.
Les succès de Fadi exaspérèrent Dja'far ibn Yahyâ, qui
demanda au khalife le rappel de son frère, le disant inca-
pable et s'offrant à le remplacer (4). Hâroûn, tout en écri-
vant au gouverneur du Khorassan une lettre des plus élo-
gieuses, lui ordonna de revenir et nomma à sa place 'Amr
()) Apud tes' KHALUKA.f,Bto~ Z)<c<tOM<!f~,trad. DeSlane, tl,<t6o.(2) Cette mosquée ne fut achevée qu'en )8.) (800).
i t tT .( f'"
LES BARMÉC!DES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSA!<S 63
jbnChourahbil (7 rabi'ai-awwai t79==3omai yg5). Péni-
blement surpris à cette nouvelle, Yahyâ essaya de ramener
Dja'far à de meilleurs sentiments. Les Barmécides, lui
dit-il, avaient de nombreux ennemis, et leur élévation
avait fait bien des jaloux. La rivalité des deux frères était
donc aussi absurde que dangereuse. Quel tort d'ailleurs
pouvait faire à Dja'far son frère, si éloigné de la cour du
khalife? Yahyâ enfin éprouvait une vive douleur en voyant,
à la fin de sa vie, une pareille animosité entre ses deux
fils. Mais toutes ces exhortations furent inutiles ()).
Revenu à Bagdad, Fad) y reçut le meilleur accueil du
khalife et des habitants. I) suppléa quelque temps son père
au vizirat; mais en 180 (yg6) Hâroûn lui enleva le sceau
pour le donner à Dja'far, qui lui-même ne le garda que
quelques mois.
Fadl devait épouser la fille du Khâ~ân, roi des Khazars,
mais elle mourut à Bardha'a avant d'arriver à Bagdad.
(t82 = yg8). L'escorte revint auprès du roi des Khazars et
lui dit que sa fille avait été tuée par trahison. Furieux, le
Khâf~ân se prépara à la guerre contre les Musulmans, et,
l'année suivante, les Khazars envahissaient l'Arménie, o~
ils firent de nombreux captifs. Yazîd ibn Maxyad et Khou-
zaima ibn Khâzim les en chassèrent (2).
(') On cite, entre autres, l'anecdote suivante sur l'animosité de Fa<j)et deDia'far. Sa'M ibn Wnhb, célèbre poète originaire de Basra, mort sous Af-Mn'moùn et qui dut sa fortune aux Barmecides, était le familier de F;)d).Etant allé un jour chez Dja'far, il s'eflorça vainement de distraire celui-ci parses saiities. Dja'far, qui regardait dédaigneusement Sa'M, ne lui adressa pasla parole et, une fois le protégé de r'adi sorti, demanda « Quel est ce rado-tcurr–Sa'M ibn Wahb. –Je ne vois en lui que froideur et que choses ins-
pfrantfe dégoût et t'aversion,~ dit Uja't'ar. Anas ibn Abi Cha~kh, l'un desfamiiicrs de Dja'far, étant allé chez Fadi, celui-ci ie reçut comme Dja'faravait reçu Sa'id et porta sur lui le même jugement i/t~Ad))), XXf, 108-100).
(2) 'j'AHAxf, C/'ront'con.ed. De Goeje, f)), 6.j!i. D'après A)ot.)ammed ibn 'AbdAllàh, rapportant le récit de son père, Je gouverneur d'Arménie Sa'id ibnSaim ayant fait mettre a mort l'astrologue Soulami, le fils de ceiui-ci se réfu-gia chez les Khazars, qu'il excita contre Sa'id dans le désir de venger son
père, et ce fut là le véritable motif de l'invasion de J'Armenie. Ibid.
REVUE DU MONDE MUSULMAN64
Deux des fils de Fadi: AI-'Abbâs qui, d'après Yezd!,
épousa une fille de Dja'far ibn Yahyâ (i), et 'Abd Allâh,
jouirent de la faveur du khalife AI-Ma'moûn et occupèrent
de hautes situations. Le Kitdb a~Ma, attribué à Ibn
Kotaiba (2). a conservé les noms de plusieurs autres fils de
Fadi 'Abd AI-Malik, Al-'Às!, Mazyad, Khâlid et Ma'mar.
Le plus libéral des Barmécides, Fadt, mérita d'être sur-
nommé « Hâtim de l'islamisme et sceau des hommes
généreux (3) ~>; mais il était orgueiDeuxet d'un abord moins
facile que son frère Dja'far. Plus austère que lui, il s'abs-
tenait de vin et refusa d'être le compagnon de plaisir de
Hâroûn (4). Nous citerons sur lui quelques anecdotes
caractéristiques.
On a rapporté que Mohammed ibn Ibrâhîm Al-lmâm
étant venu demander à Fadt un million de dirhems qu'il
n'avait pu se procurer, offrit en gage une perle d'un grand
prix. Fadi renvoya le gage avec la somme et fit donner à
Mohammed par le khalife un autre million de dirhems (5).
Ishâk ibn !brâh!m Al-Mausil! lui offrit une esclave d'une
grande beauté, à laquelle il avait fait donner une brillante
éducation. « Un envoyé du gouverneur d'Égypte, dit
Fadi, est arrivé, me demandant une faveur pour son
(t) 7'ft;')A/ d/ Barmek, manuscrit t~z du supplément persan de la
Bibliothèque Nationale, foi. 41 f.
(2) Manuscrit arabe ~835de la Bibliothèque nationale, fol. ;:3. On a pré-tendu que le poète Mohammed Dimachtj.f reçut pour des vers composés àl'occasion de la naissance d'un des fils de Faql, to.ooo dirhems. Après la
disgrâce des Barmécides, Motjammed, se trouvant au bain, récita quelques-uns de ces vers. Le garçon qui le servait, et qui n'était autre que le fils deFad), s'évanouit. Touché d'une telle misère, Mohammed, qui était vieux etsans enfants, voulut faire une donation de ses biens au fils de son ancien
protecteur mais celui-ci ne voulut rien accepter.–(D'HEMELoT.B~t. oWeM-
tale, éd. de 1783, H.4!6-~7. Contes <<«cheikh El A~oMv, trad. Marcel,
379-38..)
(3) (.~ ~~)
(4)TABA«!, Chronicon, éd. De Goeje, tH, 676.(5) tBKAï-T~TAKA, A<-faA/t)-t, éd. Derenbourg, 279-28o.
'Abd ot-Djd!) Yezdi, « Histoire des Barmécides ».
Manuscrit )3~z du Suppjëment persan de la Bibliothéque National, exécuté
au XV!' siècle et provenant de la collection Ch. Schefcr, folio 87 verso.
(Histoire de Fad), d')s~)! ibn )brahhn At-Mausiti et de l'esclave.)
M. 5
REVUE DU MONDE MUSULMAN66
maître. J'exigerai de lui qu'il me fasse présent de la jeunefille; mais je te défends de la donner à moins de 5o.ooo
dinars. »
Après un long débat avec t'envoyé du gouverneur
d'Égypte, Ishâf<. céda son esclave pour 3o.ooo dinars.
Fadt lui en fit des reproches et, lui rendant la jeune fille,
lui dit qu'il l'exigerait une seconde fois en présent de l'am-
bassadeur de Byzance; mais Ishâi~ devrait s'en faire donner
5o.ooo dinars. Cette fois encore, on conclut pour 3o.ooo.
FadI ayant, une troisième fois, demandé cette esclave à
l'envoyé du gouverneur du Khorassan, IshâJ$. en reçut40.000 dinars. Faisant venir la jeune fille, Fadt dit à
Ishâ~. « Prends ton esclave et emmène-)a. Le protégé du
vizir épousa cette esclave, à laquelle il devait sa fortune(i).
Fadi combla de bienfaits le poète Aboû'n-Nadïr, qui,
toute sa vie, resta attaché aux Barmécides (2). Un autre
poète, Fadt Ar-Rai~âch!, recevait de lui ].ooo dinars par
an (3). Ce fut à une poésie à l'éloge de Fadi que Mansoûr
An.Nimr! dut sa fortune (4).
Un poète indien venu du Sind et ne connaissant que sa
langue maternelle se présenta un jour devant Fadi et lui
récita des vers dans lesquels il vantait sa générosité (5). Le
(t) /tg-A~ V, Cf.Art, 276-279.(2) .A~Mttf, X, 'oo.
(3) Op. cit., XV, 36.
(4) Op.e<X!I, t7.7.(5) Voici ces vers, tels que les donne Yezdl avec leur traduction arabe
c'est-à-dire
<Quand on mentionne les actions généreuses teltes qu'on ne peut les sur-
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 67
vizir, d'un ton dédaigneux, demanda ce que cela signifiait.
Un Arabe lui ayant traduit les vers de l'Indien, Fad[ fit
aussitôt donner à celui-ci t.ooo dinars, un chameau de
course et une robe. L'interprète, de son c&té, reçut 5oo
dinars (i).
passer,c'est de toi seul qu'il s'agit, de toi dont la générosité passeen pro-verbe. » Le Modjmel o;-<ey<ir!AA, qui renferme aussi cette anecdote.
donne une autre leçon (fol. 223)
Cf. Cn. SMBFER, CArMt. perMKe, H, p. 38 des notes.
()) YEZt)!, 7'<!r!AA, 26. BAXAt! ~4/fAMr-~ Barn)eA)~-<i)t, éd. de Bombay,29-~0.
Aboû't-Fadt Dja'far ibn Yahyâ était né à Médine en f5o
(767). Sa mère se nommait, selon Mas'oûdî, 'Abbâda selon
Ibn Khallikàn, 'Attâba; selon d'autres, enfin, Fâtima, et
était la fille de Mohammed ibn Hosein ibn Kahtaba. Ce fut
le jurisconsulte hanéfite Aboû Yoûsoufque Yahyâ chargea
de l'éducation de Dja'far(;).
Dia'far était généreux, sans l'être toutefois autant que son
frère Fadt, beau, éloquent, instruit, habile administrateur,
calligraphe remarquable. Ses rédactions étaient célèbres
par leur correction et leur élégance. On lui prête aussi des
connaissances astrologiques. Il était de plus, à Bagdad, un
arbiler e~anhantnt.' Djâhith dit que c'est lui qui, dési-
reux de dissimuler la longueur de son cou, mit les cols à la
mode (2). Sa carrière fut brillante. H débuta en 176 (702)
comme gouverneur de l'Égypte, mais ne resta qu'un an
en charge. Le khalife, dans un moment d'humeur, délégua
dans cette province 'Omar ibn Mahrân, puis en donna le
gouvernement à Ishàk ibn Solaimân (3). Dja'far qui, après
le rappel de son frère Fadt, avait vainement essayé d'ob-
(i) ins K.HAt.LiK~x, Bt'o~r. /Mc«OKar~, trad. DeSfane, ), 302.
(2) Cf. le Baydn, Il, !5h
(3) TABAtf. C/)!'OKtcot), éd. De Goeje, Ut, 625 et 6:9.
CHAPITRE V
DJA'FAR !BN YAHYÂ
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES H(STORIENS ARABES ET PERSANS 6g
tenirle gouvernement du Khorassan, reçut en t8o (796) le
commandement des troupes chargées de soumettre la Syrie
révoltée. Ses lieutenants étaient Mohammed ibn Mou-
sayyib et Chabîb ibn Kahtaba. H montra une grande ri-
gueur envers tes révoltés et en fit mettre à mort un grand
nombre.
Les troubles étant apaisés, Dja'far laissa en Syrie Sâ)~
ibn Solaimân et 'fsâibn AI-'Akk!, et revint à Bagdad, où
Hâroûn, qui le combla d'honneurs et de richesses (;), lui
remit,la même année, le sceau retiré à Fadl ibn Yahyâ.
D'après Ibn Khaldoûn, on aurait donné à Dja'far le titre de
~tf~an, pour montrer qu'il avait « la direction générale du
gouvernement et l'entière administration de l'empire 't
mais au bout de quelques mois Hâroûn reprenait le sceau
à Dja'far pour le rendre à son père, Yahyâ ibn Khâlid.
Dja'far obtint alors le gouvernement du Khorassan et du
Sedjistân, mais ne resta en charge que vingt nuits (2) et
revint à Bagdad, où le khalife lui donna le commandement
des gardes (3). Son nom figura aussi sur les monnaies
(.80=796).
Une nouvelle faveurlui fut accordée en ;82 (708) Hâroûn
ayant désigné pour son héritier présomptif Al-Amïn et,
après lui, Al-Ma'moûn, celui-ci, nommé gouverneur du
Khorassan jusqu'à Hamadân, fut conné à Dja'far. Trois ans
après, en cha'bân ;85 (août-septembre 801), Dja'far obte-
nait la permission de faire le pèlerinage. II se rendit d'abord
à Djadda, où il passa trois mois dans une ardente piété.
S'appuyant surTabarl, M. Barthold est d'avis que Dja'far
n'exerça pas de gouvernement effectif, et se lit remplacer
par des mandataires dans les diverses provinces dont
(~) 0~. cit., H),64L
(2)/644:<!U ~L) ~c ~o ~~3.
(3) C/i~o~ue, trad. Zotenberg, IV, 465-467.
REVUE DU MONDE MUSULMAN70
l'administration lui fut confiée. JI n'aurait jamais quitté
Hâroûn, sauf pour l'expédition de Syrie, et aurait témoigné
sa douleur de la séparation et sa joie du retour, lors de cette
expédition, en termes exubérants (t). Un autre passage de
Tabar! laisserait croire que Dja'far devait aux vices du kha-
life le crédit dont il jouissait auprès de lui (2). La légende
veut que Hâroûn, pour ne jamais se séparer de sa sœur
'Abbâsa et de Dja'far, ait marié ses deux favoris, mais à
la condition formelle que jamais le mariage ne serait con-
sommé elle veut encore que la désobéissance des deux
époux à cet ordre ait amené la catastrophe des Barmé-
cides nous verrons, dans un autre chapitre, ce qu'il faut
penser de cette légende, fort ancienne, fort accréditée, ac-
ceptée comme vérité par des historiens de valeur, mais
pleine d'invraisemblances.
Passionné pour la poésie et la musique, bon musicien
lui-même au dire d'Ishâk Al-Mausil!, Dja'far fut le pro-tecteur d'Ibrâhlm at-Mausilt et de son rival Ibn Djâmi',les plus célèbres musiciens de l'époque; du poète 'Attâbî,
dont il fut le défenseur auprès de Hâroûn (3); de Ma'bad,
auquel il servit d'introducteur à la cour (4); de Moukhârik,
de Foulaib, pour lequel il avait une grande admiration et
qu'il recommanda à ibrâhîm ibn Al-Mahdt (5). fbrâhîm
Al-Mausilî, se trouvant à H!raavec Hâroûn et Dja'far, pro-
fita d'un moment où le khalife faisait la sieste pour se pro-
mener. Voyant un magnifique jardin, il demanda à le vi-
siter. « Est-il à vendre ?– Oui. Combien ? Quatorze
mille dinars.-Son nom ?–Chamârî. Ayant fait des vers
sur ce jardin, il les récita devant Hâroûn, qui lui fit donner
(<) Chronicon., éd. De Goeje, UI, 642.(2) Op. c~ nf. 676.
(3)A?A<!ttt,X![,7.
(4)Ib id.
(5) Op. f-ft.,tV, <0).1.
LES BARMÉCfDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS ~t
la somme nécessaire à cette acquisition. Dja'far ajouta au
don du khalife 5.ooo dinars (t).
Hâroûn avait défendu à IbrâMm de chanter devant d'au-
tres que lui, mais leva cette interdiction, à la prière de
Dja'far (2). Le musicien Aboù Zakkâr A)-A'mâ ne voulut
pas survivre à son protecteur et demanda à partager le
supplice de Dja'far, à qui il devait tout (3). Dja'far pro-
tégea encore Aboû'l-'Atâhya, qu'il considérait comme le
premier des poètes de son temps (~), et son émule Ibn Ab!
Omayya (5). Un autre poète, Mouslim ibnWatïdAt-Ansârî,
ayant perdu son protecteur Yazîd ibn Mazyad Ach-Chai-
bânî, vint à Bagdad. Recommandé à Dja'far par une es-
clave de 'Abbâda, il devint le commensal du vizir, qui ré-
compensa magnifiquement ses panégyriques (6).
Ibrâhîm ibn At-Mahdï, frère de Hâroûn et musicien
amateur céfèbre, était l'ami de Dja'far, dont il faisait un
grand éloge (7). Parmi les panégyristes de Dja'far on
peut encore citer les poètes Achdja' et Aboù Mohammed
Yazîdî.
Hâroûn avait envoyé à Dja'far malade son médecin
Bakhtichoû', le protégé de Yahyâ. Une fois guéri, Dja'far
dit à Bakhtfcho0` «Je veux que tu me choisisses un médecin
habile, que j'honorerai et à qui je ferai du bien. Je ne
connais pas de médecin plus habile que mon fils Djibraïl,
réponditBakhtîchoù' Fais-le venir. ~Djibrai! étant venu,
(t) Op.c<f., vn, n.J.
(a) Op. cit., Vf[, no.
(3) Op. cft., Xt, 54-55.<4)0p.c~ tH, )3t.
(5) Op. cit., III, <69-)70.(6) BARANI, /tAAMr.~ Ba)'Me/f)y<i«,~d.de Bombay, 39-43.(7) Sur )brah!m ibn AI-Mahdi, frère de Hârodn et compétiteur d'AI-
Mt'moûn, poète et musicien amateur cétebre, voir ('intéressante etud,e deM. Barbier de Meynard Ibrahim, fils de A~eA~t, fragments historiques,scènes de la vie d'artiste au (t-ot't~me siècle de l'hégire (778-839 de no<<!
et'e); apud Journal asiatique, 6' série, )86o, t. Xttf, pp. Mt-
REVUE DU MONDE MUSULMAN72
Dja'far se plaignit à lui d'une maladie qu'il tenait cachée,
et dont ce médecin le guérit en trois jours. Dja'far eut
désormais la plus vive affection pour Djibrail (;).1
Voici maintenant quelques anecdotes sur la générosité
de Dja'far, le crédit dont il jouissait et sa magnanimité.
D'après Mohammed citant Djâhith, Dja'far, montant un
jour à cheval, ordonna à un serviteur de préparer t.ooo
dinars pour Asma'ï. Celui-ci, pendant la visite de Dja'far,
essaya vainement de dérider son hôte, qui partit sans lui
avoir fait de présent. Anas, secrétaire de Dja'far, demanda
à son maître pourquoi il avait gardé les 1.000 dinars.
« J'ai déjà donné roo.ooo dirhems à Asma' réponditDja'far, et cependant on ne voit chez lui que loques et gue-
nilles. A quoi bon lui faire un nouveau présent, puisqu'il
ne montre pas son bonheur et, par suite, sa reconnais-
sance (2) »?
'Abd At-Matik AI-Hâchtmî, proche parent de Hâroûn,
se plaignait un jour à Dja'far, chez lequel il était entré au
milieu d'une partie de plaisir. Le khalife lui était hostile
ses créanciers le pressaient pour des dettes qui s'élevaient à
un million de dirhems son fils enfin, malgré son âge, sa
naissance et son mérite, n'était rien à la cour. Dja'far lui
promit la faveur du khalife et le paiement de ses dettes.
Quant à son fils, il aurait le gouvernement d'une province
et épouserait une fille de Hâroûn. Personne ne voulut
prendre au sérieux les parolesde Dja'far; mais te lendemain
'Abd AI-Malik obtenait, sur la demande du protégé du
khalife, tout ce qui lui avait été promis par celui-ci (3).
Une haine réciproque existait entre Dja'far et un gou-
verneur d'Egypte, dont le nom ne nous a pas été conservé.
(t) Acoû'L-FAMM, A~oMAA~o; éd. de Beyrouth, 226.
(2) MAS'oùot, Prairies d'or, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille,VI, 367.
(3) tB!<AT-TttfT*Kt, /W.f<!AAt-t,ed.Derenbo'jrg, ~4.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 73
Un faussaire se présenta chez ce dernier avec une lettre
supposée de Dja'far, le priant de faire bon accueil à un de
ses amis désireux de voir l'Égypte. Croyant que le vizir lui
était devenu favorable, le gouverneur reçut avec joie cet
homme et le traita avec une grande déférence. Mais, au
bout de quelques jours il eut des doutes sur l'authenticité
de la lettre et l'envoya à Bagdad pour la faire examiner.
L'intendant de Dja'far, après l'avoir regardée, la porta à
son maître. Celui-ci, l'ayant lue, la montra à ses amis.
« Elle est sûrement fausse, dirent-ils. Comment alors
punir le coupable ? dit Dja'far. » Divers châtiments furent
proposés. « Il n'y a donc ici personne de raisonnable! s'écria
Dja'far. II est bien heureux que quelqu'un se soit chargé
de réconcilier deux anciens ennemis » Et il écrivit au gou-
verneur d'Égypte que'la lettre était de lui.
Comblé de présents, le faussaire vint à Bagdad dans une
situation des plus brillantes. Il se présenta en pleurant
devant Dja'far et lui avoua sa faute. « Combien t'a donné
le gouverneur d'Egypte ? demanda le vizir. Cent mille
dinars. Reste chez moi, et je doublerai cette somme. »
Cet homme resta dans la maison de Dja'far, qui lui donna
les oo.ooo dinars promis (;).
D'après un récit conservé par At-Isfahân!, la célèbre
chanteuse 'Ouraib était fille de Dja'far et d'une esclave
nommée. Fâtima qui appartenait à 'Abd Allâh ibn Ismâ'î),
amiral de Hâroûn. Dja'far voulut épouser Fâtima, qu'il
demanda à la mère de 'Abd Allâh. Celle-ci donna son con-
sentement mais Yahyâ s'opposa énergiquement à un tel
mariage. « Épouseras-tu celle dont on ne connaît ni le
père, ni la mère ? dit-il à Dja'far. Achète plutôt cent esclaves
et renvoie-la Dja'far renvoya alors Fâpma.
II lui donna une maison près de la porte d'Anbâr.et
(') o~. c«., 28~-287.
XEVUE DU MONDE MUSULMAN7~
assura son existence (;). 'Abd AHâh fit donner une bril-
lante éducation à 'Ouraib, qui étudia avec succès la gram-
maire, la calligraphie, la musique et le chant, et fut très
recherchée à Bagdad, tant pour sa beauté que pour son
talent comme femme poète et musicienne. Ishak A)-Mau-
sili la déclarait incomparable. Après la mort d'At-Amîn
(!98=8i3), At-Ma'moûnacheta'Ouraib ;oo.ooo dinars,
et la faveur dont elle jouit auprès de ce khalife lui valut le
surnom de « la Ma'mounide (2).? »
On sait fort peu de chose sur les autres enfants de Dja'far.
Les historiens disent seulement que Hâroûn les épargna
lors de la proscription de leur famille, et la tradition veut
que l'un d'eux, Mâlik, ait été l'aïeul du célèbre biographe
Ibn KhaIIikân.
(t) /4~)<!t)t, XVII, t78. On a prétendu aussi que 'Ouraib était la fillede 'Abd AUâh ibn fsmâ'f). Abou'i-Mahasin (cf. DE HAMMM,Z.XMrofMr~M-chichte der Araber, n!,8o)-8oS, n° !523) fa fait naitre a Anbar en f3t (748),alors que Dj'a'far était né lui-même en )5o (767) cette date est doncerronée. C'est aussi à tort que Aboù'J-Mahasin fait mourir 'Ouraib en
227 (S~f), puisque celle-ci aurait protégé Dja)]tha, né en 224 (Mo) a ses
débuts, et que M~Mn! nous apprend qu'elle était très jeune, ~j~,lors
de la mort de Dja'far.
(2) 'L-U).
CHAPITRE VI
LES CAUSES DE LA CHUTE DES BARMÉCIDES
On a expliqué de bien des manières la disgrâce des Bar-
mécides. Nous ne dirons rien de l'opinion qui l'attribue au
mariage de Dja'far et de 'Abbâsa et à ses conséquences, les
faits sur lesquels elle se base étant du domaine de la
légende, comme on le verra plus loin. Pour beaucoup, elle
proviendrait du pouvoir trop étendu que s'étaient arroge les
vizirs de Hâroûn, à leur faste et à leur importance. Pour
d'autres, elle serait due à la libération de t'aiideYahyâ ibn
AbdAUâh, à l'hostilité de Fadi ibn Rabî'et de son pro-
tégé Zarâra ibn Mohammed, aux intrigues et aux calom-
nies des courtisans de Hâroûn (t). On a enfin voulu attri-
buer cette catastrophe à des motifs religieux.
Au fond, la vraie cause de la chute des Barmécides fut
le pouvoir trop étendu qu'ils avaient pris peu à peu. Pen-
dant les dix-sept premières annéesde son khalifat (2), Hâ-
roùn ne fut maître que de nom. Au début, sa mère Kheï-
zourân et Yahyâ ibn Khâlid exercèrent lepouvoir; après la
mort de Kheïzourân (t73 = 789-790) Yahyâ, soit seul, soit
(!) Parmi ceux-ci, les fils de Kaataba, oncle maternel de Dja'far, se mon-trèrent les plus acharnés, dit Ibn Kha)do&n. D'après le même historien, lescourtisans employèrent contre les Barmécides Jes poètes et les musiciens
(2) La domination des Barmécides dura exactement dix-sept ans, sept moiset quinze jours. M~s'ouc!, /'rafWM d'or, éd. Barbier de Meynard et Pavetde Courteille, VI, 3a8.
REVUE DU MONDE MUSULMAN76
secondé par ses fils Fadt et Dja'far, fut le véritable chef
de l'État. En ;y8 (79~.) il en devenait le maître absolu,
tous les pouvoirs lui ayant été remis par le khalife. Celui.
ci ne pouvait disposer à son gré des richesses de l'État,
accaparées par les Barmécides. Les parents et les créatures
de Yahyâ, dit Ibn Khaldoûn, occupaient tous les postes
importants vingt-cinq Barmécides étaient revêtus des pre-
mières dignités, soit civiles, soit militaires, de )a cour abba-
side et tenaient à t'écart quiconque n'était pas des leurs. Les
rois leur envoyaient des présents et avaient pour eux autant,
sinon plus de considération quepour le khalife lui-même.
Le faste des Barmécides humiliait Hâroûn. Ismâ' ibn
Moûsâ Al-Hâchim!, qui fut témoin de leur catastrophe
et dont Yahyâ ibn Aktham At-Kâd! a conservé le récit (i),
se trouvait un jour avec Hâroùn partant pour la chasse.
« As-tu jamais vu quelque chose d'aussi somptueux que
ma suite? dit Hâroùn. Rien ne saurait être comparé à
la suite de Dja'far ibn Yahyâ, répondit tsmâ'it. » Le khalife
garda le silence. Peu après, Dja'far et sa suite venaient
rejoindre Hâroùn, qui, visiblement mécontent, n'adressa
pas la parole à son vizir. A ce moment survint Zarâra ibn
Mohammed, qui s'extasia sur te faste des Barmécides. Le
khalife lui dit, d'un air soucieux « Seuls les hommes faibles
ne sont pas libres (2) » On traversa plusieurs villages dans
lesquels se trouvaient des maisons de campagne, des jar-dins et des pavillons d'un luxe inouï. Questionnés, les habi-
tants répondirent que tout cela était aux Barmécides.
«Nousnoussommestrahis nous-mêmes, dit Hâroùn furieux,
en faisant tout pour accroître la puissance et l'opulence des
Barmécides. Maintenant, les voici au faîte des grandeurs
()) YEZDI,7')M, 37-42.
(2) JJ~J~-Ut
L<A /&'d., 37. Cf. T~Mi, CA'-otttCO)), Éd. De
Goeje, III, t3z5.
AMttMf, « Avertissement aux humain, sur ce qui advint aux Barmécidesavecfesnfsde'Abbas!
Manuscrit arabe 2'o8 de la Bibliothèque Nationale, datant de la findu XVff'siëeie.fofiotO! recto.
(Griefs de Haroùn Ar-Rachid contre lès Barmécides.)
REVUE DU MONDE MUSULMAN78
qui saurait évaluer leurs richesses! -Mais, objecta Ismâ'i),
tout cela vient du khalife et est sa propriété; pourquoi
donc s'en plaindre ? H faudrait plutôt se réjouir en voyant
une telle opulence, car les fils de Barmek ne sont que les
créatures et les esclaves du khalife. » Ces flatteries achevè-
rent d'exaspérer Hâroûn, qui reprocha à !smâ'![ de prendre
la défense de ses vizirs le khalife n'était-il pas réduit à
vivre de leurs dons (t)? !smâ'!t se tut. De retour au palais,
Hâroûn lui défendit, avec les menaces les plus terribles, de
ne rien répéter de ce qu'il avait dit des Barmécides.
Dja'far, continue Ismâ'!), était détesté de son père et de
ses frères. Yahyâ, Fad), Moûsâ et Mohammed étaient les
amis de quiconque haïssait Dja'far. On prétendait que des
projets de révolte avaient été découverts Dja'far, à l'insu
de son père et de ses frères, avait pris dans le trésor pubtic
des sommes considérables pour les remettre au fils de
'AbdAI-MaUkibn $â!ih, qui cherchait à détrôner Hâroûn.
Enfin, une lettre de Yahyâ ibn Khâlid à l'alide Yahyà ibn
'Abd Allâh, interceptée par 'At! ibn 'fsâ ibnMâhân, avait
été remise à Hâroûn, dont elle éveilla les soupçons.
Le lendemain de cet entretien, Ismâ'H alla rendre ses
devoirs à H&roûn, qui lui ordonna d'aller à la porte du
palais de Dja'far observer ce qui se passerait. Ce palais
avait été construit tout récemment, et Jsmâ'i! fut ébloui
de sa magnificence (2). 11 y avait à la porte une affluence
(t) J~AA ~L~) bjL jt: ~<. YMo<, op. cit., 38.
(2) Le palais de Dja'far, d'après )br4b!m ibn AI-Mahdi, avait coûte prèsde vingt millions de dirhems. Une pareille profusion irrita fort Hâroùnmatgré tes protestations de Dja'far qui prétendait avoir reçu du khalife bien
plus que cette somme, et même ledouble. TABARI,Chronicon, éd. De Goeje,))!, 272-273. JbraMm ibn A)-Mahdt, voyant la somptuosité de cette de-meure, eut des craintes pour Dja'far et t'engagea àëvitersoigneusement toutce qui pourrait exciter fa jalousie de Hâroûn. Dja'far ne fit que rire de cet
avertissement, mais YabyAen fut très atarmé. BxRANt.~AAMr-e Bart)!~ty<!n,éd. de Bombay, n7.n8. Après le supplice de Dja'far, ce palais devint la
propriété d'Ai-Ma'moun, dit AI-Khatib At-Baghdâdh! dans ~/n<ro<<K<:tt'Ott
LES BARMÉODES D'APRES LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS ~()
extraordinaire, et tous ceux qui se rendaient chez le
khalife commençaient par aller saluer Dja'far. Ismâ'it
revint rendre compte de sa mission..«LesAbbasides sont
les esclaves des Barmécides dit Hâroùn, et telle est
leur pensée secrète (Za~fr), en dépit de leurs protesta-
tions ». A ce moment survint Dja'far. Le khalife feignit
une grande joie en le voyant, le traita avec considération
et le renvoya avec de riches présents. Ismâ'it, qui avait
gardé le silence pendant toute la durée de la visite de
Dja'far, sortit avec celui-ci, tout heureux de la confiance
de Hâroùn et des secrets qu'il avait pénétrés.
Un Arabeéloquent, beau et instruit, Zarâra ibnMoham-
med At-'Arab!, vint à la cour de Bagdad, recommandé au
khalife par Fadt ibn Rab! Les courtisans, heureux de voir
un rival aux Barmécides, lui firent le meilleur accueil et
l'aidèrent de leur mieux. Au bout de quelque temps
Zarâra avait réussi à supplanter Dja'far.
Un jour que Hâroùn avait conné un secret à Zarâra.
Dja'far, qui était sorti avec le nouveau favori du khalife.
topographique a l'histoire de Ba~d~f; (p. 54 de la traduction). Notre re-gretté ami Georges Salmon, qui a traduit l'ouvrage d'Ai-Khatfb, a noté uncertain nombre de propriétés des Barmécides. Ceux-ci avaient un grandnombre d'immeubles sur les deux rives du Tigre, dont l'habitation princi-pale de Khahd et de YahyA à la porte de Baradan, dans la Chammâsiya )e
palais de f'Argite, ~<w<!< Tin, construit par Yahyii dans la Chammasiya; le
palaisde Dja'far, déjà nomme, et où Yahy~ aussi habita, en face du Khould,sur le futur emplacement du Tàdj (au Boustân Mousâ, dit Ibn Taifoùr, voir
op. e«., p. 54). Il sera plus loin question du quartier d'At-Baramifta et de la
)oca)ité de Beramké voisine de Damas. A Bagdad on trouvait encore les
tot)~ de Yahyâ et de Dja'far, et le AfaAr fo~ « canal de Fad) la place de
Khaiid, JJ~-<~t~ près de la porte des Chammasiya, dont parle Yâ~oût
(Geogr. War~r~MC/t. éd. Wnstenfeld, ttt, Mo; se reporter aussi au bel ou.
vrage de M. 0. Le STCAME, B<<<<!<<)f<uWt)~rAe ~tta~ Caliphale, zoo et
206). En dehors de Bagdad, les Barmécides possédaient à Ba~ra le château
deSaih&n.jt~et.a t'est de Balkh, t'important village de Raven (YA~oCT.
op. cil., tt, 742). A Balkh il y avait une porte de Yahy&; i Boukhara, une
porte de Fadl. Nous avons déjà parlé de la a coupole des Barmécides » au
chapitre JV.
REVUE DU MONDE MUSULMAN80
lui demanda: «Que t'a dit aujourd'hui l'émir des croyants?
Beaucoup de secrets. Lesquels ?~>Zarâra refusa énergique-
ment de les divulguer, et Dja'far, irrité, dit que les paroles
du khalife ne devaient pas lui être cachées. Zarâra protesta
avait-il jamais demandé compte à Dja'far de ses entretiens
avec Hâroûn ? Dja'far ne répliqua pas, et quitta le nouveau
favori du khalife, le laissant dans une grande inquiétude.
Celui-ci, craignant que Dja'far ne fût ailé se plaindre à
Hâroûn, envoya un esclave prendre des renseignements.
Dja'far était rentré chez lui sans retourner chez le khalife,
revintbientotdiret'esclave. Zarâra, plein dejoie, l'affranchit
aussitôt et courut au palais de Hâroûn, où il eut beaucoup
de peine à pénétrer. Admis enfin, il se confonditen marques
de respect. « Quelle chose t'amené?)) demanda le khalife.
Zarâra raconta alors sa discussion avec Dja'far, qu'il dépei-
gnit comme un homme violent et dangereux, et dit ses
inquiétudes. Hâroûn rassura son favori il n'avait rien à
craindre de ce rebelle, qui avait encouru sa colère et serait
décapité tôt ou tard.
Dja'far évita Zarâra pendant quelque temps. Puis il pria
les chambellans de Hâroûn d'interdire l'accès du palais à
son rival, et fit courir le bruit que celui-ci était dangereuse-
ment malade. Zarâra, ainsi écarté, crut que le khalife lui
était hostile, et Dja'far profita de cette situation pour obtenir~
de nouveau les faveurs du khalife. Un ou deux mois se
passèrent. Dja'far dit à Hâroûn que Zarâra était mort. Le
khalife eut des doutes; mais les courtisans, qui craignaient
Dja'far, confirmèrent les dires de celui-ci.
Un ami de Zarâra lui apprit ce qui s'était passé, et tous
deux se concertèrent pour déjouer les intrigues de Dja'far.
Zarâra choisit, pour se montrer au khalife, le jour où
celui-ci devait aller à la chasse. !1 fitconstruire un tombeau
sur le passage de Hâroûn, s'y enferma et attendit. Le
khalife étant venu, Zarâra sortit de sa cachette. «Qui es-tu ?
demanda Hâroûn stupéfait. Je suis un des serviteurs de
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSAMS 8; ¡
t'emir des croyants, nommé Zarâra.- Mais tu étais mort
Oui, j'étais mort; mais Allâh m'a permis de ressusci-
ter pour apprendre à l'émir des croyants de quels mau-
vais procédés j'ai été victime. Hâroûn fit donner un
cheval à Zarâra, rentra avec lui au palais et lui témoigna
dès lors la plus grande bienveillance. Les Barmécides
eurent peu d'ennemis aussi acharnés que ce rival de
Dja'far (i).
Fadl ibn Rabi', chambellan de Hâroûn, contribua lar-
gement, par sa malveillance et ses calomnies, à la chute
des Barmécides. Il était surtout l'ennemi de Dja'far, qui
lui avait fait un affront devant Hâroûn (2).
De son côté, 'Al! ibn '~sâ ibn Mâhân,quiavaitobtenu le
gouvernement du Khorassan malgré les efforts de Yahyâ,
répandait bien des calomnies contreles Barmécides (2), dont t
l'orthodoxie était suspecte. Tantôt or* 'esaccusaitd'être res-
tés attachés à l'ancienne religion de la Perse, tantôt on les
disait athées ou hérétiques. Un théologien deRal~ka, Aboû
Rabi'a Mohammed ibn Abi'l-Laith, homme fort dévot,
écrivit à Hâroûn « Que fera, au jour de la résurrection, le
khalife qui a livré l'empire des croyants aux Barmécides,
qui sont des athées? Hâroûn ayant parlé de cette lettre à
Yahyâ, celui-ci répondit: «Aboû Rabi'aestun homme hypo-
crite et médisant, fourbe et sans religion. Le détracteur des
Barmécides fut mis en prison, mais ses assertions avaient
produit beaucoup d'impression sur Hâroûn qui, à partir de
ce moment, ne cessa de s'informer despratiques religieuses
(~YEZD!,7'at-tA/t,dMsCH.Sct)EFM, C/it-eK.pet'Mxe.U, pp. <t9.58desnotes.On trouve un récit analogue dans BAR* /tAM~ Barmekiydn, M. de
Bombay, 27-20. Barant nomme Zardra /M<M.
(2) BARA.f)',f~-tM.(3) lbid., tK-'S7.
XL 6
MONNAIES FRAPPÉES AUX NOMS DES BARMÉCIDES
Monnaie d'argent au nom de Ya)~y4 frappée à Mo~ammediya en ~3 [789-790),
et conservée au British Muséum (Stanley Lane Poole, Catalogue, ), pl. V,
n'iQS).
z
Monnaie d'orinédite au nom de Dja'far, frappée en t84(8o<~of), et conservée
au Bristish Museum (Stanley Lane Poole. Catalogue, 66, n' tSz).
3 et 4
Monnaies d'argent au nom de Dja'far, trouvées récemment à Bagdad et
faisant partie de la collection de M. ie colonel Aiiotte de la Fuye: 3, Bagdad,
'77 (793'794); 4' Mobammediya, )8t (797-798). Des exemplaires de ces
monnaies, conservés au Bristish Museum, ont été décrits par M. Stantey Lane
Poole dans son Catalogue sous Jes numéros 212 (monnaie 3) et 197 (mon-
naie4)
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 83
de ses vizirs. Leurs ennemis, qui lesépiaient, dénigraient
tous leurs actes (t).
Hâroûn avait fait jeter enprison l'alide
Yahyâibn 'Abd
Allâh et ordonné à Dja'far, qui en avait lagarde, de le faire
mettre à mort. « Un homme tel que toi me fera mourir
au mépris de tous les serments dit le prisonnier à Dja'far.
Celui-ci, touché, lui offrit ia liberté.«Aquoi bon, puisque je
serais repris. ~Dja'far fit alors conduire Yahyâ ibn 'Abd
Allàh en lieu sûr. Façil ibn Rabt'. ayant appris ces faits, en
informa le khalife, qui demanda à Dja'far des nouvelles de
son prisonnnier. Dja'far dut avouer ce qu'il avait fait.
Hâroûn, dissimulant sa colère, feignit de l'approuver (2),mais chercha à découvrir la retraite de l'alide.
Apprenant
(t)TAMxt, Chronique, trad. Zotenberg, IV, ~63. Dans le texte arabe
(éd. De Ooeje, H), 668-669), Aboû Rabi'a reproche à Yahyâ d'avoir trop depouvoir, il devient arrogant et n'est d'aucune utilité au khalife. Baranl a
conservé l'anecdote suivante. Après la chute des Barmécides, un homme du
peuple s'écria devant Fadl La louange soit à AXah ) 1 nous avons vu les Bar-
mécides dans la misère et l'affliction! Quel mal t'ai-je donc fait, moi,mon père ou mon frère, dit Fadl, pour que tu montres une telle joie en nous
voyant dans le malheur~ Cet homme déclara que personnellement il n'avait
aucun grief contre les Barmécides, mais que la rumeur publique les accu-
sait d'être athées ou hérétiques (AAAMf-e Bat'meA~n, éd. de Bombay, t25-
):7). Toutes ces accusations sont-elles fondées Si un certain nombre de
témoignages font des Barmécides de mauvais Musulmans, des athées ou
des Zoroastriens attachés à l'ancien culte de la Perse, d'autres, bien plusnombreux, se portent garants de leur orthodoxie et de leur piété. Quoi
qu'il en soit, M. Barthold estime que les croyances musulmanes s'aflaiblirent
alors qu'ils étaient au pouvoir. « Ce qui suffit à prouver que la chute desBarmakides coïncida avec un retour aux pures traditions de i'isiam, dit-il,c'est qu'à partir de [87 les monnaies nouvellement frappées cessèrent deporter le nom du khalife ou des héritiers du trône, comme l'usage s'en était
établi depuis ai.Mahd!. » (Article Barmakides dans l'Encyclopédie de
t'/s/om, n' livraison, p. 6S3.) Par une bizarre ironie, les Barmécides, consi-
dérés par certains, au temps de leur puissance, comme un danger pourl'orthodoxie sunnite, sont devenus, dans des légendes qui ont cours en Perse,les ennemis du Chiisme. On les accuse d'avoir contribué à la fin du sep-tième imam. Mo~sa Kàzem, mort de façon tragique sous le khalifat de Hâ-
roûn sa malédiction, ajoutent ces mêmes légendes, aurait amené leur
ruine.
(2)fAe~xf, C/)''on)MM, éd. De Goeje, II), 660-67). Trad. Zotenberg, )V.
664.
REVUE DU MOKUE MUSULMAN84
que celui-ci était en Khorassan, il envoya aussitôt dans
cette province 'Ai! ibn '!sâ ibn Mâhân.
A partir de ce moment, le khalife se montra d'une grande
froideur avec son vizir Yahyâ et Dja'far. Le premier étant
entré un jour chez le khalife sans en avoir demandé la
permission, celui-ci lui rendit à peine son salut et, s'adres-
sant à Djibrail ibn Bakhtichoû', se dit fort choqué de voir
son vizir entrer de la sorte. Yahyâs'excusa aussitôt: il lui
était autrefois permis d'entrer sans autorisation. !1 ignorait
que cela avait fini par déplaire au khalife, et désormais il
se tiendrait au deuxième ou au troisième rang parmi les
visiteurs. Hâroûn, honteux, ne répondit pas (i). Il donna
l'ordre aux ghilmdn de ne plus se lever quand son vizir
entrerait, et celui-ci dut leur répéter plusieurs fois ses ordres
pour en être obéi. Très affecté du changement du khalife,
Yahyâ n'osa cependant pas demander son congé (2).
On prêtait à Moûsâ ibn Yahyâ des projets de révolte.
« Bien des personnes, vint dire un de ses parents au khalife,
le regardent comme le véritable imdm et prélèvent pour lui
le cinquième de leurs biens. Hâroûn attacha une grande
importance à ces paroles et récompensa te dénonciateur.
Yahyâ ibn 'Abd Allâh, repris, fut envoyé à Basra et mis
à mort. Rassuré de ce côté, Hâroûn se tourna contre les
Barméctdes (3).
(i) TAMi, Chronicon, éd. De Goeje, )! 668.
(2) f~Atti, Chronique, trad. Zotenberg, IV, 466.(3) Ibid.
LA CHUTE DES BARMÉCIDES
En 186 (802), Hâroùn fit le pèlerinage avec les Barmé-
cides (t). Moùsâ ibn Yahyâ a raconté qu'il entendit son
père, faisant le ~H~ autour de la Ka'ba, gémir sur ses
fautes et supplier Allâh de l'en punir plutôt dans ce
monde que dans l'autre (2). D'après Ahmad ibn Al-t~asan
ibn Harb, Yahyâ demandait en grâce que les épreuves qui
menaçaient sa famille n'atteignissent que lui. « Plutôt
ma mort, s'écriait-il, que la mort de mon fils FadI (3) ? »
Après avoir passé par Rat~a, il arriva à Anbàr, et sé-
journa quelque temps dans le faubourg de 'Oumr avec ses
fils At-Amin et At-Ma'moûn. Fadi fut logé chez AI-Amin,
Dja'farchezAt-Ma'moûn, Yahyâ chez son secrétaire 'A)!
ibn 'fsa, et Mohammed chez Ibn Noùh. Le lendemain
de son arrivée, Hâroûn donna à Fadt une robe et un col-
lier d'honneur (4). Il avait eu précédemment une discus-
sion avec Moûsa, mais semblait satisfait des explications
de celui-ci.
Les Barmécides, comblés d'attentions par le khalife,
()) A l'exception des Barmécides, les vizirs ne faisaient le pèlerinage qu''&leur sortie de charge. [ex AT.TiKT* /t/<)- éd. Derenbourg, 402.
(2) fABARf, Chronicon, éd. De Goeje, tU, 674.(3) Op. cit., H!, 674-675.(4) /<"<< 675.
CHAPITRE VII
REVUE DU MONDE MUSULMAN86
crurent avoir retrouvé leur ancienne influence. Mais le
drame était proche et devait commencer par l'exécution
d'un familier des Barmécides. Hâroùn fit décapiter Anas
ibn Abi Chaikh, secrétaire de Dja'far, le matin du jour où
celui-ci fut mis à mort. Après avoir échangé quelques
mots avec Anas, il tira une épée 'cachée sous un coussin
et ordonna à Ibrâh!m ibn 'Othmân ibn Nahtk de lui tran-
cher la tête. Puis il récita un vers composé à l'avance sur
cette exécution
« L'épée a été transportée du désir de frapper Anas;
« L'épée regardait à la dérobée, et les destins attendaient. »
H s'écria ensuite: «Qu'AItâh ait pitié de 'Abd Allâh ibn
Mas'ab » D'après Tabarl 'Abd Allâh ibn Mas'ab, l'un des
clients des Barmécides, 'était gagné à Hâroùn, à qui il
avait dénoncé Anas comme athée. Anas, pour se venger,
tua 'Abd AUâh (i).
La mort de Dja'far, arrivée le samedi dernier de mohar-
ram, selon les uns, ou premier de safar, selon les autres,
de l'année 187 (28-29 janvier 8o3), a été racontée de plu-
sieurs manières. Mais les historiens s'accordent à dire que
Hâroûn, au retour du pèlerinage, affecta de traiter les
Barmécides et surtout Dja'far avec la plus grande bien-
veillance. Tout, dans ses actes, semble indiquer qu'il
chercha à cacher ses projets jusqu'au dernier moment.
D'après Bachchâr At-Tourk conservé par Kermân! (2), le
khalife alla à la chasse avec Dja'far la veille du jour où
fut exécuté celui-ci; il lui prodigua des témoignages d'ami.
tié et essaya de dissiper ses inquiétudes.
Kermân! dit que Yahyâ, le même jour, alla chez Hâ-
LES BARMÉCIDES D APRÈS LES H!STOR!EKS ARABES ET PERSANS 87
roùn et eut avec lui un long entretien sur les affaires de
l'État. En sortant, il dit aux quémandeurs (li'n-nds), qui
attendaient la réponse du khalife, que celui-ci leur accor-
dait ce qu'ils demandaient et chargeait Aboû $âlih Yahyâ
ibn 'Abd Ar-Rahmân d'exécuter ses ordres (t).
La nuit du samedi dernier de moharram, dit Fad) ibn
Solaimân ibn 'Al! (2), Hâroûn ordonna à son eunuque
Aboû Hachim Masroûr et à Aboû 'Isma Sâlim ibn ~am-
mâd de prendre avec eux quelques hommes sûrs et de
cerner la maison de Dja'far, qu'ils lui amèneraient. Mas-
roûr et Sâlim trouvèrent Dja'far en partie de plaisir,
ayant avec lui le fils de Bakhtichoû' et le chanteur
aveugle Aboû Zakkâr Al-KaIwadhâni (3), qui chantait à
ce moment
« Ne t'attarde donc pas, car la mort, venant au matin
ou au soir, atteindra tout homme (4). »
Ils le saisirent brutalement, le lièrent avec une corde
qui servait d'entrave à un âne et l'amenèrent à la maison
du khalife, qui le fit aussitôt décapiter. 'A!î ibn Ab! Sa'Id
dit que Masroûr, dont il tient ces détails, entrant chez
Dja'far, lui dit qu'Allah l'avait frappé et qu'il devait se
résigner à la volonté divine. Épouvanté, Dja'far se jeta aux
pieds de Masroûr et le supplia de différer l'exécution: le
khalife était ivre et il ne fallait pas se hâter d'exécuter des
ordres que, revenu à la raison, il regretterait. Masroûr
consentit et alla consulter Hâroûn. Celui-ci, après l'avoir
accablé d'injures, lui dit: « Si tu ne me rapportes pas la
tète de Dja'far, j'enverrai des gens qui prendront d'abord
la tienne, puis celle deDja'far.» Masroûr dut obéir. D'après
(') Op. 681.
(!) /tM., 678.
(3)/&M.,675.
(4)
88 REVUE DU MONDE MUSULMAN
une autre version, Dja'far demanda en grâce qu'il lui fût
permis de voir le khalife, mais Hâroûn repondit « Il sait
bien que, si je le regardais, je n'aurais plus le courage de
le tuer (i). »
D'après Mas'oûd: (2), le khalife, après avoir passé la
journée dans les fêtes et les plaisirs avec Dja'far, fit appe-ler son eunuque Yâsir dit Rikhla, et lui dit qu'il allait lui
confier une mission que seul il était capable de remplir:
sa désobéissance entraînerait un châtiment terrible. Yâsir
protesta de son dévouement, assurant qu'il n'hésiterait pas à
donner sa vie. « Tu vas aller chez Dja'far ibn Yahyâ,
reprit Hâroûn, et, quelle que soit la situation dans la-
quelle tu le trouveras, tu me rapporteras sa tète. J'ai-
merais mieux mourir, dit Yâsir consterné. Le khalife lui
ayant imposé silence, Yâsir partit. 11 trouva Dja'far dans
tes plaisirs et lui fit part de l'ordre qu'il avait reçu.
« C'est une plaisanterie? Jamais l'Émir des croyants n'a
été aussi sérieux. Alors il est ivre! Non.-Si jamaisje t'ai rendu service, dit alors Dja'far à Yâsir, tu iras dire à
l'Émir des croyants que ses ordres ont été exécutés. S'il en
a du regret, tu m'auras sauvé la vie; dans le cas contraire,
tu exécuteras ses ordres dès le lendemain. Cela est im-
possible. Je te suivrai alors, et je me placerai de ma-
nièrcàentendre saréponse.~Yâsiraccepta. Hâroûn, furieux,
lui ordonna d'apporter sur-le-champ la tête de Dja'far.
Ayant fait placer cette tète devant lui, il énuméra longue-
ment les griefs qu'il avait contre son ancien favori, puis fit
décapiter Yâsir, disant qu'il ne pouvait supporter la vue
du meurtrier de Dja'far. La même nuit, il fit dire à Asmâ'î
qu'il avait fait quelques vers et désirait les lui montrer.
Asmâ'i étant venu, Hâroûn lui récita
()) Ibid.
(2) ~)-t!;)'fM d'or, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, VI, 9o5-
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 89
« Si Dja'far avait redouté la mort, un coursier rapide,
bridé pour le voyage, eût sauvé sa vie.
« Pour éviter le trépas, il eût pu trouver un abri inacces-
sible à l'aigle chargé d'années.
« Mais, son heure étant venue, aucun astrologue n'au-
rait été assez habile pour conjurer son destin (:). »
D'après Yexd! (2). Hâroûn envoya Masroûr dire à Dja'far
de venir en toute hâte dépouiller avec lui le courrier qui
venait d'arriver du Khorassan. Masroûr devait, sous divers
prétextes, faire éloigner toutes les personnes de la suite de
Dja'far, qui, une fois seul, serait introduit dans une
/:ou~a pour y être décapité. Sa tête devait être apportée au
khalife, et tout cela devait être exécuté avec promptitude et
dans le plus grand secret Masroûr en répondait sur sa
tête.
Dja'far, à qui Masroûr avait parlé avec le plus grand
respect, n'eut aucune défiance. !t mit ses vêtements d'ap-
parat et se rendit chez le khalife. Les personnes de sa suite
ayant été successivement écartées, il fut pris d'inquiétude,
et dit que l'on ne pouvait rien contre le destin. Cinquante
hommes apostés par Masroûr le firent descendre de cheval
pour l'introduire dans la ~ot<~a, où le tapis et l'épée
avaient été apportés; cinquante autres assassins se tenaient
à proximité. Le reste du récit de Yezdt se rapproche sensi-
blement de celui de Mas'oûd!. Dja'far, après avoir vaine-
ment imploré Masroûr, fut décapité, et sa tête portée au
khalife qui, pris de remords, pleura, mais, un instant
après, éclata en imprécations contre son ancien favori,
REVUE DU MONDE MUSULMAN90
dont il frappa la tête d'une baguette, et ordonna d'enlever
le cadavre avec mille marques de mépris. Tous ceux qui
avaient pris part à l'exécution furent massacrés et leurs
corps jetés dans le Tigre: le khalife ne voulant pas laissé la
vie à ceux qui avaient pénétré ses secrets. Les serviteurs
de Dja'far furent également massacrés. Après avoir pris
des mesures rigoureuses contre les Barmécides, Hâroûn
alla à la prière du matin. Personne ne connaissait encore
les événements de cette nuit.
Le chanteur Aboû Zakkâr, dit le Kitdb a~-A~/t~î (:),
demanda avec instance à partager le sort de son protec-
teur. « Dja'far, dit-il à Masroùr, a été mon bienfaiteur, et
il m'est trop dur de lui survivre. » Hâroûn chargea Mas-
roûr de s'informer de ce que Dja'far donnait à son pro-
tégé il lui continuerait le même traitement, pour se l'atta-
cher. D'après une autre version (2), le khalife ordonna à
Masroûr d'exaucer le désir d'Aboû Zakkâr.
La nuit de l'exécution de Dja'far, Hâroûn ordonna de
cerner les maisons des Barmécides, de leurs alliés, de
leurs affranchis et de leurs clients. Aucun n'échappa.
Yahyâ fut gardé prisonnier dans la maison qu'il occupait,
et Fadt dans une maison proche de la demeuredeHâroûn.
Leurs biens furent saisis. Radja', eunuque du khalife, fut
envoyé à Rak.ka pour y confisquer tout ce qui appartenait
aux Barmécides, à leurs parents, à leurs amis et à tous
ceux qui dépendaient d'eux. Le matin venu, Hâroûn
donna l'ordre à Chou'ba Al-Khan'ân!, Harthama ibn A'yan,
Ibrâhîm ibn HâmidAl-Marwarroudh!et à quelques autres
personnes de confiance, dont était Masroùr, d'amener le
cadavre de Dja'far à la maison qu'habitait celui-ci, en at-
(<) XI, s~-M.(:) VI, 2t3.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HtSTORtEMS ARABES ET PERSAKS ~)
tendant de l'envoyer à Bagdad. Ibrâhim ibn !~âmid eut la
garde de Fad! et de ses biens; Yahyâ ibn 'Abd Ar-Rahmân.
Rachid AI-Khâdim et Harthama ibn A'yan furent les gar-
diens de Yahyâ ibn Khâlid et de son fils Mohammed.
Zobaida bint Mounîr, mère de Fadt, Danânîr, l'affranchie
de Yahyâ, et plusieurs esclaves partagèrent leur captivité.
Ibn Châhik As-Sindi AI-Harâchî avait été envoyé en
toute hâte à Bagdad pour y cerner les maisons des Barmé-
cides, celle de Mohammed ibn Khâtid exceptée. Hâroûn
lui écrivit d'exposer la tète de Dja'far sur le Pont du
milieu (:) et de partager son cadavre en deux morceaux,
qui seraient mis en croix sur le Pont d'en haut (2) et le
Pont d'en bas (3). Ces dépouilles restèrent ainsi exposées
jusqu'au moment où Hâroûn partit pour le Khorassan il
ordonna alors à Ibn Châhik de les brûler () 8g= 8o5) (4).
Quelques jeunes enfants de Fadt, Dja'far et Mohammed
ibn Yahyâ furent amenés au khalife, qui leur laissa la vie.
Il fit également grâce à Mohammed ibn Khâlid, à qui il
avait des obligations et qui conserva sa faveur, à ses femmes
et à ses enfants. Furent encore épargnées Zobaida bint
Mounîr, !~abâ bint Yahyâ et l'une de ses soeurs (5). D'après
(.)) D~'AWAR!, ~«<ii'a<-AA/tMraf-<tM'ii<,ed.Guirgass, 387. !B!i~OT.uB<,
Kitdb <o'~W/, ëd. Fleischer, <o9-)Q.). D'après TABAXi (toc. c'<.), Ibn ChAhik
ramassa du bois et des broussailles pour brûler les restes de Dja'far, quifurent consumés en un instant, Ibn At-'{'i)ft~A prétend que dans les comptesdu palais de Haroùn on trouvait 400.000 dinars pour les présents faits A
Dja'far. Dans les comptes de la dernière année on voyait une dépensede dix Aifdf~ de naphte et d'étoupes pour brufer ie corps de Dja'far.
~faAA?'), éd. Derenbourg, 290.
(5)YEZDi, T'Ot'tAA, 5). Le texte porte par erreurfa~B ,t; -~?M, pour
REVUE DU MONDE MUSULMAN92
Baran!, la mère de Yatiyâ et celle de Dja'far échappèrent
aussi à la proscription des Barmécides. Hâroùn assura leur
existence et, répondant à une lettre de la mère de Dja'far,
lui assura que, s'il avait fait mettre à mort son fils, c'était
pour le punir de sa trahison (i).
Fadt, Mohammed et Moûsâ, fils de Yahyâ, et Aboû't-
Mahdi, son gendre, furent laissés à la garde de Harthama
ibnA'yan jusqu'au moment où le khalife quitta Rai~a (2).
Envoyés d'abord au Dair Kâ'im At-Aksâ, ils furent, à la
suite de dénonciations, enfermés dans la Prison des Athées
et soumis à un régime plus rigoureux encore. On rapporte
queFad), étant resté plusieurs jours sans prendre de nourri-
ture, Hâroûn vint lui rendre visite et l'engagea à prendre
un repas avec lui. « Dja'far m'a trahi, lui dit-il; j'ai été
obligé de le faire mettre à mort et d'enlever aux siens leurs
titres et leurs richesses. » Mais Fadt lui ayant reproché sa
cruauté en termes énergiques, Hâroûn se retira plein de
confusion.
Barani rapporte un fait analogue, disant que Moûsâ ibn
Yahyâ resta six jours sans manger (3).
D'après Yezdi, 1.200 femmes, enfants, aHiés, affranchis,
ou clients des Barmécides furent mis à mort, et le mas-
()) ~AMr-<' B<!t-meAt~h), éd. de Bombay, )2<)-t33.(!) T~M' CA''o'xcOM, éd. De Goeje, III, 680. Le traducteur persan de
Tabaf! prétend à tort que Haroun fit égorger en sa présence Fad~, Mottam-med et Moasâ. CAroMt~e, trad. Zotenberg, IV, ~(xj.Après la catastrophedes Barmécides, dit Mas'oMi, Haroun répétait souvent ces vers
« Les dédains de la fortune sont proportionnés aux hon'neurs qu'elle
avait d'abord àccordés. Lorsque la fourmi déploie ses ailes pour s'envo-
ler, sa tin est proche. »
Pt-<t))')M d'or, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, V), 406.(3)AA/)Mr-éBa)'me~<!)t, éd. de Bombay, t33-)K.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS 93
sacre dura trois jours (;). De tous ceux qui prirent part à
ces exécutions, seuls Hâroûn et Masroûr revinrent. Tous
leurs auxiliaires furent massacrés. Les richesses des Bar-
mécides furent recherchées avec le plus grand soin, et
toutes leurs maisons fouillées. Tout ce qu'on trouva, soit
en argent, soit en objets précieux, fut porté au trésor. On
s'efforça, par des menaces et des violences, d'arracher des
aveux aux familiers et aux affranchis des Barmécides, et
ces derniers furent jetés en prison (2).
;)) Tarlkh, S).
(!) BARAff!, ~AAM~ ~<jfmeA<<!H, éd. de Bombay, n6-n7.
CHAPITRE VIII
LES CONSÉQUENCES DE LA CHUTE DES BARMÉCIDES
« La prospérité de l'empire, dit Mas'oûd! (i), décrut
après la chute des Barmécides, et chacun put reconnattre
combien l'administration de RachM était imparfaite et son
gouvernement mauvais. Fadt ibn RaM', chambellan de
Hâroùn, qui avait largement contribué à la chute des Bar-
mécides, devint vizir à la place de Yahyâ, qu'il fit regretter
par sa mauvaise administration.
La conduite de Hâroûn fut généralement désapprouvée.
« On disait que, s'il n'eût pas été question de sa sœur, tout
ce qu'il aurait fait eût paru légitime, tandis que mainte-
nant il s'est déshonoré par son mauvais procédé (2). » Il
y eut dans la plupart des provinces des troubles et des ré-
voltes, notamment en Khorassan, où Hâroùn dut aller lui-
même rétablir l'ordre. Il prononça la harangue suivante à
Kermânchâh « II y a eu des troubles en Occident et en
Orient. L'Occident est pacifié, je saurai également paciner
.l'Orient, quoique Yahyâ, fils de Khâlid, et sa famille ne
(t) Livre de i'ttMWt'~emeM!, trad. Carra de Vaux,(a) T*BARt, CAro'x'~Me, trad. Zotenberg, IV, 468. 11 est question, dans ce
passage,du prétendu mariage de Dja'far et de 'AbMsa (voir le chapitre IX).Mais si le fait dont parle ici Tabàri est légendaire, les témoignages ne
manquent pas pour confirmer ce qu'il dit du mécontentement provoqué parle coup de force de Hâroùn.
LES BARMÉCIDES D'APRES LES HISTORtEM ARABES ET PERSANS 95
soient plus là mais, comme je n'avais personne à qui
j'eusse pu confier cette mission, je suis venu moi-même. »
« On désapprouvait généralement ces paroles, dit le tra-
ducteur persan de Tabar!, et on disait que Hâroûn n'aurait
pas dû manifester publiquement ses regrets et le besoin
qu'il avait des Barmécides ('). »
L'antagonisme des races fut ravivé par cet événement,
et Hâroûn, en désignant pour lui succéder, son fils Al-Amin
et, après celui-ci, AI-Ma'moûn, crut toutefois devoir divi-
ser l'empire entre eux le premier recevant l'Irak et la
Syrie; le second, fils d'une Persane, les provinces de l'Est
de la sorte, chaque partie de l'empire avait un chef se rat-tachant à elle par ses origines. On verra, du reste, qu'une
fois AI-Ma'moûn arrivé au pouvoir, les Barmécides ren-
trèrent en faveur (2).
Voici maintenant une anecdote, qui montrera combien la
disgrâce de cette famille fut regrettée.
Hâroûn avait défendu aux poètes de composer des élégies
sur les malheurs des Barmécides, mais cet ordre fut souvent
enfreint. Un homme, que l'on avait surpris au moment où il
récitait en pleurant des vers sur les malheurs de Yahyâ et
de sa famille, fut amené devant Hâroûn. Connaissait-il
la défense du khalife? Oui, mais il demandait la per-
mission de raconter son histoire. Hâroûn la lui donna.
Cet homme avait été l'un des secrétaires de Yahyâ, qui
le pria un jour de lui donner à dîner chez lui. Fort embar-
rassé à cette demande, il pria son maître de lui accorder
un an de délai. C'est trop. Quelques mois alors.
Soit.
Au jour convenu, Yahyâ, accompagné de ses fils Fadi et
Dja'far, et de quelques intimes, se présenta chez son secré-
()) TASARi.CArOtX~Me,<)<X).(2) ~CHOLSOf. A <f<et't))' y/f~o'y of Me /ira~, p..62. Voir aussi Vos
KMMER, Die Ae)')'MAenf<e)tMee't des Islams, 372.
REVUE DU MONDE MUSULMANg6
taire. Le repas terminé, il voulut parcourir la maison.
Quand il en eut vu toutes les salles, il dit à son hôte de lui
montrer sa maison en entier. -Le vizir a tout vu. -Non.
Par Allâh, il a tout vu
Yahyâ fit venir un maçon, qui, malgré tes protestations
de l'hôte, se mit à pratiquer une brèche dans le mur con-
tigu à la maison voisine. Tous pénétrèrent dans cette mai-
son, qu'ils trouvèrent somptueusement meublée, peuplée
d'esclaves des deux sexes et pourvue d'un magnifique jar-din. Yahyâ donnait tous ces biens à son hôte, mais voulait
que celui-ci possédât des revenus en rapport avec sa nou-
velle propriété. Dja'far lui donna une ferme, et Façll
jo.ooo dinars pour les premières dépenses.
Le khalife, touché, pardonna à l'obligé des Barmé-
cides (:). En revanche, Ibrâhîm ibn 'Othmân ibn Nâhik
paya ses regrets de sa vie (2). Quand Hârodn fit le pèleri-
nage après la disgrâce de ses vizirs, Ibn Mounâdhir, qui se
trouvait alors à la Mecque, se présenta devant lui. « Voici
le poète et le panégyriste des Barméeides dit Fadt ibn
Rab!\ qui pria le khalife d'ordonner à Ibn Mounâdhir de
réciter quelques-uns des vers qu'il avait autrefois composés
à la louange des Barmécides. Sur les menaces de Hâroùn,
Ibn Mounâdhir dut s'exécuter. Quand il eut terminé, il
ordonna à l'un de ses serviteurs de souffleter le poète, qui,
chassé de la cour, acheva sa vie dans la misère (3).
Hâroùn avait fait proposer à Yahyâ de rester à Bagdad,
mais celui-ci refusa, voulant partager le sort de son fils
Fadi. Ils furent emprisonnés d'abord à Rafîka, près de la
vieille Rakka, où ils conservèrent quelques esclaves et joui-rent d'une liberté relative mais, quelques mois plus tard,
accusés de complicité dans la conspiration de 'Abd At-Ma-
(<) !m AT-T!KTAK~<-f<!AAt't,êd. Derenbourg,(2) )Bf KHALMûx, Kitdb a/tcf, éd. de Boulaq, )!), 2&).(3) ~AtiM). XVII, 25. Le récit est d'Ibn Mounâdhir lui-méme.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS g~
lik ibn Sâlih, on les conduisit au couvent de Dair Kâ'im
Al-Aksâ, sur la route de Rakka à Bagdad, où ils furent trai-
tés avec la dernière rigueur. Fadt et Yahyâ montrèrent une
grande résignation dans leurs épreuves. Un ami ayant écrit
une lettre de condoléances à Yahyâ, celui-ci répondit (t)« Je suis résigné à la volonté d'Allâh et reconnaissant de
ses bienfaits .4/MA ne reprend ses serviteurs que pour
/et<t's~!«<es; ton maître n'est point un oppresseur pour
ceux qui le servent et pardonne le plus souvent (2). La
louange soit à Attâh »
Hâroûn essaya d'arracher des aveux à Yahyâ, qu'il croyait
complicede'Abd AI-Malik ibn Sâ)ih. Yahyâ déclara n'avoir
pris aucune part à la conspiration, et ajouta qu'il ne dési-
rait que le bonheur et le succès du khalife. Celui-ci le me.
naça, s'il persistait à nier, de faire mettre à mort son fils
Fadi. –Qu'on fasse cequ'on voudra, répondit Yahyâ, l'Émir
des croyants est le maître, mais Fad) est étranger à tout cela.
