N° TITRE AUTEUR Copiée
le...
1 Chanson d’automne Théophile GAUTIER
2 Que sont mes amis devenus RUTEBOEUF
3 Les papillons Gérard DE NERVAL
4 Dans le regard d’un enfant Claude HALLER
5 L’heure du crime Maurice CAREME
6 D’un vanneur de blé aux vents Joachim DU BELLAY
7 Joie u printemps Lucie DELARUE MARDRUS
8 La guenon, le singe et la noix Jean-Pierre CLAIS DE FLORIAN
9 La blanche école où je vivrai René Guy Cadou
10 Fête foraine Charles Baudelaire
11 Le vent d’automne Pierre MENANTEAU
12 Le lion et le rat Jean de la FONTAINE
13 Carnaval à l’école Jacques CHARPENTREAU
14 Le chat Charles BAUDELAIRE
15 Saltimbanques Guillaume APOLLINAIRE
16 L’écureuil Jean- Luc MOREAU
17 L’habitant du miroir Marc ALAIN
18 Il a neigé Maurice CAREME
19 Liberté Paul Eluard
20 Je donne pour Paris Luc Bérimont
Il a neigé. Il a neigé dans l'aube rose Si doucement neigé, Que le chaton croit rêver. C'est à peine s'il ose Marcher. Il a neigé dans l'aube rose Si doucement neigé, Que les choses Semblent avoir changé. Et le chaton noir n'ose S'aventurer dans le verger, Se sentant soudain étranger A cette blancheur où se posent, Comme pour le narguer, Des moineaux effrontés. Maurice Carême
Liberté
Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J’écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J’écris ton nom Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J’écris ton nom Sur la jungle et le désert Sur les nids sur les genêts Sur l’écho de mon enfance J’écris ton nom Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté.
Paul Eluard
Je donne pour Paris Je donne pour Paris
Un peu tabac gris
Je donne pour Bruxelles
Un morceau de ficelle
Je donne pour London
Un paquet d'amidon
Je donne pour Genève
Une poignée de fèves
Je donne pour Tokyo
Un guidon de vélo
Je donne pour Moscou
Un petit sapajou
Je donne pour Madrid
Un envol de perdrix
Je donne à Copenhague
La mer et ses vagues
Je donne à Washington
Tontaine et puis tonton
Luc Bérimont,
L'ECUREUIL Dans le tronc d'un platane Se cache une cabane. Un petit écureuil Est assis sur le seuil. Il mange des cerises, Tricote une chemise; Recrache les noyaux, Se tricote un maillot; Attaque les noisettes, Fait des gants, des chaussettes... Qu'importe s'il fait froid ! Tant pis si vient l'hiver ! Une maille à l'endroit, Une maille à l'envers : L'écureuil, fort adroit, Se fait des pull-overs. Jean-Luc Moreau
L’habitant du miroir
Enfants méfiez-vous des miroirs ! Surtout quand tombe le soir, Quand le chien-loup du crépuscule Hurle à la nuit dans la pendule : A l’heure où le jour va dormir S’éveille le miroir vampire. Car cette glace familière Où se mirent les écolières Après les belles jadis, Cette glace, je vous le dis, Abrite un monstre sans visage Qui veut dévorer vos images. Le monstre du miroir attend Le temps qu’il faut, il a le temps, Tapi dans son luisant dédale, Salles de neige et de cristal, Il attend sans un mouvement L’instant d’agir, le bon moment. Quand les yeux dorment, lui se lève Et, tirant profit de vos rêves, Sort du verre et marche invisible Pour aller boire l’eau limpide Des beaux visages endormis C’est de la jeunesse qu’il vit ! Puis il regagne en grand silence Son froid palais de transparences Et vous ne verrez au réveil A la lumière du soleil Qu’un visage presque pareil Un peu griffé par le sommeil.
