UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
LES PRATIQUES DE CONSEILLERS ET DE CONSEILLÈRES
D’ORIENTATION AUPRÈS DE PERSONNES EN SITUATION
D’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL
RAPPORT D’ACTIVITÉ DIRIGÉE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN ÉDUCATION
PAR
ÉRIC PÉLOQUIN
NOVEMBRE 2011
2
Sommaire
L’épuisement professionnel est un sujet de recherche qui fait l’objet d’une grande
popularité dans les dernières décennies. L’accroissement du nombre d’individus aux
prises avec cette difficulté en est une des raisons majeures. Ces gens, dont les vies
basculent soudainement, se tournent ainsi vers les services de professionnels pour
les aider à surmonter cette dure épreuve. Parmi l’ensemble des professionnels du
Québec, il y a les conseillers d’orientation qui, par des offres de service en lien avec
l’épuisement professionnel et des champs d’expertise ciblés, démontrent posséder
les compétences requises pour accompagner ce type de clientèle. Toutefois, le
mystère entourant leur conception de l’épuisement professionnel, leur rôle et les
stratégies d’intervention déployées demeure entier et nécessite des
éclaircissements. Cet essai a donc pour mission exploratoire la clarification de toute
cette confusion.
La revue des nombreuses recherches scientifiques sur le sujet permet de
comprendre que les causes et les conséquences sont multiples et peuvent être
autant individuelles, organisationnelles que sociales. À leur tour, les approches
conceptuelles sont également multidimensionnelles; elles peuvent influencer par la
suite des stratégies d’intervention préventives autant que curatives, et ce, autant sur
le plan individuel (individu seulement), interactionnel (individu en contexte de
travail), qu’organisationnel (entreprises seulement).
Les entretiens qualitatifs réalisés auprès de huit conseillers d’orientation spécialisés
dans l’accompagnement de gens souffrant d’épuisement professionnel ont permis
de réaliser qu’effectivement, les causes et les conséquences sont multiples. Les
entretiens ont aussi permis de comparer les approches conceptuelles et les
stratégies d’intervention préconisées par les conseillers d’orientation, et ce, en
comparaison avec les recherches scientifiques à cet égard. Les conseillers
d’orientation utilisent une approche dite éclectique, c’est-à-dire qui s’inspire de
3
plusieurs approches différentes, soit les approches cognitives et comportementales,
systémiques, existentialistes et interpersonnelles. Également, les résultats
démontrent que le rôle des conseillers d’orientation varie en fonction de la clientèle
et du niveau de formation. En effet, lorsque les clients sont référés par des
compagnies d’assurances, des institutions gouvernementales ou des entreprises
privées, le rôle accordé aux conseillers d’orientation se situe principalement sur le
plan de la réadaptation ou de la réorientation à la suite du traitement psychologique
de l’épuisement professionnel. La priorité de référence pour le traitement
psychologique est accordée aux psychologues et aux psychiatres. Toutefois, les
conseillers d’orientation qui possèdent une accréditation en psychothérapie ont un
rôle presque identique à celui des psychologues. Par contre, lorsque l’initiative de
consultation provient du client lui-même, les scénarios sont beaucoup plus variés;
ils peuvent être en pré-épuisement, en épuisement ou en post-épuisement. Le degré
d’accompagnement des conseillers d’orientation dépendra surtout de la sévérité de
l’épuisement professionnel et de la perception de leurs capacités à intervenir. Aussi,
cet essai permet de réaliser que les incapacités d’introspection des clients, leurs
difficultés financières, leurs exigences élevées, leur passivité, la longueur des
processus et le peu de temps accordé par les mandataires sont des difficultés
éprouvées par les conseillers d’orientation avec ce type de clientèle. Enfin, les
résultats démontrent que les conseillers d’orientation souhaitent que leur
spécialisation soit valorisée, que leur rôle de prévention soit plus accru, que la
bonification des connaissances soit favorisée et que des regroupements soient créés
pour mieux répondre aux besoins des clients souffrant d’épuisement professionnel.
4
Remerciements
Au départ, j’aimerais mentionner { quel point je suis reconnaissant envers les huit
conseillers et conseillères d’orientation qui ont accepté, avec une immense
générosité, de participer à cette recherche. Sans aucune hésitation, je peux affirmer
que la richesse de leurs propos influence grandement la qualité des résultats
obtenus et de la recherche dans son ensemble. Leur participation à ce projet
témoigne de leur grande passion pour le développement de la profession. C’est donc
avec beaucoup d’admiration et de gratitude que je prends le temps de vous
remerciez pour votre précieuse collaboration.
De plus, tout ce travail n’aurait été possible sans le soutien et les nombreux
encouragements de mon superviseur Louis Cournoyer qui, tout au long de cette
recherche, m’a constamment appuyé dans mes démarches. La grande considération
que tu portes à ma recherche influence grandement ma motivation et ma
persévérance, et ce, autant durant la production de la recherche que pour son
rayonnement futur. Pour tout cela et encore plus, je tiens à te témoigner ma plus
grande reconnaissance.
Enfin, je tiens aussi à remercier mes parents (Michel, Johanne), mes amis (Erik,
Frédéric, Pascal, Marilyne et Marco), mais aussi mon amoureuse Sonia pour leur
appui inconditionnel et leur compréhension tout au long de la réalisation de cette
recherche. Leur soutien constant m’a toujours permis de persévérer et de croire en
mes habiletés à produire cette recherche, dont je retire une grande fierté
personnelle. Je souhaite aussi qu’elle puisse intéresser et inspirer de nombreux
professionnels aussi passionnés que moi par le thème de l’épuisement
professionnel.
Merci à tous et bonne lecture!
5
Table des matières Sommaire ................................................................................................................................................... 2
Remerciements ........................................................................................................................................ 4
Table des matières ................................................................................................................................. 5
Liste des tableaux ................................................................................................................................... 8
Liste des figures .................................................................................................................................... 11
Introduction ........................................................................................................................................... 12
1. Problématique : épuisement professionnel .............................................................. 13
1.1. Le phénomène .................................................................................................................... 13
1.2. Les causes ............................................................................................................................ 14
1.2.1. Les facteurs individuels ........................................................................................ 14
1.2.2. Les facteurs relationnels et organisationnels .............................................. 17
1.2.3. Les facteurs sociaux................................................................................................ 18
1.3. Les conséquences ............................................................................................................. 21
1.3.1. Sur le plan individuel ............................................................................................. 21
1.3.2. Sur le plan relationnel et organisationnel ..................................................... 24
1.3.3 Sur le plan social .............................................................................................................. 27
1.4. L’intervention ..................................................................................................................... 28
1.4.1. Perspective médico-psychologique .................................................................. 28
1.4.2. Perspective carriérologique ................................................................................ 30
1.4.3. Orientation et épuisement professionnel : mince littérature scientifique .................................................................................................................................... 33
1.5. Question et objectifs de recherche ............................................................................. 34
2. La conception de l’épuisement professionnel .......................................................... 37
2.1. Une notion souvent confondue .......................................................................................... 37
2.1.1. Versus la dépression ..................................................................................................... 37
2.1.2. Versus la détresse psychologique ............................................................................ 38
2.1.3. Versus le surmenage ..................................................................................................... 38
2.2. Une notion à circonscrire ..................................................................................................... 39
2.3. Une variété d’approches conceptuelles .......................................................................... 43
2.3.1. Les approches individuelles ....................................................................................... 45
6
2.3.2. Les approches interactionnelles et organisationnelles ................................... 49
2.4. Une variété d’interventions ................................................................................................ 59
2.4.1. Les interventions de prévention .............................................................................. 62
2.4.2. Les interventions de traitement ............................................................................... 71
3. Méthodologie ............................................................................................................................. 90
3.1 Approche de recherche .......................................................................................................... 90
3.2 Population et échantillonnage ............................................................................................ 91
3.3 Instruments de recherche .................................................................................................... 93
3.4 Démarche d’entretien ............................................................................................................ 94
3.5 Modalités d’analyse des données ...................................................................................... 95
3.6 Éthique de la recherche ......................................................................................................... 96
4. Présentation et analyse des résultats ........................................................................... 98
4.1 Les causes de l’épuisement professionnel ..................................................................... 99
4.1.1 Facteurs individuels en cause ..................................................................................... 99
4.1.2 Facteurs organisationnels en cause ....................................................................... 109
4.1.3 Facteurs sociaux en cause .......................................................................................... 116
4.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel .................................................... 120
4.2.1 Conséquences émotionnelles .................................................................................... 120
4.2.2 Conséquences comportementales .......................................................................... 123
4.2.3 Conséquences cognitives ............................................................................................ 126
4.2.4 Conséquences physiologiques .................................................................................. 133
4.3 La situation générale des clients ...................................................................................... 135
4.4 Accompagnement psychologique des clients ............................................................. 146
4.5 Stratégies d’intervention des conseillers d’orientation .......................................... 151
4.5.1 Stratégies d’intervention lors des premières rencontres .............................. 151
4.5.2 Interventions sur le plan des émotions ................................................................ 160
4.5.3 Interventions sur le plan des cognitions .............................................................. 162
4.5.4 Interventions sur le plan des comportements ................................................... 172
4.5.5 Réintégration ou réorientation ................................................................................ 176
4.5.6 Autres stratégies d’intervention .............................................................................. 181
4.6 Difficultés rencontrées par les conseillers d’orientation ....................................... 185
4.7 Suggestions d’amélioration de la profession .............................................................. 195
7
5. Discussion .................................................................................................................................. 203
5.1 Les causes de l’épuisement professionnel ............................................................ 203
5.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel ............................................. 205
5.3 Diagnostics et pharmacothérapie ............................................................................. 206
5.4 Le rôle des conseillers d’orientation ....................................................................... 207
5.5 Stratégies d’intervention ............................................................................................. 208
6. Conclusion ................................................................................................................................. 214
6.1 Les apports de cette recherche .................................................................................. 214
6.2 Les limites de cette recherche ................................................................................... 217
6.3 Les retombées de cette recherche ............................................................................ 218
Bibliographie ..................................................................................................................................... 220
ANNEXE I .............................................................................................................................................. 232
ANNEXE II ............................................................................................................................................ 237
ANNEXE III ........................................................................................................................................... 241
8
Liste des tableaux
Tableau 1 Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du
fonctionnement psychologique de la personne
Tableau 2 Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du
fonctionnement psychologique de la personne en relation avec le
milieu de travail
Tableau 3 Catégorisation des différentes approches conceptuelles du syndrome
d’épuisement professionnel
Tableau 4 Traits de personnalité et leur influence sur le développement de
l’épuisement professionnel
Tableau 5 Facteurs organisationnels en cause dans le développement de
l’épuisement professionnel
Tableau 6 Stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel en
fonction des différentes catégories d’approche
Tableau 7 Processus de traitement de l’épuisement professionnel sévère de
Bernier
Tableau 8 Processus de traitement de l’épuisement professionnel de Lafleur
Tableau 9 Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs individuels
en cause dans le développement de l’épuisement professionnel
Tableau 10 Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs
organisationnels en cause dans le développement de l’épuisement
professionnel
Tableau 11 Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs sociaux en
cause dans le développement de l’épuisement professionnel
Tableau 12 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences
émotionnelles chez les clients en situation d’épuisement professionnel
Tableau 13 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences
comportementales chez les clients en situation d’épuisement
professionnel
9
Tableau 14 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences
cognitives chez les clients en situation d’épuisement professionnel
Tableau 15 Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences
physiologiques chez les clients en situation d’épuisement
professionnel
Tableau 16 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation
générale des clients en lien avec l’environnement
Tableau 17 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation
générale des clients en lien avec l’environnement
Tableau 18 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les
stratégies d’intervention lors des premières rencontres avec les
clients en situation d’épuisement professionnel
Tableau 19 Thème émergeant et définition opératoire concernant l’intervention
sur le plan des émotions avec les clients en situation d’épuisement
professionnel
Tableau 20 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant
l’intervention sur le plan des cognitions avec les clients en situation
d’épuisement professionnel
Tableau 21 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant
l’intervention sur le plan des comportements avec les clients en
situation d’épuisement professionnel
Tableau 22 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la
réintégration ou la réorientation { la suite d’un épuisement
professionnel
Tableau 23 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les autres
stratégies d’interventions possibles avec les clients en situation
d’épuisement professionnel
Tableau 24 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les
difficultés rencontrées par les conseillers d’orientation avec les clients
en situation d’épuisement professionnel
10
Tableau 25 Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les
suggestions d’amélioration de la profession de conseillers
d’orientation en lien avec l’épuisement professionnel
11
Liste des figures
Figure 1 Modèle de l’approche existentialiste de Pines
Figure 2 Processus en trois phases menant { l’épuisement professionnel selon
Cherniss
Figure 3 Conception de l’approche relationnelle de Maslach
Figure 4 Conception de l’épuisement professionnel selon Leiter
Figure 5 Modèle de Karasek : demandes psychologiques versus contrôle
Figure 6 Modèle de Siegrist : efforts fournis versus la reconnaissance
Figure 7 Conception de l’épuisement professionnel selon Bakker et Demerouti
Figure 8 Modèle conceptuel des croyances irrationnelles de Beck
Figure 9 Modèle révisé de l’approche multimodale du stress de Lazarus
Figure 10 Portrait de la situation de la clientèle qui consultent les conseillers
d’orientation
12
Introduction
Selon une étude canadienne, chaque année, environ 50 milliards de dollars
consentis annuellement à la prévention et au traitement en santé mentale sont
directement liés au phénomène de l’épuisement professionnel (Lim et al., 2008).
Cette somme d’argent, qui représente une portion importante du budget canadien,
est un indicateur que le phénomène de l’épuisement professionnel a bel et bien pris
une ampleur considérable au Canada. Devant ce constat pour le moins inquiétant, le
déploiement des ressources pour venir en aide à ces hommes et ces femmes qui
souffrent d’épuisement professionnel demeure ambigu. Parmi l’ensemble des
ressources offertes, il est possible de constater que les conseillers d’orientation font
partie des catégories de professionnels participant { l’accompagnement des clients
en situation d’épuisement professionnel. Toutefois, leur vision, leur rôle ainsi que
leurs stratégies d’intervention demeurent, à ce jour, encore très nébuleux. C’est
donc ces aspects en particulier que cette recherche tente d’élucider. Pour ce faire, le
premier chapitre expliquera la problématique de recherche pour converger vers la
formulation de la question de recherche, de l’objectif général et des sous-objectifs.
Le deuxième chapitre présentera les différentes théories conceptuelles relatives à
l’épuisement professionnel qui serviront ensuite de comparatif avec les résultats
obtenus, mais aussi de bonification { l’analyse des résultats. Le troisième chapitre,
quant à lui, exposera la méthodologie de recherche utilisée pour obtenir les
résultats, et ce, dans le but de répondre précisément à la question de recherche. Le
chapitre suivant, le quatrième, servira de présentation et d’analyse des résultats. Le
cinquième chapitre fera surtout l’objet d’une discussion sur les résultats obtenus en
comparaison avec les théories conceptuelles. Enfin, le sixième et dernier chapitre
conclura cette recherche en présentant ses apports scientifiques, ses limites et ses
retombées futures.
13
1. Problématique : épuisement professionnel
Le phénomène de l’épuisement professionnel est de plus en plus préoccupant.
Plusieurs individus souffrent et plusieurs catégories de professionnels offrent des
services pour leur venir en aide. Toutefois, parmi toutes ces catégories de
professionnels, une certaine confusion existe particulièrement sur le rôle des
conseillers d’orientation en matière d’accompagnement des gens en situation
d’épuisement professionnel. Ainsi, les explications qui suivent, concernant le
phénomène de l’épuisement professionnel, ses causes, ses conséquences ainsi que
les champs de compétences des différents professionnels, ont pour but d’éclaircir
toute cette confusion et de démontrer l’importance de cette recherche.
1.1 Le phénomène
Au Québec, le nombre de citoyens en épuisement professionnel est évalué entre
260 000 et 450 000, ce qui est considérable (Gouvernement du Canada, 2009).
Environ quatre personnes sur dix vivent, à un moment ou à un autre, des épisodes
fréquents de stress au travail (Bordeleau et Traoré, 2007). Plus précisément, de 4 %
à 7 % de toute la population québécoise vit ou vivra au cours de sa vie un
épuisement professionnel (Schaufeli, 2003). Les statistiques démontrent aussi qu’{
tout moment, une proportion d’environ 22 % des Québécois ressentent une
détresse psychologique importante au travail (Camirand, Berneche, Cazale, Dufour,
Baulne, 2010). De plus, un récent rapport produit par la Commission de la Santé et
de la Sécurité au Travail (CSST) mentionne que les lésions acceptées, attribuables au
stress chronique en milieu de travail, entrainent, en moyenne, 271 jours d’absence
du milieu du travail, ce qui représente des coûts d’indemnisation très considérables.
Ces chiffres témoignent donc d’inquiétudes sociales { l’égard des coûts pour la
société, mais aussi des conséquences de l’épuisement professionnel chez les
individus, ainsi que de la détresse psychologique qui l’accompagne.
14
L’épuisement professionnel, souvent mieux connu sous son vocable anglophone
Burnout, est un phénomène sociomédical ayant émergé dans le monde tant
scientifique que littéraire au tournant des années 1970. C’est au psychothérapeute
et psychiatre Herbert Freudenberger que l’on associe les premières études et
pratiques professionnelles spécifiques { l’épuisement professionnel. En
s’intéressant au profil des personnes souffrant d’épuisement professionnel,
Freudenberger (1987) remarque certaines tendances :
Plusieurs des personnes qui viennent me consulter décrivent des sentiments similaires, et pourtant ce ne sont ni des névrosés, ni des psychotiques dans le sens médical de ces termes. […] Ces hommes et ces femmes présentaient tous des signes de dissension entre eux-mêmes et leur environnement. (Freudenberger, 1987, p. 13-14)
En 2003, pas moins de 6 000 publications scientifiques sur l’épuisement
professionnel furent recensées par Schaufeli (2003). Et depuis, nombreuses sont les
disciplines professionnelles s’intéressant { la question sur le plan de la prévention
et de l’intervention : médecins et psychiatres, psychologues, sociologues, conseillers
en ressources humaines, conseillers en relations industrielles, de même que les
conseillers d’orientation.
1.2 Les causes
Les causes de l’épuisement professionnel ont alimenté de nombreuses productions
scientifiques au cours des dernières décennies. Ce phénomène traverse l’ensemble
des sphères de la vie individuelle, relationnelle, organisationnelle ainsi que sociale,
de sorte que les facteurs en cause lors de son apparition sont multiples.
1.2.1 Les facteurs individuels
La présence de certaines caractéristiques individuelles apparaissent intimement
liées { des difficultés d’adaptation de la personne en contexte de travail
15
(Freudenberger, 1987; Schaufeli, 2003). Freudenberger (1987) constate d’ailleurs
que ces personnes sont généralement très performantes, idéalistes, énergiques,
mais inaptes à donner un répit à leurs efforts constants sur le marché du travail :
Leur horaire est toujours plein et quel que soit le travail à faire, on peut être certain qu’ils feront plus que leur part. Ce sont généralement des leaders qui n’admettent pas qu’ils ont des limites et ils se brûlent { force d’exiger trop d’eux-mêmes. Tous ces gens avaient au départ de grands espoirs et n’ont jamais voulu faire de compromis en cours de route. (Freudenberger, 1987, p. 29)
Une des plus récentes et importantes recherches à ce sujet, est probablement celle
d’Alarcon, Eschleman et Bowling (2009) qui démontre, grâce à une méta-analyse,
que plusieurs traits de personnalité, notamment les cinq traits du Big Five, ont une
relation significative avec l’épuisement professionnel. Cette étude, contrairement
aux autres effectuées auparavant, intègre plusieurs traits de personnalité et non
seulement un seul ou deux traits à la fois. Par exemple, une étude sur le locus de
contrôle démontre que les gens dont le locus de contrôle est interne (maître de leur
destin) ont une plus grande motivation, de meilleurs résultats et de meilleures
relations au travail. Par comparaison, ceux dont le locus de contrôle est externe
(dépendant de l’environnement) ont plus de difficultés d’adaptation en milieu de
travail (Ng et al., 2006).
Pour Ahola et al. (2007), les personnes souffrant de dépression sont plus
prédisposées { l’épuisement professionnel. D’abord, elles possèdent moins de
ressources pour faire face aux demandes en milieu de travail. Elles ont également
tendance { percevoir et { évaluer le milieu de travail plus négativement qu’une
personne non dépressive. Childs et Stoeber (2010) soulignent quant à eux que les
gens perfectionnistes sociaux, soit ceux considérant que l’atteinte de niveau de
perfection élevé est un préalable { la considération d’autrui, ont plus de chances de
souffrir d’épuisement professionnel. Au Québec, Vallerand et al. (2010) démontrent
qu’un niveau de passion trop élevé pour le travail peut mener à un épuisement
professionnel. Le fait d’être trop passionné pour son emploi et d’y consacrer trop de
16
temps et d’énergie crée un déséquilibre entre le travail et la vie en dehors du travail
qui est néfaste pour la santé de la personne.
Au-delà des traits de personnalité, des études ont également été effectuées pour
vérifier l’influence des caractéristiques individuelles, notamment l’âge, le genre, le
niveau d’éducation et l’état civil, sur l’épuisement professionnel. Parmi les quatre
caractéristiques individuelles nommées, l’âge est la plus significative. L’épuisement
professionnel est observé plus fréquemment chez les gens dont l’âge est moins de
40 ans (Maslach et Schaufeli, 2001). Une étude récente sur les équipes de travail,
dont la moyenne d’âge est plus élevée, révèle que les membres ont plus de
difficultés à composer avec un rythme de travail très rapide pendant plusieurs
heures, comparativement aux équipes dont la moyenne est plus jeune. Étant donc
moins intéressés à composer avec de fortes tensions, ils vont opter pour une
production plus balancée, mais qui occasionne moins d’absences pour maladie et
moins d’épuisement professionnel en bout de ligne (Gellert et Kuipers, 2008). Les
conclusions de cette étude viennent donc appuyer l’influence de l’âge dans la
vulnérabilité { l’épuisement professionnel. Contrairement { l’âge, une récente méta-
analyse de 183 études effectuée par Purvanova et Muros (2010) démontrait que le
fait d’être un homme ou une femme n’a pas d’influence significative sur
l’épuisement professionnel. De façon générale, les statistiques sont semblables, sauf
pour certains critères plus précis comme le niveau d’éducation et l’état civil. À cet
égard, une étude sur la population finlandaise démontrait récemment qu’un faible
niveau d’éducation influençait l’épuisement professionnel majoritairement chez la
femme (Ahola et al., 2006). Mais en général, comme le mentionne Maslach et
Schaufeli (2001), les recherches démontrent que les gens ayant un niveau
d’éducation plus élevé sont plus susceptibles de se retrouver en épuisement
professionnel. Pour expliquer cette conclusion, ils soulignent que les gens ayant un
niveau d’éducation plus élevé accèdent { des postes comportant plus de
responsabilités et de stress, ce qui entraîne, en bout de ligne, davantage
d’épuisement professionnel. Enfin, concernant l’état civil, les gens qui ne sont pas
mariés, plus spécifiquement les hommes célibataires ou veufs, seraient plus à risque
17
(Ahola et al. 2006, Maslach et Schaufeli, 2001). À la lumière de ces conclusions, il est
donc possible de constater que certaines caractéristiques individuelles peuvent
favoriser plus que d’autres l’apparition du syndrome d’épuisement professionnel.
1.2.2 Les facteurs relationnels et organisationnels
Les connaissances relatives { l’épuisement en contexte organisationnel furent
d’abord celles de recherches effectuées par Christina Maslach. Intéressée plus
particulièrement par l’influence de facteurs environnementaux et psychosociaux,
Maslach est { l’origine du développement de l’un des instruments d’évaluation les
plus utilisés dans ce domaine, soit l’Inventaire d’épuisement professionnel. Dans une
étude menée par Maslach et Leiter (1997), ces derniers situent l’épuisement
professionnel en tant que problème d’ordre professionnel et non pas lié à des
questions de prédisposition génétique, de mauvais caractère, de personnalité
dépressive, de faiblesse générale, de manque d’ambition ou même de quelconque
syndrome clinique.
Maslach et al. (2001) suggèrent la prise en compte de six dimensions de la relation
entre l’individu et son environnement de travail pour comprendre les causes de
l’épuisement professionnel, soit la charge de travail, le faible niveau de contrôle sur
son travail (autonomie), le manque de reconnaissance, le soutien social inadéquat, le
sentiment d’iniquité et les conflits de valeurs. À ce propos, en Suède, les résultats
obtenus par Lindblom (2006) viennent renforcer cette même idée que les facteurs
psychosociaux au travail tels que la charge de travail élevée, le peu de contrôle sur
son travail, le peu de soutien social et l’incompatibilité de valeurs sont fortement
associés { l’épuisement professionnel. Dans le même ordre d’idées, Bakker et
Demerouti (2006) spécifient que l’épuisement professionnel serait causé par les
pressions vécues en milieu de travail, qui elles sont dues au débalancement de
l’équilibre entre les demandes physiques et émotionnelles au travail (charge de
travail, sentiment d’iniquité, faible soutien social, incompatibilité de valeurs, etc.) et
les ressources disponibles des employés, comme par exemple, un bon soutien social,
18
un niveau d’autonomie élevé pour faire face aux demandes ou des moments de
reconnaissance qui valorisent les employés. Cette même idée est également validée
dans les travaux de Lee et Ashforth (1996), démontrant l’impact de ce
débalancement sur l’épuisement physique et émotionnel, l’augmentation du
cynisme et la baisse du sentiment d’efficacité personnelle.
De plus, pour Vinet, Bourbonnais et Brisson, dont les propos sont rapportés par
Audet (2003), les fortes hausses du taux d’épuisement professionnel des dernières
années et les profondes transformations subies par l’organisation du travail durant
la même période sont fortement liées. Ces transformations ont occasionné des
changements dans le contrat psychologique entre l’employé et l’employeur. Ces
dernières années, le pouvoir de négociation semble être un peu plus du côté des
employeurs qui semblent demander davantage et offrir moins à leur employé (Ibid.).
De plus en plus d’employés sont engagés sur une base temporaire, à contrat et à
temps partiel dans une optique d’économie pour les entreprises (Ibid.). On voit de
moins en moins de gens travailler pour la même entreprise toute leur vie (Ibid.).
Cette augmentation du sentiment d’insécurité vécu par les employés combinée {
l’augmentation de la charge de travail entraîne des individus à vouloir en donner
plus, souvent au péril de leur santé (Schaufeli et Enzmann, 1998).
1.2.3 Les facteurs sociaux
Les limites d’explications strictement individuelles ou organisationnelles laissent
ainsi place à une autre catégorie de facteurs explicatifs des causes de l’épuisement
professionnel, soit ceux d’ordre sociologique. Les paragraphes qui suivent exposent
différents sous-facteurs sociologiques associés aux situations d’épuisement
professionnel.
Tout d’abord, il est question de l’émergence du secteur des services publics.
L’augmentation du nombre de gens travaillant dans les services publics combinée à
des exigences plus grandes sur le plan émotif, chez les bénéficiaires de services,
19
seraient liées à l’augmentation de l’épuisement professionnel (Schaufeli et
Enzmann, 1998). Malgré un accès facilité { une masse importante d’informations sur
l’emploi et ses conditions d’exercice, le taux d’épuisement professionnel ne change
pas, tout comme la vulnérabilité personnelle des individus à son égard (Schaufeli,
Leiter et Maslach, 2008). Chaque travailleur représente une victime potentielle de
l’épuisement professionnel (Truchot, 2004). Les professions de relation d’aide
seraient les plus propices { l’épuisement professionnel. En raison du caractère
particulièrement idéaliste et humaniste de ce groupe de travailleurs (Maslach,
2001), ceux-ci sont plus susceptibles de rapidement en venir { vivre de l’épuisement
physique, à manifester une attitude cynique ou à démontrer un découragement
visible { l’égard des systèmes bureaucratiques impersonnels et des demandes
complexes des clients qui leur sont adressées (Schaufeli, Leiter et Maslach, 2008).
Un deuxième sous-facteur relevé pour expliquer la hausse des cas d’épuisement
professionnel est celui de l’étiquetage. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), plusieurs
sont les gens qui tendent { ne pas différencier les notions de stress et d’épuisement
professionnel. Ainsi, une personne souffrant de fatigue pourrait s’étiqueter elle-
même comme souffrante d’épuisement professionnel. La plus grande utilisation du
vocabulaire fournit aussi une partie de l’explication concernant l’augmentation des
gens exprimant souffrir d’épuisement professionnel (Ibid.) Bien avant cette
précision dans le vocabulaire populaire, les gens n’étaient pas en mesure d’identifier
concrètement leurs difficultés et d’y accoler une étiquette comme c’est le cas
présentement.
L’individualisation serait aussi une cause importante puisque cela fait en sorte que
les gens vivent davantage de stress lié à la solitude et au manque de soutien social.
Ils en arrivent également au point de devoir compter uniquement sur eux-mêmes
pour faire face aux difficultés. En d’autres mots, l’individualisation fait en sorte de
réduire les ressources personnelles disponibles des individus utiles { l’adaptation
lors de périodes de stress important. Plus spécifiquement, l’individualisation
occasionne des sentiments généraux d’aliénation et de déconnexion, mais aussi
20
empêche la formation d’un sentiment de collégialité psychologique et de soutien
social qui pourrait réduire les effets du stress et prévenir l’épuisement
professionnel (Farber, 1983).
L’augmentation des nouvelles technologies et la mondialisation des marchés ont eu
un impact sur la charge de travail mentale et émotive. Les gens travaillent de moins
en moins physiquement et davantage intellectuellement, avec des technologies
hautement sophistiquées, qui demandent beaucoup plus de vigilance, de précision
et de rapidité. Ainsi, étant donné que la charge de travail autant qualitative que
quantitative augmente et que le rythme de travail devient de plus en plus accéléré,
plusieurs personnes finissent par manquer de ressources et souffrir d’épuisement
professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998).
L’affaiblissement de l’autorité professionnelle serait également une autre cause
possible. Cela fait référence aux observations sur la population en général qui
démontrent que cette dernière est de plus en plus méfiante envers les
professionnels de la santé et les institutions sociales. Les professionnels furent
accusés d’utiliser les fonds publics en créant plein de nouveaux services, de façon à
maintenir leur propre sécurité professionnelle (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les
clients sont donc plus résistants et plus suspicieux, car ils sont incertains quant à
savoir si les professionnels de la santé et les institutions sont vraiment présents
pour les aider (Cherniss, 1995). Cela a eu une influence sur les attentes de services
qui ont fortement augmenté, créant ainsi des demandes émotives plus élevées chez
ces professionnels qui entraînent, de surcroit, des hausses de cas d’épuisement
professionnel (Ibid.).
Enfin, comme le souligne Massé (2003), l’inaction du ministère de la Santé et des
Services sociaux (MSSS) serait aussi une cause de l’aggravation du nombre de
personnes en situation d’épuisement professionnel. Malgré son pouvoir
d’intervention sur les conditions de travail et sur la relation employés/employeurs,
l’absence d’intervention du ministère de la Santé et des Services sociaux est
21
préoccupante (Ibid.). Toujours selon Massé (2003), cette absence d’intervention est
selon lui due { la croyance que l’épuisement professionnel est une maladie mentale
et non pas la conséquence de facteurs environnementaux.
1.3 Les conséquences
À l’instar des causes de l’épuisement professionnel, les conséquences de ce
phénomène peuvent également être analysées selon des perspectives individuelles,
organisationnelles et sociales. Cela suggère l’importance de dépasser la
compréhension statistique du problème pour s’attarder { ses conséquences plus
concrètes.
1.3.1 Sur le plan individuel
L’augmentation du nombre de cas de dépression est une des conséquences. Une
recherche longitudinale effectuée auprès de dentistes en Finlande vient confirmer
que l’épuisement professionnel entraîne de nouveaux cas de dépression (Ahola et
Hakanen, 2007). Les gens souffrant d’épuisement professionnel ont donc de grandes
chances de faire une dépression par la suite. C’est notamment la corrélation la plus
étudiée et validée sur le plan individuel (Schaufeli et Enzmann, 1998).
Une augmentation des problèmes de santé est aussi une conséquence de
l’épuisement professionnel. Maslach et Leiter (2008) mentionnent que les
recherches ont démontré que l’épuisement professionnel occasionne chez les
individus des maux de tête, des troubles gastro-intestinaux, des tensions
musculaires, de l’hypertension, davantage de grippes et de rhumes ainsi que des
problèmes de sommeil. Selon les résultats d’une étude, la précocité des décès à
partir de l’âge de 45 ans pourrait également être en partie imputable à une
augmentation de l’épuisement professionnel (Ahola et al., 2010). Parmi les autres
problèmes de santé observés lors d’entrevues, il y a notamment les nausées, les
22
étourdissements, l’agitation, les tics nerveux, les problèmes sexuels, le gain ou la
perte de poids excessif, la perte d’appétit, le souffle plus court, l’augmentation des
tensions prémenstruelles, les cycles menstruels manqués, la fatigue chronique,
l’épuisement physique, l’hyperventilation, les ulcères, les infarctus, la montée de
troubles préexistants (asthme, diabète, etc.), l’augmentation du rythme cardiaque et
une pression sanguine élevée (Schaufeli et Enzmann, 1998).
L’augmentation de la consommation de substances peut être grandement influencée
par l’épuisement professionnel. Une recherche effectuée à San Francisco aux États-
Unis, auprès d’opérateurs de transits urbains, démontrait un lien entre la
dépendance { l’alcool et l’épuisement professionnel (Cunradi et al., 2003). Ce même
lien, autant pour les hommes que pour les femmes, fut également confirmé par une
recherche effectuée en Finlande (Ahola et al., 2006). Aussi, une étude québécoise
auprès de cols blancs travaillant dans le secteur public démontrait un lien
statistiquement significatif entre la pression vécue au travail et l’utilisation de
psychotropes (Moisan et al.).
La dérégulation de différents modes du fonctionnement psychologique de la
personne peut également être prise en compte en tant que conséquence de
l’épuisement professionnel au plan individuel. Selon Schaufeli et Enzmann (1998),
ces types de symptômes, même s’ils ne sont pas validés empiriquement, furent aussi
constatés lors d’observations cliniques et de recherches qualitatives sur les plans
affectif, cognitif, comportemental et motivationnel.
23
Tableau 1
Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du fonctionnement
psychologique de la personne
Symptômes Illustrations
Affectif Humeur dépressive, larmoyant, épuisement émotionnel,
humeur changeante, baisse de contrôle émotionnel,
peurs irrationnelles, tensions accrues et anxiété.
Cognitif Vulnérabilité, perte de sens et d’espoir, peur de devenir
fou, sentiment d’impuissance et d’incapacité, sentiment
d’être piégé, sentiment d’échec, sentiment d’insuffisance,
faible estime de soi, préoccupations personnelles,
culpabilité, idées suicidaires, incapacité de concentration,
perte de mémoire, difficultés avec des tâches complexes,
rigidité, difficulté à prendre des décisions, rêvasserie et
idées fantaisistes en plein jour, intellectualisation,
solitude et moins de tolérance aux frustrations.
Comportemental Hyperactivité, impulsivité, procrastination, surestimation
et sous-estimation, comportements à risques élevés,
augmentation d’accidents, abandon d’activités
récréatives et complainte compulsive.
Motivationnel Baisse du zèle, perte d’idéalisme, désillusionnement,
résignation, déception, ennui et démoralisation.
Source : Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 21-22.
Ces illustrations démontrent { quel point l’épuisement professionnel peut
occasionner une grande variété d’effets possibles sur le fonctionnement
psychologique d’une personne.
24
1.3.2 Sur le plan relationnel et organisationnel
Selon Maslach, une personne qui souffre d’épuisement professionnel adoptera aussi
des attitudes cyniques au travail (Maslach, 2008). Cette forme de distanciation
cognitive et d’indifférence a des conséquences sur les relations avec les clients, avec
les collègues et avec la direction (Maslach et al., 2001). En bout de ligne, l’entreprise
pourrait perdre des clients insatisfaits du service ou devoir procéder au
congédiement d’une personne parce qu’elle n’entretient plus de bons liens avec ses
collègues et la direction. De plus, une étude effectuée aux Pays-Bas démontrait un
lien statistiquement significatif entre l’épuisement professionnel chez les policiers
et une plus grande utilisation de la violence sur des personnes civiles (Kop et al.,
1999).
Également, { la suite d’une méta-analyse effectuée par Lee et Ashforth (1996), les
conclusions démontrent une forte association entre l’épuisement professionnel et la
réduction de la satisfaction en emploi, la réduction du niveau d’engagement au
travail et l’augmentation de l’intention de quitter. Toutefois, les corrélations sont
faibles entre l’épuisement professionnel et le nombre d’individus ayant
effectivement quitté leur emploi, ce qui suggère que les employés demeurent
involontairement dans cet emploi parce qu’ils sentent qu’ils n’ont pas d’autres choix
(Schaufeli, 2003).
Le lien entre l’épuisement professionnel et l’augmentation de l’absentéisme en
milieu de travail est plus difficile à prouver. Une revue de 27 études, effectuée par
Schaufeli et Enzmann (1998), leur a permis de conclure que malgré la supposition
populaire que l’épuisement professionnel cause un plus grand taux d’absentéisme,
l’effet est relativement faible. Toutefois, les résultats d’une étude récente dans le
domaine des soins aux enfants démontrait que les gens qui ont un niveau
d’épuisement émotionnel élevé seront plus souvent absents du travail, et ce, peu
importe s’il s’agit d’un homme ou d’une femme (Bekker et al., 2005). Une autre
recherche effectuée par Laitinen-Krispijn et Bijl (2000) aux Pays-Bas démontrait
25
quant à elle une association entre les troubles mentaux (trouble dépressif majeur, la
dysthymie, les phobies ainsi que l’abus et la dépendance aux drogues) et
l’absentéisme, particulièrement chez les hommes. Chez les femmes, l’association
était beaucoup plus faible (Ibid.). Même si certaines études sont contradictoires, les
études plus récentes tendent { démontrer qu’il existe réellement un lien entre
l’épuisement professionnel et l’absentéisme.
Les conclusions des recherches mettant en lien l’épuisement professionnel et la
performance au travail vont un peu dans le même sens que l’absentéisme, c'est-à-
dire que les conclusions des différentes recherches sont parfois contradictoires.
L’étude effectuée par Schaufeli (2003), auprès d’infirmières aux soins intensifs,
démontrait que plus elles souffraient d’épuisement professionnel, plus rapidement
les patients sortaient de l’hôpital. Cette observation leur a permis de conclure que
l’épuisement professionnel n’affectait pas nécessairement la performance au travail.
Par contre, une autre étude, plus récente, démontre que lorsque la charge de travail
est trop élevée comparativement aux ressources disponibles, cela contribue à
l’épuisement professionnel et la performance au travail en sera affectée (Demerouti
et al., 2005). Les conclusions de cette même étude démontrent également qu’étant
donné que l’épuisement professionnel entraîne une baisse importante de ressources
énergiques, ces employés deviennent éventuellement les moins productifs de
l’entreprise (Ibid.).
Enfin, mentionnons qu’il est difficile de mesurer exactement les conséquences au
plan organisationnel, notamment les pertes financières occasionnées par
l’épuisement professionnel, parce qu’il est difficile d’obtenir des renseignements
précis à cet égard. Vézina (1992) souligne : « […] il est difficile pour eux (les
chercheurs) d’avoir accès aux renseignements confidentiels des entreprises.
D’ailleurs, lorsqu’on parle d’organisation de travail et de santé mentale, on touche
un champ assez réservé et sensible. Il s’agit souvent de recherches internes aux
entreprises » (Vézina, 1992, cité par Barbeau, 2001, p. 21).
26
La dérégulation des différents modes du fonctionnement psychologique de la
personne peut également être prise en compte comme une conséquence de
l’épuisement professionnel du point de vue des relations en milieu de travail
(Schaufeli et Enzmann, 1998).
Tableau 2
Incidences de l’épuisement professionnel sur la dérégulation du fonctionnement
psychologique de la personne en relation avec le milieu de travail
Symptômes Illustrations
Affectif Irritabilité, hypersensibilité, froideur et moins
d’empathie émotionnelle.
Cognitif Sentiment de ne pas être apprécié, perte de confiance
envers l’organisation, les collègues et les superviseurs,
négativisme, pessimisme, baisse d’empathie cognitive,
stéréotypage de la clientèle, étiquetage négatif,
prétentieux, grande vertu, martyr, hostile, suspicieux,
projection sur les autres et paranoïa.
Comportemental Vols, résistance aux changements, être trop dépendant
des superviseurs, vérification fréquente de l’heure, faire
simplement ce qui est demandé, augmentation des
accidents, incapacité d’organisation, mauvaise gestion du
temps, isolement social et retrait, détachement, réponses
mécaniques, humour mesquin, expression de désespoir
et d’ennui envers la clientèle et utilisation de
communication à distance.
Motivationnel Résistance à se présenter au travail, ralentissement
volontaire des initiatives, moral très bas, perte d’intérêt,
découragement, indifférence, utilisation des clients pour
satisfaire ses besoins personnels et sociaux.
Source : Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 23.
27
Ces nombreuses illustrations démontrent bien que l’épuisement professionnel peut
avoir plusieurs répercussions sur le fonctionnement en entreprise, notamment en
matière de relations de travail, de relations avec l’autorité et même de relations avec
les clients de l’entreprise.
1.3.3 Sur le plan social
Les conséquences sociales de l’épuisement professionnel sont nombreuses. Sous
une perspective macrosocioéconomique, ce phénomène entraîne des coûts sociaux
importants d’absentéisme, de faible productivité, de hausse des frais d’indemnités
professionnelles, ainsi que de services de santé. Récemment, une mise à jour des
données concernant les coûts de l’assurance-salaire au Québec démontrait qu’en
1993-1994, ils représentaient 162,7 millions de dollars pour passer à 283,2 millions
en 2006-2007, soit une augmentation de 74 % une dizaine d’années plus tard
(MSSSQ, 2008). Ces coûts directs ont ensuite des répercussions pour les assureurs,
les assurés, les employeurs, les employés, les syndicats, les programmes sociaux et
les soins de santé (Laurier citée dans Audet, 2003). Certains assureurs ont même
menacé certains clients de diminuer la couverture des problèmes de santé mentale
dans leurs entreprises, au risque de cesser de s’occuper du dossier (Ibid.). Même si
les coûts exacts ne seront probablement jamais connus précisément en raison de la
complexité que le calcul implique et de la difficulté d’obtenir certaines informations,
il n’en demeure pas moins que certains indicateurs démontrent que les problèmes
de santé mentale engendrent bel et bien des coûts sociaux importants. Sous une
perspective plus microsocioéconomique, l’épuisement professionnel peut entraîner
des problèmes importants pour les familles. Dans une étude effectuée par Maslach
et Jackson en 1982, les réponses des épouses des travailleurs souffrant
d’épuisement professionnel démontraient des impacts négatifs sur la famille et des
insatisfactions concernant leurs mariages. Une recherche encore plus complète
effectuée par Zedeck (1988) est venue confirmer encore une fois l’impact de
l’épuisement professionnel sur la vie familiale, mais en spécifiant que les épouses
28
accordaient plus d’importance { l’épuisement émotionnel, { la dépersonnalisation et
aux aspects extrinsèques du travail en général.
1.4 L’intervention
Étant donné que de plus en plus de Québécois souffrent d’épuisement professionnel,
cela fait en sorte qu’un plus grand nombre de personnes consultent des
professionnels pour obtenir de l’aide. Comme le mentionne Lafleur (1999), la
consultation sera presque inévitable à un certain moment :
Le burnout commence au moment où la fatigue est tellement grande qu’elle se transforme en épuisement. Cela signifie que les gens qui en sont rendus à ce point ne pourront plus vaquer à leurs occupations habituelles avant de longs mois. Il est donc fort probable qu’une consultation médicale leur sera nécessaire et, à ce stade, le médecin devra leur imposer un congé de maladie (p. 165).
Ainsi, dans la majorité des cas, le premier professionnel que les clients rencontrent
dans le processus de traitement de l’épuisement professionnel, c’est le médecin.
1.4.1 Perspective médico-psychologique
Pour obtenir le droit légal et l’appui financier relativement au retrait du travail pour
cause d’épuisement professionnel, le diagnostic d’un médecin sur son état de santé
est obligatoire. Au grand regret des psychologues, ce n’est qu’au Québec que ces
derniers ne peuvent pas eux aussi fournir de tels avis à leurs patients (Charest,
2002). Donc, c’est le médecin qui est le seul autorisé à juger du réalisme des
symptômes présents chez la personne et à attribuer un congé pour raison de
maladie, sinon à proposer des analyses supplémentaires des symptômes. En guise
de confirmation, ce document sera ensuite remis { l’employeur, { la compagnie
d’assurance et aux institutions gouvernementales le cas échéant.
29
Comme le mentionne Schaufeli (2003), la croyance chez les médecins, les
psychiatres et les psychologues cliniciens est que l’épuisement professionnel serait
une légère forme de dépression. C’est pourquoi au plan médical principalement, le
traitement de l’épuisement professionnel et de la dépression partage de grandes
similitudes. Il existe donc plusieurs formes de traitement possibles : « […] le
médecin doit expliquer clairement à son patient la nécessité de prendre une
décision, puis lui présenter les avantages et les inconvénients, selon les meilleures
données probantes, de chacune des options offertes, soit la psychothérapie, les
antidépresseurs, les produits naturels et l’absence d’intervention » (Houle et al.,
2009, p. 29).
Tout comme il est jugé le plus apte { diagnostiquer l’épuisement professionnel et à
prescrire les médicaments nécessaires au traitement, notamment les
antidépresseurs, le médecin est également un professionnel qui peut intervenir sur
le plan psychothérapeutique. Cournoyer (2001), psychiatre { l’hôpital Louis-H.-
Lafontaine à Montréal, souligne : « En plus de la pharmacothérapie, la démarche de
soutien qu’il doit mettre en œuvre comporte un ensemble complexe d’interventions
qui sont essentielles au traitement de la dépression » (p. 29). De plus, lors des
récents travaux du Comité d’experts sur la modernisation de la pratique
professionnelle en santé mentale et en relations humaines, la pratique de la
psychothérapie fut d’ailleurs considérée comme un noyau central à leur pratique,
plus particulièrement lorsqu’il s’agit de médecins formés en psychiatrie (OCCOPQ,
2006). Lafleur (1999) apporte toutefois certaines précisions concernant le
traitement psychothérapeutique des gens souffrant d’épuisement professionnel et
de dépression : « Certains omnipraticiens peuvent assurer le suivi en
psychothérapie, mais la plupart d’entre eux préfèrent que leur patient consulte un
psychiatre ou un psychologue » (p. 166). Le traitement psychothérapeutique de la
personne en épuisement professionnel se voit donc souvent confier { d’autres
catégories de professionnels.
30
1.4.2 Perspective carriérologique
Bien que les pratiques professionnelles de traitement de l’épuisement professionnel
puissent le plus souvent impliquer des médecins, des psychiatres et des
psychologues, d’autres professionnels, dont les conseillers d’orientation, peuvent
également jouer un rôle sur le mieux-être de ces personnes. Les conseillers
d’orientation sont ainsi formés et qualifiés pour offrir des services de
(ré)orientation, de (ré)insertion et de (ré)adaptation scolaire et professionnelle
(Limoges, 1989) pour l’ensemble de la population québécoise, ainsi qu’auprès de
celles plus vulnérables au plan de la santé psychologique (Gouvernement du
Québec, 2009).
Une recherche sur le site de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du
Québec (OCCOQ) permet de constater une offre considérable de services de
consultation carriérologique pour des personnes souffrant d’épuisement
professionnel. Les résultats de cette recherche démontrent que sur 272 conseillers
d’orientation œuvrant en cabinet privé et inscrits officiellement sur le site de l’Ordre
professionnel, 114 mentionnent détenir une expertise en intervention auprès de
situations reliées au stress ou { l’épuisement professionnel. Cela représente un
pourcentage de 42 %, soit presque la moitié. En plus de ces derniers, il faut tenir
compte des autres conseillers d’orientation qui, parmi les 2 350 membres de
l’Ordre, ne sont pas formellement recensés, mais qui pourraient offrir de tels
services spécialisés au sein d’organismes, d’institutions, d’agences ou d’autres
organisations. À la lumière de toutes ces informations, il est donc permis de
conclure que le conseiller d’orientation puisse jouer un rôle d’expert dans
l’accompagnement des gens souffrant d’épuisement professionnel.