Le messager dit alors à Fadt de se tenir prêt à obéir aux
ordres de Hâroûn. Croyant qu'on allait le mettre à mort,
FadI fit ses adieux à son père. N'es-tu pas satisfait de
moi ? lui dit-il. Sans doute; qu'Allàh, lui aussi, soit sa-
tisfait de toi Mais la complicité de Yahyâ ne put être prou-
vée, et Hâroûn renvoya FadI dans sa prison (3).
Le bruit courait que les Barmécides avaient conservé des
biens considérables. Khatît ibn Al-Haitham Ach-Cha'bt,
qui fut chargé de la garde de Yahyâ et de Fadt, a raconté
que Masroûr se présenta un jour chez lui, accompagné de
TABAR[,CAroMt'con,éd.DeCoeje.[tt,68S.
;2)Co)-<:n,XLt,46.
(3)T*Mt)!,CAroM<'coM,éd.DeGoeje,n),6<)~
REVUE DU MONDE MUSULMAN98
plusieurs esclaves. L'un d'eux portait une serviette pliée, et
Khatu crut que c'était un présent. Masroûr fit appeler Fad).
H est avéré, lui dit-il, que, malgré toutestesdénégations,
tu as conservé des sommes importantes, et l'Émirdescroyants
veut savoir où elles sont. Si tu ne me réponds pas sincère-
ment, tu recevras deux cents coups de fouet. Aboû Hâ-
chim, s'écria Fadt. je suis perdu Masroûr lui conseilla
d'avouer. J'ai toujours préféré l'honnetfr à la fortune,
répondit Fadt, et j'aimerais mieux perdre le monde entier,
si je le possédais, plutôt que de recevoir un seul coup de
fouet. Exécute les ordres que tu as reçus! On déplia la ser-
viette, qui contenait un fouet à nœuds, et les esclaves en
donnèrent deux cents coups à Fadt avec la dernière cruauté.
On crut le prisonnier perdu. S'adressant à son second Aboû
Yahyâ) Khaltl le chargea de chercher dans la prison un
hommecapablede soigner de pareilles blessures, Un homme
vint, qui, pour rendre courage au prisonnier, feignit de croire
que celui-ci n'avait reçu que cinquante coups de fouet. Puis
il piétina Fadt, dont la chair restait adhérente à la natte.
Le prisonnier guérit. H chargea Aboû Yahyâ d'aller deman-
der à un certain Nisâ'! (ou Sinânt) to.ooo dirhems pour
son sauveur. Celui-ci refusa. Fadt lui envoya 20.000
dirhems. Cet homme refusa encore, disant que le premier
présent ne lui avait pas semblé mesquin, comme le craignait
Fadt, mais qu'il n'accepterait rien pour avoir soigné un des
a~Mt!' (nobles persans devenus arabes). Yahyâ ibn Khâlid,
rempli d'admiration, dit que les Barmécides, au temps de
leur prospérité, n'avaient rien fait de comparable à l'action
de cet homme (i).
Mohammed ibn Yahyâ a raconté que Fadt, ayant besoin
(t) MAS'oûof, Pnn'rtM <<'o' éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille,
VI, 4o3-~)3.–B<ran! fait un récit analogue d'après Ab'nad ibn posant, i'un
des rédacteurs du bureau de ta correspondance dip)omatique,<LïJy) ~)t~.(AAAMf.eBot'tnet~n, éd. de Bombay, tM-t:5.)
LES BARMÉCtDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS QQ
d'une petite somme, envoya une femme nommée Kathira
la demander à Zobaida. J'aurais honte d'envoyer si peu
à cet homme généreux, dit Zobaida, et elle remit à Kathira
une pierre précieuse estimée 6.000 dinars, lui disant que,
quand elle aurait besoin d'argent, elle n'aurait qu'à la pré-
venir en lui envoyant cette pierre, qui serait entre elles un
signe convenu (MtcMtt). Kathtra remit la pierre à Fall, quila renvoya aussitôt. Cent mille miséricordes soient sur
FadI s'écria Zobaida.Je le savais grand au temps de sa pros-
périté mais dans sa prison je le vois encore bien plus
grand (i)!
On refusa à Yahyâ malade de l'eau chaude pour ses ablu-
tions. Fadt exposa alors une aiguière à la flamme d'une
lampe, et, à son réveil, Yahyâ trouva l'eau chaude dont il
avait besoin. Les geôliers, s'en étant aperçus, enlevèrent
leur lampe aux prisonniers. FadI tint alors l'aiguière contre
son corps pendant toute une nuit, s'efforçant d'échauner de
la sorte l'eau qu'elle contenait (2).
Mas'oûd! attribue à Façil les vers suivants sur sa captivité
« C'est vers Dieu que, dans notre infortune, s'élèvent
nos supplications car le remède à notre douleur et à notre
affliction est dans ses mains.
« Nous avons quitté ce monde, et pourtant nous l'habi-
tons encore nous ne comptons ni parmi les morts, ni parmi
les vivants.
« Et, lorsque le geôlier entre pour son service dans notre
cachot, nous le regardons avec étonnement, et nous disons:
Cet homme vient du monde habité (3). »
()) BARAKi, p. t!t.
(:) Opère citalo, 3z-33. Ibn KhaHiMn fait un récit analogue. (Diogr. Dic-
tionary, trad. DeSlane, tt, 467.)(3)
REVUE DU MONDE MUSULMAN100
Yahyà mourut subitement le 3 mobarram 190 (zg no-
vembre 8o5), âgé de soixante-dix ans selon les uns, de
soixante-quatorze, selon les autres. H fut enterré au Rabad
Harthama, sur les bords de l'Euphrate, et FadI dit sur lui
les dernières prières. Après sa mort, on trouva dans ses
vêtements un billet ainsi conçu « Le demandeur est venu
le premier; le défendeur ne tardera pas à le suivre; le cadi
sera ce juge intègre qui ne commet point d'injustice et n'a
pas besoin d'une preuve évidente. ? Hâroûn pleura abon-
damment en lisant ce billet (;).
Trois ans-plus tard, Fadt fut atteint d'une paralysie de
la langue. AI-Amln, le futur khalife, qui lui avait gardé
son affection et lui témoigna beaucoup d'intérêt dans
sa captivité, lui fit donner des soins, et le prisonnier re-
vint à la santé (2). On le croyait sauvé, quand, au bout de
quelques mois, une rechute survint sa langue et son
côté, dit Tabart, furent paralysés. It resta deux jours dans
cet état et succomba un vendredi de mobarram ig3
(mars 809), au moment de l'idhdn du matin (3). La mort
de Fadi fut universellement regrettée, et l'on vit une af-
fluence extraordinaire à ses funérailles, auxquelles assis-
tèrent At-Amîn, sa mère Zobaida et tous les notables de
Bagdad (4). Apprenant la mort de Fadt, Hâroûn se serait
écrié « Ma destinée est proche de la sienne (5)! » Cinq mois
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS iOt 1
plus tard, en effet, il mourait à Tous. Telle était, ajoute
Barant, la prédiction des astrologues (t).
Mohammed ibn Khâlid, qui, comme on l'a vu, avait con-
servé la faveur du khalife, mena une vie obscure après la
catastrophe des Barmécides, et l'on ne connaît pas la date
de sa mort. Hâroùn, dit Baranî, assista à ses funéraiifes et
récita sur lui les dernières prières.
D'après Khâlid ibn 'Othmân, personnage considérable
de la cour de Bagdad dont le récit nous a été conservé (2),
le khalife, peu de temps après la disgrâce deYahyâ et des
siens, nomma 'Abd Allàh, fils de Mohammed ibn Khâlid,
émirdeMossout. Quand Hâroûn quitta Bagdad pour aller
réprimer les séditions qui suivirent la disgrâce des Barmé-
cides, continue Baranî (3), il apprit la mort de Châliba,
mère du nouvel émir de Mossoui, femme remarquable par
son intelligence, sa vertu et son savoir, et qui ne le cédait
en rien aux Barmécides par son mérite et sa générosité.
Hâroûn s'appropria les biens de Châliba et ordonna à sa
favorite Hamdoûna de surveiller l'éducation des jeunes en-
fants de Châliba avec autant de soin que s'ils eussent été
les propres enfants du khalife. Ces enfants, pour lesquels
Hâroûn avait une réelle affection, parvinrent dans la suite
à de hautes situations.
Voici maintenant deux anecdotes, au caractère plus ou
moins romanesque, relatives à la persécution des Barmé-
cides.
Ibn Châhik As-Sindl aurait mandé devant lui AI-
'Abbâs ibn Fadt et, à la grande indignation des habitants
de Bagdad, le contraignit de répudier sa femme, qui était
()) B~RAMi, )60.
(2) O~.ct'f., ~6-~7.(3) lbid.
REVUE DU MOKDE MUSULMAN102
fille de Mohammed ibn Yahyâ. At-Ma'moûn étant devenu
khalife ordonna à Al-'Abbâs de reprendre sa femme (i).
Mohammed ibn 'Abd Ar-Rahmân A)-Hâchimi, chef de
la prière (sd~ a$-$(!M<) à Koûfa, a raconté qu'étant allé
chez sa mère le jour de la fête des sacrifices, il y vit une
femme d'apparence respectable, mais couverte de haillons.
« Connais-tu cette femme? demanda sa mère à Hâchimi.
Non. C'est 'Abbâda, mère de Dja'far ibn Yahyâ. »
Hâchim! salua alors 'Abbâda avec respect et, au bout de
quelques instants de conversation, lui demanda ce qu'elle
avait vu de plus extraordinaire dans sa vie. « Il fut un
temps, répondit la mère de Dja'far, où, pour cette fête, jeme voyais entourée de quatre cents esclaves, et je trouvais
mon fils ingrat. Maintenant je ne désire plus que deux
peaux de mouton, pour me servir, l'une de lit, l'autre de
vêtement. Hâchim! donna 5oo dirhems à 'Abbâda, qui
faillit mourir de joie et ne cessa pas de le visiter, lui et sa
mère, le reste de sa vie (2).
'Ouraib, très jeune lors de la disgrâce des Barmécides,
fut volée à ce moment et mena longtemps une vie errante.
Étant venue à Bagdad, elle y fut très recherchée, tant
pour sa beauté que pour son talent comme musicienne et
chanteuse. Séduite par un du Khorassan nommé
Hâtim ibn 'Adi (ou, selon d'autres, Mohammed ibn
t~âmid), dont elle eut une fille, elle s'enfuit avec son sé-
ducteur, et At-Ma'moûn la fit longtemps rechercher.
Retrouvée enfin, 'Ouraib fut amenée devant le khalife.
Celui-ci consentit à son mariage avec !~im (3), qu'elle
devait abandonner plus tard pour Moundhir ibn At-â-
kim. La rivalité de 'Ouraib et de la chanteuse Châriya est
(t)Op.c«..(2) MAS'oùcf, Prairies <f0t-, éd. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille,
VI, ~06-407.(3) ~/)<iH), XV))), )83.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS tû3
restée célèbre. Cette rivalité, qui partagea les dilettanti de
Bagdad en deux camps, amena des luttes passionnées, mais
le mérite de 'Ouraib resta incontesté (t), et elle conserva
toujours la faveur d'At-Ma'moûn, qu'elle accompagna dans
son expédition contre les Grecs. On ignore à quelle époquemourut 'Ouraib.
Les Barmécides rentrèrent en grâce sous le khalifat d'At-
Ma'moùn (tg8-2t8= 813-833) (2). Fad! ibn Sahl, l'ancien
protégé de Yahyâ ibn Khâlid, étant parvenu au vizirat,
recommanda au khalife les parents de son bienfaiteur. AI-
Ma'moûn, s'étantfaitprésenterAt.'Abbâsibn Fad), Moham.
med ibn Yahyâ, 'Abd Attâh ibn FadI et l'une de ses sœurs,
les combla de bienfaits, prit soin des enfants de Dja'far ibn
Yahyâ et nomma Mohammed et AI-'Abbâs gouverneurs,
le premier de Basra, le second du Khorassan. Revenu plus
tard à Bagdad, AI-'Abbâs occupa une brillante situation à
la cour des khalifes. Mohammed ibn Yahyâ mourut à Mé-
dine on ne sait à quelle époque, laissant plusieurs fils
!brâh!m. Mâlik, Dja'far et 'Omar (3).
Ce fut du temps d'At-Ma'moûn que Ghassân ibn 'Abbâd,
gouverneur du Sind, chargea Moùsâ ibn Yahyâ de le rem-
placer dans son gouvernement pendant un voyage qu'il fit
à Bagdad. Moûsâ surveilla activement les frontières de cette
province et fit mettre à mort le roi indien Bâtah (?), qui
offrit vainement une rançon de 5oo.ooo dirhems. Devenu
plus tard gouverneur du Sind, Moûsâ se distingua par sa
bonne administration. A sa mort, arrivée en 22: (835), son
()) On a vu plus haut le jugement d'ts~t. At-Mau~)! sur 'Ouraib. Seul, lemusicien Aboû 'Abd A)~h At-HicMfn!, qu'elle avait raillé, osa contester sontalent.
(:) BAMMi,~tAA6ar-< Barmekiydn, éd. de Bombay, t64-)66. Voir, dansAocusï MCn.:R, Der Islam inr A~or~M/afd und ~tten~~tt~, f, 464-483, le
chapitre consacré à AI-Ma'moùn et aux Barmécides.
(3) X<(<)t al-imdma, attribué à Ibn Kotaiba, manuscrit arabe 4835 de la
Bibliothèque nationale, f" 523.
REVUE DU MONDE MUSULMAN[0~
fils 'Imrân lui succéda dans son gouvernement (t). On a
conservé les noms de deux autres fils de Moûsâ. L'un,
Dja'far, fut le père de Djahtha; l'autre, Ya'koûb, épousa,
dit Yezdt (2), une fille de Fadi ibn Yahyâ.
'Imrân ibn Moûsâ, qui en 196 (8n) avait été chassé
d'Ai-Madâ'in, où il commandait les troupes d'Al-Amîn,
par Tâhir, général d'Ai-Ma'moùn (3), fut, de 218 à 227 (833-
841), gouverneur du Sind pour le compte du khalife Al-
Mo'tasim, fit avec succès plusieurs expéditions dans l'Inde.
Après avoir soumis les habitants de K.!kân, il fonda dans
leur pays une ville forte qu'il nomma AI-Baidâ « la blanche »,
s'avança jusqu'à Kandabil, pilla M!d et soumit la nation
des Zou~s. Pendant les luttes des Yéménites et des Niza-
rites, 'Imrân fut tué, dit Balâdhor! (4), par 'Omar ibn 'Abd
Al-'Aztz Ai-Habbâr!, qui descendait d'un de ceux qui firent
la conquête du Sind sous Al-~akam ibn 'Awàna Ai-Katb!.
Aboû'i-~asan Ahmed ibn Dja'far, plus connu sous le
surnom de Djahtha (le compagnon de coupe) que lui donna
'Abd Allàh ibn Mo'tazz, était petit-fils de Moûsâ ibn Yahyâ
et naquit à Bagdad en cha'bân 224 (juin-juillet 83g). Musi-
cien et narrateur distingué, il fut encouragé à ses débuts
par 'Ouraib (5) et devint le familier du khalife Al-Moukta-
dir (295-320 = go7-û32), qui se montra fort généreux avec
lui (6). Fort laid, mais très spirituel, il fut recherché pour
ses reparties. On l'accusait d'avoir des mœurs dissolues et
de manquer de religion. Djahtha est l'auteur de plusieurs
ouvrages qui ne nous sont pas parvenus, et parmi lesquels
(t) BAt-AcMxi, Liber MtpM~)0<)OK~r~fonMn),(2) 7a'')M-~ < Barmek, manuscrit )~2 du supplément persan de la
Bibliothèque Nationale, fol. 4t*.
(3) T* CArontCOtt, éd. De Goeje, Ut, 759-760, et )BNAL-Arafe, ~<!m<7,éd. Tornberg, VI, )8~. A noter que ces historiens ne nomment pas 'tmranautrement qu'At-Barmek!.
(4) Liber expugnationis reg't'OKMKt,~5-)6.(5) ~M'tt, XV))), 178.
(6) Op. cit., V, 3: et sq.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS tû5
on cite un Divan estimé (t), un Recueil de biographiesdes
joueurs de tounbour, un livre intitulé Sikbddjet
quelques
traités d'histoire, d'astrologie et d'art culinaire. Il mourut à
Wâsiten 326 (937-938) ou, selon d'autres, en 32~ (935). La
vie deDjah~ha
a été écritepar
Aboû Nasr Al-Marzoùbân et
Aboû't.Faradj AMsfahânî (2).
La tradition veutque
Chams Ad-Din Aboù'l-'Abbâs
Ahmed, généralement connu sous le nom d'Ibn Khallikân,
kâdt des kâdîs de Damas et biographecélèbre
(néà Arbil
en 608= t2ti,mortà à Damas en 68; =J282), ait été un
descendant des Barmécidespar
son aïeul Mâlik. ibn Dja'far
ibn Yahyâ (3).
Du neuvième au douzième siècle, le surnom d'Al-Bar-
mek! « le Barmécide » a été porté par plusieurs person-
nages mais ils étaient, pour la plupart, étrangersà la fa-
mille des vizirs des Abbasides.Quelques-uns peuvent
avoir
été des affranchis ou des clients des Barmécides c'est
ainsi que la chanteuse Danânîra été surnommée AI-Barme-
kiya (<). D'autres furent ainsi surnommés parce qu'ils
(~) Quelques vers deDj<t)<ha ont été conservés dans i'~tg'A<i;)f, XII, 60.
(!) Cf. la notice de Djablha dansfeN K'Xt.mA'), Biogr. DfcOo'tOt- trad.
De Slane, [, uS-ng.
(3) Notre savant ami le cheikh Mirza Mohammed Khan, de Kazvin, nous a
signalé une curieuse anecdote dans l'appendice de l'édition persane des
Décès des hommes illustres tTehëran, 08~ = 1867-1868, U, 6t0-6n). On
accusait Ibn Khallikân de s'être fabriqué une fausse généalogie, de s'adon-
ner au hachich et d'avoir des moeurs contre nature. Il répondit, à )a pre-mière de ces accusations, que, s'il avait eu le désir de se rattacher à quelque
illustre personnage, il se serait donné comme descendant du fondateur des
Abbasides, du khalife 'Ati ou de l'un des compagnons du Prophète: pour-quoi se serait-il gtorine de descendre d'une famille de mages dont nen
n'est reste Le hachich était une chose interdite il n'aurait pas fnfrein
la loi religieuse pour si peu de chose, et lui aurait préfère de beaucoup le
vin. Quant au troisième chef d'accusation, il se réservait d'y répondre plustard. C'est Je ~adt Djema) ad-Dfn ibn'Abd Ai-KahirAt-Tabrizi qui rapportece fait.
(4) 'L~e.Jt ,J~Adt)),XV[,~38.AusiegedeSam~tou,unastrotogue
REVUE DU MONDE MUS('LMA!<<o6
étaient originairesd'un quartier de
Bagdad quiavait
reçu,
en souvenir des vizirs de Hâroûn, le nom d'Al-Barâ-
mika (1).
On ne connaîtpas
très bien la vie de Mohammed ibn
Djahm At-Barmekî, traducteur d'oeuvrespersanes
et as-
trologueen renom, qui fit
l'horoscoped'At-Ma'moûn et fut
nommé par lui gouverneur d'Al-Ahwâz, de Koûr et de
Sous. Comme poète, il avait obtenu du succès à la cour de
son protecteur. Tombéen disgrâce après l'avènement d'At-
Mou'tasim, il allait être mis à mort, quand,sur la prière
d'IbnAbîDouwad, son exécution fut différée. Apaisé en-
suite, le khalife rendit la liberté, moyennant finances, à Mo-
hammed ibn Djahm, qui, du reste, mourut peu après
(2:8=
833) (z). Sa parenté avec les Barmécides n'estpas
prouvée.
Tabar! cite un certain Ibn Khâlid AI-Barmekt, peut-être
le fils de Khâlid ibn Fadi ibnYahyâ, qui vivait sous
AI-Mou'tazz, en 262 (866) (3).
Environ un siècle plus tard, vivait le jurisconsulte 'Ait
ibn Bandâr ibn Ismâ'tl ibn Moûsâ ibn Yahyâ ibn Khâlid,
qui, après avoir étudié sous Aboû'I-Hasan 'Oubaid AHâh,
quitta Bagdad pour l'Espagne, en 337 (948-949), où il forma
qui avait accompagné Khâlid ibn Barmek, reçut aussi le surnom de Barmekt
(TABAOi, Chronicon, éd. De Goeje, !)), 497).
()) YAnoûT, Geogr. H~r~t-tueA, éd. Wftstenfetd, t, 539-540. Cf. MAXttu-
HAtt STRECK, Die alle Landschaft Babylonien, )37. Les plus connus de ces
« Barmécides x sont enumérés danst'AppendieeLOn retrouve encore le nomde Baramika, vulgairement B~f~MfM, en Syrie il est porté par une localité
voisine de Damas qui, en tgo5, fut substituée, comme tête de ligne du che-
min de fer du Hedjaz, à Kadam, primitivement désigné; ce qui fit penserque le Gouvernement ottoman, en construisant cette ligne, poursuivait sur-
tout un but économique, Beramké ayant de l'importance seulement au pointde vue commercial, tandis que Kadam était un centre religieux (~'M< /rM-
çaise, n' t33, juin )9t!, pp. 146-149).
j2) Cf.teKt'Mt ~Mnt, XIII, 16, et Ibn KxAt.u)~K, Biogr. Diclionary,
trad. De Slane, t, 63-64.
(3) TABAR), Chronicort, éd. De Goeje, )!t, 165g.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS fO~
ptusieurs étèves. 'A)!ibnBandâraiaisséplusieursouvrages,
dont les titres ne nous sont pas parvenus ()).
Dans les derniers temps de leur domination, les Sama-
nides eurent pour vizir un « Barmécide~ nommé Aboû'I-
Kâsim'Abbâs ibn Mohammed (2), sur lequel on sait
fort peu de chose. De même pour le Danichmend
t~asan Barmeki, qui représenta plusieurs fois les Ghazné-
vides à la cour des khalifes, au onzième siècle de notre
ère (3). Vers la même époque vivait le lexicographe Aboû't-
Ma'â)! ibn Tamîm AI-Barmekt. !) composa en 897 (ioo6-
1007), sous le titre de la Limite dans les principes (4), un
ouvrage qui, dit t~adjâ KhaUfa, n'est qu'une compilation
faite d'extraits du .StT:~ mis dans un nouvel ordre et légè-
rement accrus (5).
Parmi les dynasties locales qui surgirent à t'époque mon-
(i) Nous devonsà à l'obligeance de MM. Francisco Codera et Miguel Asfn,à qui nous adressons ici tous nos meilleurs remerciements, d'avoir eu com-munication de )a biographie de 'Ali ibn Bandàr. Cette biographie se trouvedans la T'oAmt'~ad'Ibn A)-Abb4r, manuscrit possédé par Suleïman PachaAbaza, du Caire, et dont M. Julian Ribera a fait une reproduction photogra-phique. En voici le texte, malheureusement défectueux, tel qu'il se trouve 4la page t;2 du manuscrit
(2)BA)t)AK:,êd. Mor)ey,4~ et sq.
(3) W. BAMMot.0, 7'Hr~MM v. epotAoM Mtox~o/~a~c nache3tvia, Il, t?~
(d'après Gardizi); cf. du même auteur, l'article Barmakides dans l'Encyclo-
p~fe de l'Islam, < )iv., p. 682.
(4)~) j ~J).
(5) Z.extMM, éd. Fluegel, Vi, <8o, n" t3)2a.
REVUE DU MONDE MUStJLMAX!08
gole, on en remarque une, celle des Serbédârân, qui passe
pour se rattacher à lafamille des Barmecides.C'est du moins
l'opinion deMirkhond,dansson~ooM~a<os-5a/~ « Jardin
de Pureté et de Khondémir,dansson /yNM&o~ét' « Ami
des biographies ». L'un et l'autre disent que Khâdjè Chi-
hâb od-D!n Faztottâh, père de l'émir 'Abdor-Rezzâk, fon-
dateur de la dynastie, descendait, par son père, de t~oseïn,
fils du khalife 'AH, et, par sa mère, de Yal~yâ ibn Khâtid.
Toutefois, Dooutètchâh, qui parle avec quelques détails de
cette dynastie peu connue, ne fait aucune allusion à cette
origine. Les Serbedârân, qui se firent remarquer de leurs
contemporains par leur faste et leur bravoure, prirent le
pouvoir après la mort de l'émir d'Aboû Sa'îd et régnèrentsur la plus grande partie du Khorassan pendant une cin-
quantaine d'années. Bâchttn était la résidence de leur fa-
mille, lorsqu'ils prirent le pouvoir, et Dooutètchâh donne
les noms de ceux d'entre eux qui régnèrent. Ils sont au
nombre de neuf: 'Abd or-Rezzâ~ Vedj!h od.D!n Mas'oûd,
son frère; Chems od-Din FaztoDâh Khâdjè 'At! Chems
ed-Dtn Yahyâ Kerâb! Zahîr Kerâbl; Haïder KassâbDje.
chou Hasan Dameghâni et, enfin, 'Ali Mo'ayyed (t).
Au Touat on trouveune population ditedes Barmécides,
Bor~Mt'A, Berdmka, ou Bormata, fixés dans le pays depuis
de longs siècles, et se donnant pour des habitants de
Bagdad qui, fuyant la persécution des Abbasides, seraient
venus se fixer en Afrique. L'exode se serait fait en deux fois
une partie des Borâmik aurait émigré vers 104o de notre
ère, tandis que le restant n'aurait quitté Bagdad que dans
les derniers temps de la dynastie abbaside. Lors de l'inva-
sion hilalienne, au douzième siècle,les Borâmik,qui étaient
installés dans l'Oued Et-Henné, d'où ils partaient pour faire
(i) Voir le ~ooM~t o~a/< manuscrit tK du supplément persan de la
Bibliothèque Nationale, fol. 255t' et 256 ro, et le 7'~e~< oc/C/tO'<tr<), deDoou)etcMh,ed. Browne, 277-278.
LES BARMÉCtDES D'APRÈS LES HISTORIENS ACABt.S ET PERSANS!0g
des razzias de tous les côtés et coupaient les routes, firent
venir des Sanhadja de l'Azaouad, les Dahahna ou Ouled-
Dahhane ceux-ci, joints au Outâd-Hâriz et aux Guedouâ,
alliés des Borâmik, leurpermirent de tenir tête d'une ma-
nière efficace aux Meharza vainqueurs, qui menaçaient de
leur enlever la suprématie dansta région, et aux tribus qui
avaient pris le parti des Hilaliens. Après la mort d'At-
Mo'tasim, les Borâmik restés à Bagdad quittèrent cette
ville, en )26o, et vinrent en Tripolitaine, au Djebel Nefousa,
où ils restèrent jusqu'en i3o2.En 1809, ils allaient rejoindre
leurs frères du Touat, qui, en 1272, aidés par les Maki-
liens, avaient étendu leur domination sur les Zénètes du
Fenoughil, et venaient de résister victorieusement aux en-
vahisseurs venus de Tunisie, formant la tribu El-'Arifât.
Menacés par les Outâd-Cheïkh-'A)), une vingtaine d'années
plus tard.ils parvenaient, grâce à l'appui de tribusvoisines,
des Outâd-Mohammed en particulier, à exterminer leurs ad-
versaires et à se rendre maîtresdu ksardeBoû-'Ati. En t34.5
ils repoussent victorieusement les Abda. D'après une tradi-
tion rapportée par le caïd de Sali, en too8, les Borâmik
formaient trois groupes:
Les Ba-Guelmane, instattésà Boû-'Alt;
2° Les Ba-Temtane de Sali
3° Les Ba-Bahine de Tinoulaf en Reggane,où ils s'étaient
superposés auxZénetes. maitres de la région avant eux.
Le caïd de Sali ajoute que les Borâmik et leurs alliés,
lors de l'expédition de t3og, auraient séjourné quelque
temps au Hoggar, où un oued est encore appelé Ikedaten,
du nom touareg des Borâmik (t)
(<) C'est à M. J'interprète A.-G.-P. Martin que nous devons ces rensei-gnements si intéressants, empruntés, soit aux traditions locales, soit aux
chroniqueurs arabes Mouiaï-Ahmed ben Hac!iem (~- )7o5) 'Abdessefâmben Ahmed ben 'Ali, d'Adrar en Timmi, qui écrivait en 17! 3; Et-Heiah;E~-Ouadjdf, Mobarek ben Ali E~-Menaceri, Abdesselam ben Mohammed Et-
Adghaght etEt-Amourif~ Oasis sahariennes, 64-77,83-84, f02.)o8).
REVUE DU MONDE MUSULMAN) )0
EnÉgypte
enfin on trouve, encore de nos jours,'« une
classe de prostituées, de bohémiennes », dites Ghawâz!
dans l'idiome local, etappartenant à une tribu qui se
donne comme étant de la descendance des Barmécides, dont
elle a pris le nom, Bardmika, vulgairement Bardm'ka, et
aussiBorwe~(!). nom qui est devenu une
injuredans cer-
taines localitéségyptiennes (2). L'origine des Ghawâz! est
douteuse, et il serait difficile de fournir, à l'appui de la
thèse qui les rattache aux vizirs des premiers khalifes ab-
basides, aucunargument sérieux.
(f) QUATREMÈRE, Note sur les Barmécides, HQ; cf. LME, ~n ~CCOKH< ofthe Manners and Customs of Modern Egyptians, éd. de )8oo, 3~. La
Description de l'Egypte donne force détails sur l'art des Ghawâzi, « dan-seuses publiques sans mœurs et sans pudeur mais ne dit rien de leurs
origines (~<a< nt0<<ertt< édition, XIV, t~o-t~o). « Quoique les Ghawazysdiffèrent légèrement, dans l'aspect, du reste des Égyptiens, nous doutons
fortement qu'ils soient d'une race distincte, comme ilsl'affirment eux-mêmes.
Toutefois leur origine est enveloppée de beaucoup d'incertitude. ))s préten-dent s'appeler BaratttfAeA ou Bot'me~A et se vantent de descendre de la
fameuse famille des Barmécides, qui fut l'objet des faveurs et ensuite de la
tyrannie de Haroun <t/<!«AM, dont il est question plusieurs fois dans les
contes arabes, » dit Gérard de Nerval. Il est beaucoup plus raisonnable derattacher avec lui les Ghawazi aux danseuses de l'antique Egypte, que l'on
voit représentées, dans des postures licencieuses, sur les plus anciens mo-
numents du pays. GA<!M'< se dit surtout des femmes de la tribu qui four-
nit les danseuses c'est le pluriel de CM~ye, et les hommes sont appelés
GAd~t. En général, les uns et les autres ne se marient pas en dehors de la
tribu. Les hommes servent de domestique, de pourvoyeurs et de musiciens
à leurs femmes, à moins que, chose assez rare, elles n'exercent une autre
profession. Ghâzis et Ghaziyés font usage entre eux d'un argot spécial
(Voyage en Orient, :'édition, )86o, 36t).
(a) Voir l'Appendice t.
CHAPITRE IX
LES BARMÉCIDES ET LA LÉGENDE
« La famille des Barmécides, dit un historien arabe (t),
fut à son siècle ce qu'est une aigrette sur le front, une cou-
ronne sur la tête, Leurs actions généreuses passèrent en
proverbe; on se rendoitde toutes parts à leur cour; toutes
les espérances reposoient sur eux. La fortune leur pro-
digua ses faveurs les plus rares et les combla de ses
dons. Yahyâ et ses fils étoient comme des astres brillants,
de vastes océans, des torrens auxquels rien ne résiste.
Tous les genres de connoissances et de talents se trouvoient
réunis en foule auprès d'eux, et les hommes de mérite y
recevoient un accueil distingué. Le monde fut vivifié sous
leur administration, et l'empire porté au plus haut point
de splendeur. Ils étoient le refuge des aMigés, la ressource
des malheureux, et c'est de l'un d'eux que le poète Aboû
Nowas a dit
« Lorsque le monde vous aura perdus, ô fils de Barmek.
« on cessera de voir les rues couvertes de voyageurs, au
« lever de l'aurore et au coucher de l'astre du jour. »
Ces paroles d'Ibn At-T'ktakâ résument assez exactement
les souvenirs qu'avaient laissés les Barmécides près de cinq
siècles après leur disgrâce. On n'avait pas oublié les grands
(<) !M AT-T'fTAtfA, AI-Fakhrl, éd. Derenbourg, 26o-!70. Nous donnons ici
la traduction de Silvestre de Sacy (CArM<. arabe, x' éd., U,7-8).
REVUE DU MONDE MUSULMAN112
mérites de Khàtid, la prudence et l'intelligence de Yahyâ,
la générosité et l'habileté de Fadt, te talent de Dja'far comme
écrivain et orateur, les sentiments nobleset les vues élevées
de Mohammed, la bravoure et l'énergie de Moûsâ (:).
Pendant longtemps la toute-puissance et l'habile adminis-
tration de Yahyâ, la générosité de sa famille et en particu-
lier de Fall, « Hâtim de l'islamisme et sceau des hommes
généreux », (2) la faveur de Dja'far auprès de Hâroûn, ses
amours avec 'Abbâsa, la catastrophe de sa famille et les
regrets unanimes qu'elle excita, furent un thème inépui-
sable pour les conteurs et les poètes, qui attribuaient
volontiers aux Barmécides toute action noble ou généreuse.
L'expression « temps des Barmécides signinait tout ce
qui est bon et le plus haut degré du bonheur et de l'abon-
dance (3) ». On se faisait gloire de descendre de cette
illustre famille.
Il est bien difficile de discerner la légende de l'histoire,
dans les récits qui ont cours sur l'origine des Barmeks,
Toutefois, on y reconnaît un désir manifeste de les ratta-cher au vieil empire perse, de faire d'eux une dynastie de
vizirs qui, après avoir servi les Sassanides, serviront les
Arabes avec le même zèle et la même habileté. Le Nooube-
hâr, temple bouddhique, devient, pour les besoins de la
cause, un temple du feu, fondé par les souverains de la
Perse (4). On prête à cette glorieuse famille des alliances
royales. Ses débuts à la cour des khalifes ont quelquechose de mystérieux et d'étrange on a vu ce qui se passa
lorsque Dja'far de Balkh fut mis en présence de 'Abd AI-
jt) /K<rO<<M<tOH.(2) Voir le chapitre IV.
(ï) Voir l'Appendice t.
(~) D'après M. Barthold (article Barmakides, dans ~'B'HCj/c~Mt'e de f/
<aM, S' livraison, pp. 68o-68t), ces légendes seraient postérieures au khali-
fat de Hâroûn: mais Ibn At-Atou~afTa* aurait peut-être déjà émis des opi-nions semblables.
LES BARMÉCfDES D'AMES LES HfSTORJEM ARABES ET PERSANS ) 3
8
Malik. Leur richesse et leur faste, comme leur générosité,
font, dès le premier jour, i'éblouissementde la cour et de
la ville à Damas. En revanche, leur orthodoxie est sus-
pecte on les regarde comme plus Persans qu'Arabes, on
leur attribue le désir de rétablir le vieil empire iranien,
peut-êtreaussi la religion de Zoroastre, à laquelle ilsseraient
restés attachés secrètement.
L'imagination orientale s'est donné libre cours sur Dja'-far dont, reprenant et modifiant une vieille tradition arabe,
elle a fait le mari de 'Abbâsa bint Al-Mahdt, la sœur du
khalife. Très ancienne et très accréditée, la légende du
mariage de Dja'far et de 'Abbâsa a été accueillie comme
un fait réel par des historiens estimés, qui n'étaient pastrès éloignés du temps où vivait Dja'far, Tabar! etMas'oûdî
notamment. Nous résumerons ici leurs récits, qui montrent
comment le rôle de Dja'far a été amplifié et altéré parla tradition populaire faisant du mariage du favori de
Hâroûn avec la sœur de celui-ci, et de leur désobéissance
aux ordres du khalife, la cause déterminante de la chute
des Barmécides (f).
Hâroûn, qui avait pris en grande affection sa sœur
'Abbâsa bint Al-Mahd! et Dja'far, ne pouvait se passer de
leur présence. Pour les avoir sans cesse auprès de lui, il
résolut de les marier, mais exigea que le mariage ne fût
jamais consommé. Dja'far protesta contre cette prétention,
mais Hâroûn resta inébranlable et dit à son favori que
son mariage avec la sœur du khalife serait un objet d'en-
vie pour tous.
()) Cf. t'articie de M. Horovitz sur '~<'MM,dans <nc~e/o~~)e de ~Wam,t" livraison, p. t3. M. Horovitz fait observer, en outre, que certains auteurs
remplacent 'AbbAsa par de prétendues soeurs de Hâroûn, nommées, soit
Fakhita, soit Maimoùna, et qu'un « roman de jeunesse est d'autant moins ·
vraisemblable que, d'après le TaMri persan, 'AbMsa aurait eu quaranteans lors de ses premières relations avec Dja'far.
REVUE DU MONDE MUSULMAN
Le mariage eut lieu à cette condition. En présence des
eunuques et des affranchis préférés de Hâroûn, Dja'far
jura solennellement que jamais il ne visiterait sa femme,
ne resterait seul avec elle, ni ne se.trouverait sous le mêm&
toit, à moins que Hâroûn ne fût en tiers avec eux.
Or Ibn Kotaiba nous apprend que Hâroûn fit épouser
'Abbâsa à Mohammed ibn Solaimân, puis, après la mort
de celui-ci, à Ibrâhîm ibn Sâtih ibn 'AU (t). Plus tard Ibn
Khatdoûn, désireux de réhabUiter Hâroûn, dont il fait,
contrairement aux témoignages des contemporains, un
prince austère, simple, religieux et instruit, vivant à
une époque où les mœurs n'étaient pas encore corrom-
pues, a soutenu que ce khalife n'aurait jamais fait épouser
une. princesse de la naissance et du mérite de 'Abbâsa à
Dja'far, donttes ancêtres étaient Persans et idotâtres(2). Ces
arguments sont faibles; mais il n'en est pas de même du
témoignage d'Aboû Nowas (3), qui nomme les trois maris
successifs qu'eut 'Abbâsa, et au nombre desquels ne
figure pas Dja'far: le premier des trois serait mort onze
ans avant lui.
Dja'far, qui avait accepté les conditions de Hâroûn avec
une entière bonne foi, tint scrupuleusement parole et se
montra d'une grande réserve avec 'Abbâsa, qu'il quittait
toujours en sortant de chez le khalife, et mérita les étoge&
de celui-ci. Mais 'Abbâsa, éprise de Dja'far, lui écrivit des.
lettres passionnées, l'exhortant à enfreindre les ordres de
Hâroûn. Dja'far chassa les messagers avec des invectives.
(<) ~«<~<!<.Af<t'i!W/ed. WOstenfetd.p. ;o3.(2)~-o~g'on!~)M,apudS)LVKrnE BESACY,CAres<.<t)'t]i'e, ëd.,pp.no-t27
du texte et 371-379 de la traduction.
(3) Dt)~H, éd. Iskender Âsaf, p. ~4. La légende a donné à la chute desBarmécides une autre raison romanesque 'Azzoan, dit Taban (CArottt'co'i~éd. De Ooeje, !)!, i)3t-u35), aurait raconté au khalife Wathi~ que Ya~ytt, en
désapprouvant l'achat que voulait faire Hâroûn d'une belle esclave dont ondemandait 100.000 dinars, et en faisant des difficultés pour fournir cettesomme, aurait préparé sa propre ruine.
LRS BARMÉCIDES D'APRÈS LKS HISTORIENS ARABES ET PERSAMS 1 f 5
et des menaces. 'Abbâsa s'adressa alors à la mère de Dja'-
far, 'Abbâda, femme d'une intelligence bornée, se la ren-
dit favorable par de riches présents et lui assura que le
rapprochement des deux époux ne ferait qu'assurer leur
sécurité. 'Abbâda dit alors à son fils, que dans un château
qu'elle nomma, se trouvait une esclave d'une merveilleuse
beauté, et qu'elle voulait l'acheter pour son nts. 'Abbâda
laissa un certain temps se passer, ann de rendre plus
ardents les désirs de Dja'far. Sur les instances de celui-ci,
une nuit fut enfin fixée, et 'Abbâda se hâta de prévenir
'Abbâsa. Dja'far, qui sortait ivre d'une partie de débauche
dans le palais de Hâroûn, ne reconnut pas sa femme, et le
mariage fut consommé. Au matin, 'Abbâsa dit à Dja'far
« Comment trouves-tu les ruses des filles des rois ? De
quel roi es-tu donc la fille r 'Abbâsa se fit alors con-
naître. Dégrisé et pris de désespoir, Dja'far courut chez
'Abbâda «O ma mère! lui dit-il, tu m'as vendu bon mar-
ché (t)! »
D'après Yezdî, Dja'far, lisant les lettresde 'Abbàsa, s'écria
que cette femme causerait sa ruine, et décida de quitter au
plus tôt la cour de Bagdad. H demanda à Hâroûn le gouver-
nement du Khorassan, avec mission de rétablir l'ordre dans
cette province. Le khalife demanda conseil à son chambel-
lan Fadi ibn Rabî, ennemi acharné des Barmécides, qui ré-
pondit « Dja'far a déjà reçu de vous une épouse mainte-
nant il lui faut une province et il demande à aller en
Khorassan cela ne peut sefaire (~ecM~e~)(2). ? Cesparofes
firent beaucoup d'impression sur Hâroûn. Ayant pris des
informations, il sut que 'Alî ibn 'îsa ibn Mâhân, gouver-
neur du Khorassan, qui venait de lui envoyer de somp-
tueux présents, avait amassé dans cette province des biens
(<) YEM)!,TaWM, 32-33.
(2)
REVUE DU MONDE MUSULMANn6
considérables (f). H fut fort irrité, mais cacha sa cotère.
Ses familiers, jaloux de Dja'far, ne perdaient aucune occa-
sion de nuire à celui-ci.
'Abbâsa eut recours à la ruse. Elle invita Hâroûn à venir
visiter un jardin sur les bords du Tigre qu'elle venait d'ac-
quérir,et fit de grands préparatifs pour recevoir le kha-
life. De grandesfêtes furent données en l'honneur de
Hâroûn. Le soir dupremier jour, 'Abbâsa lui
envoya une
esclave d'une merveilleuse beauté une autre esclave, non
moins belle, était destinée àDja'far. 'Abbâsa fit de même
le lendemain. La nuit suivante, elleenvoya
à Hâroûn une
esclave plusbelle encore que les
précédentes, et alla elle-
méme vers Dja'farà la place de l'esclaveque celui-ci atten-
dait. Après avoir enlevé les flambeaux, 'Abbâsa partagea
le lit de Dja'far, qui,au matin, reconnutsa femme et crut
sa perte inévitable. (a).
Baranî. dans ses ~MMr-~Barmekiydn (3), fait un récit
analogueà celui de Yezd!.
Selon Yezdî deux fils seraient nés, de l'union de Dja'far
et de Abbâsa: l'un, Hasan, aurait eu dix ans lors de la
disgrâce des Barmécides, et l'autre, t~osain, huit ans. D'a-
(i)'A)!ibn'1 sa ibnMahan, d'abord commandant des gardes d'Af-HM!,
devint en t8o (796) gouverneur du Khorassan, malgré l'opposition de Yabya,
et envoya alors au khalifedes présents d'une richesse inouïe, qui furent expo-ses sur la grande place de Bagdad. Hâroûn, ayant alors reproché à Yahy&son opposition, s'attira
la réplique suivante « Si dans la suite il ne surgitni soucis, ni embarras en Khorassan, ce sera bien. A la place d'un dirhem
(que tu reçois aujourd'hui), tu seras forcé d'en envoyer deux dans le Khoras-
san et l'ordre ne sera pasrétabti dans ce pays; tu devras, à la fin, t'y trans-
porter toi-même de ta personne. Si cet homme ne s'était pas réservé pourtui-m6meune somme égale de richesses, il n'aurait point ofrert celles-ci au
prince des croyants. Lorsque le Khorassan sera épuisé, quand les popula-tions seront réduites à la dernière extrémité, les ennemis et les Kharidjis
lèveront la tête, et il sera difficile de remédier a cette situation. » (A~0f//me<
o<-7'ef;!WAA, foi. 224, traduit par Cn. SCHEFER, CAre~. perMMe, ft, pp. 47-
48 des notes).(!) YEZDI, 7'oWAA, 3a.
(3)Ëd.deBomb.ty,25-26.
LES BAMiÉCtOeS D'APRES LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS fiy
près Ibn At-Ti~akâ, 'Abbâsa mit au monde deux jumeaux.Al-'Imrânî dit qu'elle eut trois enfants de Dja'far. Ils
avaient, lors de la chute des vizirs de Hâroûn, sept, six et
quatre ans. Enfin, d'autres historiens disent qu''Abbâsa
n'eut qu'un seul fils et, pour que sa naissance ne fût pas
divulguée, elle l'envoya à la Mecque avec deux serviteurs
de confiance: l'eunuque Rayyâch et la nourrice Barra.
Mais, malgré toutes les précautions qui furent prises, l'af-
faire fut bientôt ébruitée. Hâroûn, lorsqu'il fit le pèlerinage
qui précéda la chute des Barmécides, se fit présenter le fils
de Dja'far et de 'Abbâsa, qui était, dit le traducteur persan
de Tabarî, fort beau et ressemblait beaucoup à ses parents.
H voulut le faire mettre à mort; mais, songeant qu'il était
innocent de la faute de Dja'far et de 'Abbâsa, se ravisa.
Yahyâ ibn Khâlid, qui avait l'administration du harem,
défendit aux femmes de se faire servir par des eunuques de
leur choix. Zobaida, femme de Hâroûn, qui avait pris sur
lui beaucoup plus d'ascendant qu'aucune de ses rivales et
se montrait peu favorable aux Barmécides, se plaignit de
ce que Yahyâ n'avait pas pour elle les égards dus à son
rang. Hâroûn en ayant fait l'observation à son vizir, celui-ci
lui dit de ne pas croire Zobaida et, fort de la bienveillance
du khalife, montra plus de rigueur que jamais. Il ferma
la nuit les portes du harem et en emporta les clés. Zobaida
se plaignit de nouveau. « Je n'ai aucun reproche à faire à
Yahyâ pour sa surveillance, lui dit Hâroûn.–Pourquoi
alors, répliquaZobaida, n'a-t-il pas empêché Dja'far de com-
mettre un crime ?» Elle apprit au khalife consterné la déso-
béissance de son favori et l'existence du fils de 'Abbâsa.
Toutes les femmes du harem, ajouta-t-elle, connaissaient
ces faits.
Hâroûn garda le silence. Quelque temps après, il partait
avec Dja'far pour la Mecque. 'Abbâsa écrivit alors à l'eu-,
nuque Rayyâch d'emmener en toute hâte son fils dans le
REVUE DU MONDE MUSULMANn8
Yémen. Arrivé à la Mecque, Hâroûn chargea quelques per-
sonnes de confiance de prendre des renseignements, et tous
les dires de Zobaida furent confirmés. Le pèlerinage ter-
miné, le khalife partit, plein de projets de vengeance.
Tel est le récit de Mas'oûdi (t). Selon Barant (2), ce fut
aussi Zobaida qui apprit à Hâroûn la désobéissance de Dja-
far et de 'Abbâsa. Mais, pour Tabart (3) ce fut une esclave
qui, frappée et menacée de mort par 'Abbâsa, alla tout
révéler à Hâroûn, qui lui promit; sa protection et la garda
dans son palais.
D'après Bichr!, eunuque de Zobaida, Hâroûn, la veille de
l'exécution de Dja'far, qui eut lieu le dernier jour de ce
mois, alla chez 'Abbâsa, et ordonna de faire venir deux
eunuques et huit ouvriers, qui préparèrent une pièce de cuir
(cf;<M). 'Abbâsa, consternée, comprit que Hâroûn savait tout
et, quand il entra, lui parla avec dureté et orgueil. Le
khalife ne répondit pas. Il fit entrer les eunuques, qui sai-
sirent 'Abbâsa et la déposèrent avec tous ses joyaux dans
un coffre, qu'ils clouèrent. Les huit ouvriers qui attendaient
les ordres de Hâroûn entrèrent. Ils prirent le coffre, dans
lequel était 'Abbâsa vivante, et le descendirent dans une
fosse, qui fut comblée avec de la chaux et des briques. L'in-
tendant de 'Abbâsa, trois de ses eunuques et huit de ses
autres serviteurs furent massacrés et leurs corps jetés dans
le Tigre (4).
Les enfants de Dja'far et de 'Abbâsa furent mis à mort.
D'après le récit que fit Masroûr à Ismâ'ît ibn'fsâ (5), le kha-
(t) Prairies d'or, éd. Barbier de Meyn&rd et Pavet de Courteille, Vf.39)-394.
(2)~AAMf-~BofmeA~M, éd. de Bombay, p. 26.(3) CAroMt'con,éd. De Goeje, tU, 277.(4) YBZt)!, 7'<tt-)M. dans Ça. ScMFER, CAt-Mt. persane, U. pp. ~t-~ des
notes. Cf. ABoû't.-FARAM, Afot<AA(f)?f!t-, éd. de Beyrouth, ::4.
(5) YEzot, op. cit., pp. 63-&t des notes.
LES BARMÉODES D'APRÈS LES HtSTORtENS ARABES ET PERSANS !)~
life, malgréles supplications de celui-ci, ordonna leur exé-
cution. Avant de mourir, les enfants de Dja'far appelèrent
sur leurs bourreaux la justice divine. Hâroûn, saisissant
alors l'un d'eux, le précipita dans une fournaise qu'il avait
fait allumer, et ordonna d'y jeter l'autre. Quand tous les
deux eurent été dévorés par les flammes, il donna l'ordre
de jeter leurs cendres dans le Tigre ou de les disperser au
vent, de raser la maison où cette scène s'était passée et de
convertir son emplacement en jardin. Hâroûn, dit une
autre version (i), écrivit aux notables de la Mecque de lui
envoyer les enfants de Dja'far et de 'Abbâsa, qui furent
amenés de nuit à son palais. Attendri en les voyant, il vou-
lut d'abord les épargner. It les fit venir une seconde fois,
les embrassa en pleurant et leur demanda leurs noms.
« Je m'appelle Hasan, mon frère s'appelle Hosain, et nous
sommes Barmécides, répondit l'un d'eux~. Les mauvais ins-
tincts de Hâroûn eurent bientôt repris le dessus. Masroûr,
qu'il avait chargé de lui chercher des hommes capables
d'exécuter ses desseins, lui amena dix prisonniers (:<M-
niydn), qui creusèrent une fosse et y entassèrent du bois
auquel ils mirent le feu. Les fils de 'Abbâsa y furent préci-
pités. Puis les auxiliaires de Masroûr furent enfermés
dans des sacs et jetés dans le Tigre. Hâroûn, dit 'AI-Imrânt
faisant précipiter ces enfants dans la fournaise, s'écria Le
feu plutôt que la honte (2)!
(t) YEzo!,Op. c<f., pp. 5)-5~ desnotes.
(2) jUi Y) jD) (Manuscrit arabe 484: de la Bibliothèque Nationale,
foi. 78 et 89). La version persane de Tabart donne un récit assez dinérent. Hâ-
roun, pendantle pèlerinage,s'était fait présenterle fils de Dja'far et de 'Ab-bâsa, qu'il voulut faire mettre A mort; mais il se ravisa. Partant pour Ralflfa, il
s'arrêta à 'Oumr où, le quatrième jour après son arrivée, il fit venir Ya~yâ,
Fadt, Dja'far et AtousS,auxquels il donna des robes d'honneur. Les Barmé-cides crurent que le khalife leur était redevenu favorable. A l'heure de la
prière de l'après-midi Hâroûn s'excusa de quitter Dja'far, a cause d'une partiede plaisir au harem qu'il avait projetée, et l'invita à faire de même. Mais,
malgré tous les eCons de AboO ZakkAr pour le distraire, Dja'far restaittriste et abattu il fallut un ordre formel de Hâroûn pour qu'il se décidât A
REVUE DU MONDE MUSULMAN120
Les Mille et une Nuits attestent combien le souvenir des
Barmécides resta populaire en Orient, mais la plupart de
leurs récits sont erronés et nous montrent à quel point la
tradition s'était altérée. En dehors des contes d'origine
persane que renferme cet ouvrage, et qui proviennent du
vieux recueil des ~/e~r Efsdné « Mille histoires on
trouve, dans les Mille et une Nuits, des contes d'origine
et de caractère très différents, et qui n'ont de commun que
la scène, Bagdad, et les personnages, Hâroûn et les Bar-
mécides, Dja'far en particulier. Les uns, d'aUure simple et
même bourgeoise, sans intervention du merveilleux, sont
d'origine arabe et retracent assez fidèlement la vie de Bag-
dad au temps des khalifes abbasides. Les autres, au carac-
tère picaresque, faisant volontiers intervenir le merveit-
leux, sont d'origine égyptienne et ne reproduisent que la
vie des Égyptiens, des habitants du Caire en particulier.
Hâroûn n'est que là pour représenter le bon vieux temps,
dont il était devenu l'incarnation pour l'imagination popu-
laire.
La prospérité et la grandeur du khalifat sous Hâroûn
avaient été l'oeuvre des Barmécides, et la gloire de ceux-ci
rejaillit sur leur maître, souverain médiocre. Peu à peu, la
légende aidant, on regarda Hâroûn comme le plus grand
des khalifes abbasides, et les Mille et une Nuits nous mon-
trent que cette opinion finit par prévaloir. Yahyâ, celui des
Barmécides qui eut le plus de pouvoir; Fad), le plus remar-
quable de tous ses fils, figurent rarement dans les récits
des Mille et une Nuits. Le favori de Hâroûn, Dja'far, les a
fait oublier. On ne peut séparer )e khalife de son vizir
Dja'far le Barmécide, avec qui il ira, accompagné de Mas-
faire préparer un banquet. A trois reprises, il reçut du khalife des envois defruits secs, de sucreries et de parfums. Le reste du récit se rapproche trèssensiblement de celui fait par Fadi ibn Solaimàn ibn Ait (Chronique, trad.
Zotenberg, IV, -t65-~66). Ibn At-Ti~ta~â dit que Masroùr, après avoir permisà Dja'far de faire son testament, le fit entrer dans une tente, le décapita ct
porta sa tête, sur un bouclier, à Hâroûn.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HtSTORfENS ARABES ET PERSANS 121
roûr et déguisé en marchand comme ses compagnons, soit
chercher de nouvelles distractions, soitsurveiller la conduite
des fonctionnaires et des magistrats, soit enfin pour distri-
buer des aumônes. On retrouvera, dans les Mille et une
Nuits, la cour de Bagdad telle que nous la décrit le Kitdb
<j4~ ony retrouvera la plupart des personnages cités
dans cet ouvrage Ishâk At-Mausitî, Asma'î. Masroûr,
!brâh!m An-Nad1m; mais, à l'exception des histoires du
faussaire et de l'homme austère (sur Dja'far ibn Yahyâ de
'Abd AI-Malik) que l'on retrouve dans Ibn At-Tiktak.â et
de Yahyâ et de Mansoûr, qui figure déjà dans Tabarî, du
récit de la chute des Barmécides, et de quelques anecdotes
sur la générosité de Yahyâ et de ses fils, récits dont l'au-
thenticité est moins suspecte, il ne faudra pas y chercher
de faits historiques. Non seulement le Hâroûn de la lé-
gende, tel qu'il figure dans les Mille et M~e Nuits, n'est
pas le Hâroûn des historiens; mais encore son favori Dja-
far n'est pas le Dja'far de la réalité. Yahyâ n'est plus le
vizir de Hâroûn et le véritable chef de l'État; c'est Dja'far
qui, après le khalife, est le seul maître.
It y a, semble-t-il, une vague réminiscence de la catas-
trophe des Barmécides dans l'Histoire des trois pommes.
Dja'far n'a pu retrouver, dans un délai de trois jours,l'auteur d'un meurtre qui a excité l'indignation du khalife,
et celui-ci ordonne que son vizir et quarante Barmécides
soient pendus. Tout est préparé pour l'exécution. Le cou-
pable s'étant fait connaître, Dja'far rentre en grâce, ainsi
que les siens, et obtient le pardon du khalife pour son
esclave Raihân, cause indirecte du crime commis, après
avoir raconté l'histoire de Badr ad-Dîn Hasan. En re-
vanche, rien n'est historique dans le mariage de Sitt ad-
Dounyâ, la prétendue sœur de Dja'far, avec le faux kha-
life 'Atî Chah; dans les aventuresde Ghânim, qui a séduis
une favorite de Hâroûn et que Dja'far fait rechercher
REVUE DU MONDE MUSULMAN122
pour qu'il soit mis à mort; dans le mariage de Hâroûn
avec une mendiante qu'il a rencontrée avec Dja'far dans
les rues de Bagdad et qui se trouve être une descendante
des rois de Perse; dans le mariage de Dja'far exilé à
Damas avec la femme de 'Attâf, cédée par son mari, à qui
Dja'far reconnaissant sauvera plus tard la vie; dans l'his-
toire de la belle Persane, où l'intervention du vizir sauve
Noûr ad-Dtn du dernier supplice.
On lira toujours avec grand plaisir les Mille et une Nuits,
mais l'historien ne peut guère en faire état (t).
L. BouVAT.
(;) Voir DE HAMMEX,Contes extraits des Mille et une Nuits, trad. Trébu-tien, Paris, tS~S, t. !,pp. xxxv-xxxy) de la préface; J. CESTMP, article /t~Laila ma Laila, dans l'Encyclopédie de l'Islam, 5' livr., pp. 257-258, et, dumême, ~<M~t'er over /oo/ Nat (Copenhague, tSg)); VfCTORCH*UY)f, La Ré-cension égyptienne des Mille et une Nuits (Bruxelles, )899), et la Biblio-graphiedes oMyro~MaratM, IV, t~-)~; V, )63-t70.
APPENDICE 1
L'ORIGINE ET LES DÉRIVÉS DU NOM DE « BARMEK a
On a vu dansle chapitre )" que M. H. Kern rattachellusanscrit para.Ma~)<! supérieur le nom deBarmek, qui aumiteteainsitetitre des pon-
tifes du Nooûbehar (Histoire du bouddhisme dans l'Inde, )!, 4~). De
ce titre, les Arabes et les Persans ont fait un nom propre, celui du père
de Khâlid, qui, le premier de sa famille, dit-on, se serait converti à
t'Isiam, et qui, d'après Ibn Khattikân (Biogr. Dictionary, trad. De
Siane, f, 304), était fils de Djamasp et petit-fils de Yâchtasp. D'autres
etymotogies ont été proposées pour ce nom elles sont peu satisfai-
santes, comme on va le voir; les premières surtout.
Selon la légende, le pseudo-Dja'far de Balkh, voulant expliquer
au khalife que, s'il portait du poison sur lui, c'était pour le cas où
il lui arriverait malheur, aurait dit:j~
~WM~eM, ce qui signifie à la
fois « je suce s et « je suis Barmek d'où son nom. Le BorAftM*~
J'M< accepte cette bizarre étymotogie.
Ce. que dit Hamadhant(~tM&t!Bo/oMn,éd.DeGf'eje,3;)9)apropos
du Nooûbehar construit, dit la tradition, sur le modèle du temple de la'e
Mecque, ne vaut pas mieux: ~t;~i ~i )~<~) ~J~) ~~L )t~L~
4\.t J~) <~tx.ceux qui avoient l'intendance de cette mosquée (sic)
portoient le nom de Barmek, comme s'ils eussent été les intendants du
temple même de la Mecque et, parce que cette charge étoit attachée
par droit de patronage aux fondateurs, ils en conservoient toujours le
titre et le nom. » (D'HEMELOT. Bt~.orfen<< éd. de fyM, ]),a5.)
Les PP. Anastase et Cheikho, qui dans~A/ccAft~f), iSgR, pp. 284-
:?, ,=~ c~ t~')'ont consacré au nom de Barméeides une.
étude dans laquelle ils examinent les diverses étymologies proposées
REVUE DU MONDE MUSULMAN
en Orient, lui donnent une origine arabe-syriaque: Barmek signifierait
d'après eux, fils (en syriaque bar) de la Mecque (MaAAa) en arabe
Ibn al-,Nlakka.
Justi (Iranisches ~Vame~&ucA, f5), propose le persan c<;barm
« cresson cette explication, de même que cette des PP. Anastase et
Cheikho, nous semble peu satisfaisante, malgré l'autorité de ceux qui
les ont fournies.
En dehors du Barmek qui, le premier de sa famille, se serait con-
verti at'tstam, et que Mas'oûdi appelle Barmek leGrand, '~t/
tandis que Ibn 'Asâkir et Ibn Khallikàn le nomment Djamàsp, père de
Yachtàsp (Firoùz dans Tabarl), nous ne connaissons qu'un seul per-sonnage ayant porté ce nom c'est le Déilémite Barmek ibn 'Abdallâh
Ad-Mbi)!, <: t'un des cheikhs de Dâbit », contemporain de Batadhori,
qui le cite deux fois (Liber expugnationis r~'onMW. !Q3 et sot). On
voit, il est vrai, dans Tabarl un certain Ai-Barmekân, dont le nom
signifierait «fils de Barmek le suffixe persan (!n indiquant ta filiation
(Chronicon, éd. De Goeje, 2346).
B<!fM!eAf, (a~au pluriel Baf~tAa, ~<)t; « Barmécide » est le
nom d'origine ou nisba de Barmek, et son pluriel a subi de nombreuses
déformations Beramké, en Syrie, où il est le nom d'une localité voisine
de Damas ;B<!r<)tn'Aa,B<:MM)~ et Bortn~ en Egypte, Beratiaka,
Boramik et Bormata au Maghreb, où il a, comme équivalent touareg,
/Aed'arM ~f. le chapitre VIII, )'H fine). Ce nom s'applique: t* aux
membres de la famille des Barmecides;2° à leurs soi-disant descen-
dants 3" à leurs clients et affranchis, comme, par exemple, la chan-
teuse Danânir 4° aux personnes originaires du quartier de Bagdadnommé At-Barâmika, parce que les Barmécides l'habitaient. Yâkoût
(Geogr. Worterbuch, éd. Wustenfetd, ), Mo-S~o) en énumère plu-sieurs le jurisconsulte Aboû )~afs 'Omar ibn fbràhtm ibn tsmâ'it,
auteur d'un traité des successions intitulé. La Décision des parents sur
les biens de leurs enfants, Uj~~)~ JL< (~ L' r~' <)men-
tionné par Hadj' K.ha)!fa (Lexicoti, éd. Ftuget, V, 76, n" <oo63), et
qui a, de plus, collaboré à un Traité du /<'fh)e, j'L~)t ~t~J(0~~
citalo, V, no, n" 1026:); il serait mort en djoumâdhâ i'Mo(avri)-
mai QQQ) -ses trois frères Aboù IshâkAt-Barmek!At-BaghdMh!,mort
en 44) ()049) ou 47) ()o68), à J'âge de quarante-cinq ans, traditioniste
LES BARMÉCfuES D'APRÈS LES HISTORIENS APABES ET PERSANS 125
céfebre qui a formé, entre autres élèves, Aboû 'A): AI-Bardhâni, 'Abd
A)-Kadir ibn Mohammed et Aboû BekrMohammed ibn 'Abd Ai-Bak!,cadi du Mâristân (voir tB~ AL-AT-mR, Kdmil, éd. Tornberg, X, 373,
427; XI, 53) 'A!! ibn 'Omar AboÛ'i.Hasan Ai-Barmeki, jurisconsultechaféite, né en 373 (983-g84)etmortendho0')-hidjdja~o(janvier-fevner
foSg); Aboû'f-'Abbas Ahmed ibn 'OmarA)-Barme):morten 44;
(<049);–son fils Ahmed ibn tbrâhimibn 'Omar Aboû't-iasanibn
Ab! [shak, « le dernier des Barmécides », ~<),J)<L&)
w
Dans certaines localités d'Égypte, le nom de Barmeki estdevenu une
injure. Le cheikh Mohammed 'Abdoh, commentateur de Badl' az-
Zamân Ai-Hamadhân! (Séances, éd. de Beyrouth, 80), rattache ce
sens injurieux à la disgrâce des Barmécides
On devra plutôt y voir une conséquence du mauvais renom dont
jouissent, parmi les Égyptiens, les Ghawâzioupseudo-Barmeeidesdont
il a été question à la fin du chapitre VIII. Un savant syrien qui, sur
la demande de M. Mohammed Kurd-Ali, )e distingué directeur de la
revue ~A~o~f<!&M, avait bien voulu faire des recherches à ce sujet,lors d'un séjour récent en Égypte, a constaté que seuls, dans ce pays,
des gens illettrés, n'ayant jamais entendu parler des vizirs des Abba-
sides, employaient comme terme de dédain le nom de Barmeki, au
féminin Bar~eA~a, porté par ces Chawâz! qu'il compare aux Bohé-miens appelés Ghadjar en Egypte, Nawar en Syrie, Tchingané ou
Coptes (Koubti) en Turquie. Bien que généralement connue et com-
prise des Égyptiens, l'expression, toutefois, n'a guère cours qu'en pro-
vince. Partout ailleurs, le nom de c Barmécide révoque une idée favo-
rable. BoutrosAf-Boustan~A/oA~o~-A/oA~f, ), 88) constate que, dans
le tangage populaire, &afMeA<' est synonyme de AarfM «généreux
REVUE DU MONDE MUSULMANt2Ô
Le ~!aM a/-4&ror de Zomakhchar! nous apprend que l'expression
« temps des Barmécides » signifiait < tout ce qui était bon et le plus
haut degré du bonheur et de l'abondance » Makkari emploie i'épi-théte ~ar~eAf pour exprimer « ce qui était digne des Barmécides
(voir la Note de Quatremère déjà citée, p. m). Un lettré africain de
notre temps, le cheikh 'AbdaUâh ben Satâh ben Et-.Mokri, faisant le
panégyrique de Cheikh Saadibouh, compare sa générosité à celle des
Barmécides (D<MM'<4.<!r/<'CA<M'AMf:n(Mot!m()< al-Ach'dr, ouvrage
analysé par l'auteur du présent travail dans Cheikh Saadibouh et son
entourage d'après un manuscrit inédit, apud Revue du Monde mu-
sulman, t. XVIII, mars tgo, pp. tgô-tgy).