Marc Alain
Chanson d’automne (extrait)
Déjà plus d’une feuille sèche Parsème les gazons jaunis; Soir et matin, la brise est fraîche, Hélas ! Les beaux jours sont finis ! On voit s’ouvrir les fleurs que garde Le jardin, pour dernier trésor : Le dahlia met sa cocarde Et le souci sa toque d’or. La pluie au jardin fait des bulles ; Les hirondelles sur le toit Tiennent des conciliabules : Voici l’hiver, voici le froid ! (...)
Théophile GAUTIER
Le lion et le rat
Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde On a souvent besoin d'un plus petit que soi. De cette vérité deux fables feront foi, Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un lion Un rat sortit de terre assez à l'étourdie. Le roi des animaux, en cette occasion, Montra ce qu'il était et lui donna la vie. Ce bienfait ne fut pas perdu. Quelqu'un aurait-il jamais cru Qu'un lion d'un rat eût affaire ? Cependant il advint qu'au sortir des forêts Ce lion fut pris dans des rets, Dont ses rugissements ne le purent défaire. Sire rat accourut, et fit tant par ses dents Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage.
Jean de la Fontaine
Carnaval à l'école
Arlequin bariolé
De losanges, de carrés,
De triangles rouges
Qui sans cesse bougent.
Habillé tout en blanc
Pierrot rêve nez au vent :
Il pense à sa belle
Assis auprès d’elle.
Fée, pirate et mariée
Ce jour se sont rencontrés ;
Sourit la princesse
En ses longues tresses.
Petits pieds dégourdis,
La musique les convie
A entrer dans la danse
Pour qu'ils se fiancent.
Jacques Charpentreau
Le chat Dans ma cervelle se promène, Ainsi qu'en son appartement, Un beau chat, fort, doux et charmant. Quand il miaule, on l'entend à peine, Tant son timbre et tendre et discret ; Mais que sa voix s'apaise où gronde, Elle est toujours riche et profonde. C'est là son charme et son secret. Dans sa fourrure blonde et brune Sort un parfum si doux, qu’un soir J'en fus embaumé, pour l'avoir Caressé une fois, rien qu'une. C'est l'esprit familier du lieu ; Il juge, il préside, il inspire Toutes choses dans son empire ; Peut-être est-t-il fée, est il dieu ? Charles Baudelaire
SALTIMBANQUES
Dans la plaine les baladins S'éloignent au long des jardins, Devant l'huis des auberges grises, Par les villages sans églises. Et les enfants s'en vont devant, Les autres suivent en rêvant, Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe. Ils ont des poids ronds ou carrés, Des tambours, des cerceaux dorés, L'ours et le singe, animaux sages, Quêtent des sous sur leur passage.
Guillaume Apollinaire
La guenon, le singe et la noix
Une jeune guenon cueillit
Une noix dans sa coque verte ;
Elle y porte la dent, fait la grimace... ah ! Certes,
Dit-elle, ma mère mentit
Quand elle m'assura que les noix étaient bonnes.
Puis, croyez aux discours de ces vieilles personnes
Qui trompent la jeunesse ! Au diable soit le fruit !
Elle jette la noix. Un singe la ramasse,
Vite entre deux cailloux la casse,
L'épluche, la mange, et lui dit :
Votre mère eut raison, ma mie :
Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir.
Souvenez-vous que, dans la vie,
Sans un peu de travail on n'a point de plaisir.
Jean-Pierre Clais de Florian
La blanche école où je vivrai
La blanche école où je vivrai N'aura pas de roses rouges Mais seulement devant le seuil Un bouquet d'enfants qui bougent On entendra sous les fenêtres Le chant du coq et du roulier; Un oiseau naîtra de la plume Tremblante au bord de l'encrier Tout sera joie! Les têtes blondes S'allumeront dans le soleil, Et les enfants feront des rondes Pour tenter les gamins du ciel. René Guy Cadou
Fête Foraine
Tout n’était que lumière, poussière, cris, joies, tumulte;
les uns dépensaient, les autres gagnaient,
les uns et les autres également joyeux.