De plus, le Gouvernement du Québec (2005) reconnaît depuis quelques années la
contribution pouvant être faite par les conseillers d’orientation en matière de
préservation de la santé mentale, ainsi que de l’impact des problèmes liés au travail
dans l’équilibre de la personne. En 2009, à la suite des travaux du Comité d’experts
31
en santé mentale sur la modernisation de la pratique professionnelle en santé
mentale et en relations humaines, le champ d’exercice des conseillers d’orientation
fut de nouveau modifié au Code des professions. L’article 37 fut donc modifié pour
cette description :
L’exercice de l’orientation consiste { évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, à intervenir sur l’identité, { développer et { maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de faire des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement. (Gouvernement du Québec, 2009, p. 4)
Pour ce qui concerne le traitement de l’épuisement professionnel plus directement,
ce même rapport, adopté à l’Assemblée nationale du Québec, mentionne que les
conseillers d’orientation peuvent aussi évaluer une personne atteinte d’un trouble
mental attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un
professionnel habilité, mais aussi évaluer les troubles mentaux sous réserve d’une
attestation de formation en psychothérapie délivrée par l’Ordre (Gouvernement du
Québec, 2009). Plus précisément, l’évaluation des troubles mentaux consiste { :
[…] porter un jugement clinique, { partir des informations dont le professionnel dispose, sur la nature des affections cliniquement significatives qui se caractérisent par le changement du mode de pensée, de l’humeur (affects), du comportement associé { une détresse psychique ou à une altération des fonctions mentales et à communiquer les conclusions. Cette évaluation s’effectue selon une classification reconnue des troubles mentaux, notamment les deux classifications les plus utilisées actuellement en Amérique du Nord, soit le CIM-10 et le DSM IV. (Gouvernement du Québec, 2005, p. 40)
Considérant que plusieurs des symptômes reliés { l’épuisement professionnel sont
en lien avec certains troubles de santé mentale, les conseillers d’orientation font
donc partie des catégories de professionnels pouvant officiellement, après un
diagnostic du médecin, intervenir dans l’accompagnement d’une démarche
32
d’orientation ou de réorientation { la suite d’un épuisement professionnel. Pour ce
qui est du traitement psychothérapeutique en tant que tel, il a été déterminé
officiellement que la pratique de la psychothérapie était réservée aux membres de
l’Ordre des psychologues ainsi qu’{ ceux du Collège des médecins. Toutefois,
l’évaluation des troubles mentaux et la psychothérapie sera aussi partagée avec les
conseillers d’orientation { condition qu’ils possèdent une formation universitaire de
maitrise, une formation supplémentaire adaptée en psychothérapie et qu’ils aient
les connaissances et les compétences requises pour intervenir sur différents
troubles spécifiques, notamment l’épuisement professionnel dans ce cas-ci. L’article
187.1 de la Loi 21 modifiant le Code des professions mentionne ceci :
À l’exception du médecin et du psychologue, nul ne peut exercer la psychothérapie, ni utiliser le titre de psychothérapeute ni un titre ou une abréviation pouvant laisser croire qu’il l’est, s’il n’est membre de l’Ordre professionnel des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, de l’Ordre professionnel des ergothérapeutes du Québec, de l’Ordre professionnel des infirmières et infirmiers du Québec ou de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec et s’il n’est titulaire du permis de psychothérapeute. (Gouvernement du Québec, 2009, p. 9)
Sans toutefois pouvoir émettre un diagnostic sur les troubles mentaux, un acte qui
est réservé aux médecins, les conseillers d’orientation, dument formés, pourront
partager leur jugement professionnel sur la nature des difficultés d’ordre
psychologique des clients, notamment dans le cas de l’épuisement professionnel. Le
comité d’experts considère d’ailleurs que :
Le conseiller d’orientation détient les connaissances portant sur les théories psychologiques (développement normal et psychopathologie) ainsi que sur la psychométrie, l’évaluation des personnes et les instruments requis. Sa formation lui permet d’évaluer les caractéristiques individuelles (aptitudes, intérêts, personnalité, fonctions intellectuelles, cognitives et affectives) et d’établir des liens entre ces caractéristiques et la problématique de l’individu. (Gouvernement du Québec, 2005, p. 41)
33
En résumé, les services offerts en matière d’épuisement professionnel, l’évolution
des compétences et l’officialisation des activités réservées, notamment la possibilité
pour les conseillers d’orientation dument formés d’effectuer des psychothérapies,
démontrent que ceux-ci peuvent intervenir en matière d’accompagnement des gens
souffrant d’épuisement professionnel. De plus, à la suite de la démarche
psychothérapeutique, dans l’optique où le client décide de changer d’emploi, le
conseiller d’orientation possède déj{ l’expertise pour intervenir et effectuer un
processus de réorientation. Enfin, si le client décide d’effectuer un retour { son
emploi actuel, les connaissances du marché du travail du conseiller d’orientation et
son expertise en réadaptation au travail pourront également être utilisées. Il est
donc permis de conclure que le conseiller d’orientation est un acteur qui possède
une expertise ciblée pour accompagner des gens souffrant d’épuisement
professionnel.
1.4.3 Orientation et épuisement professionnel : mince littérature scientifique
Devant le constat que le phénomène de l’épuisement professionnel frappe de plus
en plus de gens, combiné au fait que les conseillers d’orientation possèdent les
compétences et l’autorisation pour intervenir, il est donc surprenant de constater
que l’on retrouve très peu de littérature sur le sujet, rédigée par les conseillers
d’orientation eux-mêmes. En effet, en passant en revue la littérature québécoise sur
le thème de l’épuisement professionnel, il est possible de constater que les
conseillers d’orientation au Québec abordent rarement l’enjeu de l’épuisement
professionnel et encore moins les stratégies d’intervention. Pourtant, il existe une
grande quantité d’articles rédigés sur le sujet par des psychologues, des médecins,
des conseillers en relations industrielles, des sociologues, etc. Certes, il est quand
même possible de trouver quelques écrits expliquant la nature et les
caractéristiques de l’épuisement professionnel en tant que tel (Limoges, 1989) pour
mieux comprendre le phénomène. Toutefois, il est très difficile de trouver des
publications sur le point de vue des conseillers d’orientation concernant plus
34
spécifiquement les techniques d’intervention et de prévention en lien avec
l’épuisement professionnel.
Les principaux écrits abordant le sujet proviennent de Limoges. Dans son livre
Stratégie de maintien au travail (2001), il élabore spécifiquement des moyens
préventifs en milieu de travail pour éviter l’épuisement professionnel et favoriser
un plus grand maintien en emploi. Dans le même ordre d’idées, Amherdt,
psychologue et enseignant au département d’orientation professionnelle de
l’Université de Sherbrooke, propose dans son livre La Santé émotionnelle au travail
(2005), des moyens préventifs individuels et organisationnels pour contrer le
développement de l’épuisement professionnel. Pour ce qui est des revues publiées
par l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ), un seul
article semble concerner spécifiquement le sujet, celui de Gagnon (2008) traitant de
l’approche psychocorporelle intégrée (PCI) en lien avec l’épuisement professionnel.
Sous toutes réserves, aucune autre publication concernant précisément les
techniques ou approches d’intervention avec des clients souffrant d’épuisement
professionnel n’a été rédigée par des conseillers d’orientation très précisément.
1.5 Question et objectifs de recherche
Ainsi, à la lumière des recherches effectuées préalablement, il en ressort les cinq
constats suivants :
1. Les conséquences de l’épuisement professionnel sont importantes et le nombre
de personnes qui en souffrent l’est tout autant;
2. Les références de traitement sont majoritairement faites en direction des
médecins, des psychiatres et des psychologues;
3. Un grand nombre de conseillers d’orientation offrent des services et affichent
une expertise en matière d’épuisement professionnel;
35
4. Le champ évocateur de la profession de conseiller d’orientation et les actes
réservés démontrent que le traitement individuel de l’épuisement professionnel
entre dans le champ d’expertise des conseillers d’orientation;
5. On retrouve peu de littérature rédigée par des conseillers d’orientation sur la
problématique de l’épuisement professionnel.
Ces constats démontrent qu’il existe une confusion sur le rôle joué par les
conseillers d’orientation dans le traitement de l’épuisement professionnel au
Québec. En fait, plusieurs chercheurs en orientation vont inférer que leurs modèles
ou leurs approches d’accompagnement scolaire ou professionnel peuvent avoir une
incidence sur l’épuisement professionnel, mais généralement sans cibler
spécifiquement ce sujet. Schaufeli (2003) le souligne : « Plusieurs professionnels
sont confrontés { des cas sévères ou cliniques d’épuisement professionnel, et à ce
jour, ce groupe fait l’objet de très peu de recherches1 » (p. 11). Plus particulièrement
dans le cas des conseillers d’orientation, aucune recherche n’a pu être répertoriée
spécifiquement sur ce sujet. Par conséquent, de tous ces constats émerge la
question : comment les conseillers d’orientation accompagnent-ils les personnes en
situation d’épuisement professionnel?
Cette question permet de préciser l’objectif général de cette recherche, { savoir :
explorer les pratiques professionnelles de conseillers d’orientation en matière
d’accompagnement auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel.
Des objectifs spécifiques permettent d’alimenter l’objectif général :
a) Décrire les types de représentations de conseillers d’orientation sur la nature de
l’épuisement professionnel;
b) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent des conseillers
d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel;
1 Traduction libre
36
c) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par des conseillers
d’orientation;
d) Mieux comprendre les perceptions de conseillers d’orientation quant à leur rôle
dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.
Cette recherche est une occasion pouvant permettre d’éclaircir cette ambiguïté qui
existe sur les fondements relatifs aux pratiques professionnelles des conseillers
d’orientation auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel, ainsi
que d’entrevoir les ressources et les limites de ces derniers en matière d’offre de
services spécifiques pour cette clientèle. Elle se veut également une occasion
d’exploration et de partage des réalités vécues par les conseillers d’orientation eux-
mêmes, et ce, spécifiquement en consultation avec des gens qui souffrent
d’épuisement professionnel.
37
2. La conception de l’épuisement professionnel
Cette section vise à définir la nature de l’épuisement professionnel. Différentes
approches conceptuelles sont exposées de manière à décrire les méthodes
d’intervention utilisées. L’épuisement professionnel est un concept faisant l’objet
d’une quantité très importante de recherches scientifiques. Donc, les descriptions
proposées n’ont pas la prétention d’être exhaustives. Toutefois, elles représentent
tout de même un grand survol des approches conceptuelles et des stratégies
d’intervention développées par des chercheurs et des professionnels très reconnus
dans leur domaine respectif.
2.1 Une notion souvent confondue
De récentes recherches démontrent que l’épuisement professionnel peut être
différencié des autres troubles mentaux. Plus spécifiquement, Schaufeli (2003)
mentionne : « L’épuisement professionnel peut être considéré comme un trouble
mental qui peut être différencié cliniquement et empiriquement des autres troubles
mentaux, plus particulièrement la dépression2 » (p. 5). Selon Freudenberger (1987),
l’épuisement professionnel est « […] généralement temporaire et orienté vers une
situation précise dans la vie d’une personne […]. Une personne dépressive risque de
se sentir coupable de tout ce qui ne va pas, celle qui est en train de se brûler aura
plutôt tendance à éprouver de la colère » (p. 73). De plus, le fait que l’épuisement
professionnel est relié au milieu du travail est un autre élément qui le distingue de la
dépression, dont « l’état dépressif est prolongé et s’étend { tous les aspects de la vie
d’une personne » (Ibid.).
2.1.1 Versus la dépression
Selon Schaufeli et Enzmann (1998), la forte corrélation entre l’épuisement
professionnel et la dépression vient du fait que les deux partagent des symptômes
2 Traduction libre
38
similaires, notamment la perte d’énergie, le manque de motivation au travail et une
attitude négative envers la vie. Malgré quelques similitudes, la distinction fut
officiellement confirmée par les travaux de Bakker et associés (2000), et plus
récemment par les travaux d’Ahola et Hakanen (2007). Pour Schaufeli (2003), cette
différence a des implications pratiques et politiques importantes puisque cela sous-
entend que l’épuisement professionnel devrait avoir un statut officiel et reconnu
comme étant une raison légitime d’absence, de congés de maladie et d’incapacités {
travailler.
2.1.2 Versus la détresse psychologique
Pour ce qui est de la détresse psychologique, le point de vue de Marchand
(2004) nous renseigne un peu plus. Selon lui, la « notion de détresse psychologique
se présente comme la plus générale dans sa définition et sa mesure, car elle
chevauche { la fois les divers signes d’un déséquilibre psychique décrits et mesurés
par les notions de dépression et d’épuisement professionnel » (p. 12). Elle est plus
particulièrement associée à la phase prépathologique. Lorsqu’elle n’est pas traitée,
la détresse psychologique peut entraîner des conséquences plus graves comme
l’épuisement professionnel ou même la dépression sévère et l’alcoolisme par
exemple (Ibid.).
2.1.3 Versus le surmenage
Le surmenage, à la différence de l’épuisement professionnel, n’est pas
nécessairement une conséquence directe du stress. Il est principalement relié à la
quantité de travail effectuée. En fait, le surmenage est défini comme étant un
« ensemble de troubles résultant d’un exercice excessif, d’un excès de travail » (Le
Petit Robert, 2011). Travailler de façon excessive entraîne donc une très grande
fatigue qui mène ainsi au surmenage. Plus précisément, Ahola et al. (2007)
soulignent que le surmenage prédispose { l’épuisement professionnel.
39
2.2 Une notion à circonscrire
Il existe plusieurs définitions, concepts et théories sur l’épuisement professionnel.
Une des définitions les plus générales qu’il est possible de trouver sur l’épuisement
professionnel est la suivante : « L’épuisement professionnel est un syndrome
psychologique en réponse à une exposition chronique et prolongée au stress en
milieu de travail3 » (Maslach et al., 2001, p. 399). Dans cette définition, la notion de
stress est importante.
Selye, dont les concepts théoriques sont présentés par l’ouvrage de Sauvé (1997),
précise que le stress « […] est un ensemble de perturbations organiques, psychiques,
provoquées par des agents stresseurs qui entraînent des perturbations dans
l’organisme » (p. 13). Il existe plusieurs formes de stress; Selye en identifie quatre
catégories, soit les bons stress (eustress), les mauvais stress (détresse), les stress
extrêmement plaisants (hyperstress) et les stress extrêmement déplaisants
(hypostress). Ainsi l’important sera donc de « […] trouver un équilibre entre les
forces destructrices qui sont les extrémités (hyperstress et hypostress) et de
découvrir plus de bons stress que de mauvais stress » (Ibid., p. 18). Selye précise
qu’une personne soumise à plusieurs mauvais stress pendant une période
prolongée va vivre un processus en trois phases, c’est-à-dire une phase de réaction
d’alarme, une phase de résistance et une dernière phase d’épuisement qui « […] par
suite d’une exposition longue et continue au même agent stressant auquel le corps
s’[est] adapté, l’énergie d’adaptation est finalement épuisée » (Ibid., p. 10-11). Ce
processus en trois phases est ce qu’il nomme le syndrome général d’adaptation. Une
personne sera donc stressée « […] quand l’intensité du stress accumulé dépasse son
seuil optimal d’adaptation » (Ibid., p. 11). Lazarus et Folkman (1984) abondent en ce
sens en mentionnant que le stress psychologique résulte d’un déséquilibre entre les
demandes imposées par l’environnement et la capacité de l’individu { s’y adapter en
fonction de ses ressources personnelles. Toutefois, dans leur définition du stress, ils
3 Traduction libre
40
apportent une nuance importante. Le stress peut aussi apparaître lorsqu’une
personne perçoit que les ressources dont elle dispose sont insuffisantes pour faire
face aux demandes. Ainsi, selon cette conception, la perception du manque de
ressources autant que le manque de ressources lui-même peuvent tous les deux
provoquer une réaction de stress chez un individu (Ibid.).
Quelques années plus tard, une nouvelle théorie sur le stress fut également
proposée par Hobfoll (1989). Selon sa conception, le stress provient d’une réaction à
l’environnement particulièrement en lien avec les ressources. Sa théorie comporte
deux aspects importants. D’une part, le stress apparaît chez un individu lorsqu’il y a
une menace de perdre des ressources ou une perte réelle. D’autre part, lorsqu’une
personne perçoit que son investissement en ressources (temps, énergie, etc.) ne lui
rapportera pas beaucoup de gains également en ressources (reconnaissance, statut,
argent, etc.), cela provoque du stress (Ibid.). Par exemple, une personne pourrait
faire preuve de dévouement pendant plusieurs années pour obtenir une promotion
et apprendre un jour que le poste a été offert { un nouvel employé. L’iniquité que
cela provoque et la frustration d’avoir investi autant de ressources pour peu de
récompenses pourraient engendrer une escalade de stress chez cette personne.
Enfin, selon ce même Hobfoll (1989), les individus recherchent activement le plaisir
et le succès dans la vie et selon lui, ce courant psychologique fut ignoré dans les
théories du stress.
Le concept de stress et d’épuisement professionnel peut également être abordé sous
l’angle de l’inhibition de l’action, théorie élaborée par Laborit.
Celle-ci (l’inhibition de l’action) peut être considérée comme adaptative puisque résultant de l’impossibilité de la fuite et de l’insuffisance de la lutte. Si cette dernière était poursuivie, elle aboutirait à la mort de l’individu soit par destruction par l’agresseur, soit par épuisement. Mieux vaut alors l’inhibition et celle-ci, répétons-le, ne peut être que secondaire { l’apprentissage de l’inefficacité de l’action (Laborit, 1986, p. 195).
41
L’inhibition de l’action est donc un moyen d’adaptation pour un individu qui fait face
à des situations stressantes, et tout comme le syndrome général d’adaptation de
Selye, il peut, { la suite d’une longue exposition, entraîner des individus vers
l’épuisement. Dans une situation où un employé vit énormément de stress au travail
et que ce stress dépasse un certain seuil critique, il peut arriver qu’il se sente coincé
entre son insécurité de quitter son travail (obligations financières, peu d’emplois
dans le domaine, etc.) et son incapacité à modifier ses conditions de travail (peu de
pouvoir, peur de congédiement, etc.). Ainsi, comme le mentionne Laborit, quand la
fuite et la lutte sont impossibles ou semblent impossibles, l’employé acceptera de
s’adapter { des niveaux de stress élevé souvent au péril de sa santé et parfois même
jusqu’{ l’épuisement.
Dans une optique plus biologique, une méta-analyse de 147 études sur le sujet
démontrait récemment que le stress relié au travail et le stress de la vie en général
produisent une augmentation de cortisol dans l’organisme (Chida et Steptoe, 2008,
p. 275). Le cortisol est une hormone qui, produite sous l’effet du stress, modifie
certains aspects biologiques (taux de sucre, pression sanguine, etc.) et qui permet à
l’organisme de réagir pour combattre le stress. Cette même recherche démontrait
que les facteurs psychosociaux comme la fatigue et l’épuisement professionnel par
exemple, empêchent la production de cortisol. Ne produisant plus suffisamment de
cortisol pour combattre le stress, les personnes deviennent ainsi vulnérables aux
effets du stress (Ibid.). Une autre étude, celle-ci effectuée par Mommersteeg et al.
(2006), en arrive aux mêmes conclusions, mais en spécifiant que les taux de cortisol
sont particulièrement bas après le réveil matinal.
À ce jour, l’épuisement professionnel n’est pas cliniquement et officiellement
reconnu comme une maladie parce qu’il ne figure toujours pas dans le Diagnostic
and Statistical Manual (DSM IV), le manuel médical des troubles mentaux conçu par
l’American Psychiatric Association (APA) aux États-Unis, ni dans la Classification
internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
C’est pourquoi il est encore considéré comme étant un syndrome qui est défini
42
comme suit : « Un ensemble de plusieurs symptômes ou signes en rapport avec un
état pathologique donné et permettant, par leur groupement, d’orienter le
diagnostic » (Dictionnaire Larousse, 2011). Selon Schaufeli (2003), les expériences
cliniques en Europe démontrent que les employés souffrant d’épuisement
professionnel qui ont reçu un traitement psychothérapeutique, mentionnent avoir
des symptômes qui se rapprochent particulièrement du diagnostic de neurasthénie
du CIM-10 (p. 3). La neurasthénie est définie comme étant une « névrose
caractérisée par une grande fatigabilité, des troubles psychiques et physiques » (Le
Petit Robert, 2011). Ce diagnostic se retrouve dans le cinquième chapitre du CIM-10
concernant les troubles mentaux et comportementaux et précisément dans la
catégorie des troubles neurologiques, somatiques et reliés au stress. L’Organisation
mondiale de la Santé (2007) présente la neurasthénie sous deux formes possibles. La
première forme est associée à une augmentation de la fatigue après un effort mental
et souvent accompagnée d’une diminution de la performance au travail et de la
capacité d’adaptation. L’autre forme met l’accent sur les sentiments de faiblesses
physiques, et ce, après un effort minimal seulement, en plus d’être accompagnée de
douleurs musculaires et d’une incapacité { se détendre.
Au Québec, comme le précise Lafleur (1999), les médecins vont opter pour « […] un
congé pour trouble de l’adaptation avec humeur dépressive, parce qu’on ne trouve
pas encore le diagnostic d’épuisement professionnel dans les gros livres de
psychiatrie; cette forme de souffrance n’a donc pas encore de numéro de code dans
les formulaires des compagnies d’assurances » (p. 15). Ce diagnostic se retrouve
dans l’axe 1 du DSM IV concernant les troubles psychiatriques. Selon le DSM IV, le
trouble de l’adaptation s’associe au développement de symptômes dans les registres
émotionnels et comportementaux, en réaction à un ou plusieurs facteur(s) de stress
identifiable(s), au cours des trois mois suivant la survenue de celui-ci (ceux-ci). De
plus, ces symptômes ou comportements sont cliniquement significatifs s’ils
s’avèrent : 1) une souffrance marquée, plus importante qu’il n’était attendu en
réaction à ce facteur de stress; 2) une altération significative du fonctionnement
social ou professionnel (scolaire); une perturbation liée au stress ne répond pas aux
43
critères d’un autre trouble spécifique de l’axe 1 et n’est pas simplement
l’exacerbation d’un trouble préexistant de l’axe 1 ou de l’axe 2; et 3) les symptômes
doivent également s’associer { autre chose que l’expression d’un deuil et ne pas
persister plus de six mois. Concernant l’humeur dépressive, il est mentionné
que « ce sous-type doit être utilisé lorsque les manifestations prédominantes sont
des symptômes tels qu’une humeur dépressive, des pleurs ou des sentiments de
désespoir » (Mini DSM-IV-TR, 2004, p. 282).
2.3 Une variété d’approches conceptuelles
L’émergence de l’épuisement professionnel et l’intérêt suscité pour la recherche ont
incité plusieurs professionnels à élaborer des approches conceptuelles pour mieux
comprendre et illustrer le phénomène. Il semble toutefois qu’aucune approche ne
puisse rendre compte à elle seule de l’immense complexité de l’épuisement
professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998). Malgré cette affirmation, les
conceptualisations proposées dans la littérature scientifique peuvent tout de même
être regroupées en deux grandes catégories d’approches distinctes, soit les
approches individuelles et les approches interactionnelles et organisationnelles.
44
Tableau 3
Catégorisation des différentes approches conceptuelles du syndrome d’épuisement
professionnel
Catégories d’approches Approches conceptuelles
Individuelles
Approche psychologique (idéalisme)
Approche existentialiste
Approche des traits de personnalité
Interactionnelles et
organisationnelles
Approche transactionnelle de Cherniss
Approche relationnelle de Maslach
Approche relationnelle de Leiter
Modèle organisationnel de Maslach et Leiter
Modèle de Karasek
Modèle de Siegrist
Modèle de Bakker et Demerouti
La première catégorie regroupe les approches individuelles aussi appelées
approches cliniques, dont l’attention est portée principalement sur les observations
cliniques, l’analyse des traits de personnalité, des fonctionnements psychologiques,
des comportements, des valeurs de l’individu et autres qui entravent l’adaptation en
milieu de travail. La deuxième catégorie regroupe les approches interactionnelles et
organisationnelles, c’est-à-dire qu’elles priorisent l’analyse de l’interaction entre les
facteurs individuels d’une personne et le contexte de travail en particulier. Ces
approches sont considérées comme étant scientifiques parce qu’étant mieux
supportées par les recherches empiriques (Schaufeli, 2003). Les approches
individuelles sont surtout basées sur des observations qualitatives et expérientielles
qui manquent parfois de support empirique parce que plus difficilement
quantifiables (Ibid.). Le choix d’une approche ou d’une autre dépend
majoritairement des croyances du chercheur et des besoins d’utilisation. Un
psychothérapeute priorisera sûrement le plan individuel tandis qu’un consultant en
45
entreprise sera plus intéressé { comprendre l’épuisement professionnel en contexte
organisationnel (Ibid.).
2.3.1 Les approches individuelles
Freudenberger, par ses observations cliniques, est le premier à avoir inspiré cette
catégorie d’approche. L’emphase est orientée vers le diagnostic, la relation d’aide,
l’accompagnement individuel et la réhabilitation (Schaufeli, 2003). L’analyse des
symptômes et des facteurs individuels reliés { l’épuisement professionnel est
priorisée.
L’approche psychologique (idéalisme)
Freudenberger (1987) dit : « Tous ces gens avaient au départ de grandes espérances
et des visions de réussite éclatante, […] pendant la plus grande partie de leur vie, ils
avaient été pleins d’enthousiasme, d’énergie et d’optimisme » (p. 14). Dans la même
optique que Freudenberger, pour Edelwich et Brodsky (1980), l’épuisement
professionnel représente une perte progressive d’idéalisme, d’énergie et de sens au
travail. Le modèle en quatre phases qu’ils ont proposé (l’enthousiasme, la
stagnation, la frustration et la démoralisation) a contribué { l’avancement des
recherches de l’épuisement professionnel, notamment en tant que processus
graduel.
La phase d’enthousiasme représente l’idéalisme et l’ambition de la personne. Elle
est caractérisée par un très haut degré d’investissement en temps et en énergie pour
l’organisation dont elle fait partie. La phase de stagnation apparaît lorsque la
personne se rend compte que malgré ses efforts constants, les résultats ne sont pas
à la hauteur de ses attentes personnelles ou tout simplement non reconnus. La
personne tentera d’y remédier en redoublant d’efforts, le niveau de stress
augmentant. La phase de frustration est caractérisée par des signes sérieux comme
la fatigue et la déception et beaucoup de difficultés à gérer les tensions (irritabilité,
46
cynisme, colère, etc.). Enfin, la phase de démoralisation représente le sentiment de
vide intérieur, la personne perdant tout intérêt pour son travail. À cette étape,
l’absentéisme et l’évitement des clients, des collègues et des patrons sont plus
présents. La personne n’offre plus aucune résistance (Edelwich et Brodsky, 1980).
L’objectif de cette approche vise donc une modification sur le plan des valeurs et des
besoins des individus. Comme le mentionne Freudenberger (1987), « la perception,
l’image que l’on a de nous, nous empêche de percevoir que nos problèmes sont peut-
être reliés à des facteurs internes » (p. 25). L’idée principale sera donc de remplacer
l’idéalisme problématique par un réalisme mieux adapté et ainsi éviter de revivre
chacune des phases qui mènent { l’épuisement professionnel.
L’approche existentialiste
Pour Pines, l’échec d’une personne dans sa quête pour donner un sens à son
existence constitue l’essence de sa conception de l’épuisement professionnel. Selon
elle, « les gens idéalistes travaillent dur parce qu’ils s’attendent à ce que leur travail
fasse partie d’un tout plus grand et que cela donne un sens à leur existence4 » (Pines,
1996, p. 83). Sa conception est illustrée par la figure suivante :
4 Traduction libre
47
Figure 1
Modèle de l’approche existentialiste de Pines
Source : Schaufeli et Enzmann (1998, p. 112)
Son modèle, inspiré de la psychologie existentialiste, distingue trois types de
motivations au travail. Les motivations universelles (ex. : recherche de succès et
d’appréciation), les motivations spécifiques à la profession (ex. : impact sur les
clients) et les motivations personnelles quant au type de travail (ex. : le fait d’aimer
le métier). Advenant qu’une personne ne réussisse pas { satisfaire ces motivations,
elle vivra des sentiments d’échec qui mèneront progressivement à l’épuisement
professionnel.
L’approche des traits de personnalité
Au-del{ de l’idéalisme et de la quête de sens, certaines approches conceptuelles ont
mis l’accent sur certains traits de personnalité ou fonctionnements psychologiques
pouvant avoir une incidence sur les cognitions, les émotions et les comportements
Buts et attentes Motivations universelles
Motivations spécifiques à la profession Motivations personnelles
Environnement de travail supportant
Environnement de travail stressant
Buts et attentes comblés
Succès
Buts et attentes non comblés
Échec
Sens existentiel Épuisement professionnel
48
en milieu de travail. Selon Alacorn et al. (2009), les traits de personnalité suivants,
incluant les cinq traits du Big Five (névrosisme, extraversion, ouverture à
l’expérience, caractère consciencieux et agréabilité), doivent être considérés :
Tableau 4
Traits de personnalité et leur influence sur le développement de l’épuisement
professionnel
Traits de personnalité favorisant
l’épuisement professionnel
Traits de personnalité ne favorisant pas
l’épuisement professionnel
Faible estime de soi Bonne estime de soi
Sentiment d’efficacité personnelle
faible
Sentiment d’efficacité personnelle élevé
Instabilité émotionnelle Stabilité émotionnelle
Locus de contrôle externe Locus de contrôle interne
Introversion Extraversion
Caractère insouciant Caractère consciencieux
Désagréabilité Agréabilité
Affectivité négative Affectivité positive
Négativisme Optimisme
Personnalité inactive Personnalité proactive
Abdication Résistance
Source : Alacorn et al. (2009)
L’analyse de la personnalité permettra, selon cette approche conceptuelle,
d’identifier des façons de penser (cognitions), des sentiments ou des
comportements qui favorisent l’apparition de l’épuisement professionnel. Par
exemple, une personne dont le locus de contrôle est externe doublé d’une
personnalité inactive risque d’entretenir l’idée que l’employeur est responsable du
problème et qu’il lui revient de procéder { des changements dans sa façon de faire.
49
Au contraire, une personne dont le locus de contrôle est interne et dotée d’une
personnalité proactive prendra probablement l’initiative de provoquer lui-même
des changements pour retrouver une situation plus convenable. En terminant,
comme le mentionnent Alacorn et al. (2009), même si des interventions
organisationnelles sont effectuées pour modifier l’environnement de travail, il
restera toujours quelques individus qui vivront de l’épuisement professionnel en
raison de leurs traits de personnalité.
2.3.2 Les approches interactionnelles et organisationnelles
L’analyse de l’interaction entre l’individu et l’environnement constitue l’objectif de
recherche et de conception de ces approches. Elles furent grandement inspirées par
de Maslach. Tel que mentionné plus tôt, elles sont influencées par un mélange des
facteurs relationnels, sociaux et organisationnels (Schaufeli, 2003).
L’approche relationnelle de Maslach
Maslach considère l’épuisement professionnel comme étant « une expérience
individuelle négative incorporée dans un contexte de relations interpersonnelles au
travail qui implique la conception professionnelle de soi-même et des autres5 »
(Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 115). Cette expérience individuelle négative, en
réaction aux différents stresseurs en milieu de travail, comporte trois composantes,
soit l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et la réduction du sentiment
d’efficacité personnelle. Cette dernière composante n’était pas incluse dans la
conception de Cherniss (1980). Sa conception de l’épuisement professionnel
représente un continuum qui peut être illustrée de la façon suivante :
5 Traduction libre
50
VS
VS
VS
Figure 3
Conception de l’approche relationnelle de Maslach
Source : Maslach, 2008, p. 498
L’épuisement émotionnel et physique est la composante reliée aux effets du
stress sur l’énergie de la personne. Elle réfère { la réduction des ressources
personnelles physiques et émotionnelles (Maslach, 2008). La dépersonnalisation,
quant à elle, fait référence { l’attitude et aux relations interpersonnelles en milieu de
travail. C’est une forme de réponse détachée et négative envers plusieurs aspects du
travail (Ibid.). Enfin, la réduction du sentiment d’efficacité personnelle représente la
dimension évaluative de la personne; elle réfère aux sentiments d’incompétence, au
faible degré d’accomplissement et de productivité au travail (Ibid.).
Ainsi, selon Maslach, une personne soumise à de mauvais stress pendant une longue
période de temps commencera par vivre un épuisement physique et émotionnel.
Dans le cas contraire, la personne sera pleine d’énergie. En conséquence à
l’épuisement émotionnel et physique, des comportements de dépersonnalisation
commenceront à apparaître envers la clientèle, les collègues et la direction de
l’entreprise. Dans le cas contraire, la personne démontrera un bon niveau
d’engagement pour l’entreprise. Finalement, après un certain temps, l’épuisement
Épuisement émotionnel et physique
Énergie
Dépersonnalisation Engagement
Réduction du sentiment d’efficacité personnelle
Sentiment d’efficacité personnelle
Stresseurs
51
émotionnel et la dépersonnalisation entraîneront une réduction du sentiment
d’efficacité personnelle. En général, les recherches sur l’épuisement professionnel
ont établi la séquence entre l’épuisement émotionnel et physique et la
dépersonnalisation. Toutefois, le lien avec la réduction du sentiment d’efficacité
personnelle est moins clair; les données actuelles soutiennent le développement
simultané de la troisième dimension plutôt que sous forme de séquence (Maslach et
al., 2001). Les conclusions des travaux de Lee et Ashforth (1996) vont aussi en ce
sens. Leurs résultats démontrent que la réduction du sentiment d’efficacité
personnelle se développe très indépendamment de l’épuisement émotionnel et de la
dépersonnalisation.
Cette conceptualisation de l’épuisement professionnel fut tout de même l’inspiration
majeure dans la construction du Maslach Burnout Inventory : Human Services
Survey (MBI-HSS) et du Maslach Burnout Inventory : Educators Survey (MBI-ES).
Étant donné la croyance de départ voulant que l’épuisement professionnel soit relié
aux professions aidantes, les outils étaient orientés en ce sens (Maslach, 2001).
Toutefois, depuis que certaines recherches ont démontré que l’épuisement
professionnel n’était pas uniquement relié aux professions aidantes, le Maslach
Burnout Inventory : General Survey (MBI-GS) fut également créé. Il est adapté pour
être utilisé dans l’ensemble des professions. La structure des trois composantes est
similaire à la version originale (Schaufeli, 2003). Il existe également une version
française du premier inventaire qui fut traduit et validé au Québec (Dion et Tessier,
1994).
Conception de Leiter
Toujours selon l’approche relationnelle et basée principalement sur les travaux de
Maslach, la conception de l’épuisement professionnel de Leiter rassemble différents
concepts. Sa conception intègre de nouveaux éléments découverts par la recherche
notamment la distinction entre les demandes qualitatives et quantitatives et leur
52
influence sur les composantes de l’épuisement professionnel. Voici une
représentation graphique de sa conception :
Figure 4
Conception de l’épuisement professionnel selon Leiter
Source : Schaufeli et Enzmann, 1998 p. 118
Selon cette conception, les demandes interpersonnelles (ex. : conflits avec un
collègue) et les demandes sur la charge de travail (ex. : temps supplémentaire) ont
un impact sur l’épuisement émotionnel et physique. Le fait de manquer de
ressources pour faire face aux demandes aurait plutôt un impact sur la
dépersonnalisation et sur la réduction du sentiment d’efficacité personnelle. Les
conclusions de Lee et Ashforth (1996) sont venues confirmer cette
conceptualisation. Leur méta-analyse confirme deux choses en particulier. La
première est que les individus sont plus sensibles aux demandes imposées qu’aux
ressources obtenues pour faire face à ces demandes (Ibid.). La deuxième est que les
associations entre les demandes et les ressources et les trois dimensions sont
concordantes avec les explications de l’épuisement professionnel (Ibid.)
Demandes interpersonnelles (qualitatives)
Demandes sur charge de travail (quantitatives)
Épuisement émotionnel et physique
Dépersonnalisation
Réduction du sentiment d’efficacité personnelle
Manque de ressources
53
Modèle organisationnel de Maslach et Leiter
Toujours suivant l’idée que l’épuisement professionnel résulte de l’interaction entre
les individus et leur environnement de travail, les recherches ont conduit Maslach et
Leiter à vouloir identifier, plus en profondeur, les facteurs organisationnels qui en
seraient responsables. Les conclusions des recherches ont permis l’identification de
ces six facteurs organisationnels :
Tableau 5
Facteurs organisationnels en cause dans le développement de l’épuisement
professionnel
Facteurs organisationnels Explications
Charge de travail Fait référence à la quantité élevée de travail
exigée par l’entreprise.
Peu de contrôle sur son travail Fait référence { l’incapacité de modifier les
conditions de travail.
Manque de reconnaissance Fait référence au manque d’appréciation pour
le travail effectué.
Sentiment d’iniquité Fait référence aux injustices vécues en milieu
de travail.
Faible soutien social Fait référence aux conflits relationnels non
résolus en milieu de travail.
Conflits de valeurs Fait référence { l’incompatibilité des valeurs
de l’entreprise et de l’individu.
Source : Maslach (2008)
La charge de travail, lorsqu’elle excède les limites personnelles d’un individu,
contribue { l’épuisement physique et émotionnel. Une augmentation de la charge de
travail quantitative autant que qualitative diminue la capacité d’une personne pour
y faire face. Lorsque la charge de travail est trop élevée, qu’elle devient une
54
condition chronique en entreprise et que les occasions de repos et de récupération
se font plus rares, les ressources d’un individu finiront par se consumer
tranquillement pour entraîner éventuellement une fatigue extrême.
Le peu de contrôle sur son travail, aussi appelé le manque d’autonomie, contribue
également { l’épuisement professionnel. Avoir l’occasion et un certain pouvoir
d’organiser son travail permet { un individu, en entreprise, de trouver un meilleur
équilibre personnel, et ce, spécifiquement lorsque des situations stressantes
surgissent. Dans le cas contraire, l’incapacité de modifier certaines conditions de
travail, d’avoir accès { des ressources ou tout simplement de ne pas avoir l’autorité
suffisante pour prendre des décisions rendent la personne impuissante et
vulnérable aux événements. C’est le cas notamment lorsque les pouvoirs
décisionnels sont confus dans l’entreprise, ce qui donne lieu à des conflits de rôle.
Le manque de reconnaissance en milieu de travail est aussi lié { l’épuisement
professionnel. Le fait de ne pas se sentir reconnu (financièrement, socialement et
institutionnellement) contribue particulièrement à la réduction du sentiment
d’efficacité personnelle. Au contraire, une personne qui reçoit suffisamment de
reconnaissance pour le travail qu’elle accomplit ressentira une satisfaction
intrinsèque plus grande, ce qui lui fournit des ressources supplémentaires pour
faire face à des périodes de stress importantes.
Le sentiment d’iniquité peut aussi être source d’épuisement professionnel.
Lorsqu’une personne perçoit des injustices sur le plan des conditions salariales, des
charges de travail, des privilèges et promotions accordés ou même des évaluations,
elle aura le sentiment de ne pas être respectée et estimée { sa juste valeur. L’équité
est essentielle pour favoriser un sentiment de collégialité entre les individus
travaillant pour une même entreprise. Dans le cas contraire, le sentiment d’iniquité
provoque une colère et une frustration qui mènent { l’épuisement émotionnel et au
cynisme envers les collègues avantagés, la direction et en bout de ligne, envers les
clients dans certains milieux.
55
Le faible soutien social est aussi un facteur { considérer en lien avec l’épuisement
professionnel. Parfois, c’est l’organisation du travail comme telle qui ne favorise pas
les relations. Mais généralement, ce sont des conflits non résolus entre des
personnes qui entraînent de l’épuisement émotionnel. Le soutien social est une
ressource importante pour faire face { des situations stressantes. En l’absence de
soutien social, une personne se sentira isolée et beaucoup plus vulnérable aux effets
psychologiques du stress.
Enfin, le dernier facteur organisationnel qui contribue { l’épuisement professionnel
est le conflit de valeurs. Dans certains milieux, des gens peuvent se sentir contraints
d’effectuer des tâches qui ne sont pas en accord avec leurs valeurs ou leur niveau
d’éthique personnel. Devoir mentir pourrait être un exemple. Le conflit de valeur
peut également émerger d’une différence entre les aspirations professionnelles
d’une personne et la mission de l’entreprise. Une personne qui demeure dans un
environnement dont les valeurs sont différentes des siennes, ressentira de la
frustration, ce qui la rendra plus vulnérable aux effets du stress.
Le modèle de Karasek
Il est important de noter que certains facteurs furent en partie influencés par les
modèles de Karasek et de Siegrist principalement utilisés en gestion des ressources
humaines. Le modèle de Karasek propose une relation directe entre la charge de
travail et le degré de contrôle (autonomie) comme prédicateur de satisfaction au
travail. Une personne dont la charge de travail est élevée et qui possède peu de
contrôle sur son travail est plus à risque de souffrir de pression psychologique et de
problèmes de santé. Contrairement à une personne qui jouit d’une bonne latitude au
travail, une charge de travail élevée engendrera plutôt chez elle une motivation
d’apprentissage et de développement (Theorell et Karasek, 1996).
56
Demandes psychologiques
Faibles Élevées
Co
ntr
ôle
Fai
ble
Éle
vé
Peu de pression
Actif
Passif
Beaucoup de pression
Figure 5
Modèle de Karasek : demandes psychologiques versus contrôle
Source : Theorell et Karasek, 1996, p. 11.
Le modèle de Siegrist
Ce modèle met en relation les efforts fournis au travail et le niveau de
reconnaissance obtenu. Selon sa conception, un débalancement entre les coûts
(temps, énergie, efforts, etc.) et les gains (argent, estime et statut) engendre une
détresse émotionnelle chez les individus (Siegrist, 1996). Les efforts fournis sont
une combinaison des demandes extrinsèques (obligations de faire son travail) et des
implications intrinsèques (besoins d’accomplissement, d’adaptation, etc.). Son
modèle se présente sous la forme suivante :
Figure 6
Modèle de Siegrist : efforts fournis versus la reconnaissance
Source : Siegrist, 1996, p. 30.
Beaucoup d’efforts Peu de reconnaissance Argent Estime Statut
Extrinsèques Intrinsèques
57
Les modèles de Karasek et de Siegrist font toutefois l’objet de certaines critiques.
Premièrement, malgré leur simplicité, ils ne tiennent compte que de quelques
facteurs. Les plus récentes recherches, notamment celles de Maslach, ont démontré
qu’il y avait d’autres facteurs pouvant provoquer du stress en milieu de travail.
Deuxièmement, comme le mentionne Bakker et Demerouti (2006), ils ne sont pas
adaptés pour tous les types d’emploi et d’entreprise. Dans certains milieux, des
facteurs comme l’iniquité ou le manque de soutien social seront plus importants à
considérer. Ainsi, dans le but de développer une approche conceptuelle plus
intégrative, ces derniers ont également développé leur propre modèle.
Le modèle de Bakker et Demerouti
Ce modèle intègre différentes approches conceptuelles. Il inclut notamment le
concept de demandes et de ressources en milieu de travail. Il fait également un lien
entre les six facteurs organisationnels de Maslach et Leiter présentés
précédemment et leur catégorisation en tant que demandes ou ressources. Il inclut
aussi le modèle de l’approche relationnelle de Maslach. Ainsi, en combinant tous ces
éléments, cela donne le modèle suivant :
58
BURNOUT
Figure 7
Conception de l’épuisement professionnel selon Bakker et Demerouti
Source : Bakker et al., 2003, p. 19
Plus précisément, la charge de travail élevée, les sentiments d’iniquité et les conflits
de valeurs sont notamment des demandes en emploi qui ont un impact sur les plans
mental, émotionnel et physique. Le soutien social, l’autonomie et la reconnaissance
sont quant à eux présentés davantage comme des ressources pour faire face aux
stress en milieu de travail. Ces facteurs viennent ensuite influencer la dynamique
entre les demandes et les ressources disponibles. Si les demandes sont trop élevées
mais que les ressources sont suffisantes, c’est l’épuisement physique et émotionnel
qui sera influencé. Si les ressources sont insuffisantes pour faire face aux demandes,
des attitudes cyniques et une réduction du sentiment d’efficacité personnel
apparaîtront.
En conclusion, chacune des approches interactionnelles et organisationnelles
présentées procurent un éclairage sur les différents facteurs et processus qui
Mental
Émotionnel
Physique
Etc.
Soutien
Autonomie
Reconnaissance
Etc.
Demandes
Ressources
Épuisement
Dépersonnalisation
Réduction du sentiment d’efficacité personnel
59
contribuent à l’épuisement professionnel. Essentiellement, l’objectif est d’examiner
attentivement le contexte de travail d’une personne pour mieux comprendre les
raisons qui ont contribué au développement de l’épuisement professionnel
(Maslach, 2001).
2.4 Une variété d’interventions
Les interventions en matière d’épuisement professionnel peuvent aussi être
regroupées selon les trois grandes catégories d’approches conceptuelles :
individuelles, interactionnelles et organisationnelles. Intervenir au plan individuel
signifie que l’attention sera portée sur les stratégies individuelles qu’un conseiller
d’orientation et son client conviennent d’utiliser, et ce, indépendamment du
contexte (Schaufeli et Enzmann, 1998). Par exemple, un client pourrait choisir de
démarrer un programme d’exercices physiques pour réduire les effets du stress ou
se renseigner davantage en achetant quelques livres pertinents. Ainsi, en modifiant
certaines cognitions et quelques comportements personnels qui augmentent ses
résistances, la personne se donne des moyens pour être moins vulnérable aux effets
psychologiques négatifs qu’occasionne le stress en milieu de travail (Ibid.). De plus,
ces stratégies peuvent être initiées en dehors du contexte du travail et dans un
cadre de counseling individuel entre le conseiller d’orientation et son client.
Contrairement aux stratégies individuelles, les stratégies d’intervention au plan
interactionnel vont tenir compte du contexte, car elles sont orientées vers
l’interaction entre les individus et leur environnement de travail. Ce sont des
stratégies qu’une personne peut entreprendre pour favoriser une meilleure
interaction au plan des relations et de l’organisation du travail en général. Par
exemple, la gestion du temps en milieu de travail est une stratégie possible pour
réduire la charge de travail psychologique, un des facteurs qui mènent à
l’épuisement professionnel. Encore une fois, ce sont des stratégies qui peuvent être
développées en contexte de counseling individuel entre le conseiller d’orientation et
son client, mais adaptées pour la réalisation en milieu de travail. Enfin, les stratégies
60
d’intervention au plan organisationnel sont celles que les entreprises seules ont le
pouvoir d’entreprendre. Parfois ces stratégies émanent de leur propre initiative,
parfois elles engageront des consultants organisationnels pour s’en occuper plus
particulièrement. Le conseiller d’orientation pourrait agir { titre de consultant pour
aider { mettre en place des stratégies d’intervention adaptées afin de réduire les
effets psychologiques négatifs et l’épuisement professionnel. Contrairement aux
deux autres, ce sont des stratégies qui ne peuvent pas être développées en contexte
de counseling individuel. Le client dans ce cas-ci, c’est l’entreprise.
En plus des approches d’intervention (individuelles, interactionnelles et
organisationnelles), il est possible de distinguer deux grandes stratégies
d’intervention, soit les stratégies de prévention et les stratégies de traitement. Et
comme le mentionnent Schaufeli et Enzmann (1998), « […] il existe une distinction
relativement claire entre prévenir parmi ceux qui sont à risque et traiter ceux qui
sont déjà en épuisement professionnel. Typiquement, les premiers sont au travail
tandis que les autres sont en congé de maladie et souffrent d’un épuisement
professionnel sévère6 » (p. 144).
Le tableau suivant fait d’ailleurs le lien entre les catégories d’approches et les
stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel :
6 Traduction libre
61
Tableau 6
Stratégies d’intervention en matière d’épuisement professionnel en fonction des
différentes catégories d’approches
Stratégies d’intervention
Catégories
d’approches
Prévention
Traitement
Individuelles Auto-évaluation Utilisation de matériels
didactiques Promotion d’une vie saine Relaxation Équilibre entre le travail et
la vie privée Planification de carrière
Pharmacothérapie Traitements
complémentaires Réorientation de carrière
Interactionnelles Auto-observation en situation de travail
Gestion du temps Entraînement des habiletés
sociales Intervention cognitive et
comportementale
Psychothérapies cognitives et comportementales
Autres psychothérapies et processus de traitement
Approches organisationnelles
Soutien individuel et de groupe
Mentorat Utilisation de sondages et
tests Planification de carrière des
employés Vérification psychosociale Amélioration de la nature du
travail Amélioration de
l’environnement physique Gestion du
temps/ressources Embauche et formation de
gestionnaires efficaces Socialisation anticipatoire Programmes de bien-être
Programme d’aide aux employés (PAE)
Procédures de retour au travail et réhabilitation
Transferts/réaffectations
62
Les stratégies préventives seront abordées en premier pour ensuite terminer avec
les stratégies de traitement qui, il est important de le préciser, seront tous abordées
en fonction de chacune des approches individuelles, interactionnelles et
organisationnelles.
2.4.1 Les interventions de prévention
Ce sont des stratégies qui sont adaptées pour des personnes qui concrètement, sont
encore présentes dans leur milieu de travail. Opter pour ces stratégies se veut une
façon de réduire ou d’éviter les effets négatifs du stress ainsi que l’épuisement
professionnel dans son ensemble. Au plan individuel, on retrouve l’auto-évaluation,
l’utilisation de matériels didactiques, la promotion d’une vie saine, la relaxation,
l’équilibre entre la vie privée et le travail ainsi que la planification de carrière. Au
plan interactionnel, on retrouve l’auto-observation, la gestion du temps,
l’entraînement des habiletés interpersonnelles et l’intervention cognitive-
comportementale. Enfin, au plan organisationnel, on retrouve le soutien individuel
et de groupe, le mentorat, l’utilisation de sondages et de tests, la planification de
carrière en entreprise, la vérification psychosociale, l’amélioration de la nature du
travail et de l’environnement physique, la gestion du temps, l’embauche et la
formation de gestionnaires efficaces, la socialisation anticipatoire et finalement, les
programmes de bien-être.