Un parfum dit barmekiya, ~.X< ou <&ot<Aot!rft~ar~e~ j)?eJ'
.~<~Jt,doit son nom aux Barmécides; il est mentionné dans t'AAra-
&<!<<Aft),traité de pharmacie de Saboûr ibn Saht (-)- 255 = 869 cf. la
Geschichte derarabischen Literatur de M. CARL BROCKELMAMS, 1,232),
et, d'après le Ferheng-é C~OM'o~rf, se composait de sucre, d'alors
et d'aromates divers, Ibn At-Baitar distingue les barmekiydt des bou-
Ao«r<{< et des mouthallathdt (QUATREMÈRE, opere citato, tt§, VuLLSM.Z.~tcox, t, 226, et DozY, Supplément aux dictionnaires arabes, I, 78~
APPENDICE I!
BIBLIOGRAPHIE DES PUBLICATIONS EUROPÉENNES
RELATIVES AUX BARMÉCIDES
Nous avons emprunté à l'excellente Bibliographie des ouvrages
arabes, de M. Victor Chauvin,une grandepartiedes renseignementsquel'on trouvera ici. Traduites dès le début du dix-huitième siècle, d'abord
en français par Gatiand (f704-f7t7), puis dans toutes les autres langues
de l'Europe,les Mille ~MMf/VM;~ ont rendu Hâroûn et ses vizirs, Dja'-
far en particulier, célèbres en Occident, et les littérateurs ont, de bonne
heure, tiré parti du thème inépuisable que fournissent leurs aventures
Contes, nouvelles, romans, pièces de théâtre, se succédèrent du milieu
du dix-huitième siècle au début du vingtième. En t752, MlleFauque
publie une nouvelle dont Dja'far et 'AbbAsa sont les héros. Plus
tard, Voltaire adressera à la duchesse de Choiseul, après la dis-
grâce de son mari, une épltre intitulée Benaldaki & Caramo'f/Me
femme de Giafar le B<!rm~f'~(QuATMMÈM,~o<e surlesBarmécides,
) t(j). La chute des Barmécides est le sujet de deux tragédies l'une de
La Harpe, l'autre de De Hammer. Mais un travail historique, fait
d'après les sources originales, sur tes Barmécides restait à faire. Ama-
ble Jourdain y avait songé,il y a un siècle (voir t'articie/tM~y~f), mais
on ignore s'il a donné suite à ce projet.
AuofMBT (H.), Article Yahya A/-Barmeki (~OM Aly), dans la
Biographie tt~tfer!e//e deMichaud (nouv.M., XLV, pp. 22~-233).
Sources utilisées AboO'i-Fid~, AI-Makin, D'Herbelot, Silvestre de
Sacy (textes publiés et traduits dans la CArM<om<)'ear<!&e). Pp. 229-
REVUE DU MONDE MUSULMANf28
23o, nous voyons que Jourdain avait annoncé qu'il cubtierait.dans les
Mines de l'Orient,une monographie sur les Barmécides mais la pu-
blication de ce recueil cessa peu après, et il n'est resté aucune trace du
travail projeté.BARTHOLo(W.), Article Bat'M)aAtd'M,dans('Bncyc~oped')'e de ~s~a;)),
n' livraison, pp. 68o-683.
BELLORMINI REus (Dona Maria', La tnfetiCt'o)) del dr~axo, o Ab-
basay Bermecides, novela historica, traducida de un manusci-ito
frances y adornada con y ldmina. Madrid (impr. de Sanchez), libr. de
Viana, t831, in-8, i52 pages.
BRASSEUR DE BOURBOUARS (sic pOUr BoURBOURG), Le Khalife de Bag.
dad, scènes de h vie orientale au neuvième siècle (vignette). Limoges,
impr. E. Ardant et C", éditeurs, )88~, gr. in-8 de 210 pages, avec une
lithographie.
L'auteur donne ses sources, pp. vt-vn. La )" édition de cet ouvrage
avait paru à Paris en r353, io feuilles in-t8. Une 2' édit. en f85o,in-f2.
Compte rendu dans la Bibliographie catholique, XXVII, i38.
BROwxE (Edward G.), A literary History of Persia. London, )o02-
)go6, s vol. in-8.
T. t" pp. 25~-258, sur les Barmécides et leur influence. Voir aussi
pp. )64, 276, :42, et t. )!, pp. 54, )84, 475.
CHAUVIN (Victor), Bibliographiedesouvrages arabes ou re/a<t/< aux
Arabes publiés dans l'Europe chrétienne de i8)oa à 1885. Liège, 1892
et années suivantes, gr. in-8.
T. V, pp. 163-170 (Les Mille et ulle Nuits, deuxième partie; voir
aussi la première partie, t. IV, pp. t42-)43) on trouve l'analyse des
contes des Mille et une Nuits, dont les Barmécides sont les héros, leur
filiation, l'indication des recueils qui les contiennent et des imitations
dont ils ont été l'objet.
D)XMER)E(De la), Contes philosophiques et Mt0t'a)f~. Londres, )768,
tn-<2.
T. H, pp. i~S-foS: Giafar et Abbasah, trait d'histoire arabe.
DozY(R), ~Mt!t<r l'histoire de l'Islamisme, traduit du hollandais
par Victor Chauvin. Leyde et Paris, )87a, in-8.
Pp. 228-223, sur les Barmécides et les influences persanes aux dé-
buts' de la dynastie abbasidc.
FAUQUE (Mite), .~MaM!, histoire orientale. !y52, in-12.
Peïit roman sur les amours de Dja'far et de 'Abbâsa. Le fond en est
emprunté àMARtGUY, Ilistoire des Arabes, tt), ()8et sq. Compte rendu
dans L'/t~n~e littéraire, t~, !!), )5-2o.
FuioEL (G.), Geschichte der Araber, 2'e Ausgabe, Zeitz und Leipzig,
)867, in-8.
LES BARMÉCIDES D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS t2g
M. 9
Pp. tg8-zot, résumé de l'histoire des Barméeides.
GjMN (Aimé) et TozxA (Albert), Les Nuits de Bagdad. Roman.
Paris,s.d.(<9o5),in-t8.
Les amours de Dja'far et de 'Abb&sa, ta chute des Barmécides, les
rapports du Khalifatavec Charlemagne et l'empire de Byzance sont les
sujets traités dans ce roman historique. Avec cette épigraphe <( Le
Khalife Hâroûn AI-Raschid aimait d'étrange amour sa soeur Abba-
sah. s
HAMMBR (Jos. von), Dschafar oder der 5<Mr(,! der Barmegiden. EinA~<. Trauerspiel. Wien, t8t3, in-?.
Litteraturgeschichte der Araber. Wien, f85o-!8M, 7 vol. in-4.
T. III, notices biographiques sur les vizirs barméeides et leurs pro-
tégés, poètes, musiciens, chanteurs, etc.
HERBELOT (D'). Articles Abbasa, Barmekian, ~'a~A~/ ben lahia, Gt'a-
far Al-Barmeki et /aAt'a ben XAa/eaf A!-Barmeki,dans la Bibliothèqueorientale.
HOROVITZ (J.), Article */1~MM, dans J'Encyclopédie de l'Islam,
)"iivrai.son,p.)3.
HuART (Cf.), Histoire des Arabes, t. 1" Paris, fgt:, in-8.
Pp. aSo-taS, sur le rôle des Barmécides.
KERN (H.), Histoire du bouddhisme dans l'Inde, trad. de Gédéon
Huet. Paris,)90<-f9o3,a 2 vol. in-8 (Annales du A/M~e Guimet, t. X et
XI de la Bibliothèque d'études).
Pp.t~S, t~, ~8, 388, 38g, 472 et 473 du t. correspondant aux
pp. 134, 356 et 4~4 de l'original, détails sur le Nooubehâr d'après
les sources indiennes, chinoises et musulmanes.
KuNQER(F.-M.), Geschichte Giafars des Barmecides. Saint-Péters-
bourg,t7Qt-[794.
Nouv. édit., ~on<~6er~, i8to, 2 vol.
(EMyrM, édit. de t8;6, t. V. Ed. Cotta, 5<M~~r, )87o,
2:7 et sq. IV, et sq.
Le~n yan Giaffar of de Barmeciden, uithet Hoogduitsch. Ams-
terdam, C. Kosster, f8o6, gr. in-8, met ptaten.Dschafar Barmecidenes a«/<n~ Stockolme, 1823, 3 vol. in-8.
Der Mne<~ntt(i(';)'~GroMM.!<er.–Pa/MMa< n" (IV, 68 et
sq.).
K.RSMBR(Alfred von), Xt~fMr~'eMAt'cA</tcAe.S<re)7~Mg'e auf dem Ge-
bietes des Islams, Leipzig, f873, in-8.
Cette publication, dont on trouve une traduction anglaise dans les
Contributions to the History o/ /a'?)<c C«'<a(M7!, de' S. KH~DA
BuKHSn(CatcutM, tgo5, in-8, pp. 43-08), contient, entre autres, un
brillant et intéressant tableau des influences persanes sous les Abbasides.
REVUE DU MONDE MUSULMANi3o
LA HARPE, Le Barmécide, tragédie. Paris, Didot, t~S. in-8.
Cette tragédie, représentée au Théâtre-Français en) 1778, a été réiro-
priméeen tSso dansiesŒuyrM~eZ.a~ar~e.)), m-;g5. < L'amitié du
calife pour son ministre, le mariage de Barmécide, sa proscription, son
caractère et celui d'Aaron,voi!à tout ce que j'ai conservé; le reste est
d'invention. 9 (P. n8.) La Harpe fait de Haroûn un alide et ressuscite
Dja'far(qu'i) nomme Barmécide) pour dénoncer à Haroûn une conspi-
ration tramée contre lui. Haroûn pardonne alors à son vizir. Comptes
rendus relevés parM.VietorChauvin;yourna/Bn<ye/o~a'~Me,t778,V!,
3oo-3fQ; Esprit des Journaux, 1778; IX, 309-3)0; Journal des sçavans,
t779, XXVI, 323-324 Annales a'rama<~ueï, 475-476; DE H~MMM,
7!e~AuM<fe, 400 CEMfrM de La Harpe, XI, 62 et 69.
M~RKOV)TCH (Marytie), Denanir la musicienne nouvelle orientale
(~e<'Mejt)OMr/MFranca~,5°année,n''8, 25 août tpto.pp. )22-t38,
et n"9, a5 septembre ~oto, pp. 243-258).
Sur l'épisode de Dananir et de Haroûn'après la disgrâce des Barmé-
cides (voir le chap. III).
M~RTM (A.-G.-P.), Les Oasis sahariennes (Gourara-Touat-Tidi-
kelt), t. 1~. Aiger, Imprimerie Aigérienne, )Qo8, in-8.
Précieux renseignements sur !es< BarmécidesB d'Afrique, Ils sont
résumés à la fin de notre chapitre V))I.
Mum (Sir William), The Caliphate, itsRise, Decline <Md'Fa~ front
original Sources. Second Edition, revised.with Maps. London, 1892, in-8.Pp. 477-479, Fatt'ofBarmeeides.
MûLLER (August), Der Islam im Morgenland und Abendiand. Ber-
lin, ;885-)887, a vol. in-8.
T. t" pp. 464-483 Manszùrund die Barmekiden.
NERVAL (Gérard de), Voyage en Orient. Paris, Charpentier, 2 vot,
in-18. (Plusieurs éditions la première est de t856).
L'Appendice au tome I"' contient un chapitre, le quatrième, consa-
cré aux danseuses d'Égypte, dans lequel on trouve des renseignements
fort curieux sur les « Barmécides de ce pays. Voir notre chapitre
VfH, in fine.
NICHOLSON (Reynold A.), A literary History of the Arabs. London,
t9P7, in-8.
Pp. 259-26t. résumé de l'histoire des Barmécides. Voir aussi les
pp. 255-262 et 293.
OsaoBN (Robert Durie), Islam u"a'er the Khalifs o/Bag'Ma~. Lon-
don, )878, in-8.
Pp. 177-207, The Barmekides.
QuATREMÈM,Note sur les Barmécides, publiée par J. MOHL(Journal
asiatique, 5' série, '86;, t. XVII, pp. t04-H9).
LES BARMECJDES D'APRÈS LES HtSTOMEMS AMBES ET PERSANS 131 1
Résumé sommaire, maisbien fait, de l'histoire des Barmécides
RÉMY (Augustine), Histoire de la princesse Abbasa,d'après une /ra-
dition mcfont'fe. (La Femme et la famille et le Journal des jeunespersonnes, 4.6* année, 1878, édition hebdomadaire, 8* volume,
pp. 761-768 et 772-778.)
D'après cette légende, Noureddin, fils de Dja'far et de 'Abbâsa,aurait,
par sa conversion au christianisme, provoqué la chute des Barmé-
cides.
SACY (Silvestre de), Chrestomathie arabe, 2" édition. Paris, 1826,
3 vol. in-8.
Le tome i" contient les textes et traductions, avec introductions et
notes,d'un fragment d'/U-Fa~Arf d'IbnA{-Ti~a~,donnantt'histoiredes
Barmécides (texte, pp.t-~t, et traduction, pp. t-77), et d'un passage des
Prolégomènes d')bn Khaidoûn retatif au mariage de Dja'far et de
'Abbàsa(texte, pp. HQ-)37; traduction, pp. 370-4:) cf. DESLANE,/Vo-
tices et Extraits, t. XIX, t" partie, pp. 26-29).
ScHEFEh (Ch.), Notice sur l'histoire des Barmécides (dans le t. )! de
sa Chrestomathie persane. Paris. <886, gr. in-8,pp. 3-t3 des notes).
Esquisse faite d'après les auteurs orientaux, persans et arabes. Elle
sert d'introduction aux extraits de J'ouvrage inédit jusqu'alors deYezd!.
VAXSY (G.), Djaafar le Barmécide (Revue orientale e< américaine,
IM, 1860, pp. 73-96).
Récit de la chute des Barmécides.
NOTES
SURLES
Musulmans du Caucase
ZELIM-KHAN
LE MOURIDISME
NOTES SUR LES MUSULMANS
DU CAUCASE
M. M. Pavlovitch, dont les lecteurs de la Revue du Monde
Musulman ont plus d'une fois apprécié la documentation
indépendante, si sûre, et les jugements si autorisés dans
lesétudes persanes d'actualité politique,nous avait demandé,
il y a longtemps déjà, si la Revue était au courant des aven-
tures extraordinaires de l'abrek Zelim-Khan, au Cau-
case. De cette conversation était né un double désir.
M. Pavlovitch voulut bien donner satisfaction à un pre-
WteryœM,eM nous remettant l'intéressante étude qui ouvre.
les « Notes sur les Musulmans du Caucase ». Nos lecteurs
sauront gré, une fois de plus, à l'éminent correspon-
dant de la grande Revue russe, Sovrëmyennik, auteur de
nombreux ouvrages substantiels et importants sur la
politique étrangère internationale, justement réputés en
Russie dans tous les milieux libéraux, d'avoir appelé
leur attention sur undes problèmes que la politiquemusul-
mane de la Russie se <OM~e appelée à résoudre. Celui des
rapports de l'Administration du Caucase, avec les ~o?!<a-
gnards, n'est pas un des moins sérieux, et l'exposé de
M. Pavlovitch appelle bien des réflexions sur les méthodes
suivies.
Le second désir suscité par l'histoire de Ze/t~Aan était
REVUE DU MONDE MUSULMANi36
plus complexe. Nous aurions souhaité pouvoir faire une
mise au point, approchée, du rôle et des agissements des
« Ordres religieux », des-«gens de la Voie», au Caucase.
L'hypothèse d'unrapport entreZelim-Khan et la Tariqat,
suffisait à justifier ce Meu complémentaire.
S'il ne se trouve pas rempli aussi complètement que
nous l'eussions souhaité, ce n'est pas faute de peine, ni
de temps, mais de documentation. n'y a peut-être pas un
pays du monde où il soit aussi difficile qu'en Russie de
se procurer les ouvrages de librairie, les plus courants,
dès qu'on n'est pas sur place et que fe sujet peut sembler
de nature à confiner avec la « Politique ».
En même temps que l'auteur des recherches qui suivent
l'étude de M. Pavlovitch dépouillait ce qui se trouve en
Bibliothèque, à Paris, nous avions cherché à nous procu-
rer, en Russie, des ouvrages qui doivent vraisemblable-
ment exister dans le commerce. Mais nous n'avons pas
été plus heureux que précédemment, dans diverses tenta-
tives à Saint-Pétersbourg, Moscou et ~a~aM.
Voici donc, sans plus deretard, les notes réunies spécia-
lement pour la Revue, comme commentaire et suite de
l'article de M. Pavlovitch. On remarquera qu'elles sont
réunies par des transitions, plus ou moins valables, ten-
dant à ~'tKterpretaftOM des données recueillies. Qu'on nous
permette à ce propos de formuler un troisième ~ceM.
Il semble que le gouvernement militaire du Caucase
soit, de toutes les administrations européennes, en pays
musulman, celle qui détient la documentation la plus an-
cienne sur les « ~~at'res musulmanes ». Déjà en /N~y, à
une époque où les A rchives de l'Algérie étaient à peine
embryonnaires, celles de la Chancellerie du Lieutenant de
l'Empereur à Tiflis se révélaient comme particulièrement
riches, à M. de ~attt~o~, qui y découvrait un dossier
portant le titre de Renseignements sur les endroits révérés
par les Musulmans du Caucase et où ils se rendent en pèle-
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE .37
rinage (i). Si on rapproche ce souvenir des conclusions
admiratives qu'implique la lecture des Sbornik du Cau-
case, on ne peut douter qu'en effet, la publication des dos-
siers musulmans du Gouvernement général de Tiflisocrait singulièrement instructive et utile, d'où le souhait
d'une impulsion de la « politique indigène » musulmane
de la Russie, exactement dans le sens documentaire que nous
.souhaiterions voir adopter par la polïtique musulmane de
la France,
En arrivant au bout des Notes sur le Mouridisme,;
nos lecteurs comprendront ce désir sans qu'il soit besoin
de le développer. Il suffit de songer à ce qui se passe sous
nos yeux au Maroc, pour apprécier deux ordres de faits.
Sans les mises au point que la critique historique, socio-
logique et juridique permet seule de réaliser, les adminis-
trations européennes, quelles ~M'e//esso!'e~, errent inévita-
blement en matière de politique indigène musulmane. Elles
créent elles-mêmes les Abdelkader, comme les Chamyl.
Elles ignorent d'abord les Heïba et les /a!'sseM~ grossirsans s'en apercevoir, puis ensuite, elles en font des « sul-
/<!MS e<, e~ ~K de compte, s~ ~roM~e~ avoir consacré M?t
e~ort considérable, à des résultats piètres, comme c'est le
cas pour Zelim-Khan.
Le travail spécialisé se trouvede son côté réduit aux fonds
de Bibliothèques, ou aux investigations fragmentaires
et limitées, faute des concours administratifs que l'admi-
nistration devrait, dans soit propre intérêt, prodiguer avec
un libéralisme s~oM<aKé. est probable que si les poli-
tiques musulmanes de la France et de la Russie se doutaient
à quel point elles facilitent les intrigues deleurs adversaires
étrangers, par la méthode des cartons fermés, elles se
demanderaient ce que co~<ee~ rapporte aux Anglais la
()) M~ntOtre ~Mf /M Inscriptions MM~M/ManM du Caucase, par M. N. DE
KHANIKOPP (/OMrtt<t/M~o<~Me,t86a, n' 8, p. 3).
REVUE DU MONDE MUSULMANi38
méthode des Gazetteers et des Handbooks substantiels, h'a-
vaux collectifs dirigés.
On en connaît au moins une réalisation dont le Maroc
n'est pas pour nous l'équivalent celle de l'Égypte. Le
Report on Egypt de f~~p-No et les études préparatoires
qu'il représentait, permirent ~'AKg'~<effe de s'avancer,
à coup ~~r, dans le champ d'opérations d'où le concept
d'une armée égyptienne imaginaire écarta la France.
La Russie et la France peuvent en outre ~eMar~Mer,
chacune à part soi, ce qui leur advient, faute du régime si
simple et si pratique auquel l'Angleterre doit, en partie,
l'Empire des Indes, sous le Gouvernement de trois cents
millions de « natives ~arc:'naMaM(e w:7/eJ?Mro~e~. //eM
résulte pour la France qu'elle s'engage sans cesse au
Maroc dans des voies qui ne sont pas celles où on sefigurait
aller, et la Russie en est à se débattre dans des histoires
de Ze/M-a?:.
St' <!0t)ftgt2.
A. L. C.
ZELIM-KHAN ET LE BRIGANDAGE
AU CAUCASE
Depuis douze années un « brigand du Caucase, abrek
insaisissable, le céièbreZeiim-Khan, sème la terreur dans
le pays entier. Depuis douze ans l'armée russe le poursuit
en vain à travers les forêts et les montagnes de la Tchetch-
nia et du Daghestan depuis neuf ans le gouvernement et
l'administration du Caucase s'efforcent de découvrir de
nouveaux moyens de lutter contre le terrible abrek.
Et non seulement Zelim-Khan reste en liberté, continuant
ses exploits, mais, de plus, il multiplie le nombre de ses
adhérents, et trouve toujours le moyen de combler les
pertes insignifiantes subies par ses bandes.Une légende s'est formée sur ce fait inexplicable. L'État
russe a appelé 435.5t3 hommes sous les drapeaux en K)t2
sur le pied de paix, il entretient i.5oo.ooo soldats dans les
casernes son armée est numériquement supérieure aux
forces réunies de l'Allemagne, de l'Autriche, de l'Italie et de la
Turquie; et, avec son million etdemi de soldats, ses 200.000
cosaques, son corps de gendarmes, et ses dizaines de miniers
REVUE DU MOKDE MUSULMAN!0
de strajniks villageois (t) à cheval, ce puissant État ne peut
venir à bout de la petite troupe de Zelim-Khan. Comme
résultat d'une guerre acharnée de douze ans il n'enregistre
que des insuccès matériels et des préjudices moraux. Faut-
il s'étonner que cette épopée fantastique ait fait voir en
Zeiim-Khan un personnage inexistant, créé par l'imagina-
tion apeurée de la population, ou par l'administration locale
désireuse de maintenir l'état de guerre dans le pays
Sans énumérer tous les exploits de Zelim-Khan, il suffit,
pour donner idée de la situation, d'indiquer quelques épi-sodes de l'histoire des deux dernières années. Ils montre-
ront comment se manifeste le brigandage du Caucase.
t" Au commencement de !()!o, Zelim-Khan enlève un
riche éleveur de moutons nommé Miésiatzev. Pour lui
rendre la liberté il exige une rançon de 18.000 roubles
(47.000 francs).
2" Le 20 mars de la même année, Zelim-Khan attaque en
plein jour la Trésorerie du gouvernement à Kizlar. Des
rumeurs sur la préparation du coup de main l'avaient pré'cédé. Depuis deux jours, tout le monde savait que ZeHm-Khanmarchait sur Kizlar et devait arriver à midi. Une compa-
gnie du régiment de Chirvan se tenait sous armes dans le
bâtiment de la Trésorerie. Néanmoins, le 20 mars, vers
midi, la troupe de Zetim-Khan entre à Kizlar en ordre de
combat et attaque la Trésorerie. La compagnie perd plu-sièurs hommes le trésorier et quelques autres personnes
tombent sous les balles de Zetim-Khan et de ses gens puis
(<) Gardes champêtres; ils sont en Russie armés de fusils et forment des
détachements.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE t~t
les assaillants remontent à cheval et se sauvent en empor-
tant ~i .024. roubles (108.000 francs).
Des détachements accourus de divers côtés les poursuivent
sans résultat, en perdant 16 tués et 4 blessés, dont 2 mor-
tellement (;).3° Le 20 septembre igto, Zelim-Khan attaque, dans la
gorge d'Oussin, le détachement duprince Andronikov et
tue le prince ainsi que plusieurs cosaques.
4." Zelim-Khan attaque la Trésorerie de Naltchik ses
gens forcent la porte du bâtiment et se jettent sur la garde.
Une compagnie accourt, les repousse et les poursuit mais
ils réussissent à se sauver emportant leurs blessés.
5° Le t5 septembre tgn.près du village Botlikh à la
limite des provinces de Tersk et deDaghestan, Zelim-Khan
se signala par un nouvel exploit sanglant.
Uncommuniqué officiel relate l'événement
Tiflis, 16 septembre. La chancellerie du vice-roi de Caucase et le-
Département des voies de Communications ont reçu de Temir-Khan-
Choura la nouvelle d'une agression particulièrement téméraire d'une
bande dirigée, selon toute évidence, par le célèbre Zeiim.Khan, contre
les membres d'une commission qui inspectait les routes.La commission comprenait le lieutenant-colonel Tchikaline, ingé-
nieur militaire des voies de communication, chef de la deuxième sec-
tion de la division de Tiflis; l'ingénieur Orlovski, directeur de travaux
de la section de Daghestan l'ingénieur Youtzevitch, chef de la troisième
section et le contrôleur en chef de ia Trésorerie de Tiflis, Vartchenko.Une escorte de 14 hommes commandés par un ofScier accompagnaitla commission.
Le t5 septembre, la commission quitta de nuit Botlikh, malgré un
avertissement annonçant l'agression préparée.
(i) Sept individus furent arrêtés et jugés pour participation au pillage deJa Trésorerie de Kizlar. La Cour martiale, qui les jugea, prononça le3f mai '9'2, les condamnations suivantes: Medjid Tasouïev condamné à
mort, Khatit Makhiitov à f5 ans de travaux forcés, AbdouJ-Mouslim Mah-moutov et Ivan Orlov, cosaque istamisë, à 6 ans tous les deux. Les troisautres furent acquittés. Les auteurs principaux de l'agression et les autres
participants n'ont pu être arrêtés.
REVUE DU MONDE MUSULMAN1~2
A peine arrivée à Kerket, où la route circule dans une gorge au piedde rochers à pic, elle fut assaillie de coups de feu tirés d'une embus-
cade. L'attaque fut si inopinée et si vive que les arrivants pris à l'im-
proviste ne purent même pas se défendre. Orlovski, Vartchenko, t'of-
licier, tous les soldats de la garde et trois cochers furent tués sur place.Youtzevitch disparut et l'ingénieur Tchikaline fut fait prisonnier. D'aprèsles dernières nouvelles, il a réussi à échapper aux brigands et à s'en-
fuir, légèrement blessé. On vient de recevoir de lui une dépêche dedeux mois <!Je rentre.
6° Le bruit de cette affaire mit l'administration du Cau-
case dans la nécessité de tout tenter pour mettre la main sur
l'insaisissable abrek. En octobre tgt t, le chef du district de
Vedeno, informé par ses agents secrets que Zelim-Khan
était attendu dans levillage de Staro-Sounj, à 20 kilomètres
de la ville de Grozno, en avertit immédiatement par télé-
graphe le chef de la circonscription militaire, Morgani.
On forma un détachement composé de deux compagnies
d'infanterie, d'une demi-sotnia de cosaques et d'autant de
cavaliers du régiment de Daghestan, en tout, 5oo hommes
environ pour s'emparer de Zelim-Khan. Le dimanche, vers
3 heures du matin, ce détachement cernait le village avec
toutes les précautions utiles. Le lieutenant Epifanov se
dirigea avec une partie des soldats vers les deux maisons
des frères Adouïev où, d'après les informations reçues,
Zelim-Khan devait se trouver avec ses abreks.
Cette fois, on pouvait croire Zelim-Khan tombé aux
mains de la force armée. Il en fut cependant autrement.
Quand les soldats s'approchèrent des maisons d'Adouïev,
la porte d'une des maisons s'ouvrit subitement et cinq in-
digènes armés de fusils apparurent sur le seuil. Des coups
de feu partent auxquels les soldats répondent de leur côté.
Les premières balles tuèrent raide le lieutenant Epi-fanov et blessèrent les soldats Lachenko, Grenov et Adou-
line. Les Tchetchenzes eurent de leur côté comme blessés les
deux frères Adouïev et deux femmes. Mais Zelim-Khan
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE ~3
et ses abreks profitèrent de ce moment de désordre. Ils rom-
pirent la chaîne des assaillants et s'enfuirent.
Sans la dépêche d'une agence officielle, les journauxrusses auraient
probablement hésité à insérer cette nouvelle
de peur que les autorités n'y vissent une atteinte à t'armée;ils auraient pu croire aussi à une mystincation.
Le 18 octobre igti, on enterra solennellementà Groznyi
le lieutenant et les soldats tués àStaro-Sounj. Zelim-Khan
resta en liberté. Onimagine l'impression que cet évé-
nement fit sur la population du Caucase et on comprend
que lepersonnage de Zelim-Khan soit devenu légendaire.
Mais les mésaventures des autorités du Caucase n'en res-
tèrent pas là.
7° Le todécembre 1911,des dépêches,ofnciettesetprivées,
conçues comme il suit, paraissaient dans les journauxrusses
Qroznyt, 10 décembre. Zelim-Khan. Le commencement de la
/îft. Le célèbre abrek Zelim-Khan est assiégé par la force armée, avec
plusieurs de ses compagnons, dans une grotte. Il se défend désespé-rément. La fusillade coûte déjà deux morts et quatre blessés. Des ren-
forts sont envoyés sur le champ de bataille.
Vladlkavkaz, to décembre. On reçoit un message télégraphiquedisant que l'on a réussi à entourer Zelim-Khan dans les montagnes du
district de Vedeno. La fusillade est engagée en ce moment. La situation
de Zelim-Khan est sans issue.
Vladlkavkaz, <o décembre. Voici des nouvelles complémentairessur Zelim-Khan
« Le prince Karaoulov, chef du district de Vedeno, qui recherchait
Zetim-KtMn, avait reçu des informations secrètes surf'arrivée du célèbre
abrek avec quelques-uns des siens dans le voisinage du village Khoro-
noï, son pays. Zelim-Khan se proposait sans doute de passer )à l'hiver,
dans une grotte située à un endroit inabordable, au milieu de rochersdéserts. La grotte est organisée pour y habiter. Hier matin un déta.
chement du prince Karaoulov a réussi à la découvrir. Des coups de
feu en partirent à l'approche des soldats. Entourant la grotte et dissi-
mulés sous des saillies de rochers, les soldats engagèrent alors le
combat contre les abreks. Une fusillade acharnée continua toute la
REVUE DU MONDE MUSULMAN'44
journée, avec de courtes accalmies. H y a deux cavaliers tués et quatre
blessés. On ignore les pertes des abreks.<La bande de Zelim-khan reste dans la grotte, assiégée par la troupe.
On a envoyé aux assiégeants de Groznyi un renfort de 2 et t/2 M<nM~
(centaines) du régiment de Daghestan et de Vedeno, des sapeurs avec des
engins à pyroxyline. On se propose de faire sauter la grotte. On croit
que les heures de Zelim-Khan, et non plus seulement ses jours, sont
comptées. »
H n'en fut rien. Une fois de plus, pour tout résultat,
Zelim-Khan se sauva en tuant plusieurs soldats.
Voilà le récit de la fuite de Zelim-Khan d'après l'officieuse
Golos ~ay~a~!
La fuite extraordinaire de Zelim-Khan s'est organisée
d'une façon très simple. Le commandant des troupes, le
prince Karaoulov étant entré en pourparlers avec lui par
l'intermédiaire d'un berger et d'un parent de l'abrek, pour
sa reddition, Zelim-Khan répondit
« Va dire au chef du district que je me rendrai à lui et à
son détachement, s'il me montre, en ce moment même, une
dépêche ou un papier du ~ar disant qu'on enlèvera toutes
les amendes infligées à des innocents et que, de plus, on
graciera de l'exil tous ceux qui sont détenus à cause de
moi. Sinon, dis au prince Karaoulov qu'aujourd'hui
même, avant minuit, je m'en irai de cette grotte, malgrétout et malgré tous. Jusque-là, j'attendrai sa réponse, »
Le prince Karaoulov renvoya le parlementaire avec une
mission diplomatique. Zelim-Khan répondit non moins
diplomatiquement. Les pourparlers continuèrent sans
interruption jusqu'au matin, et le matin Zelim-Khan dis.
parut.
Voici comment l'administrateur du Caucase raconte cette
disparition. Avant l'aube, un homme vêtu d'une bourka et
d'un baschlik et tout couvert d'armes étincelantes et bru-
yantes sortit tout à coup de la grotte, en s'élançant du ro-
cher dans le précipice. Les cosaques abasourdis au premier
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE i45
XX. 10
instant se lancent à sa poursuite, et l'incident met un trouble
indescriptible dans le camp des assiégeants. Des cris, des
coups de feu, un remue-ménage. On découvrit finalement
que l'abrek emmitouflé qui se jeta sans peur dans le pré-
cipice, avait été fabriqué par Zelim-Khan avec un samovar,
une marmite, une bourka, etc., et précipité dans le gouffre
pour tromper la troupe. Au moment où les plastounes se
jetèrent après la poupée, Zelim-Khan sortit tranquillement
de la grotte et disparut dans les sentiers de montagne.
On comprend que Zelim-Khan semble aux indigènes,
et à la population russe, un héros invincible, ne craignant
pas l'armée russe entière. Vladikavkaz, centre militaire du
Caucase, et base de la puissance russe dans la région, se
remplit du bruit, des rumeurs et des récits sur l'insaisis-
sable abrek. Zelim-Khan devint un fantôme, un Haroun-
ar-Rachid local. JI apparaît aujourd'hui par ici, demain
par là, tantôt sous l'apparence d'officier de cosaques, tantôt
sous les haillons d'un mendiant, ou dans la tchourka d'un
marchand ambulant. Poursuivi par la police et par l'armée,
il est introuvable. On a peur de Zelim-Khan à Grosnyi et à
Kizlar, comme à Piatigorsk et à Kislovodsk, et on est per-
suadé qu'aucune puissance ne peut sauver de lui.
« Tout est possible dans notre province, disent les
habitants de Vladikavkaz aux incrédules. Zelim-Khan est
le maître de sa parole. S'il a dit qu'il enlèverait quelqu'un,
il l'enlèvera. Les soldats et les cosaques n'y feront rien. »
Cependant, on est en état de guerre: les patrouilles à
pied et à cheval circulent, les compagnies de soldats pas-
sent avec un bruit de fusils, les cosaques s'élancent au trot.
11 semble qu'une nombreuse armée ennemie assiège les
villes du Caucase et menace de les prendre d'assaut. Les
hommes perdent tout sang-froid ils s'abandonnent à la
panique générale, et les nourrices menacent les enfants mé.
chants «Attends, je vais te donner à Zelim-Khan »
REVUE DU MONDE MUSULMANt~6
III
Qui est-ce donc, ce Zelim-Khan
Simple brigand,criminel pour son profit,ou vengeur des
outrages et oppressions que subissent les indigènes du Cau-
case r'
Zelim-Khan a toujours sur lui le portrait de Chamyl.
et ce fait suffit à prouver que le terrible abrek se considère
lui-même comme combattant pour la cause du peuple.
Zelim-Khan explique ses actes de brigandage par des
vengeances de race. Voici ce qu'il écrivit à un de ses coreli-
gionnaires, l'officier Donougaïev:
« Maintenant, sachez que j'ai tuéles représentantsde l'au-
torité parce qu'ils ont illégalement exilé mes pauvres gens
en Sibérie. y a actuellement en Sibérie neuf des miens, tous
innocents. Ensuite, quand le colonel Popov était le chef du
district de Groznyi, il y eut une révolte, et, par amour-propre,
les représentants de l'autorité et de l'armée massacrèrent
de pauvres malheureux. En l'apprenant, j'ai rassemblé ma
bande et pillé un train à Kadi-yourt. J'y ai tué les Russes
par vengeance. On mit ensuite à ma poursuite, comme
vous maintenant, un certain colonel Verbitzkii. Il com-
mit aussitôt des iniquités. Pour commencer, il se jetaavec sa troupe sur le bazar ouvert du village Goudermès
et y tua au marché de pauvres ~t'a~/M. L'autorité approuva
les actes iniques de Verbitzkii et les sanctionna. Voici dix
ans que je suis abrek et je n'ai jamais commis pendant
tout ce temps d'actions aussi horribles que celle que Ver-bitzkii a commise en une seule heure. Alors j'ai réuni mes
gens et je me suis préparé à attaquer Kizlar par vengeance
contre Verbitzkii parce qu'il était chef du district de Kizlar,
etje lui avais fait dire d'avance que je marchais sur Kiziar.» »
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '-t7
En quelque mesure que nous acceptions ces explications
de Zelim-Khan et, que nous croyions ou non à sa sincérité,
il n'en est pas moins certain que les motifs qu'il allègue sont
d'un grand poids pour la population indigène. Ils donnent à
ses exploits une base d'idéal et même la valeur d'une cause
d'intérêt commun.
Le brigandage au Caucase, en général, et les actes de Zelim-
Khan en particulier ont donné lieu à une quantité d'articles
dans la presse russe. Parmi les travaux consacrés à cette
question, de remarquables articles de M. A. Piéchékhonov,
parus dans la revue ~OMSsAofe Bo~o en juillet,septem-bre et novembre ign, méritent surtout l'attention.
M. Piéchékhonov, qui a naguère servi dans l'armée au
Daghestan, connaît le milieu, non seulement pour l'avoir
étudié avec soin sur documents, mais aussi par ses observa-
tions directes et personnelles. M peint de couleurs vives la
situation locale qui oblige les montagnards du Caucase à
porter constamment les armes et qui les jette dans la voie
du brigandage. Suivant lui, la responsabilité du brigandage
en Caucase revient aux autorités russes.
M. Piéchékhonov parle en détail du« détachement volon-
taire temporaire de Verbitzkii. formé pour exterminer les
brigands ». Verbitzkii, dit M. Piéchékhonov, était « plutôt
bienveillant pour les populations indigènes ». « Les
hommes ne sont pas du bétail, » disait-il dans un ordre du
jour « s'ils n'obéissent pas à la voix, il faut employer
contre eux les baïonnettes, les sabres ou les balles, mais
non le fouet et les poings. »
Voici cependant son début. Informé qu'une bande de bri-
gands devait venir pour vendre le. bétail volé au bazar de
Goudermès.où se rassemblent jusqu'à cinq mitteTchetchèn.
zes, Verbitzkii décida d'en profiter pour désarmer la popu-
lation. Les officiers reçurent secrètement, à l'insu même de
la police locale, l'ordre d'arriver avec leurs hommes à Gou-
REVUE DU MONDE MUSULMANt~S
dermès, de cerner le marchéetd'enleverles armes. Les mar-
chands du bazar se virent donc tout à coup assaillis par les
cosaques, qui se mirent à les dépouiller en criant: «rends les
kindjals, rends les armes » L'officier et les cosaques frap-
paient avec les fouets et les crosses des fusils, d'abord ceux
qui ne se dépêchaient pas assez de sortir les kindjals, puis
ensuite tout le monde en bloc. Le starchina d'aoul (chef du
village) Anzor Dounaïev témoigna: « J'ai entendu un bruit
comme si l'on frappait avec'les crosses des fusils. Je suis
accouru et j'ai vu trois indigènes par terre, sans connais-
sance. Qu'est-ce? demandai-je. L'officier de cosaques Yaïtz-
kov me demanda à son tour: « Et toi, qui es-tu ?x* A ma
réponse: «Je suis lestarchina d'aoul, » l'officier cria en me
couvrant d'injures: «Frappez-le! » Il me frappa lui-même
trois fois avec son fouet sur la tête et sur l'épaule. Alors l'ou-
riadnik (t) se mit à me frapper du fouet, et les cosaques à
coups de crosses. !)s m'ont cassé une dent de devant à la
mâchoire supérieure et deux dents à ta mâchoire inférieure;
en outre ils ont ébranlé deux autres dents. »
On ne découvrit pas de brigands au bazar; par contre,
certains habitants, brusquement assaillis, ayant voulu résis-
ter, les cosaques tirèrent. Ils tuèrent trois hommes et en
blessèrent dix autres. Le détachement de Verbitzkii subit
lui aussi des pertes il eut un homme et un cheval blessés.
On avait enlevé en tout aux habitants 8 vieux fusils,
2 revolvers et 98 kindjais. On leur avait pris en outre une
quantité d'autres objets, surtout en argent les cosaques
ne dédaignèrent pas les pièces de monnaie non plus. Tous
les tués étaient des indigènes paisibles et innocents. On
comprend l'impression produite sur la population par cette
singulière défense contre les brigands.
Dans leurs rapports avec les agents de l'autorité publique,
(t) Sous-officier des cosaques.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '~9
les indigènes se heurtent à la violence et à la cupidité et ce
fait a été signalé plus d'une fois par Verbitzkii lui-même,
qui dénonçait les connivences des fonctionnaires de l'admi-
nistration. C'était la violence aussi que les indigènes- trou-
vaient du côté des brigands. Mais ils se rendirent vite
compte qu'ils pouvaient défendre eux-mêmes leurs biens,
plus facilement tantôt en repoussant les pillards, tantôt en
payant rançon, qu'avec l'aide des pouvoirs publics russes,
puisque ceux-ci désarmaient les gens paisibles et les
livraient ensuite sans défense aux brigands.
Les autorités russes poursuivent les « malandrins et
exigent des indigènes qu'ils les livrent. « Mais, ? » demanda
avec malice le représentant des Ingouch, Khanghikhoï
Ahmetkhanov au congrès de Groznyi, « lorsque le pristav
(commissaire de police) vole, peut-on l'inscrire au nombre
des malandrins ? En ce cas on serait obligé de faire exiler tous
les pristav. Voilà cinquante ans que je suis au service du
tzar russe, et je n'ai pas vu un seul pristav qui se soit con-
tenté du traitement du tzar. Donnez-nous des chefs qui
servent pour les appointements du tzar et qui ne nous
dépouillent pas. »
C'est ainsi qu'à force d'exaspérer la population par des
cruautés de toute sorte, par des impositions irrégulières et
par des iniquités, l'autorité devient impuissante dans la
lutte contre la petite bande de Zelim-Khan.
Et cependant,l'administration du Caucase a mis en oeuvre
tous les moyens, dans laguerrecontre le brigandde montagne.
On a mis la tête de Zctim-Khan à prix pour 2.5oo roubles.
Cela veut dire que tout citoyen de l'empire russe est librede
se faire son bourreau et de t'exécuter, non pas à la suite du
jugement d'un tribunal quelconque, mais sous le couvert de
l'administration. De plus, par cette mesure, Zetim-Khanest
mis hors la loi. L'État faità son égard ce qu'il avait fait lui-
mème à l'égard de l'État. Il suspend toutes les règles juri.
diques. Toutpassant a.le droit de tirersurlui comme sur un
REVUE DU MONDE MUSULMANi5o
chien. Je ne sais depuis combien de temps la pratique ar-
chaïque de la mise hors la loi est abandonnée dans les pays
civilisés.
Mais le recours à cette pratique n'épuise pas les bizarre-
ries de cette guerre du Caucase entre lecriminel et les pou-
voirs publics. Des deux côtés les méthodes ont un carac-
tère oriental des plus fantastiques.
Avant même la mise de Zelim-Khan hors la loi, sa fa-
mille f!~<<~a?'?'~ee<eM~n'soKK~,etpeude temps après
t</M< jpreser~ d'exiler en Sibérie les habitants des deux
aouls (bourgs), ses voisins.
Ce n'est pas tout. Après l'attaque du détachement d'An-
dronikov, dans la gorge d'Assin,parZeiim-Khan,!e 20 sep-
tembre igto, le gouverneur de la province de Tersk, général
Mikheïev, ne pouvant mettre la main sur l'abrek lui-
même, décida de punir sévèrement les Ingouches (:) de la
gorge d'Assin, malgré l'absence absolue de preuves de leur
complicité. Le général déclara donc aux Ingouches qu'on
leur enlevait le droit de se servir des terres des réserves
cosaques, où les Ingouches s'étaient établis peu après la
(') Les Ingouches sont un des peuples de la province de Tersk. Les indi-gènes de cette province sont composés de
Tchetchènzes au nombre de 227 mille.Ossètes ta.)Kabardines 99Ingouches 53Kara.Noga!s 36
Koumyks 31Autres montagnards 36
II!
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE t5)
conquête du Caucase, c'est-à-dire il y a cinquante ans. De
belles fermes entourées de vergers et environnées de champs
cultivés s'étaient alors élevées dans les terres cosaques.
Peu avant sa mort, le prince G. Andronikov, tué dans la
gorge d'Assin, avait demandé au gouverneur de laprovince
la remise aux Ingouches, en propre, des terres cosaques
par l'intermédiaire de la «Banque des paysans ».
D'après le
correspondant du Rousskoïe Slovo, le prince avait écrit que
l'idée seule d'une rupture des accords conclus avec les
Ingouches lui faisait peur. Le général Mikheïev n'en insista
pas moins pour le châtiment en bloc de tous les Ingouchesdu col
d'Assin; !)s restèrent donc privés de leurs terres, avec
un délai de quatre mois pour en enlever les biens et mo-
biliers.
On peut facilement imaginer la consternation des habi-
tants des fermes'et de toute la population. Après une série
de réunions populaires, les indigènes des vingt et une com-
munes ingouches adoptèrent la déclaration suivante
<: Nous soussignés, ayant entendu la communication du starchina
au sujet des répressions dont il était déjà question dans le discours de
son Excellence le Gouverneur de la province de Tersk aux représen-tants du peuple ingouche, à propos de l'événement survenu le 2o sep-tembre au col d'Assin i
<! Après avoir entendu ladite communication et examiné la situation
faite au peuple ingouche, nous sommes arrivés à la conclusion sui-
vante Durant sa douloureuse histoire, le peuple ingouche entouré
géographiquement de plusieurs peuples Ossètes, Kabardines. Grou-
zines, Tchetchènzes et Russes, avait sur son territoire la voie natu-
relle des communications de tous ces peuples ¡
<!Grâce à cette position des terres du peuple ingouche, il est arrivé
que des traces de crimes menaient sur notre territoire, quoique le cou-
pable appartint à un autre peuple.« Cet état de choses a peu à peu suscité la manière de voir qui fait
du. nom d'Ingouche un synonyme de s crimine) Il a été expfoité parceux qui avaient intérêt à détourner les yeux de l'administration et dela justice des véritables coupables.
a Le résultat en est que tout le fardeau des répressions s'est abattu
PEVUE DU MONDE MUSULMANt5a
sur le peuple ingouche, qui se trouve ainsi dans la plupart des cas avoir
tort, sans faute de sa part.< Sous le poids de cette situation et aussi dans la crainte d'un nou-
veau malheur pouvant s'abattre sur nos têtes, nous avons cherché la
meilleure solution de la question posée par Son Excellence le Gouver-
neur de la province, et pris, d'un commun accord, les décisions sui-
vantes
t. Création de deux cents gardiens ruraux ingouches à cheval, poursaisir la bande de Zelim-Khan et en général pour défendre nos fron-
tières contre le passage des criminels de toute espèce et empêcher leurs
crimes.
Cette police rurale ne comprendra que des Ingouches seuls, des
soldats aux officiers. car ce n'est que par cette composition qu'ellenous donnera la garantie d'atteindre le but sus-indiqué.
3. Une commission composée des représentants du peuple ingouche
sera chargée d'établir les règles d'admission à la police rurale ainsi que
d'en nommer les chefs, avec l'obligation de n'accepter que des hommes
dont la commune garantisse t'honorabitité et la sincérité.
4. Le chef du district de Nazran auquel la commission présentera les
agents de la police, avec leur liste nominative, sera chargé du contrôle
général de la police, immédiatement après la ratification de la présentedéclaration et la formation de la police.
5. La même commission sera chargée, sous la présidence du chef du
district de Nazran, de la répartition des agents de la police dans les
différents points de la ligne de défense.
6. Elle sollicitera du gouverneur de la province l'élaboration et la
publication d'une Instruction pour cette police rurale.
7. Les frais d'entretien des gardiens ruraux serontcouverts au moyen
d'une imposition spéciale dont la même commission sera chargée de
déterminer le taux et de régler la perception.
8. Elle demandera aux autorités la fourniture du nombre nécessaire
de berdankas (t) ainsi que d'une provision de munition, aux frais du
peuple ingouche.
9. Tarif de solde des « gardiens-ruraux ».
)0. Quiconque saisira Zelim-Khan vivant, recevra une récompensede.S.ooo roubles. La prime sera de a.Soo roubles pour qui le livrerait
mort. Une information vérinée sur l'endroit où il se trouve sera payéet.ooo roubles.
)).Les familles des membres de la police rurale tués pendant les
opérations contre la bande de Zelim-Khan recevront comme indemnité,
()) Fusil du système Berdan.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE :53
t.ooo roubles si le défunt était du rang subalterne et 2.000 roubles, s'il
était officier.
)2. Tout Ingouche coupable d'avoir donné asile à Zelim-Khan ou à
ses compagnons ou de leur avoir prêté du secours et le fait dûment
constaté, sera banni de la terre ingouche. Ses biens seront eonnsqués
au profit de )a commune.
t3. Tous les hommes, au-dessus de 15 ans, devront prêter serment
de ne jamais donner asile à Zetim-Khan ou aux siens et de ne les aider
en quoi que ce soit, de même que pour tous les malandrins. Ils jure-ront de ne jamais voler eux-mêmes durant toute leur vie et d'informer
immédiatement les autorités les plus proches dès qu'ils apprendront où
se trouvent Zelim-Khan, ses compagnons et en général tout criminel.
Ils feront eux-mêmes tout le possible pour les faire arrêter s'il est
établi qu'un homme ayant prêté ce serment l'a violé, la commune
dressera procès-verbal de cet acte et l'enverra aux autorités avec le
coupable en sollicitant son bannissement immédiat à perpétuité.
Cette déclaration doit être présentée à Son Excellence le Gouver-
neur de la province de Tersk, à titre de requête générale, par les repré-
sentants du peuple ingouche, en foi de quoi nous signons.
(Suivent les signatures.)
Les Ingouches essayèrent, en effet, de présenter cette dé-
claration au générât Mikheïev. Mais le gouverneur de la
province ne les reçut pas.« H n'y a lieu à aucuns pourpar-
lers entre moi et les Ingouches, tant que Zetim-Khan vit et
agit parmi eux, » répondit le généra)à la demande d'au-
dience de la députation. Les Ingouches se virent opposer fe
même refus par le vice-gouverneur, colonel N. Gaoubov,
qu'ils étaient attés trouver pour lui demander son inter-
cession. Et,comme première punition, ils eurent à payer
~o.ooo roubles d'impôts en retard.
La méthode du générai Mikheïev provoqua, comme on le
sait,un débat sur ta« question caucasienne» à la 3° Douma.
Le 5 novembre tgto,lesMusulmans et les Social -Démocrates
interpettèrent sur les répressions exercées contre une popu-
lation paisible à l'occasion de la poursuite de Zetim-Khan.
REVUE DU MONDE MUSULMAN
La lutte de l'administration de Tersk contre le fameux
abrek Zelim-Khan disait l'interpellation a dévié actuel-
lement en mesures qu'aucun pays civilisé ne tolérerait, et
qui sont dirigées moins contre Zetim-Khan et sa bande que
contre la population ingouche, paisible et innocente. « Le
vice-roi du Caucase sait-il que l'administration de Tersk
avait appliqué à tout le peuple des Ingouches une série de
mesures répressives qui se sont manifestées notamment par
la destruction de deux aouls, par l'émigration dans un dé-
lai de quatre mois, des habitants de fermes existant depuis
des dizaines d'années sur les terres affermées de la popu-
lation cosaque par la perception immédiate de 4o.ooo
roubles; par une imposition de 25 roubles par foyer, au
profit des familles des tués et blessés du détachement du
capitaine Danagouîev; enfin par la suppression, pour le
peuple ingouche, du droit d'avoir des starchina de village. »
Cet épisode montre ce que sont les tendances du gouver-
nement russeau Caucase. Ne pouvantpasarréterZetim-Khan
tui-méme, les autorités se rabattent sur sa famille, ses
parents et ses voisins; puis, en fin de compte, elles privent en
masse les Ingouches des terres, leur unique moyen de sub-
sistance.
Cette question des terres est pour nous la cause prin-
cipale du désarroi indescriptible qui occasionne au Caucase
le brigandage perpétuel. L'homme auquel on a enlevé sa
terre arable et ses pâturages, n'a d'autre ressource que de
prendre un fusil et se faire abrek. Cette détermination lui
procure les moyens de vivre et de nourrir sa famille. Elle
lui permet en outre de se venger de toutes les vexations et
tous les outrages. Et c'est le fond de la question. Remar-
quons que ce mal s'aggrave grâce au caractère spécial de
l'impérialisme russe. Le sans-gêne de toutes les puissancescoloniales à l'égard des biens et de la propriété foncière des
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE )55
indigènes est connu. Nulle part cependant la pratique de
l'expropriation des territoires indigènes ne prend le caractère
qu'elle a dans les pays conquis par les armes russes. En
effet, la question du marché pour les produits russes jouetoujours un rôle très secondaire dans la politique russe de
conquête territoriale. C'est une politique de gros proprié-
taires fonciers, avides de terres, et qui provoquent la con-
quête des pays voisins plus faibles afin d'y accaparer les
meilleurs terrains.
La presse russe a beaucoup écrit, en son temps, au sujet
de la bruyante usurpation des terres des Bachkirs. Les mêmes
faits se sont répétés au Turkestan, en Asie centrale. En ce
qui concerne la Manchourie, on connait par des documents
officiels des cas de tortures et de peines corporelles cruelles
appliquées, sans parler des simples mortels, à des manda-
rins chinois qui refusaient de céder des terrains leur appar-
tenant légitimement.
Si la bureaucratie russe a témoigné d'un pareil sans-gène
à l'égard des terres des hauts fonctionnaires chinois, dans un
pays qui n'était pas encore soumis aux armes russes, quel
frein aurait pu contenir les ambitions qu'excitaient les ri-
chesses foncières du Caucase conquis.
Voilà où il faut chercher l'explication du fait invraisem-
blable qu'un gouvernement qui s'appuie sur un million et
demi de soldats, n'a pas réussi en douze ans à se débarrasser
de la petite troupe d'un Zelim-Khan.
IV
On se perd en suppositions sur les causes de l'insaisissa-
bilité de Zetim-Khan. Comme on l'a vu plus haut, les scep-
tiques affirment que ce n'est qu'un personnage inexistant,
REVUE DU MONDE MUSULMANt56
un mythe, servant d'écran pour masquer les agissements
louches de la police. D'autres, tout en croyant à l'existence
de Zelim-Khan, supposent que ce n'est qu'un simple brigand
comme bien d'autres, mais dont le nom sert à personnifier
tous les exploits des abreks les plus aventureux des dernières
années. Quant au fait même des actes de brigandages aucun
doute. De la presse officielle ou non officielle, jusqu'aux
cadavres des cosaques tués, tout atteste leur réalité.
Parmi les différentes versions qui prétendent expliquer le
cas de Zelim-Khan,unedes plus répandues dans les milieux
russes et indigènes du Caucase est la complicité de l'admi-
nistration. L'existence deZelim-Khan ferait son jeu, en per-
mettant de maintenir dans le pays l'état de guerre. De hauts
fonctionnaires russes seraient intéressés directement aux
pillages, avec participation aux bénénces. Ces accusations
émanent parfois même de personnages officiels.
Voici, à titre de document, un rapport présentéà l'auto-
rité supérieure par le chef de la 2° section du district de
Nazran, Adjiev (t).
Le <g mai tgog. Village Sourkhoki. Deux mois avant l'enlè-
vement de l'éleveurde moutons Miésatzev,un habitant d'Aksa~, nommé
AbU Khasboutat Adjiev Babokov, m'avait dit, à Vladikavkaz, où j'oc-
cupais à cette époque le poste de commissaire du premier arrondisse-
ment, que le chef du district de Khasab-Yourt, ie colonel Kottarewskii
préparait ce coup.
Je n'y croyais pas etl'avais répondu. 11 me semblait impossible qu'unchef de district, un colonel, pût être mete à de pareilles affaires. Au
dire de Babokov, des bandes d'abreks se réunissaient clandestine-
ment dans le moulin d'un certain Kafour Kabardiev, habitant du
village Aksaï, et discutaient le choix d'une victime; Kottarewskii leur
aurait indiqué Miésatzev en disant que si on l'enlevait, lui ou sa femme,
on pourrait toucher une belle rançon. Comme Babokov l'avait annoncé,
le coup se fit deux mois après, Babokov vint alors me trouver à Vtadi-kavkaz et me dit <: Eh bien, tu n'avais pas cru ? tu vois mainte-
(t) ~otMAofe &~ar!<M, septembre )t)H.i.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE .57
nant. En effet.- Babokov pourrait confirmer le fait, et s'il s'y refuse,je demande à être confronté avec lui.
< Signé Le cA~H 9° arrondissement de ~a~ron
« A. ADJfEY. t
Le colonel Kotlarewskii, dont il s'agit, finit par être mis
en disponibilité et livré à la justice, mais, sans attendre le
jugement, il se suicida.
Au printemps de t~tz, l'affaire est venue néanmoins
devant les tribunaux, comme suite à une instance des
parents du défunt qui voulaient le réhabiliter. Sans mise
en cause de sa participation directe à l'enlèvement, Kotla-
rewskii est resté accusé d'avoir retâché les abreks in-
culpés de l'attentat, et le tribunal a conclu au bien fondé
de cette accusation. (Voir le journal Rietch, le 3 mai tgt2.)
Voici mieux encore. Verbitzkii, mentionné plus haut,
a dénoncé tui-méme dans ses rapports au gouverneur de la
province « l'inertie criminelle de certains personnages de
l'administration en faveur des brigands. !) l'a fait dans une
forme et avec une insistance telles que le gouverneur général
a dû se douter qu'il s'agissait de quelque chose de plus que
de l'inaction seule.
Si on se rappelle l'assassinat récent du ministre de l'Inté-
rieur Stolypine par l'agent de l'Okhrana Bogrov. ou l'orga-
nisation des meurtres du grand-duc Serge, du ministre
Plehve,etc., par Azev, agent de l'Okhrana, on arrive à la
conclusion que l'hypothèse de la participation d'un certain
nombre d'agents de la police russe aux brigandages du Cau-
case peut avoir des bases sérieuses. Fait curieux, quelques
représentants de l'administration viennent d'adopter eux-
mêmes ce point de vue. Ainsi, le général Fleicher, gouver-
neur par intérim de la province de Tersk, a déclaré, par un
ordre du 22 mai tai2,à tous les chefs de district et atamans
de sections, qu'il rejetterait la responsabilité de l'existence
REVUE DU MONDE MUSULMAN<58
v
des bandes de pillards non pas sur la population, comme
c'était l'usage jusqu'à ce jour, niais sur les chefs et les
sous-chefs de district eux-mêmes.
Un grand débat s'ouvrira prochainement, devant le tri-
bunal militaire de Groznyi, sur l'affaire du starchina mili-
taire (chef des troupes cosaques) Verbitzkii et de tout un
groupe d'agents, éssaouls, commissaires de police, etc., in-
culpés de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour
l'arrestation de la bande de Zelim-Khan. Ce procès éclair-
cira peut-être le mystère de l'insaisissabilitédeZelim-Khan.
Ajoutons que, parmi les représentants de l'administra-
tion, partisans du système des répressions à l'égard des
populations paisibles, beaucoup voient la cause principale
de l'impossibilité de mettre la main sur Zelim-Khan dans
l'existence au Caucase de certaines sectes religieuses qui
donnent une base d'idées doctrinaires à ses agissements et
qui le soutiennent. Ainsi le général Chatilov,envoyé en sep-
tembre ign pour vérifier ce point, dit dans son rapport au
vice-roi du Caucase, prince Vorontzov,que la cause prin-
cipale de l'insaisissabilité de Zelim-Khan vient de l'aide
que lui donne tout le peuple tchetchène et particulièrement
la secte « Zikra ». On trouve le passage suivant dans la
décision du vice-roi du Caucase,pubtiée le 27 octobre igi i,
au sujet des répressions contre le peuple des Tchetchenzes
« pour recèlement continuel de Zelim-Khan pendant douze
ans » Un obstacle sérieux à la saisie de Zelim-Khan tient
à une secte particulière, nommée « Zikra », dont les adhé-
rents, les mourids, forment sa bande et lui procurent des
armes, des cartouches, etc.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE i59
On lit sur le même sujet, dans l'article cité plus haut de
M. Piéchékhonov
a Deux sectes sont apparues ces derniers temps chez les Ingouches, qui
en nomment les adhèrent- Mu~cA/e~-MA/t (hommes pieux). Une
de ces sectes dont )e fondateur Batyf-Hadj habite t'aou) Sykharki, se
distingue par son fi'Mtf~mf, par une bravoure intrépide, des assas-
sinats, des vois et une intolérance afiant jusqu'à rompreavec les parents
qui n'adhèrent pas à la secte. Les membres de la secte ont comme
caractéristiques extérieures la barbe taillée; ils portent la ~n~A'a
(fusil), deux pistolets et un long kindjal. La deuxième secte, fondée
par Kount-Hadj qui lui-même a disparu, jouit de la sympathie géné-
rale des Ingoucnes, elle compte beaucoup plus d'adhérents et s'est
répandue jusqu'à la Grande Tchetchnia. Ses adeptes se distinguent parleur humilité et leur piété ils ont des bâtons au lieu d'armes et por-tent des ceintures de toile blanche. Ce qu'il y a de commun aux deux
sectes c'est )e -A~, c'est-à-dire une cérémonie spéciale, après le namaz
habituel. On exalte les vertus et hauts faits de Mahomet en accompa-
gnant le chant de claquements de mains, de halètements, de sauts, etc.,
jusqu'à complet épuisement. )}
La secte « Zikra » autrement nommée la « secte des
cheikhs-mourids» apparutau Caucase, suivant les renseigne-
ments officiels, il y a 20 à 25 ans. On pense que les zikristes
ont emprunté leurs croyances et leurs rites aux tournoie-
ments et pratiquesdes derviches de Constantinople.
L'Administration poursuitséverement les zikristes, parce
qu'ils considéreraient Zetim-Khan comme un saint et le ca-
cheraient. « Sept des Cheikhs les plus nuisibles et leurs
familles ont été exilé du Caucase, pour cinq ans, par ordre
du vice-roi, du 26 octobre !<)!
VI
Nous tenons à dire que la presse russe presque enuëre
désapprouve des répressions qui ont pris un caractère des
REVUE DU MONDE MUSULMAN)6o
persécutions religieuses. II est évident pour quiconque veut
raisonner objectivement que la cause essentielle du brigan-
dage en Caucase et de l'impuissance des autorités à le répri-
mer, ne résulte pas uniquement de telle ou telle particula-
rité locale ni de la « secte Zikra » comme certains veulent
le prouver, ni de la complicité ou de la provocation de
quelques fonctionnaires, comme d'autres le prétendent.
Cette cause tient à l'organisation générate, économique et
politique du Caucase. Nous nous associons pleinementà
l'opinion du député du Daghestan, Haïdarov, qui disait à la
Douma, le 23 mai io!2
< Depuis la conquête du Caucase, on n'a pas réalisé une seule amé-
lioration dans la vie économique et sociale de la population. Le gou-
vernement militaire qui fonctionne dans les provinces de Tersk et de
Kouban depuis f888, n'a produit que la ruine et la dépravation des in-
digènes, la mésentente entre les populations et le développement
extraordinaire du brigandage. C'est une conséquence morbide desbesoins non satisfaits de la population. On ne peut y mettre fin qu'en
améliorant la situation des montagnards et non par des répressions ni
par le brigandage de l'administration elle-mème.
a L'exil de familles entières pour la faute d'un seul de leurs mem-
bres trouble profondément les montagnards et n'a d'autre résultat,
que l'accroissement du nombre des brigands les punitions corporelles
et le système d'espionnage et de dénonciations mutuelles ont eu le
même effet.
< La population n'était pour rien dans les agressions de Zetim-Khan
au contraire, elle en informait d'avance les autorités et néanmoins
on la punissait d'amendes excessives, en exilant des aoûts entiers
en Sibérie. Il Importe de mettre fin à toutes ces répressions et de
nommer une commission de revision sénatoriale pour les provinces de
Tersk et de Daghestan; puis d'introduire dans ces provinces le système
des zemstvos ()) en offrant aux indigènes de larges facilités pour la
lutte avec les brigands. f
Un député bien connu, M. Tchkhéidzé a formulé en-
(t) Système d'autonomie provinciale existant dans les gouvernementsrusses proprement dits.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE !6)
M.
core plus nettement son opinion sur la situation au Cau-
case
« La fourberie, tel est le premier commandement de la domination
russe au Caucase. On promet tout en paroles, mais en réalité on a
transformé les écoles en endroits où on se moque des meilleurs sen-
timents de la jeunesse on a en partie ruiné, en partie pillé ce quirestait de l'ancienne civilisation on a dilapidé ou eonnsqué les
terres; la religion ette-méme est suspecte et poursuivie. On a changé
la loi en formalisme sans vie, le travail du peuple est devenu l'objet
d'une exploitation impitoyable.4 Le Caucase a besoin de ce dont la Russie entière a besoin de la
suppression de tous les « états* exception nets, ensuite de la liquida-
tion immédiate du servage infamant, puis de l'aboJition de cette poli-
tique coloniale qui ne rapporte rien en dehors des haines nationales
enfin d'une large autonomie locale et d'entreprises nationales de civi-
lisation. Voici le minimum de ce qui est indispensable pour le Cau-
case. s
Toute )a Russiepensantesignerait ces paroles de Hardarov
et de Tchkhëidzé. Les mesures indiquées par les députes du
Caucase sont le seul moyen efficace de lutte contre le bri-
gandage.M a servi trop souvent de prétexte aux répressions
qui ruinent la population paisible [de la province et em*
pèchent son progrès intellectuel, matériel et social quoique
ce beau pays soit la plus admirable perle de la couronne
russe.
MtCHEL PAVLOVITCH.
LE MOURIDISME AU CAUCASE
1
L'ISLAMISATION AU CAUCASE
Les populations musulmanes du Caucase n'échappent pas
au caractère général du peuplement de cette frontière mon-
tagneuse qui, dressée de la Mer Noire à la Caspienne, sépare
l'Asie arménienne et iranienne et l'Europe slave. Partout,
des enchevêtrements, des superpositions de peuplades et de
tribus, refoulées ou réfugiées dans les hautes vallées inac-
cessibles. Même dans l'habitat des groupements les plus
isolés, il n'est guère de région où des différences dialectales
profondes ne marquent des origines ethniques très dissem-
blables.
Une étude ethnographique des Musulmans du Cau-
case aurait à faire la part de toutes ces complexités. Bor-
nons-nous ici à les signaler, en imaginant, pour la com-
modité de l'esprit, un fractionnement approximatif du
Caucase en trois zones aux deux extrémités, des Musul-
mans au centre, les populations chrétiennes qui représen-tent l'histoire montagnarde de l'ancienne Géorgie.
Au voisinage de la mer Noire, et de là, sur le versant
septentrional jusqu'à la Kabardie, les Musulmans du Cau-
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE t63
case occidental appartiennent aux peuples connus usuelle.
ment sous la dénomination générale des Tcherkesses. Ils
descendent des populations déjà fixées près du Pont-Euxin
à l'époque de l'antiquité classique, et christianisées en partieavant l'Islam, puis, davantage au moyen âge, à l'époquedu royaume de Géorgie.