Les enfants se suspendaient aux jupons de leurs mères
pour obtenir quelque bâton de sucre,
ou montaient sur les épaules de leurs pères
pour mieux voir un escamoteur éblouissant comme un dieu.
Et partout, circulait, dominant tous les parfums,
une odeur de friture, qui était comme l’encens de cette fête.
Charles Baudelaire
LE VENT D'AUTOMNE
Ah! Ce grand vent, l'entends-tu pas ? L'entends-tu pas heurter la porte ? A plein cabas il nous apporte Les marrons fous, les feuilles mortes. Ah! Ce grand vent, l'entends-tu pas ? Ah! Ce grand vent, l'entends-tu pas ? L'entends-tu pas à la fenêtre ? Par la moindre fente il pénètre Et s'enfle et crache comme un chat. Ah! Ce grand vent, l'entends-tu pas ? - J'entends les cris des laboureurs, La terre se fend, se soulève. Je vois déjà le grain qui meurt, Je vois déjà le blé qui lève. Voici le temps des laboureurs.
Pierre Menanteau
Que sont mes amis devenus ...
Que sont mes amis devenus Que j'avais de si près tenus Et tant aimé ? Je crois qu'ils sont trop clairsemés; Ils ne furent pas bien semés : Et ont failli. De tels amis m'ont mal servi; Car dès que Dieu m'eut assailli De tous côtés, N'en vis un seul en mon ôté Le vent, je crois, les a ôtés. L'amour est morte : Ce sont amis que vent emporte, Et il ventait devant ma porte, Les emporta...
Rutebeuf
Les papillons
De toutes les belles choses
Qui vous manquent en hiver,
Qu'aimez-vous mieux ?
- Moi, les roses;
- Moi, l'aspect d'un beau pré vert;
- Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons;
- Moi, le rossignol qui chante;
- Et moi, les beaux papillons.
Le papillon, fleur sans tige
Qui voltige,
Que l'on cueille en un réseau;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l'oiseau.
Gérard de Nerval
Dans le regard d’un enfant
J'ai vu des continents
Des îles lointaines
De fabuleux océans
Des rives incertaines
Dans le regard d'un enfant.
J'ai vu des châteaux
Des jardins à la française
Des bois des coteaux
De blancs rochers sous la falaise
Dans le regard d'un enfant.
J'ai vu les Champs-Elysées
L'Arc de Triomphe, la Tour Eiffel
Le Louvre et la Seine irisée
Comme un arc-en-ciel
Dans le regard d'un enfant.
Claude Haller
L'heure du crime
Minuit. Voici l'heure du crime.
Sortant d'une chambre voisine,
Un homme surgit dans le noir.
Il ôte ses souliers,
S'approche de l'armoire
Sur la pointe des pieds
Et saisit un couteau
Dont l'acier luit, bien aiguisé.
Puis, masquant ses yeux de fouine
Avec un pan de son manteau,
Il pénètre dans la cuisine
Et, d'un seul coup, comme un bourreau
Avant que ne crie la victime,
Ouvre le cœur d'un artichaut.
Maurice CAREME
D’un vanneur de blé aux vents
A vous, troupe légère,
Qui d’aile passagère
Par le monde volez,
Et d’un sifflant murmure
L’ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,
J’offre ces voilettes,
Ces lits et ces violettes
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses,
Tout fraîchement écloses,
Et ces œillets aussi.
De votre douce haleine
Eventez cette plaine,
Eventez ce séjour,
Cependant que j’ahane
A mon blé que je vanne
A la chaleur du jour.
Joachim Du Bellay
JOIE DU PRINTEMPS
Au printemps, on est un peu fou, Toutes les fenêtres sont claires, Les prés sont pleins de primevères, On voit des nouveautés partout. Oh! Regarde, une branche verte! Ses feuilles sortent de l'étui! Une tulipe s'est ouverte... Ce soir, il ne fera pas nuit, Les oiseaux chantent à tue-tête, Et tous les enfants sont contents On dirait que c'est une fête... Ah! Que c'est joli le printemps!
Lucie Delarue-Mardrus