Les stratégies de prévention individuelles
L’auto-évaluation est un des moyens pour prévenir l’épuisement professionnel.
L’utilisation d’un test comme le Maslach Burnout Inventory (MBI) par exemple, peut
permettre à des individus de vérifier dans quelle mesure ils peuvent souffrir
d’épuisement professionnel. Ces outils peuvent également permettre { une
personne de se comparer avec d’autres groupes d’individus comparables. L’idée
derrière cette méthode repose sur la prise de conscience et la croyance que la
connaissance de soi favorise la prévention.
63
La gestion du stress par l’utilisation de matériels didactiques est aussi une méthode
de prévention de l’épuisement professionnel. Les livres, les journaux, les articles de
magazines, les dépliants, les émissions de télévision, les films, les lectures, et plus
récemment, les sites Internet peuvent tous servir (Schaufeli et Enzmann, 1998). Le
fait pour une personne d’être plus informée sur le stress, sur ses causes et ses
conséquences augmente sa vigilance et sa capacité de prendre soin d’elle-même.
La promotion d’une vie saine est aussi reconnue comme un bon moyen de réduire
les effets du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998). L’expression « un esprit sain dans
un corps sain » reflète bien l’idée de base de cette méthode. Un style de vie sain
inclut des exercices physiques réguliers, une nutrition convenable, un contrôle de
poids santé, ne pas fumer, avoir suffisamment de sommeil et prévoir des périodes
de repos pour se détendre et recharger les énergies pendant les journées de travail
et après ces dernières (Ibid.). Plus particulièrement au plan de l’alimentation,
Chicoine (2008) mentionne que « la littérature cible de nombreux minéraux ainsi
que des vitamines pouvant avoir un effet sur les symptômes dépressifs, mais [que]
les preuves scientifiques manquent » (p. 68). Pour ce qui est de l’exercice physique,
une étude récente effectuée au Danemark conclut que les employés qui sont actifs
physiquement perçoivent moins de stress et plus d’énergie que les employés qui ne
le sont pas (Hansen et al., 2010). Les conclusions de l’étude effectuée par Rook et
Zijlstra vont aussi en ce sens. Ainsi, plus le temps investi à faire une activité
physique est grand, plus la récupération sera efficace (Rook et Zijlstra, 2006).
Également, cette même étude démontrait que contrairement aux prédictions et aux
récentes découvertes, les activités qui demandent peu d’efforts et les activités
sociales n’étaient pas nécessairement favorables { la récupération après le travail.
En fait, les activités qui demandent peu d’efforts étaient même associées { une
augmentation de la fatigue émotionnelle. Ainsi, les activités qui demandent peu
d’efforts peuvent être bénéfiques au recouvrement de la fatigue physique, mais les
activités physiques sont beaucoup plus bénéfiques pour surmonter la fatigue
émotionnelle (Ibid.). De plus, les résultats d’une recherche effectuée sur les effets de
l’activité physique démontrent que les exercices physiques produisent une
64
amélioration générale immédiate dans l’humeur des gens, soit une amélioration de
l’humeur positive ou dans l’autre sens, une réduction immédiate de l’humeur
négative (Steinberg et al., 1998).
La relaxation peut également être utile comme technique de prévention. Selon les
résultats obtenus par Higgins (1986), son programme de relaxation comprenant
sept sessions s’avère d’une bonne efficacité dans la réduction des effets du stress.
Fondamentalement, la relaxation comprend quatre techniques spécifiques, soit la
relaxation des muscles, la respiration profonde, la méditation (yoga, imagerie,
autohypnose, etc.) et la rétroaction biologique, qui consiste à visualiser les réactions
biologiques internes (Schaufeli et Enzmann, 1998).
Également, comme le mentionnent Vallerand et al. (2010), un trop grand
déséquilibre entre l’énergie investie au travail et dans la vie privée s’avère néfaste
pour la santé d’une personne. Ainsi, trouver l’équilibre entre le travail et la vie
privée est un autre moyen préventif pour réduire les effets de l’épuisement et du
stress. Les gens qui travaillent dans des environnements stressants ont besoin de
décompresser pour être ensuite capables de s’adapter aux stress normaux de la vie
privée. La décompression peut se faire par plusieurs moyens, par exemple : lire un
livre, faire du jardinage, rêvasser, prendre une marche ou se reposer tout
simplement. De plus, la décompression est souvent une activité qui fait contraste à
la routine au travail (Maslach, 1982). Par exemple, une personne qui travaille
majoritairement au plan intellectuel bénéficiera davantage des effets positifs d’un
exercice physique pour décompresser. En bout de ligne, l’idée derrière ces différents
moyens de déconnexion psychologique du milieu de travail est la conservation des
énergies pour la vie privée (Schaufeli et Enzmann, 1998).
La planification de carrière constitue également un moyen préventif individuel pour
éviter le sentiment d’être emprisonné dans une carrière et d’accepter des conditions
impossibles qui entraînent l’épuisement professionnel. Elle vise principalement
deux objectifs : la connaissance de soi (forces, faiblesses, intérêts, habiletés, bilan de
65
compétences, etc.) et l’analyse des occasions sur le marché du travail (Schaufeli et
Enzmann, 1998). Elle se veut une stratégie pour préparer des plans de rechange
advenant des changements majeurs (réduction des effectifs, changement
d’orientation, etc.) qui entraîneraient des augmentations importantes du stress vécu
en milieu de travail. Elle se veut aussi une stratégie pour quitter un milieu de travail
dont les conditions sont nocives pour la personne.
Les stratégies de prévention interactionnelles
L’auto-observation est un des moyens utilisés pour mieux comprendre les situations
stressantes en milieu de travail qui provoquent des réactions chez la personne. Elle
consiste à noter, pendant la journée, les événements provoquant du stress et à
identifier les symptômes ressentis, les pensées, les émotions et les comportements
que cela a provoqués. L’idée derrière cette méthode est que la compréhension de soi
débute par l’observation de soi. L’auto-observation peut servir de point de départ à
des démarches subséquentes (Schaufeli et Enzmann, 1998).
Les employés à risque d’épuisement professionnel ressentent souvent une forte
pression associée au manque de temps pour effectuer le travail demandé, ce qui
peut parfois dépasser la capacité de l’individu d’y répondre. Les techniques de
gestion du temps peuvent aussi être un moyen de prévention permettant à un
individu de travailler plus efficacement pour se donner du temps de relaxation au
travail. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), un entraînement en gestion du temps
devrait considérer la clarification des tâches et des responsabilités associées à
l’emploi, la priorisation de celles-ci en fonction des demandes de l’entreprise et des
aspirations professionnelles de la personne et enfin, l’identification des capteurs de
temps comme les réunions, les relations interpersonnelles, les appels téléphoniques,
etc. La personne est encouragée { réduire l’impact des capteurs de temps.
L’entraînement des habiletés sociales peut également être un moyen de prévention
de l’épuisement professionnel. Lorsque les individus ont de mauvaises relations en
66
milieu de travail, cela augmente la charge de travail qualitative et réduit
considérablement la possibilité d’obtenir du soutien social pour mieux s’adapter
(Schaufeli et Enzmann, 1998). En aidant les gens à développer leurs habiletés
interpersonnelles, ils seront mieux outillés pour faire face à des situations
potentiellement stressantes, comme devoir briser la glace, devoir s’affirmer face {
un collègue ou un supérieur ou même s’adapter aux gens selon leur personnalité,
leur culture, leurs valeurs ou leurs attitudes. Parmi les habiletés sociales, Maslach
(1982) mentionne que l’humour est une technique d’adaptation qui s’avère
intéressante lorsque bien utilisée.
Finalement, les techniques cognitives-comportementales peuvent également être un
moyen de prévention de l’épuisement professionnel. Selon cette philosophie
d’intervention, les réponses émotives ne sont pas provoquées par les situations,
mais plutôt par la conception cognitive des situations selon chaque personne
(Schaufeli et Enzmann, 1998). L’évaluation cognitive est une technique utilisée pour
enseigner aux individus à mieux analyser la gravité des stresseurs et à remettre les
choses en perspective selon le contexte (Ibid.). Cette technique aide à prévenir un
débordement des cognitions, des émotions et des comportements qui pourraient
aggraver encore plus la situation. L’anticipation de scénarios est une autre
technique cognitive-comportementale pouvant être appliquée. Elle consiste à aider
les individus à anticiper les stress avant même leur apparition. Cette technique est
souvent accompagnée d’un exercice de visualisation (Ibid.). En conclusion, ces deux
techniques sont des exemples d’exercices possibles pouvant être effectués avec les
clients pour améliorer leur façon d’interagir avec leur environnement de travail
dans une optique de prévention.
Les stratégies de prévention organisationnelle
Le soutien individuel et les groupes de soutien en milieu de travail peuvent être de
bons moyens pour prévenir l’épuisement professionnel. Selon Schaufeli et Enzmann
(1998), les réunions d’équipe, lorsque bien organisées, peuvent être un moment
67
pour donner et recevoir du soutien des autres collègues. Les groupes de soutien
devraient engendrer cinq fonctions, soit la reconnaissance des autres, le confort,
l’aide, les prises de conscience et la camaraderie (Ibid.). Une étude récente effectuée
par Peterson (2008) auprès de travailleurs dans le milieu de la santé, démontre que
les groupes du soutien utilisant une méthode basée sur la résolution de problèmes
s’avèrent efficaces dans la réduction du stress et des symptômes d’épuisement
professionnel. Pour être plus précis, les groupes de soutien ont procuré aux
participants la possibilité d’échanger avec les autres sur des situations similaires, de
nouvelles connaissances, un plus grand sentiment d’appartenance, une
augmentation de la confiance en soi, une meilleure structure de travail, un
soulagement des symptômes et des changements comportementaux (Ibid.)
Le mentorat peut aussi être un moyen de prévention utilisé pour tenter de réduire
les effets du stress chez les employés. À la différence du soutien individuel, le
mentorat implique la participation d’un employé plus expérimenté qui possède une
expertise dans un domaine précis et qui offre du soutien à une personne moins
expérimentée (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les rencontres de mentorat sont
orientées davantage vers la résolution de problèmes reliés aux tâches plutôt que
vers les problèmes interpersonnels (Ibid.). La force du mentorat est qu’il permet de
réduire le stress relié aux charges de travail et de prévenir les conflits de rôles
(Ibid.). Une étude de Biswas-Diener (2009), basée sur des expériences personnelles
de mentorat auprès de psychothérapeutes, conclut que le mentorat peut aider à
protéger les cliniciens de l’épuisement professionnel. Il observe que les séances de
mentorat ont notamment contribué à remettre l’accent sur les forces des clients et
sur la motivation à progresser en tant que professionnels. Toutefois, comme le
mentionne Biswas-Diener (2009), les recherches dans ce domaine sont relativement
récentes; des preuves empiriques restent encore à confirmer.
L’utilisation de sondages et de tests est aussi un moyen préventif pour évaluer les
effets du stress en milieu de travail. C’est une façon pour les entreprises d’obtenir
des informations sur le climat de travail, le niveau de stress, les attitudes, les
68
réactions et les opinions des employés. Ces informations influenceront à leur tour le
développement de stratégies pour améliorer le bien-être des employés et l’efficacité
organisationnelle en général (Schaufeli et Enzmann, 1998). Les travaux de
recherche d’Amherdt (2005), au Québec, ont contribué au développement d’un outil
(Bilan InterQualia) qui répond { l’objectif de mesurer la santé émotionnelle des
employés dans l’entreprise. Il existe toutefois plusieurs autres outils développés par
différentes équipes de travail œuvrant dans ce domaine.
La planification de carrière en entreprise est un moyen de prévention pour lequel
certaines organisations optent afin de s’assurer que les employés demeurent en
bonne santé émotionnelle et physique. Cette initiative de prévention des entreprises
a pour but de stimuler la planification stratégique des employés pour qu’ils réalisent
leurs projets de carrière au sein même de l’entreprise et par-dessus tout, qu’ils
maintiennent un équilibre de vie et une satisfaction au travail pour éviter les
conséquences de l’épuisement professionnel. En d’autres mots, c’est une façon de
soutenir les employés dans leur projet de carrière en leur permettant de découvrir
et d’analyser les différentes occasions de développement ou rôles disponibles au
sein de l’entreprise (Schaufeli et Enzmann, 1998). Certaines entreprises offriront
des possibilités de formation à leurs employés pour leur permettre d’accéder { de
nouveaux postes, tandis que d’autres instaureront un système de promotion interne.
La vérification psychosociale est un moyen de prévention qui fut également
proposé. Tout comme les gens font une vérification de leur santé physique chez le
médecin, Maslach (1982) propose que les entreprises fournissent l’occasion aux
employés de rencontrer un professionnel pour vérifier leur santé psychologique
suivant un intervalle d’environ six mois. Parmi les employés qui présentent des
symptômes d’épuisement professionnel, certains pourront être référés pour des
traitements et d’autres pourront participer { des ateliers de prévention dans le but
d’éviter que les conséquences prennent une trop grande ampleur.
69
L’amélioration de la nature du travail est également un moyen pour réduire le stress
en milieu de travail. Elle consiste à réagencer le travail lui-même pour le rendre plus
agréable et moins stressant. Ces changements peuvent notamment se faire en
ajoutant ou en divisant les tâches, en ajoutant des ressources (employés, formations,
etc.), en réduisant les responsabilités, en effectuant des rotations ou même en
modifiant la façon de faire les tâches (Schaufeli et Enzmann, 1998).
L’amélioration de l’environnement physique vise aussi { empêcher l’aggravation des
symptômes de l’épuisement professionnel (Schaufeli et Enzmann, 1998). Un bureau
sans fenêtre, un manque de luminosité, une mauvaise aération des lieux, des
équipements désuets, peuvent tous être des éléments contribuant à l’aggravation
des maux de tête, de l’irritabilité ou de la mauvaise humeur par exemple.
La gestion du temps peut aussi être un moyen utilisé par les entreprises pour
prévenir l’épuisement professionnel chez ses employés (Maslach, 1982). Les
entreprises possèdent le pouvoir de réorganiser la planification du temps de travail
des employés. Des moyens comme les congés sabbatiques, les journées de repos
libres, la réduction du nombre d’heures de travail, l’augmentation des pauses et le
travail à temps partiel peuvent tous faire partie d’une stratégie organisationnelle de
réduction du stress et de prévention de l’épuisement professionnel. Son objectif est
la réduction de la charge de travail physique et émotionnelle.
L’embauche et le perfectionnement de gestionnaires efficaces s’avèrent avoir une
influence considérable dans le développement d’un environnement de travail sain et
moins stressant. Selon Quick (2007), les gestionnaires efficaces ont une influence
positive sur la santé des employés. Tous ces gens sont en interrelations en milieu de
travail. Plusieurs recherches ont été effectuées pour mieux comprendre les styles de
gestion, les types de leadership, les caractéristiques des gestionnaires efficaces dans
le but d’améliorer la santé des employés et la santé organisationnelle de l’entreprise
dans sa globalité. Selon Schaufeli et Enzmann (1998), un gestionnaire qui démontre
une grande ouverture d’esprit, une pensée systémique, de la créativité, une efficacité
70
personnelle et une empathie envers ses employés peut lui-même prévenir
l’épuisement professionnel de ceux-ci. Le développement de programmes pour
l’amélioration des compétences des gestionnaires est de plus en plus fréquent sur le
marché du travail.
La socialisation anticipatoire, selon Schaufeli et Enzmann (1998), serait un autre
moyen de prévention possible pour les entreprises. Ce moyen préventif consiste à
présenter aux futurs employés potentiels une image réaliste de l’environnement de
travail pendant les procédures de recrutement (Ibid.). Cette façon de fonctionner a
pour but d’éviter d’engager des employés qui seront malheureux et qui seront plus
susceptibles de souffrir d’épuisement professionnel une fois { l’intérieur de
l’entreprise.
L’instauration de programmes de bien-être pour les employés est aussi utilisée par
certaines entreprises dans un but de renforcement contre les effets du stress et de
l’épuisement professionnel. Certaines entreprises optent pour des abonnements à
des centres de conditionnement physique offerts aux employés. D’autres vont tout
simplement aménager, directement sur les lieux du travail, un endroit qui contient
l’équipement nécessaire pour le conditionnement physique, la relaxation et autres.
Les programmes de bien-être ciblent habituellement un contrôle de la pression
sanguine, l’arrêt de fumer, la perte de poids, l’augmentation de la forme physique, la
réduction des maux de dos, l’éducation { la santé, la réduction de la consommation
d’alcool et la gestion du stress (Schaufeli et Enzmann, 1998).
En conclusion, toutes ces stratégies de prévention organisationnelle peuvent être
utilisées. Elles peuvent également faire partie d’une stratégie d’ensemble intégrée
dans un programme organisationnel qui inclurait plusieurs de ces moyens de
prévention.
71
2.4.2 Les interventions de traitement
Lorsque qu’un professionnel rencontre une personne souffrant d’épuisement
professionnel sévère qui nécessite un arrêt de travail pour une longue période de
temps, les stratégies préventives ne seront plus suffisantes. Pour Van Schaik et al.
(2004), il existe essentiellement deux options de traitement de premiers soins en
matière de dépression majeure et d’épuisement professionnel, qui ont prouvé
chacune une efficacité comparable, soit les psychothérapies et la pharmacothérapie.
Toutefois, des études récentes en matière d’efficacité de traitement démontraient
que la combinaison de la psychothérapie et de la pharmacothérapie s’avère plus
efficace (Cuijpers et al., 2009; Scott, 2001). Dans la pratique, les personnes atteintes
de dépression et d’épuisement professionnel préfèrent généralement la
psychothérapie, alors que les médecins favorisent plutôt les antidépresseurs (Van
Schaik et al., 2004). Le traitement par les antidépresseurs est celui le plus offert
parce que la psychothérapie est souvent moins accessible (Ibid.). Comme le
mentionnent Houle et al. (2009), « les psychothérapies n’étant pas couvertes par
l’assurance maladie, il est important de vérifier avec le patient sa capacité à en payer
les coûts. Bien que les hôpitaux et les CLSC offrent gratuitement les services de
psychologues, les listes d’attente en entravent souvent l’accessibilité » (p. 29).
Toutefois, les employés qui détiennent une assurance privée peuvent bénéficier
d’un remboursement partiel ou en totalité dans certains cas, dépendamment du
régime d’assurance.
Les sections suivantes seront encore une fois divisées en trois catégories, soit les
stratégies de traitement individuel, interactionnel et organisationnel. La première
catégorie (individuelle) concerne toutes les stratégies qui ne nécessitent pas de se
pencher spécifiquement sur les conditions du milieu de travail, notamment la
pharmacothérapie et les traitements complémentaires comme les produits naturels,
l’alimentation, l’exercice physique, etc. La deuxième catégorie, quant à elle, tient
compte de l’individu dans son contexte de travail et regroupe les différents types de
psychothérapies. Le positionnement des psychothérapies dans les stratégies de
72
traitement interactionnel vient du fait que selon Lowman (1993), pour traiter
l’épuisement professionnel, les psychothérapies doivent être ajustées en fonction
des problèmes du contexte du travail. Enfin, la dernière catégorie
(organisationnelle) fait référence aux stratégies employées par les entreprises elles-
mêmes pour traiter les employés en épuisement professionnel. Seules les stratégies
provenant de la direction même, et dont elle seule a le pouvoir de les entreprendre,
seront incluses dans cette catégorie.
Les stratégies de traitement individuel
La pharmacothérapie, plus particulièrement la prescription d’antidépresseurs, est
un moyen de traitement qui a prouvé son efficacité dans le traitement de la
dépression légère, modérée ou grave (Houle et al., 2009). L’avantage lié { cette
forme de traitement est que les coûts sont remboursés totalement ou partiellement
par des assurances privées ou gouvernementales, contrairement aux
psychothérapies qui nécessitent majoritairement des assurances privées (Ibid.). Le
traitement pharmacothérapeutique peut durer entre 6 et 9 mois et nécessite un
suivi médical régulier pour s’assurer que le traitement entraîne des résultats
satisfaisants et peu d’effets secondaires comme les vertiges, les maux de tête,
l’insomnie, les nausées et le gain de poids (Ibid.). Il existe deux générations
d’antidépresseurs, mais comme le précisent Qaseem et al. (2008), la deuxième
génération d’antidépresseurs est plus souvent utilisée parce qu’ayant une efficacité
similaire et contenant moins de toxicité. Également, le choix d’un antidépresseur en
particulier dépend seulement des effets secondaires parce que les études
démontrent que leur efficacité dans le cas de dépressions sévères est comparable
(Ibid.). Ainsi les médicaments comme le Zyban (bupropion), le Seropram
(citalopram), le Cymbalta (duloxetine), le Seroplex (escitalopram), le Prozac
(fluoxétine), le Floxyfral (fluvoxamine), le Norset (mirtazapine), le Nefazodone
(serzone), Deroxat/Seroxat/Paxil (paroxetine), Zoloft (sertraline), Desyrel
(trazadone) et Effexor (venlafaxine) peuvent tous être prescrits par le médecin dans
le traitement d’une dépression ou d’un épuisement professionnel sévère. Chicoine
73
(2008) apporte toutefois une précision quant { l’utilisation des antidépresseurs :
« Évidemment les psychotropes demeurent utiles dans le traitement de l’anxiété et
de la dépression. Cependant, en ne faisant reposer notre intervention que sur ces
agents, nous risquons de nuire au patient, de ne pas venir à bout de ses symptômes
et de lui laisser le message que la réponse à sa souffrance se trouve uniquement
dans sa pilule » (p. 72).
Il existe donc plusieurs autres stratégies de traitements individuels
complémentaires pouvant être utilisées pour le traitement de l’épuisement
professionnel. Chicoine (2008) précise : « […] pour éviter une augmentation du
nombre de médicaments ou pour venir à bout de certains effets indésirables,
plusieurs approches complémentaires se révèlent être des options efficaces et dont
les bienfaits sont durables » (p. 67). Les stratégies complémentaires sont :
l’alimentation, l’exercice physique, les habitudes de sommeil, l’utilisation de
matériels didactiques, la relaxation, la luminothérapie et l’utilisation de produits
naturels (Ibid.). Comme mentionné précédemment, plusieurs de ces stratégies
peuvent aussi être utilisées de façon préventive. Dans l’optique d’un traitement,
elles sont utilisées en complément lorsqu’une personne est déj{ en épuisement
professionnel et qu’elle tente de reprendre des forces tranquillement. Concernant
plus particulièrement la luminothérapie, Golden et al. (2005) ont effectué une méta-
analyse de 173 études sur le sujet, dont 20 seulement rencontraient les bons
critères d’inclusion. Ils en arrivent tout de même à la conclusion que la
luminothérapie contribue à la réduction de la sévérité des symptômes de la
dépression (Ibid.). Pour ce qui est de l’utilisation des produits naturels, « […] ils sont
plus « doux », donc en général mieux tolérés, mais moins puissants, bien qu’on
puisse en augmenter l’efficacité en recherchant les produits contenant des extraits
normalisés (extrait actif du produit) » (Chicoine, 2008, p. 69). Selon Houle et al.
(2009), le millepertuis est un produit naturel qui peut s’avérer une option
intéressante : « En effet, il est d’une efficacité comparable aux antidépresseurs, tout
en ayant moins d’effets indésirables » (p. 30). Par contre, malgré le fait que les
produits naturels entraînent moins d’effets indésirables, le manque de contrôle de la
74
qualité de ces produits demeure un de ses principaux désavantages (Chicoine,
2008).
Enfin, la réorientation de carrière peut également s’avérer une stratégie de
traitement individuel de l’épuisement professionnel. Toutefois, comme le mentionne
Maslach (1982), changer d’emploi peut être coûteux financièrement et
psychologiquement; la décision doit donc être prise consciencieusement en évaluant
bien les raisons qui motivent le changement. Si le changement est superficiel, le
risque de retrouver le même genre de situation de travail et de reproduire les
mêmes comportements est toujours présent, ce qui ne réduit pas les chances de
revivre de l’épuisement professionnel (Ibid.).
Les stratégies de traitement interactionnel
Il existe plusieurs types d’interventions psychologiques pouvant être utilisées
autant dans le traitement de l’épuisement professionnel que de la dépression.
Évidemment, le regard présenté ici demeure encore une fois non exhaustif si l’on
prend en compte toutes les formes de traitement qui pourraient exister. Au départ,
il est reconnu que les thérapies cognitives-comportementales s’avèrent des
traitements efficaces pour les personnes en dépression ou souffrant d’un trouble de
l’anxiété (Scott, 2001). Il est également considéré que l’efficacité de ces traitements
est applicable au traitement de l’épuisement professionnel et du stress lié au travail
(Blonk et al., 2006). De plus, une méta-analyse effectuée par Van der Klink (2001)
démontre que les approches cognitives et comportementales sont plus efficaces sur
le plan de l’intervention sur le stress comparativement aux techniques de relaxation,
aux approches multimodales et aux interventions organisationnelles. Parmi les
thérapies cognitives et comportementales qui seront détaillées, il y a la thérapie
cognitive de Beck, la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis et le programme
néerlandais de traitement de l’épuisement professionnel.
75
La thérapie cognitive de Beck est une approche utilisée en matière de traitement de
la dépression et de l’épuisement professionnel. Selon Chambless et al. (1998), la
thérapie cognitive est un traitement validé empiriquement qui répond aux critères
d’efficacité particulièrement dans le traitement de la dépression. Cette thérapie,
développée dans les années 1960 par Aaron T. Beck, repose sur dix principes (Beck,
1995) : est basée sur une formulation du problème en termes cognitifs; nécessite
une bonne alliance thérapeutique; mise sur la collaboration et la participation
active; est orientée vers l’atteinte d’objectifs et la résolution de problèmes; porte
surtout sur le présent de la personne; privilégie un cadre d’intervention éducatif
comportant des enseignements pour que les clients soient leur propre thérapeute
(prévention); est limitée dans le temps; fonctionne avec des sessions qui sont
structurées; aide les clients à identifier, à évaluer et à réagir à leurs croyances
irrationnelles, tout en nécessitant l’utilisation d’une variété de techniques pour
changer les pensées et les comportements. Plus spécifiquement, elle consiste à
effectuer des modifications de raisonnement chez le client afin de produire une
amélioration des pensées, des émotions et des comportements (Beck, 1995). En lien
avec l’épuisement professionnel, la thérapie cognitive postule que les individus en
sont vulnérables à cause des croyances irrationnelles et dysfonctionnelles qui
résultent des expériences d’apprentissage (Scott, 2001). Le modèle suivant illustre
un exemple de croyance irrationnelle en lien avec l’épuisement professionnel :
76
Figure 8
Modèle conceptuel des croyances irrationnelles de Beck
Source : Beck, 1995, p. 18
L’approfondissement des croyances principales et intermédiaires et des pensées
automatiques permettra au thérapeute et à son client de mieux comprendre les liens
avec les réactions émotives, comportementales et physiologiques. Toujours selon
Beck (1995), une fois que les croyances principales et intermédiaires sont
identifiées, les pensées automatiques deviennent relativement assez prévisibles.
Ainsi, l’évaluation de la validité et de l’utilité des pensées automatiques et
l’apprentissage de nouvelles techniques d’adaptation produisent donc un
changement chez l’individu en général. En terminant, il est important de mentionner
que plusieurs techniques sont employées en lien avec la thérapie cognitive, par
exemple les devoirs entre les sessions, des techniques de questionnement,
l’enseignement, la gradation des émotions ou même des expérimentations pour
tester les croyances, etc.
Croyance principale : Je suis incompétent
Croyance intermédiaire :
J’effectue mon travail trop lentement
Situation : Je suis en retard dans
mes dossiers
Pensée automatique : Je n’arriverai jamais {
terminer à temps
Réaction émotive : Colère
Réaction comportementale : Je travaille deux fois
plus rapidement
Réaction physiologique : Raideurs au cou
77
La thérapie rationnelle-émotive d’Ellis est une autre forme de thérapie cognitive et
comportementale qui peut également servir en matière de traitement de
l’épuisement professionnel. L’étude de Malkinson (1997) auprès de femmes cols
bleus en démontre notamment l’efficacité. Comparativement au groupe témoin, les
femmes qui avaient eu droit aux séances affichaient des niveaux d’épuisement
professionnel plus bas immédiatement après les séances, mais également un an plus
tard (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive, tout comme la thérapie cognitive de
Beck, partage la vision que les pensées et les croyances irrationnelles mènent au
stress. La restructuration des cognitions permettra donc de réduire le stress
(Schaufeli et Enzmann, 1998). Toutefois, pour Ellis (1987), le développement des
difficultés psychologiques n’est pas tant lié { l’impact des événements de la vie sur la
personne, mais plutôt à des tendances biologiques à penser de façon irrationnelle.
Pour prouver son point de vue, il apporte quelques arguments, par exemple : même
les gens les plus brillants et compétents démontrent des irrationalités; plusieurs des
comportements irrationnels vont { l’encontre des apprentissages de nos parents, de
la société, etc.; les psychothérapeutes eux-mêmes, supposément des modèles de
rationalité, agissent de façon irrationnelle dans leur vie privée. Ainsi, selon sa
conception, aucune personne n’est { l’abri de pensées irrationnelles et
dysfonctionnelles. Toutefois, chaque être humain possède une capacité à faire des
choix et à changer ses pensées nocives (Ibid.). La thérapie rationnelle-émotive est
décrite selon une structure A-B-C-D-E (Beck, 2005; Schaufeli et Enzmann, 1998) :
A – Activating : ce sont des événements qui aident ou entravent l’atteinte
d’objectifs personnels. Les individus chercheront { répondre { ces événements
activateurs.
B – Beliefs : les événements activateurs provoqueront donc un effet sur les
croyances de l’individu.
78
C – Consequences : ces croyances entraîneront à leur tour des conséquences
émotionnelles et comportementales chez l’individu. Les croyances sont donc les
médiateurs entre les événements activateurs et les conséquences émotionnelles
et comportementales.
D – Disputing, Debating, Discriminating, Defining : l’utilisation de techniques
permettra de remettre en question les croyances irrationnelles qui ont mené aux
conséquences.
E – Effect : les techniques utilisées auront des effets, à leur tour, sur la philosophie
de la personne, dans le but de favoriser des réflexions plus rationnelles et
constructives.
Pour intervenir sur l’épuisement professionnel, le conseiller mettra l’accent sur les
événements qui ont activé les croyances dysfonctionnelles. Il tentera par la suite,
grâce à certaines techniques cognitives, émotionnelles et comportementales, de
modifier les croyances qui viennent entraver l’atteinte des objectifs de la personne.
Parmi les techniques utilisées, il y a notamment l’utilisation de l’humour, l’imagerie,
les jeux de rôles, la socialisation en groupe, le discours avec soi-même, l’acceptation
inconditionnelle, l’entraînement des habiletés, etc. (Beck, 2005).
Selon l’étude de Jenkins et Palmer (2003), l’approche multimodale de Lazarus,
combinée avec la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis, peut également être une
approche psychothérapeutique qui s’avère efficace dans le traitement des difficultés
liées au stress. L’approche multimodale est basée sur la croyance que peu de ces
problèmes sont causés par un seul facteur à la fois (Ibid.). Ainsi, selon cette
conception, la détresse psychologique doit être abordée de façon
multidimensionnelle.
Voici une représentation visuelle des dimensions à explorer selon cette conception :
79
Étape 1 Étape 5
Étape 2
Étape 4
Figure 9
Modèle révisé de l’approche multimodale du stress de Lazarus
Source : Jenkins et Palmer, 2003, p. 267
L’approche multimodale fournit principalement un cadre d’exploration et de
compréhension de la problématique liée au stress en fonction de plusieurs
dimensions (comportementale, affective, interpersonnelle, biologique, sensorielle,
cognitive et imaginale). Cette approche est considérée comme étant systémique par
sa nature. L’ajout de la thérapie rationnelle et émotive d’Ellis dans le processus
thérapeutique est principalement lié à l’intervention avec les clients. Les différentes
techniques cognitives, émotionnelles et comportementales viennent s’ajouter en
fonction des difficultés identifiées par l’approche multimodale.
Pressions Pressions externes internes
Techniques d’adaptation et ressources
Évaluation et réévaluation cognitives et imaginales
Étape 3
Réponses comportementales
Réponses affectives
Réponses interpersonnelles
Réponses biologiques
Réponses sensorielles
Réponses cognitives
Réponses imaginales
80
Le programme néerlandais de traitement de l’épuisement professionnel est
également basé sur les principes de la thérapie cognitive et comportementale et
repose fortement sur des procédures d’auto-observation et d’auto-évaluation. Le
programme est composé de quatre étapes distinctes : réduction des symptômes;
compréhension de la personnalité; identification des problèmes liés au travail;
anticipation du futur.
La première étape consiste à réduire immédiatement les symptômes ciblés par le
client, notamment l’épuisement émotionnel et physique, l’incapacité de relaxer, les
problèmes de sommeil, l’irritabilité et autres symptômes physiques. Ces symptômes
sont traités grâce à des techniques cognitives et comportementales connues comme
la relaxation ou l’activation graduelle par exemple. La deuxième étape consiste {
bien comprendre la personnalité distincte de la personne en consultation. En
utilisant des techniques comme l’évaluation cognitive ou la thérapie rationnelle-
émotive de Ellis, les clients apprennent à mieux se connaître et à identifier les traits
de personnalité qui peuvent causer des problèmes. La troisième étape consiste à
élaborer un plan détaillé de retour au travail avec les personnes responsables dans
l’entreprise. Une fois dans l’entreprise, le client est encouragé { effectuer des auto-
observations en utilisant un carnet dans lequel il doit noter les problématiques
rencontrées, notamment les charges de travail, les conflits interpersonnels, les
conflits de rôles ou même le manque de soutien social. Il est aussi encouragé à
discuter des difficultés directement avec son superviseur. La dernière étape, quant à
elle, consiste { discuter de techniques de prévention avec le client. L’anticipation des
situations qui pourraient réactiver l’épuisement professionnel chez le client et
l’élaboration d’un plan pour une vie plus saine et équilibrée sont des sujets abordés.
Les questions sur le rôle du travail et son importance sont soulevées selon une
perspective existentielle (Schaufeli et Enzmann, 1998).
81
Autres types d’intervention de traitement interactionnel
La thérapie interpersonnelle a aussi prouvé son efficacité en matière de traitement
de la dépression (Weissman et al., 2000). Selon Blatt (2000), les thérapies
interpersonnelles sont aussi efficaces que les thérapies cognitives et
comportementales après un suivi sur 18 mois. De plus, les individus interrogés,
après avoir expérimenté la thérapie interpersonnelle, mentionnent avoir ressenti
davantage de satisfaction générale par rapport au traitement que ceux ayant suivi
une thérapie cognitive et comportementale (Ibid.). L’emphase de cette thérapie est
axée sur le lien entre les réactions et les relations interpersonnelles du client, tout
en tenant compte du rôle des facteurs génétiques, biochimiques, développementales
et de la personnalité comme causes ou vulnérabilités à la dépression (Weissman et
al., 2000). La thérapie interpersonnelle comporte essentiellement trois
phases (Ibid.).
La première phase (de 1 à 3 sessions) consiste à effectuer une évaluation
diagnostique qui servira d’assise pour le traitement et les formalités importantes,
comme le droit de s’absenter du milieu de travail par exemple. Elle consiste
également à examiner en détail les relations interpersonnelles du client et son
fonctionnement social en général. Elle inclut aussi un temps pour expliquer au client
ce qu’est une dépression ou un épuisement professionnel. Enfin, l’intervenant
conclut avec une formulation du problème qui lie la dépression du client à une des
quatre situations de relations interpersonnelles problématiques suivantes : le deuil
à la suite de la mort d’un proche; les disputes de rôles tels que les conflits avec la
conjointe, les collègues, les amis proches ou les autres connaissances; les rôles
transitoires tels que le début d’une nouvelle carrière, une promotion, la retraite ou
même à la suite d’un diagnostic médical; enfin, les déficits interpersonnels tels que
le manque d’habiletés sociales occasionnant des difficultés à démarrer et à
conserver des relations.
82
La deuxième phase consiste à développer des stratégies adaptées en fonction de la
problématique selon les quatre situations de relations interpersonnelles nommées
ci-haut. Parmi les stratégies utilisées dans la thérapie interpersonnelle, il y a
notamment l’exploration des sentiments sans jugement, la reconstruction des
relations, le développement de la vigilance, la facilitation de l’expression des affects,
les stratégies de communication, l’évaluation des anciens rôles et l’établissement de
soutiens sociaux. La dernière phase, quant à elle, consiste à encourager le client à
reconnaître et à consolider les gains thérapeutiques obtenus lors des sessions
préalables. Elle vise également le développement des habiletés à prévoir, à identifier
et à contrer les symptômes dépressifs qui pourraient survenir dans le futur.
Selon Pines (1993), l’épuisement professionnel réside dans la perte de sens d’une
personne face à son existence. L’approche psychoanalytique-existentielle qu’elle
propose implique entre 12 et 24 sessions de 50 minutes qui incluent l’exploration
de l’enfance, des expériences de jeunesse traumatisantes, des métiers des parents,
de la relation avec les parents et la famille, des rêves de métiers, de la relation entre
le métier choisi et les origines enfantines, de l’historique d’emploi, des buts
professionnels et des liens entre l’enfance, l’emploi actuel et l’épuisement
professionnel vécu (Pines, 2002). Plus précisément, elle précise que les choix de
carrière qui mènent certains individus à une perte de sens existentiel sont
influencés par des forces inconscientes qui sont liées à des difficultés remontant à
l’enfance et qui ont un effet sur le présent. Son approche vise donc principalement
un retour dans les expériences traumatisantes de l’enfance pour mieux comprendre
leurs influences au présent (Ibid.). Des besoins d’admiration, de reconnaissance et
de contrôle, par exemple, influencent grandement le développement de
l’épuisement professionnel. Elle cite notamment l’exemple de l’enseignante qui
devant l’indiscipline et l’insouciance de ses élèves, souffre profondément du manque
de reconnaissance à son travail (Ibid.). Les trois étapes du traitement sont les
suivantes (Pines, 2002) : 1) identifier les raisons conscientes et inconscientes qui
ont influencé le choix de carrière des individus et préciser ce que le choix de carrière
était supposé leur procurer en termes de signification existentielle; 2) identifier les
83
raisons de l’échec des individus { donner un sens { leur existence et spécifier la
relation avec l’épuisement professionnel; finalement 3) identifier les changements
possibles qui permettraient de retrouver un sens existentiel dans le travail. En
terminant, elle précise que son approche, qui est un croisement entre les théories
psychanalytiques et existentialistes, devrait faire l’objet de nouvelles études
d’efficacité comparatives avec les autres approches.
À la suite d’une recherche qualitative auprès de 36 travailleurs québécois
rencontrant les critères adéquats du trouble de l’adaptation du DSM IV, Bernier
(1998) propose un processus de traitement pour les gens souffrant d’épuisement
professionnel sévère comportant six phases. Le processus de recouvrement est long
et peut durer de 1 à 3 ans. Il peut être illustré de la façon suivante :
Tableau 7
Processus de traitement de l’épuisement professionnel sévère de Bernier
Phases Stratégies d’adaptation
1 Admettre le problème
2 Se distancier du travail
3 Rétablir la santé
4 Questionner les valeurs
5 Explorer les possibilités d’emploi
6 Provoquer un changement
Source : Bernier (1998), p. 56, 57, 58 et 59.
La première phase consiste à aider le client à admettre le problème. Les personnes
interviewées ont admis avoir eu de la difficulté { simplement reconnaître qu’il y
avait bel et bien un problème qui nécessitait un arrêt de travail. La reconnaissance
du problème est graduelle et le déni peut durer quelques semaines, voire quelques
mois. La deuxième phase consiste à convaincre la personne de quitter la source de
84
stress pendant un moment pour reprendre des forces. La difficulté de prendre cette
décision est souvent liée à la diminution du revenu pendant la période de
convalescence. Elle dépend de beaucoup de facteurs, comme les niveaux
d’endettement, les programmes d’assurance, etc. Une fois que la distanciation de la
source de stress est effectuée, une troisième phase de recouvrement de la santé sera
entreprise. Elle vise deux objectifs distincts, soit la réduction des tensions
(relaxation physique, émotionnelle et intellectuelle) et un regain de joie de vivre
grâce à des activités graduelles et surtout stimulantes pour la personne. La
quatrième phase sera plutôt axée sur le questionnement des valeurs. C’est un temps
pour réfléchir et revoir en profondeur l’interaction entre le fonctionnement
psychologique de la personne (cognitions, émotions, comportements) et son
environnement. Le conseiller tentera de comprendre les anciennes valeurs qui, pour
certaines d’entre elles, seront remplacées par de nouvelles valeurs. Selon Bernier
(1998), le temps accordé à cette phase est le plus difficile à prévoir. Elle est souvent
difficile et provoque des incertitudes et des doutes chez la personne. La cinquième
phase, quant { elle, visera l’exploration des nouvelles possibilités d’emploi en
fonction des nouvelles valeurs de la phase précédente. Dans certains cas, ce sera
l’exploration des possibilités au sein de la même entreprise (modification de tâches,
de rôles, etc.), et pour d’autres, ce sera l’exploration de nouvelles possibilités de
carrière dans une nouvelle entreprise. Finalement, la sixième et dernière phase
consiste à prendre une décision et à provoquer un changement. Pour les personnes
qui décident de retourner à leur ancien emploi, elles devront s’assurer de créer un
changement à leur retour afin d’éviter de revivre les stress déjà vécus. Les
personnes pourront par exemple demander à travailler à temps partiel, à se faire
enlever certaines tâches, demander de la formation supplémentaire, etc. Pour celles
qui décident de changer d’emploi, l’important sera de s’assurer d’éviter des
conditions similaires { l’ancien emploi. Ceci étant dit, Bernier (1998) observe que
ceux dont les obligations financières sont plus importantes auront tendance à
retourner pour leur employeur actuel et ceux qui ont plus de flexibilité changeront
majoritairement d’emploi.
85
Dans le même ordre d’idées, Lafleur (1999) propose également un processus de
traitement pour les gens souffrant d’épuisement professionnel. Toutefois,
contrairement à Bernier (1998), Lafleur distingue deux formes de traitement, soit
les convertis et les invertis. La première forme (convertis) est axée sur la résolution
objective des problèmes. Comme le mentionne Lafleur (1999), « les épuisés qui
recherchent cette voie de traitement sont habituellement des êtres très rationnels »
(p. 184). Ce sont des gens qui accepteront beaucoup plus difficilement de creuser à
l’intérieur d’eux-mêmes et de prendre contact avec leurs émotions. Ils vont plutôt
opter pour des changements logiques, de nouvelles règles de conduite et se
centreront essentiellement sur l’action (Ibid.). Comme le précise Lafleur, cette
stratégie est efficace à court terme, mais elle comporte le risque de ne pas être
suffisante : « Le danger, c’est que les convertis continuent souvent d’être rigides.
Même s’ils endossent un autre mode, une autre culture, ils se basent encore sur des
principes et adoptent de nouveaux stéréotypes. Jusqu’{ un certain point, cela les
limite encore » (p. 185). C’est pourquoi il y a une deuxième forme de traitement
(invertis) qui vise la recherche intérieure. Lafleur (1999) mentionne :
C’est une démarche plus personnelle et plus profonde que la précédente, mais elle est plus longue et, souvent aussi, plus douloureuse, car elle est faite de remises en question et de contacts avec de vieilles blessures. Les gens qui acceptent de s’y engager feront leurs nouveaux choix de vie non pas à partir de nouvelles normes extérieures, mais plutôt en se basant sur leur désir de développement personnel, parfois aussi sur leur désir de développement spirituel; mais dans tous les cas, ils s’appuieront sur des conclusions intérieures (p. 187).
Cette deuxième forme de traitement n’est toutefois pas convenable pour tout le
monde, car certaines personnes se sentent « […] souvent angoissées quand elles
explorent leurs émotions et elles ne voient pas trop où ça pourrait les mener. Elles
s’opposent donc assez rapidement à ce traitement. » Ceci fait dire à Lafleur (1999)
que les deux formes de traitement peuvent être efficaces. Toutefois, la combinaison
des deux formes de traitement s’avère plus optimale.
86
À la suite de la logique des deux formes de traitement (convertis et invertis), Lafleur
propose une démarche de traitement des gens souffrant d’épuisement professionnel
qui comporte neuf étapes, dont un tronc commun au départ. Voici un tableau qui
présente le processus de traitement des gens souffrant d’épuisement professionnel :
Tableau 8
Processus de traitement de l’épuisement professionnel de Lafleur
Accepter la convalescence (1)
Accepter l’échec (2)
Accepter l’affront (3)
Convertis Invertis
Réprimer sa douleur (4) Exprimer sa douleur (4)
Comprendre (5) Comprendre (5)
Travailler ses dépendances (6) Travailler ses dépendances (6)
Se préparer à un retour au travail (7) Intégrer les différents morceaux
de sa vie (7)
Reprendre le travail (8) Reprendre le travail (8)
Maintenir ses résolutions (9) Poursuivre le développement
personnel (9)
Source : Lafleur (1999), p. 191 à 199.
La première étape consiste à lâcher prise par rapport au travail et à accepter de
prendre du temps de repos. La deuxième étape vise l’acceptation pour la personne
de son incapacité à faire face aux tâches qui étaient demandées. La troisième étape
fait plutôt référence aux sentiments de colère envers la direction et les collègues qui
émaneront dans le processus et à leur apaisement. Ensuite, c’est à ce moment que la
direction du traitement (convertis ou invertis) sera influencée en fonction des
caractéristiques du client.
87
Si la forme de traitement converti est privilégiée, l’étape suivante sera de se servir
de la douleur pour entrevoir de nouvelles résolutions afin d’éviter que cela ne se
reproduise. La compréhension logique des événements et des causes initiera ensuite
le développement de nouvelles stratégies d’adaptation en milieu de travail.
Finalement, les dernières étapes seront axées sur la préparation, la mise { l’essai de
ces nouvelles stratégies d’adaptation en milieu de travail et leur maintien au
quotidien pour éviter à nouveau les conséquences possibles. Par contre, si la forme
de traitement inverti est privilégiée, les étapes suivantes seront différentes.
L’expression de la douleur sera encouragée { ce moment du processus. La
compréhension des souffrances du passé sera aussi explorée pour faciliter les liens
avec les difficultés actuelles du client. Cette compréhension va provoquer un
changement immédiat dans la vie de la personne qui cherchera à modifier son
contact avec la vie, avec les autres et développera de nouvelles perspectives,
notamment dans l’optique d’un éventuel retour au travail. Les dernières étapes
concernent surtout le retour au travail, le cas échéant, mais surtout le maintien des
nouvelles valeurs dans le temps.
En conclusion, ce processus de traitement proposé par Lafleur pourrait également
être un outil employé dans le traitement des gens souffrant d’épuisement
professionnel. Il a la particularité de faire la différence entre servir des gens qui
acceptent l’introspection et des gens qui souhaitent un processus plus rationnel et
moins émotionnel.
Les stratégies d’intervention de traitement organisationnel
Au-delà des stratégies préventives, les entreprises ont également des moyens à leur
disposition pour intervenir en matière de traitement d’une personne qui souffre
d’épuisement professionnel sévère et qui nécessite malencontreusement un arrêt de
travail.
88
L’instauration d’un programme d’aide aux employés (PAE) est un de ces moyens. Il
est défini comme étant :
[…] un programme systématique et planifié en vue d’assurer une assistance professionnelle aux employés qui éprouvent des problèmes reliés { l’abus d’alcool ou de drogues, qui sont affectés par des troubles d’ordre émotif ou qui traversent une période de crise (matrimoniale, familiale, financière ou légale) dont l’effet est de perturber leur rendement au travail (Savoie, 1989, p. 113).
À l’origine, les programmes d’aide aux employés avaient été conçus pour venir en
aide aux gens avec des problèmes de consommation d’alcool (Rhéaume, 1996).
Toutefois, l’augmentation des problèmes liés { la santé mentale a provoqué des
ajustements sur le plan des services offerts afin d’inclure les difficultés
psychologiques liées au travail et à la vie privée (Ibid.). Il existe essentiellement trois
formes de programme d’aide aux employés (Ibid.) :
a) Les P.A.E. internes/externes : reçoivent les demandes d’aide { l’interne au
départ pour ensuite référer { des ressources contractuelles. C’est la forme la
plus répandue au Québec.
b) Les P.A.E. externes/externes : toutes les demandes sont traitées { l’externe par
des ressources contractuelles.
c) Les P.A.E. internes/internes : toutes les demandes sont traitées { l’interne
seulement. C’est la forme la moins utilisée présentement dans les entreprises
québécoises.
Ces programmes d’aide aux employés peuvent donc être des moyens pour les
entreprises pour venir en aide à leurs employés et s’assurer de leur rétablissement.