L'islamisation remonte de ce côté à des origines moins
reculées que chez les Lezguiens du Caucase oriental. Son
développement actif date de l'occupation de Trébizonde parles Turcs en t~.63. Elle est restée essentiellement d'influence
turque.
Chez les Tcherkesses proprement dits, ou Adighés, quisont les plus occidentaux, les Russes ont eu à lutter à la fin
du dix-huitième siècle contre les prédications d'un person.
nage religieux, considéré par la politique locale comme un
agent turc, mais auquel en Russie même on donne
aussi une origine Bokhariote, Cheikh Mansour qui semble
avoir été en réalité l'apôtre agissant de quelque Tariqat
turque. Capturé par les Russes, il mourut en. prison en
[70!. Mais après lui l'islamisation continua, et la plupartdes chefs de clans, encore chrétiens ou païens, se conver-
tirent. Ce fait caractérise l'importance de sa « réforme»,
de son œuvre que continua le <( mouridisme ».
Les Adighés, dont l'organisation sociale rappelait encore,
au dix-neuvième siècle, l'Europe du moyen âge, étaient
socialement le peuple le plus développé des montagnardsmusulmans du Caucase. Ils avaient toute une hiérarchie
sociale, du pschitl, prince suzerain, aux tlékhotl, vassaux
du premier degré, ~e~OMorA, ou arrière-vassaux, vouork,
vassaux en généra), OM~~M, valets armés, loganapout,valets non armés,OM~aou~, paysans etserfs detous degrés (t).
Au dix-neuvième siècle, le mouvement musulman reste
(i) Istoria /!oMft' y A7.X f<~t~ (Histoire de la Russie, au X)X' siecfe).Édition de Granat. Chap. V La conquête du Caucase, par M. PoxMYSK)),p. 3;o.
REVUE DU MONDE MUSULMANt6~
si actif chez les Tcherkesses de l'ouest qu'au moment où
les Russes, vainqueurs de Chamyl, prirent possession du
Caucase oriental, la plus nombreuse de leurs peuplades, les
Chapsougs, préféra l'émigration en masse vers la Turquie
&u cantonnement dans la vallée du Kouban.
11 ne reste dans le pays que 3o.ooo Adighés; 400.000
émigrèrent, laissant derrière eux les ruines d'une civilisa-
tion indigène développée, comme l'attestentencore les ves-
tiges des travaux d'irrigation: En effet, les agents de Chamyl
avaient pris pied chez les Tcherkesses dèsiS~ Les princes,
nobles et chefs de clans adighés refusèrent d'accepter
l'abolition de l'adat, des institutions locales. Mais les Chap-
sougs, Abadzekhes et Nogaïs, se rallièrent aux khalifats
de Chamyl, Hadji-Mohammed(i), puis Soteïman Efendi(2)
en !8~5 et Mohammed Amin en 1847.
Les voisins des Adighés à l'est, sur le versant méridional,
les Abkhazes, auxquels on rattache parfois les Djighètes et
quelques autres tribus, de langues et d'origines différentes,
se sont eux aussi islamisés sous les Turcs, en mélangeant à
leurs anciennes coutumes païennes ce qu'ils avaient retenu
,du christianisme et les rites de t'Istam.
Au nord, les Kabardes sont également classés dans le
langage courant parmi les Tcherkesses. C'est parmi eux
surtout que se recrutait le corps des « Circassiens » de la
garde impériale russe. Au début de l'histoire moderne, ils
occupaient la Kabardah du Térek où ils s'islamisèrent au
contact des Tatars musulmans du Nord. Le dix-huitième
siècle les trouve bataillant contre les Géorgiens, les Russes
et les Tatars jusqu'en Crimée. Mais les Russes occupèrent
la Kabardah pour s'ouvrir la route de Tiflis. Voulant russi-
fier les Kabardes, ils attirèrent à Saint-Pétersbourg tous les
nobles que tenta le voyage. L'un d'eux, Korina Kant-
()) Revue de l'Orient, de l'Algérie et des colonies, juillet t859. < Lettres
sur le Caucase. Schamyl », par M. M GILLES,p. <~8.(z) POUMVSKU,toc. cil., p. 339.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE i65
chokin Khan, ancien chef de la petite Kabardah, chassé
par les clans de la grande Kabardah, se fit chrétien et alla
fonder au nord de son pays, la ville de Mozdok (i). An'ai-
blis ainsi et très divisés, les Kabardes se sont, à une époque
récente, reportés vers l'ouest jusqu'au Kouban, au voisinagedu pays Tcherkesse. On en compte actuellement 100.000
environ.
Au nord du Caucase, le groupement des populations
musulmanes de l'ouest confine au groupement de l'est parla Kabardah. Au sud, les deux zones musulmanes sont
séparées par les territoires qu'occupent les peuples chrétiens
de l'ancienne Géorgie. Leurs tribus montagnardes s'éten-
dent sur la majeure partie du versant méridional du Cau-
case, occupant tout le centre, en s'étendant vers l'ouest et
vers l'est. Elles pénètrent sur le versant septentrional au
moins dans le pays des Ossètes, nominalement chrétiens,
quoique relevant du paganisme indigène et non Géorgiens.
Dans la partie centrale du Caucase l'Islam fit son ap-
parition dès le début de ses conquêtes en Iranie. Dévastée
par les Grecs et les Perses, l'Arménie n'avait pu arrêter les
Arabes qui, arrivés sur l'Araxe en 63o, étaient maîtres de
Tiflis en 646 et en faisaient un émirat en 704 (a).
A cette époque, la christianisation du Caucase n'était pas
encore très développée. Constantin le Grand aurait envoyé
au quatrième siècle, l'archevêque d'Antioche (3) au « Gour-
djistan », dont les souverains se christianisèrent, convertis-
sant déjà quelques clans montagnards à main armée.
Mourwan Agarian soumit assez facilement à Omar la Géorgie
(f) BooMSTMT, Les peuples du Caucase et leur guerre ift'M~pett~OMte.Paris, tMt), p. 38o.
(2) J. DEMORGAS, Mission !C<eM<f/M au CaMMM, t. H, p. 238.
(3) F. BOMMTMT, IOC.Ct'f., p. )94.
REVUE DU MONDE MUSULMAN:66
ainsi christianisée çà et là, et il y eut dès lors une islamisa-
tion importante, en dehors de deux milieux ethniques qui
se montrèrent réfractaires dans l'intérieur du pays et
dans l'Asie mineure, les Arméniens, et au voisinage du
Caucase, les peuples de la race Kartwel, dont la civilisation ne
plia ni devant les Arabes, ni devant lesTurcs etles Persans.
Géorgiens, Iméréthiens, Gouriens, Mingréliens, Souanètes,
ils achevèrent de se christianiser, en réaction contre la con-
quête musulmane, comme les Adighés Tcherkesses achevè-
rent de s'islamiser contre la conquête russe.
H suffit de rappeler les destinées de la capitale du Cau-
case, pour suivre les flux et reflux de l'islamisation et de la
christianisation. L'arrivée des Croisés en Syrie obligea les
Arabes à y concentrer toutes leurs forces. Tiflis eut alors un
roi chrétien, Bagrat IV, et toute la région occidentale de
la Transcaucasie échappa aux influences arabes. Mais les
Turcs islamisés pénétraient déjà dans la région orientale.
En 1088, Tiflis tomba aux mains des Seldjoukides. Puis,
Dawith HI refoula les Musulmans et avec lui les peuples
Kartwell définitivement christianisés sous l'impulsion de
la reine Thamar s'avancent un moment jusqu'au Khoras-
san (i). C'est la grande époque de la Géorgie.
Mais, bientôt, l'invasion de Djenguiz-Khan marque une
autre évolution. Accueilli par les Géorgiens, Mohammed
Chah, du Kharezm, le grand adversaire fugitif des Mongols,est un moment maître deTiflis,devenue sa capitale musul-
mane. Puis, les Mongols arrivent, et à partir de 12~0, tout
le pays relève des khans tatars, en conservant son organi-
sation intérieure sous leur autorité, jusqu'à vers la fin du
quatorzième siècle. On voit à ce moment reparaître les
monnaies des rois chrétiens de Géorgie. Malgré la période
du Timourisme, et la destruction de Tiflis par le nouveau
conquérant d'Asie, cette situation se maintient jusqu'au
()) Cf. J. M MORGAN, <M. Ct't., t. Il.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE !Ô7
milieu du quinzième siècle. Elle prend fin au lendemain de
l'occupation de Trébizonde par les Turcs Osmanlis (:~63).
dix ans après la conquête de Constantinople. A partir de
cette époque, la domination turque s'impose aux popula-
tions de l'Arménie, de la Géorgie et du Caucase, sans d'ail.
leurs beaucoup entamer le christianisme des pays kartwell,
en dehors de l'immigration turque.
Au cours de l'histoire ottomane, les Persans disputèrent
plus d'une fois ces anciennes dépendances de l'empire sas-
sanide aux héritiers du Byzance. En 1722, sous Moham-
med V, les Turcs réoccupent la Géorgie. Puis, Nadir.Chah
s'empare de Tiflis en 1735 et organise son protectorat en
mettant les Bagratides à la tête de la Géorgie (t). Et jusqu'en!yg5, la domination persane se manifeste par des violences
d'islamisation, impitoyables, qui vont jusqu'à la dévastation
de Tiflis.
Mais de leur côté, les Russes avaient commencé depuis
Pierre le Grand à s'engager sur la route du Caucase, par la
Kabardah. ils avaient pris pied rapidement jusqu'au nord,
chez les montagnards chrétiens en s'alliant d'abord aux
Ossètes du haut Térek. Les peuples Kartwell, chrétiens, se
tournaient vers les Slaves chrétiens. En ;783, Héraclius,
prince de Kakhétie et du Khartli, devint vassal de la Russie,
à laquelle son successeur Georges XIII céda définitivement
le « Royaume de la Géorgie ». La paix d'Andrinople ajouta
enfin en tSzg à l'apanage russe les droits nominaux que la
Turquie conservait sur les tribus indépendantes.
On se rend assez facilement compte, en se reportant à ce
résumé schématique de l'histoire locale, du rôle ethnolo-
gique des populations chrétiennes du Caucase méridional
et central, au regard des populations musulmanes. Les
deux civilisations se sont trop interpénétrées pour qu'il ne
subsiste pas en pays musulman des traces des christiaaisa-
()) Cf. BoMMTMT, <oe. cil., p. )g8.
REVUE DU MONDE MUSULMANt68
tions antérieures, comme en pays chrétiens des vestiges de
l'Islam voisin et longtemps maître. Mais, en bloc, les peu-
plements ne sont pas seulement profondément différenciés
par les institutions, les traditions et la culture ou la littéra-
ture indigène ils représentent des antagonismes ethniques
séculaires.
On ne peut guère dissocier les « Géorgiens de l'ensem-
ble du Gourdjistan, de leurs congénères du Caucase propre-
ment dit. Rappelons donc seulement les principaux frac-
tionnements des populations chrétiennes, dont le chiffre
s'élève à i million 1/2 environ.
Les Grouzines des Russes occupent la haute vallée de
la Koura, les montagnes voisines d'Akhaltzikh, le haut
Alazan, et les vallées qui versent tours eaux dans le nord
du haut bassin de la Koura.
Les Pchaves, Khevsours. Touches, sont canton nés dans
les montagnes à l'est des défilés du Darial et occupent égale-
ment les pays des sources de l'Alazan.
Au pied du massif de l'Elbourz, les Svanes ou Souanètes
occupent les hautes vallées difficilement accessibles de l'In-
gour.
Les Lazes ont pour habitat le bassin du Tchorokh.
Puis, sur le versant sud et au pied de ce versant on trouve
les Mingréliens, répartis entre le Tskhénis-Tskhati, le
Rion, les montagnes de l'Ingour et la mer Noire. Les Imé-
retiensde la vallée de la Kvirila et du Rion jusqu'au Tskhe-
nis-Tskhali, les Gouriens, au sud du Rion, etc.
Cette nomenclature incomplète suffit, si on se rapporte à
une carte du Caucase, à donner une idée générale et figu-
rative des rapports du peuplement chrétien et du peuplement
musulman dans l'ouest de ce côté les Musulmans sont en
quelque sorte encerclés par la zone du peuplement chrétien
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE i6g
au sud et à l'est, en même temps que débordés, pénétrés
vers le nord.
Il n'en est plus de même, à l'est de la Géorgie, dans la
zone orientale du Caucase, où il faut distinguer deux caté-
gories de populations musulmanes; le groupe des Kistes et
celui des Lezguiens.
Les Kistes qui comprennent les Ingouches, iesNasranes, tes
Tchetchènes, etc., habitent le pays difficile que les affluents
supérieurs du Térek et de la Sounja traversent au-dessus
de la Kabardah. Leur territoire s'étend à l'est jusqu'auxmontagnes desLezguiens, formantchez les Tchetchènes deux
Sounja, la grande et la petite, séparées par tavattée où les
Russes ont fortement colonisé à la fin du dix-neuvième
siècle.
Étrangères ethniquement aux Tcherkesses et aux Géor-
giens Kartwell, ces populations ont longtemps conservé
leur ancien paganisme. Christianisées superficiellement et
surtout dans la plaine, pendant la grande période de l'his-
toire de la Géorgie indépendante, elles ont été islamisées
plus fortement lors du développement de la Kabardie mu-
sulmane qui les soumit.
Selon Doubrovine, un des toukhoum (famille) les plus
importants, celui de Gounoï, s'est islamisé le dernier, il y
a cent ans environ.
En t8!0, quand les Ingouches se soumirent à la Russie,
ils prêtèrent serment de ndétité au nom de leur Dieu Gal-
gerd (i). Mais le christianisme dominait dans leurs ten-
dances ils acceptèrent plus facilement le régime russe et
ses procédés de conversion. En partie chrétiens, beaucoup
mêlent le Paradis musulman aux saints du christianisme
et aux coutumes pa'iennes. Beaucoup sont musulmans -et
()) BODENSTEDT, /OC. Cf'f., p. 2M.
REVUE DU MONDE MUSULMAN170
même musulmans combatifs. Leur nombre atteint 5o.ooo
environ.
Les Russes trouvèrent au contraire chez les Tchetchènes
t'!s!am organisé et fortement enraciné. Us avaient d'ailleurs
appris à le connaître de longue date, dès l'occupation du
moyen Térek par les « rezzous » de ce peuple, à l'époque où
il formait un petit étatmusutman isolé, sous l'autorité de la
famille des Tourkan. Un de ses derniers représentants,
Ahmed Khan, est resté célèbre pour sa lutte contre les
Russes(t). En i8t8,Yermotovréussitàsoumettre les Tchet-
chènes et à construire sur leur territoire les forts de Groznaïa
etdeOumakhan Yourt. Mais en 1840 ils se soulevèrent de
nouveau, à l'appel de Chamyl, et la Tchetchnia devint une
province de son « émirat », avec Chouaïb-Moutta pour
Naib. Notons dès maintenant que les Tchetchènes étaient
sunnites, comme les Kabardes et les Turcs ou Tatars du
Térek moyen qui les avaient islamisés, tandis que le chiisme
s'était développé au Daghestan à l'époque des conquêtes
persanes. Les Tchetchènes étaient 226.496 en [897 (z).
Le Daghestan, «pays de la montagne », n'est pas occupé
par une population homogène. Quoique ces nombreuses
petites tribus soient usuellement connues sous le nom
de Lezguiens, le Lezguistan ne correspond pas exactement
au Daghestan les deux territoires se débordent l'un l'autre.
Bodenstedt donne les divisions suivantes pour l'époque de
la guerre contre Chamyl (3)
Salataou, sur Soulak, avec6.ooohabitants.Le chef-lieu,
Tcherkey, est devenu une forteresse russe en !8~
Goumbet.
Andi, avec 22.000 habitants.
Koïssoubou, sur le fleuve Koïssou, avec 23. ooo habitants,
(t) BOMMTEBT, <OC. C)< p.(2) AtTOFF, Peuples et langues de la Russie d'après le dernier recensement,
Annales de Géographie, tgoC.
(3) BoMxsTMT, <oc. c)! pp. zSS et suiv.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '7'
hostiles aux Russes, comme ceux d'Andi. Le chef-lieu était
le célèbre aoul d'Himry qui donna naissance à Kazi-Moulla
et à Chamyl.
Le Khanat d'Avarie (Awar), avec z5.ooo habitants, dé-
fendu naturellement par de hautes montagnes entourant
ses vallées. Son chef-lieu, Khounzakh, fut maintes fois
détruit au cours des luttes entre les deux partis des Khanset des Imams. Les Khans payèrent de leur existence leur
attachement aux Russes tandis que le peuple, entre les
cadeaux russes et la crainte des Imams, passait alternative-
ment des uns aux autres.
Le territoire de Mekhtouli. avec 20.00o habitants.
La Sourkhia, avec 8.000 habitants, agriculteurs et éte-
veurs de moutons.
La confédération de Dargo, composée de six tribus avec
20 à a~.ooo habitants, parmi lesquelles la tribu d'Akoucha
tient le premier rang, occupait des terres fertiles en mafs,
millet, riz et vin. Soumise, comme Sourkhia, en )8t8, par
Yermolov, elles s'insurgèrent toutes les deux en t843.
Les riches territoires de Kaïdagh ou Kara-Kai'iakh qui
comptaient i5.ooo habitants, en partie insurgés, en partie
soumis au protectorat de la Russie etgouvernéspar Djamov-
Beg, lieutenant-colonel de l'armée russe, dernier membre
de la famille des Ouzméi détruite par vendetta.
Le Tabassaran, très fertile aussi, où Ibrahim-Beg, descen-
dant de Ma't'ssoum, était maître de lapartie sud (4.000 foyers
avec environ 12.000 habitants).
Le Khanat de Kazi-Koumyk, au climat âpre, pauvre en
bois, dont les habitants fabriquent des étoffes, des bourkas
(manteaux de laine), des armes et objets en argent, était
sous le protectorat de la Russie.
Le territoire de Kourin, avec unepopulation de j5o.ooo ha-
bitants, agriculteurs, éleveurs et industriels, gouvernés par
Yousouf-Beg, sous le protectorat de la Russie.
Le Samour, sur la rivière du même nom, avec le port
REVUE DU MONDE MUSULMAN!72
d'Akhtinskoie et l'aoul Routout.déjà sous le gouvernement
direct des Russes.
Le Sultanat d'Yelissouï, dont les sultans étaient depuis
longtemps vassaux de la Russieetcomblés parelle de faveurs.
Cependant le dernier sultan, Daniel, major-générat del'ar-
mée russe, se déclara, en 1844, subitement hostile à la
Russie. Après avoir renvoyé au commandant en chef ses
insignes et décorations, il organisa une défense acharnée.
Sa capitale fut alors prise d'assaut et les habitants massa-
crés. Daniel s'enfuit et devint l'un des meilleurs chefs de
Chamyl.
Le territoire de Djaro ou Bélokany comprenait une sorte
de confédération de 5 tribus passant pour les plus belli-
queuses du Caucase méridional celle de Djaro composée
de 20 aouls avec t.goo foyers environ celle de Bélokany
avec 3 aouls ou 800 foyers environ la tribu de Taly
avec 6aoulset i.5oofoyers; celle de Moukhakh, avec 3 aouls
et 1.040 foyers; enfin la tribu de Djinikh composée de
4 aoûts et goo foyers. Une douzaine d'autres aouls indépen-
dants appartenaient en outre à ce groupement qui s'éten-
dait ainsi de la rive gauche d'Alazan jusqu'au pied de la
grande chaîne, touchant au nord les terres libres des Lez-
guiens, à l'est de l'Yelissouï, au sud Signakh et Telav, à
l'ouest Telav.
Les habitants de ce pays, couvert de hautes forêts, par-
lent le tatare et aux frontières le lezguien. Ils s'adonnent à
l'agriculture, à l'horticulture, à l'élevage du bétail et des vers
à soie) et sont en commerce animé avec Akhaltzikh. En
t83otoutesces tribus ont été soumises parlesRusses qui eu-
rent à lutter contre l'influence des Turcs et des Persans.
Les Touches, les Pchaves et les Khevsours, de religion
grecque, occupent la partie nord-ouest de cercle de Telav,
très aride et inaccessible. Éteveurs de bétail en majeure
partie, ils sont obligés, à cause du froid, de descendre
l'hiver avec leurs troupeaux dans les steppes d'Oupadar
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '7?
et de Karajoes. Ils comptaient également au nombre des
tribus soumises à la Russie.
Outre ces tribus lezguiennes, il en existe encore un grand
nombre d'autres, comme les Dido, les Kapoutchas, les
Karakhs, les Koubatchis, fabricants d'armes excellentes et
musulmans fervents, etc.
Le dernier recensement russe donne les chiffres suivants
de ces populations 212.692 Avaro-Andiens, !3o.3og Dar-
ghis et ;5g.2t3 Kouzines.
Nous aurons à reparler des Lezguiens, en étudiant leur
adat et leur organisation sociale à l'époque de Chamyl.
Rappelons ici seulement que, bien avant l'Islam, des colo-
nies iraniennes s'étaient déjà fixées dans la presqu'île
d'Apchéron et dans la partie orientale du Daghestan refou-
lant les Lesghiens vers l'ouest. Ce fut probablement ce
qui amena les Arabes maîtres de Tiflis à s'occuper du
Daghestan plus activement que du pays Tcherkesse. M. de
Khanikoff nous a conservé la preuve de cefaitpar ses re-
cherches sur les inscriptions du :Caucase (:). Les Arabes
ne parvinrent pasà s'emparer complètement du Daghestan,
mais ils y laissèrent une islamisation qui survécut à la
renaissance de la Géorgie (2). Presqu'aussitôt d'ailleurs les
Seldjoukides les avaient remplacés dans la région orien-
tale de la Transcaucasie et du Caucase. C'est par eux queles Lezguiens du Daghestan se trouvèrent d'abord ratta-
chés au mouvement musulman asiatique. La venue de
Mohammed Chah, du Kharezm au Caucase, à la veille de
l'invasion mongole, puis l'invasion mongole, suivie de
l'installation des hordes turcomanes dans les plaines du
nord et du sud du Caucase transformèrent l'équilibre
antérieur. Plus tard, les Persans se substituèrent aux Turcs
()) M. N. CE KHANtftOFf, Mémoire sur les inscriptions musulmanes duCaucase. Paris, 1863.
(3)/M., p. 7.
REVUE DU MONDE MUSULMAN174
Osmanlis qui avaient eux-mêmes soumis les Tatares. Si
on envisage la zone de l'islamisation du Caucase oriental,
soit dans la succession des âges, soit dans l'échelonnement
des territoires, on trouve avant l'époque de Chamyl, un
mélange des prédominancessunnitesetchiites.turco-tatares
et iraniennes.
Les Chirvanchah de la presqu'île de Bakou, dont la
domination dura trois siècles coupés par l'intermède
mongol, représentent l'iranisme seldjoukide triomphant au
sud-est du Caucase à partir du sixième siècle de l'Hégire.Bien qu'ils ne fussent pas de la montagne, ils y avaient
des alliés avant la destruction de leur première capitale
par les Mongols en 656 (t). On ne peut douter que l'ira-
nisme ait continué à prédominer jusque-là sous les con-
quérants, en voyant le dernier des Houlagouides persans,Abou Saïd Khan, prendre le Karabagh pour terrain
de chasse (2). 'Après la seconde tourmente mongole,celle du Timourisme, les Chirvanchah redevinrent auto-
nomes, et à la fin du neuvième siècle ils reprennent une
grande situation sous le plus illustre d'entre eux Khalil
Oullah.
Puis, c'est la domination turque. Mais avec les Séfévides,
l'iranisme l'emporte de nouveau, sans que la Perse s'occupeactivement de ces provinces lointaines, même à l'époquede Chah Abbas (3). Si bien que, quand arrive la conquêtede Nadir Chah, il y a mélange, équilibre entre les deux
courants musulmans, partage linguistique et partage reli-
gieux, au moins pour t'Apchéron, le pays de Bakou, car
les rénexes de la domination iranienne se font moins sen-
tir chez les montagnards.
Ceux-ci ont d'ailleurs eu d'autres contacts, pendantles premiers siècles de l'Islam, depuis l'arrivée à Derbent
(<) KHAtfmopF, <oc. et'< p. )3.
(!) /&fcf., p. t3.
(3)lbid., p. 9t. 1.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 175
de l'extrême avant-garde arabe. Là aussi s'était créé un
petit sultanat arabe dont la tradition locale fait re-
monter l'origine à la conquête d'Abou-Moustim que
les légendes populaires donnent « malgré l'histoire (t) »
pour chef aux conquérants arabes du Caucase. 11 est à
remarquer que cette tradition paraît provenir de l'Asie
centrale, du pays de Bokhara, d'où, comme le remarque
intentionnellement M. de Khanikoff, vint aussi le « mou-
ridisme » de Chamyt (2).
Telle qu'elle se présente, la légende locale donne égale-
ment des fils d'Abou Mouslim pour chefs aux petits états
de Derbent et de Chirvan mais pour Chirvan il ne
s'agit que d'un remplacement d'émirat, tandis qu'il y a
fondation d'émirat pour Derbent avec Seïfed-Dine.nIs du
conquérant.
En entrant dans cet ordre d'idées on attachera une
grande importance à la liste des conquêtes d'Abou-Mous-
lim au Daghestan, telle que la donne de Khanikoff d'après
un texte local anonyme (3). En effet, si on compare ces
données et celles que fournit d'autre part Bodenstedt, sur
le fractionnement du Lezguistan au milieu du dix-neu-
vième siècle, il semble qu'on se trouve en présence d'une
légende qui figure et définit en réalité un état de choses
traditionnel. On le comprendra mieux, en notant avec
Bodenstedt que le Lezguistan offre une multitude de dia-
lectes indigènes parmi lesquels on peut, avec un peu de
bonne volonté en imaginer six principaux ceux d'Avarie,
de Dido, de Kapoutsch, d'Andi, d'Akoucha et de Kazi-Kou-
myk (4). Ces dialectes représentent le fond indigène, anté-
islamique auquel se sont superposés deux courants
linguistiques musulmans, l'arabe et le tatare ou turcoman.
(t) KHAXtKOFF) IOC. Cit., p. 25.
(2) Ibid., p. 4J.(3) Ibid., p. 2:.
(4) BODEfSTEDT, /OC. Ct'f., p. 252.
REVUE DU MONDE MUSULMAN.76
On saisit aisément les provenances arabes en se reportant à la
légende d'Abou Mouslim qui « fit pendant sept ans la
guerre au Daghestan (i), attaquant chaque année les habi-
tants de Bab oul-Abvab (Derbent) ». Il conquiert ou cons-
truit successivement, en les islamisant et en y bâtissant des
mosquées, un certain nombre d'aouls où il installe ses fils
ou d'autres parents Koula Kourèh, Akhty (Oukhty où
il met le mari de sa sœur), Ridja, Maqa. Son fils Ibrahim
fait la guerre sainte à Koumyk en Awar. Un autre fils, Serf
ed-Dine s'installe à Mikrakh. Leurs frères, et les petits-fils
d'Abou-Mouslim deviennent de même les Valis de Gou-
rouz, Khnow, Routoul, Chinaz, Qoubbèh, Qarah, Tchi-
toul, Ossongh (2), etc.
Plusieurs de ces noms se retrouvent à chaque instant
dans l'histoire contemporaine, par exemple le khanat
d'Awar, le khanat de Kazi-Koumyk. On a nettement l'im-
pression d'une première tradition musulmane générale se
superposant au fond indigène. Mais il y en a d'autres, et il
est fort intéressant de noter qu'au moment de la conquête
russe finale, on trouve côte à côte le régime du Khanat, du
Sultanat et de la Djemaa, dont les adat se rattachent évi-
demment à des origines dissemblables ethniques et politi-
ques ou par conséquent religieuses.
A côté des influences iraniennes qui, à l'époque du Plr
du Daghestan, se faisaient encore sentir par une impor-
tante diffusion du chiisme, les influences tatares avaient au
contraire contribué à propager le Sunnisme en pays lez-
guien. Actuellement encore, on trouve côte àcôte des Tatars
sunnites et chiites, et leur exemple est caractéristique de
la condition religieuse du Caucase. Il ne faut pas d'ailleurs
oublier la position des Guèbres à Bakou, preuve caractéris-
tique de l'importance des survivances iraniennes.
(f) KOANtKOPF, loc. Cf< p.32.(2) 7<'tW,,pp. 32 et suiv.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '77
M 13
En fait, les « Tatars du Caucase sont pour la plupart
d'origine turque, mais il faut se souvenir que ce sont les
milieux tatars de Bakou, de Derbent, d'Astrakhan qui ont
mis en avant, ces dernières années, l'idée d'une fusion poli-
tique du chiisme et du sunnisme.
Les Nogaïs du Kouban et les Karatchaïs qui occupent la
haute vallée du Kouban, représentent l'élément tatar dans
la grande chaîne du nord en pays de montagnes. Ils con-
finent presque aux Koumyks ou Nogaïs Koumyks quivont de la Tchetchnia au pays de Tarkou, ancien Khanatdont les 60.000 Sunnites, tatars également, ont eu un
moment une grande autorité sur une partie des peuples
lezguiens, leurs voisins. Les Tatares sunnites de Tarkou,
avec leur autre ville, Témir-Khan- Choura, s'étendent
jusqu'au voisinage de Derbent où ils touchent aux Tatars
chiites de Tabassaran, voisins eux-mêmes des Lezguiens de
Dargo.
De là, en descendant vers le sud jusqu'à Chirvan et
Bakou, presque tous les Tatars sont chiites (i), ceux de
Kouba qui confinent aux Lezguiens de Kourin et de Samour,
comme ceux de Chemakha apparentés à leurs congénères
de Chirvan.
En t8o7, au moment du dernier recensement russe, le
nombre de ces « Tatars s'étevait, dans tout le pays de
Caucase, à :.5og.78o; celui des «Turcs Osmantis~, à
!3Q.4to, des Nogaïs, à 64.048, des Turkmènes, à 24.522 (z).
(<) BoMKSTïOT,<oe.Ct'f.,p. :8o et !uiv.
(2) AÏTOFF, ~OC. C(f.
REVUE DU MONDE MUSULMAN.78
Nous n'insistons pas davantage sur ces observations vo-
lontairement brèves et schématiques. Elles ont seulement
pour objet de caractériser 'e~a<yeMeM< le milieu où va
grandir et évoluer le « mouridisme cfe Chamyl, M:eM
unitaire ethnographiquement, par l'habitat montagnard,
et fractionné ethnologiquement, par les différenciations
de races et de ~M~ajM, avec tant d'institutions politiques
et sociales dissemblables, entre les deux grands g'roM.
pements des populations chrétiennes et des populations
musulmanes. Parmi celles-ci les origines et les aboutis.
sements diffèrent. Ici, une islamisation qui ne date en
fait que des Turcs Osnianlis et ne relève que du mouvement
turc. Là, une islamisation de souche arabe, dans laquelle
interviennent le chiisme persan, et le sunnisme turcoman.
C'était le pays le plus admirablement préparé qui ~<!<
~re pour une politique de divisions et d'influences, de
contacts et de cheminement. Les Russes commencent par
jouer habilement cette politique.
Ils se glissent entre Turcs et Persans, en s'appuyant sur
les Chrétiens. Ils séparent les Kabardes et progressent
adroitement cAe~ les Tchetchènes. Ils ont dans la garde
impériale une place d'honneur pour les Tcherkesses et
attirent parmi eux jusqu'aux officiers <c/!e<c/es.
.Puis, débarrassés des Turcs et des Persans, Maires du
pays, ils passent sans transition de la « politique t'ttdt-
gène à russification, à la colonisation, et alors arrive
Chamyl, avec son oeuvre d'unification nationale et reli-
gieuse, t'e~M/<<!?t<e normale de l'erreur, de l'inexpérience,
de la précipitation.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '79
Les petites fautes individuelles, les imprudences de
« o~!M:OK~ administrative, et par conséquent « publique »,
valurent à la Russie vingt-cinq années de retard dans
son entreprise, avec des sacrifices, facilement évitables,
de milliers d'existences et de millions de roubles. Elles
lui valurent le poids lourd que les dominations coloniales,
si impérialistes qu'elles soient, traînent après elles, quand
leurs programmes excluent le souci de la « condition in-
digène ».
LES DÉBUTS DU MOURIDISME
Les auteurs russes sont d'accord pour fixer à !8s3 les
débuts du mouridisme, dénomination courante du puissant
mouvement religieux qui souleva tout le Caucase oriental
contre l'occupation russe. On admet aussi en général que
Moulla Mohammed, de Yaragh, cadi du Khanat de Kou-
rin en Daghestan, prêcha le premier le « mouridisme ».
H avait eu cependant un prédécesseur, un précurseur à la
fin du dix-huitième siècle, le célèbre Cheikh Mansour dont
l'histoire présente en raccourci les grandes lignes de l'his-
toire de Chamyl.
Suivant un écrivain russe (t), le Cheikh Mansour devrait
sa doctrine à des émigrés de Bokhara, « s'il n'était pas lui-
même originaire de ce pays ». Par contre, un officier de
l'armée russe, Tchetchène de naissance, Oumalat Laou-
dat'e.v, assure que Cheikh Mansour était du pays et apparte-nait à la famille des Arestenj.
« Après avoir prescrit un jeûne de trois jours dit cet
aùteur (2), Cheikh Mansour visitait tous les aouls avec ses
()) J. R-v, Natchalo i postepennote razvitié muridizma na Kavkazié
(L'origine et le développement progressifdu mouridisme au Caucase). Revue~!oMM/ft'tAAoM</o/Mff<Mn~t /MA,Saim-Pétersbourg, i85o,n" 32-36.
(2) OuMAt-AT L*ouDtiEV, Tchetchenskoïe piemia (La race tchetchène), dansle Sbornik Mt~~nt')' o ~a~a~AtM Cor~aAA. Tiflis, )872.
n
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 181
mourids en chantant le ~Ar. Les habitants se repentaientde leurs péchés ils juraient de ne plus voler, de ne plus
se disputer, ni fumer, ni boire des boissons fortes, et de
prier Dieu avec zèle, en se conformant aux heures de la
prière. On se pardonnait mutuellement jusqu'au sang
versé. La foule avait reconnu Cheikh Mansour comme
oustad, comme intermédiaire dans les rapports avec Dieu. o
A cette ardeur religieuse correspondait une période de
rapports aigus avec les Russes. La première armée russe
qui venait de pénétrer dans le fond de la Tchetchnia, avait
été mise en pièces aux bords de la Sounja (t). Mais après
les premiers succès l'enthousiasme des Tchetchènes tomba.
Cheikh Mansour dut fuire à Anapa, et en 1701, les Russes
le firent prisonnier en s'emparant de cette forteresse.
Déporté au couvent Solovetzkii, dans une île de la mer
Blanche, il y mourut.
« Après la mort du Cheikh Mansour dit Laoudaïev-
les Tchetchènes firent un imam du premier venu. Ainsi, un
certain Haouka, de la famille des Tchermoï, se trouva pro-
clamé imam contre sa volonté.
« On voit encore aujourd'hui le fossé qu'il avait fait
creuser, pour défendre contre les Russes le passage de
Khantal ce fossé s'appelle Haoukaï-or. »
Nous n'ajoutons rien à ces renseignements sommaires et
d'une valeur incertaine, faute de documentation plus com-
plète. Notons toutefois que si certains donnent à Cheikh
Mansour une origine boukhariote, si Laoudaïev en fait un
Tchetchène, Bodenstedt qui semble reproduire une version
officielle autorisée le place chez les Tcherkesses de l'ouest
et rattache son épopée à des origines turques (2). Les
(t) M. N. PoKMYSKtt, ~OfOfeyam~ ~ayAf!!<t. /<<ort't! Rossii f X/M~M.Izdanié Granata (La Conquête du Caucase, dans l'Histoire de la Russie auXIX' siècle, édit. Granat). vol. V, p. 3:o.
(2) BocEMsrMT, loc. cit., p. 35t.
REVUE ÛU MOMDE MUSULMAN)82
Russes virent même en Cheikh Mansour un émissaire de
la Turquie. Quelle qu'ait été son histoire vraie, elle reporteà la fin du dix-huitième siècle les débuts du « mouri-
disme » par un mouvement religieux, probablement loca-
lisé dans l'ouest, mais dont le retentissement semble avoir
été général.
En 1823, il se produisit un renouveau d'ardeur religieuse,
point de départ du mouvement qui allait aboutir aux
guerres de Chamyl. On doit à Bodenstedt en- particulier
des renseignements circonstanciés provenant des rapports
officiels russes et d'une brochure du général Passek. Unrécit dont l'auteur Khass-Mohammed, fut lui-même un des
principaux tenants du mouridisme, donne à cette source un
intérêt spécial. On retrouvera d'ailleurs les mêmes infor-
mations, avec çà et là quelques détails qui les complètent,
dans beaucoup d'auteurs russes (prince LoBANOV RosTOv-
SKu, Natchalo tMun'c~Ma na ~ay~a~ [Le commencement
du mouridisme au Caucase], dans le Rousskii Arkhiv,
t865. J. R.-v., Natchalo po~e~e~ttOtera~t' etc., cité
ci-dessus), etc..
Khass-Mohammed,alim bokhariotedont Bodenstedt nous
a conservé le récit, était venu étudier les sciences religieuses
chez Moulla Mohammed, un vieux cadi du Khanat de
Kourin, à Yaragh. Son instruction terminée, il retournait à
Bokhara en passant par Chirvan (i), lorsqu'il entendit
parler par un derviche en pèlerinage d'un pieux personnage
habitant l'aoul de Kourdomir. Il alla le voir, et resta chez
lui une année entière. Puis il retourna chez son ancien
()) Chirvan, is)amisë depuis le khalife Othman, est peuplé en Rrande
majorité de Tatars chiites, en plus d'Arméniens et de Persans. Principautéindépendante jusqu'en 1820, Chirvan dont le dernier prince, Moustafa Khan
fut chassé par les Russes, fit en <8!6 une tentative de soulèvement quiéchoua.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE ;83
maître en l'engageant avec enthousiasme à se rendre au-
près de ce cheikh, Hadji-Ismaï!. Moulla Mohammed partit
en enet pour Kourdomir et en revint mourchid, maître
lui-même ès Tariqat ()).
D'après Khass-Mohammed, Hadji-Ismaïi serait arrivé à
la possession de sa science au cours d'un pèlerinage ina-
chevé au tombeau de Hoseïn. Une révélation le pénétra
de deux vérités essentielles les discordes et les luttes entre
« les fils avoués du Prophète sont criminelles d'autre
part « chaque pas du fidèle à la rencontre des ennemis de
la foi est plus méritoire qu'un pèlerinage au tombeau
d'Hoseïn chaque parole de l'imam pour relever le cou-
rage des guerriers de la foi l'emporte, aux yeux de Dieu,
sur la prière (2) ».
Quoi qu'il en soit de cette révélation, le fait pratique est
qu'on se trouve ici, dès le début et de tous les côtés, en pleine
« Tariqat » quoique cet aspect de la situation n'ait été
apprécié à sa valeur ni parBodenstedt, ni par les auteurs
russes consultés,Tous les personnages qui se meuvent dans
le récit sont des « gens de la voie ». Disons de suite qu'il
s'agit de la Tariqat des Nakchabendiya connue fort proba.
blement au Lezguistan avant le renouveau de t823, mais
dont une branche locale se développe à partir de ce moment
avec une intensité croissante. Hadji-tsmaft de Kourdomir
qui eut lui-même pour maître l'imam Khalid SouleYman,
figure dans une chaîne de mourchids des Nakchabendiya
qui se continue après lui, par notre auteur, Khass-Moham-
med deChirvan et par Cheikh Mohammed Efendi de Ya-
raglar en Kourin, pour aboutir à Djemat ed-Dine de Kazi-
Koumyk, beau-frère de Chamyl.
Une opinion russe celle du prince Lobanov-Ros-
())LOBA'<OV-RoSTOYS)f)),/OC.ft7.
(2)BoMKSTBBT,/OC.Ct'<p.4~.
REVUE DU MONDE MUSULMAN184
tovskii ne voit cependant en Hadji-Ismaïl qu'un agent
de la cour persane, envoyé au Caucase pour provoquer
un soulèvement général contre les Russes. L'intervention du
pèlerinage au tombeau d'Hoseïn évoque une affinité
iranienne qui s'explique par le point de départ de Chirvan.
Mais le Nakchabendisme du « mouridisme de !8a3 ne
peut être contesté.
11
Initié à la « vérité éternelle Moulla Mohammed
retourna chez lui et se mit à en prêcher ardemment la
doctrine
« Tels que nous vivons, nous ne sommes ni Mahomé-
tans, ni chrétiens, ni païens. Cependant. notre suprême
bien est la foi de nos pères, et le premier précepte de cette
foi est le principe de la liberté la plus étendue. Nul Mu-
sulman ne doit être esclave ou sujet d'un autre, et bien
moins encore vivre dans la servitude de peuples étrangers.
La seconde condition de cette loi. ordonne la guerre
contre les infidèles et l'accomplissement de la Chariat.
Toutes vos charités aux pauvres, vos ablutions et vos
prières, vos pèlerinages à la Mecque, vos expiations et vos
sacrifices, tous vos actes les plus saints demeureront in-
fructueux tant que le Moscovite en sera le témoin. Vos
mariages même sont nuls lesaint livre du Coran causera
votre perte et vos enfants seront des bâtards, tant que les
Moscovites habiteront parmi vous. Qui sertAllah ne peutser-
viren même temps tes Russes. Visitez les mosquées, pleurez,
.gémissez et priez. écartez le sommeil de vos paupières
et les aliments de vos lèvres. Mais soyez prêts à combattre
lorsque l'heure de la lutte aura sonné Allah m'en avertira
d'un signe et je vous en ferai part (i). »
(t) BOMMTEDT, <OC.€<< pp. ~5) et suiv.- LMAKOY-RoSTOVMt),/oc.<:f<.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE )85
Les prédications de Moulla Mohammed venaient à leur
heure. Depuis longtemps les Lezguiens, les Tchetchènes et
les Tcherkesses, excédés des abus de l'administration russe,
exaspérés des faveurs dont bénéficiaient les populations
chrétiennes, se livraient à d'audacieuses attaques contre les
postes russes. Si les habitants de Kourin n'y prenaient pas
part, une certaine effervescence régnait cependant, et la
haine contre les Russes croissait chaque jour. Moulla
Mohammed eu même besoin de toute son éloquence pourretenir dans l'ordre les habitants de son aoul.
Aussi le bruit de ses prédications se répandit-il dans le
Daghestan entier avec une rapidité extraordinaire. On
venait de tous les côtés à Yaragh pour l'entendre une
foule de fidèles y faisaient des séjours prolongés près du cadi
qui se mettait dans une kheloua en forme de cercueil et
s'y livrait en jeûnant à la lecture prolongée du Koran ou à
la prière. !i acquit bientôt la réputation d'un saint, et le
nombre des adeptes de la nouvelle voie s'accrut prodi-
gieusement. D'après Khass-Mohammed, les « mourids » de
son maître portaient, comme signe distinctif des chachkas
(sabres) en bois, qu'ils frappaient bruyamment en s'écriant,
le visage tourné vers l'orient « Musulmans, ghazavat
guerre aux infidèles 1 »à
Cette agitation et le caractère des enseignements de
Moulla Mohammed ne tardèrent pas à attirer l'attention
du général Yermolov qui commandait alors au Daghes-
tan. Sur son ordre, le Khan des Kazi.Koumyks, Arslan
Khan, convoqua Mouila Mohammed et ses partisans
pour leur reprocher leur attitude. Mais Moulla Moham-med l'exhorta courageusement à renoncer lui-même aux
vanités terrestres pour suivre la « Tariqat ». J'observe la
Tariqat, comme elle est enseignée dans les livres saints,
répondit le Khan. « Tu te trompes, Khan », fut la ré-
ponse de l'alim, « on ne peut pas observer la Tariqat des
fidèles et demeurer en même temps l'esclave des infi-
REVUE DU MONDE MUSULMAN)86
dèles (i). « Arslan Khan, d'abord furieux, finit par se cal-
mer on causa plus tranquillement, et un arrangement in-
tervint les mourids devaient montrer plus de réserve, et
le Khan, de son côté, ne les poursuivrait pas, tout en gar-
dant l'apparence de la fidélité envers les Russes.Ces promesses furent tenues de part et d'autre.
Moulla Mohammed prescrivit à ses disciples le calme
et la prudence, en profitant de la visite de personnages
des autres régions du Caucase, pour les inviter à répandre
sa doctrine dans leurs pays, de manière à donner comme
base à la guerre sainte des territoires que les Rus-
ses n'occupaient pas. Plusieurs des visiteurs du vieux
Cheikh figurent dans l'histoire consécutive du mo-
ment Moulla-Hadji-Yousouf, du territoire de Chamchal,
Chou 1 i- Moulla- Khan- Moharn med, de Tabassaran, Moulla
Djelal ed-Din, du pays des Kazi-Koumyk, enfin un autre
Moulla Mohammed, plus connu sous le nom de Kazi-
Moulla, d'Himri. Ce dernier devint le plus enthousiaste
des disciples du Moulla qui le consacra « mourchid » et
le nomma g'Aa~ chef de la ~ta~a~f (2).
En présence d'une extension inattendue de l'agitation,
jj~ar les groupements d'adeptes qui se formaient dans toutes
les parties du Daghestan, le générai Yermolov ordonna en
t8z5 à Arslan Khan de s'assurer de Moulla Mohammed.
Celui-ci se laissa arrêter sans résistance, mais il s'échappa
en route et se sauva dans les montagnes de Tabassaran où
sa Tariqat comptait de nombreux partisans. L'année sui-
vante d'ailleurs, il retourna chez lui avec l'autorisation
d'Arslan Khan.
A partir de ce moment, on n'entend plus guère parler de
Moulla Mohammed. Le réveil religieux des Musulmans
du Caucase est œuvre accomplie. Maître vénéré, chef spi-
(t) BODMSTMT, IOC. Ctt.
(:) LoBASOV-RoSTOVSftH, /OC. Ct<.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE'87
rituel, il abandonne la direction temporelle du mouvement
contre les Russes à Kazi-Moulla qui avait épousé une de
ses filles. Quelques années plus tard cependant, quand
Kazi-Moulla se fit tuer héroïquement à l'assaut d'Himri,
on vit encore le vieux maître sortir de sa retraite et accou-
rir à Irhama (i), pour lui donner un successeur, Hamsad
Beg.aaa
Favorisée par la guerre contre la Perse et la Turquie.
qui détourna du Caucase l'attention des Russes, la propa-
gande de Moulla Mohammed et de ses khalifats avait pré-
paré à la lutte des milliers de mourids dont le fanatisme
religieux n'attendait plus que le signe du combat
Secondé dès le commencement par Mollah Chamyl, jeuneimam d'Himri, Kazi-Moulla avait été bientôt considéré
lui-même comme un envoyé de Dieu. Son éloquence
gagnait à la cause des aouls entiers et sa renommée devint
telle, qu'en jSzg, le vieux Chamchal Mekhti, de Tarkou, le
pria de venir épurer les moeurs de son peuple (:). En effet,
Kazi-Moulla condamnait sévèrement les erreurs coutu-
mières des Daghestaniens, comme le prouve le passage qui
suit d'une des missives qu'il envoyait souvent à des mollas
et à d'autres personnages lettrés du pays
« Des juifs, des chrétiens, des adorateurs du feu et bien
d'autres peuples encore habitent cette terre tous ont une
religion particulière qu'ils honorent, tous ont des lois qu'ils
respectent. Nous seuls n'avons plus ni religion ni lois ou
plutôt, nous manquons aux deux, parce que nous ne les
connaissons pas. Les chrétiens ont leur Évangile, les juifsleur Talmud, et nous possédons le Koran et la sainte Cha-
riat mais avouons à notre honte que nous ignorons
autant l'un que l'autre. En général, les peuples du Daghey-
( t ) BOMSSMM, loc. C«., p. 496.
REVUE DU MONDE MUSULMANt88
tan, dont vous faites aussi partie, sont adonnés à tous les
vices, à la tromperie, au vol, au mensonge et à l'ivrogne-
rie. » La missive se termine par un appel aux armes (<).
Convaincus d'ailleurs par les exhortations de Kazi-Moul-
la, les habitants d'un grand et puissant aoul, celui de
Tcherkeï, jurèrent de se conformer strictement à la Cha-
riat, en répandant, séance tenante, toutes les provisions de
vin et en brisant les récipients à son usage (2).
Quand son enseignement se heurtait à quelque opposition
et c'était surtout le personnel des mosquées qui cher-
chait à susciter le peuple contre lui en l'accusant de blas-
phémer par des additions au Koran (3) te fervent prophète
ne reculait pas devant l'emploi de la manière forte. C'est
ainsi qu'il mit le feu à la maison d'un de ses propres maî-
tres, Saïd Efendi, le plus âgé et le plus paisible des atim
du Daghestan, parce que, ayant rejeté la nouvelle doctrine,
celui-ci nuisait à son autorité. Saïd sauva sa vie en s'en-
fuyant, et son aoul, Arakan, se soumit a Kazi.Moutta en
donnant des otages, devant la menace d'un traitement iden-
tique pour les autres maisons (4).
La plus grande partie du Daghestan relevait ainsi de
Kazi-Moutta qui, profitant d'un premier succès dans une
rencontre avec les troupes russes dans la forêt de Tchoun-
keskan, lança dans tous les aouls du Daghestan un appel
en arabe (5). !t y disait
« L'heure de la délivrance est arrivée. Allah m'a choisi
(t) BoBEtSTMT,<CC.cit, p. 468.[C'est le procédécourant dans t'évotution de la Tariqat, de la < vote v
teligieuse à la « voie politique. Le Cheikh reproche aux fidèles leur tié-
deur, leur insuffisance religieuse, en leur montrant laguerre sainte, comme
le débouché normal d'une exaltation pieuse plus à son aise dans la « Oha-
zavat » que dans les mortifications et les bonnes oeuvres.]
M/tM., p. 47).1.
(3) BOBMSTEDT, <OC. cif., p. 47~.(4) /tM., p. 473.(5) /tM., p. 478.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE t8g
pour vous transmettre sa volonté. H a soulevé son peuplecontre les infidèles. Bien des signes miraculeux se sont
déjà manifestés pour tranquilliser les vrais croyants et
relever le courage des incrédules et des peureux. La colère
d'Allah a paralysé, sous les yeux de son peuple, la marche
d'une forte armée ennemie, et l'a contrainte à la retraite.« Userait impardonnable de laisser passer le moment
favorable, désigné par Allah lui-même. »
Cet appel amena, en effet, autour de Kazi-Moutta les
hommes les plus hardis du Daghestan. et la guerre pour l'in-
dépendance commença, sanglante et acharnée. En moins
de deux ans (!83t-f832), avec une fougue sans pareillele jeune prophète remporte une victoire éclatante sur les
Russes dans les défilés d'Atiy-Bouiny(!), prend la ville
de Tarkou, bloque les Russes dans la forteresse de Bournaïa,
soumet les populations du territoire de Tarkou, remporte
une victoire contre le général Emmanuel, gagneà sa cause
les peuples de Kaïtach, de Velikent et de Medjis etcontraint
ceux du sud du Tabassaran de se joindre à lui il bloqueDerbend pendant 8 jours, prend Kizlar après une vigou-reuse résistance, remporte plusieurs autres brillants succès.
Assailli enfin par des forces supérieures et assiégé dans
Himri, il s'y défendit désespérément. Entouré de 60 de ses
mourids les plus dévoués, il se nt tuer avec eux, en psalmo-diant jusqu'au bout des versets du Koran, avec une bra-
voure qui remplit ses adversaires d'admiration. Chamylétait dans cette troupe héroïque; il tomba aussi, atteint de
plusieurs balles et fut laissé pour mort sur le champ de
bataille.
La deuxième période de la guerre religieuse au Daghes-
tan commence au moment où le fidèlecompagnon d'armes
())BoDEfSTECT,/t)<C<f.,p.~8fetSt)iv.
REVUE DU MONDE MUSULMANigo
de Kazi-MouUa, Hamsad Beg, originaire de Gotsati en
Awar et intronisé par le vieux Moulla-Mohammed, prend
la tête du mouvement; c'est la plus courte et la moins
fructueuse pour l'expansion religieuse.
Le souvenir de la belle mort de Kazi-MouUa remplit
les mourids d'une nouvelle ardeur. Hamsad Beg sut en outre
attirer à lui beaucoup de soldats russes. 11 en forma même
exclusivement sa garde personnelle. Des officiers passèrent
aussi dans son camp ils l'aidèrent à organiser son armée
et à créer des points fortifiés. Hamsad Beg remporta, en
t833, un premier succès sur des adversaires, les gens de
l'aoul de Khergov, Ahmed Khan de Mekhtouli, Abou-
Mouslim, le futur chamchal, et le cadi d'Akoucha. En
1834 son armée comptait 12.000 à !5.ooo hommes, et il
entreprit la conquête de l'Awar. La capitale, Khounsakh,
tomba en son pouvoir presque sans coup férir, après l'as-
sassinat des membres de la famille régnante. Mais il fut
repoussé des territoires d'Andi et d'Akoucha par les habi-
tants gagnés à prix d'argent à la cause russe.
Hamsad Beg se préparait alors à une seconde attaque plus
sérieuse, lorsqu'un complot tramé contre lui par 40 de ses
mourids mit fin à sa carrière. Deux des conjurés, Hadji-
Mourad et son frère (i), tuèrent traîtreusement leur chef,
en plein midi, dans la mosquée de Khounsakh, pour ven-
ger, paraît-il, le meurtre de la famille des khans. Les autres
mourids présents dans la mosquée furent massacrés par la
population, excitée par Hadji-Mourad. Celui-ci prit, avec le
consentement du peuple, le gouvernement de l'Awar et
envoya demander au chef de l'armée russe des troupes pour
combattre l'armée même de Hamsad Beg. Un seul des
mourids de l'entourage de ce dernier s'était miraculeuse-
ment sauvé Chamyl (2).
(!) BOMMTMT, /0~. Ct'f., p. 5t3.
(a)Ibid., p. 5)5.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '9'
Le vieux mourchid Moulla Mohammed n'étant plus en
vie pour désigner un nouveau chef, ce fut la djemaa des
tribus qui le choisit.
Les anciens des tribus, les cadis et les autres person-
nages importants se réunirent à Gotlokatl (dans la chatne
d'Araktaou), le 20 septembre(2 octobre) j834, et à l'unani.
mité ils choisirent Chamyl pour imam. Chamyl refusa
d'abord, en objectant l'impossibilité de lutter contre un
ennemi redoutable et de gouverner en même temps des
tribus indisciplinées. Une réforme profonde des mœurs et
des institutions s'imposait, disait-il. S'il devenait jamais
imam, il n'hésiterait pas à faire observer la loi de Dieu
dans toute sa rigueur, ce qui mécontenterait beaucoup de
gens. Tous les membres de l'assemblée t'assurèrent de leur
obéissance en lui promettant celle de la foule. C'est alors
seulement que Chamyl se décida à accepter l'autorité qui
lui était offerte. Après la Fatiha, on annonça la nouvelle
aux guerriers des tribus rassemblés qui l'accueillirent avec
enthousiasme (t).
Notons ici une modification dans ~0/on ~M!e~'US-~u'~t ce moment par le « MûM~t'~iSote A M eM&ut, il ne
s'ag'<~Me~e la Tariqat. ~e<A/! ~<C/!a~M~ ~rec/te
le réveil de la foi à C/r~aM 77ae(;'t-/SMat7. Un cadi ~on-
<<!g7tt! Moulla Mohammed vient <!M!er à ses /e(:0)!S
et devient son tMOMrtc~, jpM:s repart cAe~ lui comme nMt<r-
c/;M, comme cheikh de la T'<!?'a<. 7/ développe la doctrine
(') En. Dut.*uoER, La Russie dans le Caucase. /Me des Deux AyoxdM.
t86o, )5juin.
REVUE DU MONDE MUSULMAN<92
de son maître, en la transformant dans le sens des appli-
cations. Afaffre ~t'-Mcme, il a à son tour des disciples et
des adeptes et devient l'inspirateur, le chef d'un mouve-
M:en<g'~tt~t'a~'t<s~M'a/or&~MreMeHf religieux. Mais ~~fe
religieux n'est pas seulement dans la prière et l'observance
de la chariat, il est objectivement dans la résistance des
fidèles contre les infidèles. Nous arrivons à un tournant
l'apôtre éducateur passe à l'arrière-plan, pour faire placeà /'a~<Xre combattant. ~~['-Mo~amMe~, puis Hamsad
Beg, entrent en scène et dirigent les adeptes dans la voie
de la guerre sainte. Point de départ religieux <OM<
sentent ttatt'ono~. C'est en fait le soulèvement du Caucase
indépendant contre les Russes envahisseurs et une foisle soulèvement engagé, la condition temporelle devient
.prépondérante. On le voit par le Miad de Gotlokatl où ce
sont les djemaa des tribus qui choisissent elles-mêmes leur
chef. Mais comme il s'agit d'un mouvement religieux quise déroule, ce chef est un Imam, et comme il a été lui-
MeMe l'auxiliaire immédiat des deux derniers cheikhs, il
reprend leur tradition religieuse en l'adaptant à ses idées
ou aux besoins du moment, en qualité de continuateur de
leur ?):tM!btt, dans la Voie.
CHAMYL
Chamyl allait réunir et organiser toutes les forces des
tribus du Daghestan et de la Tchetchnia pour les enga-
ger dans une lutte qui se prolongea de 1834 à ;85Q. On
trouvera quelques détails intéressants sur sa vie et ses actes
dans le numéro d'avril !Q!0 de la Revue du Monde Mt<
man, d'après les mémoires du Seïd Abdourrahim Hoseïn,
fils de Djemai ed-Din, maître de Chamyl, et lui-même
son beau-frère et gendre. Bornons-nous ici à quelques
données sommaires sur sa biographie.
Né en 1799, en 1797 ou en 1795 suivant les auteurs, à
Himri dans le territoire de Koïssoubou au Daghestan, à
40 verstes de Temir-Khan-Choura, Chamyl avait pour père
Denghan Mohammed, de rang ouzdène et assez riche. Sa
mère, Bakhou-Messedou était fille du bek Pir-Boudakh.
Ali Chamouil, dont le nom européen est devenu Schamil
ou Chamyl, apprit à lire le Koran, sous la direction de son
oncle Khazour, dès l'âge de.six ans, dit Hadji-Ali dans son
« Récit d'un témoin sur Chamyl (t) ». Les plus célèbres
mollas du Daghestan dirigèrent ensuite ses études qu'il
termina en s'initiant à la Tariqat chez Mohammed Efendi.
Proclamé imam, il fit preuve de qualités remarquables
(t) Sbornik M't'~xt) o XafAa~AfAA Gor~oAA. Tiflis, iSy~. < RazskMotchevidtza o Chamilié.
M. 13
II!
REVUE DU MONDE MUSULMAN1~
aussi bien dans l'organisation politique de ses domaines
que dans la lutte contre les Russes. Exilé avec sa famille à
Kalouga, après la prise de Gounib en t85a, il mourut en
1871 au cours d'un pèlerinage à la Mecque et est enterré au
cimetière de Djannat-Aïn-Baki à Médine. Son fils aîné,.
Kazi-Mohammed, resta à Médine, dans un palais offert à
à son père par le sultan.
Nous ne nous occuperons pas ici des faits d'armes et des-
innombrables actes d'héroïsme des mourids, ni de l'audace
et de l'habileté de leur nouveau chef. Du jour au lendemain
Chamyl devint le souverain puissant de tout le Caucase
orienta! et même d'une partie du Caucase occidental. Rap-
pelons seulement que pendant un quart de siècle tes.
Lezguiens et les Tchetchènes, animés et parfois terrorisés
par leur chef, surent résister à de fortes armées russes, en
leur faisant subir échec sur échec, malgré l'infériorité de
leur armement et leur manque d'artillerie.
Les guerriers de Caucase échouèrent cependant, au bout
de vingt-cinq ans, diverses causes sociales, économiques et
politiques s'étant combinées pour amener la catastrophe
nnate. Hadji-Ali, chef de la garde, ingénieur en chef,comp-
table et Mtt'r~a (secrétaire~ de Chamyl, ajoute dans son
Récit aux autres causes de la chute de l'imamât, « la
trahison, l'avidité des conseillers de Chamyl, et l'or russes.
H ne faut pas oublier que, quelques années avant la fin,
on considérait dans les milieux militaires russes la situation
comme très aléatoire. On parlait de cesser les hostilités et
de reconnaître la domination de Chamyl au Daghestan.
L'issue favorable pour la Russie de la guerre turque eut
sa répercussion sur le sort du Caucase. Peu après, le
26 août i85o, le prince Bariatinskii, chef de l'armée russe,
pouvait promulguer son célèbre ordre du jour: « Gounib
est pris. Chamyl est fait prisonnier. Je félicite l'armée du
Caucase. »
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '95
Une transformation sociale profonde marqua l'imamat
de Chamyl. Avant la guerre, l'organisation politique des
Tchetchènes et des Lezguiens figurait une démocratie
patriarcale que leshistoriens
russes comparent, pour les
premiers, à celle des Germains du temps de Tacite/pour
les seconds, à celle des Germains de l'époque de César.
Legar ou le <OMAAouM(famit)e)était chez les Tchetchènes
l'unité sociale, très serrée, dont avec le temps se détachaient t
des haar ou MeA (branches, lignes) qui émigraient faute de
place, munies du ~er (cadeau, impôt) par ceux qui res-
taient. Le lien de race, le était extrêmement fort
entre les membres de la famille qui étaient vejereï ou voja
(frères) les uns pour les autres et dont la cause était épousée
immédiatement par la famille entière (f).
Ils n'avaient pas de familles souveraines, dans les tribus,
avant le contact des Russes chaque toukhoum se gouver-
nait elle-même, par une assemblée de ses membres qui se
réunissaient sur la place publique devant la mosquée et où
tout le monde avait accès. Ces assemblées finissaient par-
fois par une division de la population avec émigration de
la partie vaincue. Les plus âgés servaient d'intermédiaires
entre les familles et de juges à l'intérieur de la famille.
Dans les aouls (bourgs) comprenant plusieurs familles, les
vieillards de chaque famille tranchaient les différends, sans
que le recours à leur juridiction fût obligatoire. La kanla
(vendetta) battait son plein, à peine affaiblie par la mas-
lahat (conciliation). Celle-ci résultait d'une compensation
en argent ou du pardon obtenu par l'assassin qui laissait
pousser ses cheveux que coupait l'ayant.droit. Les deux
partis devenaient alors « frères de sang et juraient sur le
(f) LAOUOAÏEV,/OC. cit.
REVUE DU MONDE MUSULMAN!~6
Koran de cesser toute hostilité (t). Rendus d'abord dans la
maison du juge, Aa~of, les jugements se firent ensuite sur
une place publique appelée khattam, le lieu de l'interroga-
toire, de l'instruction. On nommait ces réunions publiques
mahkama, nom qu'ont conservé les tribunaux populaires
actuels (2). Les décisions des vieillards formaient edil ou
adil (coutume), ou encore adat, au sens local du terme
arabe. Le châtiment du vol consistait dans l'obligation de
rendre l'objet volé en payant des dommages-intérêts au
volé 6 roubles pour un cheval, 3 roubles pour une
vache, etc. Pour le vol à domicile, cette amende montait
jusqu'au double de la valeur de l'objet volé.On distinguait
d'ailleurs, deux catégories de vol le koulou (razzia du
butin de guerre) et le kourkhoul (vol, duperie). Ce dernier
seul était méprisé et puni (3).
La terre appartenait au toukhoum qui se réunissait tous
les ans dans les champs pour les diviser suivant le nombre
de maisons le sort indiquait ensuite à chacun la terre
qu'il aurait l'année suivante. Les bois formaient une pro-
priété commune indivise (4). Quand on acquérait de nou-
veaux territoires, l'assemblée du peuple entier les partageait
entre les toukhoum. Les terres étaient sans cesse une occa-
sion de différends, car si les Tchetchènes montagnards
étaient éleveurs, ceux de la plaine s'occupaient activement
d'agriculture ils fournissaient du pain aux pays environ-
nants, notamment au Daghestan et en exportaient même en
Turquie (5).
Les divisions sociales n'existaient pas, tous les Tchet-
chènes étant égaux entre eux ils étaient tous ou-~MM,
(t) DoUBROVttB,lstoria fOin~ i f/ft~yfcAMfM ~OMMAMAMO~)fAft<M(Histoire de la guerre et de la donuMtion des Russes au Caucase). Saint-Pétersbourg,tS?).
(2) LAOUD*!EY, loc. Ctt.
(3) DowM~ts, toc. cit.
(4) /M~
(5) PoxRorsxn, /oe. ct<.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '97
hommes libres, indépendants (selon l'historien russe Dou-
brovine, ce mot se prononce en tchetchène et~Mc~tt et
signifie celui qui ne dépend que de soi-même eM~M~an
de soi). On raillait et on appelait ~ï, esclaves, ceux quis'installant sur la terre de quelque puissant lui payaientune redevance. Les distinctions sociales ne tenaient donc
qu'aux mérites personnels, tels que courage, piété, charité,
richesse, intelligence, etc. Il existait cependant chez les
Tchetchènes une classe peu nombreuse d'esclaves prove-
nant des prisonniers de guerre, les ~'(esclaves depuis long-
temps) et les iassyr (qui pouvaient encore être rançonnes).
Mais un <a<, ou esclave libéré régulièrement, c'est-à-dire
par acte du cadi avec sa signature et celle des deux témoins,
devenait citoyen, égal en tous droits aux Tchetchènes(t).
On ne manquera pas en notant ces détails de songer à
l'organisation sociale des Berbères montagnards, qu'ils
rappellent par plus d'un point, avec un curieux mélange
d'interventions musulmanes et de coutumes indigènes.
Les Lezguiens chez lesquels on trouvait cependant des
Khanats et des Sultanats, rappelant les dominations musul-
manes du dehors, présentaient les mêmes caractères d'une
constitution démocratique et patriarcale, peut-être plus
primitive. La pauvreté et la stérilité de leur pays obligeant
ses habitants à en sortir les avaient amenés à s'occu-
per de divers métiers ambulants. Des aouls entiers circu-
laient ainsi les deux tiers de l'année, les uns comme ma-
réchaux ferrants, les autres, comme tanneurs, d'autres
encore.comme bijoutiers renommés. En outre, le Daghestan
fournissait à tout le Caucase oriental des mollas, des cadis,
des moutaallims, et en général tous les savants musulmans.
« Ce tas de rochers nus, dit l'historien du Caucase au dix-
neuvième siècle, M. Pokrovskii (a), était peut-être la région
()) COMMUNE, /OC. C~.
(a) /j<o~ de la 7!M~f au X/X' siècle, citée ci-dessus.
REVUE DU MONDE MUSULMAN!g8
la plus instruite du Caucase dans toute famille se respec-
tant, les garçons au moins apprenaient à lire l'arabe. Et
dans ce Daghestan misérable, les disputes théologiques et
l'obédience aux règles de la « Tariqat étaient choses
usuelles. »
Un voyageur russe, M. Vorontzov, qui visita le Daghes-
tan en 1867, était émerveillé de la tenue remarquable
de la ûf;aa (assemblée populaire) des Lezguiens. Les
membres de l'assemblée parlaient sérieusement ils écou-
taient en silence et s'intéressaient fortement à l'objet de la
réunion.