Toutefois, ce ne sont pas toutes les entreprises qui se prémunissent d’un tel
programme; ce sont majoritairement les grandes entreprises (Ibid.).
Idéalement, une procédure de retour au travail d’un employé ayant souffert
d’épuisement professionnel devrait faire partie intégrante de chaque programme de
89
traitement (Schaufeli et Enzmann, 1998). La réhabilitation est cruciale puisque,
selon les résultats de certaines recherches, la plupart des employés qui ont souffert
d’épuisement professionnel ne retournent pas à leur ancien emploi ou ne restent
que quelque temps pour quitter par la suite (Ibid.). Tous les professionnels
impliqués devraient s’entendre sur un plan de réhabilitation qui inclut une
exposition graduelle aux charges de travail, une réduction du nombre d’heures
(temps partiel) et une adaptation de certaines tâches (Ibid.). Pour Blonk et al.
(2006), le retour à temps partiel devrait se faire assez rapidement puisque selon les
résultats de son étude, il contribue davantage à un éventuel retour à temps complet.
Toutefois, ce retour doit être effectué en combinant des interventions individuelles
et organisationnelles en même temps que le retour à temps partiel (Ibid.).
Dans certains contextes de travail, les entreprises peuvent offrir aux employés qui
reviennent au travail { la suite d’un épuisement professionnel, de changer
complètement de poste ou même d’organisation, ce qu’on appelle aussi des
transferts et des réaffectations (Schaufeli et Enzmann, 1998). Un changement
d’organisation signifie plus particulièrement un transfert vers une autre succursale
affiliée { l’entreprise qui peut se trouver dans une autre ville par exemple. Ces
stratégies de transfert et de réaffectation sont habituellement offertes lorsque la
réhabilitation s’avère très difficile, voire impossible dans l’ancien poste de l’employé
(Ibid.). Elles ont une visée curative puisque qu’elles visent l’éloignement de la source
du stress et le nouveau départ dans une autre organisation qui peut présenter des
conditions parfois différentes (meilleures relations de travail, avec le supérieur
immédiat, etc.).
En conclusion, ces multiples explications concernant la notion d’épuisement
professionnel, les approches conceptuelles et les stratégies d’intervention, autant
préventives que curatives, serviront de comparaison et de bonification aux résultats
obtenus. La section suivante porte d’ailleurs sur la réalisation de la recherche, c’est-
à-dire sa méthodologie.
90
3. Méthodologie
La problématique de recherche et le cadre conceptuel ayant été présentés en détail,
cette section se veut une continuité afin de présenter le processus qui a mené plus
spécifiquement à la réalisation de cette recherche. La méthodologie de recherche
inclut le choix de l’approche de recherche, la population et l’échantillonnage, les
instruments de recherche utilisés, la démarche d’entretien, les modalités d’analyse
des données ainsi que les règles d’éthique.
3.1 Approche de recherche
Dans le cadre de cet essai, c’est une approche de recherche qualitative et descriptive
qui est privilégiée. Pour Legendre (2005), « ce type de recherche porte sur l’étude
de phénomènes sociaux ou de situations dans leur contexte naturel, dans laquelle
est engagé le chercheur, et visant à la découverte et à la compréhension de données
qualitatives, et au traitement de celles-ci » (p. 1 154). Et comme le précise Fortin
(1996), « un des buts essentiels de la recherche qualitative est de mieux
comprendre des faits ou des phénomènes sociaux encore mal élucidés » (p. 232).
Étant donné que le rôle des conseillers d’orientation en matière d’accompagnement
de personnes en situation d’épuisement professionnel est peu exploré jusqu’{
maintenant dans la recherche scientifique, le choix d’une recherche qualitative
s’avérait pertinent. Cette recherche qualitative vise donc à répondre à la question
exploratoire suivante : comment les conseillers ou conseillères d’orientation au
Québec accompagnent-ils les personnes en situation d’épuisement professionnel?
L’objectif général de cette recherche vise ainsi l’exploration des pratiques
professionnelles de conseillers d’orientation en matière d’accompagnement auprès
des personnes en situation d’épuisement professionnel.
91
3.2 Population et échantillonnage
Pour être en mesure de répondre adéquatement à la question et aux objectifs de
recherche, la population se devait d’être des conseillers ou des conseillères
d’orientation dont les activités professionnelles les amènent { être en contact avec
des gens souffrant d’épuisement professionnel. Ainsi, pour être certain de
sélectionner les bonnes personnes, une recherche sur le site Internet de l’Ordre des
conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ) fut effectuée. Les trois
critères de sélection de la population étaient les suivants : œuvrer dans un cabinet
privé; habiter dans la région de Montréal ou de la Montérégie; et mentionner avoir
une expertise en matière d’intervention lors de situations reliées { l’épuisement
professionnel. Le choix des conseillers ou conseillères œuvrant en cabinet privé est
justifié par le fait qu’ils sont les plus susceptibles de rencontrer, et ce, en plus grande
quantité, des gens souffrant d’épuisement professionnel par la nature de leurs
fonctions. Pour ce qui est du choix des régions de Montréal et de la Montérégie
seulement, il a essentiellement pour but de s’assurer d’avoir certaines
caractéristiques minimales de comparaison entre les participants. De cette première
recherche de participants potentiels, est ressorti un nombre de cinquante
conseillers et conseillères d’orientation constituant la population de cette recherche.
L’objectif, par la suite, fut de sélectionner un échantillon de huit participants parmi
cette liste et de s’assurer que les personnes sélectionnées rencontrent
régulièrement des clients en situation d’épuisement professionnel. Comme le
mentionne Fortin (2006), « la recherche qualitative recourt à un échantillon non
probabiliste, c’est-à-dire un échantillon non aléatoire répondant à des
caractéristiques précises » (p. 240). Parmi la population de cinquante conseillers et
conseillères d’orientation, certains mentionnaient détenir une expérience
professionnelle de plusieurs années en matière d’intervention auprès de gens en
situation d’épuisement professionnel. Ce sont ces personnes qui furent priorisées
lors de la sélection finale des participants. Toutefois, lors du contact téléphonique,
92
une dernière vérification fut effectuée pour s’assurer que les répondants
rencontrent fréquemment des clients en situation d’épuisement professionnel.
Ainsi, il est possible de spécifier que le type d’échantillon privilégié pour cette
recherche est non probabiliste et par choix raisonné ou intentionnel. L’idée derrière
ce choix d’échantillon est de cibler les personnes les plus aptes { parler du
phénomène en question, soit l’intervention en matière d’épuisement professionnel
dans ce cas-ci. L’objectif visé n’est pas la généralisation des résultats, mais « […] bien
d’avoir accès aux catégories culturelles et aux hypothèses { partir desquelles les
personnes interviewées se représentent et construisent le monde » (Boutin, 2000,
p. 17). En d’autres mots, l’objectif de cette recherche qualitative est l’exploration de
la réalité subjective des conseillers ou conseillères d’orientation en situation
d’accompagnement de gens souffrant d’épuisement professionnel.
Une fois l’échantillon constitué, les huit conseillers d’orientation furent joints par
courrier électronique d’après l’adresse fournie sur le site Internet de l’Ordre des
conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ). Dans ce courrier
électronique, était inclus, en pièce jointe, un exemplaire du formulaire d’information
et de consentement, qui explique en détail les fondements du projet de recherche,
ainsi qu’un exemplaire du questionnaire d’entretien. Le formulaire d’information et
de consentement est présenté { l’Annexe I. Dans ce même courrier électronique, il
fut mentionné qu’un contact téléphonique suivrait sous peu pour discuter plus en
détail du projet de recherche et de la détermination d’un moment de rencontre
approprié pour réaliser l’entretien de recherche. Sur les huit conseillers ou
conseillères d’orientation joints au départ, six ont accepté volontiers de participer
au projet et deux ont refusé. Ces derniers ont mentionné le fait qu’ils ne
rencontraient que très rarement des gens en situation d’épuisement professionnel.
Deux autres personnes parmi la population déterminée se sont ajoutées en cours de
route pour constituer l’échantillon final de huit participants.
93
3.3 Instruments de recherche
Pour procéder { la collecte des données, l’entretien de recherche, également appelé
l’entrevue de recherche, fut sélectionné. Legendre (2005) définit l’entrevue de
recherche comme étant « une méthode de cueillette d’informations dans laquelle
l’enquêteur et la personne interrogée sont en entretien de face { face » (p. 598). Les
conseillers et conseillères d’orientation ont donc été rencontrés en personne pour
participer { un entretien de recherche d’une durée d’une heure. Plus
spécifiquement, l’entretien de recherche était semi-structuré, c’est-à-dire que les
thèmes étaient choisis d’avance, mais que les questions étaient très générales pour
permettre aux répondants de s’exprimer librement sur les thèmes en question. Le
questionnaire d’entretien a donc été bâti spécifiquement en fonction de cet objectif,
soit de donner la possibilité aux participants d’avoir une grande latitude
d’expression sur les thèmes visés. Pour ce qui est des questions, elles ont été
déterminées en fonction des objectifs spécifiques de recherche suivants :
a) Décrire les types de représentations de conseillers d’orientation sur la nature de
l’épuisement professionnel.
b) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent des conseillers
d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel.
c) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par des conseillers
d’orientation.
d) Mieux comprendre les perceptions de conseillers d’orientation quant { leur rôle
dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.
Le questionnaire d’entretien est présenté { l’Annexe II. Il comprend quatre sections
qui correspondent à chacun des objectifs spécifiques de recherche mentionnés ci-
haut. La première section concerne les représentations des conseillers d’orientation
sur la nature de l’épuisement professionnel, le but étant de mieux comprendre
comment ceux-ci perçoivent l’épuisement professionnel et ses principales causes.
94
En connaissant mieux leurs perceptions à cet égard, il est possible de mieux
comprendre, par la suite, l’emphase en matière d’intervention. La deuxième section,
quant à elle, vise à établir un portrait des gens qui consultent les conseillers et
conseillères d’orientation en situation d’épuisement professionnel. En ayant une
meilleure connaissance des caractéristiques spécifiques des clients, il est ainsi
possible de mieux saisir la direction des interventions préconisées. La troisième, la
plus volumineuse en proportion, comparativement aux trois autres sections, vise
l’exploration en profondeur des méthodes d’intervention privilégiée en matière
d’accompagnement des gens souffrant d’épuisement professionnel. Les questions
incitent les répondants à discuter des outils et des moyens utilisés, des effets
attendus et des difficultés rencontrées. Le but est aussi d’avoir une très bonne idée
du processus d’accompagnement dans son ensemble. Enfin, la quatrième section
dirige la discussion vers les opinions des conseillers et conseillères d’orientation
quant aux rôles qu’ils devraient jouer en matière d’accompagnement des gens
souffrant d’épuisement professionnel. Le but est de permettre aux participants de
porter un regard sur leur profession de conseillers d’orientation et sur son
positionnement au sein de l’ensemble des professions. Les réponses pour chacune
des questions aux quatre sections, furent captées avec l’aide d’un dictaphone
numérique.
3.4 Démarche d’entretien
Lors de la rencontre officielle avec les participants, un protocole d’entretien fut
utilisé pour s’assurer de couvrir toutes les informations essentielles avant de
débuter l’entretien de recherche. Le protocole d’entretien est présenté { l’Annexe III.
Il était important de réviser avec les participants le but de l’entretien, les avantages,
les inconvénients possibles, les moyens pour préserver la confidentialité et
l’anonymat, le déroulement avant et après l’entretien ainsi que de faire un rappel
sur la possibilité de retirer leur consentement libre et éclairé en tout temps. C’était
aussi un moment important afin de répondre aux interrogations possibles des
95
participants avant de débuter l’entretien officiellement. Ainsi, une fois toutes les
informations révisées et les questions répondues, la signature du consentement
libre et éclairé était complétée et l’entretien de recherche pouvait débuter.
Également, pour être certain d’avoir une bonne préparation avant de rencontrer ces
huit participants, une révision des règles de déroulement d’un entretien qualitatif
selon Boutin (2000) fut effectuée. Comme le mentionne ce dernier, « la connaissance
de ces règles, somme toute assez simples, mais dont l’impact sur le déroulement de
l’entretien est réel, se révèle extrêmement importante » (p. 113). Ces règles sont les
suivantes :
S’assurer de ne pas trop parler (intervieweur) et tolérer les silences;
Savoir questionner pour obtenir des réponses complètes et détaillées;
Savoir reconnaître les résistances s’il y a lieu;
S’assurer d’éviter l’influence de ses propres systèmes de codage;
Savoir faire un résumé après chaque thème pour faciliter le passage { l’autre
thème;
Savoir conclure l’entretien sur les plans cognitif et interrelationnel.
Ces règles, mises en pratique lors des entretiens, ont favorisé un meilleur
déroulement et ont contribué à la richesse des réponses obtenues de la part des
conseillers d’orientation interviewés.
3.5 Modalités d’analyse des données
Une fois les propos recueillis, la méthode d’analyse des données retenue pour cette
recherche est celle décrite par Boutin (2000) concernant les recherches qualitatives.
Elle contient essentiellement six étapes. La première étape consiste à retranscrire
par écrit le contenu des entretiens. Il mentionne particulièrement « […] la nécessité
de conserver l’expression initiale des sujets, afin de pouvoir y avoir recours dès que
96
le besoin s’en fait sentir » (p. 131). Une fois les retranscriptions (verbatim)
effectuées, la recommandation pour la deuxième étape est d’effectuer une lecture
globale de tous les entretiens avant même de commencer à les décortiquer. Ensuite,
il est possible de débuter la condensation et la réduction des données. Pour cette
troisième étape, Boutin (2000) recommande de « […] souligner les passages les plus
intéressants ou les plus porteurs d’idées » (p. 133). La prochaine étape consistera,
quant à elle, à fixer des étiquettes non définitives aux passages retenus et de les
classer en catégories. Une fois le classement complété, « le chercheur tente de
dégager des modèles et d’établir des liens entre les extraits qu’il se prépare {
analyser plus en profondeur. Les liens ainsi établis entre les catégories prennent le
nom de thèmes » (Ibid., p. 136). Cette catégorisation en thèmes et sous-thèmes
représente la cinquième étape. Enfin, la dernière étape consiste à interpréter les
thèmes et le sens des propos inclus dans les passages de chacun de ces thèmes.
L’idée est de réussir { transposer les données sous une forme différente et
simplifiée tout en faisant ressortir les éléments importants en lien avec les objectifs
de recherche.
3.6 Éthique de la recherche
Dans le but de respecter les règles éthiques concernant la recherche sur des êtres
humains, certaines procédures ont été mises de l’avant. Avant même de débuter la
conception de la stratégie de recherche, la formation par didacticiel offerte par le
Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche7 fut complétée pour
prendre connaissance des règles spécifiques en matière de recherche sur des êtres
humains notamment incluses dans L’énoncé de politique des trois conseils (EPTC).
À la suite de cette formation, une procédure a été mise en place pour préserver la
confidentialité et l’anonymat des participants. Les enregistrements ont d’abord été
transférés sur deux clés USB, une officiellement et une deuxième par sécurité.
7 http://www.pre.ethics.gc.ca/francais/tutorial/
97
Aussitôt les enregistrements transférés sur clés USB, ils furent effacés du dictaphone
numérique. Les deux clés USB ainsi que les formulaires d’information et de
consentement dument signés par les participants ont été conservés dans un classeur
fermé sous clé. Les fichiers correspondant aux enregistrements numériques ont été
identifiés par des numéros d’entrevue pour éviter l’identification des participants.
De plus, il est important de mentionner que lors de la présentation des résultats, le
nom des conseillers d’orientation n’est dévoilé en aucun temps. Enfin, tous ont été
joints directement par courrier électronique et par téléphone, sans intermédiaire, et
ce, toujours dans le but de préserver leur anonymat.
98
4. Présentation et analyse des résultats
Cette section porte sur la présentation et l’analyse des résultats à la suite des propos
recueillis auprès des huit conseillers d’orientation qui ont participé aux entretiens
de recherche qualitative, et ce, tels que présentés dans la méthodologie de recherche
de la section précédente. Pour distinguer les propos de ces conseillers d’orientation
et pour conserver leur anonymat, ils seront présentés de la façon suivante : C.O. no 1,
C.O. no 2, C.O. no 3, C.O. no 4, C.O. no 5, C.O. no 6, C.O. no 7, et C.O. no 8. L’abréviation
C.O. signifie « conseiller d’orientation ». De plus, la présentation et l’analyse des
résultats sont divisées en sept sections distinctes qui présentent à tour de rôle le
point de vue des conseillers d’orientation sur :
1) Les causes de l’épuisement professionnel;
2) Les conséquences de l’épuisement professionnel;
3) La situation générale des clients;
4) L’accompagnement psychologique;
5) Les stratégies d’intervention effectuées;
6) Les difficultés rencontrées;
7) Les suggestions d’amélioration de la profession.
Chacune des sections est en lien avec la problématique de l’épuisement
professionnel et vise à répondre précisément aux quatre sous-objectifs de cette
recherche qualitative qui étaient de :
a) Décrire les types de représentation de conseillers d’orientation sur la nature de
l’épuisement professionnel;
b) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent des conseillers
d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel;
c) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par des conseillers
d’orientation;
99
d) Mieux comprendre les perceptions de conseillers d’orientation quant { leur rôle
dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.
4.1 Les causes de l’épuisement professionnel
Les conseillers d’orientation interviewés ont observé différentes causes pouvant
mener au développement de l’épuisement professionnel. Pour faciliter leur
distinction, ces causes ont été subdivisées en trois sous-sections, c’est-à-dire les
facteurs individuels, les facteurs organisationnels et les facteurs sociaux.
4.1.1 Facteurs individuels en cause
D’après les conseillers d’orientation interviewés, plusieurs facteurs individuels sont
en cause dans l’apparition de l’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues
permet de faire ressortir particulièrement les huit thèmes présentés dans le tableau
suivant :
100
Tableau 9
Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs individuels en cause
dans le développement de l’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Manque de confiance Perception négative que la personne entretient
d’elle-même et de ses capacités à reprendre un
contrôle sur les événements.
Influences externes Éléments en dehors du milieu de travail qui forcent
indirectement une personne à demeurer dans une
situation néfaste pour sa santé.
Standards trop élevés Besoins qui entraînent l’individu vers des niveaux
d’engagement trop élevés au travail et { l’extérieur,
et ce, au péril de sa santé.
Peur de l’affirmation Incapacité de l’individu { exprimer ses
insatisfactions, ses limites et ses besoins en milieu
de travail.
Incongruence de sens Difficultés éprouvées par un individu qui se
retrouve dans une profession qui ne fait plus de
sens pour lui en fonction de ses besoins, de ses
valeurs, de ses compétences ou de sa personnalité
en général.
Importance accordée au
travail
Ampleur que prend la sphère du travail dans la vie
d’un individu et ses conséquences possibles.
Difficultés relationnelles
en entreprise
Incapacité de créer et de maintenir des relations
interpersonnelles avec les gens { l’intérieur de
l’entreprise (collègues, patrons, etc.), ce qui
occasionne des conflits relationnels.
101
Manque de confiance
Le manque de confiance fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la
perception négative que la personne entretient à propos d’elle-même et de ses
capacités à reprendre un contrôle sur les événements. Pour la C.O. no 2, le manque
de confiance en soi de la personne est un facteur à considérer :
[...] souvent une faible estime de soi, faible confiance en soi […] ce qui fait que la personne, comme elle a une image d’elle-même qui n’est pas tout { fait valorisante { ses yeux, elle va avoir l’impression d’être obligée d’en faire beaucoup plus que tout le monde pour apparaître, pour être là. (C.O. no 2)
En d’autres mots, le manque de confiance incite les individus { vouloir
impressionner pour obtenir des rétroactions positives des autres. Le C.O. no 1
mentionne, { titre d’exemple, avoir rencontré « […] un individu avec une faible
estime de lui-même qui doit, pour se confirmer dans sa valeur, pour avoir de la
valeur dans ses propres yeux, afficher un certain niveau d’excellence, un certain
niveau de performance dans son travail ». Il précise par la suite : « […] je dis de la
valeur dans ses propres yeux, ça peut vouloir dire avoir de la valeur dans les yeux
des autres pour confirmer sa valeur, donc à travers les yeux des autres, elle se
regarde ». Par manque de confiance, les conseillers d’orientation font également
référence { l’incapacité de la personne { percevoir qu’elle possède les ressources
pour se sortir d’une situation nocive pour sa santé. La C.O. no 2 souligne : « Si j’ai une
personne de motivation externe, très peu intégrée sur le plan intérieur, elle ne
croira pas qu’elle a ce qu’il faut pour effectuer ce changement-là ». Le C.O. no 6
abonde en ce sens en mentionnant que les personnes en épuisement
professionnel « […] sont beaucoup dans le locus de contrôle externe ». Le concept de
locus de contrôle externe, provenant des travaux de Julian Rotter, fait référence à la
croyance chez l’individu que l’issu des événements est en majeure partie influencé
par des facteurs externes, hors de leur contrôle, par exemple les décisions prises par
102
les gestionnaires. Son manque de confiance en ses capacités l’empêche donc
d’activer une prise en charge personnelle. Comme le mentionne le C.O. no 4, « […]
l’autonomisation, ils ne l’ont pas activée ». La C.O. no 5 ajoute que l’épuisement
professionnel, « c’est la perte de contrôle. La perte de contrôle de son
environnement et l’incapacité pour la personne { retrouver et { utiliser ses
ressources pour y faire face ».
Donc, en résumé, selon ces cinq conseillers d’orientation, le manque de confiance de
la personne entraîne une incapacité à faire preuve d’autonomie pour surmonter les
difficultés rencontrées, ce qui contribue directement au développement de
l’épuisement professionnel.
Influences externes
Les influences externes font référence, dans le cadre de cette analyse, à des éléments
en dehors du milieu de travail qui forcent indirectement une personne à demeurer
dans une situation néfaste pour sa santé. Parmi les influences externes mentionnées,
les obligations financières sont celles que les conseillers d’orientation interviewés
ont identifiées le plus souvent. Le C.O. no 1 mentionne : « Si le revenu familial
dépend de la paie que tu fais pour payer l’hypothèque et tout le reste, tu n’es pas
prêt { laisser tomber ton emploi même s’il ne répond plus { tes standards
personnels ». Pour le C.O. no 6, certains de ses clients ont « […] négligé les choses
qu’ils devraient faire, mais maintenant ils ne les font plus, ils se sont acheté une
maison et là, il faut qu’il la paye, une logique de survie matérielle qui les aliène, qui
les éloigne ». Dans le même ordre d’idées, le C.O. no 4 mentionne que lorsque la
situation de crédit familial est importante, cela influence aussi la réaction du
conjoint ou de la conjointe : « […] étant donné qu’ils sont { crédit puisqu’ils
bénéficient de ces revenus-là, ils (conjoints) ne sont pas prêts ou ils ne savent pas
comment faire pour aider ». De plus, toujours pour des raisons financières et pour
maintenir un certain rythme de vie, certaines personnes sont influencées à
demeurer dans leur emploi actuel, et ce, au péril de leur santé. Par exemple, le C.O.
no 1 mentionne « […]qu’il y a des gens qui sont peu scolarisés, qui ont des emplois à
103
25 $ de l’heure, puis ils savent que s’ils sortent de cet emploi, ils n’auront jamais ce
genre de conditions ailleurs ». Le risque de perdre certains acquis financiers devient
donc plus important que la nature du travail elle-même. Toujours parmi les
influences externes, la C.O. no 3, mentionne que parfois, ce n’est pas tant ce qui se
passe au travail, mais « […] ce qui se passe autour du travail qui déclenche un
épuisement ». Elle précise : « […] beaucoup de clients, quand ils ont leur épuisement
professionnel dans la quarantaine, c’est la difficulté de composer avec toutes les
responsabilités familiales, personnelles et les responsabilités du travail puis
l’ensemble de tout ça ». Sur le plan des responsabilités familiales plus
particulièrement, la C.O. no 7 ajoute « […] qu’il y a des gens qui font ce qu’ils peuvent
au travail, mais qui sont tellement investis auprès d’un conjoint malade, de parents
malades, des enfants, donc eux aussi ont des risques de se perdre ». L’opinion du
C.O. no 6 va dans le même sens lorsqu’il mentionne observer des facteurs de réalité
qui sont sérieux et qui doivent être pris en considération : « Ce sont de bonnes
raisons parfois : je suis monoparental, je suis le soutien familial, il faut ceci, il faut
cela. »
En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, toutes ces influences
externes, uniques à chaque individu, viennent fournir des explications
supplémentaires concernant les causes de l’inaction des gens { se sortir d’une
situation qui mène éventuellement { l’épuisement professionnel.
Standards trop élevés
Les standards trop élevés font référence, dans le cadre de cette analyse, à des
besoins qui entraînent l’individu vers des niveaux d’engagement trop élevés au
travail et { l’extérieur, et ce, au péril de sa santé. Pour le C.O. no 1, lorsque la
personne tente de maintenir des niveaux d’excellence trop élevés pour prouver sa
valeur, les difficultés finissent par surgir à un moment donné. En fait, « […] quand
elle ne peut plus maintenir ça puis que son régime baisse, c’est l{ que les problèmes
commencent ». Il ajoute également que « […] s’ils ne font pas quelque chose en vertu
104
de leurs standards personnels, ce sont des gens qui se brûlent très vite ». De plus, la
C.O. no 7 ajoute :
[…] si l’individu n’est pas réflexif, qu’il est toujours en réaction { ce qu’on lui demande, en réaction dans le sens d’essayer de faire plus, de donner plus, de se rendre irréprochable puis qu’il s’use malgré tout, bien l{ c’est souvent des cas qui mènent { l’épuisement […] il met tout en place pour satisfaire l’employeur mais s’impose des exigences qui ne sont pas réalistes. (C.O. # 7)
Toujours selon la C.O. no 7, « il se peut aussi que la personne soit dans un poste de
spécialiste et qu’elle soit responsable de ses dossiers, qu’elle ait des personnes à
gérer et qu’elle aborde son poste de façon irréaliste, compte tenu du niveau
d’exigence qu’elle s’impose ». Elle ajoute que les standards sont parfois tellement
élevés qu’elle aura même de la difficulté à déléguer des tâches aux collègues. La C.O.
no 2 ajoute, quant à elle, que ces exigences personnelles élevées des clients, qui
entraînent des comportements de surinvestissement, sont aussi dues à la
méconnaissance de leurs limites : « […] souvent cette personne-là ne connaît pas
ses limites, a des limites assez transparentes, assez floues… ». Ce surinvestissement
peut aussi être très présent dans les autres sphères de vie du client. Comme le
mentionne la C.O. no 7, parfois c’est pour être un parent irréprochable, pour fuir une
intimité familiale qui la rebute ou l’engouffrement dans les activités (voyages,
études, etc.) : « […] ils sont dans une forme d’hyperengagement face à leur famille,
face à leur conjoint, face à leur travail ». Enfin, la C.O. no 8 complète en mentionnant :
[…] je ne t’apprendrai rien en disant que les gens qui sont perfectionnistes, qui sont consciencieux, qui sont responsables, qui sont concernés, qui ont des valeurs humanitaires, qui sont sensibles aux autres, c’est plus propice { un burnout. Il faut aujourd’hui prendre une distance un peu affective par rapport à tout ce qui se passe. (C.O. no 8)
Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, lorsque les clients se fixent des
standards de performance trop élevés, autant au travail que dans leur vie
105
personnelle, ils finissent par éventuellement consumer leur énergie vitale et
développer un épuisement professionnel.
Peur de l’affirmation
La peur de l’affirmation fait référence, dans le cadre de cette analyse, { l’incapacité
d’un individu { exprimer ses insatisfactions, ses limites et ses besoins en milieu de
travail et aux effets néfastes que cela occasionne sur sa santé. Dans certaines
situations qui menacent sa santé, l’individu doit être en mesure de s’affirmer auprès
de ses collègues et de ses patrons. Ce serait même l’aspect le plus important pour le
C.O. no 6 : « La plus grande difficulté que j’observe, c’est savoir affirmer ses besoins
et ses limites. C’est tout simplement central, savoir négocier son mieux-être ». La
C.O. no 7 ajoute :
Quelqu’un qui est toujours en réaction { ce qu’on lui demande, dans le sens que le patron va être autoritaire, il va avoir des exigences envers lui, puis lui sera toujours dans la situation d’essayer de se rendre irréprochable, de répondre aux attentes, mais ne prendra jamais position, n’exprimera jamais que c’est trop pour lui compte tenu d’autres facteurs, n’allumera jamais la lumière à son patron, bien il a une responsabilité là-dedans. (C.O. no 7)
Cette incapacité d’affirmation est aussi fortement liée { des peurs chez la personne,
comme le souligne la C.O. no 5 : « Les gens qui ne s’affirment pas, c’est qu’ils
craignent au moment où ils vont s’affirmer qu’ils vont se mettre { crier, ils vont
sortir des choses qu’ils ne veulent pas dire ». Certains, même, ne savent tout
simplement pas comment s’affirmer : « Je ne suis pas capable de dire non; comment
on dit non ? ». Pour d’autres, c’est aussi très lié { la peur de perdre leur emploi
advenant une affirmation : « Quand ils vont s’affirmer, ils ont peur de déplaire, ils
ont peur de se faire mettre dehors ou qu’on dise qu’on ne veut plus les voir ». Et
comme le souligne le C.O. no 6, ces peurs viennent grandement influencer le rapport
que la personne entretient avec l’autorité en bout de ligne. Pour illustrer son propos,
il fait référence { l’expérience de Stanley Milgram, au début des années 1960, dont
106
les résultats démontraient un haut degré d’obéissance des individus face { l’autorité,
et ce, même si les tâches posaient des problèmes de conscience. Ainsi, selon ce
même conseiller, « il y a un rapport avec l’autorité tout le temps et la nature de ce
rapport d’autorité peut faire toute la différence ». Parfois même, comme le souligne
le C.O. no 4, l’individu a tellement peur de s’affirmer que le rapport { l’autorité peut
aussi s’installer avec un collègue de travail : « Parfois, ça peut être une seule
personne, un seul collègue, puis c’est un peu weird puisque fondamentalement, si
cette personne n’a pas de pouvoir décisionnel sur elle … ». Il précise également que
« […] ça revient tout le temps à la perception. Parfois, ça peut provoquer un manque
de perspective, d’impowerment puis une exagération, une hallucination du pouvoir
de ce collègue-là sur la personne qui est en train de vivre des symptômes
d’épuisement professionnel ».
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, la peur de l’affirmation
engendre une obéissance { l’autorité (formelle et informelle) qui augmente la
frustration chez la personne. Elle accepte de faire des tâches parfois contraires à ses
besoins et à ses limites et éventuellement nocives pour sa santé physique et
psychologique.
L’incongruence de sens
L’incongruence de sens fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux difficultés
éprouvées par un individu qui se retrouve dans une profession qui ne fait plus de
sens pour lui en fonction de ses besoins, de ses valeurs, de ses compétences ou de sa
personnalité en général. Comme le mentionne le C.O. no 1, lorsque les tâches ne sont
pas en accord avec les valeurs de la personne, elle aura tendance à puiser beaucoup
plus d’énergie pour réaliser ces mêmes tâches comparativement { une autre
personne pour le même travail. Plus précisément, ces gens :
[...] font quelque chose qui ne va pas dans le sens de qui ils sont. Puis cela fait en sorte qu’{ force de ne pas être { leur place, l’énergie baisse
107
beaucoup. […] On peut prendre deux individus dans la même situation, un va se brûler et l’autre ne se brûlera pas. […] Ils sont plutôt dynamisés parce que d’exercer ce qu’ils font les stimule, ça fait circuler l’énergie. (C.O. no 1)
La C.O. no 2 formule cette difficulté comme un problème de pairage entre la
personne, les exigences du poste et le milieu de travail en général :
[...] c’est aussi un problème de pairage entre la personne, sa constitution, sa personnalité, son histoire personnelle et ce que je viens de te décrire (surcharge de travail, manque de soutien, etc.) parce sinon, tout le monde tomberait en épuisement professionnel dans l’équipe. (C.O. no 2)
Les propos du C.O. no 6 vont dans le même sens lorsqu’il mentionne le moment où
l’épuisement professionnel peut survenir : « […] Je m’adonne { un travail et les
tâches que j’effectue ne connectent pas avec mes forces, mes intérêts et mon
potentiel ». Il précise d’ailleurs que la majorité des gens ont le mauvais réflexe de
choisir des emplois en fonction de la sécurité et des conditions de travail, et non pas
suffisamment en fonction de leurs champs d’intérêt et leur personnalité en général.
Il ajoute : « Le fléau de l’épuisement professionnel est dû justement au fait que
l’insécurité oriente, c’est-à-dire que je vais tolérer un emploi que je n’aime pas parce
que j’ai un bon salaire ». Et comme il le précise, certains emplois sont aliénants « […]
parce qu’ils ne rejoignent pas qui je suis ».
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, l’incongruence de sens est
due { l’incompatibilité de la personne et de son travail, entraînant ainsi une baisse
de motivation qui contribue aussi au développement de l’épuisement professionnel.
Importance accordée au travail
L’importance accordée au travail fait référence, dans le cadre de cette analyse, {
l’ampleur que prend la sphère du travail dans la vie d’un individu et ses
conséquences possibles. Pour certaines personnes, la seule source de satisfaction se
108
situe sur le plan du travail. La C.O. no 2 mentionne : « Ils ont tout misé sur ce ballon-
là pour jouer, mais le jour où ça crève, il ne reste plus rien d’autre ». La C.O. no 7
partage ce point de vue :
En fait, il y a des gens qui vivent seuls puis qui travaillent, travaillent, travaillent, puis ils se rendent jusqu’{ l’épuisement. Parce que l{ toutes leurs sources de satisfaction sont concentrées sur le travail. C’est des gens qui font des 80-90 heures par semaine, qui rentrent les fins de semaine, qui se rendent irréprochables pour leur patron. Dès qu’il y a du travail supplémentaire, ils l’endossent. (C.O. no 7)
Les propos de la C.O. no 8 vont aussi en ce sens : « Quelqu’un qui se surmène, qui
travaille tellement, qui a tout le temps la tête au travail, c’est une cause
psychologique de l’épuisement professionnel ».
En résumé, selon ces trois conseillères d’orientation, lorsque le travail devient
l’unique source de valorisation de l’individu, cela peut également occasionner le
développement de l’épuisement professionnel.
Difficultés relationnelles
Les difficultés relationnelles font référence, dans le cadre de cette analyse, à
l’incapacité de créer et de maintenir des relations interpersonnelles avec les gens {
l’intérieur de l’entreprise (collègues, patrons, etc.), ce qui occasionne des conflits et
en bout de ligne, l’épuisement professionnel. À la question qui portait sur
l’observation de tendances marquées concernant les causes de l’épuisement
professionnel, le C.O. no 6 a répondu : « Des problématiques relationnelles avec les
collègues et les patrons ». Pour la C.O. no 8, cette incapacité de créer et maintenir de
bonnes relations interpersonnelles avec les gens en milieu de travail (collègues,
patrons, etc.) joue également un rôle dans le développement de l’épuisement
professionnel. Pour appuyer ses dires, elle propose cette analogie :
109
On est comme des loups, on vit en meute et si tu n’as pas d’habiletés sociales dans ce monde-là, puis dans ce marché du travail là, tu es un loup en dehors de la meute, tu risques donc la mort. […] Nous avons donc besoin des autres et les autres ont besoin de nous, c’est une interdépendance. (C.O. no 8)
Les difficultés de communication engendrent donc certains conflits relationnels
comme le précise le C.O. no 4 :
[…] tous ont eu des signaux qu’ils fallaient qu’ils changent quelque chose, que ce soit une relation avec un collègue avec lequel ils auraient eu un conflit, un employeur, un patron avec lequel ils auraient eu un conflit, un ensemble, un mélange de ces différents joueurs là, de ces personnages-là. […] Il y a donc un élément de communication de la victime, de la personne qui souffre d’épuisement professionnel. (C.O. no 4)
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, l’incapacité des clients {
éviter des conflits relationnels en milieu de travail a un impact véritable sur le
développement de l’épuisement professionnel.
4.1.2 Facteurs organisationnels en cause
Selon les conseillers d’orientation interviewés, plusieurs facteurs organisationnels
sont aussi en cause dans l’apparition de l’épuisement professionnel. L’analyse des
entrevues permet de faire ressortir particulièrement les quatre thèmes présentés
dans le tableau suivant :
110
Tableau 10
Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs organisationnels en
cause dans le développement de l’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Exigences élevées Façons d’organiser les tâches et les nombreuses
exigences qui créent des surcharges et qui
contribuent au développement de l’épuisement
professionnel.
Gestion des ressources
humaines inadéquate
Incapacité de certains gestionnaires à intervenir
adéquatement en matière de gestion des ressources
humaines.
Gestion des changements
inefficace
Incapacité de prévenir ou de régler les difficultés
qui surviennent lors de changements ou de
restructurations dans l’entreprise.
Manque de reconnaissance Incapacité des entreprises à combler les besoins de
reconnaissance des employés qui souhaitent que
leur travail ait un impact positif.
Exigences élevées
Les exigences élevées font référence, dans le cadre de cette analyse, aux façons
d’organiser les tâches et aux nombreuses exigences qui créent des surcharges et qui
contribuent au développement de l’épuisement professionnel. Comme le mentionne
le C.O. no 1, certains milieux de travail imposent des standards tellement élevés qu’il
est difficile pour un employé de maintenir une telle cadence de performance : « […]
cela se peut que ce soit le milieu qui t’use beaucoup, c’est-à-dire qu’il t’impose des
standards qui ne sont pas les tiens ». Certains milieux peuvent même
demander « […] de faire des heures de fou, puis des échéanciers de l’enfer et ils
mettent toujours des gros enjeux autour des échéanciers ». Dans certains cas, c’est la
111
nature du travail, comme le souligne la C.O. no 7 : « […] elle apporte du travail chez
elle depuis 10 ou 15 ans puisque c’est ça la réalité du travail ». Ces exigences élevées
créent donc des surcharges de travail chez l’individu, comme le souligne la C.O. no 3 :
« La surcharge de travail, ça c’est une grosse chose que je vois ». Et comme le rajoute
la C.O. no 7, « les demandes qui sont faites aux subalternes ne sont pas réalistes, elles
ne tiennent pas compte des individus. Il y a une gestion à sens unique, donc c’est
l’individu qui se doit { la gestion et non un partage des responsabilités ». La C.O. no 8
partage aussi cette idée que les demandes irréalistes sont en cause dans le
développement de l’épuisement professionnel. Elle mentionne plus spécifiquement
que :
Les systèmes de gestion sont lourds et oui, ils mettent de la pression parce qu’ils veulent du contrôle, ils veulent chiffrer ça, ils veulent calculer, ils veulent avoir des résultats tangibles […] puis, ce que ça donne au bout, c’est qu’on déshumanise beaucoup. (C.O. no 8)
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, les exigences élevées en
matière de rendement au travail provoquent des situations de surcharge et une
déshumanisation du milieu de travail. À son tour, cela engendre le développement
de l’épuisement professionnel chez les employés.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 2 propose la lecture de deux livres inspirants de l’auteur Vincent de
Gaulejac, un sociologue parisien. Les deux livres sont les suivants : Travail, les
raisons de la colère et La société malade de la gestion. Elle mentionne ceci : « Il met
en lumière la maladie des gestionnaires, que c’est finalement les employés qui
écopent; c’est fournir plus, mieux et plus vite. Je trouve que c’est intéressant; moi, je
les fais lire à mes clients ».
112
Gestion des ressources humaines inadéquate
Les problèmes en matière de gestion des ressources humaines font référence, dans
le cadre de cette analyse, aux incapacités de certains gestionnaires à intervenir
adéquatement en matière de gestion des ressources humaines. Comme le soulignent
certains des conseillers d’orientation participant { cette recherche, parfois ce sont
les gestionnaires eux-mêmes qui en sont la cause. Le C.O. no 6 mentionne ceci : « Je
pense que les gestionnaires en place, qui sont un peu le trait d’union entre la loi
économique et la gestion du personnel, sont aussi un peu dépassés là-dedans ».
Certains gestionnaires ne vont pas bien, comme le souligne la C.O. no 8 : « Au niveau
des gestionnaires, il y a beaucoup de présentéisme. Les gestionnaires, eux autres, ils
se présentent. Maintenant quelles décisions ils prennent quand ils sont en situation
de présentéisme…? ». Également, en citant un exemple, le C.O. no 4 mentionne que
certains patrons ont des personnalités qui occasionnent aussi des problèmes
relationnels : « Le patron de ma cliente est connu par toute la boîte comme étant
celui qui est complètement paranoïaque […] Il doute tout, il veut tout regarder, il
veut tout superviser, un moment donné, elle se sent coincée dans cette relation-là ».
Certains patrons vont même jusqu’{ faire du harcèlement psychologique auprès de
leurs employés, comme le précise le C.O. no 6 : « Si moi, comme gestionnaire, je
prends bien au sérieux mon trip d’autorité, je me permets de faire du harcèlement
psychologique quand ça me tente, parce que je veux que les choses se fassent de
cette façon […] Bien il y a de quoi faire un burnout ». La C.O. no 7 va même jusqu’{
mentionner que « certains gestionnaires ne devraient pas être des gestionnaires ».
Un mauvais choix de gestionnaire entraîne donc des conséquences dans l’entreprise,
notamment des inactions qui contribuent { l’aggravation du problème. Comme le
mentionne le C.O. no 4, parfois les gestionnaires savent très bien que quelque chose
se passe chez un individu mais décident de ne pas intervenir : « Il y a aussi une part
de la communication de l’employeur { ne pas être proactif face { son employé ». Il
mentionne d’ailleurs l’exemple d’un ingénieur en informatique :
113
[…] il était tout le temps devant son poste, concentré { 100 %, ce qui veut dire qu’il oublie de manger et ce qui veut dire que lui (le gestionnaire), il a donné le mandat { une personne dans l’équipe de lui apporter de la bouffe sur son clavier parce qu’il ne se lèvera pas pour se nourrir. Ça, c’est un exemple comment un employeur peut se plier à gauche et { droite pour répondre { l’employé mais fondamentalement, le risque est encore là; l’épuisement professionnel pourrait être déclenché parce que la personne travaille trop. (C.O. no 4)
De plus, son inaction à titre de médiateur dans certaines situations de conflits entre
les employés contribue également { l’aggravation des conséquences. Certains
témoignages provenant de ses clients incitent le C.O. no 4 à parler du harcèlement
des collègues en milieu de travail :
Il y a comme un phénomène d’isolation de la personne et l’entourage, pour se protéger entre eux ou individuellement ou une combinaison des deux, passe { l’attaque de cette personne-là, puis lui fait sentir de la honte, de l’incompétence, la blâme pour des choses qui n’ont rien à voir. (C.O. no 4)
Pour le C.O. no 6, ce phénomène cache aussi ce qu’il nomme des « imposteurs »,
c’est-à-dire des gens qui « pour maintenir une sécurité » dans l’entreprise, iront
jusqu'à harceler une personne qui, par ses compétences ou ses idées par exemple,
représente une menace directe ou indirecte à leur travail. Il mentionne aussi : « Tu
comprends pourquoi il y a tant de politicailleries parce qu’{ quelque part, il y a
beaucoup d’impostures et on s’arrange pour sauver les apparences ».
En bout de ligne, l’incapacité des gestionnaires { prendre soin de leur propre santé,
{ prévenir les situations d’harcèlement et { régler des conflits relationnels qui
surviennent entre les employés eux-mêmes dans l’entreprise contribuent aussi à
l’aggravation des symptômes vécus chez certains employés. Ces difficultés en
matière de gestion des ressources humaines sont considérées, par ces quatre
conseillers d’orientation interviewés, comme étant des causes organisationnelles de
l’épuisement professionnel.
114
Gestion des changements inefficace
La gestion des changements inefficaces fait référence, dans le cadre de cette analyse,
{ l’incapacité de prévenir ou de régler les difficultés qui surviennent lors de
changements ou de restructurations dans l’entreprise. Pour plusieurs des
conseillers d’orientation rencontrés, lorsque surviennent des changements dans une
entreprise, cela provoque souvent des situations qui contribuent au développement
de l’épuisement professionnel chez plusieurs de leurs clients. Comme le spécifie la
C.O. no 3 :
[…] jadis tout allait bien, puis quand il y a des restructurations, les attentes, les tâches de travail puis les objectifs à atteindre deviennent différents. Et quand les objectifs sont différents, il y en a qui sont incapables d’atteindre les objectifs, ce qui cause des problèmes. (C.O. no 3)
Par restructurations, elle entend les changements de direction, les changements de
direction de premier niveau, les changements de philosophie, les acquisitions et
fusions d’entreprises, etc. Et souvent, les employés ne sont pas consultés avant que
les changements se réalisent : « Il y a souvent des changements et on ne leur
demande pas leur avis », souligne la C.O. no 5. Il se peut que la personne, à la suite
des changements, se retrouvent moins qualifiée pour effectuer les tâches, ce qui
occasionne beaucoup de stress. Le C.O. no 1 mentionne : « […] ça aussi, c’est une
autre occasion d’épuisement quand on te change de tâches puis que tu as le
sentiment que tu n’es pas compétent pour faire cette tâche-là ». En plus de la
diminution du sentiment de compétence, les changements peuvent également
générer des conflits de valeurs. Comme le mentionne la C.O. no 3, « […] l’adaptation
aux nouvelles technologies, c’est moins problématique que des problèmes de
conflits, conflits de valeurs avec le supérieur, avec la direction, avec la
restructuration ».
115
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, les changements et les
restructurations dans les entreprises sont des facteurs en cause puisqu’ils créent
des conflits de valeurs et des remaniements de tâches pour lesquelles certains
employés ne sont pas qualifiés, ce qui entraîne des situations d’épuisement
professionnel { l’interne.
Manque de reconnaissance
Le manque de reconnaissance fait référence, dans le cadre de cette analyse, à
l’incapacité des entreprises { combler les besoins de reconnaissance des employés
qui souhaitent que leur travail ait un impact positif. La C.O. no 2 souligne : « Ce qui a
trait { l’organisation, souvent c’est une surcharge de travail, souvent c’est un
manque de soutien, un manque de reconnaissance également. Je te dirais que ce
sont ces trois facteurs-là qui reviennent assez souvent ». Ainsi, lorsque les besoins
de reconnaissance sont non comblés, cela peut contribuer au développement de
l’épuisement professionnel, comme le souligne le C.O. no 1 :
Supposons que la reconnaissance, c’est bien important pour eux, puis ils sont dans un lieu où ils se défoncent et ils ont zéro reconnaissance; il n’y a pas de retour qui se fait. Alors peut-être que la tâche a du sens pour eux, mais ils ont d’autres types de besoins qui ne sont pas répondus { l’intérieur du travail. Ils ont besoin de sentir que ça a de l’impact ou le travail qu’ils font, ils ne voient jamais le résultat au bout de ça. Donc il y a un besoin important qui n’est pas répondu en relation avec leur profession, alors ça, c’est un autre type, donc ça use; la personne consomme ses batteries. (C.O. no 1)
À l’aide d’un exemple, la C.O. no 5 partage le même avis concernant la relation entre
le manque de reconnaissance et l’épuisement professionnel :
Je pense { une qui a un peu les caractéristiques de l’épuisement professionnel parce qu’on lui a enlevé comme ça toute reconnaissance et tout ce qu’elle faisait lui était enlevé. On ne reconnaissait pas ce qu’elle faisait. Et elle restait quand même. Elle ne réagissait pas. […] Elle a organisé je ne sais pas quoi, un événement et son nom n’est apparu
116
nulle part. Elle ne réagissait plus. […] C’est l{ que je pense qu’il y a de quoi de l’ordre de l’épuisement professionnel et d’un milieu qui ne reconnaît pas, qui enlève le pouvoir que la personne a sur sa vie, sur son environnement. (C.O. no 5)
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, certaines entreprises ont des
difficultés à combler les besoins de reconnaissance de leurs employés. Cela
provoque une perte de sens et de pouvoir chez l’individu, ce qui contribue aussi au
développement de l’épuisement professionnel.
4.1.3 Facteurs sociaux en cause
Selon les conseillers d’orientation interviewés, quelques facteurs sociaux peuvent
également avoir des effets sur le développement de l’épuisement professionnel.
L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les deux thèmes
présentés dans le tableau suivant :
Tableau 11
Thèmes émergeants et définitions opératoires des facteurs sociaux en cause dans le
développement de l’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Adhésion à des codes
sociaux normatifs
Courants de pensée collectifs qui influencent les
décisions des gens et qui contribuent à
l’épuisement professionnel.
Influences
macroéconomiques
Postulats sur lesquels repose l’organisation des
activités économiques visant la rentabilité des
entreprises et la création de richesse dans son
ensemble.
117
Adhésion à des codes sociaux normatifs
L’adhésion { des codes sociaux normatifs fait référence, dans le cadre de cette
analyse, aux courants de pensée de la collectivité qui viennent influencer les
comportements des gens et en bout de ligne, l’épuisement professionnel. Parmi les
courants de pensée véhiculés dans la société, la C.O. no 5 fait référence à
l’importance du travail et de l’argent : « C’est valorisé d’en faire beaucoup, de
travailler beaucoup, de gagner beaucoup d’argent. J’imagine qu’on peut facilement
entrer dans l’épuisement professionnel juste { essayer d’atteindre ça ». Pour
d’autres, comme le souligne la C.O. no 7, ce sera la valorisation des postes de gestion
en entreprise : « Ça se peut aussi qu’elle se soit embarquée dans un poste, on parle
ici d’un poste de gestion, mais ça peut être autre chose, qu’elle se soit embarquée
dans un poste de gestion parce que c’est ce qui était valorisé. Mais ce n’est pas
nécessairement ce qui lui convient ». Enfin, pour le C.O. no 4, la pression sociale est
parfois très forte au point d’avoir de la difficulté { quitter une profession. Il
mentionne :
Ça fait cinq ans qu’on reçoit des carrières plus { caractère vocationnel, infirmière, avocat, médecin, psychiatre, enseignant, puis étant donné qu’ils ont un caractère vocationnel […] ça ne se fait pas changer de carrière quand tu es rendu là. Et le fait que ça ne se fait pas, imaginez-vous la pression sociale, et de l’entourage, mais surtout des collègues de remettre ça en question, donc ça se fait en cachette. Ils viennent ici, ils le font en cachette, ils le font seuls, mais cette lourdeur sociale là existe aussi. (C.O. no 4)
Comme le précise la C.O. no 8, la pression sociale peut aussi se transformer en
questionnements qui camouflent des jugements : « Tu sais, des fois, il y en a qui se
font juger : tu ne travailles pas encore? Les parents : tu ne travailles pas encore!
Qu’est-ce que tu fais, maudit? Qu’est-ce que tu as? Est-ce que c’est grave? ».
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, certains codes sociaux
normatifs dans la société, comme la valorisation de l’argent ou la valorisation des
118
postes de gestion par exemple, créent chez certaines personnes une pression
indirecte qui vient influencer leurs comportements et parfois même, le
développement de l’épuisement professionnel.
Influences macroéconomiques
Les influences macroéconomiques font référence, dans le cadre de cette analyse, aux
postulats sur lesquels repose l’organisation des activités économiques visant la
rentabilité des entreprises et la création de richesse dans son ensemble. Comme le
mentionne le C.O. no 6, la valorisation du capitalisme dans la société actuelle joue un
rôle dans le développement de l’épuisement professionnel :
Pour moi, il y a une cause sociale, on est dans une société où la productivité, l’efficacité sont de plus en plus exigées. Donc il y a une logique de toujours en avoir plus qui vient jouer là-dedans. […] Il y a un courant néolibéral qui nous amène à toujours être dans l’argent, l’argent, l’argent ! On en veut toujours plus. (C.O. no 6)
Ce même conseiller d’orientation ajoute : « […] il y a des attentes qui sont moins
réalistes de la loi économique, qui est une loi de toujours plus, dans la croissance.
[…] Il y a pour moi un gros paradigme qui est dans le mode de fonctionnement social
qui est très très pernicieux, dangereux ». Il précise un peu plus loin :
Ils obéissent (les gestionnaires d’entreprise) juste naïvement à une loi toujours prise pour acquis qui est la croissance, comme si c’était une loi de la nature. C’est une loi humaine, la loi économique, ce n’est pas une loi de la nature. (C.O. no 6)
L’importance de générer des profits devient tellement forte qu’elle influence
également la compétition, comme le mentionne la C.O. no 8 { l’aide cet exemple :
C’est comme une compétition féroce dans tous les domaines. Puis on parle même des CLSC, des écoles, où les revenus vont à la même place. On les met en compétition quand même, par exemple les SAQ. […] Les gestionnaires de la SAQ mettent les SAQ entre elles en compétition […]
119
puis, (certaines succursales) vont chercher les meilleurs vendeurs, les meilleurs conseillers pour aller d’une succursale { l’autre pour gonfler les chiffres de cette SAQ l{. C’est des affaires comme ça qui se passent. (C.O. no 8)
De plus, l’objectif de générer toujours plus de profits devient souvent l’ultime
mission de l’entreprise aux dépens des coûts sociaux que cela peut engendrer,
comme le mentionne le C.O. no 4 :
Puis les employeurs aussi, le rapport coûts-bénéfices est souvent orienté vers les bénéfices de se maintenir tel quel. Puis les coûts, ce qui va devenir l’épuisement professionnel, sont souvent minimisés. Et ça, c’est comme un réflexe que je vois souvent, très très souvent. Mieux vaut rester comme ça, ne pas faire de changement et puis, boum! un moment donné, on se ramasse dans la zone de l’épuisement professionnel. (C.O. no 4)
Ainsi, comme le souligne à nouveau le C.O. no 6, cela a eu un impact sur
l’organisation du travail :
Et dans ce sens-l{, l’exigence de productivité accrue, je veux bien croire qu’il y a 40 ans, on avait quatre personnes pour un job, et aujourd’hui, on a une personne pour 4 jobs. Il y a eu comme un déséquilibre. Il y avait de l’abus { l’époque, mais là, le néolibéralisme a tellement embarqué dans cette espèce d’efficience l{ que l{ c’est rendu trop de l’autre côté. Alors, il y a comme un déséquilibre à ce niveau-là. (C.O. no 6)
Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, les grandes influences
macroéconomiques ont un impact sur la façon dont les entreprises priorisent la
valorisation des bénéfices, la compétition et la productivité, et ce, aux dépens des
coûts sociaux dont l’épuisement professionnel.
120
4.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel
Les conseillers d’orientation interviewés ont présenté, selon eux, les différentes
conséquences engendrées par l’épuisement professionnel, et ce, d’après leurs
observations auprès de leurs clients respectifs. Pour faciliter leurs distinctions, ces
conséquences ont été subdivisées en quatre sous-sections, soit les conséquences
émotionnelles, comportementales, cognitives et physiologiques de l’épuisement
professionnel.
4.2.1 Conséquences émotionnelles
Selon les conseillers d’orientation interviewés, quelques conséquences
émotionnelles sont observables chez les clients en situation d’épuisement
professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement
les deux thèmes suivants :
Tableau 12
Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences émotionnelles chez
les clients en situation d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Sentiments de honte et de
culpabilité
Conséquences émotionnelles de l’épuisement
professionnel en réaction à l’incapacité de
surmonter les difficultés qui surviennent dans
l’entreprise.
Sentiments d’inquiétude et
d’anxiété
Conséquences émotionnelles vécues par certains
clients soucieux des conséquences de l’épuisement
professionnel.
121
Sentiments de honte et de culpabilité
Les sentiments de honte et de culpabilité font référence, dans le cadre de cette
analyse, { des conséquences émotionnelles de l’épuisement professionnel chez les
clients en réaction à leur incapacité de surmonter les difficultés qui surviennent
dans l’entreprise. Pour la C.O. no 3, ses clients ressentent de la honte d’être en
épuisement professionnel : « Il y a quelque chose qui reste quand même honteux de
faire un burnout malgré que c’est mieux vu, mieux compris ». Pour le C.O. no 4,
« […] ça les déstabilise en maudit, pour plusieurs d’entre eux c’est un échec profond,
ils s’en veulent de ne pas avoir reconnu les signes, mais surtout d’agir sur les
signes ». Pour la C.O. no 7, les sentiments de honte et de culpabilité ne sont pas
seulement liés { l’incapacité de la personne, mais ils sont aussi en lien avec
l’entourage : « Ils sont beaucoup dans le fait de se reprocher ce qu’ils ne font pas
pour leurs collègues, pour leur famille ». Elle mentionne aussi que certains
ressentiront « […] la culpabilité de surcharger des confrères qui, eux aussi, ont
beaucoup de travail ». De plus, certains auront la tendance à porter le regard sur ce
qui a échoué, comme le spécifie la C.O. no 2 : « Souvent cette personne-là va avoir des
yeux ouverts sur ce qu’elle n’a pas, sur ce qu’elle a raté ». Et pour certains, « […] cela
va les atteindre beaucoup dans leur orgueil d’être fatigués », comme le mentionne le
C.O. no 1.
En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, l’épuisement professionnel
occasionne des sentiments de honte et de culpabilité autant envers eux-mêmes et
leurs incapacités qu’envers les gens de leur entourage pour qui leur retrait crée un
impact.
Sentiments d’inquiétude et d’anxiété
Les sentiments d’inquiétude et d’anxiété font référence, dans le cadre de cette
analyse, à des conséquences émotionnelles vécues par certains clients soucieux des
conséquences de l’épuisement professionnel. Le C.O. no 4 souligne : « On les voit
122
beaucoup ça, les anxieux ». Les processus sont d’ailleurs plus longs avec les gens
anxieux, comme le fait remarquer la C.O. no 8 : « […] quand l’anxiété est au
paroxysme, quand il y a beaucoup beaucoup d’anxiété, c’est plus long ». Certains
clients sont tellement anxieux qu’ils veulent rapidement des réponses, comme le
mentionne la C.O. no 5 :
Si je sens que la personne a tendance à poser la question : qu’est-ce que je vais faire?, je dois arriver { maintenir le client dans le fait qu’il faut d’abord définir ça, qu’on va voir ça et après seulement on va voir ce que tu vas faire avec ça. Mais ceux qui sont anxieux vont toujours vouloir être en avant : qu’est-ce que ça va faire plus tard. (C.O. no 5)
Comme elle le précise un peu plus loin, « […] il y a comme une urgence, une
inquiétude et ils sont envahis par ça ». Comme le souligne également la C.O. no 7,
« […] ils sont beaucoup dans l’angoisse de ce qui va arriver ». D’autres sont encore
en emploi et ressentent aussi beaucoup d’angoisse et d’anxiété, comme le
mentionne à nouveau la C.O. no 7 :
Il y en a qui sont encore en emploi mais qui se rendent compte qu’ils ne fonctionnent plus bien, leur rendement diminue, ils commencent à recevoir des reproches de leur patron : il faudrait que tu te ressaisisses. Ces remarques-l{ suscitent de l’angoisse mais aussi de l’anxiété. (C.O. no 7)
Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, des sentiments d’inquiétude,
d’anxiété et d’angoisse sont observables chez plusieurs clients en situation
d’épuisement professionnel. En plus de rallonger les processus, cela provoque une
pression de répondre aux questions multiples des clients pour soulager leur anxiété.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 2 mentionne utiliser la visualisation et le focusing pour travailler cette
dimension : « Si par exemple elle me parle d’une anxiété quelconque, bien je vais lui
faire rencontrer cette anxiété-là, je vais lui demander de la décrire, je vais lui
123
demander ce qu’elle pourrait avoir envie de dire à cette anxiété-là et ce qu’elle
pourrait lui répondre. »
La C.O. no 8, quant { elle, propose, lorsque l’anxiété est très élevée, de faire des
activités différentes pour canaliser l’énergie du client autrement : « […] ça m’arrive
des fois de ne pas travailler l’anxiété du tout : bon on va faire le CV. Ça la calme […]
elle va canaliser son anxiété, tu lui donnes des devoirs, un CV à faire, un modèle de
lettre de présentation, tu la mets dans l’action, elle s’en va avec ça puis l{ elle revient
et elle est plus calme ».
4.2.2 Conséquences comportementales
Selon les conseillers d’orientation interviewés, quelques conséquences
comportementales sont également observables chez les clients en situation
d’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir
particulièrement les deux thèmes suivants :
Tableau 13
Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences comportementales
chez les clients en situation d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Isolement et discrétion Conséquences comportementales observées chez
certains clients qui, pour faire face à la souffrance
d’un épuisement professionnel, auront le réflexe
d’éviter les contacts sociaux ou autres activités
sociales.
Léthargie et passivité Conséquences comportementales observées chez
certains clients provenant de leur incapacité à
réagir aux difficultés qui surviennent dans
l’entreprise.
124
Isolement et discrétion
L’isolement et la discrétion font référence, dans le cadre de cette analyse, { des
conséquences comportementales observées chez certains clients qui, pour faire face
{ la souffrance d’un épuisement professionnel, auront le réflexe d’éviter les contacts
sociaux ou autres activités sociales. Comme mentionné plus tôt, les conseillers
d’orientation interrogés ont observé que l’épuisement professionnel occasionne des
sentiments de honte et de culpabilité chez plusieurs de leurs clients. Ces sentiments
influencent, { leur tour, certains comportements dont l’isolement : « […] parce qu’il
y a beaucoup de honte autour de ça, de ne pas avoir été capable de passer au travers,
beaucoup de culpabilité de ne pas avoir été capable de passer au travers, donc ils
sont portés { s’isoler », souligne la C.O. no 2. La C.O. no 5 partage le même point de
vue : « Oui, ils sont tout seuls et ils s’isolent ». Il y a aussi une diminution des
contacts sociaux : « Beaucoup moins de contacts, c’est sûr; j’entends beaucoup au
niveau social, au niveau d’activités qu’ils faisaient en couple, en famille, beaucoup
moins d’activités, isolement », précise la C.O. no 3. Elle raconte même que « […] chez
les hommes aussi, des fois, il pouvait y avoir des partys dans la maison et eux sont
couchés, ils veulent éviter carrément les fêtes, […] ils n’ont plus le goût de recevoir,
plus le goût de faire grand-chose ». Les propos du C.O. no 4 vont dans le même sens :
Ils se mettent parfois en retrait du réseau social qui était là, des activités qu’ils avaient. Tout { coup, ils ne vont plus jouer au hockey, cela fait un bout qu’ils n’ont pas vu des filles, peut-être une sortie avec des filles, toutes des activités qui étaient en place et tout à coup, ils se sont isolés de ces activités-là, ils en ont moins. (C.O. no 4)
Même que selon la C.O. no 8, pour certains clients, l’heure passée en consultation est
la seule communication de la semaine : « J’ai des gens qui viennent ici une heure par
semaine et c’est juste { moi qu’ils parlent pendant la semaine. Ce sont des gens qui
sont isolés ». Cette observation est aussi partagée par la C.O. no 7 qui mentionne :
« Il y a en a que les premières séances, la seule activité de la semaine, c’est de se
rendre ici au rendez-vous ». Les comportements d’isolement sont aussi observables
125
chez certains clients en milieu de travail ou qui retournent après un temps d’arrêt.
La C.O. no 3 souligne : « Au niveau du travail, je crois qu’ils ont tendance aussi {
s’isoler, ils essaient de le cacher ». Certains clients veulent donc éviter d’en parler
aux autres. Comme le précise la C.O. no 8, « il y a de plus en plus de gens qui le disent,
mais il y a encore beaucoup de gens qui ne le disent pas qu’ils sont en épuisement
professionnel ». Elle ajoute : « Ce n’est pas vrai qu’on est sensibilisés à la
problématique tant que ça; l’épuisement professionnel, c’est réel, puis les gens, ils
ne le voient pas encore tout { fait […] quand ils reviennent au travail, c’est pas
comme si tu revenais d’un diagnostic de cancer l{, c’est pas pareil ». C’est donc dans
ces circonstances que certains clients choisissent de s’isoler et d’éviter de discuter
de leur situation avec les gens autour d’eux (conjoint(e), amis, collègues de travail,
etc.). La C.O. no 3 précise : « Mais c’est la honte, il y en a qui veulent cacher, ne pas le
dire, qui veulent que ça passe inaperçu, ça c’est sûr ».
En conclusion, selon ces six conseillers d’orientation, leurs clients en situation
d’épuisement professionnel ont tendance { s’isoler et { éviter les contacts sociaux
pour ne pas avoir { parler des difficultés qu’ils vivent.
Léthargie et passivité
La léthargie et la passivité font référence, dans le cadre de cette analyse, à des
conséquences comportementales observées chez certains clients provenant de leur
incapacité { réagir aux difficultés qui surviennent dans l’entreprise, c’est-à-dire une
combinaison des causes individuelles, organisationnelles et sociales. Pour plusieurs
clients, l’incapacité { modifier une situation problématique qui les mène tout droit
vers l’épuisement professionnel va provoquer ce que le C.O. no 4 nomme un
« sentiment de léthargie ». Par léthargie, on entend « un état de torpeur, d’apathie et
d’extrême affaiblissement » (Dictionnaire Larousse, 2011). Comme le souligne le C.O.
no 1, chez certains clients, « […] il y en a qui le savent, mais qui se laissent tout
simplement glisser ». La C.O. no 5 considère cet aspect comme de la passivité chez
l’individu : « Donc au fur et à mesure que la personne perd le contrôle de son travail
126
ou de son environnement, il n’y pas de réaction de sa part, il y a une passivité qui
s’installe qui fait qu’elle se laisse complètement engloutir par la situation ». Et
comme le spécifie le C.O. no 4, « […] tous ont eu des signaux qu’il fallait qu’ils
changent quelque chose […] mais ils ne l’ont pas fait, ils n’ont pas passé { l’action, ils
ont laissé le temps passer, la frustration est devenue plus complexe. » Le C.O.
no 6 ajoute : « On a enduré une situation qui ne correspondait pas à nos besoins
pour être bien donc, que j’ai tolérée. […] J’endure une situation qui me rend de plus
en plus près du burnout ou du présentéisme ».
Ainsi, à la lumière des propos recueillis par ces quatre conseillers d’orientation,
l’épuisement professionnel entraîne des comportements léthargiques et une
passivité chez certains clients, et parallèlement, une négligence de leurs propres
besoins.
4.2.3 Conséquences cognitives
Selon les conseillers d’orientation interviewés, plusieurs conséquences cognitives
sont aussi observables chez les clients en situation d’épuisement professionnel.
L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les cinq thèmes
suivants :
127
Tableau 14
Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences cognitives chez les
clients en situation d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Incapacité de projection et
méfiance
Difficultés pour les clients d’entrevoir et de prendre
des décisions concernant leur avenir.
Incapacités cognitives Difficultés intellectuelles comme la concentration,
la prise de décision et l’organisation mentale du
client, qui provoquent un effet négatif sur la
performance et contribuent à augmenter le niveau
d’inquiétude chez le client.
Volonté de changement
importante
La pensée, chez certains clients, qu’un changement
d’emploi ou de carrière serait la solution aux
difficultés rencontrées.
Diminution de la confiance Réévaluation négative qu’un individu fait de ses
capacités, { la suite d’un épuisement professionnel.
Inquiétude face à l’opinion
d’autrui
Souci des individus en épuisement professionnel
quant { l’opinion des autres (famille, amis,
collègues, etc.) à leur égard.
Incapacité de projection et méfiance
L’incapacité de projection et la méfiance font référence, dans le cadre de cette
analyse, { des difficultés, chez les clients en situation d’épuisement professionnel,
d’entrevoir et de prendre des décisions concernant leur avenir. Comme le souligne
le C.O. no 4, le jugement des clients en épuisement professionnel devient aussi altéré
par leurs craintes : « Alors là, leur capacité de se projeter dans l’avenir devient
affectée, contaminée par leurs peurs qui n’étaient peut-être pas là avant ». Cette
incapacité de projection dans l’avenir est appuyée par les propos du C.O. no 1
128
lorsqu’il mentionne que les clients en situation d’épuisement professionnel ont « […]
de la misère à se projeter à long terme ». Comme le précise aussi la C.O. no 7,
« […] lorsqu’on est épuisé, c’est difficile d’envisager un changement. C’est un gros
changement parce que là, on perçoit ça { travers tout son niveau d’exigence qui nous
suit ». Pour le C.O. no 6, cela provoque une impasse décisionnelle : « Il y a impasse,
impasse dans ce qui se passe, impasse dans ce qui est à venir. Mon processus de
décision est en panne. Je ne sais plus comment prendre les variables de l’avenir ».
Comme le précise la C.O. no 8, une méfiance du marché du travail s’installe aussi :
« Je les prends bien souvent désabusés, désillusionnés, avec une anticipation du
marché du travail ». À cet égard, le C.O. no 4 mentionne : « Parfois, il y a une
tendance à exagérer ce qui peut arriver dans le futur ». Enfin, comme le souligne la
C.O. no 5, « il y a une méfiance. Le risque des gens qui se sont surengagés un moment
donné, c’est de ne plus s’engager. Et le problème, c’est d’arriver { leur faire
retourner sur le marché du travail en étant plus équilibrés ».
Donc, selon ces cinq conseillers d’orientation, il est difficile pour leurs clients en
situation d’épuisement professionnel d’envisager l’avenir positivement, ce qui
affecte leur capacité à prendre des décisions et augmente leur méfiance par rapport
au marché du travail.
Incapacités cognitives
Les incapacités cognitives font référence, dans le cadre de cette analyse, à des
difficultés intellectuelles comme la concentration, la prise de décision et
l’organisation mentale du client, ce qui provoque un effet négatif sur la performance
et contribue { augmenter le niveau d’inquiétude chez le client. Pour le C.O. no 4,
plusieurs de ses clients, particulièrement lors du retour au travail, vivent des
incapacités cognitives en conséquence de l’épuisement professionnel :
Il y a un petit pourcentage des gens qui disent : ils me semblent que je ne suis pas capable de me concentrer puis de performer à la même
129
capacité que j’étais capable de le faire. Et cela vient vraiment les affecter, spécifiquement des gens où les calculs mathématiques avancés sont nécessaires, comme dans le domaine du génie ou des finances. Cela vient vraiment les affecter parce qu’ils savent très bien qu’ils viennent juste de toucher une fibre centrale à leur compétence. (C.O. no 4)
Dans le même ordre d’idées, la C.O. no 7 ajoute : « Ils ne fonctionnent plus bien,
difficultés de concentration. On pose des questions : qu’est-ce que c’était ta
question? Difficulté d’attention, c’est des idées récurrentes qui tourbillonnent, c’est
incessant ». Pour la C.O. no 3, ces incapacités cognitives viennent aussi affecter les
gens travaillant dans des postes de haut niveau : « Il y en a qui ont des gros postes
ou des bons postes et puis, une difficulté à prendre des décisions, plus capables de
voir clair dans leur situation ». Ce sentiment de confusion est partagé par la C.O.
no 2 : « […] c’est des personnes qui souvent sont confuses, complètement mélangées,
à terre, désorganisées avec un grand vide intérieur, souffrantes ». Également, en
réaction { l’augmentation du niveau de cortisol, ils perdent aussi, selon la C.O. no 8,
le sens des priorités :
Donc l{ ce qui arrive, c’est qu’il sort du cortisol au bout, mais le cortisol sert à focuser sur une affaire, donc j’arrive avec une autre tâche, une autre tâche, une autre tâche, bien qu’est-ce qui arrive? Tu perds le sens des priorités. En perdant le sens des priorités, tu te sens incompétent, tu te dis ayoye, je ne suis plus capable, je ne suis plus capable de gérer mon temps, moi qui avais le sens de l’organisation; tu te dévalorises. (C.O. no 8)
Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, l’épuisement professionnel
occasionne, chez leurs clients, des incapacités cognitives, notamment la perte de
concentration, la confusion et la diminution du sens des priorités.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 8 propose de consulter le site Internet suivant : http://lecerveau.mcgill.ca
de l’Université McGill pour mieux comprendre les effets du stress sur le cerveau
humain : « Il y a des explications de débutant, intermédiaire et expert, puis là tu as
130
tout, le cerveau, les émotions, le stress, tout ». Elle propose aussi l’exploration des
travaux de recherche de Sonia Lupien, neuropsychologue au Centre de recherche de
l’hôpital Douglas de Montréal. Elle souligne : « J’aime beaucoup ses travaux à elle.
C’est son approche biologique qui est incontestable, c’est physique, c’est
biologique ».
Volonté de changement importante
La volonté de changement importante fait référence, dans le cadre de cette analyse,
{ la pensée, chez certains clients, qu’un changement d’emploi ou de carrière serait la
solution aux difficultés rencontrées qui ont mené { l’épuisement professionnel. Dès
leur arrivée en consultation, plusieurs clients mentionnent vouloir changer
d’emploi, comme le souligne la C.O. no 5 : « Ils viennent nous voir en disant : je veux
changer d’emploi. C’est la réaction spontanée : je ne veux plus y retourner, ni dans
ce domaine où je travaillais avant ». La C.O. no 3 partage cet avis : « Ils n’ont plus de
motivation, ils n’ont plus d’intérêts, ils veulent tout changer, l’employeur, le métier,
la carrière, changer, ils veulent tout changer, oui ». La C.O. no 7 abonde en ce sens :
« Bien disons une personne qui nous arrive, qui est fatiguée, qui n’en peut plus, elle
veut changer d’emploi, c’est souvent ça ». Comme le précise la C.O. no 5 en citant un
exemple, certains individus vont vouloir opter pour des postes comportant moins de
responsabilités : « […] je me souviens d’une en particulier. Elle avait dirigé des
organismes communautaires et me disait qu’elle voulait être secrétaire ». Pour
d’autres, comme le mentionne le C.O. no 1, la volonté de changer de métier est plus
drastique :
Souvent, les gens retombent dans des stades de développement qui sont propres { l’adolescence. […] Ils retournent dans des choix fantaisistes. Ils se mettent à fantasmer à complètement autre chose, les fantasmes apparaissent, ils se sont tellement collés sur le rond chaud que là, ils veulent se décoller et aller dans autre chose. Donc tu peux avoir l’infirmière qui l{, tout { coup, va rêver de partir sa maison d’édition ou même un photographe qui va penser être trucker. (C.O. no 1)
131
Selon lui, ce genre de pensée est observable en consultation avec des gens en
épuisement professionnel. Le C.O. no 1 explique : « […] pour rétablir un équilibre, ils
vont renverser dans le contraire ». Mais comme le précise la C.O. no 7, il faut faire
attention à cette volonté de changement drastique :
[…] parce que ce n’est pas en cherchant un autre emploi ou une autre profession qu’on règle le problème. La perception, elle nous suit. Donc oui, si on est gestionnaire d’une équipe de vingt personnes puis qu’on décide de s’en aller chauffeur d’autobus, il y a de bonnes chances qu’on ne soit plus sollicité de la même façon, puis qu’on règle par l’extérieur ce qu’on ne veut pas affronter par l’intérieur. (C.O. no 7)
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, l’épuisement professionnel
amène certains individus à exprimer une volonté de changement importante en
consultation, et ce, dans le but d’éviter de ne pas revivre les mêmes symptômes dans
le futur. Il faut toutefois être prudent avec cette volonté de changement.
Diminution de la confiance
La diminution de la confiance fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la
réévaluation négative qu’un individu fait de ses capacités, { la suite d’un épuisement
professionnel. Comme le mentionne le C.O. no 4, « [...] tout ça donne une résonance
d’échec auprès de la personne, cela a des conséquences sur sa perception d’elle-
même au niveau de son estime et de sa confiance en soi, et de ses capacités aussi. Il y
a beaucoup de gens qui vont remettre en question leur capacité à refaire le même
travail ». La peur de revivre le même scénario est très présente : « […] ça remet en
question leur capacité d’agir donc tout { coup, ils ont peur d’être dans une situation
semblable et comment vont-ils réagir dans une situation semblable? », précise à
nouveau le C.O. no 4. La confiance en leur capacité est aussi touchée selon la C.O.
no 3 : « […] mais l{, c’est toute la confiance en eux, l’estime d’eux-mêmes, l’assurance
en eux-mêmes, ça c’est plus l{; autant ils étaient capable de défoncer des murs que
là, l’estime et leurs capacités ont beaucoup diminué ». Enfin, pour ce qui est de la
C.O. no 5, elle remarque, lors des consultations avec ses clients, une tendance à la
132
sous-estimation : « Souvent, c’est des gens qui considèrent qu’ils ne sont pas bons;
[…] ils se sous-estiment bien souvent ».
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, le fait d’avoir vécu un
épuisement professionnel provoque une diminution de la confiance en ses capacités
chez la personne.
Inquiétude face à l’opinion d’autrui
L’inquiétude face à l’opinion des autres fait référence, dans le cadre de cette analyse,
aux soucis des individus, en épuisement professionnel, quant { l’opinion des autres
(famille, amis, collègues, etc.) à leur égard. Comme le mentionne la C.O. no 3, certains
se posent la question suivante : « Qu’est-ce que les autres vont penser de moi? » Elle
ajoute également : « Ils ont peur de l’image, ils ont peur de ce que les employeurs
vont penser. […] Il n’y pas un employeur qui va vouloir de moi ». Pour le C.O. no 4,
certaines personnes tombent dans une forme de paranoïa :
La paranoïa des fois s’installe; est-ce que je vais toujours avoir ça, est-ce que tout le monde va me considérer maintenant comme un loser? Ils marchent dans la rue et là, ils pensent que les gens voient que c’est un loser, qu’ils voient que c’est une personne qui a un épuisement professionnel. (C.O. no 4)
Par souci de l’opinion des autres, certains clients iront même jusqu’{ demander,
pendant les rencontres, comment formuler des explications à leur entourage sur ce
qui leur arrive : « Ils me demandent : qu’est-ce que je peux dire? », précise la C.O.
no 8. Elle ajoute que « […] c’est vrai que, des fois, ils ne savent pas quoi dire ni aux
amis qu’ils rencontrent { l’épicerie, ni à un futur employeur, ni à leur monde
autour ».
En conclusion, selon ces trois conseillers, l’inquiétude face { l’opinion d’autrui est
une conséquence cognitive de l’épuisement professionnel chez certains individus et
incite à plusieurs soucis et questionnements lors des consultations.
133
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 3 explique l’exemple d’une cliente qui a utilisé un moyen utile pour
dissiper ses inquiétudes par rapport { l’opinion des autres en lien avec son
épuisement professionnel. Elle a pris la décision d’écrire des lettres aux gens
importants de ses réseaux social et professionnel : « Déjà avant Noël, elle a envoyé
des lettres, des cartes et tout. En janvier, elle a reçu un feedback positif, elle s’est
rendu compte que les gens ne l’avaient pas mise out of the spot après 15 mois. Moi,
je suis plus du côté d’une approche téléphonique, mais la cliente, elle, n’était pas {
l’aise avec le téléphone; elle aimait mieux écrire des lettres ».
4.2.4 Conséquences physiologiques
Selon les conseillers d’orientation interviewés, des conséquences physiologiques
sont aussi observables chez les clients en situation d’épuisement professionnel.
L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les deux thèmes
suivants :
Tableau 15
Thèmes émergeants et définitions opératoires des conséquences physiologiques
chez les clients en situation d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Problèmes reliés au
sommeil
Dérèglements en matière de sommeil en réaction
aux symptômes de l’épuisement professionnel chez
les clients.
Problèmes reliés à
l’alimentation
Dérèglements en matière de nutrition en réaction à
la médication et aux symptômes de l’épuisement
professionnel chez les clients.
134
Problèmes liés au sommeil
Les problèmes liés au sommeil font référence, dans le cadre de cette analyse, aux
dérèglements en matière de sommeil en réaction aux symptômes de l’épuisement
professionnel chez les clients. Comme le souligne la C.O. no 3, chez plusieurs de ses
clients, il s’installe une grande fatigue : « Une fatigue physique, émotionnelle mais
physique aussi; pas capables de se lever, dorment des 12 heures, des 14 heures […]
incapables de passer au travers de leur fatigue ». La même observation est constatée
par la C.O. no 2 : « Physique, c’est souvent des difficultés reliées au sommeil, soit ça
dort beaucoup ou ça dort pas ». Le C.O. no 4 fait le même constat lorsqu’il
mentionne : « […] il y en a certains qui ont des difficultés de sommeil ». Comme le
spécifie la C.O. no 3, leur cycle de sommeil est souvent affecté : « Il y en a que leur
cycle, ils dorment trop le jour, ils ne dorment plus la nuit ». La C.O. no 7 observe
également des difficultés sur le plan du sommeil : « L’individu, on le reçoit en
entrevue, il arrive ici épuisé, souvent le mot qui sort c’est : je suis vidé, […] j’arrive
plus { me lever, j’arrive plus { fonctionner ». Pour certains, c’est le contraire, des
difficultés { s’endormir apparaîtront et la prise de médication sera plus fréquente :
« Il y a beaucoup de monde là-dedans qui prend des pilules pour dormir parce qu’ils
ne sont plus capables de dormir », souligne la C.O. no 3.
En conclusion, selon ces quatre conseillers, leurs clients en situation d’épuisement
professionnel vivent des problèmes liés au sommeil; soit ils dorment trop, soit ils
sont incapables de dormir.
Problèmes liés à l’alimentation
Les problèmes liés { l’alimentation font référence, dans le cadre de cette analyse,
aux dérèglements en matière de nutrition en réaction à la médication et aux
symptômes de l’épuisement professionnel chez les clients. Concernant les effets
physiologiques de l’épuisement professionnel auprès de ses clients, la C.O.
no 2 mentionne : « Alimentaires aussi; mange beaucoup ou mange pas » La C.O. no 3
135
observe aussi des difficultés à ce niveau, particulièrement chez les femmes : « […]
mais les femmes, ce qu’elles n’aiment pas, cela joue beaucoup sur leur image, à cause
qu’elles prennent de la médication, elles engraissent ». Et elle précise : « La première
chose qu’elles disent dès qu’elles se sentent mieux, c’est qu’elles veulent faire des
régimes, ça j’entends beaucoup ça ». Les observations du C.O. no 4 vont dans le
même sens :
Il y a un gain de poids, souvent cela vient les brusquer un peu, pas tout le monde, mais ça vient les affecter au niveau de l’estime de soi un petit peu. Ça crée un cercle vicieux au niveau de ne pas brûler des calories davantage, une passivité qui a tendance { s’installer, la nutrition des fois prend le bord. Ils ont besoin de se nourrir émotivement donc ils mangent des choses que peut-être ils ne mangeaient pas avant ou mangeaient moins avant. Ça augmente leur niveau calorique, avec la passivité, ça augmente le poids puis là, il y a un cercle vicieux qui s’installe. (C.O. no 4)
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, des problèmes sur le plan de
l’alimentation sont observables avec les clients en situation d’épuisement
professionnel; soit ils mangent beaucoup ou pas du tout.
4.3 La situation générale des clients
Les conseillers d’orientation interrogés ont présenté certaines caractéristiques
concernant la situation générale des clients qui viennent consulter pour des motifs
d’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir
particulièrement les six thèmes suivants :
136
Tableau 16
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation générale des
clients en lien avec l’environnement
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Hétérogénéité de la
clientèle
Observations des conseillers d’orientation quant {
la variété de situations possibles dans lesquelles se
retrouvent les clients en situation d’épuisement
professionnel se présentant en consultation.
Accompagnement médical Observations des conseillers d’orientation quant au
suivi médical des clients en situation d’épuisement
professionnel.
Types de diagnostic Observations des conseillers d’orientation quant au
choix de diagnostic priorisé par les médecins avec
des clients en situation d’épuisement professionnel.
Médication Observations des conseillers d’orientation quant {
la prescription de médication par les médecins,
pour soigner les symptômes de l’épuisement
professionnel chez les clients.
Médecines alternatives Observations des conseillers d’orientation quant {
l’utilisation de certaines médecines alternatives
chez les clients pour traiter les symptômes de
l’épuisement professionnel.
Soutien familial Observations des conseillers d’orientation quant au
type de soutien offert par les familles.
Hétérogénéité de la clientèle
L’hétérogénéité de la clientèle fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux
observations des conseillers d’orientation quant { la variété de situations possibles
137
dans lesquelles se retrouvent les clients en situation d’épuisement professionnel se
présentant en consultation. Au départ, il y a une distinction importante à faire entre
les clients qui viennent par eux-mêmes et ceux dont la référence provient des
instances gouvernementales, des compagnies d’assurances et des entreprises
privées majoritairement par le biais d’un programme d’aide aux employés. Comme
la figure suivante l’illustre, les clients se retrouvent majoritairement dans ce genre
de situation :
Figure 10
Portrait de la situation de la clientèle qui consulte les conseillers d’orientation
Au sujet des clients qui, de leur propre initiative, consultent un conseiller
d’orientation pour des questions d’épuisement professionnel, le C.O.
no 1 mentionne : « […] je n’ai pas de normes, c’est-à-dire que je n’ai pas de
tangente. […] Je te dirais qu’ils sont dans toutes les situations, je n’ai pas remarqué
de dominance. […] Quand est-ce que les gens viennent le plus souvent consulter, est-
ce avant, pendant ou après? Moi, je te dis qu’ils viennent à tous les moments ». Cette
observation est aussi partagée par la C.O. no 7 : « Donc, ils nous arrivent ici à
différents stades puis il n’y a pas de constante, il y en a de tout ordre ». Comme le
précise à nouveau le C.O. no 1, certains clients vont consulter à titre préventif, tandis
que d’autres vont vouloir évaluer de nouvelles options { la suite d’un épuisement
professionnel :
Initiative du client (clientèle privée)
En emploi, en arrêt de travail ou chômage
Références (EQ, CSST, Assurances et PAE) (clientèle référée) En arrêt de travail
Prévention Épuisement professionnel
Retour ou réorientation
Arrêt de travail pour épuisement
Arrêt de travail : retour ou
réorientation
Conscient Non conscient
138
[…] il y a des personnes qui viennent consulter par elles-mêmes avant parce qu’elles sentent que ça ne va plus. Puis après, c’est parce qu’elles savent que le retour au travail s’en vient et ne se voient tout simplement pas retourner là. Elles sont catastrophées de sentir qu’elles doivent retourner là, elles veulent vraiment une alternative. (C.O. no 1)
Pour le C.O. no 4, la clientèle privée et non référée vient particulièrement consulter à
titre préventif :
[…] la plupart des gens qui nous consultent sont justement de la catégorie un peu plus proactive, ils savent que quelque chose va mal, leur entourage leur a dit pourquoi tu ne vas pas consulter? […] Parmi cette clientèle-là, il y a un pourcentage quand même faible qui est vraiment proche d’un burnout. (C.O. no 4)
Pour le C.O. no 6, la majorité de sa clientèle privée est aussi à l’étape de la
prévention : « Mais la clientèle au niveau du burnout, je dirais que la majorité, c’est
du pré-burnout : je sens qu’il faut que je change mais je ne sais pas trop quoi. […] La
majorité de ma clientèle, ce sont des gens sans diagnostic qui font juste se remettre
en question ». Toutefois, il ajoute, un peu plus loin, qu’il rencontre aussi des clients
qui sont en épuisement ou qui viennent de sortir d’un épuisement et qui ne veulent
pas revivre les mêmes difficultés :
Mais je vais aussi avoir des gens qui ont été en burnout, qui ont eu un diagnostic de burnout, soit qu’ils sont en pause, en tant d’arrêt présentement, ça j’en ai. Des gens qui ont eu des burnouts et qui sont retournés sur le marché du travail ou d’autres qui n’ont pas pu, car ils sentent qu’ils vont retomber. (C.O. no 6)
Concernant la clientèle privée, la C.O. no 3 ajoute : « Mais j’ai des gens qui viennent
en consultation privée, c’est une petite partie mais c’est… ce n’est pas vrai qu’ils sont
tous en pré-burnout. Mais en écoeurite aiguë, en insatisfaction totale, en
requestionnement professionnel, personnel et tout y passe, oui ». Elle ajoute
également : « Mes clients qui sont encore en emploi, c’est qu’ils sentent que la soupe
est chaude; ils ont vu les autres tomber, ils ne veulent pas, ils veulent essayer de
139
faire attention […] puis, ils viennent consulter pour dire : qu’est-ce que je peux faire
avant que je tombe? ».
Il y a également une distinction à faire entre les clients conscients de leur
épuisement professionnel et ceux qui n’en sont pas encore conscients. Comme le
souligne le C.O. no 1, « […] il y a des gens qui affichent des signes avant-coureurs et
qui consultent, et il y en a d’autres que je leur fais réaliser qu’ils manifestent des
signes avant-coureurs, mais qu’ils n’en ont pas conscience ». La C.O. no 7 partage
aussi cet avis :
Il y a des fois que eux-mêmes se voient aller et se disent : non, moi j’arrête ça, il faut que je consulte, ça se peut pas. Puis il y a des fois qu’ils ne se voient même pas aller, mais tout ce qu’ils veulent, c’est changer. […] On identifie qu’ils peuvent être épuisés et qu’ils ne le savent pas. (C.O. no 7)
Pour ce qui est de la clientèle référée maintenant, le C.O. no 4 mentionne que « la
majorité sont complètement en arrêt de travail. La grosse majorité parce que ce sont
des références des compagnies d’assurances. Donc 90 % et plus ». Le C.O. no 1
mentionne également :
[…] j’ai déj{ travaillé dans un organisme où je faisais juste de l’épuisement professionnel, c’était ça mon mandat, je ne faisais que ça. Alors quand ils arrivaient, c’était des gens qui étaient avancés dans leur processus, qui étaient en arrêt de travail par épuisement. (C.O. no 1)
La C.O. no 7 ajoute que les gens référés n’en sont pas toujours à leur premier arrêt
de travail : « Il y a en a que c’est leur quatrième, cinquième, sixième épisode de
fatigue extrême. J’ai des gens des fois qui arrivent ici en arrêt de travail, puis ils
viennent me voir en disant : je pense que je ne suis pas dans la bonne job. Souvent,
ils nous sont référés par des programmes d’aide ». Pour la C.O. no 8 qui travaille avec
une clientèle uniquement référée par le Gouvernement du Québec, elle mentionne :
« Tous sont en arrêt de travail ».
140
Donc, en résumé, la clientèle en privée peut être très variée, les clients peuvent être
en pré-épuisement, en épuisement professionnel ou en post-épuisement et
manifester une volonté de planifier leur retour sur le marché du travail. Et pour ce
qui est de la clientèle référée, elle est majoritairement en arrêt de travail.
Accompagnement médical
L’accompagnement médical fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux
observations des conseillers d’orientation quant au suivi médical des clients en
situation d’épuisement professionnel. Comme le spécifie le C.O. no 1, « […] si c’est
quelqu’un qui vient du grand public, s’il est médicamenté ou s’il est en arrêt de
travail, il y a un médecin dans le décor ». La C.O. no 7 aborde aussi la question de
l’accompagnement médical : « Donc oui, des fois quand les gens viennent nous voir
justement pour dire : là, je pense qu’il faut que je change d’emploi, […] ils sont déj{
vus par leur médecin ». Le C.O. no 4 ajoute des spécifications concernant la clientèle
référée par les compagnies d’assurances publiques ou privées :
Ils ont vu leur médecin, 100 % du temps, ils ont vu leur médecin déjà, alors ils sont déjà dans une relation thérapeutique avec leur médecin. […] En fait, ceux qui nous sont référés finalement dans le cheminement et le suivi qu’ils ont avec leur compagnie d’assurance publique ou privée, c’est toujours l’aspect médical qui passe avant. (C.O. no 4)
Il précise par la suite que, seulement parmi la clientèle privée, celle qui décide de
venir consulter par elle-même, certains n’ont pas de suivi médical pour le moment.
Enfin, pour la C.O. no 8, étant donné qu’elle rencontre les clients seulement sur
référence, l’accompagnement médical est obligatoire : « Moi, pour venir me voir, ça
prend un papier médical ».
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, l’accompagnement médical
pour les clients en situation d’épuisement professionnel est toujours présent, sauf
quelques exceptions parmi la clientèle non référée.
141
Types de diagnostic
Les types de diagnostics font référence, dans le cadre de cette analyse, aux
observations des conseillers d’orientation quant aux choix de diagnostic priorisés
par les médecins avec des clients en situation d’épuisement professionnel. Ce qui
ressort des propos des conseillers d’orientation, c’est qu’il y a plusieurs types de
diagnostic possibles choisis par les médecins. La C.O. no 8 souligne : « Dépression,
trouble anxieux, dépression avec humeur anxieuse, trouble d’adaptation, c’est tout,
c’est les diagnostics que j’ai dans mon bureau ». Pour le C.O. no 4, c’est aussi très
varié comme types de diagnostic : « […] anxiété, dépression, beaucoup de
dépression, […] il y a certains troubles de comportement de l’adaptation qui peuvent
se mélanger là-dedans. Des fois, des TOC (troubles obsessifs compulsifs) aussi ». La
C.O. no 3 remarque surtout des diagnostics de dépression : « Mais là, je trouve
qu’épuisement professionnel, on ne le voit pas souvent; dépression, dépression,
dépression ». Également, elle précise que pour des raisons plus pratiques pour les
clients, il y a une tendance, chez certains médecins, à inscrire un diagnostic de
dépression, comme le mentionne la C.O. no 3 :
[…] il y a des gens qui font des épuisements professionnels, mais l’étiquette qui est mise, c’est dépression. Les médecins font ça parce qu’ils savent très bien que pour une compagnie d’assurances, si je te mets épuisement professionnel ou burnout, dans trois mois, je vais t’appeler, je vais t’achaler : go go go! retourne travailler. Si je mets dépression ou même dépression majeure, au moins tu vas pouvoir rester chez vous minimum 6 mois, 9 mois sans que la compagnie d’assurances t’appelle et t’achale. (C.O. no 3)
Les propos de la C.O. no 8 vont dans le même sens lorsqu’elle mentionne avoir
beaucoup de diagnostics de dépression pas nécessairement fondés :
[…] bien effectivement, j’ai beaucoup de diagnostics de dépression puis clairement, ce n‘est pas de la dépression, c’est de l’épuisement professionnel. Sauf que l’épuisement professionnel, il n’est pas un diagnostic dans le DSM IV, donc ils ne peuvent pas payer des assurances. Pour ça donc, ils vont dire dépression. (C.O. no 8)
142
Elle ajoute : « […] trouble de l’adaptation, il est moins populaire, quoique je dirais
que c’est plus approprié comme diagnostic. Mais lorsqu’on a des troubles
d’adaptation, c’est dur de se faire payer par les assurances, donc ils disent
dépression ». Enfin, contrairement aux autres, la C.O. no 2 mentionne : « Quand ils
arrivent chez moi, ils ont été diagnostiqués; habituellement ce qui revient
constamment, c’est le trouble de l’adaptation avec humeur dépressive pour tout le
monde ».
Ainsi, { la lumière des propos de ces quatre conseillers d’orientation, les diagnostics
sont très variés, mais ce qui revient le plus souvent, c’est celui de la dépression pour
faciliter les démarches avec les compagnies d’assurances, les institutions
gouvernementales et les entreprises privées.
Médication
La médication fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux observations des
conseillers d’orientation quant { la prescription de médication par les médecins,
pour soigner les symptômes de l’épuisement professionnel chez les clients. Comme
le mentionne la C.O. no 3, pour la majorité des clients, la médication est prescrite :
La plupart de mes clients qui ont fait un épuisement professionnel, premièrement, prennent de la médication. Souvent chez mes clients, il y a une période, c’est la médication, il y a un changement, ils augmentent, ils descendent, en tout cas c’est une méchante concoction de médication. (C.O. no 3)
Mais elle le précise quelques instants plus tard : « […] la plupart des gens, ça fait au
moins 9 mois ou 1 an qu’ils sont en thérapie. Puis l{, la médication pour certains a
diminué, a commencé à diminuer ». Pour le C.O. no 4, la médication est aussi
prescrite à plusieurs de ses clients : « Une très grande partie ont droit à des
médicaments, sont médicamentés ». Parfois, la médication devient même
obligatoire, comme le souligne la C.O. no 2 :
143
La plupart sinon tous arrivent avec une médication parce que les compagnies d’assurances obligent les personnes { prendre la médication, sinon elles ne sont pas couvertes par l’assurance. Donc ils arrivent avec un diagnostic du médecin avec une obligation de prendre des antidépresseurs. (C.O. no 2)
Par contre, comme le souligne la C.O. no 5, une fois que la prescription de médication
est complétée, le suivi par la suite est plutôt absent :
Ils vont voir leur médecin, là certains vont se faire prescrire des antidépresseurs mais après, ils sont laissées à eux-mêmes. L’épuisement professionnel, ce n’est pas un trouble de la personnalité comme la folie. Il n’y a pas de suivi avec un psychiatre pour l’épuisement professionnel. Médicalement parlant, je n’ai pas l’impression que les gens sont beaucoup supportés. (C.O. no 5)
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, la majorité des clients se
sont fait prescrire des antidépresseurs et sont encore médicamentés lorsqu’ils
arrivent en consultation.
Médecines alternatives
Les médecines alternatives font référence, dans le cadre de cette analyse, aux
observations des conseillers d’orientation quant { l’utilisation de certaines
médecines alternatives chez les clients pour traiter les symptômes de l’épuisement
professionnel. Comme le mentionne la C.O. no 2, « […] il y a des personnes qui
utilisent la médecine alternative, ostéopathie, naturopathe, tout ça ». Selon la C.O.
no 3, certains opteront pour le « yoga, la méditation, […] quelques-uns font des
massages, de l’acuponcture ». Pour la C.O. no 8, les observations sont similaires :
« Donc ils vont recourir à des médecins, des ostéopathes, acuponcteurs,
psychologues, c’est ce que je connais ». Le C.O. no 4 ajoute également de nouveaux
éléments en mentionnant :
[…] j’ai déj{ vu des ergothérapeutes aussi, c’est plus rare les ergothérapeutes. Il y a des gens qui ont une association, une préférence
144
pour des services à caractère alternatif; j’ai mentionné massothérapie mais il y a en d’autres, l’acuponcture, des phytothérapeutes, […] des nutritionnistes mais ça dépend de ce qu’ils ont décidé préalablement pour eux, pour les aider. Les coachs personnels de vie, ça j’ai déj{ vu ça aussi. (C.O. no 4)
En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, plusieurs clients optent pour
des traitements de médecines alternatives. Les types de traitement sont variés et
dépendent essentiellement des préférences des clients.