Pour compléter et mettre au point cette esquisse géné-
rale, il faudrait rappeler en détail un des caractères con-
tinus de la domination musulmane au Caucase. Les émirs
arabes, les khans turcs, les atabeks mongols, les khans per-
sans, exercèrent en général leur autorité en la superposant
seulement aux organisations indigènes. Ils établirent ainsi
çà et là, chez les Lezguiens comme ailleurs, des droits fami-
liaux de souveraineté, dont l'exercice laissait intacte le fonc-
tionnement intérieur de la cité, par exemple le khanat
d'Awar, celui de Kazi-Koumyk ou le sultanat d'Yelissouï.
La différence essentielle entre ces « états et les communes
voisines était seulement, que le khan, le sultan, représen-
taient la tradition d'influence d'une famille illustre dont
l'autorité ne s'exerçait d'ailleurs qu'en application de
l'adat.
Avant Chamyl, ce milieu montagnard avait produit des
chefs religieux inspirés et des guerriers en foule, éléments
que le troisième Imam du Daghestan avait à mettre en
œuvre pour construire son état.
Des auteurs russes ont comparé l'oeuvre de Chamyl à
celle d'Abd-el Kader, et même à celle du Prophète. En atten-
dant que les documents conservés par le gouvernement de
Tiflis sortent de ses archives, quelques documents comme
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE '99
le « Nizam deChamyl (t) le « Récit d'un témoin sur
Chamyl (2) » et plusieurs autres, donnent une idée des
principes dugouvernement
deChamyl et aident à mieux
comprendresa
personnalité.
On se rend vitecompte que Chamyl n'avait pas eu en vue
une organisation temporaire pour la guerre. Son œuvre
tendait à une transformation profonde etcomplète,
reli-
gieuse, politique, économique et sociafe, des conditions
d'existence desLezguiens
et des Tchetchènes. Elle marqua
une étape dans l'histoire du progrès des deux pays.
Déjà l'organisation administrative homogène qu'intro-duisit
Chamyl supprimait d'un seulcoup les: cloisons
étanches des familles et des races il divisa tout le terri-
toire soumis à sa domination en naïbats, circonscriptions
de 2.000 à 7.000 de familles, et dont Je nombre atteignit
24 à 25 vers1844-1845. Cinq naïbats formaient une
pro-
vince, à la tête de laquelle se trouvait un chef réunissant le
pouvoir séculier et spirituel. Voici les noms de quatrede
ces chefs deprovince Akhverdi-Mahoma, Kibit-Mahoma,
Hadji-Mourad (3), Daniel-Bek, sultan d'Yelissoui.
Les fonctions des naïb étaient en même temps religieuses,
(f) Sous ce titre, le Sbornik Mt~'en/t o ~oyAn~~t'A/f Gor«<!AA, vol. ))).
publia une traduction de l'arabe en russe, par t'essaout Podkhalouzin, decinq documents copiés dans le livre appartenant Tanous-Mahoma, discipleet naïb de Chamyl, mort à la Mecque en ~64 et dont le fils, Malatchi,
émigra en 1869 en Turquie. Voici le sommaire de ce livre
f. M'~am (règlement, constitution) de Chamyl, composé des chapitres sui-
vants
') Sur les naïbs. 2) Sur la compétence des Muftis et des Cadis. 3)
Sur tes peines applicables aux chefs de centaines, aux chefs de dizaines et
aux simples soldats.
[[. Prescription aux naïbs, et leur réponse.!H. Congrès d'Andie (ses causes, et les décisions prises à cette ae-
semblée).
IV. Prière prescrite pour la djouma.V. Ordres donnés par Chamyl & la réunion de Khounzakh.
(2) 11 a été publié dans le Sbornik jft'~t'enx o ~yAn~AiAA Gof~aAA,
\ot. Vtt (t873). C'est une biographie de Chamyl faite par Hadji-Ali, sorfingé-
nieur, chef de )a garde, comptable et secrétaire.
(3) C'est le même personnage qui tua Hamsad Beg et qui, gouverneur de
REVUE DU MONDE MUSULMAN200
politiques, administratives et militaires ils étaient chargésde faire observer rigoureusement la chariat, de percevoirles impôts, de recruter les soldats, de rendre la justice, etc.
Seuls, ceux des naïbs qui jouissaient de toute la confiance
de l'Imam, avaient le droit illimité de punir, même de la
peine de mort les autres n'avaient que des pouvoirs plusrestreints et devaient en référer à l'Imam pour toute af-
faire importante (i).
Les naïbats se divisaient en districts, confiés aux debirs
et se subdivisaient en communes, dirigées par les mol-
las (2). Enfin, dans chaque aoul, le cadi ou juge en même
temps officier de police, représentait l'anneau inférieur de
la chaîne administrative.
Chaque naïb devait garder réunis, près de lui, 3oo cava-
liers, mourtari, prêts à tout appel de guerre. Chaque dizaine
de maisons fournissait un homme, équipé et entretenu parles neuf autres, et la maison qui avait fourni le cavalier
étant exempte d'impôts aussi longtemps qu'il restait vivant.
D'autres institutions répondant à des besoins nouveaux
vinrent s'ajouter à celles qui avaient été créées primitive-
ment ainsi, des moudirs ou officiers généraux devinrent
les intermédiaires hiérarchiques entre l'Imam et ses naïbs;
des MOM/t~s!'&s furent chargés, comme agents secrets, de
surveiller les naïbs et d'empêcher leurs exactions. Ces deux
institutions reproduisaient le régime turc (3).
L'tmam.chefdet'État, avait auprès de lui une assemblée
consultative, le divan, composé de ses mourids les plus
dévoués et les plus éclairés, ainsi que des chefs de tribus
l'Awar, aida d'abord les Russes à combattre Chamyt. Déchu de son titre
aprés sept ans de service, et menacé d'exil, il réussit à s'enfuir et offrit à
bhamyt de se mettre de son côté contre les Russes. it obtint sa confiance
et devint un des chefs de sa cavalerie et son aide très actif. Après s'être
tendu aux Russes, il tenta de fuir en )852 et fut tué dans des conditions
dramatiques.(M. os GILLES,~e«~ sur le Caucase, cité plus haut.)(t) B06MSTMT, IOC. C)<.
(2) DULAUMEX, <OC. Ctf.
(3) Dut.AM)M, loc. cK.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE :01
les plus influents. Outre les quatre chefs de province men-
tionnés ci-dessus, on connaît les noms de quelques membres
de ce conseil suprême (t) Djemâl ed-Din, le beau-père de
Chamyl, Mohammed Efendi de Kazi-Koumyk, Radjabil-Mahoma de Tcherkeï, Yahya-Kadjio, chef de l'artillerie ru-dimentaire créée sur les indications d'officiers russes,passés au service de Chamyt, Mittlik Mourtazali, comman-
dant de sa garde du corps (2), Khadjio Debir de Karana,enfin deux secrétaires Mohammed-Hadi et Amir Khan.
Les revenus de l'imamat se répartissaient autant qu'on a
pu le savoir en
t" Butin de guerre, dontun cinquième revenait à Hmam
2' Impôts, et en premier Heu,impôt;~Mf de la Chariat,
introduitparChamyl; cet impôt consistaiten a) ;o p. 100
ou 12 p. 100 de la récolte (3) b) 1 p. 100 des troupeaux
c) p. 100 de l'argent comptant, avec exemption pour les
fortunes inférieures à 4o roubles d'argent ou à 5o mesures
(42poudes) de blé;
3° Revenus des donations, parfois d'une grande impor-
tance, des mosquées et lieux de pèlerinage ces « habous »passaient à la caisse de l'armée, mais le personnel des mos-
quées recevait des traitements comme dédommagement.
(t) Dut-AMtM,lac. C('<.(2) Une troupe d'élite, composée de mourids à toute épreuve, tes moMf-
~M~fMof.t, gardait la personnede l'Imam. C'étaient les soldats les plusvaillants à ta guerre, tes mourides les plus pieux, les plus exemplairescomme sobriété et abstinence, et les plus zélés dans la propagation de la
doctrine, en temps de paix. Ils faisaient en même temps la policesecrète deChamyl. Cette garde comprenait t.ooo hommes environ. Elle était orga.nisée décimalement chaque dizained'hommes avait son chef et dix de ceschefs en avaient également un et ainsi de suite. Outre une part spéciale dubutin de guerre, le mourtosigator recevait comme solde près de 6 francs et
demi par jour. (BoDENSTEDT, foc. cil., p. 697 et suiv.)(3) Le butin de guerre ne dépassait que rarement un millier de roubles,
tandis que le revenu de l'impôt sur le blé s'élevait à 435.000 poudes annuel
lement (= 80.000 roubles au minimum). Ce fait et le taux si minime des
impôts autres que celui du blé ont permis à M. Pokrovski, te savant historienrusse de cette période, d'établir que la Tchetchnia, ce grenier du Caucase
oriental, jouait un rote capital dans la guerre dont elle couvrait les fraismatériels.
REVUE DU MONDE MUSULMAN~02
Quant aux derviches, on incorporait dans la milice à cheval
ceux qui étaient valides, en renvoyant les autres (i)
Biensdes combattants morts sans héritiers directs ces
biens revenaient à la caisse de l'armée, au détriment des
tottatéraux (2)
5° Amendes pénales, instituées pour toute infraction aux
règles de la Chariat ou aux ordres de l'imam.
La justice devait être rendue strictement selon la Chariat
avec la suppression de toutes les adat (coutumes) locales.
Mais en réalité le zèle religieux et les nécessités de guerre
faisaient souvent dépasser en sévérité les lois écrites. Les
peines instituées par Chamyl étaient sévères surtout pour
la trahison, la lâcheté au combat, le vol et l'ivrognerie; pour
cette dernière faute la peine de mort n'était pas rare. En gé-
néral « la discipline puritaine du temps de Chamyl rappelait
le régime de Cromwell », dit l'historien russe Pokrovskii,
qui n'a pas songé plus simplement à la réforme wahabite.
Le fumeur, ce qui est également caractéristique, était
frappé d'amende, et en cas de récidive, puni corpo-
rellement. De même, la danse et la musique étaient dé-
fendues, comme d'ailleurs « tout ce qui éloigne la pensée
d'Allah (3) ».
Si le zèle des adeptes devenus « sujets paraissait s'affai.
btir, ou s'il avait à prendre une décision grave, Chamyl
recourait àtaAAa~et–à à la retraite en kheloua avec prières
et jeûne -plus ou moins prolongée. Puis il se montrait au
peuple en lui annonçant une révélation, la volonté de Dieu,
par le Prophète. H n'abusait pas d'ailleurs de ce moyen,
dont l'effet était tel, que, à en croire un passage de Bo-
denstedt, la Chahadat locale serait devenue « Dieu est
grand, Mohammed est son premier prophète et Chamyl
est le second. »
()) BOCESSTMT,<OC.Ct'f., p. 600.
(2) 7tM.. p. 60).
(3)DoUBMv~E, lac. Ct't.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 203
Chamyl se donnait lui-même trois titres différents
j4Mou~-MofOM/ le serviteur du Connu (de Dieu), Abdoul-
Foukard, le serviteur des malheureux; et Emir eJ-AfoM-
ménin ~M< e/.MoM~aA:?: Chamouïl, le prince des
croyants et l'imam des fidèles Chamyl (t).
On connaît plusieurs décorations, instituées par Chamyt.
Une médaille ronde en argent réservée aux chefs de cent
hommes (youz-bachis) porte l'inscription: « Au yuz-bachi
tel et tel pour sa bravoure. Une médaille triangulaire,
destinéeauxchefsde3oo hommes (utch-yuz-bachis), portant
l'inscription « A (suit le nom) pour sa bravoure extrême »,
était plus rare. La troisième et plus haute distinction
consistait en épaulettes et porte-épée d'argent. Elle donnait
rang de prince avec avantages pécuniaires. Elle n'était
accessible qu'aux &ec/M~ae/tM (chefs de 5oo hommes).
Enfin, on cite une grande médaille, en argent, dont le seul
exemplaire connu porte cette inscription en arabe « Il
n'existe pas un second héros qui égale Akhverdi-Mahoma,
ai de chachka valant sa chachka (2). »
En résumé, on trouve dans les institutions de Chamyl un
principe égalitaire, représenté par une organisation admi-
nistrative homogène et une justice uniforme, selon la Cha-
riat, avec suppression des adat locales; un principe démo-
cratique affirmé par le remplacement des chefs héréditaires
pardesnaïbs de touteprovenance; des tendances de réforme
puritaine et enfin l'idée religieuse, dominante et unificatrice
par la conciliation des dissidences doctrinaires.
C'est sur ce dernier point surtout que nous voudrions
pouvoir nous étendre, afin de montrer la succession des
évolutions qui du Nakchabendisme initial ont amené
l'oeuvre de Chamyl à des destinées temporelles, gouverne-
(t) M. DEGILLES, ~OC. C)'<.
(2) Fil. BODEMKDT, IOC. C<(., p. 60~.
REVUE DU MONDE MUSULMAN204
mentales et en même temps religieuses, très étrangères aux
préoccupations du Pir Mohammed Beha ed-Din Nakcha-
bendi.
Au point de vue de la « politique indigène », la littéra-
ture russe administrative aurait peut-être eu quelque intérêt
à se spécialiser surcette objectivité, qui semble avoir été au
contraire négligée. Nous avons dû nous borner à tirer par-tie d'une documentation qui n'est pas aussi complète quenous l'eussions souhaité.
(' LA TARIQAT a
Pour définir le mouvement religieux qui bouleversa le
Caucase et fit du Daghestan un territoire de luttes achar-
nées pendant une trentaine d'années, les historiens de
l'époque, russes et autres, se contententdu terme de mouri-
disme qui n'a pas de signification particulière. Les parti-sans de Chamyl, ses adeptes, ses guerriers étaient ses
« mouri », ses disciples, les « mouridin ech-Cheikh ». On a
retenu le terme, en lui donnant une valeur dénominative,
alors qu'il avait seulement la valeur hiérarchique usuelle
de la Tariqat et précisait les obligations du disciple envers
le maître, du mouri vers le mourchid. Cette définition
a cependant son importance elle établit le rôle fondamen-
tal de la Tariqat dans l'oeuvre personnelle de Chamyl,à l'exemple de celle de ses prédécesseurs.
Des renseignements précis existent sur ce point. Un
des nombreux oulémas du Daghestan, le cheikh Djemal-
ed-Din, de Kazi-Koumyk, beau-père de Chamyl qui
l'estimait particulièrement, a laissé un ouvrage arabe inti-
tulé Adab OM/'Mar~i'a (Règles des convenances) qui
fournit à ce sujet des indications du plus haut intérêt. C'est
à la traduction publiée par le Sbornik ~eK: o ~fAa~-
kikh ~or~aM, v. H, !86o, et faite par Abdoullah Omarov
d'après une copie du livre, incomplète, paratt-il, due au fils
IV
REVUE DU MONDE MUSULMAN206
de l'auteur, Seïd Abdour-Rahman, que nous empruntons.
les extraits qui suivent.
Le livre commence par une préface du copiste, de 3 pages
et demie, dont voici les fragments lesplus intéressants.
« Mon père, Seïd Djemal ed-Din Hoseïn, était originaire
de Kazi-Koumyk. Dans sa première jeunesse il servait de
secrétaire au khan du pays, Arslan Khan. Le khan l'aimait
beaucoup et lui fit cadeau pour son zèle et son dévouement,.
de trois villages dans te khanat de Kourin, sous le nom
général d'Astal les habitants de ces villages payaient un
tribut à mon père. C'est alors que mon père se réveilla subi-
tement des oublis de la vie du monde et se tourna vers Dieu
avec le repentir absolu des péchés dans lesquels il avait
passé sa vie antérieure, au service d'Arslan Khan. Celui qui
vit en compagnie des puissants vit la plupart du temps
dans le péché. H n'en est autrement que de ceux que la grâce
divine sauvegarde. Mon père alla chez un cheikh de la Ta-
riqat des Nakchabendiya, le cheikh Mohammed Efendi de
Yaraglar en Kourin, qui t'initia à la Tariqat et tui donna l'Id-
jaza de la direction dans cette Voie de ceux qui désirent
trouver le vrai chemin.
« A son retour, mon père consacra son temps à la retraite,
à la prière et à l'instruction de ceux qui désiraient s'ins-
truire. La renommée de mon père se répandit au foin dans.les montagnes et la plaine. Kazi-Mohammed et Chamyl
ayant sans doute ainsi entendu parler du pieux Cheikh
Djemal ed-Din, de son rote à Kazi Koumyk et de ses mi-
racles vinrent tous les deux voir mon père pour recevoir de
lui la Tariqat. »
Kazi-Mohammed, raconte alors l'auteur, voulut éprouver
d'abord Djemal ed-Din en se donnant pour un valet. Mais
Djemal ed-Din reconnaît sa ruse et le nomme sans hésiter,
en disant aussi tout ce qu'était son compagnon. Nous som-
mes là dans l'hagiographie traditionnelle de laTariqat. Un
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 20~
autre miracle notoire de Djemal ed-Din fut l'indication aux
fidètes d'un endroit où on trouva, en creusant, un cadavre
très ancien mais parfaitement conservé d'une femme tuée.
dans une guerre contre les Kiafirs.
Kazi-Moulla était revenu une seconde fois chez Djemal
ed-Din avec Chamyl, et tous deux avaient « reçu la Tari-
qat. » Mais Djemal ed-Din eut des difficultés avec le khan
qui craignait probablement son influence croissante, car-
son fils ajoute
« Craignant pour sa vie, mon père quitta Kazi Koumyk
pour Tsoudakhar où il demeura jusqu'à la mort d'Arslan
Khan il retourna ensuite dans son pays et y resta jusqu'àl'avènement de Chamyl. A ce moment il alla habiter avec
lui. Les peuples du Daghestan, de la Tchetchnia et de la
plaine le firent leur oustad, comme ils firent Chamyl leur
imâm. Ce dernier se maria avec ma sœur Zahidat et nous
donna en mariage ses filles, à moi et à mes frères, de sorte
que depuis, ma famille et celle de Chamyl ne firent qu'un.
« Après la conquête du Daghestan, mon père émigra en
Turquie, et le sultan turc Abdul-Aziz l'honora du titre du
Cheikh du Daghestan.
« Au début de t'imamât de Kazi-Mouhammed, mon
père n'était pas d'accord avec lui en ce qui concernait le
soulèvement contre les Russes. II lui écrivit de renoncer à
ces agissemeuts s'il était son «murid dans la Tariqat ».
Mais Kazi-Mohammed n'obéit pas à mon père et présenta
sa lettre au Cheikh Mohammed de Kourin, en lui deman-
dant la permission de combattre les Russes en ces mots
Dieu le très Haut ordonne dans son livre de lutter contre tes
mécréants et les infidèles, et Djemal ed-Din le défend
auquel de ces commandements dois-je obéir?
« 11 faut suivre tes commandements de Dieu plus que
ceux des hommes, répondit Cheikh Mohammed.
« Cheikh Mohammed lui-même ne croyait pas tout d'a-
bord aux cheikhs de la Tariqat, car il ne les avait compris.
REVUE DU MONDE MUSULMAN208
Mais quand il se persuada de leur sainteté et vit leurs mira-
cles, il se repentit et écrivit même des vers à la louange des
gens de la Tariqat. »
Après cette préface signée de Seïd Abdurrahman, la
copie de l'ouvrage de Djemal-ed-Din forme 5 chapitres de
longueur inégale avec une conclusion.
Le premier chapitre, le plus intéressant au point de vue
documentaire, remplit quatré pages. Après les louanges à
Dieu, d'usage, on lit
«H existe beaucoup de Tariqat, mais quatre sont les prin-
cipales. La première voie est celle qui commence avec le
khalife le plus ancien, Abou-Bekr. Lui-même l'avait. reçue
de l'Envoyé de Dieu Mohammed, et Mohammed la tenait
de Dieu tout-puissant. Cette voie s'appelle Nakchabendiya,
car elle appartient au khadjékhan Mohammed Nakcha-
bend. C'est la plus connue. et c'est cette voie qui est
exclusivement répandue au Daghestan et dans ses environs. »
« Maintenant je vais parler des anneaux de la chaîne
de cette haute Tariqat Nakchabandiya. »Voici cette chaîne, tout entière quant aux noms, mais
sans les titres et qualités que l'auteur attribue à chacun, et
en regard, les noms des maîtres de la Tariqat Nakechaben-
diya d'après un ouvrage arabe étranger au Caucase, et
intitulé: «Mt/MA~M<a/î Tariqat <!K-N<e/!a&eK~t)'<!
(LaClé de la Société, sur la Tariqat desNakehabendiya(t) ».
.A~a&o«<-M<!rj«!. M(/MA a/'Ma't/a (a).
Mohammed Abou-Bekr Djafar. Imam Kâsim ibn Mohammed ibn
Abou-Yazid Bastami. Abt-Bekr.
Aboul-Hasan Kharkani. Djafar Ar-Sadik.
(<) Trad. L. Bouvat.(a) Nous donnons ici la chaine comptete elle est fractionnée en réalité
dans le ~</<oA Ma'iya qui donne d'abord la chatne antérieure à Beha ed-Din, puis montre d'autre part la chatne qui se continue jusqu'au Cheikh
Khaiid.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 209
Abou-Ali Harmadi.
Yousouf de Hamadan.
Abdoul-Khalik de Houdjouvan.
Cheikh Arif Rivkeri.Cheikh des cheikhs, Mahmoud
Indjar Hafnavi.
Imâm Mahomed Baba Samassi.
Imam Seid Amir Koulali.
ImAm Mohammed Ot<f<!i'Bo-
jtAaro, cheikh des Nakchaben-
diya.Cheikh Mohammed de Bokhara
(Alaoud.Din Attar).
)mâm Yakoub-Tcharkhde Khazar.
Cheikh Abdoullah de Samarkand
(Khodja'fAhrar).
Cheikh des cheikhs, Mohammed
Zahid.
)mâm et cheikh, Dervtch Moham-
med.
Son fils, Khaadjéki de Samarkand-
Amkanakin.
Cheikh Mohammed Baki.
Cheikh Akhmed Farouki de Sar-
kand.Cheikh des Cheikhs, Mohammed
Masouma.
Son fils, .Cheikh Saïfouddin.
tmam Seld Nour-Mohammed de
Badvan.Imâm Habiboullah de Marzoujan.
Cheikh Abdoullah Dihlavi.
tmâm Khalid Sott/oïHtati.
tmâm tsmaft de Kourdamir.
Imam et cheikh Khass.Mohammed
de Chirvan.
Cheikh Mohammed Efendi de
Yaraglar en Kourin.
Seïd Djemal ed-Din de Kazi-Kou-
myk.
xx.
/)cf<!&ot~-A~t'a. .W/MA a/-A~<ya.
Abou-Yaz!d.Cheikh Aboû') Hasan KherMni.Khod)'a'A)!Ef.Farmed!.
Khodja 'Abd Et.Khafik Ghadjde-
vint.
Khodja 'Arif Rifker!.
Khodja Mahmoud !ndj!r Fagha-
naw~.
Khodja Ali Er-Râmitenl.
Khodja Mohammed Bâbâï Semas!.
Seyyid M!r KoutâLChdh ~a~<-A~~M<Y Behd ~-Dfn
Mohammed B' OMM~' En-
Nadjdjdri.
Cheikh Mohammed Nadjdjart.dit
A)âed-D!n'A)ttar.
Ya'koûb Et-Tcharkh! Et.Hisâr!.
Khodjaï Ahràr Cheikh ObeMout-
tâhSamarkandi.
Mev~anâ Mohammed Ez-Zâhid.
Dervich Mohammed.
Mev)ânâ Khadjegui Samarkandi.
Moayyed cd-Dtn Ef-Ridâ Cheikh
Mohammed E)-Bakt.
Cheikh Ahmed Ei-Fâroûk! Es-
Serbendi,surnommé tmam Rab-bân!.
Cheikh Mohammed Et-Ma'soûm.
Cheikh SeTfed-Dtn.
Nour Mohammed Badount.
Chems ed-D!n Habiboullah Djan
Djânan.
Cheikh Abdallah Dihiev:.
Meviâna Zia ed.Dfn Cheikh Kha.
lid.
'4
REVUE DU MONDE MUSULMAN2t0
Après la chaîne, notre auteur continue ainsi
« Telle est la chaîne des grands maîtres de la Tariqat et de
glorieux oustad de la voie Nakchabendiya. Cette Tariqat
est descendue de Dieu lui-même, par l'intermédiaire de
l'esprit de l'archange, à son prophète Mohammed né à la
Mecque dans la tribu de Hachem et la famille des Ko-reïch.
« Nous dirons maintenant les règles de cette Tariqat
Nakchabendiya (que les croyances élevées de ses adeptes
s'épurent, et que Dieu nous donne leur haute inspira-
tion !).
Abandonnons ici les développements de Djemal ed-Din
pour donner seulement les titres des autres chapitres de son
opuscule
CH. II. Comment le Cheikh accueille l'ahd de son
Mourid et comment il lui fait le Talkin, lorsque le Mourid
entre dans la Tariqat (2 pages).
CH. !H. Règles de la déférence obligatoire des mou-
rids envers leurs cheikhs (2 pages).
CH. IV. Utilité de l'affection sa nécessité pour le
mourid (2 pages).
CH. V. Explication des principes de la voie auxquels
le mourid est tenu de se conformer (3 pages).
Conclusion Utilité de la fréquentation des cheikhs;
de l'affection et de l'estime qu'on doit leur témoigner.
Le « tract se termine par un appendice de Seïd Ab-
dourrahman que nous reproduisons entièrement.
« Toutes les règles exposées ci-dessus se rapportent à la
Tariqat du haut cheikh Khodja Baha oud-Din Nakchabendi.
Cette Tariqat est connue actuellement dans le Daghestan et
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 2)1
les pays l'entourant sous le nom de Tariqat Khalidi-Nak-
<)a6eKc!:ya.
« En dehors de celle-ci nous n'avons actuellement aucune
autre Tariqat. Celui qui la suivra sera sauvé de la perdition
dans la vie future, mais qui s'écartera d'elle et la répudiera,
tombera dans le malheur ainsi que nous l'avons vu nous-
mêmes par notre propre expérience.
« J'ai transcrit ces règles du livre .Ada&ot<Ma~a,
œuvre de la lumière de mes yeux, mon maître et père,
maître aussidans la Tariqat de tous les peuples du Daghes-
tan, de la Tchetchnia et des autres peuples voisins. ~ei<~
Djemaleddin, de Kazi-koumyk. »
2!2 REVUE DU MONDE MUSULMAN
< t
On trouvera en « appendice » quelques extraits relatifs
aux rites et doctrines des Nakchabendiya, tant du Cau-
case que de Turquie, d'après lAdab'oul-Marzia, a!'ajE'res
des documentsqui en suivent la traduction dans le « Sbor-
Kt'A » et enfin d'après la Mi&âh al-Ma'iya.
Notons seulement ici un fait important Seïd AMour-
rahman déclare d'une part que la Tariqat Nakechaben-
diya est devenue exclusive au Daghestan, et d'autre part
qu'elle y est connue sous le nom cfe Khalidi-Nakchaben-
diya. En effet la Silsilat qui se termine à Djemal ed-Dine
co??:jo?'eM~. avant //a~sma:7 de Kourdomir, l'Imam
Khalid Souieïman qui n'est autre queMevldna Zia e~-DfM
Cheikh Khdlid, de la Silsilat de Miftâh at-Ma'iya. Cette
donnée permet d'ajouter ~Me/~Mes précisions significatives
à l'histoire de la Tariqatdont C/!a~M< le représentant
au Caucase et dont il se servit pour <!sseo:r son imamat
militaire.
Mot<MKdZtae~-D?M Cheikh Khdlid, Mourchid à Damas,
avait contme~ee à y ~reeAer, lui aussi, la réforme ??!usu<-
mane dans les premières années du tre~iéMe siècle (H.).
Contemporain et émule du Wa/!aM:'SMe, il mourut à peu
près au moment où son disciple Hadji-Imaïl recevait à
~OMrefomtr le molla Mohammed de Kourin. Le souvenir
de son 6eMfreres<e perpétue ~at' dénomination cfeTariqat
Moudjeddiya Khalidiya adopté par le plus grand nombre
des mourids de Turquie, pour compléter le nom général
du Nakchabendisme, en précisant son évolution (t).
(t) Cf. les Confréries MtMK<m<tM«du //e<< par A. LE CHATELIER,Paris,E. Leroux, 1887. Chapitre des Nakchabendiya, pp. t2g-t6o. On remarqueraqu'il n'est question dans ces 3o pages ni du Caucase ni de Chamyl quoiquele payset l'homme fussent certainement connus des informateurs de l'auteur.Cette lacune dans une documentation presque entièrement orale s'explique,
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 2l3
On se trouve donc au Caucase, ~M~e depuis Cheikh
Mansour, en présence d'un courant local du grand MOM~e-
ment réformateur qui.naquit à la fin du dix-huitième
siècle et se répandit au coMMMeeM: du dix-neuvième
siècle, dans /s~m menacé par les empiétements de /M-
rope. La réforme doit son nom habituel, Ouahabite, à la
~br<MHe exceptionnelle de ses représentants en Arabie, aux
victoires qui les t'e?tcft'ren< nta~res de la Mecque et deMédine e</et<?'~ermt'reM<cfe menacer la domination turque
jusqu'en Syrie. Comme tous leurs continuateurs, les Oua-
habites débutèrent par l'unification et l'épuration de la
foi, par le résout' à la Chariat, pour incliner vers le
~cAf~Me, à l'heure ~M ~'t'o?!M ~rofMozrM.
fMt'eM< les !'?t:'<!<!<eurs, ou ne représentent-ils eux-
mêmes qu'un aMneau, dans une cAa~e qui après eux se
développe en étendant son réseau sur /s/a?n entier
On ne saurait encore le dire exactement. L'histoire du
mouvement qui ébranla tout <'7s/<!m reste à faire dans
ses orties réelles. Elle s'esquisse à peine dans ses abou-
tissements, du Nedjed, à l'Inde de /<?37 et de 7~77, avec les
mourids de Cheikh Idris et les mystiques de la Patna Pro-
paganda du Ot<a/:a~f7;'sH!e arabe au ~:o!MS/SH:e afri-
cain, au ~Vta~t'sMe Nakchabendi de Dantas et au « Mou-
D'~i'SH!~ du Caucase.
Avant C/MHn'/ il ne s'agit que de l'apostolat re/)~i'eM~
du Nakchabendisme r~/br))M<eMr. Apportée de 5'rr!'e ou
de Turquie dans le ~l's de C/ttr~an. bonne parole
passe ait Z.e~g'K;s/<:)! et son .~M~is~e ;'M:r~!e de /ra~i-
tions chiites répond aux conditions du milieu.
Avec les prédécessettrs de Chamyl, puis avec son
/)):<ïH:< isolé du Khalifat ~<e, la )'e/b)'H!e re/e!<se
~'ra):c/u7 /<ron<t'ëre~t< temporel. ~et')tc/t'!efers/(!g'tferre
comme celle qu'on remarque dans r..td<;{' ox/-Aya)-.t«! où il n'est questiondu Cheikh Khalid que dans la Silsilat.
REVUE DU MONDE MUSULMAN~'4
sainte et de la guerre sainte à la guerre nationale, puis à
la création d'un état, d'un royaume de ce monde. La loi
musulmane prétend y détruire l'Adat indigène, mais c'est
pour lui substituer sous prétexte de Chariat, l'Adat parti-
culière de l'Imam. La réforme reste adéquate à son but en
luttant jusqu'au bout contre la conquête russe, mais son
évolution finale, se fixe entre deux limites M<~Mes d'oscil-
lation d'une part CAam~ embauche à son service des
officiers et des soldats nasses; ses concesst'OMS ~a c:M-
tion développent la légende européenne de son épopée
d'autre part, comme son collègue l'Imam de Bokhara, il
construit son pouvoir souverainsur une forte organisation
~oh'oere.Les meilleurs de ses mourids forment sa garde
particulière, une garde de policiers dont lafonction se relie
à celle des mohtasibs, contrdleurs occultes des agents de
l'Imamat. Ce n'est plus la Tariqat, mais c'est le gouverne-
ment absolu et d'attaches congréganistes que l'Asie cen-
trale dut si souvent ses réformateurs. On <'eû< proposé
de toutes pièces <!M~e~M!e?!s e< «Mjc Tchetchènes qu'aucun
ne ~e<}t accepté. Mais la suggestion dera~t'er~oMr~atre
(eM~repteetott un bonengrenage pourles menerde Moulla
Mohammed /MaM C~a~oMt?.
APRÈS CHAMYL
Nous souhaiterions de pouvoir continuer l'histoire des
Nakchabendiya du Caucase après la chute de Chamyl.Mais les documents n'abondent pas. On sait seulement quela vie spirituelle ne s'est pas arrêtée. On en trouve les
marques jusqu'à nos jours, tantôt dans la politique géné.raie des tribus, tantôt dans l'existence intérieure des peu.
pies montagnards. Mais, jusqu'à la fin de l'Imamat de
Chamyl, il n'y a qu'une Tariqat et après lui les courants
mystiques se divisent.
A défaut de renseignements détaillés, voici quelquesindications sommaires.
Un des maîtres ès Tariqat au Caucase, Mouhi ed.Din
Mahomet Khanov a écrit pour l'administration russe une
étude en arabe sur la doctrine et les adhérents de sa voie.
Le traducteur russe, M. A. Omarov(!)a a pourvu cet ouvraged'une préface où on lit
« Beaucoup de manuscrits sur la « Tariqat » sont répan-dus chez les montagnards du Daghestan et, en général,chez les Musulmans du Caucase. La doctrine y est exposée,
()) &tofH~ «'<e~en« o~fAa~t'M Cor~aAA,)V Moum M-DfM ~AHOMBT
KHAXOv,tstinny!e i tojnyïe postëdovateti tarikaM (Les vrai! et )M faux dis-KHANOV,Istinnyïe i lojnyfe poslédovatelitarikata(Lesvraiset les faux dis-ciples de la Tariqat). Traduit de l'arabe.
IV
REVUE DU MONDE MUSULMAN216
comme dans l'ouvrage de Djemal ed-Din, théoriquement,
comme introduction à la vie monacale. Elle semble ano-
dine et même utile mais en réalité c'était et c'est un ins-
trument commode de fanatisme et d'exploitation.
« Tout un parti de ces « gens de la Voie apparait, en
1868, dansée district de Zakatal et acquiert une influence
énorme sur le peuple. Les autorités russes prirent de suite
toutes les mesures nécessaires pour préserver de ce fléau le
peuple trop confiant. L'auteur de l'étude qui suit apparte-
nait à ce groupe. Né dans le village d'Artchi (district de
Kazi-Koumyk au Daghestan), fils d'un bon alim, Maho-
met Khan qui était chargé de fonctions importantes auprès
de Chamyl, Mouhi ed-Din Mahomet Khanov avait reçu une
bonne éducation arabe des savants awariens et kazi-kou-
myks. Marié à 6 ans à la fille d'un cheikh, il devint
son mourid et compagnon.
« Après la conquête du Daghestan, voyant que sa pro-
fession perdait son importance, Mouhi ed-Din tâcha de s'oc-
cuper autrement, sans arriver à gagner sa vie et celle de sa
nombreuse famille. H retourna donc à la Tariqat, allant
faire tous les hivers un séjour dans le district de Zakatal
où il ouvrit une école. Cela lui rapporta. D'autres individus
sans instruction se donnant pour cheikhs de Tariqat pas-
saient de même pour des saints, dans le peuple si ignorant.
Mouhi ed-Din commença pardénoncer)eurimposture; puis,
voyant que cela nuisait à sa popularité, il s'en accommoda
et se tut. Pour lui, l'enseignement de la Tariqat était un
moyen de subsistance.
« On l'arrêta en même temps que tes autres gens de Ta-
riqat. En le relâchant, le chef de l'Administration Monta.
gnarde du Caucase lui proposa d'écrire sur la vraie Tariqat
et sur les pratiques des « Tariqatistes » actuels. »
L'ouvrage de Mouhi ed-Din, qui suit cette préface du tra-
ducteur russe, contient un exposé de règles qui semblent
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 217
établir que l'auteur était Nakchabendi. Cela semble vraisem.
blable, son père étant en service auprès de Chamyl.On trouvera en appendices quelques extraits de cet ou-
vrage.
Les administrateurs russes, chargés de la répression des
mouvements religieux, dangereux politiquement, ont été
amenés à les observer de près. On doit ainsi à l'un d'eux
M. A. Ippolitov, une étude spéciale consacrée au ~t'Ar et à ses
adeptes dans la Tchetchnia et le district d'Argoun (;). On
y trouve une description des rites d'une Tariqat qui diffère
de celle des Nakchabendiya, tout en présentant quelquescaractères communs; on y trouve aussi des biographies in-
téressantes des chefs de cette « voie malheureusement
les points de vue politiques de l'auteur défigurent les faits.
Un certain Kounta-Hadji parait être le chef sinon le
fondateur de cette secte au Caucase. Voici ce que M. Ippo-
litov raconte sur sa vie:
«.D'une famille pauvre et modeste, Kounta-Hadji était
honnête, travailleur et d'une moralité sévère. 11 n'a reçu
aucune instruction, on dit même qu'il ne savait pas lire le
Koran. Au cours d'un pèlerinage à la Mecque, en ]85g, il
envoya de la Ville sainte, à ses parents et à- ses disciples
une instruction insistant sur la nécessité de prier et de
faire le zikr, l'heure du jugement dernier approchant.« H avait commencé ses prédications du vivant de
Chamyl. Comme aujourd'hui, son rituel comportait des
danses, des chants et des cris, que Chamyl lui défendit
sévèrement, les trouvant contraires à )'fs!am. En effet, sui-
vant la plupart des moullas, les rites du zikr seraient en
(t)5hortttA M~<<te;<«o ~a<'A<t~)A/! Cof~atA, Il. ;!?<): A. JppouTov, Out-chénié zikra i ïego posMdoMtieti v Tchetchnié Argounskom okroughié (Ladoctrine du Zikr et ses adeptes dans la Tchetchina et le district d'Argouni.
REVUE DU MONDE MUSULMAN2f8
opposition avec l'esprit de la religion. Mais, peut-être,
Chamyl avait-il une autre idée, celle de conserver sans at-
teinte la doctrine de la ghazavat qu'il préconisait lui-même
et qui fit de lui le chef du peuple. H craignait en outre que
l'influence de Kounta-Hadji ne rivalisât avec la sienne.
« Après la pacification de la Tchetchnia et le retour de
Kounta-Hadji de la Mecque, en 1861, les disciples com-
mencèrent à se réunir de nouveau autour de lui. Son ensei-
gnement ne comportait alors que la lecture des prières à
haute voix et des instructions morales, qui ne pouvaient
être dangereuses politiquement. Le nombre de ses adeptes
était d'aitteurs insignifiant et la plupart des Tchetchènes
eux-mêmes ignoraient son existence.
« En t863, le nouvel enseignement changea de caractère.
Le nombre des disciples du Hadji s'accrut. Ses instructions
qu'il ne faisait d'ailleurs jamais personnellement, mais
toujours par l'intermédiaire de ses cheikhs et vekils étaient
avidement écoutées et se transmettaient dans tous les
aouls de ta Tchetchnia avec des commentaires parfois peu
pacifiques. Bientôt toute la Tchetchnia, le Nazran et la
plupart des communes de la montagne tchetchène furent
englobées dans le réseau de la Tariqat.
<: Kounta-Hadji ne se donna jamais lui-même le titre
d'imam quoi qu'il t'eût accepté, temporairement, préten-
dait-il, se disant l'envoyé de l'imam qui viendrait à son
heure. Néanmoins, ses adeptes le considéraient comme un
imam véritable et même comme un des 356 savants qui,
dans la croyance musulmane, existent continuellement sur
la terre. On lui prêtait le don des miracles, de la guérison
des malades et la faculté d'assister cinq fois par jour, invi-
siblement, aux prières, à la mosquée de la Mecque. »
Les détails que M. Ippolitov donne sur l'organisation du
nouvel imamat rappellent un peu celle de Chamyl. Le ca-
ractère exclusivement mystique de la nouvelle secte fit
place à la superposition des deux éléments t'étément spi-
NOTES SUR LES MUSULMAKS DU CAUCASE 2t()
rituel et l'élément laïque, tantôt distincts, tantôt réunis
entre les mains d'une seule personne.
«Le pouvoir religieux était représenté par I'M<!M ou OM~-
tous et deux cheikhs. Les représentants du pouvoir laïqueétaient les naïbs, au nombre de huit, les vekils et leurs
Mourus. Toute une organisation clandestine s'était créée
dans la Tchetchnia, subordonnée à Kounta-Hadji, comme
chef de la doctrine et imam.
« Tous ceux que mécontentait l'ordre actuel des choses,
ceux qui regrettaient le bon vieux temps, « le temps de la
Chariat (le temps de la guerre avec les Russes, chariaten
~MMM), se disaient adhérents de Kounta-Hadji, parfoissans savoir le premier mot de ses enseignements. Ce sont
eux surtout qui donnèrent à cette doctrine le caractère
temporel et combatif, qu'elle n'avait pas au fond. Le
tabac, les boissons fortes furent défendus, tout comme au
temps du mouridisme. On fit des réunions publiques.
accompagnées de danse, de chant, les armes à la main.
Les meurtres de soldats russes devinrent fréquents. »
Voici comment M. Ippolitov explique l'échec du mou-
vement politique qui accompagnait ainsi le nouveau mou-
vement religieux« Dans d'autres circonstances les Zikristes auraient peut-
être atteint leur but. Mais ils avaient commis l'erreur de
choisir, comme cheikhs, naïbs~et vekils, des hommes absolu-
ment incapables, sans aucune énergie, qui n'avaient d'autre
qualité que de bien savoir le Koran. D'ailleurs, dans leur
croyance, le secours du ciel contre les chrétiens ne pouvait
venir que par l'intermédiaire d'hommes pieux et honnêtes.
Cette préoccupation de concilier le mysticisme de la doc-
trine et les buts matériels, fit choisir dans plusieurs en-
droits (par exemple dans le district d'Argoun), comme
cheikhs et principaux vekils, des adeptes fanatiques, de la
nouvelle secte, dénués de toute intelligence et qui ne sa.
vaient que lire le Koran.
REVUE DU MONDE MUSULMAN220
« Dans ces conditions, les zikristes n'eurent naturelle
ment aucun succès. Aussi suffit-il de l'arrestation de quel-
ques-uns des plus notables et de l'exil de Kounta-Hadji
pour enrayer rapidement le mouvement, qui ne se ma-
nifesta plus qu'en apparence, par des proclamations clan-
destines. »
II résulte cependant de l'ouvrage même que nous citons
que l'histoire des « zikristes » dans la Tchetchnia ne finit
pas de suite. >
« Deux cheikhs étaient restés après le départ de Kounta-
Hadji. Ils devaient jouer le rôle principal, mais étaient
complètement incapables l'un d'eux, Satam, était un es-
prit très borné et l'autre, nommé Matchik, un homme
intelligent et instruit mais sans énergie. Ils se firent
tuer, près de l'aoul de Chali, too hommes qui, attendant
le secours de Kounta-Hadji absent et du ciel, se laissèrent
fusiller par les bataillons russes, sans sortir leurs armes.
Cette perte démoralisa les fanatiques en leur faisant com-
prendre que pour se battre, on avait besoin des forces phy-
siques. »
D'ailleurs Satam fut bientôt arrêté et de même Matchik
qui cherchait à s'enfuir en Turquie,en accompagnant un
troupeau de moutons du naïb Sadoullah Osmanov, dirigé
vers la frontière.
Ils trouvèrent des successeurs.
« Le plus actif et le plus dangereux de tous ceux qui
jouaient un rôle dans ce drame national, fut i'eA Vara.
« Vara appartenait à la bande de l'abrek Atabaï. Lors
de l'arrestation de ce dernier et de la soumission de la
.bande, Vara était resté abrek. Se cachant tantôt dans
les repaires de Khorsenoëv, tantôt dans les aouls de la
Tchetchnia, il organisait iui-mème ou aidait activement
tous les coups de mains de cette époque. Après son adhé-
sion à la secte des zikristes, il participa à l'affaire de Chali
comme vekil, avec son signe noir. Élu naïb après cette
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 221
affaire bien qu'il eût refusé ce titre en s'en disant indigne,il employa tous ses efforts pour relever l'enseignement de
la Tariqat et réunir de nouveau les adeptes de Kounta-
Hadji, devenus tièdes.
« Grâce à son courage et à son énergie il était sur le
point de devenir lui aussi un héros national lorsque la
mort vint arrêter ses projets. En présence de l'influence,
grandissante de Vara, le naïb de Tchabertoë, Goudanat,
reçut de l'administration russe l'ordre de l'arrêter ou de le
tuer. Goudanat qui avait en outre une vengeance à accom-
plir envers Vara, le fit attirer dans l'aoul de Novo-Ataghin
et signala sa présence aux autorités russes. Un détache-
ment de dragons entoura la maison. Après une défense
désespérée de trois heures, accompagnée de chants du
zikr, Vara, blessé par une balle de Goudanat, se jeta au
milieu des soldats, sa chachka à la main et en chantant
à haute voix son ~-a~-na (chant de la mort). Il fut tué,
en effet. Un chant indigène célèbre sa mémoire. Et des
tas de pierres sur la route commémorent la trahison de
Goudanat. Chaque passant y ajoutait sa pierre en maudis-
sant l'assassin de Vara.« Les idées répandues dansla foule par Kounta-Hadji et
ses disciples leur survécurent, confusément, un certain
temps. Mais Vara a été le propagateur le plus actif et le
dernier de la secte dont l'existence politique cesse à sa
mort. L'idée de l'émigration en Turquie et les récits de
cette « terre promise ?, détournèrent peu à peu l'attention
des montagards des préoccupations politico-religieuses. »
Le gouvernement russe ne s'était pas borné à combattre
tes mourids par les armes.
« Les sermons des moulias fidèles à la Russie furent une
des mesures les plus efficaces contre l'élément fanatique du
zikr qui menaçait, en se développant, de soulever )e Caucase
oriental. Le gouverneur de la province de Tersk avait
REVUE DU MONDE MUSULMAN222
notamment proposé aux moullas les plus considérés de la
Tchetchnia de combattre par leur influence au nom de la
foi et pour le bien du peuple, les fanatiques, qui inter
prêtaient faussement la religion. Moulla Abdoul-Kadir,
connu pour sa science et son austérité, fut le premier à
protester ardemment contre des dogmes qu'il disait con-
traires à l'fstam.
«. Peu d'hommes peuvent êtreen possession de la Tari-
qat, telle que la comprennent des montagnards seul,
Djemal ed-Din, beau-père et maître de Chamyl, a été
« l'homme de la Tariqat. Chamyi lui-même, bien qu'Imam,
n'avait pas atteint ce degré. Et cependant les zikristes con-
sidéraient leur oustous et leurs cheikhs comme l'ayant
atteint; mieux encore, leur oustous communiquant avec
Dieu tui-meme par l'intermédiaire des anges, devrait
atteindre plus haut, jusqu'à la moarafat.- On comprend
qu'un enseignement si défiguré et contraire à l'esprit de la
religion devait suscitercontre lui les hommes véritablement
pieux. II ne s'agissait, pour le gouvernement russe, qued'en profiter habilement. »
Selon l'auteur russe, c'est de l'ordre des Refaïas que les
zikristes caucasiens se rapprocheraient le plus par leurs
règles et pratiques.« L'enseignement des Refaïs s'est transmis aux monta-
gnards du Caucase un peu défiguré et incomplet toutefois
les principaux traits extérieurs sont presque identiques.« L'oustous ou l'imam des zikristes est le chef de l'ordre
des derviches, raï's oul-méchaikh. Les cheikhs correspon-
dent par leurs qualités et fonctions à des cheikhs de der-
.viches. Les prières sont les mêmes, excepté quelques diffé-
rences insignifiantes c'est ainsi quele tekbir et ia~~aA
étaient habituellement remplacés chez les zikristes par le
chant « Allahoumma.maha.pir-lla'hou ». On y trouve les
mêmes danses et la même excitation (chaouk). Des cas
de folie même n'y étaient pas rares. Quant au caractère
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 223
guerrier, étranger à la secte des Roufai'as, que prit la secte
de «zikr~ » au Caucase, l'auteurl'attribue, avec raison, à
la condition Iocale(!).
Un autre auteur russe, M. Piéchekhonov (2) mentionne
encore diverses sectes religieuses. Mais il s'en occupe à un
point de vue dont les généralisations nous privent des
renseignements que nous cherchions.
Somme toute, le grand mouvement religieux du Caucase
nousapparaît en corrélation nécessaire avec le mouvement
politique provoqué par laconquête du sol musulman.
menacé par l'invasion des infidèles.Après la
conquête
russe, l'agitation religieuse décroit et se divise en plusieurscourants et les troubles politiques qui l'accompagnaient,s'amoindrissent à
proportion, en se réduisant à de petits
soulèvements locaux dont leplus important se
produisit
en!8y7 au moment de la
guerre russo-turque.
Actuellement, la résistance contre l'ennemi étranger ne
se manifeste plus que par la lutte individuelle. Des indi-
vidualités énergiques dotées des vertus des anciens guer-riers tchetchènes, ne trouvent pas de place dansle nouveau
cadre social. Elles s'en écartent, deviennent les a~A
placés hors la loi. La plupart de ces intrépides djiguitsne font
que chercher du butin partout où ilspeuvent en
()) On voit que dans le cas de ces gens de la Tariqat, c'est encore un mot
d'une valeur limitée à sa signification qui est devenu la dénomination gêné-rate. Beaucoup de Tariqat ont un zikr accompagné de danses et de chants,et Zikriste ici ne précise rien. Faut-il, comme M. Ippolitov, voir des ReM'as
dans les Zikristes de la Tchetchnia? Cela se peut quoiqu'à première vue le
zikr a aUahouma-maha-pir-Uha'hou » rappelle le Nakchabendisme zahi-
riste, extérioriste de l'Asie centrale. 11 n'est pas très probable, étant donnéela forte emprise de la Tariqat par laquelle s'établit l'imamat de Chamyl,
que des Tariqat complètement étrangères à celle-ci se soient développées au
Caucase. J) serait au contraire dans J'ordre normal des choses que d'autres<éco)es" Nakchabendiennes aient profité de la vogue de leur devancièrepour s'installer t leur tour, et les analogies de rites ne signifient pas grand'
chose, quand la même Tariqat peut varier du Bathénisme au Xahérism': avec
leurs manifestations si dissemblables.
(2) Revue ~oMMAore Bo~of~o, novembre ton.
REVUE DU MONDE MUSULMAN22~.
trouver. D'autres donnent à leurs actes un caractère de
révolte politique, ou plutôt de vengeance politique, pour les
souffrances endurées par les leurs. Têt est le cas de la
célébrité caucasienne, Zelim-Khan Gouchmozdokaïev, ou
Zelim-Khan tout court.
Les sympathies qui l'entourent, les légendes qui se sont
créées sur sa justice, sa bonté pour les pauvres, indiquent
que le peuple iui.même voit dans sa conduite mieux quedes actes de brigandage.
!t serait plus difficile de définir le lien qui rattache ce
personnage à une Tariqat quelconque, les éléments man-
quant absolument, en dehors de la « Prière de Chamyl »
et du portrait du héros, laissés par Zelim-Khan dans sa
sacoche, avec d'autres objets, sur un de ses « champs de
bataille ».
Quant à l'attitude des milieux religieux envers les abrek
une chose est incontestable selon M. Piéchekhonov(;):elle varie suivant les « sectes ». Les unes selon toute appa-rence justifient idéologiquement ces « brigands » et tes
autres considèrent leurs faits et gestes comme coupables.« L'existence des sectes et leur lutte mutuelle n'ont pas
échappé à l'administration russe, dit plus loin le même
auteur. Elle applique des répressions aux zikristes quiconsidèrent Zetim-Khan comme un saint, oubliant qu'en
pareil cas, les persécutions peuvent, en prenant un carac-
tère religieux, donner des résultats inverses de ceux quel'onattendait. »
Il est des sectes dont l'administration russe pouvait es-
pérer le concours. Elle a essayé de s'en servir dans la lutte
contre le brigandage, mais cet essai n'a pas réussi.« M. Verbitzkii alla voir les fondateurs des principales
sectes religieuses et leur demanda leur collaboration pourla lutte contre le brigandage.
(t)~oc.cX.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 225
xx.
« Le chef d'une de ces sectes, Bamat Ghireï Hadji Mitaïev
lui promit son aide et se fit même fort d'apporter au bout
de peu de temps la tête de Zelim-Khan. 11 demandait seu-
lement l'armement de 3o ou 4o de ses mourids avec des
fusils Berdan. M. Verbitzkii obtint en effet la permission
de créer cette compagnie volontaire. Mais il résulte d'un
rapport « très secret du capitaine Koujouïev que cette
organisation n'a pas justifié les espoirs qu'elle inspirait.
Les armes servirent à des buts tout autres. La « compa-
gnie » ne perquisitionna que chez des représentants hono-
rables des autres Tariqat et chez des Moullas qui ne consi-
déraient pas Bamat Ghirefcomme un saint. On leur enleva
leurs livres, on les malmena. H y eut même des cas de vol.
Ce furent surtout les adhérents de la secte paisible de
Kounta Hadji qui souffrirent de cette tentative (i).
Que conclure de ces incidents, au point vue de Zelim-
Khan ? Ils nechangent rien aux thèses générales qui, suivant
le point de vue, font de l'outlaW un défenseur de l'idée na-
tionale, complice etaHié des adeptes d'avant-garde de la foi
indigène, ou un simple abrek: un héros ou un bandit.
R. MAJERCZAK.()) AOC.Cf<.
APPENDICE
Nous groupons ici titre ~oc);MeHh!<~ quelques extraits de ~t~-
rents ouvrages ou opuscules sur les Nakchabendiya ottomans, sur le
< Mouridisme» et sur le <~t'Ar)~et~« Caucase.
On pourra se faire une idée de leurs rapports en parcourant ces
notes qu'on ouvre intentionnellement par la traduction directe d'un
texte authentique.
Sources ottomanes.
(trad. L. Bouvat.)
Un ouvrage arabe dont nous avons entre les mains une traduction
turque imprimée à Constantinople i) y a une quarantaine d'années (;),
Miftah o/'Ma't'ya /f 7'orf~at an-Nakchbendiya < La Clé de la Société,
sur la Tariqat des Nakchbendiya ». nous fournira des renseignementsintéressants sur les doctrines de l'ordre.
Après les préliminaires d'usage, l'auteur dit quel est le sens du nom
de Nakchbendi, porté par le grand saint Behâ ed-Din; c'est un com-
posé de l'arabe nakch, signifiant < peinture, sculpture, broderie, etc.
en un mot, servant à désigner tout travail figuratif, et du persan bend'< lien ». Les saints personnages qui se réclament de Behâ ed-Dln,
les Sdddt Nakchbendiya, ont l'esprit pur, Idhir, et possèdent des se-
crets puissants, i~Mt' Dieu, par un acte de purification fafAfr, les a
délivres de tout vice etde toute souillure. Leurs croyances, Mou'takaddt,
sont celles des Imams de la Sounna prophétique, As-Sounna An-Na-
()) Imprimerie Basiret, tzSg, n" 26, t8o p.
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 227
~awty< ils sont la gloire du Sunnisme, et se rattachent étroitement
au Compagnon du Prophète et à leurs successeurs immédiats, formant
avec eux un ensemble, djamd'a, adorent Dieu nuit et jour, et sont
toujours en sa présence.
Comment arriver à la connaissance, chou'odn, des choses divines? PPar l'adoration, 'ouboûdiya, qui mettra la créature en présence de son
mattre; autrement, faible et bornée comme elle l'est, elle ne saurait
parvenir à connaître Dieu celui-ci, à qui rien ne peut être comparé,
car il est t'Être Suprême, dans sa bonté infinie, rapprochera de lui
son fervent adorateur.
Connattre Dieu, voilà le souverain bien, la félicité suprême. On y
arrive donc par l'adoration; mais celle-ci est-elle suffisante? Non il
faut encore que Dieu rapproche de lui sa créature par une attraction
divine, djadhaba ildhiya, qui est une manifestation nouvelle de sa
bonté, et sans laquelle tout rapprochement entre le Créateur et la créa-
ture serait impossible.
Le saint Cheikh Aboû 'Ali Ad-Dakkak a, par une allégorie, montré
comment on progresse dans la vie religieuse. ii compare le mourid,
qui fa embrassée, à un arbre verdoyant, mais qui ne pourrait rien
produire, si certaines conditions n'étaient pas remplies. Son mourchid,
ou guide spirituel, sa Tariqat et la Sounna lui feront produire des
fruits délicieux.
Nous venons de nommer la Sounna, chose sainte, hors de laquelle
il n'est pas de salut. Tous les actes de l'homme devront tendre à s'y
conformer; ses actes dépendent de motifs d'ordres divers
)° Motifs concernant la ici religieuse, asbdb char'iya, comme l'obéis-
sance à la Divinité;
2. Motifs intellectuels, asbdb 'aA/t'yo, comprenant tout ce qui dépend
de l'intelligence, des sens et du raisonnement;3° Motifs d'habitude, asbdb 'ddiya: l'habitude est une force puis-
sante que l'on retrouve partout et toujours. L'éducation, <<!r&<~< a
une action décisive la naissance, f<!)f<OM< ceuvre du père et de la
mère, donne la vie; mais c'est l'éducation qui donnera à l'homme son
caractère et le fera marcher dans telle ou telle voie.
tt faut avoir un Cheikh celui qui n'en choisit pas a Satan pourCheikh, de l'avis de beaucoup de Souns. Le Cheikh est la Porte de
Dieu, Bdb Alldh; son action est bienfaisante; il enseigne ce qu'on doit
faire et éviter, il faut lui obéir comme il obéit lui-même à Dieu, et
répéter sans cesse le ~)'Ar qu'il a appris; autrement, on risquerait de
se perdre. Voilà, ajoute l'auteur, en quoi consiste la Tariqat de~ Nakch-
bendis que j'ai adoptée; je suis un pauvre; vous tous, qui êtes des
pauvres devant Dieu, imitez t'humitité de Cheikh Behâ ed-Din.
REVUE DU MONDE MUSULMANM8
Donnons maintenant la succession des maîtres spirituels de la Tariqat.
Elle est ainsi composée:
t. Tadj ed-D!n.
2. Khodja Mohammed Abd Et-Bâk!.
2. Mautanâ Khadjègui Et-Emkenk: (r).
4. Dervich Mohammed.
5. Mau)ânâ Mohammed Ez-Zâhid.
6. Khodja 'Obeïd Et-Ahrar.
7. Ya'koûb Et-Tcharkhl.
8. KHODJA BEHA EO-DtN MOHAMMBD Ex-NAKCHBEND).
û. Seyyid Mtr Koutâ).
t0. Khodja Mohammed BâbâïSemâst.
x. Khodja 'A)t Er.R&miten!.
)t. Khodja Mahmoûd tndjir Faghanawl.
t3. Khodja 'Arif Rivker:.
)4. Khodja 'Abd E)-Khâ)ik Ghadjdevant.
t5. Khodja 'A~! Et-Farmed!.
)6. Cheikh Aboû'i-Hasan Kherkànl, élève d'Abou Yazid, élève lui-
même de Dja'far As-Sâdik, qui avait été formé par l'Imam Kâsim ibn
Mohammed ibn Abl Bekr.
[7. Cheikh Aboû'i'Kâsim Gourgânl, se rattachant à t'Im&m Moûsâ
Er.Ridâ par 'Othman Et-Maghreb), AboO 'A): E)-KAt:b, 'Aboù A)!
Ahmed ibn Mohammed, Ma'roûf ibn F!roûz Ei-Karkh: et Dâwoud Et-
Taï: par ces saints personnages, on remonte aux compagnons du Pro-
phète, comme Seimân, le Persan, et son Prophète lui-même.
Quant à la hiérarchie du Soufisme, elle comprend trois degrés
t' Le Cheikh e)-Kherka (la AAer~a est le vêtement misérable porté
par les derviches, mais ici le mot se prend au figuré);
20 Le Cheikh ez-Zikr;
Ï" Le Cheikh es-Sahba. 11 faut entendre par sahba c société, compa-
gnie », le service assidu auprès du Cheikh parvenu à la plus haute
dignité, service qui ne doit jamais être interrompu, de nuit comme de
jour. Il n'y a, du reste, que des avantages à être l'élève de plusieurs
Cheikhs, également dignes de respect.De toutes les méthodes suivies pour se rapprocher de Dieu, celle des
Nakchbendiya est la meilleure. Les membres de l'ordre doivent sans
cesse répéter la profession de foi musulmane: Ld ildh t'/M~MA, )fa-
Mohammed foMtt/ A<MA. 11 faut répéter le .r un nombre de fois
toujours impair, mais jamais inférieur à vingt et une; on peut le répéterverbalement ou mentalement; mais, dans tous les cas, toujours avec
conviction et zèle. Beaucoup, parmi les adeptes, veulent être dans la
solitude pour s'acquitter de ce devoir; ils pensent, par ce moyen, se
NOTFS SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 22Ç
rapprocher plus facilement de la Divinité 1 leur but final étant le fond,i'anéantissement de l'être humain en Dieu. fi y a toute une science de
~Ar.' pour le faire dignement, il faut chasser de son esprit toute
pensée coupable, ou simplement inutile, être plein de zèle et d'ardeur,
t'd)'f<'A<M, et songer que l'on est en présence de Dieu.
L'ascétisme, ~MM, est un autre moyen de se rapprocher de la Divi-
nité, et on aura recours à lui en même temps qu'au ~<Ar. ti consiste
à se dompter, à réprimer ses appétits, ses aspirations. Mais ce n'est
pas ta t'ceuvre d'un jour il faut un temps plus ou moins long et beau-coup d'entralnement pour arriver à être complètement maître de soi-
même.
Voici maintenant fes prières propres aux Naxchbendiya; elles se
trouvent dans la Miftdh ~an? el-Asrdr /T<-7<:rf~ en-Nakchbendiya« Clé du Trésor des Secrets, sur la Tariqat des Nakchbendiya
Prière à rep~tef une fois, après chacune desprièresd'obligation.a 0 Dieu, prie sur Notre Seigneur Mohammed, ton serviteur et ton
envoyé, le Prophète iffettré, sur la famille de Notre Seigneur Moham-
med, ses épouses, mères des Croyants, sa postérité, ceux de sa famine,ses compagnons, comme tu as prié sur Notre Seigneur Abraham et la
famille de Notre Seigneur Abraham, dans les mondes. Certes tu es
digne de louange et glorieux. »
Prière à répéter trois fois, après chacune des prières d'obligation.
« 0 Dieu, prie sur Notre Seigneur Mohammed et sur la famille deNotre Seigneur Mohammed, autant de fois qu'il y a de maux et de
remèdes. Bénis-les et sauve-fes largement, largement. Prie pour tous
les prophètes et envoyés, et sauve-les tous ensemble. La louange à
Attah le maître des mondes »
Prière à répéter cent fois la nuit du vendredi.
a Les prières d'Aitâh, de ses anges, de ses prophètes, de ses envoyés
et de toutes ses créatures pour Mohammed et pour ia famiNe de Mo-
hammed, sur lui et sur elles le salut, la miséricorde d'Affâh et ses
bénédictions. f.
Prière à répéter cenllois /?/o«r dit vendredi. ·.
« 0 Dieu, prie pour notre intercesseur Mohammed, sa famille et se
REVUE DU MONDE MUSULMAN:3o
compagnons, tous ensemble, et sauve-tes.~Ottr~è<e€n~M«€~M<t<re~b)'
après chaque prière d'obligation: « Attâh a témoigné qu'il n'est pasd'autre Dieu que lui; de même ont fait les anges et ceux qui, doués de
science, observent la justice. 11 n'est pas d'autre Dieu que lui, le Tout-
Puissant, Celui qui décide. Et moi, j'atteste ce qu'Allih a attesté, et je
lui confie ce témoignage, qui est pour moi un dépôt confié & Att&h.
Prière dite < .ScM« du Coran t (Khatam at-Kour'ân).
< Au nom d'Attah Er-Rahman )e Miséricordieux 1 La louange à
Attah qui, par la lumiére de sa splendeur, a illuminé les cœurs des
justes; qui, par la vénération qu'inspire sa gloire, a embrasé les cœurs
de ceux qui sont épris de lui, et, par ses généreuses faveurs, a trans-
porté de joie iecœur de ceux qui s'unissent à lui. La prière et )e salut
sur le Prophète illettré, l'Arabe de Korelch, de la famille de Hachim,
le Mecquois, le Médinois, le sincère, le digne de confiance, Notre Sei-
gneur Mohammed, sur sa famille et ses compagnons, tous en-
semble. 7J
Prière ~Mfa~-t /Ma<(/~n< Sceau des Maîtres t, qu'Attah sanctifie leurs secrets
Au nom d'Atiah Ar-Rahmân le Miséricordieux
La louange à Attah, maitre des mondes, et la prière et le salut sur le
Sceau des Prophètes, Notre Seigneur Mohammen, sa famille et ses
compagnons tous ensemble. 0 Dieu qu'une pareille récompense nous
soit accordée pour le sceau noble, après que nous aurons eu la faveur
d'être agréés et de devenir les objets de sa bienveillance et de sa grâce.
Au tombeau et au mausolée de Sa Majesté le Seigneur des hommes,
le Flambeau des ténèbres, qui donne l'ombre d'un épais nuage a
l'heure la plus chaude de Ja journée, Notre Seigneur et Notre Appui,
Notre Ressource et Notre Refuge, Mohammed, qu'Atiah lui accorde la
meilleure des prières et le plus complet des saluts.
A l'esprit de Sa Majesté son ami et compagnon dans la caverne, la
Source des secrets, le Trésor de la grâce et des lumières, le Cheikh,
HntercesMur, le Sincère, le Digne de confiance, Notre Seigneur et
Notre Modète, le vicaire de l'Envoyé d'Allâh, qu'Attâh prie pour lui et
Je sauve. Sa Majesté Aboû Bekr As-Siddik, qu'Attâh en soit satis-
fait 1
Aux esprits et aux tombeaux de chacun de nos Cheikhs, les princesde la chaîne de ta Tariqat subtime des Nakchbendiya, des Kaderia, des
Souhraverdia, des Koubravia, des Djachnia, et des princes de la chaine
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 231
des autres Tariqat tous ensemble, qu'Attâh sanctifie leurs secrets
Or Att&h a discerné. entre eux Sa Majesté Notre Cheikh, l'Imam de la
Tariqat et l'Aide des Créatures, dont la grâce se répand et dont ta-tu-
mière s'étend, celui qui est connu sous le nom de Chah Nakchbend,
Cheikh Behâ ed-Din Mohammed Et-Ouvaïst Et-Boukhari, que son tom-
beau secret soit sanctifié)
Et Sa Majesté, Son Cheikh, Source de savoir et de perfection. Le
Seyyed des Seyyeds, le Seyyed Emir Koulil, que son tombeau secret
soit sanctifié! Et Sa Majesté Son Cheikh t'Agréé de toi (et qui le serait
sinon toi r). le Pote des Saints, le Cheikh Mohammed Baba Es-Se-
mâs!, que son tombeau secret soit sanctiné
Et Sa Majesté, Son Cheikh plein de tristesse dans l'amitié de son
maitre, le riche, dit Sa Majesté 'Az!zan Khodja 'Ali Er-Rametin!, queson tombeau secret soit sanctifié [
Et Sa Majesté, Son Cheikh qui n'avait aucune ambition, pour cette
vie ni pour l'autre, le Cheikh des Cheikhs, le Cheikh Mohammed El-
tndjMfghanaw!(i'), que son tombeau secret soit sanctifié!