Soutien familial
Le soutien familial fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux observations
des conseillers d’orientation quant au type de soutien offert par les familles des
clients en situation d’épuisement professionnel. À la lumière des réponses obtenues
des conseillers d’orientation interviewés, il y a deux réactions possibles de
l’entourage familial. Dans certains cas, la famille sera en soutien à la personne en
épuisement professionnel et parfois, elle réagira négativement et passivement face à
la situation. Le C.O. no 4 souligne :
Parfois l’entourage réagit mal au lieu de les supporter, au lieu de les accompagner, dans la phase de guérison, d’amélioration et donc ultimement de résilience, ils les abandonnent, ils les blâment, ils les isolent. Alors ça ne contribue vraiment pas à leur amélioration. Au contraire, ça devient un double échec; l{ c’est plus professionnel, c’est rendu familial et personnel. (C.O. no 4)
La C.O. no 5 partage cet avis concernant les réactions négatives de l’entourage :
Il y a des fois où on a l’impression que d’une rencontre { l’autre, ça bouge bien et il y a des fois, l’extérieur défait tout ce qu’on a fait. L’environnement extérieur fournit je ne sais trop quoi, il y a des gens qui envoient des messages contraires à ce que moi, je vais envoyer. (C.O. no 5)
145
De plus, il arrive aussi que certains membres de la famille ne savent tout
simplement pas comment réagir, comme le précise le C.O. no 4 : « […] parfois on voit
des gens qui sont en sideline, ils sont sur la ligne, ils observent mais ils n’ont pas
l’interactivité pour proposer d’être en support ou aider concrètement, ils ne savent
pas comment parfois ». Également, l’épuisement professionnel provoque parfois des
questionnements importants, comme le souligne la C.O. no 3 : « Ça crée des conflits
par contre, je sais qu’il y en a qui se requestionnent sur leur mariage, mais dans ma
pratique, vite comme ça, il n’y a pas eu beaucoup de divorces en tant que tel ». À ce
sujet, la C.O. no 8 ajoute : « Oui, il y a eu des ruptures amoureuses que j’ai vues quand
ça ne fait pas longtemps que les personnes sont ensemble, mais à part ça… ».
Comme mentionné plus tôt, dans d’autres circonstances l’entourage réagit bien.
Comme le souligne la C.O. no 7, « quand il y a des enfants, quand il y a une famille,
c’est le conjoint qui prend la relève ». La C.O. no 3 ajoute également :
[…] les maris laissent beaucoup de place { leurs femmes d’être capables de se remettre debout. Je ne peux pas dire qu’ils sont compréhensifs, mais on dirait que c’est comme prend le temps qu’il te faut pour te remettre sur tes deux pieds, mais il y a comme une entente. J’imagine qu’ils s’attendent { ce qu’elle retombe sur ses deux pieds parce que c’est souvent un élément central dans la famille pour toute l’organisation, la coordination, l’école puis toutes ces affaires-là, […] ils semblent beaucoup s’adapter. (C.O. no 3)
L’aide peut aussi provenir d’autres membres de la famille, comme le souligne le C.O.
no 4 : « Il y a l’entourage qui vient au support, qui est vraiment l{, il y a même une
réorganisation des tâches de travail. Des fois, les grands-parents se mettent de la
partie, un oncle, une tante, ils collaborent, on voit vraiment le tissu familial venir
aider ». Enfin, pour la C.O. no 3, l’arrêt de travail, pour certaines femmes, est même
salutaire :
[…] je disais que les gens qui font un épuisement, quand c’est des femmes, il faut qu’elles s’occupent des enfants, de l’école, des activités, le mari qui n’est pas là, qui fait une job alors c’est bien, je suis { la
146
maison, j’ai 80 % de mon salaire puis j’ai moins de problèmes avec la gardienne, amener mes enfants { l’école, j’ai moins de tâches { faire et tout ça, puis j’ai un salaire qui rentre. C’est comme finalement être femme à la maison mais avec un salaire. (C.O. no 3)
Ainsi, selon ces cinq conseillers d’orientation, lorsqu’un client est en situation
d’épuisement professionnel, la réaction de la famille sera différente d’une personne
{ l’autre. Certains auront beaucoup de soutien familial, tandis que d’autres feront
face à certains jugements.
4.4 Accompagnement psychologique des clients
Les conseillers d’orientation interviewés ont aussi présenté les distinctions, selon
eux, entre le rôle des psychologues et le rôle des conseillers d’orientation dans
l’accompagnement psychologique des clients en situation d’épuisement
professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement
les deux thèmes présentés dans le tableau suivant :
Tableau 17
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la situation générale des
clients en lien avec l’environnement
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Priorité accordée aux
psychologues
Observations des conseillers d’orientation quant {
la priorisation de référence offerte aux
psychologues en matière de traitement de
l’épuisement professionnel.
Rôle des conseillers
d’orientation
Observations des conseillers d’orientation quant
aux rôles accordés aux conseillers d’orientation et
aux rôles réels exercés par ces derniers dans
l’accompagnement des gens en situation
d’épuisement professionnel.
147
Priorité accordée aux psychologues
La priorité accordée aux psychologues fait référence, dans le cadre de cette analyse,
aux observations des conseillers d’orientation quant { la priorisation de référence
offerte aux psychologues en matière de traitement de l’épuisement professionnel. La
C.O. no 3 souligne : « La plupart de mes clients sont en thérapie, ont fait de la
thérapie avec un psychologue. Généralement, c’est des psychologues, certaines fois
des psychothérapeutes, mais beaucoup des psychologues ». La C.O. no 7 partage
aussi cet avis : « Donc oui, des fois quand les gens viennent nous voir justement pour
là je pense qu’il faut que je change d’emploi, ils sont déjà vus en psychologie ». Et
comme le précise cette même conseillère d’orientation, les deux processus se font
parfois simultanément. À la question portant sur le processus avec un psychologue,
elle mentionne : « Il est souvent suivi en parallèle, mais ça arrive des fois que les
gens y mettent un terme puisqu’ils continuent avec moi, compte tenu de mon
approche ». La C.O. no 3 est du même avis concernant le suivi en parallèle :
[…] ceux qui viennent en privé, j’en ai des clients qui voient leur psychologue et qui me voit aussi. Alors il y a des choses au niveau personnel qui brassent, puis ils ont fait un bout, mais ils savent que le travail, c’est une autre problématique. Mais la plupart ont consulté, la majorité ont consulté chez moi. (C.O. no 3)
La priorité de référence est donc accordée aux psychologues, comme le précise le
C.O. no 1, et ce, particulièrement pour des programmes d’aide aux employés :
Puis des fois, je les reçois parce qu’ils sont référés par leur programme d’aide aux employés. Souvent donc, mais c’est sûr qu’il y a d’autres intervenants dans le dossier, mais aussitôt qu’on deale avec un programme d’aide aux employés, c’est sûr que s’il y a un épuisement, ils mettent un psychologue dans le décor. (C.O. no 1)
En conclusion, selon les observations de ces trois conseillers d’orientation, dans un
cas d’épuisement professionnel, la majorité des clients ont été suivis par un
148
psychologue avant de faire la rencontre d’un conseiller d’orientation, et ce,
particulièrement lorsque le client est référé par un programme d’aide aux employés.
Rôle des conseillers d’orientation
Le rôle des conseillers d’orientation fait référence, dans le cadre de cette analyse,
aux observations des conseillers d’orientation quant aux rôles accordés aux
conseillers d’orientation et aux rôles réels exercés par ces derniers dans
l’accompagnement des gens en situation d’épuisement professionnel. Le C.O. no 4
souligne que la référence aux conseillers d’orientation se fait principalement après
la phase de guérison : « En fait, quand ils nous sont référés, ils sont quand même
dans la phase de guérison, ils sont plus fonctionnels ». L’accompagnement en
psychologie est déjà bien entamé, comme le précise la C.O. no 3 : « […] moi,
habituellement quand ils me rencontrent, le psychologue ils ne le voient plus à
toutes les semaines. Je te dirais que la majorité c’est au mois, quelques-uns aux deux
semaines, mais jamais aux semaines ». La C.O. no 5 spécifie également: « Quand je les
vois, ils ont passé la phase de dormir souvent, tout le temps, ils ont passé cette
phase-là, car ils sont capables de venir ». Et pour ce qui est de la clientèle référée par
les programmes d’aide aux employés, le C.O. no 1 spécifie :
[…] les conseillers d’orientation, on leur confie un mandat d’orientation, […] même quand tu es accrédité en psychothérapie, ils veulent le titre de psychologue, […] ils vont référer { un psychologue et toi, ton mandat est très circonscrit. On te donne 4 heures, 5 heures, 6 heures pour intervenir avec la personne et pour ce qui est des états d’âme ou de ce qui fait que la personne est tombée, ça c’est le psychologue qui s’en occupe. Nous autres, on a juste le bout opérationnel et c’est un peu vexant. (C.O. no 1)
Pour expliquer ce phénomène, le C.O. no 1 ajoute que la profession est victime d’un
préjugé défavorable : « C’est l{ qu’on a l’effet d’un préjugé défavorable dans notre
profession qui est de dire : le conseiller d’orientation, tu vas le voir juste pour t’aider
à choisir, puis tu lui dis tes intérêts et il te matche tout de suite avec une job ». La
149
C.O. no 5 partage également ce point de vue et ajoute que le motif de consultation
des clients n’est pas le traitement de l’épuisement professionnel, mais le
changement de carrière ou d’emploi :
On va soigner, on va plus penser à aller voir un psychologue. Si on vient voir un conseiller d’orientation, c’est qu’on veut changer de travail. Il me semble que c’est souvent ça que j’entends. […] Malheureusement dans l’image populaire, on passe des tests et on dit aux personnes quoi faire. (C.O. no 5)
Concernant la perception de la population sur le rôle des conseillers d’orientation en
matière d’accompagnement de clients en situation d’épuisement professionnel, le
C.O. no 1 ajoute : « C’est parce qu’il y a une vision assez hermétique de notre
profession qui cantonne notre mandat en se disant lui, il est juste ça pour ça, puis il a
juste les compétences pour faire ça, donc c’est juste pour ça que je vais le voir ».
Toutefois, dans certains autres contextes, il semble y avoir plus de liberté
d’intervention sur le plan psychologique accordée aux conseillers d’orientation,
particulièrement ceux qui détiennent une accréditation en psychothérapie. Comme
le souligne la C.O. no 2, elle fait surtout de la psychothérapie avec les clients en
épuisement professionnel : « Comme je te disais tantôt dans la première partie, me
semble que ça tient plus de la psychothérapie que du conseiller d’orientation ce que
je fais ». Ce point de vue est partagé par la C.O no 7 qui souligne :
Bien habituellement, moi, j’ai la double compétence, conseillère d’orientation et psychothérapeute. Ma façon d’aborder cette problématique-l{, les gens me consultent en orientation parce qu’ils veulent identifier un autre objectif professionnel, parce qu’ils veulent se sauver en courant de leur travail ou que ce soit en psychothérapie, c’est la même. (C.O. no 7)
Pour d’autres, la liberté d’action se manifeste surtout dans l’accompagnement après
le traitement effectué par le psychologue ou en parallèle, comme le souligne la C.O.
no 3 : « Moi, avec les burnout, j’ai entre 3 mois et 6 mois que les compagnies
d’assurances me donnent ». La C.O. no 8 mentionne que dans les organismes
150
communautaires, « c’est une douzaine de rencontres avec possibilité de
prolongation jusqu’{ 24 mois ». La même réalité a été observée par le C.O. no 1 : « Là
où j’ai travaillé, un organisme communautaire, où on prenait le temps, bien l{, j’avais
de la marge de manœuvre, puis l{, je pouvais y aller avec 10-12 rencontres qui me
permettaient de faire la job adéquatement ».
Le C.O. no 6 mentionne aussi avoir la capacité d’accompagner les clients dans
plusieurs aspects psychologiques, mais préfère favoriser la référence aux
psychologues :
C’est sûr que pendant le burnout, il y a des dimensions psychologiques qui sont peut-être mieux répondues par des psychologues, des psychothérapeutes alors que moi, comme je te disais tantôt, je me sens quand même { l’aise d’en faire un minimum de défrichage avec le client, quitte à ce qu’il aille consulter après. (C.O. no 6)
La référence en psychologie est aussi partagée par la C.O. no 8 malgré la compétence
à intervenir :
Ah! moi, je n’ai pas de problèmes { entrer dans le problème psychologique pareil. S’il y a quelque chose qui dérange le niveau psychologique, je le nomme puis je leur dis va voir ça avec ton psychologue, […] s’il y a un problème de fond et un traumatisme et qui fait que l{ … oui, je pourrais le faire mais si elle a un psychologue, je vais lui laisser pour travailler les grosses affaires. Quand c’est les petites affaires, pas pour me vanter, mais souvent ils vont rester ici. (C.O. no 8)
En résumé, malgré le fait que certains conseillers d’orientation sont accrédités en
psychothérapie, la majorité réfère les clients au moment où l’accompagnement
psychologique est déjà bien entamé avec le psychologue, et ce, avec un mandat
d’orientation, c’est-à-dire un objectif de réintégration au travail ou de réorientation
de carrière. Malgré ces observations, plusieurs des conseillers d’orientation
interviewés, qui ne sont pas accrédités en psychothérapie, affirment posséder les
outils nécessaires pour intervenir sur le plan psychologique dans le traitement de
l’épuisement professionnel. Ils vont effectuer une référence aux psychologues
151
lorsque les troubles psychologiques seront trop sévères, lorsqu’ils dépassent un
certain seuil d’expertise.
4.5 Stratégies d’intervention des conseillers d’orientation
Lors des entretiens, les conseillers d’orientation interviewés ont également souligné
de multiples stratégies d’intervention qu’ils utilisent avec la clientèle en situation
d’épuisement professionnel. Pour faciliter la présentation des différentes stratégies
d’intervention utilisées, cette section sera subdivisée en six sous-sections, soit les
stratégies lors des premières rencontres, les interventions sur le plan des émotions,
les interventions sur le plan des comportements, les interventions sur le plan des
cognitions, la réintégration et la réorientation de carrière et enfin, d’autres types de
stratégie utilisés dans le processus d’accompagnement des clients en situation
d’épuisement professionnel.
4.5.1 Stratégies d’intervention lors des premières rencontres
L’importance de bien évaluer la situation des clients et d’ajuster les interventions en
début de processus a été soulignée par plusieurs des conseillers d’orientation
interviewés. L’analyse des entrevues permet de faire ressortir particulièrement les
cinq thèmes suivants :
152
Tableau 18
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les stratégies
d’intervention lors des premières rencontres avec les clients en situation
d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Évaluation de la demande
initiale
Importance de bien analyser les motivations, les
objectifs du client lors de la première rencontre et
de s’assurer de réajuster la demande au besoin.
Priorisation de la relation
d’aide
Importance de soigner la souffrance du client avant
de procéder à des activités d’orientation dites plus
classiques.
Exploration de l’historique Importance de discuter du passé du client pour
mieux comprendre ce qui peut avoir eu une
incidence sur sa situation présente.
Exploration des sphères de
vie
Importance de bien comprendre l’environnement
immédiat du client, que ce soit la dynamique
familiale (parent, conjoint(e)), la dynamique avec
les amis, la dynamique personnelle (loisirs,
alimentation, etc.) et particulièrement la
dynamique en milieu de travail, et tenter de faire
des liens entre chacune.
Analyse des dynamiques
relationnelles
Importance de comprendre comment la personne
entre en relation avec les autres et ses perceptions
par rapport à cette dimension.
Évaluation de la demande initiale
L’évaluation de la demande initiale fait référence, dans le cadre de cette analyse, à
l’importance de bien analyser les motivations, les objectifs du client lors de la
153
première rencontre et de s’assurer de réajuster la demande au besoin. Au départ, la
C.O. no 3 spécifie qu’il est important de bien déterminer la réelle motivation du client
lors de la première rencontre : « […] j’ai beaucoup de clients qui sont référés, alors
d’où vient la motivation, quelle est la motivation, la vraie motivation du client? Est-
ce d’avoir un cours, d’extensionner ses assurances, sa CSST? ». L’importance
d’identifier les véritables objectifs du client est partagée par la C.O. no 8 qui ajoute :
« […] c’est sûr que d’emblée, la première rencontre, on établit un objectif de travail
ensemble : toi, tu t’attends { quoi de moi? Ça, je veux que ce soit vérifiable à la fin de
notre processus ». De plus, comme le mentionnait préalablement le C.O. no 1,
certains clients arrivent avec des volontés de changement importantes lors de la
première rencontre. Pour lui, « l’intervention, c’est de mesurer le degré de sévérité
de la réorientation […] pour éviter qu’elle fasse un choix fantaisiste et qu’elle se
garoche dans un emploi plaster qui en apparence va tout régler, mais qui va créer un
autre type de débalancement ». Ainsi, selon lui, « il faut recadrer ça pour voir si
effectivement, ça va dans son sens, quel sens que ça prend pour elle ce type de
projet-là? » Pour la C.O. no 2, il faut exprimer rapidement ses doutes : « La personne
arrive avec sa demande de faire une démarche d’orientation et plus je lui parle, plus
je m’aperçois que c’est tellement fragile et je mets la personne au courant de mes
doutes ». Même que pour la C.O. no 7, dans certains cas le début du processus peut
être retardé de quelques semaines :
[…] ceux qui ne fonctionnent plus au plan physique, bien souvent, on leur dit : tu attends quelques semaines puis tu te reposes et on va reprendre le processus dans quelques semaines quand les antidépresseurs vont commencer à faire effet, puis que tu vas être en mesure d’avoir un peu plus de concentration. (C.O. no 7)
Pour les individus qui n’auraient pas de bilan médical et qui arrivent dans un état de
grande fatigue et de stress, la C.O. no 7 mentionne : « […] tout de suite on demande
un bilan médical, on l’incite { consulter au niveau médical pour avoir un bilan parce
qu’il peut y avoir d’autres composantes physiques associées { ça ».
154
Ainsi, selon ces quatre conseillers d’orientation, il faut être vigilant lors des
premières rencontres pour bien recadrer les motivations du client, ses attentes, les
projets de réorientation majeurs et exprimer ses doutes quant au début du
processus lorsque nécessaire.
Priorisation de la relation d’aide
La priorisation de la relation d’aide fait référence, dans le cadre de cette analyse, à
l’importance de soigner la souffrance du client avant de procéder { des activités
d’orientation dites plus classiques. Pour plusieurs des conseillers d’orientation
rencontrés, leurs expériences avec les clients en situation d’épuisement
professionnel les amènent { observer qu’il est préférable, particulièrement lorsque
l’épuisement professionnel est sévère, de ne pas recourir à des activités
d’orientation trop rapidement. Le C.O. no 1 précise : « Pour quelqu’un qui est en gros
épuisement, je ne suis pas beaucoup en réflexion, je suis plutôt dans le : on soigne le
présent, […] je suis juste dans de la relation d’aide, on n’est même pas dans
l’orientation, la pure relation d’aide, l’écoute active, reflets, empathie pure ». Il
ajoute aussi que « c’est l{ qu’un moment donné, tu dois te rendre compte que la
personne, elle a un bout à faire en psychothérapie ». La C.O. no 2 partage le même
point de vue :
[…] dans un premier temps, ce n’est pas du counseling d’orientation qu’il faut faire; la personne est complètement désorientée, elle est complètement cassée. Ce n’est pas le temps de travailler avec elle sur le plan de l’orientation parce que l’orientation comme telle, on projette dans l’avenir alors que la personne a de la difficulté à être dans son présent. Elle est dans un présent qui est tellement souffrant que c’est impossible pour elle à ce moment-là de pouvoir se projeter. (C.O. no 2)
La C.O. no 7 précise aussi : « On est juste au début de l’intervention dans le fait
d’enlever de la pression, dans le fait de l’amener { se concentrer sur le moment
présent, dans le fait de lui faire réaliser qu’il y a des étapes; on ne peut pas encore
trop intervenir parce que c’est trop fragile ». D’ailleurs, pour la C.O. no 8, les
155
premières questions concernent la santé du client en général : « Fais-tu de
l’exercice? Manges-tu bien? Dors-tu bien? Consommes-tu? Ça, je veux savoir ça, c’est
de base, c’est les premières questions que je pose ». Même point de vue pour la C.O.
no 2 qui mentionne : « […] je travaille sur ces trois aspects l{ (le corps, le cœur et la
tête), je vais travailler d’abord sur le corps ». Toujours selon la C.O. no 2, c’est
lorsque le présent sera moins souffrant que les activités d’orientation pourront
prendre place dans le processus :
Il y a une étape où c’est plus d’accompagner la désorganisation presque complète d’un individu pour tranquillement l’amener { se requestionner, se redéfinir, identifier davantage de besoins et tranquillement, en arriver à une autre voie professionnelle pour certains ou une autre façon d’habiter le rôle qu’il avait déj{. (C.O. no 2)
Dans le fond, « […] l’orientation classique s’amalgame { des interventions plus
propres { l’épuisement », mentionne le C.O. no 1.
En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, particulièrement lorsque les
clients font face à un épuisement sévère, il est préférable de débuter le processus
avec des interventions plus psychothérapeutiques qui ciblent le fait de soigner les
souffrances physiques et psychologiques des clients avant même de faire des
activités d’orientation plus classiques.
Exploration de l’historique
L’exploration de l’historique fait référence, dans le cadre de cette analyse, à
l’importance de discuter du passé du client pour mieux comprendre ce qui peut
avoir eu une incidence sur sa situation présente. Le C.O. no 1 mentionne : « Pour moi,
c’est important de savoir comment ça s’est installé, c’est quoi son historique : est-ce
que c’est son premier, deuxième, troisième épuisement? Y a-t-il des liens à faire
entre chacun? ». Et comme le souligne la C.O. no 5, « […] des fois, il faut repartir bien
avant l’épuisement. Justement il faut voir quand est-ce que tout ça a commencé à
156
dérailler? ». Pour le C.O. no 6, la rétrospective du parcours de vie est également
importante :
Première rencontre : rétrospective du parcours. Comment la personne a pris ses décisions? Quand les a-t-elle prises? Du primaire { aujourd’hui. Donc en faisant le parcours de vie, puis en m’arrêtant plus particulièrement quand elle a fait des choix, puis des décisions, […] puis tranquillement pas vite, je suis en train de découvrir des patterns, juste par ce récit de vie là. (C.O. no 6)
Ce point de vue est aussi partagé par le C.O. no 2 qui utilise même une approche
spécifique pour favoriser ce type d’intervention :
[…] il y a aussi une autre approche qui est le récit de vie. La relecture de vie, ça fait un petit moment que je travaille avec ça. Ça aussi, c’est intéressant, travailler avec les individus à relire un moment de leur vie, relire une situation, relire une période de vie et y apposer à ce moment-là une nouvelle interprétation, une nouvelle compréhension. (C.O. no 2)
Donc, selon ces quatre conseillers d’orientation, pour faciliter la compréhension, il
est recommandé de dresser un historique avec le client pour mieux comprendre
l’évolution de sa situation, les moments de décision et revoir l’interprétation de ce
qui a mené à son épuisement professionnel.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Comme souligné précédemment, pour faciliter les interventions concernant
l’historique du client, la C.O. no 2 propose d’utiliser le récit de vie.
Le C.O. no 6, quant à lui, propose un exercice de dissociation des tâches et des
conditions en lien avec l’historique des expériences de travail : « C’est un gros
exercice; la personne doit inscrire les tâches que j’aime faire dans la job, celles que je
n’ai pas aimées, les conditions que j’ai aimé vivre, celles que je n’ai pas aimées. Pour
chaque job de sa carrière, elle doit décanter ».
157
Exploration des sphères de vie
L’exploration des sphères de vie fait référence, dans le cadre de cette analyse, {
l’importance de bien évaluer l’environnement immédiat du client, que ce soit la
dynamique familiale (parent, conjoint(e)), la dynamique avec les amis, la dynamique
personnelle (loisirs, alimentation, etc.) et particulièrement la dynamique en milieu
de travail, et tenter de faire des liens. Comme le mentionne la C.O. no 5, le passage en
revue des événements est important : « Il y a vraiment lieu d’aller voir ce qui s’est
passé au moment de l’épuisement. C’était quoi les conditions de travail?
L’environnement, c’était quoi les caractéristiques? C’est quoi les caractéristiques de
la personne au moment où c’est arrivé? Donc il y a tout le bilan à faire ». Cette façon
d’intervenir est partagée par la C.O. no 7 qui mentionne regarder chacune des
composantes : « […] on regarde quelles sont les composantes parce que ce n’est pas
seulement une personne au travail, il y a une vie familiale, il y a un conjoint, il y a des
enfants, une famille, il a des parents peut-être malades, il y a toutes ces
composantes-là ». Du même coup, comme le mentionne la C.O. no 7, c’est une façon
de vérifier le niveau d’investissement dans chacune des sphères de vie du client :
On regarde quel est le degré d’investissement de la personne. Est-ce qu’elle fuit des responsabilités familiales en tassant ça sur son conjoint pour s’investir au travail et s’y perdre […] ou bien elle veut être une mère irréprochable? Donc on va voir des gens qui sont investis dans des fonctions, ils voyagent pour leur travail, ils font partie des comités de parents, ils suivent les enfants dans les activités sportives, ils suivent des cours { l’université en même temps que ça, etc. (C.O. no 7)
Le but est de tenter de comprendre ce qui s’est passé dans son ensemble, sans
négliger aucun aspect important. Parmi les sphères de vie à analyser, celle du milieu
de travail en fait partie, comme le souligne le C.O. no 4 :
Bien au début, ça va ressembler beaucoup à quels sont les facteurs d’insatisfaction que tu vivais au travail. Sincèrement, dans mon intervention de base, il va y avoir beaucoup de : quoi d’autre? Quoi d’autres? Parce qu’il faut vraiment vider le sac. Ce n’est pas les
158
premières réponses qui sont les plus importantes, c’est souvent celles qui viendront après. (C.O. no 4)
Pour le C.O. no 1, il est aussi important d’amener le client à avoir une meilleure
compréhension des événements : « […] nos interventions, c’est sûr que c’est
d’amener la personne { comprendre ce qui lui est arrivé et ce qui fait qu’elle s’est
ramassée là ». Comme le souligne à nouveau le C.O. no 4, il faut aussi remettre
l’événement en contexte pour éviter certaines généralisations des clients : « […] on
va contextualiser l’événement qui s’est passé, l’heure, la date, le nombre de
personnes, le département pour diminuer l’aspect de contamination sur tous les
employeurs et la carrière ». L’important est aussi de vérifier les différents liens
entre la situation vécue au travail et les autres sphères de vie, comme le précise le
C.O. no 1 : « […] puis j’essaie de vérifier aussi si ce qui s’est passé est en lien avec des
enjeux personnels, c’est ça que j’ai { vérifier ». La C.O. no 2 partage aussi cette façon
d’intervenir : « […] c’est sûr que je vais faire des liens avec ce qui se passe dans ton
équipe de travail versus le rôle que tu avais chez toi, la première famille puis celle-là,
et les interactions qu’il peut y avoir ». La C.O. no 7 propose même un exemple : « […]
oui, on va lui faire faire des liens. Admettons qu’elle a de la difficulté avec son
patron, on va essayer d’aller voir comment elle perçoit l’autorité dans toutes les
sphères de sa vie ».
En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, faire une bonne évaluation
des sphères de vie du client est un aspect important à intégrer dans la pratique avec
les clients en épuisement professionnel puisqu’elle favorise la compréhension des
enjeux importants, mais aussi les liens entre chacune des sphères autant pour le
conseiller que pour le client.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Les C.O. nos 2, 5, 6 et 7 mentionnent utiliser une approche qui est en partie
systémique pour favoriser l’exploration des sphères de vie du client et
l’intervention avec les clients en situation d’épuisement professionnel.
159
Analyse des dynamiques relationnelles
L’analyse des dynamiques relationnelles fait référence, dans le cadre de cette
analyse, { l’importance de comprendre comment la personne entre en relation avec
les autres et ses perceptions par rapport à cette dimension. Comme mentionné plus
tôt, selon les conseillers d’orientation interviewés, les conflits relationnels seraient
une des causes possibles du développement de l’épuisement professionnel. Pour la
C.O. no 8, « c’est d’être en mesure d’entrer en lien avec les autres, souvent c’est dans
le lien que c’est difficile. Dire non { un patron, comment on fait ça, mettre ses limites
ou avoir un espèce d’attitude politically correct ». Ainsi pour la C.O. no 5, « il va falloir
que la personne voit ses relations avec l’autorité différemment ». L’analyse des
dynamiques relationnelles et particulièrement les relations { l’autorité deviennent
donc importantes en consultation. Comme le souligne la C.O. no 7, c’est « […] amener
la personne { percevoir qu’il y a une constante dans sa façon de percevoir sa
relation { l’autre, qu’il soit patron, qu’il soit conjoint, elle comme parent, etc. La
façon de voir, percevoir l’autorité et la façon de percevoir une relation, il y a des
constantes ». Elle amène donc ses clients à faire des liens avec des interventions qui
parfois peuvent ressembler à ceci : « Réalises-tu que tu t’irrites dans la relation avec
ton conjoint de la même façon que tu t’irrites avec ton patron? ». Pour illustrer son
propos, elle propose l’exemple suivant :
[…] on a vu des changements avec la personne que je te disais qui me consultait au privé. Bien sa façon d’aborder sa réalité au travail était très imprégnée de sa perception de l’autorité. Son patron semblait être un patron autoritaire. Donc sa façon de céder à toutes les demandes de son patron, { réagir { la moindre erreur qu’il fait parce que son patron réagit, { se sentir coupable, responsable puis tout ça, c’est aussi très imbriqué dans la relation avec son propre père, dont sa perception de l’autorité de son père, la nécessité de se rendre irréprochable aux yeux de son père, etc. (C.O. no 7)
Pour la C.O. no 8, il est même intéressant de retourner dans le passé de la personne
pour mieux comprendre les dynamiques relationnelles, notamment en milieu
scolaire :
160
[…] c’est gros comme ça : quelqu’un qui a vécu le rejet dans son enfance, { l’école […] parce que le marché du travail, c’est la même maudite patente sauf qu’on est dans le monde des grands. Mais toi, tu es petit de même encore dans ton cœur face au marché du travail, puis l’employeur, ce n’est pas ton professeur, c’est toute une analogie. (C.O. no 8)
Ainsi, selon ces trois conseillères d’orientation, l’analyse des dynamiques
relationnelles permet de mieux comprendre les difficultés des clients en situation
d’épuisement professionnel et leurs incapacités { s’affirmer.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 8 propose l’utilisation de l’approche interpersonnelle de la dépression
pour travailler cette dimension. Elle mentionne : « Ça va travailler sur les relations
que tu as avec les gens. Par exemple, on va se poser tout le temps la question : est-ce
que tu sens que je te comprends? Qu’est-ce que tu penses que je comprends de toi?
C’est des reformulations comme ça pour se comprendre parce que c’est
extrêmement difficile, on peut se parler puis se raboutiner des affaires, mais se
comprendre réellement, ce n’est vraiment pas évident ».
4.5.2 Interventions sur le plan des émotions
L’importance d’intervenir sur le plan des émotions des clients a été soulignée par
plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entrevues permet
de faire ressortir particulièrement le thème suivant :
161
Tableau 19
Thème émergeant et définition opératoire concernant l’intervention sur le plan des
émotions avec les clients en situation d’épuisement professionnel
Thème émergeant Définition opératoire
Favoriser l’expression des
émotions
Importance d’encourager et de laisser les clients
exprimer les émotions ressenties en lien avec
l’épuisement professionnel.
Favoriser l’expression des émotions
Favoriser l’expression des émotions fait référence, dans le cadre de cette analyse, {
l’importance, lors des consultations, d’encourager et de laisser les clients exprimer
les émotions ressenties en lien avec l’épuisement professionnel. Pour la C.O. no 2, il
ne fait aucun doute « […] qu’il y a une expression des émotions aussi, { encourager
la personne à en parler, à faire sortir l’émotion qui est en-dessous ». Pour la C.O.
no 7, dont l’approche psychogénétique oriente la pratique, l’importance d’accéder {
l’émotion est aussi présente : « […] on l’amène { faire des liens qui font en sorte que
ça touche le cerveau droit, cette intervention-là. Ça touche le ressenti, ça touche le
sens et c’est ce qui permet le changement. Ce n’est pas une approche qui est
rationnelle, c’est une approche qui touche l’émotion ». Cet avis est également
partagé par le C.O. no 6 qui mentionne :
[…] pour s’orienter et prendre des décisions éclairées, il faut accéder au ressenti. […] Quand tu n’as pas accès { la dimension émotionnelle, émotive, pour toutes sortes de raisons, ton processus de prise de décisions ne peut être efficace. Tu as besoin de tes émotions pour prendre des décisions, c’est fondamental. (C.O. no 6)
Également, pour la C.O. no 3, l’accompagnement se fait aussi dans les deuils : « […]
dans l’épuisement, il y a une partie de deuil { faire de l’homme ou de la femme que
tu étais avant […] alors pour moi, c’est de l’amener { faire des deuils ». La C.O. no 7
162
partage aussi cette opinion en soulignant « […] qu’il y a un deuil, un lâcher prise qui
doit se faire ».
Donc en résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, étant donné que les
clients en situation d’épuisement vivent beaucoup de souffrances, il est donc
important de favoriser l’expression des émotions pour favoriser les deuils et la prise
de décision par la suite.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Pour le C.O. no 6, l’utilisation de l’approche émotivo-rationnelle est privilégiée : « Je
mise beaucoup sur les émotions et les rationnaliser ». Pour la C.O. no 3, l’utilisation
des cycles du deuil est également utile dans sa pratique avec les clients en
épuisement professionnel, particulièrement pour cette dimension.
4.5.3 Interventions sur le plan des cognitions
L’importance d’intervenir sur le plan des cognitions a également été soulignée par
plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entrevues permet
de faire ressortir particulièrement les cinq thèmes présentés dans le tableau
suivant :
163
Tableau 20
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant l’intervention sur le plan
des cognitions avec les clients en situation d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Distinction des
responsabilités
Importance d’analyser les événements qui se sont
produits pour bien départager la responsabilité de
l’individu et celle de l’environnement.
Recherche de sens Importance de donner une nouvelle signification
aux événements et de reconnecter la personne avec
ses passions, pour réduire le sentiment de
culpabilité des clients et augmenter le niveau
d’énergie.
Connaissance de soi Importance d’amener le client à mieux se connaître
pour favoriser certains changements de perception
et mieux envisager ses besoins futurs.
Valorisation des forces et
des compétences
Importance de refléter aux clients ses capacités et
ses compétences pour lui permettre de reprendre
un peu plus de confiance en lui-même.
Amélioration des capacités
d’affirmation
Importance d’aider le client { améliorer ses
habiletés et sa confiance à exprimer ses besoins et
ses limites en contexte de travail.
Distinction des responsabilités
Les interventions visant la distinction des responsabilités font référence, dans le
cadre de cette analyse, { l’importance d’analyser les événements qui se sont
produits pour bien départager la responsabilité de l’individu et celle de
l’environnement. Pour ce faire, le C.O. no 4 propose de discuter des facteurs
d’insatisfaction dans le but de départager les responsabilités : « […] d’essayer de
164
démêler un petit peu qui est le client et qui est l’expérience, puis c’est quoi les
responsabilités de chacun. Il faut qu’ils aient une perspective un petit peu plus
ouverte sur les événements ». L’importance de faire cette distinction de
responsabilités est également abordée par la C.O. no 2 lorsqu’elle mentionne :
Est-ce que je m’attribue ce qui se passe { moi-même ou est-ce que j’attribue ça { l’environnement ? C’est souvent d’ailleurs la première question qu’on va me poser : je viens te voir parce je sais pas ce qui se passe, je sais pas où est le problème, qui a le problème ? Quel est le problème ? Donc on a beaucoup à faire cette distinction là. (C.O. # 2)
Plus précisément, la C.O. no 5 propose de répondre de cette façon aux clients : « […]
on va regarder ce qui s’est passé, par rapport { toi. C’est quoi ta responsabilité, la
responsabilité de ton environnement et ça se peut que ça ne soit pas le travail en lui-
même mais l’environnement. Donc tu pourrais faire le même travail mais ailleurs ».
Dans certains cas, le client réalisera ses propres responsabilités, comme le souligne
le C.O. no 6 : « La plupart des gens, le travail qu’on fait, les amène { revoir ce qu’ils
ont fait et de le voir de différents angles, puis ils sont en mesure de dire : oui, j’avais
peut-être une part finalement face à mon malheur professionnel ou académique ».
Pour le C.O. no 1, cela fait aussi partie du rôle du conseiller d’orientation, lorsque
pertinent, que de refléter à la personne ses mauvais fonctionnements qui
contribuent { l’aggravation du problème : « […] refléter à la personne ses mauvais
fonctionnements ou ses croyances non fonctionnelles. C’est toujours de tabler là-
dessus, puis faire du recadrage, puis se donner un plan de match pour dire comment
tu pourrais vivre de façon saine ton travail ». En d’autres circonstances, le fait de
rejeter en grande partie la responsabilité sur l’entreprise, selon la C.O. no 8, aide à la
déculpabilisation des clients : « […] le milieu dans le burnout est selon moi à 70 %
important, on touche à quelque chose là. Puis ils en sortent déculpabilisés et c’est
mon objectif de les déculpabiliser : voil{ c’est le meilleur employé que j’ai ici. Ils
sortent, puis ils sont plus légers ».
165
En résumé, selon ces six conseillers d’orientation, il est important de revenir sur les
événements pour bien distinguer les responsabilités de chacun et au besoin, faire
certaines interventions par rapport aux mauvais fonctionnements du client.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Pour favoriser l’intervention auprès de cette dimension, la C.O. no 2 et le C.O. no 6
utilisent les concepts de Julian Rotter sur les systèmes d’attribution, soit les locus de
contrôle interne et externe.
Recherche de sens
Les interventions visant la recherche de sens font référence, dans le cadre de cette
analyse, { l’importance de donner une nouvelle signification aux événements et de
reconnecter la personne avec ses passions, pour réduire le sentiment de culpabilité
des clients et augmenter le niveau d’énergie. Comme le mentionne la C.O. no 5, le but
de cette intervention est « […] d’enlever toute la culpabilité aussi que les gens
vivent : j’ai pas été capable de faire ça, je ne suis pas bon. […] Comment on peut
donner un sens à ce qui est arrivé : le fameux un mal pour un bien? ». Avec l’aide
d’un exemple, elle précise { nouveau l’importance de réinterpréter les événements
et une façon d’y donner un nouveau sens :
[…] si on perd quelqu’un de cher, bien ceux qui s’en sortent le mieux, c’est ceux qui vont donner un sens { ça, qui vont en faire quelque chose. C’est un peu ça que j’essaie de dire aussi aux clients finalement, qu’ils arrivent à trouver un sens à ce qui leur est arrivé. Ce n’est pas juste une catastrophe. Sur le moment, c’était une catastrophe, […] au contraire, ça pourrait bien améliorer ta situation par rapport à avant. (C.O. no 5)
La C.O. no 7 aborde aussi l’importance de donner un nouveau sens { l’expérience :
« On l’amène à restructurer sa pensée pour aborder sa réalité différemment. Mais
c’est une approche qui touche beaucoup le sens, […] on va toucher le sens { travers
166
les liens qu’on va faire avec la personne dans l’ensemble de son expérience ». Le C.O.
no 1 partage le même point de vue concernant la recherche d’un nouveau sens :
C’est permettre { la personne de revisiter les nouvelles significations, c’est-à-dire où est-ce qu’elle donne des nouvelles significations? Où est-ce que sa job avait une signification qui est rendue une ancienne signification? Puis, elle a besoin de donner une nouvelle signification à la suite de sa carrière. (C.O. no 1)
La C.O. no 8 propose quant { elle d’aborder la question de l’épuisement
professionnel sous l’angle de la transition de carrière parce que cela procure du sens
à ses clients : « […] parce que toutes les personnes que je rencontre sont en
transition. Quand je leur parle de transition, ca résonne beaucoup ». La recherche de
sens, c’est aussi d’essayer de reconnecter la personne { ses passions les plus
importantes, comme le souligne de nouveau la C.O. no 3 : « Alors pour moi,
quelqu’un qui a un épuisement, c’est toujours de trouver c’est quoi ses passions,
c’est quoi ses vibrations, qu’est-ce qui le fait vibrer pour le raccrocher à ca ». À ce
sujet, le C.O. no 1 ajoute :
[…] moi, l’approche que j’ai, c’est d’aller vers ce qui vitalise la personne, ce qui la dynamise. C’est comme ça que je remets en piste la personne. Il est où le plaisir? Où il était dans ta vie? Est-ce qu’il y en a encore dans le présent? […] J’essaie de me servir de toutes les pistes dynamisantes pour ressusciter la vie chez cette personne-là. (C.O. no 1)
En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, il y a lieu de faire des
interventions pour aider les clients { trouver un nouveau sens { l’expérience vécue
et à leur vie en général, et ce, en lien avec ce qui les passionne et les vitalise. Cela
favorise la déculpabilisation du client et la transition vers des pensées plus positives
qui leur redonnent plus d’énergie.
167
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Le C.O. no 1 mentionne utiliser l’approche de la psychosynthèse de Roberto
Assagioli. Il propose aussi l’utilisation de l’approche par la santé d’Yvon St-Arnaud :
« C’est une approche par la santé, ce n’est pas une approche par la blessure, donc on
se sert du plaisir qui pousse en arrière pour favoriser la guérison ».
La C.O. no 8 propose quant à elle la lecture du livre Tant d’hiver au cœur du
changement de Michèle Roberge, qui est un essai sur la nature des transitions de vie.
La C.O. no 2 propose de son côté la lecture de quelques livres de Boris Cyrulnik sur le
concept de la résilience : « […] je trouve que Cyrulnik écrit tellement bien là-dessus,
sur la force intérieure que l’on possède mais souvent insoupçonnée ». Elle propose
aussi, pour travailler cette dimension, l’exercice suivant : « […] sur une feuille, au
centre, identifie-moi quels sont les stresseurs dans ta vie présentement et autour,
quelles sont les sources d’énergie que tu peux aller chercher dans ta vie ».
Enfin, la C.O. no 3 propose un exercice d’écriture pour faire réaliser aux clients que
tout n’est pas noir dans leurs journées, dans leurs semaines : « Alors je leur
demande d’écrire, qu’ils expliquent un peu c’est quoi la journée, c’est quoi les points
positifs de la journée et c’est quoi les points qu’ils auraient aimé qui soient
différents, et qu’est-ce qu’ils auraient pu faire de façon différente, […] pour leur
permettre de voir qu’ils peuvent avoir du contrôle et qu’{ la fin de la semaine, ce
n’est pas aussi noir qu’ils pensent »
Connaissance de soi
Favoriser la connaissance de soi du client fait référence, dans le cadre de cette
analyse, { l’importance en intervention d’amener le client { mieux se connaître pour
favoriser certains changements de perception et mieux envisager ses besoins futurs.
168
Pour le C.O. no 6, la connaissance de soi est un aspect de l’intervention qui est
important avec les clients en situation d’épuisement professionnel :
Les 4-5 premières rencontres, on va décortiquer un peu au microscope, morceau par morceau ta personnalité, tes valeurs, tes aptitudes, tes défis personnels, tes angles morts. Le but, c’est de bien décortiquer ta personnalité; […] les morceaux, ils se résument dans une synthèse d’ensemble que lui-même (le client) crée. […] Et l{, on part et on revient, et dans un cas de burnout, vois-tu en quoi dans ton travail qu’il y a des choses qui s’y retrouvent l{-dedans ou pas, qui manquaient. (C.O. no 6)
À cela, le C.O. no 1 ajoute qu’il « […] essaie d’amener la personne { prendre
conscience de ses différents besoins, puis à dire que chaque besoin a sa place ». Pour
la C.O. no 5, l’utilisation de l’Épreuve Groupement, en lien avec l’approche
psychogénétique, fournit de grandes indications sur l’aspect identitaire de la
personne, ce qui favorise ses interventions sur la connaissance de soi des clients :
« […] je vais m’en servir pour aller voir dans l’aspect identitaire ce qui a provoqué
ou qui fait que la personne aujourd’hui est en épuisement professionnel ou qu’elle
est en train de s’en sortir. » L’importance de clarifier la structure identitaire du
client est également soulignée par la C.O. no 7 :
[…] si on ne se construit pas au niveau identitaire différemment, bien la problématique va rester sur d’autres plans de la vie, […] c’est donc d’intervenir sur la perception des choses pour amener la personne à changer sa structure identitaire, { la modifier pour qu’elle aborde sa réalité autrement. (C.O. no 7)
La C.O. no 5 aborde aussi la notion de changement. Elle estime qu’une modification
psychologique doit se faire pour aider le client { ne pas revivre d’autres situations
d’épuisement professionnel dans le futur : « C’est de trouver ce que tu as à faire pour
que ça ne recommence pas dans un an, deux ans, dix ans. Alors, on est plus en
profondeur, psychologiquement. Finalement, c’est essayer de modifier des choses
pour la personne ». Pour la C.O. no 3, ce changement se fait surtout sur le plan des
valeurs :
169
C’est que les valeurs changent, […] il y en a que c’est le prestige, la reconnaissance, l’argent, l’ambition, puis là, les valeurs changent. En tout cas moi, je vois beaucoup de transformation au niveau des valeurs. La super workaholic, celle qui est partout, qui dit oui partout, c’est plus ça, les valeurs, la classification, l’ordre d’importance qui prennent un rôle différent. (C.O. no 3)
En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, favoriser la connaissance de
soi du client est un moyen d’intervention utile qui permet aux clients de mieux
comprendre les événements et d’éviter que cela se reproduise de nouveau.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Comme mentionné plus tôt, les C.O. nos 5 et 7 proposent l’utilisation de l’approche
psychogénétique élaborée par Luc Bégin.
Aussi, la C.O. no 3 mentionne utiliser les travaux de Danielle Riverin-Simard sur les
trajectoires de carrière pour mieux comprendre les changements sur le plan des
valeurs.
Valorisation des forces et des compétences
La valorisation des forces et des compétences du client fait référence, dans le cadre
de cette analyse, { l’importance de refléter aux clients ses capacités et ses
compétences pour lui permettre de reprendre un peu plus de confiance en lui-
même. Étant donné que les clients en situation d’épuisement professionnel ont
tendance à perdre confiance, la valorisation des forces devient importante, comme
le souligne la C.O. no 2 : « Mettre l’accent davantage sur ce qu’elle a réussi parce que
souvent cette personne-l{ va avoir des yeux ouverts sur ce qu’elle n’a pas, sur ce
qu’elle a raté, et les yeux fermés sur ce qu’elle a ». Pour la C.O. no 3, c’est aussi un
aspect important de son intervention :
170
Bien c’est sûr que les premières rencontres, je travaille beaucoup sur l’estime, la confiance, la réappropriation de ses forces, de ses qualités, de ses bons coups, […] je leur demande beaucoup d’écrire, puis de se rappeler dans quoi elles étaient bonnes, qu’est-ce que les gens ont dit d’elles et tout ça. Les réalisations, les accomplissements, les fiertés, alors je travaille beaucoup sur la réappropriation de leur propre estime. (C.O. no 3)
Elle ajoute également qu’elle fait des liens avec l’historique de la personne : « […] le
ramener à voir ça et ce que tu vis présentement en lien avec toutes les forces du
client dans son histoire de vie ». Mais souvent, comme le souligne de nouveau la C.O.
no 3, les clients ont l’impression d’avoir perdu leurs compétences, ce qui nécessite
un recadrage, donc de les « […] ramener { dire : regarde ça, c’est l{, c’est encore l{
(ta compétence), personne ne te l’a enlevée. Ce n’est pas parce que tu as tombé que
c’est perdu, que c’est parti et inexistant ». Les clients ont parfois même l’impression
qu’ils ne seront plus capables de travailler pour une autre entreprise : « Il n’y a pas
un employeur qui va vouloir de moi ». Le but est donc « […] de travailler sur leurs
croyances erronées, leurs perceptions erronées, sur comment ils voient les choses »,
comme le souligne encore une fois la C.O. no 3. Les propos de la C.O. no 5 vont aussi
dans le même sens lorsqu’elle mentionne qu’il s’agit « d’arriver { leur faire
retrouver un niveau d’estime de soi acceptable ou suffisant pour partir. Donc ça,
c’est plus moi souvent qui travaille quand je leur dis qu’ils sont bons dans quelque
chose, que ce sont de belles personnes, qu’ils sont biens ». Ainsi, pour cette même
conseillère d’orientation, il faut éviter « […] d’appuyer constamment sur ce qui n’a
pas fonctionné ou ce qui ne fonctionne pas chez eux ». Enfin, pour le C.O. no 1, il peut
même être intéressant d’amener une personne { se donner une valeur
indépendamment de sa performance : « […] c’est de belles interventions en
orientation, d’amener la personne { se donner une valeur sur d’autres bases que son
rendement ».
Donc, { la teneur des propos de ces quatre conseillers d’orientation, le fait de
reconnecter le client avec ses forces et ses compétences favorise une
171
réappropriation de sa confiance et de son estime de soi et facilite le rétablissement
de la personne.
Amélioration des capacités d’affirmation
L’amélioration des capacités d’affirmation fait référence, dans le cadre de cette
analyse, { l’importance d’aider le client { améliorer ses habiletés et sa confiance
dans l’expression de ses besoins et de ses limites en contexte de travail. Comme le
mentionne la C.O. no 7, il est important d’aider les clients { prendre leur place en
entreprise et à exprimer leurs besoins :
C’est sûr que l’entreprise peut être exigeante en terme de rendement, en terme de performance, mais si l’individu ne prend pas sa place face { l’entreprise, si l’individu ne se perçoit pas en situation de pouvoir prendre sa place, d’exprimer des besoins, bien à ce moment-là, nous on va travailler sur cette portion-l{. Parce que l’entreprise, on n’y a pas accès, on va travailler avec l’individu. (C.O. no 7)
La C.O. no 2 partage également cet avis. Elle accompagne aussi ses clients sur le plan
de l’affirmation de soi : « Et un gros travail à faire sur le plan de l’affirmation de soi.
Comme je te disais tantôt, aller demander de l’aide, poser des limites parce souvent
ces personnes-là sont très en demande ». Comme le précise la C.O. no 3, pour
certains clients, c’est un gros changement que d’être capables d’exprimer leurs
besoins et leurs limites : « Pour eux, apprendre à dire non, à se mettre des limites, à
clarifier leurs objectifs, { clarifier les attentes de l’employeur, { s’occuper de leur
carré de sable et de dire moi, je vais travailler ça, ils apprennent beaucoup, ça c’est
un gros changement ». Pour le C.O. no 6, son intervention vise aussi l’autonomie et
l’affirmation du client :
[…] alors je fais beaucoup plus un travail de responsabilisation face { mon savoir, s’affirmer dans ce qui va, dans ce qui ne va pas, négocier des compromis, etc. […] Il y a un grand pan de mon travail que je fais avec mes clients là-dessus, la plupart de mes outils orientent le client
172
vers une responsabilisation accrue de son mieux-être au travail. (C.O. no 6)
Également, la C.O. no 5 souligne que les difficultés d’affirmation peuvent se travailler
à même la relation avec le client. Elle mentionne d’ailleurs que « c’est l{ (dans le
bureau) où il y a le plus d’impacts ». Elle ajoute : « Quand je leur dis : arrête d’être
gentil et de dire oui, oui; c’est plein de petites affaires et ça finit par rentrer dans
leur tête. C’est comme ça, le travail d’affirmation ».
En résumé, selon ces cinq conseillers d’orientation, il est important d’aider les
clients à renforcer leurs capacités d’exprimer leurs besoins et leurs limites pour
favoriser une meilleure adaptation en général.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Pour la C.O. no 8, l’utilisation du modèle de Jacques Salomé sur l’affirmation de soi
dans le livre Comment ne plus vivre sur la planète taire influence sa pratique. Elle
mentionne : « J’utilise beaucoup son modèle pour s’affirmer puis pour parler aux
autres ». Elle propose également la lecture du livre Des jeux et des hommes d’Eric
Berne sur l’analyse transactionnelle et la théorie des rapports sociaux.
4.5.4 Interventions sur le plan des comportements
L’importance d’intervenir sur le plan des comportements a aussi été soulignée par
plusieurs des conseillers d’orientation interviewés. L’analyse des entrevues permet
de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau
suivant :
173
Tableau 21
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant l’intervention sur le plan
des comportements avec les clients en situation d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Favoriser les activités
physiques et les loisirs
Importance d’inciter le client { reprendre des
activités qui lui procurent du bien-être physique et
psychologique pour améliorer sa santé.
Favoriser les relations
sociales
Importance d’encourager les clients { entrer en
contact avec des gens afin de briser l’isolement et la
solitude.
Favoriser les activités physiques et les loisirs
L’incitation { faire des activités physiques et des loisirs fait référence, dans le cadre
de cette analyse, { l’importance d’inciter le client { reprendre des activités qui lui
procurent du bien-être physique et psychologique pour améliorer sa santé.
Certaines personnes, en raison de l’épuisement professionnel, ont arrêté de faire des
activités qui leur apportaient du bonheur. Pour le C.O. no 4, il faut poser la question :
« Est-ce que ça te manque? Oui, à quel degré? Donc si cela a un sens pour eux,
puisqu’ils reconnaissent que c’est important, je vais l’introduire dans ma
démarche ». La C.O. no 5 intègre aussi cet aspect à sa démarche avec certains clients.
Elle mentionne :
Il y en a à qui je vais faire faire des devoirs et il y en a à qui au contraire, je vais dire : pas de devoirs, tu ne penses à rien, t’arrêtes de penser tout le temps, va t’amuser. Même la notion de plaisir, il faut souvent la réintégrer dans leur vie. Alors ça peut être des prescriptions de plaisir. (C.O. no 5)
174
Également, elle mentionne : « Souvent, je vais leur dire : il faut bouger, n’importe
quoi. Si vous n’avez pas d’argent, bien allez marcher, l’hiver, allez faire du patin ».
Même chose pour la C.O. no 2 qui mentionne :
[…] ce que je vais souvent leur dire : n’attends pas d’avoir le goût d’aller dehors pour y aller, n’attends pas d’avoir le goût d’aller prendre une marche parce que tu n’auras pas le goût de le faire. Tu n’as pas le goût de prendre une marche : t’en prends une pareil, […] le corps va tranquillement avoir le goût d’aller dehors, il y a une activation au niveau du corps. (C.O. no 2)
Toutefois, comme le précise à nouveau la C.O. no 2, certains clients sont réticents au
départ, il faut donc procéder graduellement : « Souvent des loisirs qui
tranquillement émergent tout d’un coup, mais ça, ce n’est pas du premier coup par
exemple. On travaille fort pour en arriver là, pour aller identifier ce qui te ferait du
bien […] et c’est vraiment, par moment, 24 heures { la fois ». La C.O. no 3 favorise elle
aussi une activation du client : « Je peux les laisser mais un moment donné, c’est : on
va recommencer à marcher, je ne te demande pas de faire un marathon là, mais on
va apprendre au moins à recommencer à marcher et après, on va faire du pas un peu
plus rapide […], surtout ceux qui n’arrêtent pas de dormir ». Pour d’autres clients,
principalement ceux en pré-épuisement, ce n’est pas tant de les inciter que de les
encourager à continuer, comme le souligne le C.O. no 1 :
Il y a des gens qui spontanément vont quand même faire de l’exercice physique, puis ils vont se maintenir parce qu’ils savent que s’ils arrêtent de faire de l’exercice, le fond du baril les attend à vitesse grand V et il n’en est pas question. Ils vont nager, ils vont au gym, ils vont courir, ils vont faire du vélo, ils savent que même s’ils sont fatigués, ils savent que justement le physique empêche le psychologique de chuter trop bas. (C.O. no 1)
Enfin, comme le souligne le C.O. no 4, certains clients ont même la perception qu’ils
ne peuvent plus se permettre de partir en vacances, étant donné qu’ils sont en arrêt
de travail :
175
Bien c’est bizarre, mais il y en a plusieurs qui pensent que le fait d’être sur une police d’assurance invalidité, privée ou publique, qu’ils n’ont pas le droit d’aller en vacances. Alors tout { coup, ils ont éliminé les vacances de leur vécu alors que c’est nulle part comme ça. Mais eux autres, ils ont vraiment cru que c’était comme ça. (C.O. no 4)
En conclusion, selon ces cinq conseillers d’orientation, pour favoriser un regain sur
le plan de la santé physique et psychologique des clients, il est important, pour eux,
d’inciter les clients { reprendre des activités qui leur procurent un bien-être.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
Le C.O. no 4 propose l’utilisation de l’approche centrée sur les solutions : « Donc
pour moi, la dynamique de l’épuisement professionnel, c’est une problématique qui
a besoin d’être approchée avec cette perspective-là pour augmenter justement les
facteurs de proactivité chez mes clients ».
Favoriser les relations sociales
Le fait de favoriser les relations sociales fait référence, dans le cadre de cette
analyse, { l’importance d’encourager les clients { entrer en contact avec des gens
afin de briser l’isolement et la solitude. Comme le souligne la C.O. no 2, le fait
d’inciter les clients à rester en contact avec leur entourage aide à contrer l’isolement
et le silence : « […] je vais travailler sur l’isolement et le silence de la personne parce
que souvent, cette personne-là va être portée { s’isoler, par honte, par culpabilité
parce qu’elle ne se trouve pas intéressante, elle n’a rien à dire. Donc, on travaille là-
dessus, sur l’importance de rester en relation significative avec les gens ». Pour ce
faire, elle ajoute qu’il est important « […] d’identifier les personnes avec qui tu
pourrais entrouvrir là-dessus. Donc il y a beaucoup à travailler sur le plan
relationnel ». L’incitation { entrer en relation avec les autres est une intervention
effectuée également par la C.O. no 3 : « […] je les ramène { entrer en relation avec
des amis qu’ils ont mis de côté, des collègues de travail qu’ils aiment et qu’ils veulent
176
reprendre ». Toutefois, pour ce qui est de l’incitation { faire du bénévolat pour
briser l’isolement, la C.O. no 5 exprime une mise en garde :
Le bénévolat aussi. Mais généralement, le bénévolat, les gens n’aiment pas trop ça. Non, il y a encore un côté : je vais donner pour rien, je vais encore me faire avoir. Ils sont encore trop là-dedans. Ça, c’est plus tard. Il faut avoir la capacité de voir le bénévolat comme étant une façon de s’investir dans la vie, mais sur le moment, ça fait trop. (C.O. no 5)
En résumé, selon ces trois conseillers d’orientation, l’incitation { conserver des
relations sociales aide { contrer la tendance { l’isolement et { la solitude des clients
en situation d’épuisement professionnel.
4.5.5 Réintégration ou réorientation
Selon les conseillers d’orientation interviewés, lorsque l’état de santé du client en
épuisement professionnel va s’améliorer et le permettra, des interventions seront
nécessaires pour préparer la suite des événements. L’analyse des entrevues permet
de faire ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau
suivant :
Tableau 22
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant la réintégration ou la
réorientation { la suite d’un épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Planification et soutien :
retour au travail
Accompagnement offert aux clients qui décident de
retourner à leur ancien milieu de travail à la suite
d’un épuisement professionnel.
Planification et soutien :
réorientation
Accompagnement offert aux clients qui décident de
ne pas retourner à leur ancien milieu de travail à la
suite d’un épuisement professionnel.
177
Planification et soutien : retour au travail
La planification et le soutien quant au retour au travail fait référence, dans le cadre
de cette analyse, { l’accompagnement offert aux clients qui décident de retourner {
leur ancien milieu de travail { la suite d’un épuisement professionnel. Pour
plusieurs des conseillers d’orientation interviewés, après avoir identifié ce qui ne
fonctionnait pas, il faut aussi envisager la réadaptation lors du retour au travail. Le
C.O. no 4 souligne :
Tous ces facteurs-là de base, satisfaction et insatisfaction, positionnement face à chacun, recontextualisation, quelle est la stratégie maintenant par rapport à telle personne, tel collègue, tel emploi et tout, c’est ce qu’on va retravailler ensemble. […] Comment vont-ils s’intégrer finalement, est-ce le même mandat? A-t-il été modifié? Est-ce du temps partiel? Est-ce du temps plein? […] Le boss, c’est quoi l’ouverture par rapport { ça? Toi, comment tu vas réagir si ton boss ne change pas? Comment ça va t’affecter la prochaine fois qu’il va lever son ton de voix? (C.O. no 4)
On parle donc d’aide { la réintégration et au maintien, comme le souligne ce même
conseiller :
Parfois aussi, l’aspect de l’intégration et du maintien, comment tu vas faire pour te préparer? Assure-toi que c’est le même mandat. Y a-t-il quelque chose qui a changé là? Les relations de travail? Ça fait trois mois que les gens ne te voient pas, comment tu vas faire pour aller les saluer, qu’est-ce que tu vas leur dire? (C.O. no 4)
De plus, comme le précise la C.O. no 7, il y a deux côtés à la médaille : « Il faut soit
que tu prennes ta place face { ton employeur pour l’inciter { des changements ou
toi, tu changes ta façon d’aborder ton travail. Il faut que tu laisses tomber. Donc l{, tu
prends le risque de ne plus être irréprochable, c’est l{ qu’on situe l’intervention ». La
C.O. no 8 partage cette idée que parfois, les clients doivent eux-mêmes modifier leurs
comportements. Elle cite en exemple la situation d’une de ses clientes face { un
patron exigeant :
178
Là, elle a pris sa distance émotive, elle est retournée au travail, ça va bien, mais elle est détachée. Elle ferme la porte de son bureau, elle donne de bons services aux clients, mais elle se préoccupe de juste donner le petit os au boss, donc les statistiques nécessaires, puis après ça, elle ferme sa porte et elle fait ses affaires. (C.O. no 8)
Également, pour faciliter l’adaptation en milieu de travail, la C.O. no 7 propose même
d’accompagner les clients durant la période de retour au travail afin que le travail
effectué lors des rencontres individuelles prenne tout son sens :
[…] quand je vois des gens en intervention durant une période d’épuisement professionnel, ce que je leur suggère, c’est un accompagnement au moment où ils retournent au travail; […] c’est important, c’est même nécessaire que l’intervention se fasse au moment du retour au travail. […] C’est l{ que l’expérience prend du sens parce que là, ils se revoient dans le pattern d’aborder le travail. (C.O. no 7)
Le C.O. no 1 propose même d’accompagner le client en médiation avec l’employeur :
« J’ai déj{ fait de la médiation avec un employeur; c’est arrivé une fois que j’ai été
avec le client rencontrer l’employeur. Nous étions les trois assis, puis je leur ai
permis les deux de se parler parce qu’il voulait revenir chez son employeur, mais
pas configurer la job de la même façon ». Le C.O. no 6 intègre quant à lui la notion de
coaching :
[…] par exemple, lorsqu’ils arrivent { l’évaluation annuelle du rendement, le patron arrive avec sa grille, souvent c’est { sens unique vers la grille. Mais moi, je coache mes clients dorénavant; lors de tes évaluations annuelles, tu vas arriver avec ça et tu vas aussi avoir ton mot { dire sur ce qui fait ton affaire, ce qui ne le fait pas et voir s’il peut y avoir des compromis possibles. (C.O. no 6)
Le C.O. no 4 aussi intervient sous forme de coaching : « Plus on va avancer, plus ça va
devenir du coaching qui va avoir tendance à dire : tu dis que tu veux réaliser ça,
comment on va s’y prendre? Qu’est-ce que tu vas faire? C’est quoi le délai que tu te
donnes pour réaliser cet objectif-là? Carrément du plan d’action { ce moment-là ».
179
Ainsi, { la lumière des propos de ces cinq conseillers d’orientation, la préparation et
le soutien lors du retour au travail est une intervention importante dans le
processus d’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.
Le coaching et la médiation sont des moyens proposés pour faciliter la réadaptation
du client en milieu de travail.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 8 propose, pour faciliter le retour au travail, l’utilisation de techniques
d’hypnose. Elle mentionne : « Je vais faire l’hypnose par exemple dans des cas où la
personne va se sentir reject dans un milieu de travail. On va utiliser l’imaginaire, le
cerveau droit pour travailler sur la perception de ce qui se passe autour, changer la
perception des choses pour qu’elle ait une réponse différente ».
Planification et soutien : réorientation
La planification et le soutien à la réorientation fait référence, dans le cadre de cette
analyse, { l’accompagnement offert aux clients qui décident de ne pas retourner {
leur ancien milieu de travail { la suite d’un épuisement professionnel. Comme le
souligne la C.O. no 3, parfois l’environnement de travail ne convient tout simplement
plus : « J’ai des gens, qui font beaucoup de burnouts, qui viennent de compagnies où
les présidents font des millions et des milliards { cause que c’est des compagnies
d’actionnaires et tout ça l{. Il y en a pas mal qui disent : je suis tanné de travailler
pour que lui fasse des millions et il n’est jamais satisfait ». Comme le mentionne le
C.O. no 4, parfois la meilleure solution pour le client, c’est de changer
d’environnement de travail : « Si c’est vraiment non, il y a tellement de facteurs
d’insatisfaction, on sait très bien que ça vient avec le terrain, comme par exemple le
droit corporatif, les heures de fou, typologie A, tout le monde se défonce. […] Bien là
change de domaine à ce moment-là, ça devient plus facile ». Et comme le précise la
C.O. no 3, une fois que la décision est prise de changer d’environnement de travail,
180
« alors ça demande de réidentifier des environnements de travail qui peuvent mieux
leur correspondre ». Il y a aura donc des distinctions à faire :
[…] au niveau du type d’organisation, type de secteurs d’activité puis après, au niveau du type de poste de travail, […] le type de responsabilités qu’ils veulent faire, c’est quoi les compétences qu’ils veulent actualiser, qu’ils veulent mettre plus de l’avant, puis certaines qui ne peuvent plus exercer. (C.O. no 3)
Dans cette même optique, le C.O. no 4 mentionne qu’il incite les clients { se préparer
des questions pour s’assurer de ne pas retrouver des facteurs d’insatisfaction dans
le prochain milieu de travail :
[…] si la personne ne réintègre pas le travail, elle a tendance à se faire une liste de facteurs non négociables pour le futur. Donc elle va littéralement se préparer pour aller en entrevue, puis littéralement sortir des questions qu’elle aura préalablement préparées pour analyser quel type d’environnement de travail. Comment ça fonctionne les collègues? C’est quoi la philosophie de l’entreprise au niveau des ressources humaines? (C.O. no 4)
La C.O. no 8 ajoute qu’elle discute de plusieurs questions concernant la recherche
d’emploi et ses particularités : « […] on décortique une offre d’emploi pour ne pas se
faire prendre pour un autre panier de crabes. Comment on justifie un arrêt de
travail dans un CV, dans une entrevue d’embauche? » La C.O. no 3 propose même
d’inciter les clients à entrer en contact avec des futurs employeurs : « Je les amène
aussi des fois, tout dépendamment d’où ils sont rendus, je les amène à contacter les
employeurs pour poser des questions sur le métier et le travail pour voir s’ils se
verraient vraiment dans ça, […] pour leur permettre d’être en contact avec la
réalité ».
Donc en résumé, selon ces trois conseillers d’orientation, il est aussi important
d’accompagner les clients dans leurs démarches de réorientation et de recherche
d’un environnement de travail plus propice, compte tenu de leurs critères
importants.
181
4.5.6 Autres stratégies d’intervention
Parmi l’ensemble des propos recueillis par les conseillers d’orientation interviewés,
il ressort aussi d’autres stratégies d’interventions possibles pour aider les clients en
situation d’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues permet de faire
ressortir particulièrement les deux thèmes présentés dans le tableau suivant :
Tableau 23
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les autres stratégies
d’interventions possibles avec les clients en situation d’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Interventions de groupe Formes différentes d’intervention pouvant être
utilisées et qui aident à briser l’isolement et la
solitude des clients en situation d’épuisement
professionnel.
Références et coopération
entre professionnels
Possibilité de travailler en collaboration avec
d’autres professionnels pour mieux servir les
clients en situation d’épuisement professionnel.
Interventions de groupe
Les interventions de groupe font référence, dans le cadre de cette analyse, à des
formes différentes d’intervention pouvant être utilisées avec les clients en situation
d’épuisement professionnel qui aident à briser l’isolement et la solitude. Deux des
huit conseillers d’orientation interviewés ont mentionné utiliser cette forme
d’intervention avec des clients en situation d’épuisement professionnel. La C.O.
no 2 souligne :
Je crois beaucoup aux groupes, […] particulièrement pour des personnes qui sont en épuisement. Comme je te disais tantôt, comme ils
182
souffrent beaucoup de solitude, souffrent beaucoup de rester en silence, la honte, la culpabilité, je trouve que c’est intéressant de faire rencontrer ces personnes-là, de travailler ensemble. (C.O. no 2)
Pour la C.O. no 8, les interventions de groupe sont aussi des occasions d’observer les
clients en interaction avec les autres :
[…] c’est que tu vois les gens interagir, donc là tu vois des fois quelque chose, parce que tant que le client te parle dans ton bureau, disons un tel c’est un maudit, mais là quand tu le vois interagir avec le groupe, tu fais ah ok, là je le vois le bug, tu peux le rattraper, c’est drôle j’ai vu ta dynamique. Tu peux reprendre ça en individuel après parce que c’est important le comportement social. (C.O. no 8)
Pour elle, c’est aussi une occasion de ne pas répéter constamment les mêmes
informations pertinentes pour des clients en épuisement professionnel. Elle
mentionne à ce sujet :
[…] j’ai monté les groupes parce que je trouvais que gestion du stress, les effets du changement, qu’est-ce qu’on dit { un employeur après un burnout et tout ça, fallait que je le vois, c’était quelque chose que je répétais d’une personne { l’autre. Puis tiens, je vais le dire en groupe un moment donné, il va se dire plus d’affaires, puis tout le monde va avoir la même information, puis de toute façon, tout le monde a besoin de ces informations-là quand on est en burnout. (C.O. no 8)
Ainsi, selon ces deux conseillères d’orientation, les interventions de groupe peuvent
être des moyens efficaces pour briser l’isolement des clients, observer leurs façons
d’interagir avec les autres et augmenter la quantité d’informations partagées avec
les clients.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 8 propose l’utilisation du MBTI (Myers-Briggs Type Indicator) en atelier
de groupe : « Je fais passer le MBTI et puis dans le MBTI, je mets les I et les E d’un
bord. Puis là, je les confronte, je leur demande : qu’est-ce que vous n’aimez pas des
183
I? Comment que c’est un E et qu’est-ce que ça fait? Votre ancien patron, vous pensiez
que c’était quoi? […] Quand ils se confrontent comme ça, ça les aide { se connaître, {
se voir et à voir la différence des autres ».
La C.O. no 2 mentionne utiliser le dessin automatique comme activité de groupe. Elle
précise : « Je travaille beaucoup comme ça, à questionner le dessin, je travaille
beaucoup avec l’abstrait ». Elle mentionne également : « […] il y a une partie où je
vais mettre les personnes en atelier, c’est-à-dire qu’ils vont travailler { partir d’eux-
mêmes, donc soit une visualisation, soit une mise en situation, puis ensuite il va y
avoir un échange en sous-groupes, un échange en grand groupe. À ça, je vais
accrocher des notions, par exemple l’attribution interne ou externe; les gens aiment
bien ça quand on parle de ça ».
Références et coopération entre professionnels
Favoriser la référence et la coopération entre professionnels fait référence, dans le
cadre de cette analyse, { la possibilité de travailler en collaboration avec d’autres
professionnels pour mieux servir les clients en situation d’épuisement
professionnel. Pour des clients en situation d’épuisement professionnel, cela débute
souvent par l’incitation à consulter un médecin, particulièrement pour des clients
qui ont pris, eux-mêmes, l’initiative de consulter. Le C.O. no 4 souligne :
Parmi cette clientèle-là, il y a un pourcentage quand même faible qui est vraiment proche d’un burnout. Et là, dans ce pourcentage-là, peut-être qu’ils sont en épuisement professionnel ou en dépression, et nous, on pose la question : est-ce que tu es suivi par un médecin? S’ils ne le sont pas, bien à ce moment-là, on leur dit : selon moi, ce que tu essayes de faire en ce moment, ça semble déjà ardu, […] peut-être que le timing n’est pas bon pour l’instant si tu exclus l’aspect de voir ton médecin, pour que tu aies une autre perspective en même temps. (C.O. no 4)
L’incitation { consulter un médecin est également partagée par la C.O. no 7 qui
mentionne : « Un, quand quelqu’un nous arrive dans un état de grande fatigue puis
184
de stress, tout de suite on demande un bilan médical. On l’incite { consulter au
niveau médical pour avoir un bilan parce qu’il peut y avoir d’autres composantes
physiques qui sont associées à ça ». Et dans certaines situations, lorsque l’anxiété est
très élevée, la prise de médication, sous forme d’antidépresseurs, peut être
encouragée : « […] on l’incite { suivre les recommandations du médecin, leur dire
qu’on va les suivre, que ce n’est pas une situation qui est permanente, que ça va être
temporaire, que ça se peut que ça s’échelonne sur un an mais après ça, il va y avoir
un sevrage graduel ». Mais comme le précise cette même conseillère, les gens ont
parfois peur des antidépresseurs malgré leur nécessité :
Souvent, ça fait plusieurs fois que leur médecin leur parle d’antidépresseurs puis qu’ils refusent. […] Les gens ont peur d’embarquer sur les antidépresseurs, mais on sent très bien que s’ils n’ont pas un support pharmacologique, ils vont glisser; […] si cette pression-là ne baisse pas après quelques rencontres, bien là il faut passer { l’intervention d’une médication qui va faire en sorte de stabiliser l’anxiété. (C.O. no 7)
Pour le C.O. no 4, la rencontre avec le médecin peut même faire l’objet de
questionnements et de préparation avec le client :
Puis aussi le médical, s’il y a des symptômes secondaires de la médication qui viennent les empêcher d’avancer, bien comment tu vas gérer ta prochaine rencontre à ce moment-là? Est-ce que tu vois que ton dosage doit augmenter? Est-ce que tu parles de ça? Des fois, il y a des gens qui ne parlent pas, ils sont très obéissants. (C.O. no 4)
Également, la référence peut également se faire auprès d’un psychologue. Comme le
mentionne le C.O. no 6, si le problème est lié à une problématique de personnalité
trop importante, « […] ils ont la consigne d’aller voir un psy, puis c’est l{ que mon
mandat entre counseling et psychothérapie est très clair pour moi ». La collaboration
avec les psychologues est aussi encouragée par la C.O. no 8 : « Des fois le
psychologue va travailler un trouble particulier, un trouble anxieux, l’anxiété
généralisée intense; […] je pourrais le faire mais si elle a un psychologue, je vais lui
laisser. […] Au pire on s’appelle la psychologue et moi, on peut travailler de
185
concert ». En matière de collaboration, elle mentionne aussi travailler { l’occasion
avec des travailleurs sociaux :
Je travaille avec des travailleurs sociaux aussi; moi, je n’ai pas de problèmes avec ça. Travailleur social, c’est plus social, ils vont travailler sur le réseau, ils vont travailler pour faire sortir la personne de son cocon puis tout ça, et moi, je suis la correspondance avec le marché du travail. (C.O. no 8)
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, pour s’assurer de servir le
mieux possible les clients, les références aux médecins, aux psychologues et aux
autres professionnels pertinents peuvent être complémentaires et favoriser le
rétablissement.
4.6 Difficultés rencontrées par les conseillers d’orientation
Les conseillers d’orientation interviewés ont fait part de certaines difficultés
rencontrées avec les clients en situation d’épuisement professionnel. L’analyse des
entrevues permet de faire ressortir particulièrement les six thèmes présentés dans
le tableau suivant :
186
Tableau 24
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les difficultés rencontrées
par les conseillers d’orientation avec les clients en situation d’épuisement
professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Incapacité d’introspection
des clients
Difficultés éprouvées par les conseillers
d’orientation en lien avec des clients qui présentent
une fermeture sur les plans psychologique et
émotif.
Difficultés financières des
clients
Difficultés éprouvées par les conseillers
d’orientation en lien avec l’incapacité des clients {
débourser les frais de consultation due à une
situation financière précaire.
Exigences élevées des
clients
Difficultés éprouvées par les conseillers
d’orientation en lien avec des clients exigeants sur
les plans de la rapidité du processus et des
solutions possibles.
Passivité des clients Difficultés éprouvées par les conseillers
d’orientation en lien avec des clients inactifs.
Longueur des processus Difficultés éprouvées par les conseillers
d’orientation en lien avec la durée des processus
avec des clients en situation d’épuisement
professionnel.
Temps accordé Difficultés éprouvées par les conseillers
d’orientation dues au manque de temps pour
intervenir avec les clients en situation
d’épuisement professionnel.
187
Incapacité d’introspection des clients
L’incapacité d’introspection des clients fait référence, dans le cadre de cette analyse,
aux difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec des clients qui
présentent une fermeture sur les plans psychologique et émotif. Le C.O. no 6
mentionne la difficulté de discuter de certains aspects plus douloureux pour le
client : « C’est des gens qui sont tellement dans leur malaise que le retour à soi est
difficile : je ne peux pas aller là, ça fait trop mal. […] Alors ça va être difficile dans le
sens où il faut que je les gagne à ce travail-là, et je suis sûr que ça va les aider, donc
ça demande une finesse plus grande ». Certains clients vont même tenter de nier les
événements pour ne pas aborder la souffrance intérieure, comme le souligne la C.O.
no 2 :
L{ où j’ai de la difficulté, ce n’est pas juste en épuisement, mais c’est notable en épuisement : la négation. Quand pour moi ça pète l’écran que c’est ça et que la personne dit non, non, non. La négation des événements ou la négation des choses, ça, j’avoue que ça me fait travailler beaucoup. C’est sûr qu’au tout début, c’est pour moi souvent une période de résistance énorme, il y a beaucoup de résistance à ce moment-là, donc entrer dans un passage où ça résiste, ça demande beaucoup, pour moi, beaucoup d’énergie d’entrer là. (C.O. no 2)
La C.O. no 8 partage aussi ce point de vue concernant le déni de la part des clients :
« Bien, les difficultés rencontrées sont quand les personnes ne se voient pas, qu’elles
n’ont pas de regard sur elles, puis quand tu leur retournes leur miroir, tu leur dis
des affaires, elles ne le prennent pas ou elles le prennent mal. Ça c’est difficile, ça
n’arrive pas souvent, mais ça arrive ». La négation des événements devient aussi un
frein { l’intervention et { la relation thérapeutique, comme le précise la C.O. no 7 :
[…] une personne qui est dans l’hyperengagement au travail est beaucoup, aussi, dans une dynamique de trouver difficile d’établir une relation d’intimité. Donc de nous laisser approcher, de nous laisser démontrer notre appréciation, notre affection envers elle, c’est toujours des gens qui vont bloquer; c’est souvent, pas toujours, c’est souvent des
188
gens qui vont bloquer, qui vont mettre une distance; puis c’est percer ces petits filtres l{ qui s’installent qui est souvent difficile. (C.O. no 7)
Mais comme le précise la C.O. no 5, parfois, le client ne permet tout simplement pas
d’entrer vers une introspection plus profonde : « C’est sûr que des fois, les clients ne
rentrent pas là-dedans, ils ne veulent rien savoir de ça. Ça, c’est mes limites ». La C.O.
no 7 précise également que l’accent doit malgré tout être mis sur la relation et que le
succès de l’intervention en dépend : « […] le succès d’une intervention, le succès
d’une psychothérapie, c’est la relation plus que l’approche. Moi, c’est comme ça que
je le vois. Il y a des gens qui ne sont pas prêts à permettre à cette relation-là de
s’installer. C’est l{ que sont nos limites malgré toute la bonne volonté qu’on a ».
Ainsi, devant l’incapacité de certains clients { faire une introspection sur le plan des
émotions, et les difficultés que cela crée en intervention, les approches cognitives
seront mieux adaptées, selon la C.O. no 5 :
On va utiliser le cognitif avec des personnes qui sont très rationnelles. Il y a des gens, si je leur parle de relations, d’eux, de moi, ils paniquent un peu. Ça ne marche pas, il y a quelque chose, ils vont rationnaliser, me demandent : mais qu’est-ce que je fais? Qu’est-ce que je veux? Les gens inquiets, anxieux et rationnels, si je les approche par quelque chose de psychogénétique, établir le lien de confiance et y aller avec ses relations supposons, il ne me suivra pas. Il va paniquer même. Ça peut faire paniquer. Alors, le cognitif, c’est plus j’ai un argument, tu as un argument et on s’explique nos arguments. (C.O. no 5)
Donc, selon ces cinq conseillers d’orientation, lorsque le client ne permet pas la
relation et évite l’introspection, cela vient nuire { la qualité des interventions, ce qui
devient parfois une difficulté dans le processus d’accompagnement des clients en
situation d’épuisement professionnel.
Difficultés financières des clients
Les difficultés financières des clients font référence, dans le cadre de cette analyse,
aux difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec l’incapacité
189
des clients à débourser les frais de consultation, incapacité due à une situation
financière précaire. Comme le souligne le C.O. no 1, le client n’a pas toujours les
moyens de payer pour plusieurs rencontres avec un conseiller d’orientation :
Mais la réponse, c’est que c’est dur de faire une job adéquate, c’est toujours une limitation par les finances; […] le client qui vient te voir des fois, lui selon ses finances, il va te dire : je suis capable de me payer cinq rencontres avec toi. […] Lorsque les personnes viennent me voir, le psy et le conseiller d’orientation combinés, ça fait des sous. (C.O. no 1)
La réalité financière est un enjeu difficile en consultation, comme le précise aussi la
C.O. no 2 :
L’autre chose que je te dirais, c’est qu’un moment donné, on touche { de l’impuissance, je suis face { quelqu’un qui est insécure financièrement, puis elle a raison. Elle a raison. Des personnes qui arrivent, notamment la plupart de ceux qui arrivent du secteur privé, ils n’ont rien, ils n’ont pas de filets de sécurité, […] travailleurs autonomes, ils n’ont rien, aucune sécurité financière s’ils n’ont pas un petit bas de laine. Et puis l{, on ne sait pas combien de temps la personne va être dysfonctionnelle, on ne sait pas. Puis là, c’est sûr que la pression, c’est : sors-moi vite de là, sors-moi vite de là parce que moi, je n’ai plus de sous. (C.O. no 2)
De plus, dans certains milieux, comme pour ce qui est de la clientèle des organismes
communautaires par exemple, les clients ont peu d’argent, comme le précise la C.O.
no 5 : « Parce que souvent, je vois des clients ici qui n’ont pas d’argent. Dans le privé,
ils en ont plus mais ici, ils n’en ont pas beaucoup ». Enfin, la C.O. no 7 ajoute qu’il
serait aussi intéressant dans certains cas, d’accompagner les clients pendant la
phase de retour au travail, mais souvent l’aspect financier influence aussi la
décision : « […] s’ils veulent poursuivre la démarche, oui. Il y en a que c’est une
question monétaire, il y en a que c’est une question de programme d’aide, ce n’est
pas toujours permis ».
190
En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, le manque d’argent des clients
devient parfois un frein au processus d’accompagnement et en bout de ligne, cela
influence l’efficacité de l’intervention.
Exigences élevées des clients
Les exigences élevées des clients font référence, dans le cadre de cette analyse, aux
difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec des clients
exigeants sur les plans de la rapidité du processus et des solutions possibles. Comme
le mentionnent plusieurs des conseillers d’orientation interviewés, certains clients
en situation d’épuisement professionnel entretiennent des idées irréalistes en
matière d’accompagnement. La C.O. no 7 souligne : « Il y a des gens qui envisagent
difficilement le fait de s’arrêter, donc pour eux c’est : guéris-moi dans une semaine
parce que dans deux semaines, il faut que je sois retourné au travail. Ils sont dans
cette forme d’irréalisme l{ ». Le même point de vue est exprimé par le C.O. no 1
concernant les processus d’orientation : « […] il y a des gens pour qui ça devrait se
faire en une rencontre, peut-être deux ». Cela entraîne une impatience chez certains
clients qui souhaitent des résultats rapides, comme le mentionne la C.O. no 7 :
[…] il faut prendre le temps; des gens qui sont performants, ils vont te dire : ça fait trois fois que je viens te voir puis je ne vois pas de changements. Donc de freiner cette impatience-là de résultats; […] il y a des gens qui ne réagissent pas très bien à cette approche-là, puis qui vont vouloir aller vers quelqu’un qui va leur dire quoi faire, parce que c’est plus insécurisant. (C.O. no 7)
Comme le mentionne le C.O. no 1, certains clients s’attendent { des réponses sans
ambiguïté :
Des fois, ça n’arrive pas souvent, mais les personnes peuvent être exigeantes dans le sens qu’elles viennent ici et elles s’attendent { avoir des réponses qu’eux-mêmes devraient fournir. Puis comme on ne fait pas de miracles, on accompagne la personne, mais il y a des gens qui s’attendent { avoir des réponses très précises, très claires. (C.O. no 1)
191
Toujours selon le C.O. no 1, parfois ils veulent même carrément être pris en charge :
« C’est bien beau faire des interventions pour leur redonner leur pouvoir, mais des
fois ils n’en veulent pas de pouvoir, ils sont à terre. Ils n’ont pas envie que je leur
dise comment se relever. Ils ne sont pas capables, ils veulent quelqu’un pour les
lever ». La situation des clients vient même exercer une pression qui est difficile à
soutenir, comme le souligne la C.O. no 2 :
[…] quand la personne tombe dans une insécurité financière et particulièrement si elle a des enfants à charge, ça je ne trouve pas ça évident. Ça met de la pression. Je suis portée à vouloir lui trouver une job vite et là, c’est toute la difficulté aussi comme conseiller en orientation; c’est comme si on a des fois la mission, on nous donne la mission de retrouver une job, une job très convenable, alors que ce n’est pas à moi de trouver. (C.O. no 2)
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, certains clients vont espérer
que les processus et les résultats soient rapides et que la prise en charge du
conseiller d’orientation soit complète. Ces pressions sont parfois difficiles { gérer
lors des rencontres avec ces clients.
Passivité des clients
La passivité des clients fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux difficultés
éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec des clients inactifs. Pour
certains conseillers d’orientation, la passivité des clients est décevante lors des
consultations. Comme le mentionne le C.O. no 4, « c’est plate de voir que certains
clients ne s’activent pas; pas nécessairement difficile ». Il souligne : « De savoir que
j’ai quelqu’un qui a du potentiel devant moi, mais de voir qu’il est pris un petit peu
dans la perception qu’il ne sera pas capable ». Enfin, il précise :
Finalement, c’est quand c’est de la précontemplation, quand la précontemplation s’éternise, la personne ne veut rien savoir; ça c’est tough parce qu’ils sont assis dans la chaise, il n’y a rien qui les oblige à
192
être ici, donc il y a une action qui semble suggérer : je veux avancer, mais peut-être que c’est un masque aussi. (C.O. no 4)
La C.O. no 3 partage aussi cette opinion concernant la passivité des clients :
Mais moi, je trouve que la plupart de mes clients sont toujours dans le stade de contemplation ou de précontemplation. En contemplation, c’est oui, oui, je veux pour me faire plaisir, mais après quand tu regardes tous les non, pourquoi ils ne veulent pas passer { l’action, il y a tellement d’éléments qui leur font peur, qui sont souvent irréalistes, qui ne sont pas fondés. (C.O. no 3)
Comme elle le précise, « […] c’est plus confortable de rester sous la tutelle de la
compagnie d’assurances, alors ils ne veulent pas, alors ils essaient d’étirer la sauce
pour retarder ce retour sur le marché du travail ». Enfin, la passivité des clients est
aussi un élément souligné par la C.O. no 5. En réponse à la question concernant les
difficultés rencontrées avec la clientèle en épuisement professionnel, elle répond :
« Bien, leur passivité des fois est assez… (moment de silence), leur négativisme et
leur passivité ».
Ainsi, selon ces trois conseillers d’orientation, le fait que certains clients ne
s’activent pas, malgré une présence en consultation qui suggère une volonté de
changement, est pour eux décevant et demande un peu plus d’énergie que pour
d’autres clients plus proactifs.
Suggestions d’approches et d’outils d’intervention
La C.O. no 2 mentionne utiliser la théorie portant sur les motivations intrinsèques et
extrinsèques des clients selon Decy et Ryan.
Pour la C.O. no 3 et le C.O. no 4, l’utilisation du modèle de Prochaska inspire leur
pratique. Il offre des explications sur les étapes du changement de comportement
des clients. Il fournit également des explications sur le type de motivation du client.
193
Longueur des processus
La longueur des processus fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux
difficultés éprouvées par les conseillers d’orientation en lien avec la durée des
processus avec des clients en situation d’épuisement professionnel. Les processus
peuvent être assez longs, comme le souligne la C.O. no 5 : « […] c’est la longueur des
fois, la longueur de temps que ça peut prendre. Il faut être patient, reprendre chaque
chose, des fois c’est un peu long ». La C.O. no 8 précise que la durée des processus est
plus longue surtout quand le client ressent beaucoup d’anxiété : « […] quand
l’anxiété est au paroxysme, quand il y a beaucoup d’anxiété, c’est plus long; 9 mois,
mes processus durent en moyenne 6 mois, entre 3 et 6 mois, là quand je dépasse 6
mois, c’est long ». Enfin, la C.O. no 7 mentionne qu’il faut être patient avec ce type de
clientèle : « Il faut prendre le temps, il ne faut pas être avide de résultats. Donc
souvent avant de noter des progrès, avant de noter un changement, avant que la
personne lâche prise sur sa perception, il faut prendre le temps ».
Ainsi, { la lumière des propos de ces trois conseillères d’orientation, il faut être
patient parce que les processus avec les clients en situation d’épuisement
professionnel peuvent être plus longs.
Temps accordé
Le temps accordé fait référence, dans le cadre de cette analyse, aux difficultés
éprouvées par les conseillers d’orientation et qui sont dues au manque de temps
pour intervenir avec les clients en situation d’épuisement professionnel. La difficulté
liée au manque de temps force les conseillers d’orientation { travailler plus
rapidement, comme le souligne la C.O. no 3 : « Mais c’est toujours le temps, parce que
nous, en orientation, on n’est pas comme les psychologues, eux peuvent prendre
sept ans à travailler; moi, je sais toujours que nous avons un temps restreint avec
nos clients, alors il faut que ça enclenche un moment donné ». Comme le mentionne
aussi le C.O. no 1, les conseillers d’orientation sont souvent limités par le temps qui
194
est accordé par les entreprises, particulièrement dans les programmes d’aide aux
employés :
[…] si c’est un programme d’aide aux employés, eux autres ils te limitent dans le temps. Certaines fois, exceptionnellement, tu peux extensionner mais habituellement, ils ne sont pas très chauds { l’idée, de façon générale. Pour un dossier d’assuré, je ne sais pas, supposons que le programme d’aide aux employés donne 20 heures de services, mais il y a quelqu’un qui fait l’évaluation des besoins et qui va dire : je donne huit heures au psychologue, six heures au conseiller d’orientation et trois heures en réadaptation. Ils jouent avec leur banque de temps, sinon si la personne veut prendre plus de temps, c’est à ses frais. (C.O. no 1)
Pour la C.O. no 3, le manque de temps devient parfois une préoccupation malgré
quelques exceptions : « […] moi, vu que je travaille beaucoup avec des références,
c’est toujours : vont-ils me laisser du temps? Mais là, ils me connaissent, ça fait
longtemps que je travaille avec les gens des assurances, la CSST, ils me connaissent,
ça fait 15 ans, ils me donnent carte blanche ». La difficulté, comme elle le mentionne,
est surtout liée aux références provenant des instances gouvernementales, en
l’occurrence Emploi-Québec :
Mais quand j’ai des dossiers Emploi-Québec, on est vraiment pris. Si moi, je ne suis pas capable de faire ma job en un mois et demi, bien c’est tout de suite j’alerte l’agent, il faut que tu le réfères à des ressources parce que moi, pour mon mandat, je manque de temps. (C.O. no 3)
En conclusion, selon ces deux conseillers d’orientation, le manque de temps est une
difficulté à laquelle ils font face avec la clientèle en épuisement professionnel, et ce,
particulièrement lorsque le client est référé par des programmes d’aide aux
employés et par Emploi-Québec.
195
4.7 Suggestions d’amélioration de la profession
Les conseillers d’orientation interviewés ont fait part de certaines suggestions en
matière d’amélioration de la profession de conseillers d’orientation, et ce, en lien
avec la problématique de l’épuisement professionnel. L’analyse des entrevues
permet de faire ressortir particulièrement les quatre thèmes présentés dans le
tableau suivant :
Tableau 25
Thèmes émergeants et définitions opératoires concernant les suggestions
d’amélioration de la profession de conseillers d’orientation en lien avec
l’épuisement professionnel
Thèmes émergeants Définitions opératoires
Valorisation de notre
spécialisation
Proposition de faire reconnaître les compétences
spécifiques des conseillers d’orientation en matière
d’intervention avec des gens en situation
d’épuisement professionnel.
Rôle de prévention Proposition d’augmenter les activités effectuées par
les conseillers d’orientation en matière de
prévention de l’épuisement professionnel.
Bonification des
connaissances
Proposition d’augmenter et de parfaire les
connaissances des conseillers d’orientation en
matière d’intervention avec des gens en situation
d’épuisement professionnel.
Favorisation de
regroupements
Proposition d’augmenter les échanges entre les
conseillers d’orientation concernant l’épuisement
professionnel, et ce, par le biais d’activités ou de
regroupements qui améliorent la concertation.
196
Valorisation de notre spécialisation
La valorisation de notre spécialisation fait référence, dans le cadre de cette analyse,
à la proposition de faire valoir les compétences spécifiques des conseillers
d’orientation en matière d’intervention avec des gens en situation d’épuisement
professionnel. Comme le mentionne la C.O. no 8, l’accompagnement des gens en
situation d’épuisement professionnel devrait être notre expertise :
Ça devrait être notre expertise parce qu’on est les spécialistes du milieu-personne; […] j’ai déj{ travaillé avec une psychologue, elle était compétente et c’était vraiment une bonne personne, [...] mais elle était individu-individu. Elle n’avait pas autant de placement que moi, pas parce que j’étais meilleure qu’elle, non, parce que moi, j’ai le marché du travail tout le temps en background, je pense toujours à ça, moi. (C.O. no 8)
Elle ajoute également un peu plus loin : « […] c’est notre créneau aux conseillers
d’orientation, absolument. On devrait être les spécialistes de l’épuisement
professionnel, les conseillers d’orientation ». Le C.O. no 1 croit aussi que les
conseillers d’orientation possèdent une expertise { faire valoir :
On est supposés être les spécialistes de la relation entre l’individu et l’environnement. Puis, si eux autres (psychologues) sont focalisés sur l’individu, les travailleurs sociaux sont focalisés sur l’environnement, nous autres on fait le merge entre les deux. Puis, le médecin, c’est plus l’environnement biologique de la personne. Donc nous autres, on est plus, on a plus une vision d’ensemble, il y a la personne mais il y a aussi l’environnement dans lequel la personne doit fonctionner; […] Je pense qu’elle est là notre spécificité. (C.O. no 1)
Et comme l’ajoute le C.O. no 4, « […] on est équipés pour ça, on a l’interface parfaite
entre le monde du travail et la psychologie ». De plus, la C.O. no 5 mentionne : « Il me
semble qu’on pourrait être des psychologues, mais reliés vraiment à des problèmes
de travail ». La C.O. no 3 va même jusqu’{ mentionner une certaine déception en lien
avec le manque d’affirmation des compétences des conseillers d’orientation :
197
[…] je ne peux pas croire qu’on se questionne encore sur le rôle du conseiller d’orientation pour les compagnies d’assurances. Mais voyons! On est aussi importants que dans les écoles. […] Ce que je déplore un peu de ma profession, c’est de prendre, d’être plus audacieux et d’affirmer dans quoi on est bons, […] et je crois que les conseillers d’orientation devraient être beaucoup plus présents et affirmatifs dans ce qu’ils peuvent faire. (C.O. no 3)
Également, comme le souligne la C.O. no 2, le conseiller d’orientation est le mieux
placé pour l’accompagnement lors de la réintégration sur le marché du travail :
[…] c’est eux qui vont aider une personne à se redéfinir éventuellement. C’est eux qui vont aider la personne aussi { identifier la place, le rôle qu’elle a le goût de jouer sur l’échiquier professionnel. C’est eux, je vois pas d’autres personnes que les conseillers d’orientation pour faire ça. […] L’épuisement, tu ne peux pas juste, comme je te disais tantôt, accompagner la personne dans son marasme primaire au tout début. Puis il y a tout le reste ensuite, la renaissance, c’est le conseiller d’orientation qui va accompagner ça, il n’y a personne d’autre. (C.O. no 2)
Il y a donc un travail de reconnaissance de la profession à faire particulièrement en
entreprise, comme le souligne le C.O. no 4 :
[…] oui, il y a déj{ certains conseillers d’orientation qui sont déj{ l{, mais c’est très limité en termes de reconnaissance de ce que les conseillers d’orientation peuvent faire dans le cadre d’un programme d’aide aux employés. On peut couvrir beaucoup plus large que les simples problèmes de gambling, d’alcoolisme, des troubles de santé mentale, ça peut aller beaucoup plus de l’avant. (C.O. no 4)
Selon lui, les conseillers d’orientation devraient bonifier les offres de services { la
population pour faire valoir leurs compétences :
Ils devraient arrêter d’être dans une chaise et attendre que le client vienne et eux trouver la façon d’aller dans le milieu de travail, faire des séminaires, de la communication, offrir des ressources puis at large, on est beaucoup trop dans notre petit bureau en train d’attendre que quelqu’un arrive. Ça, ce serait vraiment quelque chose d’extraordinaire. (C.O. no 4)
198
Toujours selon le C.O. no 4, l’affirmation de notre positionnement en matière
d’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel devrait être
plus directe :
[…] c’est l’aspect d’être justement plus entreprenant, d’aller vers l’avant, vers les autres, dans la face des autres pour utiliser l’anglicisme in your face; on existe, voici ce qu’on est, voici le marché du travail, voici des ressources pour vous puis tout simplement maintenir un positionnement social utile comme ça, proactif envers les autres. (C.O. no 4)
Plus précisément, la C.O. no 3 propose de […] faire des démarches de gestion de
carrière { l’interne en entreprise. Moi, je trouve qu’un peu comme en France où tous
les employeurs font des bilans de compétences annuels, qu’on fasse des bilans de
compétences ». Le C.O. no 4 ajoute quant à lui :
Les gens sont isolés au travail, selon mon expérience à moi en tout cas; si j’ai déj{ entendu qu’un employé était capable d’aller cogner à la porte d’une personne des ressources humaines, de s’asseoir et de parler des vraies choses, ça remonte à très loin. La plupart des employés sont assez intelligents pour savoir qu’il y a un conflit d’intérêts quand tu vas aux ressources humaines; […] je pense que le terrain est l{ mais malheureusement peut-être, ce que je vois beaucoup pour nous, les conseillers d’orientation, on a tendance { toujours regarder l’Ordre […] alors c’est pour ça que ça ne fonctionne pas. (C.O. no 4)
Ainsi, à la lumière des suggestions de ces six conseillers d’orientation, les conseillers
d’orientation devraient développer des moyens pour faire valoir leurs compétences
spécifiques et leur expertise en matière d’accompagnement auprès de gens en
situation d’épuisement professionnel.