Et Sa Majesté, Son Cheikh qui voulait s'affranchir de son enve-
loppe charnelle, le Pôle des Justes, le Cheikh 'Arif Et-Bikaw!, que son
tombeau secret soit sanctifié 1
Et Sa Majesté Son Cheikh le Pôie du Divin Maître, le Pôle envoyé
par i'Éternei, t'Aimé du Dieu Glorifié, le Secours des créatures, le
Cheikh 'Abd Et-Khatik Et-Ghadjdawan! (?), que son tombeau secret
soit sanctifié 1
Et Sa Majesté Notre Cheikh et Notre Refuge, l'Imam de toutes les
Tariqat, la Source des Vérités, la plus subtile des Vérités et leur Prin-
cipe, t'Aimé du Maître des mondes, t'Héritter des sciences des Pro-
phètes et des Envoyés, l'Argument d'Attâh pour les humains, la Gloire
de la Nation et de l'Islam, le Pote des justes, le Secours de ceux quil'entourent. Celui qui manifeste la lumière de son glorieux Mattre, Sa
Majesté Notre Mattre Ziya ed-Dln, le Cheikh Khatid, que son tombeau
secret soit sanctiné t
0 Dieu 1 Et aux esprits de tous leurs successeurs, disciples, adeptes,
amis, sectateurs, de tous ceux qui en procèdent et qui s'appuieront sur
lui au jour du Jugement dernier.Et aux esprits de nos pères, de nos mères, de nos épouses, de nos
amis, de nos cheikhs, de tous les croyants et croyantes, vivants et
morts. Certes tu es près de nous, et tu exauces les demandes, ô Maître
des Mondes 1
0 Dieu 1 inscris une semblable récompense sur la page des actions
de chacun d'entre eux, élève leur rang à tous, et double leur rétri-bution.
REVUE DU MONDE MUSULMAM232
Nous avons aimé chacun d'entre eux, nous n'avons réprouvé les
bénédictions d'aucun d'entre eux, nous avons profité de leurs faveurs
à tous, de leur assistance à tous, de leur protection à tous, et nous
avons évité d'encourir leur colère.
0 toi qui es le plus généreux parmi les généreux, fais-nous miséri-
corde, toi qui es le plus miséricordieux des miséricordieux.
La louange à Allâh le Mailre des Mondes
L. BOUVAT.
e
Source ~.e~M/MHe.
CHAPITRE ft OBS ADAB OUL-MARZIA
D'après la traduction russe.)
Comment le Cheikh )'eco« ~'ahd de son mourid, e< comment il lui fait
le talkin (recommandations), quand le MtOKrta' entre dans la Ta-
r)~a<.
« Le mot ahd, selon la Tariqat, signifie s'obliger à accomplir
quelque ceuvre religieuse et pieuse; ainsi les habitants de la ville deMédine s'étaient obligés à défendre le prophète Mohammed comme
ils défendraient leurs femmes et leurs enfants. »
Ta/At;) signine unir les cœurs les uns aux autres jusqu'à ce qu'ils
arrivent à t'Envoyé de Dieu iui-méme et de lui à Notre Seigneur Dieu.
C'est le but le plus élevé de cette chaîne de la Tariqat des Nakchaben-
diya.Autant que possible, les Cheikhs réunissent chez eux leurs disciples
et reçoivent leurs vœux. D'abord t'étéve doit s'asseoir devant le cheikh
dans la pureté absolue. Ensuite le cheikh met sa main dans les mains
de t'étéve et iuidit < Je fais l'ahd,au nom de Dieu, entre toi et moi, sur
le Coran et ta voie du prophète, ne commets pas de péché grand et
ne t'obstine pas dans les petits. Lorsque tu tomberas en telle perdition
hâte-toi de te repentir et de te libérer de tes péchés. Fais toujours les
prières obligatoires et fais aussi toujours les prières qui sans être obli-
gatoires sont bonnes; agis avec une intention ferme; évite tous les
écarts des règles essentielles de la foi qu'ils soient admis ou non.
Nous sommes tous frères en Dieu celui de nous qui sera sauvé le
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 233
jour du jugement dernier, prendra par la main son frère. Nous appar-tenons aux adeptes de t'fmam de la Tariqat, Refuge des peuples, Sei-
gneur et Beauté de la foi, Mohammed Ouvais, les Bokhari, les Nak-
chabendi, et nous suivons sa voie. Tu dois rappeler Dieu continuelle-
ment c'est le polissage des cœurs et le moyen d'atteindre tout bien
que l'on cherche.
Puis le cheikh exigera de son mourid le repentir des péchés et actes
'contraires à la foi, dans lesquels il avait dissipé sa vie antérieure, et
tous les deux prononceront en ce moment par trois fois « Je demande
pardon au Dieu très haut, l'unique; il n'y a point de Dieux sauf Lui, le
vivant, l'éternel, et je retourne vers Lui. Ensuite le cheikh lira les ver-
sets suivants du Coran « Ceux qui t'obéissent (cela s'adresse à
Mohammed) n'obéissent qu'à Dieu. Quiconque manquera à cette obéis-
sance, lui manquera à son détriment, et celui qui accomplira le com-
mandement de Dieu sera récompensé. 1>
Après quoi, tous les deux mettent leurs mains sur les genoux, fer.
ment lesyeux, et le cheikh répète trois fois le nom de Dieu avec la
volonté de le suggérer au eceur de t'étéve. Ce dernier le répète de
même dans son coeur trois fois; ensuite ils lèvent les bras vers le ciel,
le cheikh fait une prière et le disciple prononce Amen. Après la
prière tous tes deux posent leurs mains sur leur figure le disciple em-
brasse les genoux de son cheikh, se lève, s'éloigne avec la permissionde ce dernier pour accomplir ce que le cheikh lui a ordonné de faire. ft
est tenu de conserver toujours ses relations avec son cheikh et d'accom-
plir son voeu jusqu'à la mort.
A la suite de la traduction de l'ouvrage de Djemal ed-Din le Sbornik
.publie une série de récits légendaires hagiologiques et de lettres, pro-venant des archives de l'Administration du Caucase. Ces lettres quiont en général le caractère de vassaya, d'instructions pieuses, sont tra-
duites textuellement dit la préface, mais avec des noms imaginés à
la place de ceux du signataire ou du destinataire.
Voici une de ces lettres, qui est consacrée aux prescriptions rituelles
d'une prière de la Tariqat Nakchabendiya.
« Après la bénédiction d'usage:«Cher aimé, l'attente de mon ca:U)',Hadji Ramazan Efendi, que
Dieu augmente son rapprochement de Lui dans ce monde et dans
l'autre. Amen.
REVUE DU MONDE MUSULMAN~4
«0 Dieu miséricordieux ) 1
< Ensuite notre premier désir est que votre âme très pure puisse
atteindre le but de cette voie, en suivant en ce qui concerne la perfec-
tion morale, le Créateur suprême, et, en ce qui concerne les qualitéslouables, le prophète Mohammed puis, qu'assuré contre toutes pen-
sées et tout acte pernicieux et dangereux de ce monde, vous puissiez
atteindre le degré de la contemplation de Dieu, ann que plongé dans
l'état d'anéantissement en Dieu et de communion avec Dieu, vous puis*
siez vous enivrer de l'inspiration divine.
« En second lieu, vous vous êtes adressé à moi pour l'éclaircissement
de certaines questions relatives a l'accomplissement du rite de la prière
appelée /Mafam-<iMa~~n.< Je vous explique en conséquence, que le nombre des cailloux qui
servent à accomplir ce rite est de <o. Dix d'entre eux doivent être
grands, et cent autres petits. Vous devrez commencer par dire « Que
Dieu nous pardonne t et < Que la bénédiction deDieusoitsurMoham-
med ». Ensuite vous faites la rabila; puis vous distribuerez aux assis-
tants sept des grands cailloux et vous prononcerez à haute voix :/a!)'A<
après quoi vous lirez la sourate de la fatiha du Coran. Vous réunirezensuite les dix grands cailloux et vous prendrez vous-même 9) des
<oo petits, vous distribuerez les 7~ autres, en prenant en plus pour
vous-même plusieurs de ces derniers. Vous direz ensuite à haute voix
la < bénédiction sur le prophète ». Vous direz après: a-lam na-
chrah ?P
< Et pendant la préparation à la lecture de cette sourate, vous finirez
votre prière; puis vous lirez la sourate a-lam nachrah suivant le
nombre des cailloux que vous avez pris en plus de 21 après quoi vous
direz Il haute voix t't~A~M. La lecture de cette sourate finie, jetez un
des grands cailloux et dites encore l'ikhlas. Faites-la ainsi répéter par dix
fois. Après cela jetez un autre grand cailloux, et continuez de cette
façon. Ainsi, quand vous aurez mis de côté les to grands cailloux,
l'ikhlas aura été lu t.ooo fois. Lisez en outre t'ikhtas vous-méme une
fois de plus, ce sera ).ooi fois. Prononcez ensuite à haute voix Sa.
/OMaf, puis distribuez de nouveau 7 des grands cailloux et dites
fatiha. Après la lecture de ce chapitre, le rituel de < khadjég&n sera
terminé.
< Lisez ensuite ou faites lire un chapitre du Coran; dites alors la prière
et souvenez-vous de nous dans cette prière. Nous avons besoin des
prières de ceux qui prient.
< Vous me demandez encore quelle nourriture doit servir a terminer
le jeûne après le coucher du soleil. Je réponds, après avoir béni le pro-phète prenez une datte ou quelques gorgées d'eau. Quant a la nour-
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE s35
riture, remettez-la jusqu'au namaz d'après le soir. En suivant l'exemple
de l'oustad, n'employez pas de nourriture opulente et excitante, car
cela empêche la mortification de la chair. Je prie le Créateur le tout
Haut de ne pas laisser infructueux vos efforts. Le reste vous sera dit
oralement par le moulla Abdoullah. Je vous confie de remettre mon
salut à tous les frères et amis. Cher, évitez l'hypocrisie, la médi-
sance et t'arrogance. Qu'ai-je & dire ? Vous savez tout vous-même.
« YOUSOUF NAMHABBKD). »
Autre source ~~Mt'enne.
Extraits de ('ouvrage de Mouhi ed-Din Khanov:
< i. Le mourid doit être continuellement et toujours occupé de prieret de servir son seigneur, le Créateur soit dans le jour, soit dans la
nuit, secrètement ou ouvertement, autravail et au loisir; rien au monde
ne doit le détourner de l'accomplissement de la prière, du jeûne, de la
lecture du Coran et du service de Dieu en général.
« a. Il doit s'efforcer de remplacer ses mauvaises et basses habitudes
par de bonnes et louables.
« 3. )t doit se tourner vers Dieu par toute sa pensée avec le repentirparfait de tous ses péchés, car te péché barre à celui qui le commet la
voie aux délices de l'autre monde. Et c'est pourquoi le chercheur du
futur doit renoncer A tout ce qu'il désire, en dehors de Dieu, de
sorte qu'il oublie la partie qui lui appartient dans ce monde et fasse
comme s'il n'existait même pas.
« 4.11 doit renoncer a tout ce qui est tentation: richesse,grandeur,etc.,pour que le monde entier avec tous ces ornements n'égale pas dansses yeux l'aile d'un moustique.
« 5. Il doit espérer en Dieu dans toutes ses œuvres avec pleine foi.
Dieu a dit: « Qui espère en Dieu, Dieu lui sera caution. » Par consé-
quent, le mourid doit se confier à son Créateur pour tous ses actes,
ses pensées et ses paroles.« 6. Il doit setibérerdetousies besoins et désirs corporels, sauf ce qui
est indispensable pour l'existence; de sorte que le mourid doit éviter le
luxe, les excès dans la nourriture, les commodités dans l'habitation, se
limitant à ce qui est nécessaire à ia conservation des forces en vue du
service de Dieu.
REVUE DU MONDE MUSULMAN236
< 7- Il doit rappeler sans cesse Dieu le très Haut par les mots La
//< ;a-a/) (il n'y a point de Dieu en dehors de l'unique) ou bien
par le mot Allah (t'être que, en vérité, tous les autres doivent adorer)
ou bien par le mot hou (lui), répétés constamment jour et nuit.
<;8. H doitse considérereomme inférieur à toute créature divine, de sorte
que le plus puissant seigneur et le plus malheureux des orphelins lui
paraissent parfaitement égaux que l'éléphant et la mouche fassent sur
lui la même impression, qu'il tremble de peur devant chaque créature
divine comme s'it se trouvait en présence d'un souverain terrible, en
se rendant compte qu'elle est une création de Dieu tout-puissant. x
« L'Envoyé de Dieu avait'dit Quiconque n'a pas choisi un cheikh,
aura Satan pour cheikh. »
« Le mourid s'oblige à attacherson cœur un des vrais cheikhs, quiait passé la plus grande partie de sa vie dans l'humiliation de son
corps. a
RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
Les renseignements bibliographiques qui !MtM;)< xe sont pas desti-
n~ fournir une bibliographie complète de l'histoire religieuse du
Caucase de Chamyl et des « mourids e. On a laissé systématiquement
de côté /0 majeure partie des ouvrages consacrés aux guerres contre
Chamyl etses prédécesseurs dont la Bibliographia Caucasica et Trans-
caucasica de M. Miansarof donne une liste considérable. Cet impor-
tant travail nous a servi de base pour les publications antérieures A
1874. Les deux tiers environ des titres qui suivent en proviennent. Il
ne s'agit donc pas ici d'une bibliographie, mais seulement du g'roM~e-
ment des renseignements les plus substantiels sur le sujel qui nous
occupe, /'M~ag'e de ceuxdenos lecteursqui tenteraient ~M fMAercAM
plus détaillées.
AîTOFF, Peuples et langues de la Russie d'après le dernier recense-
ment russe. Annales de Géographie, t. XV, tgo6.
BBROÉ (Ao.), Kazi-Moulla. [Kasi-mouHah]. Journal &))~, t868,
n" to.
BEMÊ(AD.),A~a<er)'a/)'of/<! opisania nagornago Daghutana [Maté-
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muridisme et avec Chamyi]. Journal Rousskaia G<a, )85o, n'
MVUE DU MONDE MUSULMAN238
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NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 23~
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XafAo~tt~/eH~er [Annuaire du Caucase], tS~g-iSSo; t86t
KAZEM-BEK (Mirza Aleksandr) Muridizm i Chamil I. Otcherk
istorii muridizma na mousoulmanskom vostokié. !I. Muridizm na.
Kavkazié. III. Imam Chamil. ~?oMMAo?e Slovo, tMo, n' 12, otd. t,
[Le mouridisme et Chamyl s. 181-212: I. Une esquisse de l'histoire du
mouridisme dans l'Orient musulman. II. Le mouridisme dansle Caucase.
m. L'tmam Chamyl. Journal .RouM~oi~ ~/OM, t859, n° t2, partie!,
pp. t8:-2t~.
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prilogenié k statiam c Muridizm i Chamil). [De l'importance de
l'imam,son pouvoir et dignité (annexe spéciale aux articles Mouridisme
et Chamyt). Journal ~OMM~ote~oM, t86o, partie n" 3, pp. ~74-306].
KAZEM-BBK, Mohammed-Amin..RoM~o!e 5~0, )86o, n" 6.
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n° )5: Storn~/tg'<et~a~'Aa~, 1847, t. s. f36; Moskovsk. Viedom,
)847, n" )a5 i ~6 [Sur les mourides et le mouridisme. Journal ~of~
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taire).
Odin <~ fanatitchetkich postoupkov Chamila [Un des actes fana-
tiques de Chamy)]. Journ. A~Aa~ )853, n" 40. Prigovor matieri k
;oo oudaram pleti i priniatié na siebia iz nikh 95.
OKOLNITCHII (M. A.), général du corps d'état-major, Postédniia
voïennyia sobytia v Daghestanié [Les derniers faits militaires au Daghes-
tan]. VoïenH~t'~orn)~, <85g, n" t-6 (Recueil militaire).
0 proïschedchem v Aon~~ oktiabria i natchalé sievo noïabria
<'e.~ort'aa'At~ v OMn~af/fMAom rta:&«f<~ Da~Ae~ran~Ao! o6/a~t< [Sur
les désordres de fin d'octobre et du commencement de novembre cou-
rant dans le nalbat d'Ounkratlin, province de Daghestan]. Xa~Aa~,
1871, n" t<t0 et t~5; Terskiia ~t'ea'owoftt, fS~), no' 5t et 5!.
Opisanié poitOM/'Aof Chamila, protivnykh mousoulmanskomou
chariatou, kotory!e byli zamietcheny Souleïmanom-efendiem vo vre-
mia nakhojdenia pri niom. Per. s arabskago. ~af~a~, 1847, n" 5,
S6ofn.~a~. Kapk., t847, t. s. 3o.
[Description des actes de Chamyt, contraires à la Chariat musul-
mane, et qui ont été remarqués par Soulelman-Efendi lors de son
séjour auprès de lui. Trad. de l'arabe. Journ..Kaf~a~, 1847, n" 5, ou
Collection du journ. ~afAa~, <8~, vol. p. 3o. ]
NOTES SUR LES MUSULMANS DU CAUCASE 2~1
M. '6
Otcherk narodonasélénia, nraroy i o~c~aïef Da~tMtan~y. Za-
piski kavkazskago Otdiela Imperatorskago Rousskavo Ghéograritehes-
kago Obchtchestva, t. II [Esquisse de populations, moeurs et coutumes
des Daghestaniens. Mémoires de la section du Caucase de la Société
Impériale russe de Géographie].
PtÉcHEKHOnov (A.),Kouitoumaîadrama.Revue~oMM~of< Bog-a~fo,
)Qtt, n" 7, 0, t!.r.
PROUJANOVSKII, chtabs-capitan, Kazi-moulla (Hazi Mahomet, ;82~-
t833). Sbornik g'f!~e~- ~f~, tS~S, t. )f. s. M-3g [Kazi-MouHa
(Hadji-Mohammed, 1824.1833). Collection du journal t848,
vot. II, pp. 29-39].
~a~ytf;~ MMD'ma na ~af~a~t~. Moulla-Mahomet, Kazi-mouf~a i
Chamil. Statia T. Odes. ~<Mfn., t85o. n° to3 fLe développement du
mouridisme au Caucase. Moulla-Mohammed, Kazi-Moulla et Cha-
myl. Article de T. Journal Odesskii ~M~t' 1859, n" )o31.
Rouxovsxn (A.\ Muridizm i hazavat v Daghestanié. ~OM~/)
f<M<n)A, i862, dekabr, n" 12, s. 646-685. Napisano so slov Chamila
[Le mouridisme et la ghazavat dans le Daghestan. Journal Rousskii
Viestnik, )86!, décembre, n" tz, pp. 646-685. Écrit d'après les paroles
de Chamyt],
RouNOvsKt; (A.), Znakomstvo s Chamitem. Vo7M~< Sbornik,
f85g, t. X, n" n, s. 77-~24 ;n'' )a, s. 565 [Mes rapports avec Chamyi.
Journal Voiennyi Sbornik, )859, vo). X, n" 1 pp. <77-M4; n° 12,
p. 565. Quelques faits de la vie de Chamyl à Saint-PétersbourgJ.
RouNOvsK«(A.), Kodeks Chamila [Le code de Chamyi]. ~o~tt~
Sbornik, )862, t. XXIII, n"
SAV);<ov(V.), Chamil-murid; Chamil-imam. ~nOO~fc/!M<M, 1860,
n'"4! et 45.TttATCHBv, /~ot;cA< i T'cAe<cAenf~/ [Les Ingouches et les Tchet-
chénesj. Vladikavkaz, )Qi ).
WAXMEB, CAaM/ le prophète du Caucase. Paris, t854.
Vita egesta di Ciantil. Trad. dalla Ga~eHa rnilitare di ~)t;)a
riprodutta dall' Osservatore Triestino, Trieste, t85ô. in-8, p. <8.
R.M.
TRADITIONS MUSULMANES
RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS
Des traditions, quejecroispré-isiamiques,ontcourschez
les Peuls elles font remonter l'origine de cette population
africaine à des migrations sémitiques qui, parties de la Mé-
sopotamie, de la Syrie ou de la Palestine, auraient pénétré
d'abord au Sinaï, puis seraient passées de là en Égypte
d'abord et en Cyrénaïque ensuite, pour gagner à travers le
Sahara les régions du Massina, du Hodh et du Sahel sou-
danais et enfin le Fouta sénégalais ou Tekrour, d'où les
tribus peules dénnitivementconstituées auraient essaimé en
grande partie et à diverses reprises vers le Niger et le Tchad,
d'une part, et vers le Fouta-Diatton, d'autre part.
Certaines de ces traditions assignent comme point de
départa l'une au moins des migrations sémitiques unetoca-
lité, dénommée A kka et sise dans le nord de la Syrie, que
l'on est en droit d'identifier avec Saint-Jean-d'Acre (.~)
elles donnent au chef de cette migration le nom de Did-
A kka ou Did-Okka, d'où elles font dériver le terme
Dt~'d~o, par lequel sont désignés les premiers immigrantsde race blanche parvenus au Fouta, amenant avec eux de
grands troupeaux de bœufs (i).
(<)Ces premiers immigrants portaient le titre ou le nom de c)an deDiah ou Did on pourrait donc à la rigueur traduire le nom qui leur est
donné par « les Diah de 'Akka t. Des chroniqueurs musulmans l'ont inter-
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS 2~.3
Le fait que ces traditions s'accordent toutes à faire péné-trer les migrations proto-peules en Afrique par le Sinaï,
dont le nom sémitique est Vdr, et à les faire aboutir dans
la province du Fouta connue sous le nom de Tdro, a con-
duit ceux qui se sont donné mission de conserver ces tradi-
tions à travers les âges à confondre les deux pays et à placerau Fouta ce qui s'est passé au Sinaï, ou inversement de
là résultent des anachronismes et des interprétations fan-
taisistes, inconscientes ou voulues, qui prêtent facilement
à de nouvelles confusions.
Lorsque l'islamisme se fut répandu parmi les Peuls,
c'est-à-dire à une date assez récente (;), on chercha tout
naturellement à modiner les anciennes traditions de façon
à rattacher les ancêtres légendaires à la famille de Mahomet
ou tout au moins à celles de ses compagnons ou de ses
auxiliaires, ainsi que la chose a eu lieu chez toutes les
populations musulmanes d'Afrique, quelles que soient leurs
origines ethniques.
H se forma ainsi une tradition nouvelle qui eut une for-
tune remarquable, puisqu'on la trouve aujourd'hui ré-
pandue a travers tout le Soudan, et qui, supprimant déli-
bérément plusieurs siècles peut-être plusieurs milliers
d'années dans l'histoire de la formation des Peuls, re-
porta les origines de cette formation au premier siècle de
l'hégire. Le chef des immigrants juifs ou syriens du Sinaï
dont descendraient les Diâ'ôgo, vraisemblablement très
antérieur à Jésus-Christ, devint un certain 'Oqba, Arabe
contemporain de la première expédition musulmane en
prête par le maitre de 'Akka » e)~& en attribuant ce nom au chef des
immigrants, <tancien roi de 'Akka
(t) Si, en euet, il se produisit quelques conversions a partir de l'époquedes Almoravides (onzième siec)e), ce n'est guère qu'au début du dix-hui-tième siècle que la religion musulmane se généralisa parmi les Peuls pro-prement dits.
REVUE DU MONDE MUSULMAN244
Afrique, sans d'ailleurs que les traditions post.islamiques
puissent s'accorder sur sa personnalité exacte, les unes
t'appelant'Oqba-ben-Yâssir et les autres 'Oqbat-ben-'Âmir,
tandis que certaines n'hésitent pas à le placer seulement au
temps des Omeyyades et à l'identifier avec le fameux con-
quérant 'Oqbat-ben-Nâfi'. La confusion entre les deux
pays du Tôr et du Tôro le Sinaï et le Fouta persista
dans les nouvelles traditions et ne fit même que s'accen-
tuer, certains chroniqueurs ayant imaginé d'orthogra-
phier j~ le nom du Tôro comme celui du Tôr, afin de
justifier leur étymologie arabe du nom du Fouta-Tôro,
j~z) )« l'éloignement du Tôr (i)
Enfin, pour expliquer comment la langue peule se
trouve actuellement parlée par deux populations distinctes,
d'une part les Peuls, peuple pasteur et nomade ou semi-
nomade, dont le rattachement au moins originel à la race
blanche est encore facilement perceptible, et d'autre part
les Toucouleurs, peuple nègre sédentaire, agriculteur et
guerrier, formé sans doute du mélange des anciens autoch-
tones du Tekrour avec des éléments soudanais divers et en
particulier mandingues ou soninké (Sossé), on imagina
que les habitants du Tôro, avant l'arrivée du probléma-
(~ Un nommé Harouanou, descendant des Cophtes d'Égypte, était sou-verain de 'Akka ou 'Okka, dans le nord de )a Syrie. Chassé de son royaumepar les Arabes, il s'enfuit dans le Tôr, pays rocheux où se trouvent des ca-vernes dans lesquelles il se cacha. Poursuivi de nouveau par les Arabes, ilse réfugia du côté du fleuve [Senëgatj. Les gens qui le poursuivaient lui
1_
donnèrent alors, ainsi qu'a ses compagnons, le surnom de J)~
« l'éloignement du Tôr ou < j'exi) du Tor expression qui devint par la
suite ~'o<!f0-7~ro ~? fut appliquée au pays en bordure du
Sùiega), dans lequel Harouanou s'était installé et dans lequel i) régna du-rant cent trente ans sous le nom de Dià-'Akka ou Diâ-'ôgo et avec le titre deI)iah. (Début d'une chronique en arabe du Fouta sénégalais recueillie parM. Gaden, qui a bien voulu me la communiquer.)
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS2~5
tique 'Oqba, parlaient unelangue mandingue
etque
les
descendants de ['uniond'unedeieursprincesses avec l'Arabe
'Oqba parlèrent le peul, tandis qu'eux-mêmes.à lalongue,
finirentpar adopter
ce dernier idiome, né dans leur pays
mais différent de leurpropre tangue
L
Quant à'ce nom de 'Oqba donné au soi-disant ancêtre
arabe des Peuls, peut-êtreen
pourrait-on retrouver l'ori-
ginedans celui de
D~dgo, donné, comme je le disais plus
haut. parles traditions indigènes à la
première immigra-
tion de race blanche parvenue au Fouta et à son chef. L'ar-
rivée desDiâ-'ôgo
sur les rives duSénégal ayant eu lieu
probablement vers la fin du huitième siècle, il devenait
facile, en réduisant à un siècle environ les quelque deux
mille ans qui durent s'écouler entre l'apparition des Judéo-
Syriens au Sinaï et le terme de leur exode, de faire inter-
venir lesexpéditions
de 'Amroû ou même de'Oqbat-bcn-
Nân' dans une suite de faitsauxquels elles demeurèrent
très vraisemblablement étrangères.
()) Pour ce qui regarde la langue, je dois dire que, si Je peul ne dérive en
aucune façon de l'arabe et s'il semble bien, par sa grammaire et une partieau moins de son vocabulaire, appartenir à la catégorie des tangues nègres,
si, par conséquent, il est à peu prés certain qu'il n'était pas la langue des
immigrants sémites dont (es descendants plus ou moins métisses sont deve-
nus les Peuls, il n'est pas prouvé que cette langue était celle parlée par les
ancêtres des Toucouleurs actuels. Ces derniers disent eux-mêmes qu'ils sont
d'origines diverses, que leurs ancêtres appartenaient A plusieurs peuplesdistincts (Soninké, Mandingues, Ouolofs, Sérères, etc.), et qu'ils ont em-
prunté aux Peuls, i) y a fort longtemps d'ailleurs, t'idiome qu'ils parlent .tc-
tueiiement; ils appellent cet idiome poM/or, ce qui signifie <i tangue des Peuls »,
comme ty~'or– te nom qu'ils donnent au ouolof signiOe « langue des
Nègres s, et ils se donnent ù eux-mêmes le nom de //«/~oK~o'M, c'est-A-
dire « ceux qui parlent peut L'hypothèse qui me semble fa plus probableconsisterait A supposer que, lorsque tes prefnicres migrations sémitiques
arrivèrent au Tekrour (huitième siècle de notre ère sans doute, peut-êtreplus tôt), les habitants de ce pays formaient un peuple aujourd'hui désagrégéet parlaient une langue qui a disparu depuis en donnant naissance, d'une
part au peul et, d'autre part, au serère, tout en laissant des traces impor-
tantes dans la langue ouolove. Une autre hypothèse consisterait A supposer
que le peul se serait formé dans le Hodh, dans des conditions analogues,
avant l'arrivée des immigrants au Fouta, et que ces derniers l'auraient un-
REVUE DU MOXDE MUSULMAN246
Je me suis efforcé dans un ouvrage récent (;) d'exposer,en les résumant, les diverses traditions pré-istamiques et
post-islamiques qui ont cours au Soudan sur l'origine des
Peuls. Les hypothèses que j'ai suggérées, dans le but d'in-
terpréter les premières de ces traditions et de les concilier
avec les secondes, prêtent certainement à là discussion et
je ne prétends aucunement être arrivé à la vérité: j'ai voulu
seulement essayer de débrouiller un fouillis très enche-
vêtré et de faciliter le travail de ceux qui voudront traiter à
fond cette question.
En ce qui concerne plus spécialement les traditions post-
islamiques, j'ai pensé qu'il pourrait être intéressant de
rassembler celles que nous possédons et de les donner ici
dans leur intégralité, avec quelques notes explicatives. Une
circonstance particulière m'a décidé à le faire. Au début de
cette année !Qt2, je recevais de M. Dupuis-Yakouba,
adjoint principal des affaires indigènes à Tombouctou, un
manuscrit arabe inédit contenant un opuscule composévers t 83o par le célèbreMohammed-Bello, sultan de Sokoto,
,opuscule dont la première partie expose et commente plu-sieurs théories et traditions relatives à l'origine des Peuls
et des Toucouleurs. En même temps, M. Dupuis m'adres-
sait, de la part de M. de Gironcourt, un texte arabe re-
cueilli par cet explorateur et contenant la tradition déjà
connue relative à 'Oqba-ben-Yâssir. Ce dernier document,
identique à quelques mots près à d'autres publiés antérieu-
rement (2), ne présente qu'un intérêt secondaire, mais
l'opuscule de Mohammed-Bello m'a paru digne d'être sauvé
p~se à une partie des Noirs qui les avaient précèdes sur le bas Sénégal et àceux qui vinrent les y rejoindre par la suite.
(t) ~au~A~er (~oM~n /r<ttt(<m) <e ~n~, <M~eu~M, /M /an.~MM,<'A)<fOtre,<M e)y<<)'M<ton!. français) le voLin-8les peuples, les tq8àguea, l'histoire, les civilisations. Paris, 1912, 3 vol. in-8 (voir t. l, p. 198 à
287).(2) Par P. GuEM~M, dans la Revue des ~tudM etlmographiques et MCfo-
logiques (numéro d'avril-juin rooo, pp. )o6 et to~), et par Cu. Mosïm. etG*Ut)EFM)-DEMOMB).'<K dans la Revue africaine (n" 282, 'ou).
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORfGiNE DES PEULS 2~7
de l'oubli, ne serait-ce qu'en raison de la personnalité de
son auteur j'en ai donc fait une traduction, qu'a bien
voulu revoir M. le professeur Houdas et que l'on trouvera
plus loin.
Quant à la tradition relative à 'Oqba et à l'intervention
de l'expédition de 'Amroù, nous la connaissions déjà de
diverses sources. Le premier ouvrage où je Pai~trouvée rap-
portée est la relation du deuxième voyage de Clapperton,exécuté en 1827 (t); je l'ai rencontrée aussi, quoique bien
déformée, dans un mémoire du comte d'Escayrac de Lau-
ture paru en ;855-;856 (2). Plus récemment, en 1909,M. P. Guebhard en a donné en arabe deux versions à peu
près identiques, qui lui avaient été communiquées au
Fouta-Diallon, l'une par le marabout Karamoko-Ousmân
et l'autre par le marabout Mâmadou-Samba;it il les a accom-
pagnées d'une traduction française généralement fort incor-
recte à tous égards (3). En !Q;o,M.C.Vicars Boylerecueil-
lait dans l'Adamaoua un écho de la même tradition et en
publiait le résumé en anglais (4). En tût! enfin, M. Ch.
Monteil publiait un texte arabe à peu près identique~ ceux
donnés par M. P. Guebhard et recueilli par lui à Dienné
en iQOt, en l'accompagnant d'une très fidèle traduction
due à M. Gaudefroy-Demombynes (5).
J'ai cru bon de donner ici, avec quelques commentaires,
la traduction française des textes recueillis par Clap-
()) Ci-tpfMTOt, /ot<f)M/ of a second expeditiott tn<o the interior o/Africa. Philadelphia, t829, in-8 (appendix, pp. 3~-399; traduction en anglais,parA.-V. Salame, de deux textes arabes sans indication d'auteur recueillis aSokotoen ~827 par Clapperton).
(:) D'EscAYRAC DE LAUTUM,A~MtOt't-e sur le Soudan. Paris, 1855-56, in-8
(pp. 61-62 tradition recueillie au Caire par l'auteur en )855, de la bouched'un cheikh baguirmien nommé Ibrahim).
(3) /<e)'Medes études ethnographiques et sociologiques, too~, 1oc. cit.
(4) /OMr')a/ of the African Society, octobre 19)0.(5;~eM«a/'r)catMe, )OH,foc. cit. (Cette publication a paru postérieure-
ment a l'impression du premier volume de l'ouvrage cité plus haut //«Ht-
Sénégal-Niger, etc.)
REVUE DU MONDE MUSULMANN248
perton (i), ainsi que le passage précité de d'Escayrac de
Lauture, ces documents étant un peu oubliés aujourd'hui.
J'y ai ajouté une variante inédite de la même tradition, re-
cueillie par M. l'administrateur Logeay auprès des Peuls-
Sambourou du cercle de Goumbou (2), que j'ai fait pré-
céder de la traduction du texte arabe recueilli par M. de
Gironcourt, accompagnée de quelques notes permettant de
comparer ce texte avec ceux publiés par MM. Guebhard
et Monteil. Cet ensemble .de documents se termine par la
traduction partielle de l'opuscule de Mohammed-Bello.
I. TRADUCTION D'EXTRAITS DE DEUX DOCUMENTS ARABES
RECUEILLIS EN tSzy A SûKOTO PAR CLAPPERTON (3).
A. L'autre province [du Mali), située à l'ouest [du
Bambara], est le Fouta, qui est habité par les 7'dnMo (4) et
les « Sarankali ou Persans (5) ». Les Tôrôdo, dit-on, étaient
(t) Je dois faire toutes mes réserves en ce qui concerne cette traduction,
puisque je n'ai pas eu entre les mains les textes arabes et que j'ai da me
contenter de la version anglaise de Salame.
(:) Cette variante se trouve consignée dans la Monographie du cercle de
Goumbou, rédigée en toog par ce fonctionnaire, sur l'ordre de M. le gouver-neur Clozel (Archives manuscrites de la Colonie du Haut-Sénégal-Niger).
(3) D'après ta version anglaise de A. V. Salame, pp. 3QMo9 du Journal ofa second expedition, )8:9. Aucune indication n'est donnée sur le nom des
auteurs des documents ni sur la date à laquelle ils furent écrits.
(~) 7'o~)'oo<:f dans la version anglaise le texte arabe devait évidemment
porter J~j~.Les T&rôdo (voir plus loin l'opuscule de Mohammed-Bello)
constituent un groupement de langue peule tenant à la fois de la caste et dela tribu bien que, d'après M. Gaden, leur nom n'ait aucun rapport avec
celui de la province du Tôro, il semble que c'est au Fouta-Toro ou Fouta
sénégalais qu'its se sont formés, principalement parmi les Toucouleurs. Ils
se sont répandus de là à travers tout le Soudan 'Otsman-ben-Fodia, qui
conquit Sokoto sur les Haoussa, était un Tôrôdo.
(5) Le mot Sarankali désigne très vraisemblablement tes .SaraAo~ ou So-
tff)~, qui, en effet, ont d'assez nombreux représentants au Fouta. J'ignore
quel est le mot arabe que Salame a traduit par « Persans t peut-être ce
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS 249
originairement Juifs, d'autres disent Chrétiens. On dit qu'ils
étaient venus dupays situé entre les deux rivières, le Ni)(t)
etl'Euphrate, et s'étaient établis auprès des Juifs
quihabi-
taient dans l'ile (2); chaque fois qu'ils opprimaientles Juifs
ou leurprenaient
du territoire, ces derniers avaient tou-
jours recours à laprotection des chefs des Sehabat (les
amis immédiats oucompagnons
de Mohammed), qui alors
régnaient sur eux,
Ondit qu'ils (3) avaient coutume de
leur (4)dire « Nous
mot, dans l'esprit de l'auteur du document, avait-il la signification de« païens e, qui est couramment donnée par les Arabes au mot ma<(;o<!<
(mage), quoique, à vrai dire, les Sarakolé du Fouta sont probablement mu-
sulmans depuis aussi longtemps que les Toucouleurs. Il est possible que
l'auteur arabe ait voulu dire que, au temps où les Tôrôdo ou leurs ancêtres
étaient juifs ou chrétiens, les Sarakoté pratiquaient une religion païenne
analogue à celle des mages persans. Un autre document, traduit aussi parSalame, dit, à propos du Mali, que ce pays « était autrefois, dit-on, sous la
dépendance d'un peuple appelé Sarankali, qui, croit-on, était persan ».
p) Salame a mis ici en note « tt y a là une erreur: ce devait être le
Tigre. » est probable en enet que l'auteur a voulu parler de la Mésopo-
tamie et a substitué le Nit au Tigre, par ignorance ou par inadvertance.
Toutefois, sans le texte arabe, il est difficile de se prononcer, car on ne sait
à quel temps exactement il faut mettre les verbes et si cette phrase et t.t
suivante relatent des faits se rapportant à une même époque. Dans la néga-
tive, on pourrait entendre « On dit que le pays d'origine des Tôrôdo était
)a Mésopotamie de là, ils vinrent s'établir auprès des Juifs qui habitaient
le Sinaï (voir la note suivante), x Dans l'affirmative au contraire, il serait
possible de maintenir le mot « Nit » et de traduire « On dit que les Tô-
rôdo sont venus d'un pays situé entre le Nil et l'Euphrate (le Sinaï), où ils
s'étaient établis auprès des Juifs habitant cette presqu'île. »
(2) Le mot arabe que Salame a traduit par ~OM~ doit être assurément
titrât or on sait que ce mot désigne aussi bien une presqu'ile qu'une!)e véritable et qu'il s'emploie également pour un pays compris entre deux
neuves l'«< tte x dont il s'agit peut donc très bien être le Sinaï, comme elle
peut aussi être la Mésopotamie. Si t'en passe du début à la fin de la migra-
tion qui aurait donné naissance au peuple peu), on peut également entendre
par ite » le Sahel soudanais, situé entre le Niger et le Sénégal, ou te
Fouta, situé entre le Sénégal, la mer et la Casamance (voir plus loin l'opus-
cule deMohammed-Betto).(3) « Les Juifs, d'après Salame. Je crois que ce pronom, au contraire
représente ici les Tôrôdo, qui, d'après la tradition rapportée ci-après, au-
raient profité de l'arrivée des Musulmans pour vaincre tes Juifs. )) y a d'ai)-
leurs un anachronisme évident entre la première et la seconde partie du
texte, puisqu'on vient de nous dire que les Musulmans étaient maitres du
pays. Ou alors la traduction de Salame serait fautive.
(4) C'est-à-dire « aux Tôrôdo x, si l'on adopte l'interprétation de Salame,
ou « aux Juifs ?, dans le cas contraire.
REVUE UU MONDE MUSULMAN:5o
sommes venus vivre dans ces îlespour
attendre la venue
d'unProphète après lequel
iln'y en
aurapas d'autre;
après sa venue et sa mort. un de ses parents nommé Abou-
bekr lui succédera, et le successeur d'Aboubekr sera
Amrou ()), dont lestroupes
viendront sur la surface de
cette eau etpar
là ils voulaient dire Termes(2) nous
protéger contre vous et nous mettre à même de conquérir
votrepays.
» Tel est ce que nous avons trouvé rapporté
dans nos écrits.
B. On dit que l'origine de la tribu des Peuls (3) est
la suivante. Quand l'armée desCompagnons
du Pro-
phète (4),sous le règne de 'Omar-ben-et-K.hattâb, pénétra
dans l'Occident (5), elle arriva d'abord à Termes (6); les
(t)~t));'oo il y a )A confusion entre 'Omar, successeur d'Aboubekr, et
'Amroù, général envoyé en Afrique par'Omar. La confusion est facile à fa're
pour un copiste ignorant, le; deux noms ne diftérant, lorsqu'ils ne sont pas vo-
calisés, que par le fait que celui de 'Amrod se termine par un <Mw et
(2) L'eau dont il s'agit ne peut être que la mer Rouge, s'il s'agit réelle-
ment de l'expédition de 'Amroû. Même si l'on )ransporte le théâtre des faitsdu Sinaï au Soudan. on ne trouve aucune a eau », mer, fteuve ou lac, dont
le nom ressemble à TerMM, au moins à ma connaissance. !) doit y avoir là
une interpolation d'un copiste, qui a voulu localiser cette histoire dans le
pays dont passent pour être originaires l'ancienne famille royale des Peuls
du Massina et l'un des conquérants du Fouta (voir plus loin).
(3) The fe/<tt (t-t'te le nom des Peuls est écrit J~ dans la plupart des
manuscrits arabes que j'ai eus sous les yeux, entre autres dans celui de
Mohammed-Bello on rencontre aussi le dérivé,a!
(4) The army of the ~e/)~t'a<.
i5) /H<o the GA<!t-t.
(61 Nous trouvons ici une nouvelle preuve de l'effort tente par les anna-
listes musulmans pour concilier les traditions anciennes avec des faits con-
nus de l'histoire musulmane )esTor4dodu Fouta sont donnés comme les
habitants du Tôr, c'est-à-dire du Sinaï, et le Sinaï à son tour est identifié
avec une localité soudanaise. Les chroniqueurs du Fouta sénégalais font
venir dans leur pays, vers une époque que je serais tenté de placer au qua-torzième siècle, une invasion de Peuls et de Mandingues ou de Soninké con-
duits par un certain Mm-7'erntM. c'est-à-dire roi de Termes», qui venait
de l'est et qui a laissé au Tôro un souvenir encore trés vivant. Une localité
du même nom est citée a deux reprises dans le 7'n'AA-M-~OM<<<)M (pp. t68
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'OMGtNE'DES PEULS 251 ¡
Tôrôdo, t'ayant aperçue, seplacèrent immédiatement
sous saprotection et se firent musulmans avant les Juifs
qui attendaient cette armée c'est pour celaqu'ils furent à
même de combattre et desubjuger les Juifs et les Per-
sans(;). Quand les
Compagnonsdu
Prophète voulurent
faire repartirleurs troupes de l'Occident, le chef des Tôrôdo
leur dit « Vous nous avezapporté une religion que nous
ignorions etvous partez maintenant sans nous laisser
per-
sonnepour
nous instruire dans cette religion et ses tois »
LesCompagnons
duProphète, répondant
à cetappel,
lais-
sèrent derrière eux, pourinstruire les Tôrôdo, '0~a-6eK-
et 28t-~S! de )a traduction Houdas). Voici le premier passage « A la fin del'année 957 (fin de l'année i55o), il (Askia Daoud, empereur de Gao] fit une
campagne contre Tagha ;ou Ta'a), nom d'une localité sise dans le pays de
Bâghena et qu'on appelle encore7't')'~w[,j~
dans l'un des manu-
scrits, ~<dans un autre] et Koma. Là, t) fit la guerre contre le Fondoko
Djadji-Toman [ en peul « contre l'ardo Diadié-Toumané "] et ramena decette expédition des chanteurs et un grand nombre de chanteuses dites
mdbi[,a'L<
en peul, on appelle Mdbbé ou AMtoxM les membres d'une–y
sorte de caste de musiciens et chanteurs] o. Voici maintenant le deuxième
passage: « Les rois du Masina lde la dynastie des Diatto] sont originaires
de Koma, nom d'une localité du pays de Qayaka [t~U, peut-être te ~an/a~tt
de nos cartes, au nord-ouest de Ségou] qu'on appelle encore To'o et 7'<
H<w [,t~].» Plus loin, l'auteur du Tarikh rapporte qu'un nommé Ma-
ghan se rendit en deux journées de cheval de Tirmisi (ou Termes) « à une
colline appelée Masina et située sur le territoire du B~/tena-<< (ou
prince du Bàghana), laquelle colline se trouve près de la mare de Kékey,
non loin de la rive gauche du marigot de Dia, un peu au nord de Ténenkou
(Massina occidental). Je serais tenté de croire qu'il s'agit dans ces deux pas-
sages de deux localités diRérentes, quoique portant le même nom ou
plutôt les mêmes noms, que les indigènes prononcent tourna, 7'of et
Termes. La première celle où Daoud fit une expéditiondevait se
trouver prés de Nampata, sur la route de Sokolo à Soumpi ta seconde dutêtre fondée par des Peuls venus de la première et recevoir ainsi son nom de
celle-ci elle devait être située dans le Kaniaga, entre Goumbou et Ségou.
L'une et l'autre d'ailleurs faisaient partie de la province du Bàghana, quis'étendait du Kaniaga Ouatata et comprenait l'ouest du Massina actuel.
D'après M. Gaden cependant, il faudrait placer le pays de T'f/'mM plus au
nord-ouest, dans le Hodh.
(;) Voir la note 5, p. 248.
REVUE DU MONDE MUSULMANz5z
'A?K:'t'. Celui-ci épousa une fille du chef, nommée Ga-
diouma, et eut d'elle quatre fils Dita, Nasser, Ot«t~'a et
Rarabi (t). H retourna ensuite en Égypte et laissa derrière
lui ses quatre fils avec leur mère. Ils grandirent et par-
lèrent une langue différente de celle de leur père, qui était
l'arabe, aussi bien que de celle de leur mère, laquelle était
l'ancienne langue desTôrôdo, appelée te ouakori (2). Ils se
marièrent et eurent des fils et des filles d'où descendirent les
Peuls c'est ainsi que le père des Peuls fut un Arabe et leur
mère uneTôrôdo. Tel est ce que nous avons trouvé rapporté
dans nos écrits.
II. TRADITION RECUEILLIE ORALEMENT AU CAIRE EN '855
PAR LE COMTE d'ESCAYRAC DE LAUTURE AUPRÈS D'UN
CHEIKH DU BAGUIRMI (3).
« Un certain Yakoub (4), natif de t'Inde (5), passa
d'Egypte dans le Soudan. Le Soudan n'ayant pas d'habi.
(<) Les noms donnés aux quatre enfants et à leur mère différent peu deceux que l'on trouvera mentionnés dans les documents suivants. ~tMO' (au
lieu de~MOM) peut provenir d'une erreur de lecture pour
(2) Nom donné par les auteurs arabes aux Soninké et aussi aux Mandin-
gues et Bambara, ainsi qu'aux langues parlées ar ces peuples ou tribus. On
trouve ce mot orthographié ~J ~). ~~), ~j~. ~~3ett
~·
(3) D'EscAYRtC DE HumNE, A~MtOt~ ~«f le Soudan. Paris, t8M-<856,in-8, pp. 6t et 62.
(~) Yakoub est une déformation possible de 'O~a, à moins que ce nom
.soit un souvenir de la tradition pré-islamique faisant intervenir Jacob dansles origines du peuple peul et que 'O~a ne soit, au contraire, en l'espèce
qu'une déformation post-islamique du nom de Jacob~o
il est bon
d'observer qu'en arabe ces deux noms appartiennent à la même racine
(5) Si le comte d'Escayrac a bien traduit ici ce que lui a conté le cheikh
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS 253
tants à cette époque, il épousa une femelle de caméléon[en
fellata (t) Douniourgali (2~);il en eut une
postérité nom-
breuse, représentée aujourd'hui par la nation fellata. Sui-
vantquelques-uns, Yakoub serait revenu en
Égypte ety
serait mort; son tombeau serait situéprès
du vieux Caire,
derrière le tombeau et lamosquée de l'imam Chafey (3). De
toute façon, l'existence de Yakoub serait postérieure à celle
de Mahomet. »
III. TRADUCTION D'UNE PAGE MANUSCRITE RÉDIGÉE EN
ARABE ET RECUEILLIE AU SOUDAN PAR M. DE GIRON-
COURT EN!()U.
(Inédit.)
Sache que l'origine des Peuls remonteautempsde'Omar-
ben-el-Khattâb(4) (que Dieu soit satisfait de
lui !).Il en-
voya 'Amroû-ben-el-'Aci avec des troupes du côté de
l'Occident, mit les troupes dans un bateau sur la mer (5),
et lui dit «Lorsque tu rencontreras les rois du
pays,
envoie-leurla parole deCelui qui doit être exalté « Venez à«une
parole qui mettel'égalité
entre nous et vous, en ce sens
«que
nous n'adoreronsque Dieu, » selon le verset (6).
»
Lorsqu'il (y)eut atteint le
pays de T'<(8), il envoya 'Oqba-
Ibrahim, son informateur, cette tradition est la seule qui assigne t'fnde
comme patrie au soi-disant ancêtre des Peuls.
(t) Fellata est le nom donné aux Peuls par les gens du Bornou.
(2) « Caméléon se dit, en eOet, en peu),~ûMX)OMr~o~ou <~o))~0t'~o< (cf.
WMTEXMASK, Handbuch der fx/cAe. Berlin, 1909, in-8, p. 26).
(3) Ce détail pourrait s'appliquer à l'un des divers personnages du nom
de 'Oqba que les traditions musulmanes font intervenir en la matière
'Oqbst-ben-'Amir-ben-Qeïs, qui mourut en Egypte (voir l'opuscule de Moham-
med.Betto).
(<)) Le deuxième khalife, qui régna à Médine de 63.) <\ 6~4.
(5) La mer Rouge, puisque ('expédition de 'Amroù partit de Médine.
(6) Verset 57 de (a Ht' sourate.
(7) C'est-à-dire 'Amrou.
manu-(S) Nom arabe du Sinaï l'orthographe usuelle est J~ mais le manu-
REVUE DU MONDE M~SULMA~)~54
ben-Yâssir (;) de la manière que lui avait dite 'Omar-ben-
el-Khattâb, et cetui-tà (2) convertit le roi du pays ainsi que
ceux qui se trouvaient avec lui et une grande partie de son
peuple, et il fit la guerre à ceux qui refusèrent de se con-
vertir. Lorsque 'Amroû-ben-el-'Aci voulut s'en retour-
ner (3), le roi de Tôr lui dit « Voici que tu t'en retournes
en nous laissant dans les ténèbres de l'ignorance donne-
nous quelqu'un qui nous instruise dans la loi de Dieu. Il
lui dit « Qui veux-tu ? Le roi dit « Je veux 'Oqba-ben-
Yâssir. ? » Alors 'Amroû ordonna à celui-ci de rester pour
les instruire. Puis, 'Oqba-ben-Yâssir ayant été installé
[dans ses fonctions], 'Amroû-ben-el-'Aci retourna à Mé-
dine. Des conteurs disent qu'il trouva 'Omar-ben-ei-
Khâttab déjà mort, d'autres disent qu'il le trouva vivant et
que 'Omar ne mourut que plus tard (4).
Quant à 'Oqba-ben-Yâssir. il épousa une fille du roi de
Tôr nommée Yadjma'ou (5), taquette mit au monde quatre
enfants le premier de ces enfants fut Z)F<o (6); ensuite vint
scrit de Qironcourt, comme les manuscrits Guebhard et Monteil, porte
~)y de même, le nom du Toro (province du Fouta sénégalais) est ortho-
graphie tantôt J)- ouJj~ et tantôt jy ou 3jy par les lettrés
soudanais.
(') t')* Les manuscrits Guebhard et Monteil donnent )~
même nom à ce personnage seul le manuscrit Monteil porte l'orthographe
~J~ pour le premier mot.
(:) C'est-à-dire 'Oqba.(3) En Arabie, après qu'il eut conquis FÊgypte.(4) C'est-à-dire que, selon tes uns, le retour de 'Amrou à Medine eut
lieu après la mort du khalife 'Omar (6~4) et, selon les autres, avant sa
mort.
(5);c.
On trouve 7'<!<</m<t'oKdans les deux manuscrits Guebhard,
yat(;tH<ou dans le manuscrit Monteit et dans Mohammed-Bello.
(6) On trouve Da'do ou D<'i<odans l'un des manuscrits Guebhard,
D<<o ou Ct'<o dans l'autre, Da'to dans le manuscrit Monteil et D''<o dans
Mohammed-Bello.
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS 255
Ouayyo (t),ensuite Ndsso (2); ces trois enfants étaient des
nUes; ensuite naquit Rou'rouba (3), quiétait un garçon (4).
Di'to enfanta les rois des Peuls (5), Ouayyoenfanta
le clan des Bari (6), Nâsso enfanta le clan des Sdh (7)
(t) j;Même orthographe dans tous les manuscrits, sauf dans Moham.
med-Bello, qui donne Ouowwa (jj). L'un des manuscrits Guebhard et
Mohammed-Bello assigne le troisième rang à cet enfant, donnant le second
Nâsso.
(~) Lj*"Même orthographe dans le manuscrit Monteii et dans Moham-
med-Bello les manuscrits Guebhard portent (A'ottMO ou A'M).
i ~Q"
(3) et plus loin <-< (Rou'ta). L'un des manuscrits Guebhard
porte Rou'ba, comme aussi Mohammed-Bello l'autre manuscrit Guebhard1 t, w
porte ~OM'roMta et le manuscrit Monteil /!a'rotoH(~)~). j.
(4) Le manuscrit Monteil fait des quatre enfants des garçons Mohammed-
Bello fait de même, au moins implicitement. Les deux manuscrits Guebhard
font de Rou'ba ou Rou'rouba seul un garçon et des trois premiers enfants
des filles, comme le manuscrit de Gironcourt.
(5) L'un des manuscrits Guebhard et le manuscrit Monteil disent .que le
premier enfant eut comme descendance la tribu ou le clan Diallo (<)
l'autre manuscrit Guebhard dit « Di'to enfanta le roi des Peuls de clan
Dia))o Mohammed-Bello donne comme descendance à Di'to tes f<«o«g'/)<
d'ob « sortirent tes tribus du Songhaï ». Toutes ces données concordent: les
rois peuls du Massina, jusqu'au début du dix-neuvième siècle, appartenaient
au clan Diallo, qui est aussi le clan royal chez tes Fittougabe de la région
de Niafounke-Sarafërë.ou les Sanghaï voisinent avec tes Peuls.
(6)~;dans les manuscrits de Gironcourt et Guebhard, dans le manu.
scrit Monteil. L'un des manuscrits Guebhard fait suivre Bari du mot D~e-
dyo (- pour ')ce mot est la forme du singulier du nom d'une
tribu peule (les Dayébé) dans laquelle les Bari constituent le clan principal.Mohammed-Bello donne comme descendance à Ouowwa les /roM, que
tes autres manuscrits attribuent à Nâsso.
(7) ~t«ou
7* ydans le manuscrit de Gironcourt
7~dans les deux
manuscrits Guebhard, dont l'un ajoute le mot f~0 (-)t singulier de
~)'oA~, tribu peule dont le clan principal porte le nom de .MA (A'A)
dans le manuscrit Monteil, par suite d'une erreur évidente de voceaisation.
Mohammed-Betto donne & Nâsso comme descendance les Bo'A~~tn (r}
d'ou sortirent les tribus des Wo<o<]~ et d'autres encore
REVUE DU MONDE MUSULMAN256
et Rou'ba [engendra] le clan des Bah (t). C'est fini (2).
IV. TRADITION RECUEILLIE ORALEMENT A GoUMBOU
(SAHEL SOUDANAts) PARMt LES PEULS-SAMBOUROU PAR
M. L'ADMINISTRATEUR LOGEAY (1909).
(Inédit.)
« A une époque fort reculée, un Arabe nommé Omar-
~OM?!ou.AMo!t~f~ (3), venu des environs de la Mecque
où il avait fait un pèlerinage (4.), prêcha la guerre sainte.
Tout en prêchant et enguerroyant,
il arriva, sans avoir
fait souche en route, dans le Fouta Sénégalais (5). Les po-
pulations de ce pays, subjuguées par son génie et sa sain-
teté, rendirent hommage à sa valeur et le choisirent comme
chef. Mais il se déroba et laissa à Guédé (6), comme son
(;) ~)dans les manuscrits de Oironcourt et Monteit et dans un manuscrit
Guebhard, qui ajoute le mot '0~o<!ro Oj ~~), singulier de '0<OMrM,
tribu peule dont )e clan principal porte le nom de Bah;~u
dans l'autre ma-
nuscrit Guebhard; Mohammed-Bello donne comme descendance à Rou'ba
« les W<!<o<!& [tribu] i' laquelle appartenait l'ancêtre du prince des Peuls
(!) L'un des manuscrits Guebhard se termine par la géneatoRie de 'Oqba-
ben-Yassir, qu'il fait remonter à 'Adnan, ancêtre du prophète Mahomet, parYAssir, Mo'adz, Moghits, Foutàniyyou mot qui, entre parenthèses, est en
arabe le nom des PeuJs ausingulier-, Salim (ou Souleïm), Sa'id et Mor-
rata. Le manuscrit Monteil donne la même généalogie, en la comparant à
celle du Prophète, mais sans citer le nom de 'Adnân auparavant il fait
remarquer que le père des Peuls fut un Arabe et que leur mère fut la fille
du roi de Tôr.
(3) La substitution de ce nom à celui de '.Amroti.~eM-tct est évidente
et s'explique aisément par l'ignorance ou la maladresse des copistes.
(<)) L'introduction de ce pèlerinage dans la tradition est due à ce que, pourles Soudanais, tout homme venant de la Mecque est considéré comme un
pèlerin.
(5) Ici, le nom même du Fouta a été substitué à t'enigmatique Tdr, afin delocaliser sans contestation possible la légende sur les rives du Sénégal.
(6) Ancienne capitale du Tôro, non loin et au sud-est de Podor.
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS257
17M.
lieutenant, un de ses principaux chefs de guerre, du nom
de Ougoubata (i). Ce dernier, déjà connu et sympathique
à la population, fut élu roi du Fouta. H prit pour femme
Diouma Sal (2), fille du chef de Guédé il en eut quatre
fils, qui furent les premiers Peuls. La langue toucouleure,
dit la légende, prit naissance avec eux (3). A la mort d'Ou-
goubata, Diouma Sal épousa son premier captif, dont les
descendants formèrent la fraction des DM~CH~o (~). »
w
V. TRADUCTION D'UN EXTRAIT D'UN OPUSCULE INÉDIT
COMPOSÉ EN ARABE PAR MoHAMMED-BELLO, SULTAN DE
SoKOTo(i8i7.!832)(5).
Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux.
Que Dieu prie pour notre seigneur Mohammed, pour sa
famille et ses compagnons, et qu'il leur accorde le salut.
Voici ce qu'a dit le Seigneur juste, le modèle parfait, le
(t) Prononciation rationnelle, chez les Soudanais, du nom de 'Oqbat
comparez Chanata (~'t&),F4toumata ('Ht~),Aïssata('Lt~), etc.
(2) JI est facile de reconnattre dans Diouma Je nom donné à la fille du roide Tôr une fois débarrassé de sa première consonne, d'ailleurs douteuse
puisqu'on a tantôt Yadjma'ou(/)
et tantôt Tadjma'out/),
ce
mot non vocalisé sera presque fatalement prononcé Diouma par un Souda-
nais, qui éludera Je '<!rM final: comparez oMtoMma < vendredi pour
~?6'), f<«}MO, < mosquée* pour;t
etc. Quant à Sal, c'est le nom
d'un clan du Fouta auquel aurait appartenu la famille royate avant l'arrivée
des Peuls et qui existe encore de nos jours.(3) Par «
langue toucouleure » convient d'entendre ici la langue peule,qui est commune depuis fort longtemps tout au moins aux Peuls et
aux Toucouleurs.
(4) Les .Df«)MmM (singulier D~M'at~o) forment une sorte de caste quel'on rencontre auprès des Peuls et à laquelle ces derniers attribuent en gé-
nera) une origine servile. 1
(5) D'après une copie recueillie en ~fi & Tombouctou par M. Dupuis-
Yakouba.
REVUE DU MONDE MUSULMAN258
magistrat supérieur en fait de justice arabe, le maître de
ceux qui s'occupent de sciences littéraires, le mieux versé
dans la connaissance du Coran et de la tradition moham-
médique, l'observateur perspicace des sciences du droit,
t'abrogateur des doctrines nouvelles et des coutumes con.
damnables, celui qui surpasse tous les autres dans la
science de la vérité, le prince des croyants Mohammed sur.
nommé Bello, fils du prince des croyants, du cheikh des
cheikhs, de l'unique de son temps, 'Otsmân, connu sous
le nom de Ibn-Fôdia que Dieu les assiste tous les deux
ainsi soit-il, ainsi soit-il, ainsi soit-il (i)
Louange à Dieu qui a appris et fait connaître à l'homme
ce qu'il ignorait et qui nous a envoyé Mohammed, avec le
livre précis qui contient l'explication de toutes choses et
constitue le guide de celui qui veut s'instruire que Dieu
prie pour lui et lui donne le salut, ainsi qu'à sa famille et
à ses compagnons, et qu'il leur accorde gloire et honneur
Après avoir lu les Prolégomènes (2) de notre professeuret maître (3), intitulés la bénédiction dans le repos et l'ac-
tion, qui est la chose prescrite pour l'explication des ëert'~
que l'on a ~M~s auprès des professeurs (4), puis la eom-
(t) Ce début n'est vraisemb)a[;tejnent pas de Mohammed'Be))o il doit
avoir pour auteur, sott le copiste qui nous a donné son nom à la fin du ma-nuscrit, soit l'un de ceux par l'entremise desquels l'opuscule du sultanBello était parvenu jusqu'à lui. Cet opuscule lui-même commence à ie
phrase suivante.
(a) La moqaddima ~<
(3) Il s'agit d'un oncle paternelde l'auteur (voir plus loin).
(4) Titre de l'ouvrage auquel fait allusion Mohammed-Betto ~J_
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS z3o
position poétique (i) de notre frère El-Moustafa-ben-
Mohammed-ben-Mohammed. contenant la listecomplète
de ceux dont il avait étél'élève, j'ai senti se fortifier en
mon âme le désir de concourir avec eux, bienque j'eusse
déjà composé auparavant la vulgarisation facilitée de la
chronique des pays du T'eAro~(2J. J'ai doncconçu l'idée
de les citer l'un et l'autre, en ajoutant des commentaires
auxProlégomènes de notre
professeur et maître j'ai ainsi
appelé l'attention sur quelques indications qui ne sont pas
l'expression de la vérité, sans aucune intention d'ailleurs
d'en faire la critique ni d'en diminuer la valeur, mais seu-
lement dans le but d'en faire profiter le lecteur de façon
complète.
Je dis donc et que Dieu me vienne en aide! qu'il (3)a dit « Les Tordafo (4.) ont donné naissance à la tribu des
Peuls et leur langue est la langue des Peuls, »
Pour ce qu'il a dit au sujet des T'dr<Mo ayant donné
naissance à la tribu des Peuls, nous savons par les histo-
riensque
la mère de la tribupeule était
Yadjma'ou, fille du
roi des T~nMo (5), qu'avait épousée 'Oqbat-ben-Ndfi'-el-
(t) La fM~o<)m< <L<~M~.
(!jjj~d) ~j~ ~jLb~.Unextrait de cet ou-
vrage de Mohammed-Bello a été recueilli à Sokoto par )e voyageur Clapper-
ton, et une traduction de cet extrait a été publiée par Salame dans DtXHAO
ahd CnpMRTOK, Narratipe of <t'<!feh and ~~coferm /ybW/)er)t and
Central Africa ()8ii!-f82~). London, )826, in-4 (Appendix). Par T'eArour,
Mohammed-Bello entend, non pas le pays de ce nom situé sur le Sénégal,mais l'ensemble du Soudan.
(3) C'est-à-dire l'auteur des ~o~on~nM,dont le titre complet a été
donné précédemment.
(4) On donne en peul Je nom de 7'M<<o, pluriel 7'~ro~&~ ou
T'dro&M à une caste musulmane comprenant en majeure partie des Tou-
couleurs originaires du Fouta sénégalais et à laquelle appartenait 'Otsman,
fondateur de l'empire de Sokoto, ainsi naturellement que son fils Moham-
med-Betio. La signification originelle de ce mot, d'après M. Gaden, est
« ceux qui font la quête ensemble ». (GADEf, le Poular, tgt2, p. Sa.)
(5) L'auteur fait ici une confusion évidente entre les mots, T6r (Sinai),
REVUE DU MONDE MUSULMAN260
F:r:(!), lequeleut d'elle quatre enfants Di'to, Ndsso,
OMO~j~a et Rou'ba (2) Di'to engendra les Fittougha et
des Fittougha sortirent les tribus du Songhaï (3) et d'au-
tres encore Nâsso engendra les Ba'dwiyyin (4), d'où sor-
tirent les tribus des Wo~M (5) et d'autres encore
Ouowwa engendra!es Férobé (6), et les tribus des Férobé
sont connues chez les Peuls Rou'ba engendra les Wd-
MM, [tribu] à laquelle appartenait l'ancêtre du prince des
Peuls (7).
Quant à ce qu'il a dit au sujet de la langue des 7~r<Mo
étant la langue des Peuls, cela diffère de ce que l'on con-
naît d'après les historiens, lesquels disent que la langue
des T<M~o, avant les Peuls, était le M~Aoro (8), qui est la
Tdro (province du Fouta sénégalais), Tdronddyo ou MroHM (habitant du
Tôro) et Tdrddo (homme de la caste des Tôrodbé) il semble faire des Tô-
rôdoune tribu ou un peuple et les identifier avec les anciens habitants du
Tôr, c'est-à-dire du Sinaï, on, si l'on en croit la tradition, vivait la princesseYadjma'ou il parait bien, d'autre part, donner le nom de 7'dnMo aux gens
que nous appelons les Toucouleurs.
(t) Il s'agit ici du célèbre conquérant omeyyade.
(2) Ces quatre noms sont orthographiés dans le texte )~& j).) et
-u,1
(3) Par Fittougha(/),
il convient sans doute d'entendre la tribu peule
des FfftoM~t' dont tes chefs appartiennent au clan Diallo, et qui est ré-
pandue à proximité du pays des Songhaï f~), dans le Fitouka et aitteurs.
(4) Peut-être Ba'dwiyyln (~.3~')est-il une sorte de pluriel arabisé du
nom de clan Bah peut-être aussi ce mot a-t-il une autre origine que j'ignore.
(5) Les Wo<o<!M (~M)forment une tribu aujourd'hui peu répandue, au
moins sous ce nom.
(6) Les F~oM (~?) ont comme clan principal celui des ~dA.
(7) Même observation pour les WMoi!~ (')'* J) que pour les Wo~ctX'f.
On remarquera que Mohammed-Bello ne donne ni le même ordre, ni la
même descendance aux quatre enfants de Yadjma'ou que la plupart des tra-
ditions relatives au même sujet.
(8) ~J )) l'expression M'f!Aoro, K'dAor< ou )MMg'ora désigne en générai,
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS 261
langue des Bambara. C'est lacroyance commune que les
enfants de'Oqbat ne parlèrent lalangue peule que lorsqu'ils
eurent grandi ('), et ceci n'est pas éloigné de la vérité; si la
plus grande partie des tribus des 7'dnMo de ce pays (2) ne
connaissent pas d'autre langue [que lepeul], ce fait pro-
vient de ce qu'ils (3) se sont fondus parmi les Peuls et se
trouvent éloignés de leur pays.
H dit encore « Ils(4) précédèrent de sept ans les Peuls
au t~aoussa. D'après ce que nous avons entendu dire au
contraire, la tradition est que les Peuls les précédèrent de
sept ans au Haoussa, comme c'est lacroyance com-
mune (5).
Il dit encore « Leurorigine c'est-à-dire celle des
T~r~o d'après ce que nous avons entendu dire, pro-
viendrait des Chrétiens de la Méditerranée (6). Lorsque
les troupes des Compagnons du Prophète furent arrivées
chez eux, leur roi fit sa soumission et maria sa fille à
'Oqbat-ben-'Àmir, le Compagnon du Prophète, champion
chez les auteurs arabes, l'ensemble des populations de langue mandé, parmi
lesquelles se rangent les Bambara f~-L} (J~').
(t) Sans doute faut-il entendre a torsqu'its se furent multipliés
(2) Littéralement « d'ici (LA); l'auteurentend probablement les Tôrôdo
répandus de son temps au Haoussa et dont il faisait partie lui-même.
(3) C'est-à-dire <f les Tôrôdo » il appert de ce qui précède que Moham-med-Bello considère bien tes Tôrôdo comme une population qui a pu donner
naissance aux Peuls mais qui serait distincte de ces derniers et plus ancienne
qu'eux-mêmes, au moins en Afrique il tend à en faire une tribu d'origineet de langue mande qui, dans la suite, en se mêlant aux Peuls. aurait em-
prunté la langue de ces derniers. Cette théorie coïncide à peu près avec ce
que disent d'eux-mêmes les Toucouleurs actuels du Fouta sénégalais, quiprétendent provenir de plusieurs populations soudanaises et en particu-lier de populations mandé et afSrment que la langue peule, dont ils se
servent aujourd'hui, n'est en ce qui les concerne qu'une langue d'emprunt.(4) C'est-à-dire « les Tôrôdo ».
(5) tt est en effet de tradition courante que des Peuls étaient déjà établis
au Haoussa et sans doute depuis bien plus de sept ans lorsqu'y arri-vèrent les premiers Tôrôdo, venant du Fouta sénégalais.
(6)~J) ~jLa; J~.
REVUE DU MONDE MUSULMAN262
de laguerre
sainte etprince
de l'Occident(:), lequel
en-
gendrala tribu bien connue des Peuls. »
En ce qui concerne son dire selonlequel les T'dr<Mo
tireraient leurorigine
des Chrétiens, on nepeut y accor-
der foi. Il m'a été contépar Et-Hassan-et-Baibàti (2) que
la
théorie soutenue par eux-mêmes au Fouta est que les Td-
nMo descendent des Bambara, lesquels sont un des peu-
plesdu Soudan le fils de leur roi Fdro (3) se rendit au
Fouta du côté des deux fleuves (4) et s'empara de cepays
ils (5} grandirent (6) ià-bas et voisinèrent avec les Juifs et
les Chrétiens qui se trouvaient dans les !tes (7) c'est ainsi
quel'on a dit qu'ils (8) provenaient des Juifs et qu'on a dit
aussi qu'ils provenaient des Chrétiens Dieu le sait mieux
que personne (9).
(.) ~~t.
(a) C'est-à-dire « El-Hassan de Tabalbalet x j'ignore quel est ce person-nage.
(3) Le nom est orthographié jf'c'est là une nouvelle tentative étymolo-
gique destinée à rattacher l'origine et le nom des 7~r<Mo au nom de la
province sénégalaise du Toro.
(~) ,t'Sans doute faut-il entendre, puisqu'il s'agit du
Fouta, la région comprise entre le haut Niger et le Sénégal, ou bien entre
le Sénégal et la Casamance.
(5)C'est-a-dire les descendants du prince bambara, ou ses compagnons,
ancêtres des Tôrôdo.
(6) ~LA). Comme plus haut, il faut sans doute entendre < se mu)tip)ie-
rent
(~) Sans doute l'auteur veut parler des Juifs de l'Adrar ou du Maroc
et des Français installés à Gorée, à Saint-Louis et dans tes fies du bas Sé-
négal.
(8) C'est-à-dire les Tôrôdo.
(9) Dans son ouvrage mentionné plus haut (&i/< e/-ttt«)iot!f fi <aftAA,
bildd et-Tekroar) et composé antérieurement avant le présent opuscule,
Mohammed-Bello avait déjà mentionné les théories rattachant les Tërôdo
tantôt aux Juifs ou aux Chrétiens et tantôt aux Bambara. On lit en effet
dans ta traduction anglaise faite par Salame de l'extrait de cet ouvrage
recueilli en 1823 à Sokoto par Ctapperton < Near to Banbara is the pro-
vince of the T'ow-rootA [transcription de~Jjy].
and that of Foota; which
are extensive, and inhabited bytheirown pople [les Tôrôdo], and by those
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS 263
Quant à ce qu'il dit au sujet du 'Oqbat-ben-'Âmir, quiaurait épousé la fille du roi dcsTôrôdo et aurait été princede l'Occident, c'est complètement contraire à la 'vérité en
effet '0~f~-&eK-4m:r, l'un des Ançar (t), qui était un
Sélémite de la tribu de Khozardj (2), fut tué en martyr de
la foi, le jour du Yamâma (3), sous le règne d'Es-Siddîq-e)-
Akbar (4), avant que les troupes aient pénétré en Syrie et
en Égypte quant à'Oqbat-ben-'Âmir-ben-Qeïs-el-Dje-
heni, il mourut en Égypte, y étant gouverneur, et il ne
pénétra pas dans l'Occident et ne fut aucunement prince
de l'Occident. Enfin le personnage connu sous le nom de
'Oqbat-ben-Ndfi'-ben-'Abd-Qeïs-el-Fihri n'était pas l'un
des compagnons du Prophète (5), mais il naquit au temps
du Prophète (que Dieu prie pour lui et lui accorde le
salut !) c'était le fils d'une tante maternelle de 'Amroû-
ben-el-'Âci, comme il est dit dans I'7~f~& (6) « Le titre de
Compagnon du Prophète ne peut pas lui convenir il était
fils d'une tante maternelle de'Amroû-ben-et-'Âci et'Amroû-
ben-et-'Âci lui conféra l'administration de t'Ifrîqiya(7), tan-
dis que lui-même commandait l'Égypte; il se rendit chez
les Louwâta et les Mouzâna, qui firent leur soumission,
puis renièrent leur foi, leur fit la guerre la même année, en
tua et en fit prisonniers cela se passait en l'année (8);
of Sarankaly, or Persians. The 7oM<-foc<Anation, it is said, originatedffom the Jews, others say fro)t) the Christians, and others make them to bedescendants of the Soodan ~isez of the ~~oe~ of Banbara. » (Narrativeo/<r<jw~ and <<t'tMMt'fe! t;t Northern and CeM~'a/ Africa, by majprDenham and Capt. Clapperton, London. t826, in-4.; oppett~tx, p. f66.)
(t) Les « auxiliaires x, nom donné aux habitants de Médine qui prêtèrentleur concours au Prophète.
(2)~U) ~J~.(3)En 632-633.(4) C'est-à-dire d'Aboubekr, le premier khalife
(5)~ta~m~J.(6) Titre d'un ouvrage.
(7) Tunisie et province de Constantine.
(8) De l'hégire, c'est-à-dire en 662-663.
REVUE DU MONDE MUSULMANz6~.
puis il conquit Ghadâmès en l'année ~2, tua une partie des
habitants et fit prisonniers les autres puis, en l'année 43,
il conquit deux contrées du Soudan (i); puis il conquit tous
les pays des Berbères, et c'est lui qui fonda Et-Qa'frouân
au temps de Mo'âwiyya puis il fut tué en l'année 63,
après qu'il eut fait la guerre au Sous lointain. »
Par ce qui précède, vous saurez si ce 'Oqbat, prince de
l'Occident et père de la tribu peule, est bien un personnage
certain et authentique Dieu le sait mieux que personne,
et c'est son ordre qui règle tout au mieux (2).
J'ai cru devoir arrêter là la traduction de l'opuscule de
Mohammed-Bello, dont les quatre premières pages seule-
ment présentent quelque intérêt. Le reste se compose de
six pages de prose et de vers, dans lesquelles l'auteur énu.
mère tes noms de ses maîtres et des ouvrages qu'il a étu-
diés avec eux. !t fait observer que ces maîtres ont été
aussi ceux de l'auteur des Prolégomènes auxquels il a fait
allusion plus haut et dont il a cité et discuté plusieurs pas-
sages au cours des pages précédentes c'est ainsi que nous
pouvons conjecturer avec certitude que ces Prolégomènesétaient t'œuvre d'un frère du sultan 'Otsmân et par consé-
quent d'un oncle de Mohammed-Bello lui-même, peut-être
(t) Une tradition qui a cours chez les Musulmans du Soudan, et dontBekri s'est fait t'écho, fait aller 'Oqbat-ben-NM' jusque dans la région deGhana (ou région de Oualata) et dans celle de Tekrour (Fouta sénégalais)elle permetde supposer une union entre le conquérant omeyyade et la filled'un roi non plus du Tôr (Sinaï) mais du Tôro (Fouta) mais cettetradition ne s'appuie sur aucun fait précis et me parait bien invraisem-
blable.
(!) Cette conclusion prudente de Mohammed-Bello nous laisse dans ledoute le plus absolu au sujet de l'authenticité comme de la personnalité du
prétendu< 'Oqbat pèredesPeuts et nous montre que l'auteur n'avait pasune foi bien grande dans la tradition qu'il a rapportéeet qu'il a cherché,sans trop de sucées, à éclaircir.
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORIGINE DES PEULS 205
de Mohammed-ben-Fôdia ou du cheikh 'Abdallah, cités
par Hâdj-Sa'!d dans son histoire des princes de Sokoto(i).En effet, citant toujours l'auteur des Prolégomènes, lesultan Bello s'exprime ainsi « Parmi mes professeursétait le prince des croyants, mon frère, etc. ». Puis Bello
ajoute de son cru « Et celui-là (le prince des croyants) fut
aussi l'un de mes maitres », et il indique que c'est sous la
direction de ce professeur, son propre père 'Otsmân, qu'ilfit la plus grande partie de ses études et que c'est sous son
inspiration qu'il composa son Enfdq ~-ma!~r/~<!r!AA~tM~-TeAro~r.
Les autres maîtres communs à l'auteur des Prolégo-mènes et à son neveu Mohammed-Bello furent, d'après ce
dernier un personnage du Bornou (2) nommé Ibrâhîm-
ben-'Ali.ben-Ibrâh!m, puis un certain Mohammed-ben-
'Abderrahmân, puis un cousin de l'auteur des Prolégo-mènes nommé Mohammed-eI-Farabah (?) (3) ben-Motiam-
med, puis un autre cousin du même auteur nommé
Ei-Mo'tabi-ben-Ei.~âdj.'Otsmân, puis un personnage du
Tôro (4) nommé Mohammed-ez-Zanan, puis i'imâm Alo-
hammed-Tseneb (5).
Mohammed-Bello donne ensuite une liste de maîtres quifurent les siens propres son frère Alohammed-Sa'id; puisson oncle paternel « précité dit-il, c'est-à-dire très
vraisemblablement l'auteur des Prolégomènes lui-même
puis « le très docte, l'intègre, le savant universel Môdi,
petit-fils de 'Ali-Dyaba (6) enfin ses frères Mohammed-
()~ Voir T'f~Mf~-en.~oatt, traduction Houdas, p. 322 et pp. 3)2 et 3<3.3.
(2) ~t.
(3)
(4) J~.
(!) < Peut-~tfe faut-il tire < Samba».
?) Ou «'Afi-Dyobbo*:). ~j~.
REVUE DU MONDE MUSULMANz66
Tseneb (i), Mohammed-ben-Agâga, Ahmed, El-r~as-
sen (2).
Le manuscrit se termine par la mention suivante du co-
piste < Acheva par la grâce de Dieu, etc., par la main du
modeste copiste (3) 'Omar-ben-Bâba-ben-alfa-Aboubakari-
ben-eI-imâm-'Abderrahmân-ben-Bâba-ben-alfa-'Abdallah-
ben-Mohammed-el-Mokhtâr. » Puis, en marge, est ins-
crite en ces termes la date'de la copie « Achevé d'écrire à
midi le mardi neuvième jour du mois de Dieu de ramadan
de l'année i3z8, qui est le treizième jour du mois de Dieu
de septembre (~) de l'année ;Q!0 de Jésus. Que Dieu nous
fasse connaître ce qui vaut le mieux et qu'il nous vienne en
aide ainsi soit-il, ainsi soit-il, ainsi soit-il! »
Quant à la date à laquelle fut composé l'opuscule de
Mohammed-Bello, il nous est facile de la déterminer de
manière approximative par ce que nous dit l'auteur, il
est certain qu'il fut écrit postérieurement à son ouvrage
sur l'histoire du Tekrour ce dernier a été communiqué
par le sultan Bello,à Clapperton en 1828; ce même voya-
geur, visitant Sokoto pour la seconde fois en tSzy, a eu
entre les mains divers écrits locaux traitant de certains
points qui font précisément l'objet des commentaires con-
tenus dans l'opuscule traduit plus haut, alors que Bello
qui était en excellents termes avec l'explorateur anglais et
semblait priser sa conversation et faciliter ses recherchesne lui a point montré l'opuscule en question il est
permis d'en conclure qu'il ne l'avait pas écrit encore à cette
époque. Comme ce prince mourut en i832, on peut sup-
.poser, avec quelque chance de certitude, que ses commen-
(<) Peut-dtre leSamba (Senba le saint) cité parHâdj-Sa'td(o~.cf< p. 3~).(2) Ce dernier cité par HMj-Sa'id (op. c«., p. 3sa).
(3)~jS.
(4)~
TRADITIONS MUSULMANES RELATIVES A L'ORtGtNE DES PEULS 267
M.D
taires relatifs à l'origine des Peuls et des Tôrôdo furent
écrits vers j83o.
MAURICE DELAFOSSE.
ApPENDICE. Deux manuscrits arabes inédits recueillis
par M. Gaden et relatifs à l'histoire du Fouta sénégalais
font mention de la légende de l'ancêtre 'Oqba, désigné par
eux sous le nom de '0~~a<K-M:r. C'est de De'ta, l'un
des fils de ce 'Oqbat-ben-'Amir évidemment le Di'~o de
Mohammed- Bello, qu'ils font descendre Tenguella,
père adoptif de Koli, le fameux conquérant du Fouta qui
est cité par le Tarikh-es-Souddn et qui vivait, d'après ce
dernier ouvrage, au début du xvt° siècle de notre ère; ils
intercalent vingt générations entre De'ta et Tenguella.
D'un autre fils de 'Oqbat-ben-'Amir qu'ils appellent
~OM'roM~A–ie~oM'ron~a du manuscritdeGironcourt,-
ils font descendre le cheikh .SoM/e~wdM-.B< qui contribua,
vers la fin du xvur siècle, à renverser la dynastie païenne
de Koli et à établir au Fouta un gouvernement musulman
dontle premier chef régulièrement élu fut l'imâm 'Abdoui-
qâder ils n'intercalent que neuf générations entre Rou'-
roubah et Souteymân-Bâ), qui vivait cependant plus de
25o ans après Tenguella. Les mêmes manuscrits font
venir de Damas plusieurs familles du Fouta, en particulier
celle de l'tmâm 'Abdoulqâder, et en font venir d'autres de
Basra. L'un de ces manuscrits rattache, au moins en
partie, à la postérité de 'Oqbat-ben-'Âmir les tribus des
Ydlalbé, des WMMM, des Ourourbé, etc., tandis qu'il
attribue à d'autres tribus une origine himyarite, et à d'autres
encore une origine soninké ou mandingue.
ÉTUDES SINO-MAHOMÉTANES
DEUXIÈME SÉRIE
VI
Stèle sino-mahometane de Tientsin.
Par CI. HUARTet A. VISSIÈRE.
Parmi les inscriptions arabico-persanes dont des es<am-
pages ont été rapportés de Chine par M. Ph. Berthelot
en 790~, la plus remarquable, par sa longueur coM?He par
l'abondance des.textes cités et empruntés à la littérature
islamique occidentale, est celle qui porte le M" 5 de l'étude
qui en a été faite et publiée dans le volume VI du T'oung
pao (série II) (/).
Ce curieux document épigraphique des mahométans de
la ville de St.~aM~/btt traite de la date précise a laquelle
les fidèles doivent commencer fe~'e~e du rama~a?!, date
(t)/))îc''ipfions arabes et persanes dM Mto~M~M chinoises de X'a/oMg~-ou et de ~f-M~M-/ou, publiéeset traduites parM. CI. Hu*RT.Voir p. 295.
ÉTUDES SINO-MAHOMÉTANES269
qui doit coïncider, d'après la tradition établie par Ma-
homet, avec le moment où, le mois de cAa'M~ se trouvant
à son terme, on voit poindre, pour la première fois, le
miKee croissant de la nouvelle lune. Si, au vingt-neuvième
jour de c/ta'n, des nuages couvrent le ciel, un trentième
jour seraattribué à cemois et /eMO)'s~tt~!hte commencera
au coucher du soleil qui marque la fin de ce trentième
jour et le commencement du jour suivant (1). La même
règle est observée pour rompre le jeûne, vingt-neuf ou
trente jours après, et entrer légitimement dans le mois de
c/:aM~a/.
Les nombreuses autorités invoquées par les rédacteurs
de l'inscription nous laisseraient dans l'ignorance de l'op-
portunité particulière que pouvait présenter en Chine cet
étalage de références aux auteurs orthodoxes si l'inscrip-
tion, qui est datée en chinois du 7 avril 77~ (du moins,
comme indication du moment où la gravure en futfaite)
ne se terminait par ces mots
Sachez ensuite que nous avons érigé la présente pierre
et y avons fait figurer cet avertissement, parce qu'il y a,
parmi nous, un dissentiment au sujet du jeûne et de sa
rupture; quant à nous, nous jeûnons et nous rompons le
jeûne à la vue de la nouvelle lune.
Ce dissentiment, constaté à Si-ngan-fou en 77~2 et que
les citations arabes et persanes avaient pour objet d'a-
paiser, semble avoir persisté, au moins dans un autre
centre de musulmans chinois; nous voyons, en effet, la
m~me argumentation reproduite sur une stèle érigée dans
une cour de la mosquée dite du Sud, à Tientsin, mosquée
qui se trouve comprise aujourd'hui dans les limites de la
Concession austro-hongroise de cette ville. Nous devons à
()) Comme on sait, le jourcivil des Musuimens commence au coucher dusoleil.
REVUE DU MONDE MUSULMAN27°
M. Cesare PoMA, ancien consul d'Italie à Tientsin, déjà
possesseur de documents de Même provenance dont il a été
rendu compte dans la précédente de ces Études (~), la com-
munication de deux estampages qui reproduisent: l'un un
texte chinois daté de /~6, l'autre un texte arabe, entre-
w~M de citations persanes, offrant la plus grande analogie
avec l'inscription précitée, dressée à St-Mgan. Si celle-ci
peut dire considérée avec toute vraisemblance comme le
modèle de la rédaction adoptée à Tientsin, qui en est même
souvent la copie pure et simple et dont nous donnons ci-
après le fac-similé réduit à peu près au cinquième de la
hauteur par la photographie, nous ne sommes pas infor-
ntes de l'existence d'un texte chinois qui lui aurait servi
de corollaire.A Tientsin,au contraire, sur la même pierre
~M~e, outre le texte arabe, ce qui est véritablement, en
langue chinoise, une introduction à cette argumentation
puisée aux sources originalesde l'orthodoxie et cette intro-
duction nous renseigne sur la cause du litige divisant les
croyants. La partie basse de la stèle a malheureusement
souffert des injures du temps et des hommes. Il en résulte
que les dernières lignes du texte arabico-persan ont dis-
paru presque en entier, tandis que cinq ou six carac-
tères, effacés dans la partie inférieure de chaque colonne
du texte chinois, empêchent d'en traduire le tissu d'une
façon continue e< font ressortir des lacunes à inter-
valles égaux. Ce qui en subsiste suffit cependant à nous
montrer que la doctrine fondée sur la tradition même
Mahomet, et d'après laquelle la vue de la lune nouvelle
de ramadaK ~e au lendemain matin le dë~t<( du ~Me,a été opposée parles chefs de la mosquée à une théoriequivoulait que, à la première apparition de la lune suivant
le mois de e/:a'MM, quand celui-ci se terminait par un
( ) ) Une chanson édifiante des CAt~oM mMt~tMM, dans la Revue du Monde
ntt«K~)<!M,t. XfX, p. 2<)t.
ÉTUDES SfKO-MAHOMÉTAXES271
ciel voilé de nuages, l'on supputdt, d'après cet
astre, s'il y avait eu lune ou non, la veille.
Nous donnons ci-après la version française de cettedouble inscription.
TEXTE CHINOIS
Traduit par M. A. VfsstÈRE.
Aujourd'hui, les faits sur lesquels on peut s'appuyersont-ils donc ceux qui sont clairement manifestés, ou bien
sont-ce les faits obscurs et confus sur lesquels on peut
s'appuyer ? H arrive rarement que l'on ne considère pas
que l'on doive s'appuyer sur ce qui est clairement mani-
festé.
Peut-on croire les faits que voient ensemble tous les
hommes, ou bien (ceux que supposent) (;) des hommes ? ft
arrive rarement que l'on ne considère pas comme difficile
à croire ce qui résulte d'une supposition.
Dans la question de la préparation au jeûne, pour le
mois de jeûne de notre religion, si l'on voit la lune, on en
nxe le commencement à la vue de la lune; si la lune est
cachée par des nuages, alors on complète, pour le mieux,
à trente jours le mois précédent. S'il y a. comme témoi-
gnage pour s'y appuyer, pour y croire, qu'y a-t-il de com-
parable à cela?
Aujourd'hui, il y a des hommes qui disent « Tel jour,il y a certainement lune. » Ils disent aussi « Regardez
<! la hauteur, plus ou moins grande, de la lune, le jour« suivant, et vous saurez alors s'il y avait lune, ou non,
()) Les mots entre parenthèses sont suppléés d'après la vraisemblance et
correspondent à des lacunes du tMte chinois.
REVUE DU MONDE MUSULMAN2~2
« le jour précédent. (Ceux qui) font ces (raisonnements)
extravagants et incertains
C'est là renoncer à ce que l'on peut croire et mettre son
appui sur des discours obscurs et confus, renoncer à ce
que l'on peut croire et mettre sa croyance dans des suppo-
sitions de l'imagination.
Or, étant données la subtilité et l'immensité des voies
célestes, occupés depuis l'antiquité de calculs astronomi-
ques, .(? des spécialistes ont existé et compté) plu-
sieurs dizaines ou centaines d'auteurs. Tous ont épuisé les
ressources de leur esprit, appliqué toutes leurs préoccupa-
tions et consacré les forces intellectuelles de toute une
vie à constituer une théorie qui traitât du sujet. Mais le
point capital est que, s'ils ont parlé, ils n'ont pas pu pro-
pager s'ils ont propagé, ils ont été impuissants à faire
appliquer; s'ils ont mis en application, celle-ci n'a pas pu
durer. Ceux qui ont obtenu. toujours nombreux. Ceux
qui étaient d'accord formaient un sur dix et ceux qui
étaient en désaccord formaient neuf sur dix.
Et pourquoi cela? Les voies du ciel. subtiles et immenses,
ne sont pas à la portée des connaissances humaines. A
plus forte raison en est-il ainsi pour ceux qui ne lisent ni
les livres ni la poésie, qui ne connaissent ni les écrits
canoniques ni les lois, qui ne sont pas versés dans l'étude
des mathématiques et. et dire que l'on peut y croire
et s'appuyer dessus?
Quant à ceux qui disent que, si l'on discerne la hauteur,
plus ou moins grande, de la lune le jour suivant, on
pourra être fixé aussitôt sur la lune du jour précédent,
nous ignorons ce qui leur servira encore à discerner lors-
que, le jour suivant étant arrivé, des nuages sombres con-
tinueront de couvrir la lune. Donc, toujours,
et qui ne recherchent pas, d'après la raison, ce qui est
au fond.
Ceux qui, de tout temps, dans notre pays, ont suivi et
ÉTUDES S!!M-MAHOMÉTANES273
professé l'antique religion (t) ne se sont jamais laissé
tromperpar des discours hétérodoxes.(Mais)certainsappré.
hendent que, après plusieurs transmissions, on ne puisseavoir, plus tard, la connaissance profonde des livres cano-
niques et des lois, que l'esprit manque de vues certaines et
que, pour un temps, on soit.
contrevenir' aux anciens exemples des ancêtres et des
pères et les abandonner. Même si cela ne s'est pas encore
réalisé, on ne doit pas manquer de prendre des mesuresd'avance pour l'empêcher.
C'est pourquoi nous avons choisi plusieurs fragmentsdes livres canoniques et nous les gravons sur la pierre,afin que les hommes à venir sachent faire l'objet de leur
croyance de ce que voient tous les yeux et (ne considèrent
pas ce que) l'imagination (suggère) comme pouvant être
cru, pour que l'on s'appuie sur les faits clairement mani-festés et que l'on ne puisse pas s'appuyer sur des discours
obscurs et confus. Alors la présente inscription sur pierrene sera pas dépourvue de quelque utilité.
Un jour heureux de la lune d'hiver (onzième lune chi.
noise) de la vingt-sixième année ~o-AoK~, de la Grande
dynastie Ts'ing, année ayant le rang ~~OM (c'est.à-dire ;8~6).
Érigé en commun par des coreligionnaires (litt. mêmes
hommes, congénères, t'ong jen).
Il est à remarquer que /e ca/e~ chinoisadopté par la
dynastie M(!K<eAoue après son intronisation à Pékin en
/6~, calendrier /b~ sur les calculs du P. /i(/<!M:
(<) Dans les écrits des Musulmans chinois et notamment dans la Grande
louange, prt'e au ciel, avec commM~fxrej, on trouve l'exposé du mahc.métisme existant de toute antiquité, apporté en Chine par Fou-hi, se confon-dant avec la doctrine des sages confucéens et demeurant, malgré Ses altéra-tions successives regrettables, la religion des « vrais lettrés
xx. ~8
REVUE DU MONDE MUSULMAN274
Schall, étant lunaire en ce qui COnce/'ne les mois, sinon
la longueur de /'aM~~e, déterminée suivant le système
solaire, la question du commencement réel dit mois de
~e~Me se compliquait, pour les Musulmans chinois, des
prescriptions du calendrier national officiel. Nous ne
voyons pas <OM<e/b!s < en soit fait mention et la vue
de la lune naissante semble eh'e restée le et'ey!MW, con-
forme au dire du Prophète.
TEXTE ARABE
Traduit parM. CI. HuART (i).
(~.MnKm~ro~<MC'')f!eKfrecr()cA<<s~ indiquent les lignes du texte
ort~t))<)
[:} Au nom de Dieu, clément, miséricordieux
~2) Louangeà Dieu
pourles bienfaits qu'il nous a accor-
dés parla révélation (du texte sacre du Qorân) et par la
mission (du Prophète), en nous sauvant, par ces deux
moyens, de l'erreur et du danger d'égarerautrui et
[3]
pourla
grâce qu'il nous a faite tout spécialement en nous
révélant le Livre de la Distinction (le Qorân) et en nous
envoyant Motiammed, le maître de la Preuve décisive!
L'un est le soleil[4] resplendissant de
la matinée, l'autre la
pleinelune qui éclaire l'obscurité de la nuit. Sans ces deux
clartés, comment aurions-nous pu être dirigés dans la
())LetMteestidtntiqueace)uidei'inscriptionaraben°SdeSi-ngan-
fou (T'oungPao, série )), volume Vl,p. 29~ et suivantes), jusqu'à )a)igne t:,
correspondant au commencement de la ligne 7 du n" 5. La conformité des
deux textes reprend il la ligne <4 (2' moitié) du texte de Tien-tsin; puis ils
sbnt difterentsà partir de la ligne 8 du n° 5, et la ressemblance reprend à la
tigne t3 (correspondant à la ligne <7 de Tien-tsin), avec quelques divergen-
ces, pour devenir différent un peu plus loin. Le texte du n'S est beaucoupp)usd6taiiit que celui deTien-tsin.
Moitié supérieure de la stèle.
REVUE DU MOKDE MUSULMAN2~6
bonne voie? Comment aurions-nous été délivrés de l'er-
reur ?i'
Salut [51 et bénédiction sur son messager élu, sur sa
famille et ses compagnons, étoiles de celui qui est dans la
bonne voie!
Ensuite, sachez [6J. ô vous qui rénéchissez, que la base
des sciences de la religion et des questions relatives à la loi
canonique telle qu'elle est mentionnée dans le livre Ma-
~/<î(t~(t), commentaire [y] du Map~M~(2), se divise en
trois catégories ce sont r les versets de la catégorie appe-
lée MO~Âaw~«6xés »,c'est-à-dire toute prescription men-
tionnée dans le Qorân et qui n'a pas été abrogée par des
dispositions subséquentes (dans la suite historique des
révélations successives) a" !a sonna( coutume du Prophète,
[8] stable, c'est-à-dire un ~a~~ (tradition du Prophète)
constant auprès des traditionnistes et non abrogé; 3" un
devoir strict juste, c'est-à-dire [o] les prescriptions de la loi
religieuse, autres que te Qorân et la tradition, qu'on est
tenu de pratiquer, ainsi que les points sur lesquels s'est
établie l'opinion unanime des Musulmans, tels que les
croyances et [10] certaines questions de jurisprudence.Tout ce qui est en dehors de ces trois catégories relève de
la passion et de l'innovation.
Sachez ensuite que ce que nous avons écrit sur cette
pierre [n] au sujet des preuves de la vue du croissant de
la nouvelle lune, repose sur des versets fermes, des ~ae~f/t
constants et des œuvres rassemblées, à l'exclusion de ce
qui est abrogé et objet de discussion.
[12] Quant au verset, c'est cette parole de Dieu: « Celui
d'entre vous qui aura vu le mois,qu'il jeùne(Qor. t8i).~ »
C'est un ordre irrévocable et abrogeant (toutes dispositions
antérieures). Le verbe chahida est au prétérit avec le sens
()) Ouvrage de Mouzhhir-eddfn Hoseïn benMa))moûdez-XSd&ni.
(a) A~!{Mt(t es-sonna d'el-Baghawi.
ÉTUDES SINO-MAHOMÉTANES277
du futur; f3]ta signification est « être témoin ». Voilà ce
que dit le Zâhid:(i); quant à ce qui se trouve dans teqâd!(Béï'dâwt, éd. Fleischer, t. p. ;o2), c'est ce qui suit«
Celuiqui aurait;, etc., c'est-à-dire, celui qui aura été pré-sent (dans sa demeure) pendant le mois [i~j, qu'il jeûne.On dit aussi (que cela veut dire:) Celui d'entre vous quiaura vu le croissant de la lune de ce mois, qu'il jeûne. »
Dieu a encore dit (Cor., II, !85):« Ils t'interrogeront au
sujet des croissants des nouvelles lunes; [;5] dis-leur: Cesont des indications de temps pour les hommes et le pèle-
rinage. » Le mot ahilla est le pluriel de hildl avec A~ra,et ce mot désigne « la nouvelle lune jusqu'à trois nuits et
demi (en persan dans le texte). Voilà ce que dit le Ça~~y;)
(dictionnaire de Djauhari) [16); on trouve ce qui suit dans
le ~t~-e/Ft~/t « Livre de la jurisprudence canonique ?:La nouvelle lune a été appelée hildl parce que les hommes
poussaient des cris en l'apercevant; si on la réduit aux
règles du calcul, on ne l'appelle plus [~j hildl. Le verset
(précité) indique la vue de la nouvelle lune chaque mois.
Quant aux ~<M'M certains, il y a celui-ci « Jeûnez à sa
vue, [t8j, rompez le jeûne à sa vue. Si elle reste voitéepour
vous, complétez à trente le nombre de jours du mois de
Cha'bân. » L'expression rou'yèt signifie« voir avec les yeuxde la tète (en persan dans le texte) [joj. Voilà ce que l'on
trouve dans le Ta/str (commentaire du Qorân) de 'Attâbl (2).Ce hadtth est une tradition sur laquelle on est d'accord
elle est rapportée sur l'autorité d'Abou-Horéi'ra (que Dieu
soit satisfait de lui 1) et celle d'Ibn-'Omar, sous la forme
suivante: « Le prophète 20j de Dieu a dit: Ne jeûnez pas
avant d'avoir vu la nouvelle lune, et ne rompez pas le jeûneavant de l'avoir vue. Si elle reste voilée pour vous, estimez-
()) ProbaMementte~fdM't tx~tt'X e~-Wf!fif<f'e/-HiOKM~,de Nedjm-ed-dfn Abou' r-Ridjâ MokhtAr ben Ata~mo<id ez-Zâhidl (mort en ëS~ts~).
(2) Commentaire composé parAbou-Na(rA).)medbenMot)ammede)-'Att4b!,docteur hanefite, mort en 586 (~190).
REVUE DU MONDE MUSULMAN278
en la valeur, c'est-à-dire, complétez les trente (jours). [.21 j
Ce commentaire est dans le Ça/!a~(de Djauhari); il en est
de même dans la traduction du MapN~. Cette tradition
tout entière a été interprétée dans le Mc/< en ces ter-
mes [22] « L'expression ne~'e~ne~ pas signifie ne jeûnez
pas pendant le mois de ramadan avant d'être certains que
la nouvelle lune a été vue par deux témoins justes, [23] ou
davantage. Ne rompez pas le jeûne avant d'être certains
qu'on a vu la nouvelle tune du mois de chawwâl, et la vue
de la nouvelle lune de chawwât ne peut être établie par un
témoignage moindre que celui de deux témoins justes [z/).]
d'un commun accord. Dieu le Très-Haut fait tourner les
nouvelles lunes pour marquer les temps; si donc vous la
voyez, jeûnez, et si vous la voyez, rompez le jeûne. Si elle
reste voilée pour vous, [25) complétez le nombre de trente
jours. » Le traditionniste est Abou-Horéïra (que Dieu soit
satisfait de lui !)
On rapporte ceci d'après Abou-Horé'fra Il (le prophète)
a.dit: Que personne d'entre vous ne devance d'un ou deux
jours le jeûne du ramadan {26), à moins que cela ne con-
corde avec un jeûne qu'il pratiquait ~antérieurement).
Jeûnez à sa vue, etc. »
Autre ~ad~ « Nous sommes un peuple ignorant, nous
ne savons ni écrire [27] ni compter. Le mois est tant, tant
ettant, etle mois est tant, tantettant; et il retira son pouce
à-la troisième fois ()). Cette tradition est commentée [28)
dans le Ma/~< qui dit « Cette phrase se rapporte à la
nation des Arabes (Bédouins) qui ne savent ni lire ni
écrire; c'est-à-dire Nous sommes [sg] l'ensemble des
Arabes qui ne connaissent ni l'écriture ni le calcul astro-
nomique, de sorte qu'on ne saurait avoir confiance dans
l'astronomie et la connaissance des mouvements de la lune
(t) Comparez EL-BotHAtu, les Traditions islamiques, trad.Houdas et Mar-
(tis, t. 1, p. 6n, et inscription n' 5, tigneM.
Moitié inférieure de la stèle.
REVUE DU MONDE MUSULMANaSo
nous ne connaissons pas les mois par le moyen du calcul
[30] astronomique.
Ce commentaire montre l'erreur de ceux qui connaissent
le commencement et la fin du mois par l'application du
verset (Qor. XXXV!, 3g) <i La lune, nous en avons déter.
miné les mansions, et celle de ceux qui se fondent sur le
verset (Qor. LV, 4) «[3t) La lune et le soleil sont soumis
un comput », parce que le prophète ne connaissait pas
le mois par le calcul astronomique et le mouvement de la
lune, mais il le connaissait par la vue (directe) du crois-
sant de la nouvelle lune (3i). Celui qui est d'avis contraire
commet une immense erreur et subit une perte évidente.
Quant aux monuments rassemblés, cela vient ap rès et des
préceptes [33] nombreux indiquent la vue de la nouvelle
lune expressément ou virtuellement. Abou'n-Nedjzi (i)
rapporte ce qui suit « Nous sortîmes pour nous rendre à
1"omra (pèlerinage accompli en dehors du temps nxé)
.lorsque nous campâmes à Batn-~j Nakhla, nous aper-
çûmes la nouvelle lune. Certains dirent qu'elle avait trois
jours, d'autres qu'elle était âgée de deux nuits. Ayant ren-
contré 'Ibn-'Abbâs.nous lui dîmes [35] que nous avions vu
le croissant, et on ajouta qu'elle était de tant et de tant.
«Quelle nuit l'avez-vous vue? » demanda-t-il. «La
nuit de tant et tant, » lui répondîmes-nous. Il reprit: « Le
prophète de Dieu (sur lui soit le salut!) l'a étendu jusqu'àla vue (du croissant), [36) et c'est la nuit où vous l'avez
aperçue (qui est le point de départ). » Cette démonstration
est donnée dans le M!'eAM<(2).
La règle suivie par cette communauté (musulmane), c'est
uniquement la vue du croissant en plein jour [37), avant le
()) Ce nom avait été lu Abou'f.Bakhz! dans l'inscription n' 5, ligne 48, quirapporte la même anecdote. Sous l'une ou l'autre de ces deux formes, il a
été impossible de l'identifier.
(a) Commentaire duMa~tth d'el-Baghawl, par We)!ed-dfn Abou'Abdallah
el-Khalib.
ETUDES S~O-MAHOMÉTANES 281
déclin (du jour) ou après: et (le commencement du mois
sera attribué) à la nuit suivante, d'après l'opinion d'Abou-
Hantfa et de Mohammed (t) (que Dieu ait pitié d'eux!).
Voici ce que dit [38] le Kdfi (2) « 'Ammâr (3) a dit Ce-
lui qui jeûne le jour qui est douteux,
[3g] le dernier de Cha'bân. Si c'est le premier jour
la nuit du trentième jour.
[40] de rédjeb. Or le doute se produit
[41]
[42]
0) Mohammed benet-~asan ech.Chëïbani, élève d'Abou-YoQsquf, dont le
mattre était Abou-ijanifa. Barbier de Meynard, dans ieyoHrM< ~«)<~M< de
)852. et CL HuAM, Littérature arabe, p. s35.
(!) Probablement te~/t/t /orof!' e/-<tOMa/<Y~-<!de Mottammed ben Mo-
tiammed et-Hanaf!, mort en 334.(945).
(3) -Ammarben Yâsir, compagnon du Prophète (NAWAw),roA~ft, p.~SS).
QUELQUES REVUES OTTOMANES
Sous ce titre nous nous proposons de parler de quatre im-
portants organes. L'un d'eux, revue religieuse, faisant place
à la fois aux travaux scientifiques et aux informations con-
cernant le monde musulman, continue t'oeuvre du .Ser~
Mu~A~?!. Deux autres sont des revues politiques et litté-
raires à la fois; le quatrième, enfin, est l'organe officiel,
en Turquie, de t'enseignement primaire.
Changeant de titre, le ~erd<-t Mus~A~m était devenu à
partir de son 1830 numéro (t), le premier du tome VIII,avec lequel commençait la nouvelle série, le S~M/ tir-
~M~. Ce changement était du reste le seul. La revue
conservait son format, sa disposition typographique, ses
anciennes divisions, et continuait, sous la même forme, à
poursuivre le même but: l'étude de la religion musulmane,
des questions qui s'y rattachent et des peuples qui la sui-
vent. Les sujets traités devaient rentrer dans l'une des
rubriques suivantes exégèse hadîths philosophie; ques-
tions sociales; droit canonique et fetwas littérature; his-
toire éducation et enseignement; prédication; causeries;
()) Kn date du 19 rabi )" i33o (2~ février ~27, 8 mars t~t!).
QUELQUES REVUES OTTOMANES 283
politique vie des peuples musulmans mouvement scienti-
fique et intellectuel; correspondance; publications; faits
divers critique places de commerce musulmanes archéo-
logie et beaux-arts. Son comité de rédaction était ainsi
composé
Ismâ'il Hakkî Efendi, de Monastir, sénateur;
Bèrèkètzâdè Ismâ'îi Hakkî Bey, avocat-généra]
Férîd Bey, chef du bureau des traductions au ministère
des Affaires étrangères;
'Abdur.Rechîd Ibrâhîm Efendi
Babanzâdé Ahmed Na'!m Bey
Mehmed 'Akif Bey, professeur à l'Université ottomane;
Mehmed Fakhr ud-Dïn Efendi, aumônier militaire
Mehmed Tâhir Bey, de Brousse
Halîm Sâbit Efendi, de Kazan
M. Chems-ud-Dîn Bey, directeur de l'École préparatoire
de Métélin
'Ai! Cheïkh Et-'Arab Efendi
Ispartali Hakkî Bey
Tâhir Ei-Mévievî Bey;
Edhem Nijâd Bey;
Selîm Efendizâdé Moustafâ Tak! Bey
Aksèguili Ahmed Hamdî Efendi
Khodjazâdè Ahmed Bey
'A. N. Bey
'Alim Djân El-Edrîsî Bey
Khalîl Khatîd Bey
Ahmed Bey Agayeff;
'A)î RizâSe't'f!;
Tevfek Bey. directeur de l'École persane i
H. Echref Edîb, directeur responsable de la Revue.
Ce sont, comme on le voit, des hommes de valeur, dont t
certains, tels qu'Ahmed Bey Agayeff, jouissent d'une re-
nommée universelle dans le monde musulman, qui forment
REVUE DU MONDE MUSULMAN
la rédaction du Sébtl ur-Rèchdd, et nous remarquons,
parmi eux, plusieurs Tartares de Russie.
La revue est bi-mensuelle et paraît sur vingt pages in-
Chaque numéro comprend deux parties distinctes: l'une
scientifique, l'autre d'informations. La faveur extraordi-
naire avec laquelle elle a été accueillie montre l'impor-
tance que, dans les milieux musulmans, on attache à un
organe ayant en vue non seulement l'instruction et le
progrès des Musulmans, mais encore leur entente frater-
nelle.
Passant en revue les diverses rubriques dont on a vu
plus haut l'énumération, nous commencerons par l'exégèse.
Le ~e&~ur-Rëc/tdcf, qui, dans son premier numéro, déplore
la décadence actuelle de cette branche d'études, fera tous
ses efforts pour la relever. Avec l'appui de ses amis et de ses
lecteurs, il fera rechercher, dans les bibliothèques, les tra-
vaux exégétiquesqui s'y trouvent,encouragera les chercheurs
et publiera les meilleurs travaux sur la matière. Les re-
cherches porteront non seulement sur l'interprétation théo-
logique du Coran, mais encore sur l'étude grammaticale
de son texte. Et, dès le second numéro, la revue commen-
çait la publication d'un tafsir de Cheîkh Mohammed
'Abdoh, traduit par Mehmed 'Akif, sur les dernières
souras du Coran, en commençant par la oS", celle de La
Matinée. A signaler aussi une étude sur le jeûne de Meh-
med Fakhr ud-Dîn (t).
Ahmed Na'îm, qui s'est chargé des hadîths, a étudié le
combat entre Musulmans d'après les traditions du Pro-
phète (2).
Plusieurs études sur le droit musulman. La première est
dè Halïrn Sâbit:A propos del'histoire du,fikh et des pra-
tiques ~'<~ora<t0tt.- /e~enna~e et la Ka'ba (3). A l'exemple
(~ t<umëro:o6.
(:) Numéro 2o6.
(3) Numéro )86.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 2K5
d'une revue égyptienne, .4/-Man<h',le ~ëMMr-.Rec/~a a
organisé, pour ses lecteurs, un service de consultations
juridiques, et des casuistes, ses collaborateurs, rendent des
fetwas sur les questions qui leur sont posées. La première
de ces questions était: Une localité (Eudèmich) a plusieurs
écoles qui tombent en ruines et sont devenues inhabitables.
Est-il permis de les vendre, bien qu'elles doivent être con-
sidérées comme wakfs, pour faire construire à la place des
bâtiments répondant à l'ancienne destination decesédinces
ruinés ? La première réponse, donnée dans le numéro
suivant, examine diverses opinions de jurisconsultes ils
sont d'avis qu'un wakf ne peut être cédé pour de l'argent:
les infractions à cette règle ont amené la disparition totale
de nombre de fondations pieuses. En revanche, ilenestqui
admettent l'échange du wakf contre une propriété foncière,
à la condition qu'il n'en résulte aucune perte. La seconde
fetwa ( t ) est également contraire à la vente elle s'appuie
sur de nombreuses autorités.
Peu de chose sous la rubrique «Prédications nous relè-
verons toutefois une allocution prononcée à Sainte-Sophie
par'Abd ur-RéchîdtbrâhîmEfendi.surta nécessité de mon-
trer du zèle en faveur de l'Islam ~a-~Ai'~oû. (2), et
deux articles de 'Ait Cheikh El-'Arabsurlakhotba (3), et
de Akseguili Ahmed Hamdï sur la prédication (4).
A partir du n" ;g6 apparaît une nouvelle rubrique
« Défense religieuse ». Elle réunit des articles de Ismà'îl
Hakkl, de Monastir etdeMehmedChevkettendantàréfuter
les opinions de Dozy et de Hegel en matière de religion et
de philosophie.
Les études philosophiques sont peu nombreuses, mais,
(!) Numéro 19~.(a) Numéro igo.(?) Numéro 2ot.
(~) Numéro 2o5.
REVUE DU MONDE MUSULMAN286
en général, étendues, comme la Science de la philosophie
dans r/s/~M.- G/;a~ de M. Chems ud-Din, dont le ~et-<
i Mu~eÂfm avait donné le début, et qui sera répartie sur
plusieurs numéros de la nouvelle Revue; de même pour
t'UM~ de l'existence, de Chems ud-Din. LJne nouvelle
réplique de 'Eumer Fâroùk à Ahmed Hamdi Efendi, pour
sa Juste Critique; une Causerie de Férid Bey, et nous reve-
nons à Chems ud-Dîn avec La Philosophie et les sciences
dans r/s/aM, avant de trouver Les Ma~t'M~M~Me~ leurs
doctrines, de Aksèguili Ahmed Hamdi, réfutation de doc-
trines répandues à notre époque, qui sont un danger pour
l'Islam l'auteur proteste énergiquement contre l'accusa-
tion de fanatisme portée contre les Musulmans par tes
matérialistes.
Quelques articles intéressants sur les questions sociales
ont paru. Le premier, inséré dans ie n" tgt, est signé
d'un pseudonyme RouM Ili i) parle du « levantinisme »
et déplore la disparition, chez les jeunes gens, du senti-
ment national. Or la nation qui ne s'estime pas elle-même
est condamnée à périr. Que les jeunes gens d'aujourd'hui
imitent les Japonais, fervents patriotes, tout en empruntant
à l'étranger ce qu'il a de bon et d'utile. Mehmed Fakhr ud-
Dîn a consacré un article au féminisme (i) il y parle sur-
tout de l'antagonisme séculaire du Christianisme et de
l'Islam, et a à cœur de répondre à l'accusation de fanatisme
portée contre ses coreligionnaires. H estime que l'accusa-
tion s'adresserait avec beaucoup plus de justice à ceux qui,
dans le passé et aussi dans le présent, l'ont portée contre
les sectateurs de l'Islam. Partisan convaincu du progrès,
per.suadé que répandre l'instruction est un besoin urgent,
et que des réformes nombreuses et profondes s'imposent,
il n'en regarde pas moins avec dénance ce qui vient des
Occidentaux.
(t) N" )g5 et suivants.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 287
Cinq articles, la plupart de M. Chems ud-Din,parlent de
l'éducation et de l'enseignement, des devoirs des parents;
des principes de l'éducation sociale, des écoles, etc.
L'histoire est largement représentée. Traduit en arabe il
y a quelques années, l'Essai sur l'histoire de r/s~!nusn:e de
Dozy a été diversement apprécié dans les pays musulmans:
!smâ'!I Hakkt, de Monastir, en a écrit une réfutation, in-
sérée d'abord dans le ~er~ Mm~f~ ensuite dans le
~eM/ ur-Rèchdd. Tâhir El-MevIév! a consacré une notice à
l'émir d'Afghanistan, 'Abd ur-Rahmân ()).
Des études d'histoire juive par 'Abduttâh Quilliam, le
cheïkh ut-Jsiâm des Iles Britanniques, portant sur Moïse,
Josué, les Juges, etc., ont été traduites par 'Atî Rizâ Seïf!
pour les tecteurs du ~M ur-Réchdd. Mehmed 'Akif a fait
la critique de détail de l'Histoire de la civilisation mus!i/-
ma?te de Georges Zaïdân (2).
A l'occasion, le 5ëM<u)'R~e/!<M donne des biographies
de personnages célèbres. Dans son n" 201 se trouve une
notice sur le littérateur Alte Parmak Mehmed Efendi,
traducteur d'oeuvres persanes et historien elle est de
Mehmed Tâhir, de Brousse. Dansle n° 206, l'ancien député
de Brousse, Tâhir ibn Rif'at, a raconté la vie de Chems
ud.Dïn Sirâsi.
Mehmed 'Âkif a ouvert la série des études littéraires par
un article sur La Critique (3) il montre en quoi elle doit'
consister: pour lui, ce mot ne doit pas être synonyme d'at-
taque la vraie critique doit être impartiale et signaler tes
qualités tout comme les défauts, sans rien cacher des unes
ni des autres. Les lettres arabes sont représentées par une
(<) N" fS~et suivants.
(s) N- )87 et )89.(3) N' .84.
REVUE DU MONDE MUSULMAN288
étude de *Abdut-Lat!f Nevzâd! (i), sur le célèbre « poète
aveugle ?, Aboû't-'Atâ AI-Ma'arri, traduit naguère par le
regretté Georges Salmon. Une courte étude intitulée: Une
page de l'histoirede la Révolution persane, parS. M. T. (2).
Voici maintenant plusieurs poésies La Vie, L'~OMme,
De l'intérieur ~M cercueil, P?'<Mfer?!<!<:oM du c<BMr, de )bn
Hâzim Na'fm Echref, le célèbre poète, de Tâhir Mevtev!
Cheikh Senoûsî, de 'AH Salâh ud-Dîn, un long et éloquent
poème de Mehmed 'Akif sur Suteïmâniyè, etc. Du même
Mehmed 'Akif, un remarquable article de critique sur la
nécessité, trop longtemps méconnue par les littérateurs
ottomans, de ne rien écrire sans avoir, à l'avance, dressé
le plan détaillé de l'ouvrage que l'on se propose de faire(3).
Enfin, une nouvelle de 'AU Rizâ Seïf!: Modulation sans
fin (4).
Quelques articles scientifiques: M. Chems ud-D!naparié
du domaine de la science (5) et de l'hygiène (6).
Nous venons de voir en quoi consiste la partie scienti-
fique et littéraire de la revue passons maintenant à la
partie consacrée aux informations. Elle n'est ni moins im-
portante, ni moins variée.
Dans la partie politique, 'Al! Rizâ Seïrî jette un cri
d'alarme à propos des agissements des missions protestantes
en Arabie et dans les régions voisines, comme la Mésopo-
tamie, depuis vingt-cinq ou trente ans (7). Ahmed Bey
Agayeff donne son opinion sur l'état présent de t'fstam; il
trouve cet état inquiétant, plus inquiétant qu'il ne pouvait
1;i) N"' )M, )9<.(2) K' t88.
t3) N' 203.
(4) '94.(5) N' M3.
(6) N" 2o5 et suivants.
(7) N" tS~ et suivants.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 289
xx. Ig
l'être au temps des croisades de toutes parts la chrétienté
donnel'assaut àt'Istant(t), dans un autre article, il reprocheà l'Angleterre son attitude hostile pour les Musulmans ~2).
Sous la signature S. T. M., ont paru deux articles le pre-
mier est consacré aux rapports de la Perse avec la Russie
et la Turquie; le second établit un parallèle entre la Perse
et la Russie, d'une part, lé Maroc et la France de l'autre (4).
La politique européenne, la russe et l'italienne en particu-
lier, est appréciée de façon sévère par Ahmed BeyAgayen'(5).
'A. Sulei'mân démontre qu'un mouvement « panturquiste »
ou « pantouraniste ne saurait aboutir ce qu'il faut, c'est
le groupement, non point de tels ou tels peuples, mais de
tous les Musulmans sans exception (6,. Ahmed Sâki exa-
mine la question crétoise (7). Le bombardement du sanc-
tuaire de Mechhed par les Russes a été l'objet d'un article
de S. T. M. (8). Comme de juste, les affaires de Perse sont
suivies avec grand intérêt, et une alliance de ce pays avec
la Turquie est envisagée. On observe, aussi, ce qui se passe
en Afghanistan; les événements de Tripolitaine et de Crète
sont, dans chaque numéro, un thème longuement étudié,
et auquel on revient toujours avec passion. Citons enfin
un bel article d'Ahmed Bey Agayeff, Com?MeM< meurt une
nation? réprouvant l'anarchie qu'amènent les luttes des
partis politiques ~9).
Des Causeries traitent de matières fort variées la civili-
sation est-elle d'origine orientale ou occidentale? mono-
théisme et union réfutation des attaques dont l'Islam est
(t)N")85,;86.(:)N')87.(3)N'<88.(4)N")86ett68.(5) N"t9f et suivants.
(6)/<'M<'m.(7)/6«<emetn°<9:.j8)N'<93.(9)N°M2.
REVUE DU MOKDE MUSULMAN2C)0
l'objet en Europe la naissance de Barberousse, les mani-
festations littéraires faites pour rappeler le souvenir des
grands écrivains d'autrefois: il s'agit, cette fois, de com-
mémorer un écrivain religieux célèbre GhâiibDèdè; l'agri-
culture dans la région de Salonique; le commerce entre
Musulmans; la religion n'est pas un obstacle au progrès; le
mariage des officiers; la conquête économique l'Islam est
une religion scientifique et naturelle, etc.
Le SéM~ Mf-R~c/t~d publie aussi le texte de conférences
ayant l'Islam pour sujet, comme celle du célèbre voyageur
'Abd ur-Rèchtd Ibrâhîm Efen.di, sur les défenseurs de la
religion musulmane et l'avenir de celle-ci enAfrique.lbrâ-
h!m Efendi se montre plein d.'optimisme; il considère la
foi comme la meilleure arme des Musulmans, et a la con-
viction que la guerre actuelle se terminera à leur avantage.
Des correspondances sont adressées à la revue de la
plupart des pays musulmans. Il en vient de Bornéo, du
Japon, donnant des détails sur la propagande musulmane,
de Kachghar, de San-Francisco, de Stuttgart, de Bulgarie,
de l'Inde; le ur-Rèchdd a, dans ces deux derniers
pays, comme au Japon, des correspondants spéciaux.
La plupart des numéros contiennent une revue de la
presse musulmane des différents pays. Dans le !86°, nous
trouvons annoncée l'apparition, à Tokyo, d'un organe
musulman, philosophique et religieux, en tangue japo-naise Islam. Nos lecteurs se souviennent qu'un journalde propagande musulmane avait été fondé, dans ce pays,
il' y a quelque temps déjà il était rédigé en langue an-
glaise, et une édition japonaise était projetée mais, faute
de ressources suffisantes, sa publication avait dû être
ajournée.
Sous la rubrique « Vie des peuples musulmans » nous
QUELQUES REVUES OTTOMANES :9'
trouvons une étude de Kofinovitch Hidâyèt sur les Musul-
mans de Bosnie (i); une autre, non signée, sur leurs
coreligionnaires d'Abyssinie (2). Citons encore Ada ~a/'o.
de Moustafâ Muhsin (3), et les Musu/mans de Russie,
ans nom d'auteur (~).
Les Faits divers contiennent des nouvelles venues de
tous les pays. Parmi les titres les plus intéressants, rele-
vons le Manifeste des Musulmans habitant l'Allemagne à
tous leurs coreligionnaires, les aspirations des Musulmans
de Java et de Sumatra, les aspirations des Musulmans
tunisiens, la propagationde l'Islam au Japon, les actes de
Cheikh Senoûs!, le Congrès des Orientalistes d'Athènes, la
nouvelle Société allemande d'études musulmanes, la lettre
d'un Indien au Times, l'accroissement de la population
musulmane aux Indes, les Italiens au Somal, le Croissant-
Rouge en Angleterre, les progrès de l'alcoolisme en Russie,
une dame russe amie de l'instruction, etc. Enfin, des
annonces, dont le prix est très modique, recommandent
des maisons de commerce musulmanes dignes de confiance;
elles occupent les pages de la couverture, la première
exceptée.
Ces quelques pages permettront de se faire une idée de ce
qu'estcette importante Revue qui, joignant à des travaux
scientifiques dignes d'attention des informations nombreuses
et précises sur tous les pays d'Islam, a su gagner, dès ses
débuts, la faveur du public musulman.
f.)N';97.(aj N° ao~.(2) N" M).
(3) N' 203.
(~) ? :o3.
REVUE DU MONDE MUSULMAN292
Turk Yourdi« Le Foyer turc (') » a pour titre le nom
du groupement qui l'a fondé; il paraît tous les quinze
jours sur 24 pages in-8 carré et donne, de temps à autre,
des illustrations hors texte, des portraits de célébrités de
préférence. « 11 travaille pour le bien des Turcs » voilà,
à la fois, sa devise et son programme. Son directeur est
Aktchoura Oghlou Yoûsouf; l'imprimerie du Tanin et la
librairie Zemân prennent soin de sa publication. Parmi ses
rédacteurs, on retrouve l'élite de la littérature et du jour-nalisme ottomans, ainsi que des publicistes tartares re-
nommés, Ahmed Bey Aghayeff et Ismaïl Bey Gasprinskyentre autres.
Nous donnerons ci-après l'analyse des premiers numéros
du Turk Yourdi.
La littérature tient une large place dans le Turk Yourdi,
et les écrivains les plus en vue lui ont, dès le premier jour,donné leur collaboration. Ce sont des contes, des nouvelles
et des études signés de Rizâ Tevfek, Ahmed Hikmet, Ham-
doullâh Sabrî, Sâki Medîh, Khalîdé Edîb, Mehmed Emîn,
Khatîl, Ahmed Djevâd, Abd ul.Bâk! Fevzi, Tahsln Nihâd,
Dhorghoud Alp, Izzet 'Alevl, etc. Citons, entre autres
~K Bey et sa langue, de Rizâ Tevfek (2); Bruits de
guerre et odeur de poudre, belles pages patriotiques de
Mehmed Emîn (3); Proverbes turcs, longue étude de 'Izzet
'Alev! qui occupe plusieurs numéros de la Revue; La ver.
sification nationale, de Ahmed Hikmet, autre étude de
()) Direction :8, rue Kaba Saka) Teheehmé, Constantinople. Abon-nements d'un an et de six mois Turquie, 3o et 16 piastres; Russie, 3,5oet 2 roubles; autres pays, 9 et 5 francs. Une réduction de )o p. <oo estfaite aux professeurs et étudiants.
(2) N' 4.(3) N' 5.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 293
longue haleine; Le Droit au bonheur (t), traduit, par
Ahmed Djevâd, de Clovis Hugues En émigrant de Kars,
par Tahsîn Nihâd (2); L'Orient appartientaux Orientaux!
de Dhorghoud Alp (3); Combat de coqs, histoire nationale,
de 'Abdoullâh Sabrî (4). Beaucoup de vers également; il
n'est guère de numéros qui ne contiennent un poème de
Mehmed Em!n, comme Le Forgeron, Le Marin, Ana-
tolie (5), etc. Ahmed Djevâd a donné aussi à la Revue plu-
sieurs poésies; nous y remarquons, dans le nombre, Mars,
traduit deThéophite Gautier (6). N'oublions pas les Aspi-
rationspatriotiques, de Midhat Djemâl (7). Enfin une étude,
signée T. Y., sur Mîrzâ Feth'a)! Akhoûndo<T, le grand
auteur dramatique dont le Caucase célèbre cette année le
centenaire (8).
Les études philologiques sont également représentées
depuis une vingtaine d'années, les vieux textes turcs, si
longtemps dédaignés, sont, comme on le sait, rentrés en
faveur, et rien de ce qui concerne la langue turque ne
saurait être indifférent aux Turcs d'aujourd'hui. C'est
ainsi que plusieurs pages du troisième numéro sont con-
sacrées à un compte rendu du Khoustouanit, traité boud-
dhique en langue turque découvert, publié et traduit il y a
peu de temps. Le colonel Nedjîb 'Asem, connu par de nom-
breux travaux scientifiques, a donné un aperçu de lin-
guistique générale (g) et étudié les anciens monuments de
la littérature turque (to). Des spécimens de textes em-
;)0)N"!0.
t))!f°t0.
(!)N't?.
(3) N"<3 et suivants.
(4)N°M.
(5)N"t,3ett4.
(6)!<2.
(7)/tMem.
(tt)N'
(9)N'"SetsmvanM.
REVUE DU MO~iDE MUSULMAN
pruntés aux L~un'cadeM.F.W. K. Müller sont donnés,
ainsi qu'une étude d'onomastique turque d'A)p Arslan,
étude remarquable par son orthographe insolite, dans le
huitième numéro de la Revue. Djelâl Noûr! propose, de son
côté, des réformes orthographiques (i).
L'histoire est représentée par un long travail de
Aktchoura Oghlou sur D/eM~Mt'~ Khan; il est fait d'après
des travaux européens, ceux de MM. Léon Cahun et Bar-
thold en particulier. Deux pages signées A. Y. sont con-
sacrées à définir le monde turc, dont elles donnent la situa-
tion géographique. Dans le numéro 3, une étude sur
l'historien 'Izz ed-Dîn Efendi, et, dans le suivant, la tra-
duction d'un article de M. Von Le Coq sur l'ancienne civi-
lisation turque en Asie. Nous trouvons ensuite une notice
sur M. Radloff, le savant turcologue ce mot a été adopté
par la Revue, en attendant que les savants de Constanti-
nople lui aient donné droit de cité (2). Un peu d'histbire,
de Ahmed Bey Agayeff (3), est un examen de l'évolution
politique et sociale qui se produit en Europe après la guerre
de Trente ans, de ses causes et de ses résultats. Nous reve-
nons à l'Orient avec Les Touraniens en Asie, traduction
de M. Alexandre Marky, professeur à l'Université de
Budapest; Le premier aviateur turc (il s'agit des recherches
de Djauhart, mort en 3o3= iooz, relatives à l'aviation),
par Zek! Pacha et Aktchoura Oghlou (4); Au sujet de
D/eng'M; Khan, par Nermt et 'Akif (travaux des orien-
talistes du dix-septième siècle sur ce conquérant, que Col-
bert plaçait au-dessus d'Alexandre) (5) L'origine tartare
des Bulgares d'après les recherches linguistiques, de
(i)N°9.(!) N' 6.
(3) N" H et suivants.
(4) 'S.
(5) Ibidem.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 295
M. Ivan Manoff (;), et Lesderniers jouns du Khanat de
~~f:. d'Ahmed Zekî Veiid: (2).
Généralement les numéros du Turk Yourdi contiennent,
en dehors des travaux que nous avons signalés déjà, des
notices concernant les Turcs, leur histoire. leur ethno-
graphie et leur tangue elles paraissent sous ie titre de Faits
<OHeern<!K~ les Turcs, le Monde turc, publications re/a-
~t'KM aux Turcs. Nous y notons un travail de Ispartali
Hakkî, touchant la réforme de i'aiphabet. Souvent ces
notices prennent la forme de chroniques relatant les faits
qui se produisent: Ahmed Hikmet au Congrès des Orien-
talistes d'Athènes, un Turc dans l'Inde, etc.
La géographie et l'ethnographie sont représentées par les
Turcs de Perse, deResoûtzâdéMehmed Emin (3); le Vieux
Stamboul, de Tevfek Noûred.Din (4); Vers ~~t, de
Hallm Sàbit (5).
Dans. un autre ordre d'idées, nous signalerons un mé-
moire sur la turberculose du Dr. 'Aki) Moukhtâr (6), et
une étude sur l'architecture turque par l'architecte Kemâl
ud-Dîn (7).
Ismâ'!) Bey Gasprinsky, le publiciste bien connu de nos
lecteurs et l'inventeur de cette « méthode orate d'ensei-
gnement qui a obtenu, dans toute l'Asie russe, un si grand
succès, collabore, lui aussi, à la Revue. Il lui a donné une
étude, d'une certaine longueur, et répartie sur plusieurs
numéros, intitutée ~eo/e nationale. Dans le même ordre
(t) 17 et suivants.
(:) .9.(3) !< 4 et suivants.
(4) N" 16.(5) /<'Mew.
(6) N" 6 et to. ·(6) N" 6 et 10.
(7)~ i.
REVUE DU MONDE MUSULMAN296
nous devons mentionner Idéal, de Aktchoura Oghlou (<),
et une étude dans laquelle'Izzet 'Atev! recherche si l' « Otto-
manisme~ est un obstacleau «Turquisme», s'il est permis,
pour rendre des termes qui n'ont pas d'équivalents dans
notre langue, de forger des mots pareils (2). Du reste, le
Turk Yourdi parait décidé à faire une place importante
aux questions d'éducation et d'enseignement. Son ving-
tième numéro contientie projetd'un Talèbè yoMt'« Foyer
des Étudiants », véritable écote-modète avec internat.
Dans le domaine économique, nous trouvons d'abord
une importante étude de TevfekNoûred-Dîn sur les métiers
en Turquie. L'auteur s'alarme de voir rapidement dispa-
raitre des industries qui, il y a trente ou quarante ans encore,
se trouvaient en pleine prospérité, comme, par exemple,
l'était la sellerie à Constantinople. H recherche les motifs
de cet état de choses, qui, d'après lui, est imputable surtout
aux capitulations, qui ne permettent pas à la Turquie de
protéger efficacement ses travailleurs contre la concurrence
du dehors. L'introduction en Turquie de capitaux étrangers
a donné quelques déceptions la fondation de compagnies
commerciales, comme celle des tapis, a fait beaucoup de
tort aux producteurs indigènes. Les jM~Mns et l'État, de
Parvus (3), réclament, pour ceux-là, la protection des pou-
voirs publics faute de quoi la Turquie ne pourra sortir de
sa fâcheuse situation économique. Nous retrouvons, dans
cette étude, des attaques contre les capitulations. De Parvus
encore, un coup d'oei) sur l'année financière t3a7 ('on) (4)
et la mainmise économique de l'Europe sur la Turquie (5):
comment la Turquie pourra-t-elle se libérer de cette servi-
t') N' <6.