Rôle de prévention
Le rôle de prévention fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la proposition
d’augmenter les activités effectuées par les conseillers d’orientation en matière de
prévention de l’épuisement professionnel. Comme le souligne le C.O. no 6, le rôle des
199
conseillers d’orientation est important en matière de prévention de l’épuisement
professionnel :
[…] en termes de prévention du burnout, notre rôle est fondamental; […] ce n’est pas vrai que c’est juste les conseillers d’orientation qui vont sauver la situation, mais en guise de culture préventive, depuis qu’on est inscrits dans les professions de la santé au Québec, on est maintenant inscrits dans ce sous-chapeau là. (C.O. no 6)
La prévention de l’épuisement professionnel devrait se faire dans les entreprises,
comme le souligne le C.O. no 4, grâce à cette analogie :
Fondamentalement, un rôle de prévention; […] j’allais au secondaire, il y avait une infirmière qui était là quand les élèves avaient des bobos. Déjà, ils avaient prévu quelque chose pour un accident ou quelque chose qui se passait. On peut avoir un scénario semblable à ça dans les entreprises. (C.O. no 4)
Et comme le précise la C.O. no 3, c’est « […] essayer de travailler avec des
compagnies d’assurances puis rencontrer des entreprises privées, des employeurs,
c’est de travailler sur la prévention ». Enfin la C.O. no 2 propose elle aussi de faire
des activités de prévention sous forme de groupes dans les entreprises : « […] des
groupes pour des personnes qui souffrent d’épuisement et de prévention dans les
entreprises ». Elle ajoute également que « la prévention, ça pourrait se faire dans les
écoles. Je trouve que c’est une manière; les relations de travail, comment on installe
dans sa vie une relation de travail saine, me semble que ça s’enseigne { l’école, dans
une entreprise ».
En conclusion, selon ces quatre conseillers d’orientation, la prévention de
l’épuisement professionnel est un rôle qui devrait être également assumé par les
conseillers d’orientation, et ce, particulièrement en milieu de travail.
200
Bonification des connaissances
La bonification des connaissances fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la
proposition d’augmenter et de parfaire les connaissances des conseillers
d’orientation en matière d’intervention avec des gens en situation d’épuisement
professionnel. Comme le soulèvent quelques-uns des conseillers d’orientation
interviewés, pour être certain que les conseillers d’orientation possèdent toutes les
connaissances nécessaires pour intervenir auprès de la clientèle en épuisement
professionnel, on devrait s’assurer de parfaire les connaissances de tous et chacun.
Pour le C.O. no 1, cela devrait faire partie des apprentissages en milieu scolaire :
« Seule chose que je peux dire, c’est que moi, j’insisterais pour ça fasse partie de la
formation de base, que ça fasse partie des cours de counseling de carrière. […] Me
semble que c’est quelque chose qui fait partie du kit de base. » Le C.O. no 6 suggère
quant à lui une révision des formations de base en fonction de la réalité du marché
du travail : « Je pense que nos formations de base ont un énorme et gros rôle à jouer
de refonte pour mieux arrimer la formation en fonction de la réalité de la pratique
de l’orientation, avec tout ce que cela implique, dont les problématiques clés. Pas
clés, mais fondamentales, cruciales ». Pour la C.O. no 2, l’acquisition de certaines
connaissances spécifiques doit être aussi favorisée :
Je me dis que ce serait intéressant et important que la personne connaisse un peu le DSM IV. […] Je te dirais de l’axe II et de l’axe I aussi. Quelqu’un qui se développe { travers ça une dépression majeure, il faut aussi accompagner ça. Et quelqu’un aussi qui a des troubles d’anxiété importants, il faut aussi accompagner ça. […] Sans nécessairement suivre une formation en psychothérapie complète, du moins aller chercher des perfectionnements pointus sur différentes notions d’accompagnement, notamment des combinaisons d’épuisement et de troubles pouvant survenir. (C.O. no 2)
Dans le même ordre d’idées, la C.O. no 5 propose aux conseillers d’orientation qui le
souhaitent, de suivre une formation en psychothérapie : « Bien ce serait à lui (le
conseiller d’orientation) de développer l’aspect psychothérapeutique si vraiment il
201
le souhaite, […] mais il y en a qui ne veulent rien savoir d’avoir une approche plus
psychologique ».
En résumé, selon ces quatre conseillers d’orientation, il serait intéressant de
favoriser l’apprentissage des connaissances nécessaires pour accompagner des
clients en situation d’épuisement professionnel, autant pour les étudiants que pour
les conseillers d’orientation sur le marché du travail.
Favorisation de regroupements
La favorisation de regroupements fait référence, dans le cadre de cette analyse, à la
proposition d’augmenter les échanges entre les conseillers d’orientation concernant
l’épuisement professionnel, et ce, par le biais d’activités ou de regroupements qui
améliorent la concertation. Pour le C.O. no 6, une proposition est d’augmenter le
nombre d’activités de codéveloppement : « Donc le partage, d’instaurer beaucoup
plus une culture d’échanges, plus de vase communiquant de nos pratiques ». La C.O.
no 8 partage le même point de vue : « C’est sûr que je prône le social, la solidarité, la
concertation et tout ça; mettre nos idées ensemble ». Et tout ça en mettant l’accent
sur la façon d’intégrer toutes ces connaissances dans la pratique, comme le souligne
le C.O. no 6 :
[…] on n’arrête pas de prendre des outils, on accumule des techniques oui, mais comment je fais sens de tout ça dans ma pratique? C’est ça que les conseillers d’orientation ont beaucoup besoin d’entendre aussi. […] Comment tu l’intègres dans ta pratique? Comment tu travailles avec tes clients? Dans nos colloques, il faudrait plus se parler entre nous de comment on travaille, de ce qu’on fait. (C.O. no 6)
Pour le C.O. no 4, on devrait même fonder une association professionnelle :
La fondation d’une association professionnelle des conseillers d’orientation. Puis pour les problèmes d’épuisement professionnel ou une proactivité au niveau du marché du travail, d’être très clairs. Ici, c’est des conseillers d’orientation qui se spécialisent pour le travail, pas
202
le scolaire. Pour le professionnel; puis vraiment agressifs avec une planification à long terme, 10 ans, parce qu’il faut changer les perceptions sociales. (C.O. no 4)
La C.O. no 8 partage cette idée : « C’est sûr que ça prendrait une association de
conseillers d’orientation. Un moment donné, il était question d’avoir une association
de tous les conseillers d’orientation puis finalement, l’idée est tombée { l’eau ».
En conclusion, selon ces trois conseillers d’orientation, la concertation entre
conseillers d’orientation au sujet de la thématique de l’épuisement professionnel
devrait être augmentée. Ils suggèrent que cette concertation se fasse sous forme de
codéveloppement ou par la création d’une association professionnelle.
203
5. Discussion
L’analyse des huit entretiens qualitatifs a permis de dégager plusieurs observations
quant aux perceptions des conseillers d’orientation relativement { l’épuisement
professionnel. En comparaison avec les connaissances scientifiques contenues dans
le cadre conceptuel et la problématique de cette recherche, certaines similitudes et
divergences se dégagent des propos recueillis par les conseillers d’orientation
œuvrant auprès d’une clientèle en situation d’épuisement professionnel.
5.1 Les causes de l’épuisement professionnel
Le premier constat concerne la variété de causes observées par les conseillers
d’orientation influençant le développement de l’épuisement professionnel. Les
causes sont multiples et peuvent être autant individuelles, organisationnelles que
sociales. Ce constat de variété est identique aux conclusions de multiples recherches
scientifiques à ce sujet, conclusions présentées dans le premier chapitre de cette
recherche.
Facteurs individuels
Parmi les facteurs individuels les plus observés, le manque de confiance est celui qui
ressort le plus. Il est directement en lien avec les conclusions d’Alacorn et al. (2009)
et le faible niveau d’estime de soi comme trait de personnalité pouvant être
responsable du développement de l’épuisement professionnel. Les standards trop
élevés chez les clients en épuisement professionnel ont aussi été soulignés. Ces
observations soutiennent notamment les conclusions de Freudenberger (1987) et
son approche psychologique. Comme le souligne ce dernier, les gens les plus
idéalistes et perfectionnistes sont plus susceptibles de souffrir d’épuisement
professionnel (Ibid.). L’incongruence de sens entre la personne et son milieu de
travail fait également écho { l’approche existentialiste de Pines (1996). Comme elle
204
le souligne, l’échec d’une personne dans la quête visant à donner un sens à son
existence contribue au développement de l’épuisement professionnel (Ibid.). Les
conseillers d’orientation ont fait le même constat auprès de leurs clients. Ces
derniers se retrouvent souvent dans des milieux de travail qui ne rejoignent pas qui
ils sont, ce qui occasionne de la souffrance en bout de ligne. Les observations
concernant les influences externes et la peur de l’affirmation sont également très en
lien avec les conclusions de Laborit (1986) et son concept d’inhibition de l’action.
Plus précisément, les clients se sentent coincés entre l’insécurité de quitter leur
travail (fuite) à cause de certaines influences externes et l’incapacité de modifier
leurs conditions de travail (combattre) par peur de l’affirmation. Dans ces
conditions difficiles, ils vont prendre la décision d’endurer la situation nocive pour
leur santé. En d’autres mots, cela entraîne des comportements de passivité chez les
clients que Laborit (1986) nomme le concept de l’inhibition de l’action. Enfin,
l’importance qu’un individu accorde au travail a également été soulignée. Cette
observation soutient les conclusions de Vallerand (2010) concernant le surplus de
passion au travail comme étant une cause de l’épuisement professionnel. Ainsi,
quand le travail devient presque l’unique source de valorisation du client et que tout
s’écroule, les impacts sont bien réels selon les conseillers d’orientation interrogés.
Facteurs organisationnels
Les facteurs organisationnels observés chez les conseillers d’orientation interrogés
vont tous dans le même sens que les conclusions de Maslach (2008). Comme le
précise cette dernière, lorsque la charge de travail est trop élevée, les employés vont
ressentir de l’épuisement émotionnel et physique après un certain temps, ce qui
contribue directement au développement de l’épuisement professionnel (Ibid.) Les
conseillers d’orientation interviewés ont fait le même constat chez leurs clients sur
le plan des exigences élevées. Ils ont aussi observé que lorsque la gestion des
ressources humaines est inadéquate à l’intérieur de l’entreprise, cela contribue à
l’augmentation des situations problématiques, comme les conflits relationnels par
exemple, ou comme le mentionne Maslach (2008), le faible soutien social. La
205
mauvaise gestion des changements dans l’entreprise contribue également au
développement de l’épuisement professionnel, selon les conseillers d’orientation
interviewés. Cette mauvaise gestion des changements crée notamment des pertes de
contrôle sur le travail, des sentiments d’iniquité et des conflits de valeurs. Enfin,
toujours selon les conclusions de Maslach (2008), le manque de reconnaissance est
aussi un facteur organisationnel observé par les conseillers d’orientation
interviewés et ayant un lien avec l’épuisement professionnel.
Facteurs sociaux
Les influences macroéconomiques ont aussi été soulignées par les conseillers
d’orientation et vont dans le même sens que les conclusions de Schaufeli et
Enzmann (1998) concernant l’augmentation de la charge de travail dans la société
d’aujourd’hui. Toutefois, les conseillers d’orientation ont également souligné un
élément qui se distingue du cadre conceptuel, soit l’influence des codes sociaux
normatifs dans le développement de l’épuisement professionnel. Parmi les codes
sociaux normatifs, la valorisation de l’argent et la valorisation des postes de haut
niveau s’y retrouvent et seraient aussi des causes de l’épuisement professionnel.
Selon les conseillers d’orientation interviewés, ils influencent la prise de décision
des gens et les entraînent dans des professions inadaptées pour eux, ce qui favorise
l’augmentation de la détresse psychologique.
5.2 Les conséquences de l’épuisement professionnel
Tout comme les conclusions des recherches scientifiques exposées plus tôt dans le
premier chapitre de cette recherche, les conseillers d’orientation ont observé de
nombreuses conséquences vécues par les clients en épuisement professionnel. En
comparaison avec les conséquences citées plus tôt, aucune n’est vraiment différente
de celles observées par Schaufeli et Enzmann (1998). Les incapacités cognitives, les
conséquences physiologiques (sommeil, alimentation), la perte de confiance en soi
206
ou même la passivité sont très présentes. Toutefois, selon les conseillers
d’orientation interviewés, certaines conséquences sont plus prédominantes que
d’autres. Selon eux, les sentiments de honte et de culpabilité, mais aussi les
sentiments d’inquiétude, d’angoisse et d’anxiété sont particulièrement présents
chez les clients en situation d’épuisement. Le phénomène de l’isolation a également
été très souvent observé par la majorité des conseillers d’orientation. De plus, ces
derniers attirent également l’attention sur la difficulté des clients à se projeter dans
l’avenir et sur une grande volonté de réorientation lors des consultations avec ces
clients, ce qui est relativement nouveau comme aspect.
Concernant la réaction de l’entourage familial, les résultats obtenus divergent
légèrement des conclusions de Maslach et Leiter (2008) qui soulignaient l’impact
négatif de l’épuisement professionnel sur la famille. En fait, selon plusieurs des
conseillers d’orientation interrogés, le noyau familial (conjoint(e), parents, grands-
parents, etc.) réagit relativement bien pour soutenir la personne en détresse
psychologique. Même que dans certaines situations, le congé pour invalidité est
salutaire et procure du temps supplémentaire pour vaquer à certaines tâches
familiales. Cette question pourrait { elle seule faire l’objet d’une autre recherche
pour vérifier l’impact réel de l’épuisement professionnel sur le noyau familial.
5.3 Diagnostics et pharmacothérapie
Contrairement à ce qui était énoncé au départ dans le cadre conceptuel, selon les
conseillers d’orientation interviewés, ce n’est pas tant le diagnostic du trouble de
l’adaptation avec humeur dépressive qui est majoritairement émis par les médecins
québécois. Le diagnostic qui semble le plus fréquemment observé est celui de la
dépression. Le trouble de l’adaptation, contrairement à la dépression, est une
réaction à un ou plusieurs facteurs de stress qui survient dans les trois derniers
mois de la vie du client (Mini DSM-IV-TR, 2004). Dans le cas de la dépression, la
durée est plus importante et les facteurs de stress, moins soudains. Lorsque
207
l’extension humeur dépressive est ajoutée, c’est pour rendre compte des sentiments
de désespoir du client dans certains cas (Ibid.). Mais comme le soulignent les
conseillers d’orientation interrogés, pour des raisons plus pratiques, permettant
notamment aux clients de rester plus longtemps en arrêt de travail et pour faciliter
les démarches auprès des compagnies d’assurances, des entreprises privées et des
instances gouvernementales, le diagnostic de dépression est le plus souvent
employé présentement par les médecins québécois.
Pour ce qui est de la prescription de médication pour traiter les symptômes de
l’épuisement professionnel, les observations des conseillers d’orientation
interviewés vont dans le même sens que les conclusions de Van Schaik et al. (2004),
c’est-à-dire que les médecins favorisent plutôt la prise d’antidépresseurs pour le
traitement de l’épuisement professionnel. Les conseillers d’orientation interrogés
ont observé que la majorité de leurs clients étaient sous médication lors des
consultations.
5.4 Le rôle des conseillers d’orientation
Les résultats obtenus soutiennent les propos suivants de Lafleur (1999) : « Certains
omnipraticiens peuvent assurer le suivi en psychothérapie, mais la plupart d’entre
eux préfèrent que leur patient consulte un psychiatre ou un psychologue » (p. 166).
Plus précisément, ce qui ressort des résultats, c’est effectivement la priorité de
référence qui est accordée aux psychologues pour le traitement de l’épuisement
professionnel au Québec. Les propos des conseillers d’orientation interviewés
soutiennent que les médecins, les compagnies d’assurances, les instances
gouvernementales et les entreprises privées vont préalablement référer la personne
en psychologie pour le traitement de l’épuisement professionnel. Le mandat qui est
accordé aux conseillers d’orientation en est un d’orientation, seulement après les
traitements psychologique et médical effectués par les psychologues, les psychiatres
et les médecins. C’est donc dire que le conseiller d’orientation se voit confier la
208
planification du retour au travail ou la réorientation, selon la décision que prendra
le client à la suite de son arrêt de travail. Seuls les conseillers d’orientation
accrédités en psychothérapie se voient confier des mandats de traitement. Ce
résultat est aussi en lien avec les autorisations gouvernementales concernant
l’évaluation des troubles mentaux, c’est-à-dire que seuls les conseillers d’orientation
possédant une formation supplémentaire en psychothérapie peuvent évaluer les
troubles mentaux, comme l’épuisement professionnel par exemple (Gouvernement
du Québec, 2009). Toutefois, lorsque les clients viennent consulter de leur propre
initiative, le constat est différent. Premièrement, ils peuvent être à différents stades
de l’épuisement professionnel, c’est-à-dire en pré-épuisement, en épuisement ou en
post-épuisement. Deuxièmement, les résultats obtenus démontrent que les
conseillers d’orientation ont développé un nombre considérable d’outils nécessaires
à l’accompagnement des gens en épuisement professionnel. La différence se situe
sur le plan de l’accréditation en psychothérapie; ceux qui possèdent l’accréditation
peuvent tout faire (psychothérapie, orientation, etc.), tandis que les autres
conseillers d’orientation vont référer, { l’occasion, les clients en psychologie, lorsque
les troubles psychologiques sont trop sévères. Toutefois, les résultats obtenus
démontrent que la majorité estime avoir les compétences spécifiques pour
intervenir sur le plan psychologique.
5.5 Stratégies d’intervention
Malgré le fait que la priorité de référence soit majoritairement accordée aux
psychologues, la présentation des résultats obtenus démontre que les conseillers
d’orientation ont développé plusieurs stratégies d’intervention adaptées aux gens
souffrant d’épuisement professionnel, et ce, autant en ce qui concerne ceux qui sont
accrédités en psychothérapie que ceux qui ne le sont pas. Sans aucune hésitation, les
conseillers d’orientation interviewés ont présenté les stratégies et les approches
qu’ils utilisent pour favoriser le rétablissement des clients épuisés. Le nombre
considérable de moyens présentés démontre que ces conseillers d’orientation sont
209
outillés pour ce genre de problématique. Ainsi, en comparaison avec les différentes
approches d’intervention individuelles, interactionnelles et organisationnelles
présentées dans le cadre conceptuel, il est possible de constater que les conseillers
d’orientation favorisent particulièrement les approches individuelles et
interactionnelles. En d’autres mots, les conseillers d’orientation rencontrés sont très
peu présents dans les entreprises. Les principales stratégies d’intervention vont se
faire en consultation individuelle avec les clients et de façon interactionnelle, c’est-à-
dire en considérant l’interaction de l’individu avec son milieu de travail, sans
toutefois se déplacer directement dans l’entreprise avec le client. Un seul des
conseillers d’orientation interviewés a mentionné avoir effectué un processus de
médiation avec l’employeur et le client, ce qui est très peu.
Stratégies d’intervention individuelles
Parmi les stratégies d’intervention individuelles détaillées dans le cadre conceptuel,
les conseillers d’orientation qui ont participé { cette recherche utilisent
principalement les stratégies suivantes : l’équilibre entre le travail et la vie privée, la
promotion d’une vie saine, la planification de carrière et la référence à des
traitements en pharmacothérapie au besoin. Plus précisément, en procédant à
l’évaluation des différentes sphères de vie du client, le conseiller d’orientation a
pour objectif de s’assurer que le client en épuisement professionnel n’est pas en
situation de surinvestissement, qu’il réussit { décompresser du stress au travail et
qu’il maintient, en bout de ligne, un équilibre entre le travail et la vie privée. Aussi,
en favorisant la reprise de loisirs et d’activités physiques et sociales, les conseillers
d’orientation visent la promotion d’une vie saine chez leurs clients. L’alimentation et
l’activité physique par exemple, sont de bons moyens, selon eux, pour faciliter le
sommeil et contrer l’isolement chez les clients en épuisement professionnel. La
planification de carrière est aussi une stratégie utilisée par les conseillers
d’orientation avec ce type de clientèle. Elle se fait de deux façons, soit par la
planification du retour au travail ou par la planification d’un changement d’emploi
ou de carrière. Le choix d’une stratégie ou d’une autre dépendra de ce que le client
210
prendra comme décision. Enfin, certains des conseillers interviewés n’hésitent pas {
référer aux médecins lorsque leurs clients ressentent tellement d’anxiété qu’un
traitement en pharmacothérapie s’avère complémentaire dans le processus
d’accompagnement. Ils reconnaissent que dans certaines situations, la
pharmacothérapie est utile et facilite tout le reste de la démarche avec des clients en
situation d’épuisement professionnel sévère.
Stratégies d’intervention interactionnelles
Pour ce qui est des stratégies d’intervention interactionnelles, c’est-à-dire les
stratégies qui tiennent compte de l’interaction entre l’individu et son
environnement de travail, les conseillers d’orientation interviewés mentionnent
utiliser l’entraînement des habiletés sociales, les techniques cognitives-
comportementales ainsi que certains éléments basés sur plusieurs approches
thérapeutiques différentes. L’analyse des dynamiques relationnelles, l’augmentation
des capacités d’affirmation des clients en milieu de travail et la planification du
retour au travail sont des moyens utilisés par les conseillers d’orientation pour
améliorer les habiletés sociales des clients. Selon eux, en étant en mesure de mieux
affirmer leurs besoins et leurs limites en milieu de travail, et ce, d’une façon plus
adaptée, les clients seront donc capables de créer et de maintenir des liens
professionnels plus significatifs avec les collègues et l’équipe de direction en
général. Également, les techniques cognitives-comportementales sont aussi utilisées
avec ce type de clientèle. Comme le spécifient Schaufeli et Enzmann (1998), cette
philosophie d’intervention est basée sur la modification de la perception cognitive
des stresseurs. Ainsi, en ciblant la distinction des responsabilités, la recherche de
sens et la planification du retour au travail, les conseillers d’orientation ont pour
objectifs de remettre les choses en perspective pour les clients et de modifier leurs
perceptions des événements stressants en milieu de travail. Enfin, les conseillers
d’orientation mentionnent aussi s’inspirer de plusieurs types de thérapies
différentes, mais sans jamais en mentionner une en particulier. En fait, selon les
résultats obtenus, les conseillers d’orientation interrogés utilisent plusieurs
211
éléments de différentes approches thérapeutiques, ce qui crée en bout de ligne une
approche éclectique.
Approche cognitive et comportementale
Plusieurs des techniques utilisées par les conseillers d’orientation sont cognitives et
peuvent être associées à différents éléments de la thérapie cognitive de Beck. La
réévaluation des croyances, des pensées et des comportements fait partie des
stratégies mises de l’avant par ces derniers pour accompagner les clients en
situation d’épuisement professionnel. L’exploration de l’historique de la personne et
des sphères de vie, les interventions visant la distinction des responsabilités, la
connaissance de soi, la valorisation des forces et des compétences et les
interventions de groupe sont tous des exemples de techniques cognitives visant à
aider les clients à modifier leurs perceptions des choses et des événements.
Approche systémique
Les conseillers d’orientation interviewés utilisent aussi une approche systémique
dans le traitement de l’épuisement professionnel, qui ressemble { l’approche
multimodale de Lazarus présentée par Jenkins et Palmer (2003). La ressemblance
vient du fait qu’ils partagent la croyance qu’une analyse de toutes les dimensions
doit être réalisée pour bien comprendre les causes et les conséquences de
l’épuisement professionnel chez les clients. En mettant l’accent sur l’exploration des
différentes sphères de vie du client et des liens entre chacune, les conseillers
d’orientation adoptent ainsi une approche systémique multidimensionnelle.
Approche existentialiste
Également, les propos recueillis auprès des conseillers d’orientation suggèrent une
prise en compte d’éléments en lien avec l’approche psychoanalytique-existentielle
proposée par Pines. L’aspect plus psychoanalytique, comme l’analyse des
212
expériences de jeunesse traumatisantes par exemple, n’est toutefois pas pris en
compte. En fait, c’est surtout l’approche existentialiste qui est mise de l’avant par les
conseillers d’orientation. Par l’exploration de l’historique du client (moments de
décision, expériences de travail, etc.) et grâce à des interventions visant la recherche
de sens, les conseillers d’orientation tentent de comprendre d’où provient la rupture
de sens chez le client en épuisement professionnel et comment le raccrocher de
nouveau { quelque chose d’énergisant et de stimulant.
Approche interpersonnelle
Aussi, les résultats démontrent l’utilisation d’une approche interpersonnelle qui
ressemble beaucoup à celle proposée par Weissman et al. (2000). L’analyse des
dynamiques relationnelles, l’amélioration des capacités d’affirmation, les
interventions de groupe et la planification du retour au travail sont des stratégies
d’intervention utilisées qui mettent l’accent sur l’analyse et l’ajustement sur le plan
des relations interpersonnelles.
Processus d’intervention
De plus, les résultats obtenus sont également en lien avec les conclusions du
programme néerlandais et de Bernier (1998) quant aux étapes du processus de
traitement des gens en situation d’épuisement professionnel. Plus précisément, la
relation d’aide et la réduction des symptômes physiques et émotionnels sont
également priorisées dans le traitement de l’épuisement professionnel. En
favorisant l’expression des émotions des clients, en priorisant la relation d’aide et en
effectuant des références aux médecins pour soulager les symptômes physiques de
l’épuisement professionnel, les conseillers d’orientation interviewés démontrent
l’importance qu’ils accordent au rétablissement de la santé du client avant même de
planifier le futur. Toutefois, contrairement au programme néerlandais,
l’accompagnement des clients, dans la majorité des cas, ne se fait pas lors du retour
au travail. Il est aussi possible de constater que les propos des conseillers
213
d’orientation interviewés vont dans le même sens que les conclusions de Lafleur
(1999). Comme le spécifie ce dernier, il faut prévoir deux processus de traitement
différents en fonction de l’ouverture des clients { prendre contact avec leur
souffrance. Les conseillers d’orientation ont mentionné avoir vécu de plus grandes
difficultés avec des clients qui avaient une incapacité d’introspection. Les approches
cognitives semblent donc être mieux adaptées lors de la rencontre avec ce type de
clients en situation d’épuisement professionnel.
Pour conclure, l’analyse des résultats obtenus, en comparaison avec les stratégies
d’intervention contenues dans le cadre conceptuel, démontre que les conseillers
d’orientation interviewés ont une approche éclectique en matière
d’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel. Ils utilisent
plusieurs des éléments contenus dans les approches suivantes : cognitive-
comportementale, systémique, existentialiste et interpersonnelle. Les résultats
obtenus ont également démontré que les conseillers d’orientation interrogés visent
préalablement le rétablissement de la santé et s’ajustent en fonction de la capacité
d’introspection du client, ce qui est en lien avec les conclusions du programme
néerlandais, de Bernier (1998) et de Lafleur (1999) respectivement.
214
6. Conclusion
Pour bien conclure cette recherche qualitative, il est important de se rappeler la
question de recherche de départ, soit : comment les conseillers d’orientation
accompagnent les personnes en situation d’épuisement professionnel? Plus
spécifiquement, les objectifs de cette recherche consistaient en l’exploration du
point de vue subjectif des conseillers d’orientation quant à la nature de
l’épuisement professionnel (causes), au portrait de la clientèle (conséquences et
situation générale), aux stratégies d’intervention privilégiées et au rôle de ceux-ci
dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.
6.1 Les apports de cette recherche
La réalisation de cette recherche a permis de fournir beaucoup d’éclaircissements
sur le point de vue des conseillers d’orientation quant au phénomène de
l’épuisement professionnel et particulièrement sur leur rôle et les stratégies
d’intervention privilégiées dans l’accompagnement des gens en situation
d’épuisement professionnel.
Éclaircissement des causes et des conséquences
Tout d’abord, le fait que les conseillers d’orientation interrogés aient observé que
les causes et les conséquences de l’épuisement professionnel sont multiples permet
de réaliser que l’épuisement professionnel n’est pas simplement la conséquence
d’un mauvais choix de carrière par exemple. Il peut être occasionné par de multiples
facteurs individuels, organisationnels et sociaux qui s’entrecroisent. Donc, le fait de
mieux comprendre les différentes causes et conséquences de l’épuisement
professionnel permet aussi de mieux comprendre les enjeux et les difficultés
possibles mais surtout, cela permet de mieux orienter les stratégies d’intervention
pour tenir compte de cette multiplicité.
215
Éclaircissement du rôle des conseillers d’orientation
Les résultats obtenus fournissent également un éclairage sur le rôle que jouent
présentement les conseillers d’orientation en lien avec la problématique de
l’épuisement professionnel. Tout d’abord, ils permettent d’appuyer les propos de
Lafleur (1999), c’est-à-dire qu’effectivement, les références pour le traitement de
l’épuisement professionnel se font majoritairement aux psychologues. Les résultats
obtenus permettent aussi de comprendre qu’il y a une distinction { faire entre les
conseillers d’orientation accrédités en psychothérapie et ceux qui ne le sont pas. Les
premiers se voient référer des mandats de traitement et d’orientation et les seconds,
seulement des mandats d’orientation. Donc effectivement, cela crée une confusion
dans la population quant au rôle des conseillers d’orientation dans
l’accompagnement des gens en situation d’épuisement professionnel. Et pour ce qui
est des clients qui prennent eux-mêmes l’initiative de consulter, le constat est
sensiblement le même, c’est-à-dire que les conseillers d’orientation accrédités en
psychothérapie peuvent tout faire et les autres conseillers d’orientation vont parfois
référer en psychologie les gens ayant des troubles plus sévères. Toutefois,
accréditation en psychothérapie ou pas, les différentes techniques et approches
d’intervention décrites dans la présentation des résultats démontrent que les
conseillers d’orientation sont outillés pour l’accompagnement des clients en
situation d’épuisement professionnel. Ainsi, dans la pratique, les conseillers
d’orientation non accrédités accompagnent déjà, en grande partie, les clients qui
consultent par eux-mêmes pour un traitement psychologique de l’épuisement
professionnel, et ce, même si auprès des médecins, des compagnies d’assurances,
des entreprises privées et des institutions gouvernementales, leur rôle n’est pas
complètement reconnu à ce titre. Comme le soulignent les conseillers d’orientation
interviewés, beaucoup de travail reste à faire pour faire valoir auprès de l’opinion
publique les compétences spécifiques des conseillers d’orientation quant au
traitement de l’épuisement professionnel. Le réflexe dans la population demeure
préalablement la consultation d’un psychologue.
216
Exploration des stratégies d’intervention
Les résultats obtenus permettent également de comprendre que les conseillers
d’orientation interrogés ont développé de nombreux outils pour accompagner les
gens en situation d’épuisement professionnel. Cette recherche permet aussi de
réaliser qu’ils utilisent une approche éclectique, c’est-à-dire qu’ils utilisent plusieurs
éléments propres à différentes approches (cognitive-comportementale, systémique,
existentialiste et interpersonnelle). Mais par-dessus tout, cette recherche permet de
dresser un portrait somme toute assez exhaustif des stratégies d’intervention
utilisées par les conseillers d’orientation pour favoriser le rétablissement des
personnes en situation d’épuisement professionnel, ce qui est, en soi, un de ses plus
grands apports.
Difficultés rencontrées
Cette recherche a également permis d’explorer les différentes difficultés qui peuvent
survenir avec ce type de clientèle en épuisement professionnel. À cet égard, les
résultats démontrent que les incapacités d’introspection des clients, leurs difficultés
financières, leurs exigences élevées, leur passivité, la longueur des processus et le
peu de temps accordé par certains mandataires sont des difficultés que les
conseillers d’orientation rencontrent avec ce type de clientèle. La connaissance de
ces difficultés peut être un bon moyen, pour tous les professionnels qui souhaitent
œuvrer avec des clients en épuisement professionnel, d’ajuster les stratégies
d’intervention.
Volonté de développement
Les confusions observées concernant le rôle des conseillers d’orientation en lien
avec l’épuisement professionnel ont fait ressortir une volonté de développement. En
d’autres mots, les conseillers d’orientation interviewés ont exprimé le souhait que la
profession se dote de moyens pour changer les perceptions de la population quant à
217
leur rôle dans le traitement de l’épuisement professionnel. Les suggestions
proposées concernent la valorisation de la spécialisation, l’augmentation des
activités de prévention, la bonification des connaissances et la création de
regroupements professionnels.
6.2 Les limites de cette recherche
Une des plus grandes limites de cette recherche est le nombre de conseillers
d’orientation ayant été sélectionnés. Le fait d’avoir recueilli les propos de seulement
huit conseillers d’orientation fait en sorte que la saturation des données n’a pas été
totalement obtenue. Ce manque de données a des répercussions à certains endroits
dans la présentation des résultats. Pour certains thèmes, seulement trois conseillers
d’orientation, sur une possibilité de huit, convergent vers la même idée, ce qui
diminue la force des résultats. Étant donné que cette recherche est de nature
qualitative, la généralisation des résultats { l’ensemble des conseillers d’orientation
n’était toutefois pas un objectif. Ainsi, des recherches quantitatives supplémentaires
seraient nécessaires pour valider certains des résultats obtenus dans cette
recherche.
L’inexpérience de l’enquêteur dans le processus de collecte de données peut aussi
avoir joué un rôle sur la rigueur des informations recueillies et sur la qualité du
questionnaire d’entretien. Des pertes d’informations significatives et le manque
d’uniformité des réponses d’un entretien { l’autre peuvent en être les principales
conséquences. Par exemple, ce ne sont pas tous les conseillers d’orientation qui ont
abordé la question du diagnostic émis par les médecins. Dans un souci d’uniformité,
la question aurait dû être posée systématiquement à chacun des conseillers
d’orientation.
Enfin, le nombre élevé de sous-objectifs a permis de couvrir de nombreux sujets.
Toutefois, ce nombre élevé est aussi un inconvénient. Chacun des sous-objectifs
218
auraient pu, en soi, faire l’objet d’un entretien de recherche d’une durée d’une heure
pour aller davantage en profondeur dans les propos obtenus des conseillers
d’orientation interrogés. En d’autres mots, la volonté de couvrir plusieurs aspects
distincts concernant l’épuisement professionnel, lors de la détermination des
objectifs et de la conception du questionnaire d’entretien, a fait en sorte de diluer
quelque peu la consistance des réponses obtenues pour chacun des aspects.
6.3 Les retombées de cette recherche
La première retombée de cette recherche concerne spécifiquement les suggestions
d’approches et de stratégies d’intervention. Celles-ci peuvent très bien servir
d’inspiration pour la pratique de toutes les catégories de professionnels en relation
avec des clients en situation d’épuisement professionnel, et tout particulièrement
les conseillers d’orientation. En d’autres mots, les résultats obtenus permettent une
bonification des connaissances en matière d’accompagnement des clients en
situation d’épuisement professionnel. Ils fournissent aussi des pistes intéressantes
d’exploration supplémentaire dans le perfectionnement des connaissances et des
compétences en lien avec l’épuisement professionnel.
Également, cette recherche pourrait inspirer de nouvelles recherches plus
approfondies sur certains aspects en particulier. Par exemple, d’après les résultats
obtenus, l’impact négatif de l’épuisement professionnel sur le noyau familial
demeure incertain. Des recherches quantitatives supplémentaires permettraient
aussi de généraliser les résultats concernant la perception des causes et des
conséquences de l’épuisement, la situation générale des clients, le rôle des
conseillers d’orientation ainsi que les stratégies et les approches d’intervention
qu’ils utilisent en matière d’accompagnement de clients en situation d’épuisement
professionnel.
219
Enfin, l’éclaircissement du double rôle des conseillers d’orientation (accrédités en
psychothérapie ou non) dans l’accompagnement des gens en situation d’épuisement
professionnel suscite aussi des questionnements sur le plan du développement de la
profession. En fait, si le but est de clairement faire valoir les compétences et le rôle
des conseillers d’orientation dans le traitement du trouble de santé mentale qu’est
l’épuisement professionnel, tout en respectant les exigences gouvernementales à cet
égard, il faudrait concrètement que l’ensemble des conseillers d’orientation soit
accrédité en psychothérapie. Dans le cas où le statu quo est privilégié, les conseillers
d’orientation continueront de se voir confier majoritairement des mandats
d’orientation et de réorientation à la suite du traitement de l’épuisement
professionnel par les médecins et les psychologues, { l’exception de ceux accrédités
en psychothérapie, comme c’est le cas présentement. Considérant la volonté de
reconnaissance des compétences exprimée par la majorité des conseillers
d’orientation interrogés, il y a lieu de se demander comment les membres de la
profession souhaiteraient se positionner dans le futur et quels seraient les moyens
pour y parvenir, maintenant que la confusion entourant leur rôle est davantage
dissipée.
220
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FFOORRMMUULLAAIIRREE DD’’IINNFFOORRMMAATTIIOONN EETT DDEE CCOONNSSEENNTTEEMMEENNTT ((ssuujjeett mmaajjeeuurr))
LLeess pprraattiiqquueess pprrooffeessssiioonnnneelllleess ddee ccoonnsseeiilllleerrss eett ddee ccoonnsseeiillllèèrreess dd’’oorriieennttaattiioonn
aauupprrèèss ddee ppeerrssoonnnneess eenn ssiittuuaattiioonn dd’’ééppuuiisseemmeenntt pprrooffeessssiioonnnneell.. ÉTUDIANT RESPONSABLE DE LA RECHERCHE Responsable du projet : ÉÉrriicc PPééllooqquuiinn Programme d’enseignement : Maîtrise en carriérologie Adresse courriel : [email protected] Téléphone : 450 881-0679 SUPERVISION DE LA RECHERCHE Responsable de la supervision : LLoouuiiss CCoouurrnnooyyeerr Programme d’enseignement : Enseignant à la maîtrise en carriérologie (UQÀM) Adresse courriel : [email protected] Téléphone : 514 987-3000, poste 3994 BBUUTT GGÉÉNNÉÉRRAALL DDUU PPRROOJJEETT EETT DDIIRREECCTTIIOONN Vous êtes invité à prendre part à un projet de recherche visant à explorer les pratiques professionnelles relatives au phénomène de l’épuisement professionnel. Plus spécifiquement, le projet vise à : 1) Décrire les représentations de conseillers d’orientation sur la nature de
l’épuisement professionnel. 2) Établir un portrait des types de clientèle qui consultent certains conseillers
d’orientation pour des raisons d’épuisement professionnel. 3) Exposer les méthodes d’intervention privilégiées par certains conseillers
d’orientation spécifiquement au syndrome d’épuisement professionnel. 4) Mieux comprendre les perceptions de certains conseillers d’orientation quant {
leur rôle dans l’accompagnement des clients en situation d’épuisement professionnel.
Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la production d’un rapport d’activité dirigée du programme de maîtrise en carriérologie de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Louis Cournoyer, professeur au département d’éducation et de pédagogie, en assure la direction.
234
PPRROOCCÉÉDDUURREE((SS)) Votre participation implique de réserver un moment (1 heure 15 minutes) pour répondre { des questions d’entrevue. La répartition du temps est la suivante : 15 minutes pour discuter des questions d’éthique relatives au consentement libre et éclairé, du respect de la confidentialité et de l’anonymat et du fonctionnement en général. L’heure suivante sera consacrée { l’entretien qui sera enregistré sur dictaphone numérique. Une fois les entretiens terminés, l’analyse de contenu effectuée et le rapport final complété, une copie de ce dernier vous sera envoyée en priorité. AAVVAANNTTAAGGEESS
Accès privilégié aux informations et aux résultats de recherche à la suite de la finalisation du rapport final;
Occasion de faire le point sur la pratique professionnelle en matière d’accompagnement de gens souffrant d’épuisement professionnel;
Contribution { l’enrichissement de votre pratique professionnelle; Libre espace de parole et d’expression de vos représentations personnelles, en raison de l’anonymat et de la confidentialité;
Sentiment de contribution à la recherche scientifique en général; Contact privilégié pour toute activité de diffusion des résultats de recherche au sein de votre milieu de travail dans le cadre d’une journée de formation continue, de colloque ou de conférence.
RRIISSQQUUEESS DD’’IINNCCOONNFFOORRTT Les seuls risques potentiels apparaissent être ceux que vous pourriez vous-même entraîner en divulguant des renseignements concernant votre milieu de travail selon la teneur des réponses que vous avez fournies. Nous vous suggérons donc d’éviter de telles divulgations, ainsi que de garder confidentielles les informations vous concernant et concernant l’identification de votre organisme, le cas échéant. AANNOONNYYMMAATT EETT CCOONNFFIIDDEENNTTIIAALLIITTÉÉ Les renseignements recueillis durant l’entrevue sont confidentiels. Seuls le chercheur étudiant et le directeur de recherche auront accès à ces informations. Les enregistrements audio, une fois transférés sur clés USB, seront immédiatement effacés du dictaphone numérique. Les formulaires d’information et de consentement ainsi que les enregistrements audio (sur clés USB) seront conservés dans un classeur fermé sous clé tout au long de la recherche et même par la suite. Le matériel sera détruit après deux ans suivant la diffusion des dernières publications.
235
PPAARRTTIICCIIPPAATTIIOONN VVOOLLOONNTTAAIIRREE Votre participation à ce projet est volontaire. À tout moment, vous êtes libre d’arrêter votre participation ou de retirer votre consentement, sans justification ou pénalité de quelque sorte. Votre accord à participer implique également que vous acceptiez que le responsable du projet puisse utiliser aux fins de la présente recherche (articles, conférences et communications scientifiques) les renseignements recueillis { la condition qu’aucune information permettant de vous identifier ne soit divulguée publiquement. CCOOMMPPEENNSSAATTIIOONN Aucune compensation ou rémunération financière n’est prévue. Cependant, une copie du rapport final de recherche vous sera communiquée, en priorité, une fois complété. DDEESS QQUUEESSTTIIOONNSS SSUURR LLEE PPRROOJJEETT OOUU SSUURR VVOOSS DDRROOIITTSS?? Si vous avez des questions ou des commentaires concernant votre participation ou le déroulement de la recherche, vous pouvez aussi communiquer avec M. Louis Cournoyer au 514 987-3000, poste 3994 ou par courriel { l’adresse suivante : [email protected]. Ce projet et son déroulement au plan éthique sont aussi approuvés par le directeur de la maîtrise en carriérologie, M. Juan Wood. Si vous souhaitez communiquer avec celui-ci pour des informations ou pour formuler une plainte { l’égard de la conduite de la démarche, vous pouvez le joindre au numéro suivant : 514 987-3000, poste 3883 ou par courriel { l’adresse suivante : [email protected]. RREEMMEERRCCIIEEMMEENNTTSS Votre collaboration est essentielle à la réalisation de ce projet et nous tenons à vous en remercier.
236
CCOONNSSEENNTTEEMMEENNTT LLIIBBRREE EETT ÉÉCCLLAAIIRRÉÉ
Les pratiques professionnelles de conseillers et de conseillères d’orientation
auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel. Je, __________________________________________, reconnais avoir reçu toute l’information
nécessaire concernant ce projet de recherche et consens volontairement à y
participer. Je reconnais aussi que le responsable du projet a répondu à mes
questions de manière satisfaisante et que j’ai disposé de suffisamment de temps
pour réfléchir à ma décision de participer. Je comprends que ma participation à
cette recherche est totalement volontaire et que je peux y mettre fin en tout temps,
sans pénalité d'aucune forme, ni justification à donner. Il me suffit d’en informer le
responsable du projet.
Signature du participant : Date :
Nom (lettres moulées) et coordonnées :
Signature du responsable du projet : Date :
238
Questionnaire d’entretien
1. Représentations de conseillers d’orientation sur la nature de l’épuisement professionnel
Question # 1 (définition) : Dans vos propres mots, comment décrivez-vous l’épuisement professionnel? Si relance : si vous aviez à le définir? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 2 (causes) : Selon vous, quelles sont les causes de l’épuisement professionnel qui vous apparaissent les plus importantes? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?
2. Portrait de la clientèle Question # 3 (situation) : Quelle est la situation, en général, de vos clients souffrant d’épuisement professionnel sur les plans médical, personnel, familial et en milieu de travail? Si relance : Font-ils appel durant cette même période { d’autres types de service professionnel ou de traitements particuliers (ex. : pharmacothérapie)? Si oui, lesquels par exemple? Si relance : Majoritairement, s’agit-il de personnes en emploi ou en arrêt de travail au moment de vous consulter? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 4 (difficultés rencontrées) : Qu’est-ce qui vous apparait le plus marquant comme difficultés rencontrées chez vos clients sur les plans personnel, interpersonnel ou professionnel? Si relance : Diriez-vous que ce sont davantage des difficultés personnelles ou des difficultés reliées aux caractéristiques du milieu de travail? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?
239
Question # 5 (effets) : À la suite des difficultés rencontrées chez vos clients, quelles sont les principaux effets observés sur leur manière de fonctionner physiquement et psychologiquement? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? 3. Approches et interventions privilégiées
Question # 6 (approches) : Sur quelle(s) approche(s) conceptuelle(s) vous basez-vous pour mieux comprendre le phénomène de l’épuisement professionnel et la réalité de vos clients qui en souffre? Si relance : Quelle(s) théorie(s), conception(s) ou auteur(s) inspire(nt) votre pratique professionnelle auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel? De quelle manière vous inspirent-ils? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 7 (courants) : Parmi l’ensemble des courants de la psychologie, lequel ou lesquels vous inspirent le plus dans votre travail auprès des personnes en situation d’épuisement professionnel? Si relance : Par exemple, diriez-vous que vous êtes davantage d’inspiration psychanalytique, humaniste/existentialiste, cognitivo-comportementale ou systémique? Qu’est-ce qui vous amène à dire cela? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 8 (processus) : Si l’on part du moment de la première rencontre jusqu’{ la finalisation du dossier, { quoi ressemble l’évolution de vos processus d’accompagnement avec des clients souffrant d’épuisement professionnel? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?
240
Question # 9 (stratégies d’intervention) Pourriez-vous me donner des exemples concrets de stratégies d’intervention ou encore d’activités pratiques que vous faites ou privilégiez avec vos clients en situation d’épuisement professionnel? (Faire dégager : l’objectif visé, les moyens mis en place, les effets attendus). Qu’est-ce qui motive ce ou ces choix? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 10 (difficultés d’intervention) : Lorsque vous intervenez auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel, qu’est-ce que vous-même pouvez rencontrer comme difficultés? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?
4. Rôle des conseillers d’orientation
Question # 11 : Selon vous, quel rôle les conseillers d’orientation ont-ils à jouer en matière d’accompagnement des gens en situation d’épuisement professionnel? Si relance : En quoi peuvent-ils jouer un rôle si l’on compare avec l’ensemble des professionnels déjà présents auprès de cette clientèle? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter? Question # 12 : Que suggéreriez-vous aux conseillers d’orientation qui souhaiteraient travailler davantage auprès de personnes en situation d’épuisement professionnel? Si relance : Y aurait-il des démarches à faire, des compétences à acquérir ou autre chose qui leur serait plus profitable de faire ou d’acquérir selon vous? Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter?
242
Protocole d’entretien
1. Accueillir chaleureusement le répondant et faire les présentations _________
2. Expliquer au répondant
a) Le but de l’entretien _________
b) Les avantages _________
c) Les inconvénients possibles _________
d) Le caractère confidentiel et les moyens de préservation _________
e) L’anonymat et les moyens de préservation _________
f) Le déroulement de l’entretien _________
g) La possibilité de retirer son consentement à tout moment _________
h) Le déroulement après l’entretien (rapport final) _________
3. Demander au répondant s’il a des questions et y répondre _________
4. Faire signer le formulaire de consentement libre et éclairé _________
5. Remplir les informations générales (âge, formation, etc.) _________
6. Installer le dictaphone numérique pour enregistrement _________
7. Demander au répondant s’il est prêt pour la suite; si oui, débuter _________
Une fois l’entrevue terminée
8. Cesser l’enregistrement _________
9. Demander au répondant comment il se sent à la suite de l’entrevue _________
10. Remercier chaleureusement le répondant _________