(2) /t<WeM).
(3)N'7.(4) ? t3.
(5) N" 16 et suivants.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 297
tude, il le dira dans un autre article (;) l'amortissement
de la Dette actuelle, de nouveaux emprunts contractés avec
prudence, des relations également prudentes et habiles avec
les Bourses de l'étranger, voilà les moyens qu'il propose.
La partie politique contient des études de longue haleine,
fort intéressantes. Djân Bey, parlant des Grands espoirs
nationaux, montre comment le pays, qui n'a ni grands
penseurs ni idéal, qui borne ses désirs à la satisfaction de
ses intérêts les plus vulgaires, est bien près de la décadence,
et que sa disparition n'est qu'une affaire de temps. Ahmed
Bey Agayeff parle du Monde <ure. !I voudrait voir réunies
toutes les populations ayant la même origine et la même
langue, et déplore que les différences de religion, des divi-
sions politiques et, aussi, le manque de conscience natio-
nale (cesmots sonten français) fassent obstacle à leur unité.
Ahmed Ferld commente les événements de Tripolitaine,
événements qui amèneront, pour les Italiens, de terribles
déceptions (2) il examine aussi la loi sur les vilayets (3).
On trouve enfin dans le Turk Yotlrdi des correspon-
dances particulières de diverses régions, des demandes et
des réponses sur toutes sortes de sujets, des biographies
d'hommes célèbres, une revue de la presse et des comptes
rendus de livres. Revue non point précisément« otto-
mane », mais « turque dans le sens le plus large du mot,
il contraste, par là, avec le ~M M?'e/x!af. organe
essentiellement religieux.
u ré<éMM' « Effort et Recherche (4)~,est une revue
())N°t9.
(2) N'.4.
(3)N"tS.
(~) Direction 4, Saretcha Pacha, Andrinople. Abonnements d'un aa et
REVUE DU MONDE MUSULMAN2$8
littéraire, politique et sociale fondée à Andrinoplepar Nân'
'Atoûfet Mehmed Vehb!, il y a déjà un certain temps. Elle
paraît te t" et le 15 de chaque mois, par numéros de 16 pages
in-8, et en est aujourd'hui à son troisième volume.
Littéraire surtout, u Tètèbbu', qui s'est assuré la
collaboration de plusieurs des meilleurs écrivains de Cons-
tantinople, fait, toutefois, une large place aux questions
sociales, à l'enseignement en particulier, et suit de près ce
qui se fait à l'étranger dans ce domaine. La philosophie,
l'histoire, les sciences, y sont également représentées,
comme on le verra par une analyse sommaire des derniers
numéros parus.
La partie littéraire de Sc' u Te~M~' est étendue et in-
téressante. Beaucoup de vers d'abord il n'est guère de
numéros qui ne contiennent quelque poésie de Sa'dî Djelâl,
de Ferîd Nedjdet Mubtn, de 'Izzet 'Alevî, de Mehmed Sidkt
ou de Ferîd Ziyâ. Rebbânî Fehmî a commencé la publica-
tion d'une série de Petits Contes. Très remarquable, l'ar-
ticle de Ghâlib Notre plus grande douleur, notre /OHgMe.
11 déplore le dualisme qui, d'une seule langue, en a formé
deux, sinon davantage le turc écrit et le turc parlé; il
voudrait voir ces éléments dissidents réunis pour ne plus
former qu'une seule langue, à la fois élégante et claire (').
De Mehmed Sidkt, une autre étude curieuse Langue et't
musique= voix (2). Citons encore La Voix de l'épouse, de
K.hal!l Hâmid (3), et Aux jeunes écrivains, de Subhî
Fakhrt (~). Peu de traductions nous trouvons cependant
L'Aurore, d'Edmond Haraucourt, traduite par Suleimân
Sin! (5).
de six mois Empire ottoman, )9 et 7 piastres étranger, )5 et 9 piastres. Lenuméro 20 paras.
(t) N" 270128.(:)r<'23.
(3) N' 28.
(4) N' :S.(4) N* 25.
(5) Ibidem.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 299
Une intéressante étude philosophique:de Nâfi"Atoûf Le-
Repos dans la vie (<). L'auteur qui connaît bien les travaux
de nos philosophes, a analysé avec beaucoup de finesse le
besoin de savoir, de s'informer,qui est inhérent à l'homme
et qu'il conserve toute sa vie. Dans un autre travail, il
montre l'utilité de l'histoirepourla vie politique et sociale,
et prend, comme conclusion, cette phrase de l'un de nos
compatriotes « Savoir afin de prévoir et de pourvoir (2). »
'Nous trouvons encore La .PMosop/tte dans ~7~m, Vo/oM~
et Loi, de Vehbî Samoûh (3) des études sur Pestalozzi,
Taine et ses doctrines, la haine, les rapports entre la raceet la nation pour lui, le sang n'est pas le facteur essentiel
dans la vie nationale (4).
Ghâtib Suleïmân a donné à la Revue des Pages d'histoire
dans lesquelles, abordant un sujet devenu d'actualité, il
parle de la Tripolitaine au cours des derniers siècles (3).
Venons à la pédagogie. Nân' Atoùf a étudié l'éducation
morale et la discipline dans les écoles anglaises, où l'on
développe, de façon intelligente, le sentiment de la respon-
sabilité chez les élèves. En Turquie, jusqu'à présent, on n'a
pas su agir de même (6). De son côté, Ruchdî Edhem, qui
s'est occupé des programmes et des maîtres nécessaires aux
nouvelles écoles ottomanes, conclut, lui aussi, en proposant
d'imiter l'Angleterre (7). Une note de Nân' 'Atoûf, Contre
la paresse, précède un travail de Mehmed Cherff, directeur
de l'École Normale, indiquant comment doit être organisé
le travail dans les écoles (8); c'est un véritable plan d'études.
(t) N" 2a.
(!) N' Voir, dans )e numéro suivant, les observations de Mehmcd Che-r!f.
(3) N'25.
(4) ?' :4, 30, ?! et 3~.(5) N' 2a.
(6) N" 2!.
(7) ai et
(8) ")'
REVUE DU MONDE MUSULMAN300
portant sur toutes les matières de l'enseignement, qu'il a
dressé(;). Citons encore L'École c/ nous, de Khalîl Hâ-mid (2); Les Enfants peureux: une maladie de l'enfance,
de Ruchdî Edhem (3); Les Leçons de Géographie, de Nân'
'Atoûf(~); La Vie intellectuelle et les écoles primaires au
Japon, de Hasan Fehm! (5).
La Revue, qui laisse généralement de côté les faits exclu-
sivement politiques, parle beaucoup, en revanche, des ques-
tions sociales. Dans cet ordre d'idées, c'est NâfT 'Atoûf qui
est son principal collaborateur. 11 lui a donné successive-
ment des R~ext'OHS sur les recherches sociales, essai de
méthodologie (6), la Vie en MCt~(7), Orientaux et Occi-
dentaux, étude démontrant que si les seconds ont pris une
avance considérable sur les premiers, il n'en serait pas moins
injuste et faux de conclure que les Orientaux leur sont in-
férieurs comme intelligence et capacités (8), et un Voyage
en Suisse intéressant par les réflexions que fait l'auteur sur
la situation économique et sociale de ce pays(o).VehbîSa-
moûh a consacré deux articles aux caisses d'épargne rurales
et scolaires et aux banques agricoles;~ o). Intéressante étude
de Ghâlibsur«Ies enfants des nations résoluesàvivre(t t)~.
Nezîh! Fikret s'est demandé si la Turquie avait besoin de
nationalisme? !1 arrive à cette conclusion qu'il faut envi-
sager, dans l'avenir, la réunion des peuples turcs, soumis,
actuellement, à des Gouvernements divers (;2).
.(S) N' 26.
(to) N" 33 et 34.(t~) Ibfdem.
(n)/tMem.<<~N°35.
(!) N'2Ô.
(2) t<' :8.
(3) N'"2: et suivants.
(4) Nos 28 et suivants.
(6) N' 29.(7) /t'tt<M).
(8) N' 32.
(9) ?' 29 et suivants.
QUELQUES REVUES OTTOMANES 3o)
Nos lecteurs pourront juger, par les lignes qui précèdent,
de ce qu'est ~a' u T~M'H', revue intéressante et variée
qui joint, à des travaux d'une certaine étendue, des notes
intéressantes sur des sujets d'actualité, notes qui forment,
pour ainsi dire, sa chronique.
<<
Nous avions annoncé, en son temps, l'apparition de l'or-
gane dont il va être question. Depuis,son rëdacteurenchef,
qui est en même temps le directeur de l'École Normale de
Constantinople, Sâti' Bey, nous ayant gracieusement fait
don des fascicules parus, il nous sera possible de parler
plus en détail d'une publication utile.
La Revue de l'enseignement primaire, Tèdrlsdt-i 'Ou-
wo~m~a Me~'MO~'a~, est un organe officiel, publié, au
nom du Ministère de l'Instruction publique, par les pro-
fesseurs de l'École Normale et à l'Imprimerie nationale. Elle
paraît le !5 de chaque mois, depuis juin )Q!0, par fasci-
cules de 8o pages in-8, avec figures et planches de musique,
formant deux parties, l'une théorique, JVa~anjr~ ou Ma'
lotlmdt Kesme, l'autre pratique, '.Ama/t~ ou r<eA<«
Kesme, comprenant chacune 40 pages.
La première partie est consacrée aux questions pédago-
giques de toute nature et aux questions sociales dans leurs
rapports avec l'enseignement; elle porte, à la fois, sur
l'éducation morale, les exercices physiques, l'enseignement
dela lecture, de l'écriture, de la géographie, de l'histoire, le
rôle des jeux dans la vie scolaire, les travaux manuels à
l'école, les moyens de développer la mémoire chez les enfants,
le rôle social de l'école, les leçons de choses, etc. Sâti' 'Bey
et avec lui ses distingués collaborateurs, 'Atî Nusrèt Bey,
Ismâ'M Hakkî Bey, Ojevâd Bey, Djevdet Bey, Sabr! Djernït
Bey, font tous leurs efforts pour donner définitivement
REVUE DU MONDE MUSULMAN302
droit de cité, dans leur pays, à la pédagogie, science peu
ancienne en Occident et toute nouvelle en Orient. Ils tien-
nent leurs lecteurs au courant de ce qui se fait à l'étranger,
en Suisse et en Allemagne, par exemple, examinent et dis-
cutent les changements qu'on y opère dans les écoles, ren-dent compte des publications nouvelles. Une rubrique
spéciale est consacrée à des discussions, Bahslar, sur les
principes pédagogiques. Dans le premier volume, nous
trouvons le texte de quatre conférences faites par Sâti' Bey
sur l'éducation sociale.
Elles portent sur les matières suivantes
L'école et les choses sociales
Vie privée et vie publique;
De l'ordre et de l'esprit de suite dans les efforts
Les caisses d'assistance scolaires.
Le caractère pratique de la deuxième partie se reconnaîtdans le choix des matières ce sont, ou bien des sujets de
leçons ou de devoirs, ou bien des lectures. Dictées, rédac-
tions, problèmes, leçons de morale, leçons de choses, récits
patriotiques, contes, fables, poésies, lectures historiques,modèles de dessin ou de travaux manuels, s'y trouvent
réunis. Elle est d'un précieux secours pour les maîtres otto-
mans, dont elle facilitera singulièrement la tâche. Notons,
en terminant, l'esprit à la fois religieux et national dans
lequel elle est conçue.
Au moment de mettre sous presse, nous apprenons l'ap-
parition à Constantinople d'une Revue philosophique,
Z);~rMë-Fé~ organe scientifique dont les quotidiens
de la capitale disent grand bien, et qui compte parmi ses
collaborateurs Chihâb ud-Dîn Bey, le célèbre écrivain
Noûr! Bey, à qui ses travaux de bactériologie ont valu une
QUELQUES REVUES OTTOMANES 3o3
juste renommée, et nombre de savants et de littérateurs en
vue. La Revue philosophique comble une lacune dans cette
presse ottomane, si importante et si variée, dans laquelle
chaque branche de connaissances, ou peu s'en faut, se
trouve représentée aujourd'hui.
L. BOUVAT.
D'APRÈS LES HISTORIENS ARABES ET PERSANS
Aban (le poète), 6, 50.
'Abbada, mère de Dja'far ibn Yabya,
68,[M,h5.'Abbas (A)-). fils de Fadt ibn Yahya,
64,t0i-)o3.
'Abbas(At-)ibnBaz!7.
'AbbasToû<?,47.
AbMsabintAt-Mahd!, to, n. zt,
22, 70, 74, 93, [t2-t: (:7-t3t.
Abbasides, 3, 7, ~a. ~3. 47. S6, '08,
HO, )M, 128, ):9.Abbasides (les), troupes persanes, 61.
Abda, toc.'Abd At-Kadir ibn Mohammed, 'X5.
'Abd AUah, fils de Fad) ibn Yabya,
64, fo3.
'Abd AHah, ti)s de Mobammed Ibn
HMtid, t0f.
'Abd AUah, nom du premier Barmek
converti à t'fsiam, ~2.
'Abd A))ah Ai-Mâristan!, 8. u.
'Abd AUah ben Satan ben Et-Mo~ri ()e
cheikh), tt6.
'Abd A)iah ibn 'Amr ibn Koraith, 3:.
'Abd A))ah ibn Hi)a) At-AhwM, 5o.
'Abd Aitah ibn Mouslim, 35.
'Abd Attâh Mos)im At-Djordjan!, )0.
'Abd A)!ah ibn Mo'tazz, t04.
'Abd AHah ibn tsmâ'!). 73. 74-
'Abd Al-Malik, fils de Fadt ibn Yabya.
64.'AbdA).Ma)ik(le khalife), 'o. 33, 36,
tt2-n3.
'Abd AI-Malik At.Hachim!, 72.
Abd AI-Malik ibn Mà)ik, 4:.
n.
INDEX DES BARMÉCIDES
A 'Abd AI-Malik Ibn ~Ub, 78, 97.
'Abdawaih, 49, 55.
'Abdessetam ben Ahmed ben 'A)!, '09.
'Abdesselàm ben Mobammed E)-Ad-
ghaghi.tOQ.'Abd o!-D)'e~f Yezdf, 6, fo-t3. 95, 32,
34, 37, 44. 46. 47, 60, 61, 64, 65-67,
76, 78, S'' ~-9~. 104, "S, "6.«S, tt9.
'Abd or-Re~, 108.
Aboû D~'faribn Habtb An-Nahwi AI-
Baghdâdh!, 6.
Aboa Dja'far A!o)?ammed ibn Djarir
At-Tabart, 6, 7, 9. 13, '4. '6. M.
34. 35, 37. 38, 40, 4'. 4~. 45, 48.
49, 55, 57, 58.6), 63, 64. 68,69,70,
76, 79, 83-85, 86, 8«, 92. 94-9~.
97, 'oo, '04, 'o6, ')3, ))9'"°' "4-
AboO Hâchim MasfO&r. 9, 53, 87, 89.
90,93,97, 98, H8-)2t.
·
AI-Azrak AI·Aboû Ua 'Omar ibn At-Azra~ A)-
Kermaa!, 6, 7, '9- 3!,
33,86.
Abot Hanffa Ad-Dinawarl, )8,a'.
Abod 'tsma Sâ)im ibn Hammad, 87.
Aboû't-'Abbas Af'Mobarrad, 8.
Abo&'t-FaMdj, dit Bar Hcbreus, <3-t4.
5t, 72. "8.
Aboû't-Faradj AMsfaMn!, auteur du< Kitàb at.AgMnJ », 8-9, '6, 20.
:a, z3, 4)~, 5~, 54, 63, 66, 70-7',
74,96, 102, 'o5, to6.
Abott't.Pida, <4, '27.
Aboû't-~asan Abmed ibn Dja'far
Djatttha, 8, 9, :o, 74, t04.'oy.Aboû't.Hasan At-Mada'iof, 5.
Aboû'i.KaOm At-Tâ'iff, )0, 35.
ao
REVUE RU MONDE MUSULMAN306
Aboù'f-Kasim ibn Ghassan, )!, 37.
Aboû't-Mabasin. Voir Ibn Tagriberd!.
Aboù Mohammed Ai.Labar!, )0.
Aboù Mobammed A)-Yazid), M. 71.
Aboù Mohammed 'Obaid Ai)âh ibn
Mohammed Ai-Ithr!, 9.
Aboù Moslim, 38.
Aboù $âiib Yabyâ ibn 'Abd Ar-Rah-
man, 87.
Aboù Salama Haf~ Af.KhaHâi, 38.
Aboù Rabi'a Mo~ammed ibn Abi't-
Laith.8'.
Aboû'n-Nadtr, 66.
Aboù Thamâma, 10.
Aboù Yahya, gardien des Barmécides,
98.
Aboù Yoùsouf, jurisconsulte hanéfite,
68.
Aboù Zakkar At-KaiwadhâniAt-A'mâ,
7'. 87, 90, 09.Achdja' (le poète), 22, 71.
« Agamas », 3o.
« Aghani » pour « Kitâb at-Ag~nf
Voir Aboû')-Faradj AMsfahùnt.
Aghlabites, 56.
Ahlwardt, so.
'AH ibn Ab! Sa'id, 87.
A~med ibn At-Hasan ibn ~arb, 85.
Abmed ibn At-Kasim An-Nadim Ar.
Rakfk, ~6.
Abmed ibn Hosain, 98.
Ahmed ibn Mohammed Ei-Ghafi~ft,
)Q.
Ahmed Raz{, )Q.
Abnat ibn Kais, 3:.
Âbna', sens de ce mot, 98.
Aboù 'Abd AUah AI-Hàchimi, ~o3.
Aboù 'Abd Ar-Rahmân ibn 'Adi A)-
Koûn, 5.
'Aboù 'Ait A)-Bardhani, t25.
AboO Ayyoùb Ai-Mouryani, 39.
Aboù Bakr (le khalife), 5.
Abou Bakr Mohammed ibn 'Abd AI-
Bakt, <2S.
Aboù Bakr Mohammed ibn Yahya As-
Soûi!, 6, 8, )4, 3:, 50.
Aboù Chamama, 22.
Abot Haf~ 'Omaribn tsmâ'!i, 124.
Aboù Ishak Ai-Barmek! Al-Baghdàdhi,
t:4-)25.
Aboù't-'Abbas Ahmed ibn 'Omar AI-
Barmekl, )!S.
Aboù'i-~asan 'Oubaid Aiiah, )o6.
Aboû't-Kâsim 'Abbâs ibn Mohammed.
)07.
Aboù't-Ma'a): ibn Tamfm AI-Barmeki,
~07.
Aboû Nasr At-MarzouMn, <o5.
Aboû Nowas, 22, i <4.
Abod Sa'id (l'Emir), 108.
Adrar, )OQ.
Afrique, <o8.
Ahmed ibn tbrahtm ibn 'OmafAboû t
Hasan ibn Abi 'tsh~, )2').
Ahwaz(A)-), to6.
« 'AJfâ~ir ou simples, 5o.
« A~rabMhin », f26.
'A~ii, affranchi de $âfi)) ibn Ar-Ra-
chid, 53-54.
Alexandre, 28.
'Ai! (le khalife), 39, ~5. 'o8.
'A!i Chah (le faux khalife), tif.
'Ali ibn AI-Hadjdjâdj At-Khouza'i, 58.
'A)i ibn AI-Haitham, 50.
'AH ibn Andjab As-Sâ'i Al-Baghdâdhi,
'Ait ibn Bandar ibn hma'it ibn
Moûsâibn Yahyâ ibn Khâlid, <o6-
107.
'AH ibn 'fsa, secrétaire de Yahya ibn
Khâ)id,45, 85.
'A)! ibn 'is& ibn M&han, 79, 8', &),
)i5, tt6.
'AU ibn Mohammed An-~aufa)!, 32.
'Ai! ibn 'Omar AboQ')-Hasan AI-Bar-
mekt, i2i.
'Ait ibn 'Omar An-Naufai!, 9.
'Aii Mo'ayyed, <o8.
Alides, 38, 55.58-59, 75, 83.
AUotte de la Fuye, 23,82.
AtpArs~n, )8.
Amar (Émile), )4.
Am!n (le khalife AI.), 57, 69, 85, 95,
t00, !04.
Amour! (El-), )09.
'Amr, [Us de Barmek, 33.
Anas ibn Ab!Chaikh, 63, 72, 86.
Anastase (le P.), t23.
AnMr, 73,74.
« Annales dramatiques », )3o.
<t Annatesdu musée Guimet », '29.
< Année Uttéraire (L') '28.
Ansâri (Ai.) As-Samarr!, 8.
Antioche, 56.
Arabes, 5, 47. 56. tt2. u3, '23, t28-
)3<.
INDEX DES BARMÉCIDES 307
«Archives marocaines", J4.
ArdëchirBabegân,3f.
Ardjâsp.27.'Arifat (E)-), nom d'une tribu, toc).
Aristote, 50.
Arménie, 44, 56, 58, 63.
'Ast(Ai-),6isdeFadtibnYab)-a.64.
Asie,x8,47'4S.
<Asie française (L')~,)û6.Asin(Migue!),23,t07.
Asma'i(At-).8.9,72.
'Ataibn$aib,3s.
'Attaba, mère de Dja'far ibn Yabyâ,
68.
'Attabf.M.
'~ttaf, personnage des « Mille et une
Nuits i),t2:.
Audiffret (H.), 127.
*AunibnMo))ammed,u. t.
« Avesta », 26.
'Awâsim (AI-), 56.
Ayyoub ibn Hâroùn ibn Solaimàn ibn
AH. 7.
Azaouad, tO~.
Azerbaïdjan, 44, 45.
'AzzoOn, «4.
Ba-Bahine, 100.
Bachchar ibn Bourd, 7, 22. 4:-4.3.
Bâchtin, )o8.
Bactriane,ï8.
Badhl, nom d'un chanteur, 52, 54.
Badt' az-Zamân AI-Hamadhâni, )~5.
Badrad-Dini~asan,)2;.
Bagdad, 9, z~, 32, 39, 45, 49, 58-6).
69, 73, 74, 78-79. 9'' 96-'o4, '08-
tog, 115, tt6. t20-;22, 128, f3o.
Ba-Guetmane, )09..
Baida (At-), nom d'une ville, [04.
Baihak!, )07.
Bakhdhi, ancien nom de Balkh, 26.
Bakhtichoû',7, 5o-5t, 59, 71.
Ba~dhori,t6,32,35,t04,)24.
Baiah (le roi indien), ~o3.
Be)'am!, traducteur persan de Tabari,
7. 2),34, 35,40,49, 69, 83, 84, 9:,
93,94. "3. "7- "9'°.
Balkh, 3, 5, ~9.~5-36, 59, 62, 79-f23.
Bâmi OH Bâmftf, remarque sur ce mot,
26.
B
Bamyan,5a.« Bar », sens de ce mot syriaque, 124.
Baradân(portede),7Q.
Barâmika ou Barmécides, !<o, 124.Barâmika (A)-), quartier de Bagdad,
79,fo6,t24.
Baram'ka,ff0,)24.
Barant. ~of'Ziyâ ed-'3fn.
Barbier de Meynard, 23, 23, ;3,7f.Voir aussi Mas'oûdt.
Bardha'a, 63.
Bar Hebrteu!. Voir Abou'i-Faradj.
Barmécides, 3-23, 3;, ~), 47-48, 74-78,
79, 8i-86, 90-97. 'o<-[o3, to5, 107,)3!. Voir aussi Baramika, Bara-
miké, Baram'ka, Barmekl, Barme-
kiya, Beramka, Beramké, Boramik,
Bormeké, Bormata, Ikedaten.
Barmek Abo<t KMtid, t0, 2:, 33, 36.
Barmek ibn 'Abd AUâh Ad-Bâbitf, t~.Barmek le Grand, 124.Barmeks (les), 5, 6, «, 25-32, xo, 123.
124.
Barmekân (Ai-), 124.
<:Barmekt~, personnages ayant portéce nom, 2t, t04-)07, i24-)25; ses
diverses acceptions, )24-)26.« Barmekiya», acceptions diverses de
cemot,)o5,)25,;26.
BarniouBaran!. ~Ot'fZiyaed-D!n.
Barra (la nourrice), f i7.
Barthoid (W.),27, 3t, 69, 83, 107, ;f2,)2S.
s Base (La) des principes », 5o.
Bas-Empire, 56.
Basra, 5o, 63, 84, )o3.
Ba-Temtane, 100.
« Bayân », 68.
Beiiormini Reus (Doua Maria), ):8.
Benaldaki, nom supposé, t27.
Beramka, )o8-)0o, )~.
Beramke, 70, ;o6, )24.
Berzin, temple de Balkh, 27.< Bibliographie catholique », ~S.
Bibliothèque de Bertin,20.
Bibtiothëque de Grenoble, 2[.
BiMiothéquedeLeyde,<4.Bibliothèque Khédiviale, 6.
Bibliothèque Nationale, ~2, 14, t5,
2i,32,3S,69,to8,H9.
Bichr, fils de Mou'tamir ibn'Solai-
mân.'io.
Bidpaï,5o.
REVUE DU MONDE MUSULMAN308
< Biographie universelle '27.Biroùn: (AI-), 48.Bitar (M. Y.), M.
B)oche<(E.),a3.
Bohémiens, no,'ïS.
Borâmik, ;o8, tog.<Borhan-eMte'
Bormekë.~oMfBarmecides, no,)!4.
Bormata, toS-tOQ, 114.
Boa.'Ait (le ksar de), foc.
Boùd4sp,!8.
Bouddha, 28, 29, 3o.
Bouddhisme, S, zM', n~. "3. '~9-
< Bouhoûrat sens de ce mot, )26.
Boakhafa, :6, 32, 6t.
Boast&n Moûsa, 70.Boustâni (Boutros Al-). 115.
Brasseur de Bourbourg, <t8.British Museum, '5, 82.
Brockelmann (Carl), :), t:6.
Browne (Edward G.), 48, '~8. Voir
Dooutetchah.
Byzance, 44, 66, Voir Grecs.
0
Cabaton (A.),
Cabou), 26, So.Caire (Le), 6, '07, '20.
< Calila et Dimna 6, 5o.
Caramouftee, nom supposé, )e7.< Çarinas mot signifiant < reliques
'9'Carra de Vaui, traducteur de Ma-
s'oûd!,o4.Carrière (Auguste), 13.
Cha'bt (Ach.). Vo<r Kha):t ibn AI.
Haitham.
Chabïb fbn Kahtaba, 69.
Chadyâkh,27.
ChahBeh4r.26.5o.Chah Choudja*. t0, u.s.
e Chah Nâmè x. Voir Firdoousl,
Châliba, femme de Mobammed ibn
KhMld. )0).
Chamâr!, nom d'un jardin, 70.
Chammâsiya (portedes), 79.
CMriya (la chanteuse), )o:.
Charlemagne, !6, ':9.Château des tndiens, a Batkh, 27.
Chauvin (Victor), t:a,'i7,8,t3o.
Chavannes (Ed.). Voir I-Tsing.
Che-hou, 29.
Cheikho(feP.),'6,)a3.Cheikh Saadibouh.~8.
<Che-ti*,ou reliques, :9.
Chems od.Dtn Faz)o))ah, to8.
Cheref oz-Zemân Nasr Khan, 39.
Chiisme.83.
Chiites, 5o.
Chine, 26.
Chinois (pèlerins), 5, a8-3t.
Ch!rBâmyan, 59.
Chirou'<,3).Choiseul (la duchesse de), ':7.
'< Choit de traditions relatives eut
Barmécides », ïo.
Chosroês, 3o.Chou'ba At-KhûMnf, go.
Chrétiens, 48.Christianisme,
Chypre, 56.Oerk (Godfrey), 2t.
Codera (Francisco), [07.
Constantinople, z3.
c Contes du cheikh EI-Mohdy 64.
Coptes, sens particulier de ce nom, )25.
Coran, 07.
Coupole des Barmécides, 67.< Crtr& sens de ce mot,
D
Dahahna,'09.Dair Founna, 38.
Dair Kâ'im A)-Aksa, 99.Dair MA SardjaMs, 57.
Dakfkt, t8, !7.
Damas, 9, 56,79, to5, u3, 'M, «4.
Danantr, 52-54, 'o5, 124. '3o.
Darmesteter (James), <tt.
Debesteï.58.
Detten), 55. 58.
Démavend, 40, 58.
Derenbourg(Hartwig),)8,a3.c Description det'Ëgypte t. no.
Dharmakara, 30.
Dharàwa. Voir Za.r4fa ibn Mohammed
At-'Arab!.
))harmaphya, 3o.
Dinawari (Ad.), Vofr Aboû Hantfa.
Diogène, gouverneur de Syrie, 56.
c Diwân al-Kharâdj s, ou administra-
tion des finances, 38.
c Diwtn az-~im4m wa'1-khawatim
47.
IXDEXDESBARMÉODBS 3o9
Dixmerie (De la), t:8.
Djadda,69.
Djâmâsp, aïeuf des Barmécides, )~3,
tz4.
Dja'far, fils de Mobammed ibn YaJ)y4,
)o3.
Dja'far de Balkh, ancêtre des Barmé-
cide~, 3f, m-))3, 122.
Dja'far ibn Af.HaMn At.Lahb!, 7.
Dja'faribn At.Mahd!
Dja'far ibn Yahyâ, 4, 9, ft, t3, '5, )6,
18, 2!, 49. 55, 60, 64, 68.83, 85, 85-
g!, g5, 96, nz-tM, tx6-t3'.
tDja'fart", nom d'une monnaie d'or,
3).
Djahith (A).), 8, 68, 7:.
D)a))tha. Voir Abo&'i-f~aMn A~med
ibn Dja'tar.Djâmi' at.))ika;-at 34.
Djamit Nabtat At-Moudawwar, :3.
Djariyya (Ad-), mère d'At-Man~oûr, 38.
Djebel Nefousa, tog.Djehiehar!, 9,62.
Djemât ed-Dtn ibn 'Abd At-Kâhir At-
Tabrtzi, )o5.
Djemill ed-Din Mobammed Et-'Oun,
'9-
Djibat, 58.
Djibrail, fits de Bakhtichoû', 7, 7<-7!,
84,87.
Djordjan, 58.Djoundisâpo&r, 5).
Dooutetcbah, )o8,
Dozy (R.). ':6, ):8.
Ésypte, M, 64. 66, 68, 7:. 73. 'o, 124,
)a5, )3o.
Égyptiens, no, tio.
ETvan, 39.
iio, i2o.
< Encyclopédie de l'Islam ». 3', 8~,
)07, n2, '<3, t22, )28, t:9.« Eredwô-drafcha », sens de cette e~.
pression, a6.
Espagne, <o6.
« Esprit des journaux », )3o.
Euphrate, 57, <oo.
Fadt Ar-Ra~acM, 66.
E
F
FadiibnMarwân.9.
Fad)ibnRab!9,74.8~83.94.96,u3.
Fad)ibnSahi,48,)o3.
FadJ ibn Solaimân ibn 'A! 87, )2o.
FadtibnYahyâ,4,7,n,'3,'6,)8,t9,
47, 49, S'.5S, 57, 69, 76.78. 79, 83,
90-ga, 95-too, m, 'M.
Fakhrad-Dautabmâ'fiibn'Abbâd,
6.
Fàkhita, prétendue sœur de HâroûnAr-Rachid, f)3.
< Fakhrt(Af.) Voir Ibn At-Tikta~.
Farad! (AI-). Voir !bn At-Labban.
Patima, esclave de Dja'far ibn Ya~ya,
73.Fatima,mère de Dja'far ibn Ya~ya,
68.
Pauque(MHe),7.< Femme(La) et famt))e », t3t.
Fenoughil, '09.<; Ferheng-é Chou'oOri '!6.
FerroukM, il.t.
< Figaro (Le) », 22.
Firdoous!, )'}, 27.
Firoûz, ancêtre des Barmécides, '24.Firo&zChah.g.
F)Oget(G.),t28.VofrHadj(Khai)'f<t.Fo-ko-louo, nom chinois de Balkh,
28.
Foutaih, nom d'un chanteur, 52, 7'.
Francs Carolingiens, 56.
G
Galland, )97.Gardizi, to7.
Ghadjar,):S.ChaCânt (El-). Voir Ahmed ibn Mo-
))ammed.Ghânim, personnage des « Mi))e et une
Nuits*, 121.
Ghassan ibn 'Abbàd, to3.
Ghawâz!, !fo, t~.
Ghaz!, sens de ce mot, t )0.
Ghâziyé, sens de ce mot, no.
Ghazna, t8.
GboDravend, Sg.Giron (Aimé), ):9.
Goeje (De). Vo< Aboù Dja'far Moha.
mmed ibn Djarir At-Tabaf!, Ibn
At-Fa~h At-Hamadhant, Ibn ~au.
ttaf.
i~EVUE DU MONDE MUSULMAN3to
Goucht&sp,27-
Goûderz,3).
Grecs, 41, 42, 5o, 56, <o3. Voir By-
zance.
Guébres48.
Guedoua,;09.
Guirgass. ~6<r Abo6 tianifa Ad-Dina-
war
<Gu)istan)f,t). t.
Hachimi (A)-), Voir Mobammed ibn
'Abd Ar-Ra~mân, ')sâ ibn Moùsa.
Hâd!()ekbafifeA)-),)0,44-4<
Hadjdjâdj ibn Makar At.Koûft, 5o.
Hadj! Khalifa, )07, )24.
UaTder Kass4b Djechouï, to8.
Hakam(A)-) ibn 'Awâna AI-Kalbi,
)04.
Halévy (Joseph), 23.
Hamadan, 69.
Hamadhân! (A)-). Voir Bad!' az-Za-
mân, Ibn Af.Fakih.
HamdoUàh ibn Abi Bekr Mostooufi
Kazv!n!,f5.
t.!amdoûna, favorite de Haro&n Ar-
Rach!d,t0[.
Hammef(De), 34, 50, 74, )M, ~7,
t!9.
Hamza A)-tsfahân[. t8, 60.
« Han », ou Agamas, 3o.
Hâroan Ar.Raebfd, 3, 4, Il, ao.a2,
3:(n.),39(n.),44,48,H,5Mo.
62, 63, 68-7:, 7M', 83-g8, 110, uz.
)M,<27,tï9,)!o.HarthamaibnA'yan, )o, go, 91, 92.
Hasan (At-), fils de Barmek, 33, 37.
~asan, prétendu fils de Dja'far et de
'Abbasa,n6,t'9.Hasan (AI-) ibn Yatiya, 8-9.
liasan Barmek:, )07.
ttasan Dameghan!, <o8.
Hasana, esclave d'Af-Hadf, 46.
H&tim, 64, tt:.
~4timibn'Adi,)02.
Hedjaz, )o6.
Heerzsohn, :3.
He)4)! (E)-), 'og.
<HezarEfsane*20.
Herbetot (D'), 64, t23, '27. ~g.
HiMf, 34.
H
);<abâbintYaby4,9).
Hichâm ibn 'Abd Al-Malik, 8, 33, 34,
35.
Hicham ibn A)-Hakam At-Koofi, 5o.
Hi)afiens,to8,tog.Hill (G. F.), 23.
Hinayana, ou Petit véhicule, 29, 30.
Hiouen-Tsang, 5, 28-3o.
H!ra, 70.< Histoire de Kàsim )e Barmécide »,
2t.
< Histoire de Soliman et de Djafar »,
:). 35.
à Histoire des trois pommes)2h1
Hoei-Li, 5, 3o.
Hoggar, iog.
Horovitz(J.), 6, u3.
Hosain, fils du khalife 'A!f, 108.
Hosain, prétendu fils de Dja'far et de
'Abbasa, u6, u~.
Houtsma.~<rIbnWadibA)-Ya'koùb).Huart (0.), 22, 23, :6, 47-48, 56,
)2Q.
Huber (Édouard), 23.
1
Ibn 'Abdoûn, )3.
Ibn Abi Omayya, M.
Ibn Abi Khotatma, 6.
Ibn Abi Ya'koùb At-Katib, 6.
Ibn Abi Ya'koùb An-Nadfm, auteur
du Kitâb a!-Fihrist f6, 19, 5o.
Ibn Ad-Djoûz!, 20.
Ibn At-Abbar, f07.
tbnAt-Athtr, t3 t4, 35, 37, 38. 39, 4'.
44. '04. '25.
Ibn At-Bai<ar, )2&.
fbnAt-Fakih At-Hamadhant, t8, <9,24,
32, 4', 123.
Ibn At-Labban A~-Faradf, 9.
< Ibn al-Makka », sens de cette ex-
pression, f24.Ibn At-Moukana',N2.
Ibn 'Asâkir, 9,37. 4:, 124.Ibn At-Tiktakâ, 6, '4.39,48. 54-55, 6t,
64,7~, 85, m, '20, t3).1.
Ibn Badroùn, 9.'3.Ibn Chahik As-Sindl, 7. 91, 'Ot-'02.
tbn Châkir At.Koutoubi, <6.
Ibn Djâmi', 52, 70.
Ibn K4dist,9, 42.
Ibn Khatid Ai-BarmeM, to6.
Ibn Khatdoun, t5, 69, 76, 96, t'4, )3'.
INDEX DES BARMÉCIDES 3N J
)bnKba)iikân,9. )3, 16, M. 37,4!
54,62,68,Q8,fo5,)o6,t!3,t:4.tbn~otaiba,6,o!,)'4.Ibn Moanâdhir, 8, 22, §6.
Ibn Noah, 85.
Ibn TagriberdfAboû')-Ma))asin, tg,36,
74.
Ibn Taifo&r, 79.
tbnWâdibA).Ya'ko&bt,7,t9,26.46,5o.6..
;bnWa)idA)-An;af!,M.
Ibrahim, Cils de Bakhtichot',
tbr~him, fils de Mo))amm€d ibn Yaby~,
to3.
!brahimA)-Mau?i)f.8, to.48,S;,5!,
70.
!braMm An-Nadtm, <:).
Ibrahim ibn AI-Mahdi, 7,9, 70, 71,78
Ibrahim ibn Djibrail, ~6.
tbrâh!m ibn !mid AI-blarwarroudhi,
90,9;.tbrâhfm ibn AtâHk. 50.Ibrahim ibn 'Othmân ibn Nabik, 86,
o6.tbrâhimibn $a)i)) ibn 'Ali, t '4.
IMkiya, 49, 55.
Ikedaten, nom touareg des Borâmik,
)00,)24.
tmamites. 5o.
'fmran ibn Mo&sa, io~.
'imranr (Al-). Voir Mobammed.
Inde,5,26,!8,5o,[04,tt3,f2a.
Indiens, 37. 50, 67.
)rak,33,37.47,95.
')sa ibn AI-'Akki, 69.
'fsaibnDja'far,57.
'M ibn Moûs& Ai-Hachim!, t~. 39.
tsfahanf (A)-). Voir Aboû~-Faradj,
Hamza.
)sbak ibn tbrâhtfn At-Mau~iii, 8, )0,
5:, 64-66, m.
tsbak ibn Sotatman, t0,68.
Iskender A~af. Voir Aboù Nowas.
ts)am ou h!amisme, 33, 34, 36, 48, 64,
83, H2, 128,~9.
fstakhar,:7.
hfakhrf.zS.
)thr! (A)-). Voir Aboù Mobammed
'Obaid A))âh ibn Mof~ammed.
Itlidl (At-t. Voir Mofjammed Diyâb.
t-Tsing,5,!9.
J
Jourdain(Amab!e),t29,t3o.
ttjourna) asiatique x3t, 71..
ajourna) desstavans*3o.Journal encyclopédique », 130.
< Journal of the Royal Geographica
Soeie[)<6.
Ju!ien(Stanisias).t'o<rHiouen-Thiang,
HoeHi.Yeng-Thsong.
K
Ka'ba()a),2;,85.
Kaça, nom d'une plante, 29.
Kachmtf, 33.
Kadam, )o6.
Kat.uabaibnChabfbAt.Tà'f, 37-36.
Kais ibn Al-Haitham As-Satm!, 3:.
K.a),6)sdeBarme):,33.
KandabN.to~.
Karanbites (tes), 6t.
{~asim ibn Farab At-Barmeki, 2t.
Ka~rMou~ati!Ka~rat Tfn, 79.
Kazv!n,3,toS..
K.a!v!n! (le géographe), )9.
kazvtn!. ~oi'' Hamdonah ibn Abl
Bekr Mostoouff.
Kern(H.),3o, 3), ~3, )!9.
Ke!-Hnosr&, 27,
Ke!anien5,27.
Khadjè 'A~Chemsod-Din, )o8.
KhHid,(i)sdeFadtibnYabya,6~,
to6.
Khàlid ibn Barmek, 3, 4, fo, 3', 33-~3,
79, 106,112, 123.
Khàlid ibn Ghitrif. 59.
Khafid ibn 'Othman, )0).
Kha)N ibn Al-Haitham Ach-Cha M,
97.98.
Kharakhâra.6~.
Khat!b(At-)A)-Baghdadhf,9,79'°o-
Khazars, 56, 63.
Kheïzouran, 45,46,46,~7,7~.
Khondëmir,t5,3),)o8.
Khorassan, n. '6. )8, 19, 3~. 36, 47,
M, 59-62, 66,69, 8t, 89, 9~, 93, to:,
)o8, ))5, u6.
Khould, quartier de Bagdad,~9.
Khouza't (AI-), 9.
Khouzaima ibn Khazim, 63.
REVUE DU MONDE MUSULMAN3t2
Khuda Bukhsh (S.), tzg.« Kiache », nom d'une plante, 29.
K.!kan,)04.
< Kitâb at-Aghant ». Voir Aboû'f-Fa-
radj At-tsfahân!.
< Hitàb al-Fihrist ». Voir Ibn Ab:
Ya'koùb An-Nadlm.
< Kitab at-tmâma ». Voir < Livre de
l'Imamat ».
Klinger (F. M.), t:9.
Koodouz, 82.
Koraich (la tribu de), 25.
~otaiba ibn Mouslim, 35.
Koùfa, <02.
Koûf! (At.). Voir Aboù 'Abd Ar-Ra~-
mân ibn 'Ad!, Dja'far ibn Mo))~n)'
med ibn Hâkim.
Koùmes, 58.
Koûr, to6.
Koutoubt (A)-), Voir Ibn Chàkir.
Kremer (Alfred von), 22, 48, 95, ~9.
Kurdes, ~o.
Labari(A)-). Mo~Aboù Mobammed.La Harpe, fzy, t3o.
Lahbt (AI-). Voir Dja'<ar ibn A)-Ha-san.
Lane, no.
LeChatelier (A.), :3.
Le Strange (G.), 79.< Livre de l'Imamat et de la politi-
que », en arabe « Kitâb at-tmâma
wa's.Siy&sa », 6, ?, 64, )oï.
Lohrasp, )8, :7.
Ma'bad, 70.<
Machriq (AI-) », t6, !2, )~3.
Mad&'in (At-), 104.
Mada'fnt (A).), Voir Aboù'f-HaMn.
Mages, 27,5o, 6~.
Mahdt(At-).!9,40,44,4S.
Matmpûna, prétendue soeur de Ha-
roun Ar-RachM, H3.
Makftiens, tog.Mak!n (At-). )4, ~7.M~ari, ):8.
Makrizt (A).], Voir Ta~! ad.Dtn Abot
Abmed ibn Mo~ammed.
Ma)i):, fils de Dja'far ibn Yabyt, 74,
fo5.
L
M
Matik, fils de Mohammed ibn YahyS,to3.
Ma'mar,6)sdeFad)ibnYahya,64.Mamlouks, 2).
Ma'moûn (le khalife A)-), 4. 48, 63, 69,
7',74,78,8~,o3,)02-)04,<o6.« Ma'mounide (la) », surnom de
'Ouraib,74.Mansoûr (le Khalife At-), 3, 39, 40, 56,
S7,f3o.
Man;oûrAn-Nitnr!,M,66.
Man~o<iribnNoûb,7.
Mao~oûr ibn ZiySd, 47, 49, 54.Marcel. Voir Contes du cheikh Et
Mohdy ».
MarHannâ,34.
Margoliouth (D. S.), z3.
Marigny, 128.Manst&o(te), )t5.
Màristànl (A)-). Voir 'Abd AUah.
Markovitch (Marytie), ;3o.
Marquardt, ~6, 32,41.Martin (A.-G.-P.), iog, )3o.
Marwân (le khalife), 37.
MarMubân!(At-),tQ.Maslama ibn 'Abd AI-Malik, 34.
Masmoaghân, 40.
Mas'oOdf, 4, 7, to, t6, M, 27, 3t,
39, 46, 51, M, M, 72, 75, 88, 92, 93.
OO-tOO, i02, H8.
Masro&r. Voir AboO Hâchim Masro&r.
Massignon (Louis), 22.
Mau~i (A)-). Voir tbr&Mm, Ishak ibn
Ibrâhim.
Ma2yad,S)<!deFadIibnYahyâ,64.
Mecque (La), 25, S!, u7, n8, )23, )24.
Médine, 54, 68, <o3.
Meharza,)09.MetikChah,t8.
Menoutchehr, 27.Merv,6o.
Michaud.)27.
M!d.t04.fi Mille et une Nuits 2t, )2o-<22,
)27,)28.< Mines de l'Orient N, <28.
Mirkhond, )5, )o8.
Mirza Mohammed Khan, de Kazvfn,
23, t0:.
Mirza MohammedShirMi (Khan Sahib),t0.
< Mitteilungen des Seminars for Orien-
ttUsehe Sprachen e, 6.
INDEX DES BARMÉCtDES 3t3
Atobarekben'AiiEi-Menaceri.tOQ.c Mobed », sens de ce mot, 50.< Modjme) ot-Tevadkh », 13, 20, 6?,
n6.
Moha);abjA)-),23.Mohallab ibn Mobammed ibn Cbad!,
13.
Mobammed 'Abdoh (le cheikh), <:5.
Mobammed At-'tmrâni, :4, ny, ug.Mohammed Dimachk!, 6-t.Mohammed Diyâb AMtHdf, 20-2;, 77.Mohammed ibn 'Abd At-Wa~id, u.
Mobammed ibn 'Abd Ar-Rahman AJ-
Hichiml, 8, )o:.
Atohammed ibn AI-Laith A)-Khattb,
)C)-20.Mohammed ibn At-Fadi ibn Sofyân.y.Mohammed ibn Ai-Hosain, n.i.
Mobammed ibn AI-Houdhail, Jo.
Mohammed ibn A)-Mouz4him,
Mobammed ibn Dja'far Au-Nehwt, 8.
Mohammed ibn Dja'far ibn Koudâma,
9-Mohammedibn Djahm AI-Barmeki,
)o6.
Mohammed ibn Hamid, le même queHatim ibn 'Adt, t02.
Mobammed Ibn HoMin ibn Kahtaba,68.
Mobammed ibn Ibrâhlm At-imam, &t.
Mobammed ibn 'imrân As-SairaM, 8.
Mobammed ibn Khaiid, 40, ~o, 101.
Mobammed ibn Mousayyib, 69.Mobammed ibn 'Omar, Il.t,
Mobammed ibn Yahyâ, 4, 49, 78, Q),
0!,)OZ,)03t')Z.Mobammed Kurd.Aii, ):5.
Atobammediya, 8:.
Mohf (J.). Voir Firdoou~ <-<Quatre-mère.
« Mo):tabM(A).) )25.
Mongols, )oy-<o8.
Aloriey. Voir Baibak!.Mossoul, 40, 42,56, )0).
Atostandjid (le khalife), ).).a Mou'ammattn », sens de ce mot, 38.
Mou'âwiya, 32.
Moukhtrik, 5)-!2.
Mouiat'-Ahtned ben Hachem, tog.Moulié (Charles), 22.
Moubassin ibn 'Ali Tanoukhi, )6.
Mouktadir (le khalife A)-), t04.Moundhir ibn Ai-t.takim, )02.
Moûsaibn'!sa,49.
MoO~ibnKa'b.42.
MoùsaibnYabyâ,4,7,t6,'8,49,78,
84,85,92,to3-t04,m,n9.Moûs~ Kâzem, )e septième imam, 83.
«MouthaHathâtf.sensdecemot,
)ï6.
Mousayyib(Af.)ibnZohair,38,<tO.
MoustimibnWaiidAt-Ansar!,?).
Mou'tamiribnSoufaiman, 3o.
Mou't~im (le khalife A)-), 5, t04,
)09.
Mouthannâ fA(-) ibn A).Hadjdj;dj ibn
~otaiba, 58.
Mozaffériens, )o.
Muir(SifWi)Uam), )3o.
Müller (August), M, )o3.
N
« Na-fo-kia-jou ou Nava Sa~gha-
rama, 29.
NabrFadt.79.
« Na-po-pi-ho-lo », nom chinois duNava Vihâra, :8.
« Na-po-seng-kla-lan », ou Nava Saû-
gharama, ï6.
Naubeh9r potir Nooubahar, 26.
Naufaft (An-). Voir 'A)! ibn 'Omar.
Nauro&z (la fête du), ~8.
Nava Saagharama, 29, 3o, 3 ).
Nava Vihâra, nom sanscrit du Noou-
behar,ï8,3o.
Nawar, n5.
Nedjef, M.
Nerchakhf,
Nerval (Gérard de), ffo, ~o.
Nez!):, Voir TarkMn.
NieMpo<ir,27.
Nicholson (Reynold A.), oS, )3o.
Nisa't, 98.
Nizak. Voir Tarkhan.Nii!am od-D!n Yahya, fo.
Ntzam ot.Mo)k, )6, )9, 3).
Nizamf,<t.
Nizarites, 49, 'o<).« Notices et Extraits », <3).
Nooubehar,3,5,7,8,t8,2:,32.
6:,m,)33.
Noûbehar,pOHfKooubehar,!6.
Noureddin, prétendu fils de Dja'*faret
de 'Abbasa, t31.
< Nouzhatat-Koufoub », 3t.
LA REVUE DU MONDE MUSULMAN3;~
Œstrup(J.),t22.
'Omar, fils de Mohammed ibn Yahya,
<o3.
'Omariba'AbdA).'Az!zA!-Habbârt,
104.
'OmaribnMahrân.ôS.
Omeyyades, 3, 8, 23, 25, 31, 37.
Osborne (Robert Durie),'3o.
Osrouchna, 61.
Ouadjd!(E)-),)09.
Oued Ei-Henné, to8.
'Oun(Et-). Voir Djemated-Din Moham-
med.
Oulâd-Cheikh-Ali, 109.
Ouled-Dabhane. Voir Dahahna.
Outad-Hariz.tog.
Ou!ad-Mohammed, 109.
'Oumâraibntfamza,
Oumm ~asim, 33.
Oumm Salama, femme d'As-Saffah, 41.
Oumn Ya))yâ, fille de K.MUd, ~t.
'Oumr,n9.
'Ouraib, 8, 73-74, t02-)o3, )oS.
Oust (Al-), dôme du Nooubehâr, 26.
Oustounavend, 38.
Uxus,~6.
<fPa)mb)atter~,t:9.< Paramaka mot sanscrit, 3o, )23.
Pavet de Courteille. Voir Mas'oùdf.
Pépin )e Bref, 56.Persans, 3, to, 25, 39, 47, 48, 5o, 6),
9S,n3,'t4.t!2,<:3.
-Perse, 26-28, 3t, 32, 47, 48, 53, 83,
H2,):2,t28.
Pi-Cha-Men, )e même que Vai;Yrana,29.
fPo-ho)t, nom chinois de Ba!kh,:8-29.« Po-la-se », ou Perse, 28.
Poole (Stanley Lane), 23, 82.
Pouan-jo-hie-to ou Pradjnakara, 3o.Pradjaakara, 3o.
Prison des Athées, 92.
Ptoiëmée.So.
Quatremëre, )3, 3), 36, uo, t26, t27,t3o.
Œ
0
P
Q
R
RabadHarthama.too.
Rabbath (le P. A.), 22.
Rabi'(Ar-),4),45.
Rachfd (Ar-). Voir Haroon Ar-Rachid.
Radja', eunuque de Hâro&n Ar-Ra-
ch!d,9o.
Raibân (i'esc)ave),
Raihân, mot traduit par « basilic :6.
Raita, fille d'As-Saftab, J.
Ra~ka, 8t, 84, 90, 97, ng.
Raven.79.
Rawlinson, :6.
Rayyâch (l'eunuque), H?.
Re~gane.tog.
Reî. Voir Rey.Remy(Augustine),t3t.< Revue du Monde musulman )z6.
< Revue orientale et américaine*, )3).
< Revue pour les Français », t3o.
< Revue tunisienne x, a3.
Rey, 26, 35,58.
Ribera (Julian), 107.
Rid~'an ibn Ahmed.g.
Rikhla. Voir Yasir.
g
SaboaribnSahi,6.
Sachau. Voir Biroûn! (Ai.).
Sacy (Silvestre de), 3o, 'n, n4, ~7,
)3t.
Sa'df.Vot't'Gutistan.
<f Sadin x, nom du gardien du Noou-
behar.:8.
$ana))(As-),3,M,4).
$af; ad-Din Aboù Bakr 'Abd Aiiâh ibn
'Omar ibn Dawoud, )8-)Q,3:,
62.
Saghanian, t5, 33.
«Sahib a~atât s, sens de cette ex'
pression, )02.
Sa'id ibn Salm, 63.
Sa'id ibn Wahb, 63.
Saiban, 79.
$airafi (As-). Voir Mohammed ibn
'Imrân.
Sali, ~09.
$aji)? ibn Ar-Rachid, 53.
$aiih Ibn Solaimûn. 69.
Sai)àmAi-Abrach,5o.
Sa)ma,53.
INDEX DES BARMÉCIDES3t5
Sfdmon (Georges), 9,79.
Sama)oû,42,44,'o5.
Samanides,)07.
Samarkand, :6.
Samawa, 46.
Sanhad)a,f09.
Sassanides,z8,3~,n2.
Sed6, nom d'une fête, !7.
Schefer (Ch.), to-i3. ~o, 3), 32, 34, 53,
6z, 65,67, '6, '3t. Voir aussi 'Abd
ot-DjetttYezdf.
Sédillot, :2. 47-48, 56.
Sedjistan, 5g, 60, 69,
Se)!m([esu)tan),n,
Serbëdarân,!oS.
Seyyed Mo~ammed Reza,
Sibouwaih, 5o.
Sinâni. Voir Nisa'
Sind.26,66, )o3-'04.
Sind! (As.). Voir Ibn ChAhik.
Sittad-Dounya, m.
S)ane(De),zt, 13 1. Voir aussi Ibn Khal-
)ikan.
SofyanAth.Thaur!, :4.
Sofyanibn Oyaina, 54.
Sogdiane, 3:.
Soliman, fils de Barmek, 33.
Sotaiman (le khalife), 3'.
Sote!man(!e sultan), n, t2.
Soutam! (t'astro)ogue),63.
Soû)t fAs.). Voir Aboû Bakr Mobam-
med ibn Yabva.
Sous, 1o6.
Specht (Ed.), ï3.
Sse-che-hou-khan, 29.
« Stoup&s », 30.
Su)e!man Pacha Abaza, t07.
« Sultan », observation sur ce titre,
69.
Syrie, ~,69, 70, 95, )Z4, tM.
T
Tabarî (At.). Voir Aboû Dja'far Mo-
hammedibnDjarir.
Tabaristan, 40, 58.
Tadj (le), à Bagdad, 79.
Tahir, générald'At-Ma'moûn, )04.
tak!ad-Dtn Abof) Abmed ibn Mobam-
med A)-Makriz!, t9.
Tâtekan,58,6t.
ta-mo-kie-to, ou Dharmakara, 3o.
Ta-mo-pi-)i, ou Dharmapriya, 30.
Tanoukhi. Voir Moutjassin ibn 'AH.
Tarkhân ou Teikhân. 2;, 32-33.
Tch!ka,3o,Tchinganë,i25.
Tejkhan. Voir Tarkhân.
« Temps des Barmécides "2, '26.
Tigre,90,n6,"8,n9.
Timmi,)tX).
Tinoulaf, )0g.
Tornberg. Voir Ibn AI-Athir.
Touaregs, to~.
Touat, toS-fog.
« Toullâb sens de ce mot, 38.
Tous, )8,'ot.
Tozza (Albert), ):9.
Transoxiane,5,26, 6t.t.
Trébutien, )22.
Tripolitaine, 100.
Tunisie, too.
Turcs, 8, 25, 27.
Turkestan, 32, to?.
Turquie, ~5.
U
« Ustun », mot turc rapproché de
.A<-OM<(, 20.
V
Vâiçavrana, :9.
Van Dyck, 2).
Varsy (G.), f3'.
Vedjih od-Dfn Mas'oùd, fo8.
<! Vendidad », 26.
« Vihâras ~,3).<t Vizir (le mot), '6, 38, 6o-6'. 1
Voltaire, 127.
Vutiers, ~26.
W
« Wafidin », sens de ce mot, 38.
Wasit. to5.
Wathik ()e khalife), ti4.
'WQstenfetd. Voir Yakoût.
Y
Yachtasp, a't'eu) des Barmécides, )23,
t24.aYaena~.26.
Yahy& ibn 'Abd Atiah, 56, 58-:9. 74.
78, 83-84.
REVUE DU MONDE MUSULMAN3i6
Ya))yaibnAkthamA)-Kad!,8,u,76.
Yahyâibn'AbdAr.Rabman.g).
YabyaibnIbrahimibn'Othmanibn
Nâhik,9.
Ya'koûbibnts))ak,7,)0.
Yabyâ ibn Khatid. 3, 4, 9- t3, )6.
)8, 20, 3:, 39-M, 60, 64, 68.7f, 73.70,78, 79' 8'-86, 90, 9:, o~oo, to8.
tH-j)2,):4,"6,H7,n9.'M<"7-
Yabya ibn Mo'âdh, 60.
Yat;yaKerâbt,)o8.
Ya~oùM(A)-).Voit-tbn\Vadib.
Y~out,)8,)Q.35.M,S!-H,S7.79.
t24.
Ya)~t!n ibn Moûsâ, 46.49-
Yasir (l'eunuque), dit Rikhla, 88.
Yazfd()ekhaHfe),44.
Yaz!dibn'AmribnHobaira,37.
YazidibnMazyadAch-Chaiban:,6!,
7'-
Yëmen.ttS.
Yéménites, <o4.
Yeng-Thsong,5,3o.
Yezdi.Vofr'Abdot.Dje)!).,
Yo&souf ibn Mobammed AI-Mitawi,
'5.'7-
Z
Zaboulistan, 26.
Z~hir KerSbf, )oS.
ZaHan(George),2t,<3.Zamakhchan,f8,t25.
Zarâra ibn Mobammed AI-'Arabi, 74,
76,79-8'.Zén6tes,)09.
Ziyà ed-Din Baran:, 9-to, t3, Ï4-35,S7.67, 7t, 78, 8f, 83,92, gS-foS.
t)6,n8.
Ziyâd ibn Chirvtn, 32.Zobaida, femme de Haroûn Ar.Ra-
<:h!d,52,9<),too,n7,n8.Zobaida bint Motn!r ibnBarma,57,g <.1.
Zobair ibn Bakkàr, 7.Zoroastre,u3.
Zoroastriens,t8,48,83.
Zotenberg. Voir Bai'am! (trad. per-sane de Tabart).
!ZoUns()e!!),~4.
TABLE DES MATIÈRES
Pages,
Les BanaecMes d'après les historiens arabes et persans, par L. Bou.
VAT n t
fXTMDUCTIOM. 3
t.–LesBarmëcides. 3
]). Source de l'histoire des Barmécides 5
CHARME PREMIER. Les origines. Le Nooubehar, les Barmeks, leur
conversion à l'Islamisme et leur rôle sous les khalifes omeyyades.
–ViedeBarmekAbo&Khabid. 2S
CH*ptTRE Il. Khtfid ibn Barmek. Les Barmécides sous les der-niers khalifes omeyyades et les premiers Abbasides 37
CHAUME III. –Yaby& ibn Khàlid. Les Barmécides sous Af-Mahdt
et At-mdt. Vizirat de Yabyd et de ses fils Fad) et Dja'far sous
mroûnAf-RMhîd. 44
CHAUTM tV. Fadt ibn Yahyâ 57
CftAPtTXE V.–Dja'feribnYahyâ. 68
Ca~p'TxE VI. Les causes de la chute des Barmécides 7~
CIIAPITRE VII. La chute des Barmécides 85
CHAMTREVtH.– Les conséquences de la chute des Barmécides. 94
CHAPITRE IX. Les Barmécldes et la légende. n tI
AppENDICE1. L'origine et les dérivés du nom de <Barmek )23
AfFEMDfCE Il. Bibfiographie des pubXcations européennes reiatives
auxBarmëcides. ~7
!KCE.3o5
REVUE DU MONDE MUSULMAN3;8
Notes sur les Musulmans du Caucase. ZeUm Khan. Le Mourl-
dtsme. 133
NoTESSURLEsMuSt;[.MA)fSDuCAUCASE,p<!t-A.L.C.t33
ZEUM-KHAK ET LE BRIGANDAGE AU CAMASE, par M. PA\'LO\)TCH tSg
LEMOL'RIDtSMEAU CAUCASE,~OrR.MA~ERCZAK162
I. L'Islamisation au Caucase. 162
H.–LesdebutsduMouridisme 'So
Ut.-Chamyi. '93
IV.–LaTariqat.205
V. Après Chamyl
Apf!!fD)CES.226
Sources ottomanes (trad. L. Bouvat) 226
Source lezguienne.-Chapitre U de Adab oul-Marzia (d'après la tra-
ductionruMe).232./
Autre source lezguienne. Extraits de l'ouvrage de Mouhieddin
Khanov .235/'
REXSE!C~EHE!<TSBtBHOORAPHIQ);ES,parR.M. 2~
Traditions musulmanes relatives à l'origine des Peuls, par MAURICE
DEt-AFOSSE.2~! 242
tfTMBL'CTtOX.242
Traduction d'extraits de deux documents arabes recueillis en
1827 à Sokoto par Clapperton 248
Il. Tradition recueillie oralement au Caire en 1855 par le comte
d'Escayrac de Lauture auprès d'un cheikh du Baguirmi. 262
H). Traduction d'une page manuscrite rédigée en arabe et re-
cuei!)ieauSoudanparM.deGironcourtenioH(/))~ff<). 253
)V. Tradition recueillie oralement à Goumbou (Sahel Soudanais)
parmi les Peuls-Sambouron par A!. l'administrateur Logeay (1909)
(/n~t<) .256
V. Traduction d'un extrait d'un opuscule inédit composé en arabe
parMohammed-Be))o,su)tan(iuSokQto('8~-<832) .257
Pages.
TABLE DES MATIÈRES 319
Co!)CU;SfOK. 264
APPE!<D)M.267
EtM<tMB)tM-mahom<tMM,p<!rCt..HuARTetA.V~s)6RB. 269
Deuxième série.–Vf.Ste~esiao-mahometanedeTientsin 269
Quelques revues ottomanes, par L. Bouv AT. 2112
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b~qx .~enttafo~~quc! ~Ots~re Ff tab<f, par. Em. P~cpT.'d& t')nM!tut..
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)a.,Paoié..traj&ng;depui&lca ori~in~s }usqua ),un!on,de8 Prit~Mpaut~a eM.ISBP
''PfetMe.deM.A)tredR~'u'*)'['.dc)'fn5t![Ut.~vo).<n-!).c.inc'2''fr-
HISTOIRE DE L'ORIENT
1:1
J~.Y.
))t;SSA(.'))(Rc"ei Le9 Arabes enSyrteafantrIslaM in-8'tiK, ?'fr.'p.
UL'ART.Cf) Histoire de Bagdad, députe JadomittatiSB des Khah6~
!no<~0C~ jusqu'au massacre d~s MaN)!otthB~ )n'8. avec 2 pta~-JDMgolejusqu'au massacre d'eaMàmlouks;.
Jn 8
}v~e.2.pja~7.ches. 'p'~
Les.Cam~raphesetteenu~iaturistesde !'Or!M!tmusa!!Ba!t:!ni<
n"mbrcu''(".<i;:tj)''<ett0p~r)c)tc'- !fr.<
)~HA)RAH.H iK. T ). La Syrie. 7~WM" f)))f)~ <-</)M~KM </ /)oM
/~< ~~c/ ~.<~H~~M ~t~ ~~c/c /j/~t't?~ vie ~ft/t/j~NC,
.h)-:).pbncht'!i. .t,fr.n'\ A r-r~TAQA.–At-rakbrt.
Histoire des dyaaetiesmu~uXMatiss,
t)epu)«la nt.ort.de Mahomet jusque Ja chute du !tha!Hatabbâ6ide
de Ba~hdâd (6jx-'2S'< Tr~du~t de t'nrabt et ann~ti'pat Em. A'nar
')n:i! ;'t'2fr..e
KAMÂL AD-D)\. Mietoire d'Afep. traduitE. atec det nofc~tistonquct et.
'f'njj;rj'p'p.'rE.B!')C<!6T.h<-X..fofr.~
t..HA'L)L );D-RA)))RY. Dé&criptfon de t'Epvpteet de~Ja Syrie. TtJite
:tMbc~pub'.j(}'p.)r'M.R-)vt~<;E)~-8. 'fr."
KH()\hK~)R Vie de sultan Hossein B6jkara< troduite du perlât)
/p~)~?~ '~tr-f h
~LUf~MK~ .Th,). Etudes Metoriques sur .ta Perse anciehne' Tra'
ducttc'rt tran~jse'. par O. WjttTU A~'ec.préface p.ir K.'Ltcp*1n-)8. ,3'fr. to
n);~iAi)A)'UYF~)''N (\)) .si!'c)c).6a vie et son <suvreL Texte arabe
P~b!i<;pJrjH~T~Df!'r,o~)«.c')h'<. ~) "32f~<'
Le 'r!'emc. pjrtff fr..)n<,i)i~[' Viede~Oumarâ. )n-!t .6fr.
()('SA~)B\ MOr:V~DH~f'8'ti.–ÙnEm!rayrIeH.!uau premier.
stëcte.d6sCroisade'B.['ar)f~T~iC.DE)tf~Mt)«-Prcmftrc partie. Vie d Ôusjn~a. e" deu\ fascicules., h'-S :o ff.. v
Peutif'mf'partifTfxtcarabe.~n-f .fr
MO~AMMEn '<ERCf)AK'Y. –.De&cription topopr~phique ethistonque
oeBouhhafa Texte persan pubt~parCh Scnirfp.tn-8 )5'tr.
–Le'~('f'tradtntcnfrar)ça~parCh.~<'u:FEt!.)n'8t.Sfr. ?
\AL)VH)Ki;(V. P.).– Histoire du khacat de KhokBnd.Tfadun du russe
p.)rAu~.Do~o!t"carte .)bfr.SA~VAthEtH –tïiatoir'ede JéruBatemetd'Hèbron deptusAbraham
jusqu'à la an du quinzième siëcte de JG'frapments de tachronjque
de\!oud)ir-ed-D'.h,
traduits sur )e tette arabe in-8, 'ofr. ».
J~#t,. loors, troprlroerle E.Ann~ui.,i
et f-'r..